Au début du 20e siècle, le gouvernement français nourrit le projet d'intervenir en Ukraine et en Crimée pour secourir les forces anti-bolcheviques et mettre en échec la propagation de la tempête révolutionnaire
En décembre 1918, le pouvoir soviétique paraît aux abois.
Depuis six mois, le soulèvement de la Légion tchèque, manœuvré par les gouvernements français et britannique, a coupé la Sibérie et l’Oural de Moscou.
25 et 26 mai 1918, la Légion tchèque se soulève et sépare la Sibérie de l’URSS[1].
Avec l’aide monumentale de la Grande-Bretagne, de la France, des Etats Unis, du Japon, du Canada... les armées de l’amiral Koltchak marchent de la Volga vers le Kremlin.
24 décembre 1918 L’armée blanche sibérienne de Koltchak prend Perm et marche vers Moscou
En fait, les grands pays capitalistes sont intervenus en Russie dès la révolution pour tenter de mettre sur pied des armées contre-révolutionnaires, à terme démanteler le pays pour le plus grand profit de leurs grandes entreprises.
La France joue un rôle central en 1917/1918/1919 dans la constitution d’une alliance capitaliste internationale contre la Révolution russe Pourquoi la France joue-t-elle un tel rôle ?
🔴 La principale raison me paraît politique : des dirigeants nationalistes et impérialistes
Les dirigeants politiques (Clémenceau, Poincaré...) sortent de la Première Guerre mondiale en pleine euphorie. Ils vivent la France comme la nation militairement la plus forte de la planète d’où une responsabilité de puissance impérialiste principale. Ce comportement des dirigeants politiques est évidemment renforcé par le poids moral des principaux chefs militaires dans la population. Or, Foch comme Castelnau ou Franchet d’Espérey sont aussi profondément imbus de tradition nationaliste militariste conservatrice que les corps d’officiers autrichiens, russes, serbes et allemands dont le rôle a été si important dans le déclenchement de la guerre.
🔴 La France capitaliste a investi des sommes importantes en Russie
Avant et pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement français a mobilisé des moyens de propagande très importants pour pousser les citoyens à souscrire des emprunts d’État russes. Onze milliards et demi de francs-or ont ainsi été récoltés[3]. Trois banques françaises détiennent 30 % du capital des onze principales banques de la capitale tsariste. Plus du tiers des investissements industriels privés étrangers en Russie sont français en 1917. C’est surtout le grand patronat, d’une part français, d’autre britannique, qui pousse à profiter de la situation instable née de la révolution pour s’accaparer des richesses naturelles du pays.
🔴La préoccupation impérialiste permanente de Clémenceau
En décembre 1917, au moment où le gouvernement Clémenceau se heurte à de nombreuses difficultés militaires (la révolution d’Octobre a libéré de nombreuses divisions allemandes du Front de l’Est), sociales (grandes grèves de 1917, mutineries), politiques (les socialistes ont rompu l’Union sacrée[4][4bis], financières (lancement d’un nouvel emprunt d’Etat)... son principal souci, c’est en fait de contre-attaquer en Russie même, balayer les bolchéviks, répartir des zones d’influence économique avec les autres Etats capitalistes.
Le 23 décembre 1917, lendemain du début de la Conférence de Brest Litovsk, des représentants de la France et de la Grande-Bretagne se réunissent à Paris et concluent une convention pour le démembrement de la Russie en zones d’influence :
l’Angleterre se réserve les provinces baltes et le Caucase (surtout son pétrole) ;
la France choisit l’Ukraine de la Biélorussie à la Bessarabie et au Donetz (fer, charbon, bassin sidérurgique...) ainsi que les rives de la Mer Noire dont Odessa et la Crimée.
🔴Des dirigeants militaires conservateurs, va-t-en guerre contre le communisme
Foch, général en chef des armées alliées en 1918, pèse lourd dans les décisions prises par la France sur la fin de la guerre et dans les années suivantes. Or, il voit le combat contre le communisme comme une guerre classique avec ses fronts bien délimités. En mars 1919, convoqué à une réunion de chefs d’état pour donner son avis sur la question, il déclare " Le péril bolchéviste s’étend vers le Sud et vers la Hongrie, il faut l’arrêter à Odessa et à Lemberg[5]."
Avant même la fin de la Première Guerre Mondiale, le gouvernement français de Clémenceau se préoccupe plus de combattre les aspirations des peuples et préparer une intervention militaire directe en URSS que de finir rapidement la guerre contre l’Allemagne
En juin 1918, le général Louis Franchet d’Espérey, excellent d’un point de vue militaire, prend le commandement des armées alliées d’Orient à Salonique.En septembre, il dispose de forces imposantes pour passer à l’offensive : 8 divisions françaises (comprenant 18% de Sénégalais et Maghrébins), 6 divisions Serbes, 4 britanniques, 9 grecques et une italienne. En un mois, il bouscule les lignes bulgares et allemandes, pénètre largement en Serbie, entre dans Belgrade, obtient la capitulation de la Bulgarie, fait prisonniers 90000 Bulgares ainsi que l’armée allemande de Von Steuben[6].
