Quelques amendements d'obstruction
Pour la 1ère fois de la 5ème République, un gouvernement s'est donc rendu coupable d'obstruction dans la niche d'un groupe parlementaire d'opposition.
L'objectif : empêcher l'adoption d'un loi qui ne lui convenait pas. C'est un véritable coup de force antidémocratique !
Mais comme l'a dit Caroline Fiat : nous ne vous lâcherons pas !
Les insoumis ont démontré leur utilité nationale et leur capacité propositionnelle. Les insoumis ont su marquer dans l’opinion leur journée de niche ce qui est une satisfaction pour leur travail parlementaire. Hormis les fanatiques, les observateurs savent quelle maitrise et quelle cohésion politiques ont été déployées. Ensuite, un succès considérable a été remporté. Celui sur l’IVG. Un succès parce qu’il parle à toute la société. Parce qu’il inscrit la France dans une bataille mondiale sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Et l’ouverture du débat sur l’interdiction de la corrida fonctionne comme un compte à rebours désormais engagé avant l’interdiction effective. Enfin, sur le plan plus modeste de l’action purement politique, parce que la macronie ressort une fois de plus en lambeaux de l’épisode. Elle a manifesté des connivences d’enthousiasme et d’applaudissements avec le RN sur la corrida avant de s’enfoncer dans le mépris que lui voue désormais tous les élus des outre-mer.
Enfin, pour nous combattre, la macronie a franchi des caps inconnus. C’est ainsi la première fois qu’un gouvernement organise et participe par ses ministre à de l’obstruction parlementaire contre une niche législative de l’opposition. L’obstruction irresponsable a pris des proportions inouïes. Au total, il s’agit de 2 000 amendements et sous-amendements déposés sur l’ensemble de nos textes en séance. En direct ce sont 1 824 amendements déposés contre les 3 textes discutés : IVG : 671, Corrida : 836, Réintégration des soignants : 317. S’ils avaient été tous traités sans que nous retirions corrida il y en avait pour 60 heures de débat – à une vitesse modérée. C’est-à-dire 2 jours et demi sans dormir. La macronie c’est ça[0] !
Sources : Manuel Bompard |
La séance du Jeudi 24 octobre à l'Assemblée Nationale fait l'actualité de la journée.
Ici ou là, on dénonce l'ambiance électrique des débats pour jeter à nouveau le discrédit sur les parlementaires. Mais en réalité, que s'est-il passé ?
L'organisation des débats prévoit ce que l'on appelle des niches parlementaires[1]. Dans ce cadre, chaque groupe dispose d'une journée dans l'année pour inscrire à l'ordre du jour les propositions de loi de son choix. Ce jeudi 24 novembre, c'était le tour de la France Insoumise.
Chaque groupe peut inscrire autant de textes qu'il souhaite à l'ordre du jour. Mais les débats commencent à 9H et s'arrêtent quoi qu'il arrive à minuit. A cette heure là, si un texte n'a pas été voté, il ne peut pas être approuvé par les députés.
Ce jeudi, 24 novembre, nous avions choisi d'inscrire plusieurs textes à l'ordre du jour
Le groupe LFI présentera 12 propositions de loi et de résolution : création d'une commission d'enquête sur les liens #Macron et #Uber, hausse du SMIC, inscription de l'IVG dans la constitution, fin de la corrida, réintégration des soignants suspendus, etc[2] ...
Mercredi soir, nous avons remarqué que les groupes #LREM, #LR et #RN avaient déposé un très grand nombre d'amendements sur nos textes, pour nous empêcher de pouvoir notamment faire voter notre loi sur l'IVG et sur la corrida.
Comme le règlement le permet, nous avons donc décidé de retirer nos deux premiers textes (Pour une commission d’enquête UberFiles ; Pour l’augmentation du SMIC à 1600€ net )pour commencer directement par le débat sur l'IVG. Nous avions par ailleurs déposé un amendement de réécriture sur ce texte pour faire tomber de nombreux amendements d'obstruction.
Cela a parfaitement fonctionné.
Ainsi, nous avons réussi à faire voter par l'Assemblée Nationale l'inscription de l'IVG dans la Constitution.
C'est une victoire historique : la France peut être le 1er pays dans le monde à garantir constitutionnellement le droit à l'avortement !
Proposition de loi pour abolir la corrida[3]
Nous avons ensuite demandé le retrait des amendements d'obstruction loufoques déposés par des députés #LREM, #LR et #RN sur la corrida afin de permettre le débat. Mais ceux-ci ont refusé et n'ont pas voulu retirer un seul de ces amendements. (Plus de 800 amendements ont été déposés[4] il est impossible d'arriver au vote dans les délais impartis).
Nous avons donc été obligé de retirer ce texte la mort dans l'âme[4bis]. C'est un crève-coeur. Car nos camarades, et notamment le rapporteur Aymeric Caron, avaient beaucoup travaillé sur ce sujet. De nombreuses associations et citoyens attendaient ce moment avec impatience.
Avec le retrait contraint de ce texte, la proposition de loi sur la réintégration des personnels soignants[5] suspendus pendant la crise sanitaire s'est ouvert vers 17H30.
Il n'y avait que 20 amendements sur ce texte, soit environ 2 à 3 heures de débat avec les explications de vote.
Le débat a commencé dans des bonnes conditions. Vers 19H50, nous avons examiné un amendement de suppression déposé par un député #LREM et un député #LR. Ces amendements ont été largement battus : cela voulait donc dire qu'une majorité des députés soutenaient notre proposition.
A 20H, c'était la pause des débats. Lors de la reprise à 21H30, 200 nouveaux amendements avaient été déposé par les macronistes. Il s'agissait de purs amendements d'obstruction, remplaçant " personne " par " personnel " ou " n'exerçant " par " qui n'exercent "[6].
- Mais il y'avait un problème.
- Un député ne peut pas ajouter un " amendement " pendant l'examen d'un texte, mais seulement un " sous-amendement ". Or pour déposer leurs 200 sous-amendements, les macronistes s'étaient appuyé sur un amendement déposé par un député #LR absent à la reprise.
- Par conséquent, son amendement ne pouvait pas être examiné et les sous-amendements d'obstruction allaient tomber immédiatement. Nous allions donc pouvoir aller jusqu'au bout et voter cette loi !
Mais c'était sans compter sur le déni total de démocratie du gouvernement.
Car si un député ne peut pas ajouter un amendement en séance, le gouvernement dispose lui du pouvoir de le faire. Il gagna donc du temps avec des interventions interminables du ministre, des rappels au règlement et des interruptions de séance à répétition.
Puis, le gouvernement déposa un amendement identique à celui du député #LR non présent. Il récupéra donc les sous-amendements des députés #LREM qui sinon allaient disparaitre.
A 22H, il restait donc 200 amendements à examiner et il n'était plus possible de finir dans les temps.
Pour la 1ère fois de la 5ème République, un gouvernement s'est donc rendu coupable d'obstruction dans la niche d'un groupe parlementaire d'opposition.
L'objectif : empêcher l'adoption d'un loi qui ne lui convenait pas. C'est un véritable coup de force antidémocratique !
- Certains nous opposent une obstruction de notre part sur les retraites. Cela n'a rien à voir. Car le gouvernement, lui, peut prolonger des débats dans la nuit ou ouvrir de nouvelles journées sur un texte. L'obstruction fait alors durer le débat mais elle n'empêche pas l'adoption.
- D'autres nous disent que ce texte n'est pas acceptable et qu'il ne fallait pas l'adopter. Ce n'est pas le sujet. Car s'ils ont le droit de le penser, ils sont minoritaires à le croire. C'est l'Assemblée Nationale, dans sa majorité, qui décide si un texte est acceptable ou non !
- D'autres enfin cherchent à faire diversion en dénonçant telle ou telle parole prononcée dans l'hémicycle. Voilà par exemple que l'on cherche des noises au député guadéloupéen du groupe LIOT Olivier Serva car il a demandé de se taire à un député macroniste qui ne cessait de l'invectiver.
Il y'avait en effet de la tension et de la colère hier soir à l'Assemblée Nationale.
Comment s'en étonner quand des députés ont fait 10 ou 20 heures de vol pour venir voter et que le gouvernement leur empêche de le faire (députés Outre-mer et Territoires (LIOT)) ? Comment leur reprocher face à un tel passage en force ?
Pour notre part, nous continuerons de déposer les textes de loi qui nous semblent nécessaire pour faire avancer notre pays. Nous sommes fiers d'être le groupe à l'origine de l'inscription de l'IVG dans la constitution !
Quand à hausse du SMIC, la fin de la corrida, la réintroduction des soignants suspendus, la garantie d'autonomie pour les jeunes ou la titularisation des AESH, nous regrettons de ne pas avoir pu les débattre.
Mais comme l'a dit Caroline Fiat : nous ne vous lâcherons pas !... Mathilde Panot, interpelles la présidente de l'Assemblée Nationale par courrier[7] !
Mathilde Panot, Présidente du groupe parlementaire France insoumise
L'Assemblée Nationale adopte l'inscription de l'IVG dans la Constitution : " Je suis très émue de ce vote ce soir. Pour ces femmes qui luttent, partout dans le monde...cette victoire est pour vous ".
Notes :
[0] Jean-Luc Mélenchon : Jour de niche, jour riche
[1] À quoi servent les niches parlementaires ?
[2] Niche parlementaire 2022 : Le groupe LFI présentera 12 propositions de loi et de résolution qui seront examinées le 24 novembre en hémicycle
[3] Proposition de loi pour abolir la corrida
[4] Plus de 800 amendements ont été déposés
[4bis] Interdiction de la corrida : les débats sur la proposition de loi des insoumis empêchés
[5] Proposition de loi pour la réintégration du personnel de santé non-vaccinés grâce à un protocole sanitaire renforcé
[6] En minorité sur le texte permettant la réintégration des personnels non-vaccinés, le gouvernement et sa minorité déploient tous les artifices, multiplie les amendements pour bloquer les débats en empêcher le vote d'avoir lieu dans les temps impartis !
[7] Courrier adressé par Mathilde Panot, présidente du groupe , à Yaël Braun-Pivet, suite à l’obstruction gouvernementale de la niche du groupe LFI-NUPES du 24 novembre 2022
Pour en savoir plus :
- 49.3 : du libéralisme autoritaire à la Française
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