L’armistice signé à Salonique le 29 septembre 1918 pour tout le Front d’Orient, libère les armées de Franchet d’Espérey qui pourraient pénétrer en Europe centrale sur les arrières allemands. D’ailleurs,le Haut commandement allemand réfléchit alors à un armistice sur tous les fronts.
Mais le gouvernement français préfère utiliser ces troupes françaises pour aider à la construction d’un Etat roumain militarisé au service de la France, préparer la naissance de la Pologne et la Tchécoslovaquie sur les mêmes bases, surveiller les peuples hongrois et bulgares, soutenir les armées blanches en Russie.
Ainsi, en octobre 1918, le général Franchet d’Esperey, commandant l’armée française des Balkans, reçoit l’ordre de stopper sa marche vers l’Europe centrale, de rassembler les troupes en Roumanie pour intervenir en Russie « afin d’y poursuivre la lutte contre les puissances centrales, mais encore pour réaliser l’encerclement économique du bolchevisme et en provoquer la chute ».
Dès la Première Guerre mondiale terminée, des troupes françaises d’Orient sont maintenues sous les drapeaux pour attaquer l’URSS
L’armistice du 11 novembre 1918 fait passer les troupes allemandes d’Ukraine sous commandement français pour affronter les rouges.Le gouvernement français est alors décidé à apporter le maximum de soutien au général Krasnov dans la zone du Don et au général Dénikine, commandant l’armée blanche du Sud.
Le 13 novembre 1918, une flotte alliée mouille devant Constantinople, prête à intervenir en URSS[7]. Elle comprend la deuxième escadre française, commandée par l’amiral Amet, et deux divisions de forces terrestres, avec le général Franchet d’Espérey.
Le 20 novembre 1918, des Russes blancs réunis à Jassy (en Roumanie, alliée de la France, où Berthelot et Franchet d’Espérey jouent un rôle très important) demandent officiellement à l’Entente (France, Grande Bretagne, Serbie...) l’envoi d’un corps expéditionnaire pour renverser les soviets[8].
Le lendemain, 21 novembre, Clémenceau brosse pour Franchet d’Espérey « un plan général pour l’isolement économique du bolchevisme en Russie en vue de provoquer sa chute ». Il s’agit d’occuper les ports et d’établir un « cordon sanitaire » : étouffer l’économie soviétique et isoler l’Europe de la contagion des idées révolutionnaires. L’importance donnée à l’occupation du Donbass montre bien que les objectifs économiques impérialistes priment[8].
Bientôt, la flotte "alliée" composée surtout de forces françaises débarque à Sébastopol (Crimée, 13 décembre) puis dans le port d’Odessa comme en pays conquis. En janvier 1919, viendront le tour des ports de Nikolaïeff et de Kherson.
Les unités françaises et alliées (Grecs, Polonais, Roumains...) opèrent conjointement avec les bandes séparatistes de Petlioura et de Gregoriev, avec les armées blanches de Krasnov dans la région du Don, de Denikine au Kouban.
Le 17 décembre 1918, le général français Borius débarque à Odessa avec la 156ème division. Trois compagnies de fusiliers marins aidées de "volontaires" russes et polonais prennent le contrôle du port ; 4000 Allemands gardent la gare et ses environs.
Le 25 décembre, la Crimée commence à être investie par des troupes françaises(débarquement du 175ème Régiment d’infanterie à Sébastopol).
Fin décembre et début janvier de nouveaux renforts français arrivent, par exemple le 8 janvier 1919, le 4ème Régiment de Chasseurs d’Afrique (unité d’élite qui a joué un rôle important dans l’offensive de septembre) et une compagnie de mitrailleuses.
Toutes ces troupes sont placées sous le commandement du général d’Anselmequi a commandé en 1918 le 1er Groupement de Divisions de l’Armée d’Orient.
Fin janvier 1919, l’armée française a la haute main des bouches du Danube aux bouches du Dniepr (Kherson) en passant par celles du Boug ( Nicolaïeff) et du Dniestr (Tiraspol).
🔴Les capitaux français sont majoritaires dans la société contrôlant l’arsenal de Nicolaieff où se construisent des destroyers, des croiseurs légers, des remorqueurs, des sous-marins. Deux régiments grecs viennent compléter le dispositif français dans cette ville.
🔴La France joue alors un rôle central dans l’accompagnement des armées blanches pour renverser l’URSS. D’Anselme maîtrise un puissant émetteur radio dans le Sud alors qu’en Sibérie ce sont également des Français qui manœuvrent la station d’Omsk, capitale de l’Etat fascisant de Koltchak. Des techniciens français sont attendus pour faire entrer les deux en relation.
Comprendre le capitalisme des années 1900 à 1925 : un monde sans aucun sentiment
La principale caractéristique du grand patronat qui a poussé aux guerres coloniales puis à la Première Guerre mondiale, c’est l’absence totale de respect de la vie humaine.
Le travailleur colonial doit rapporter le maximum de profit jusqu’à sa mort.
Du Congo belge à l’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961, un grand pays détruit par le colonialisme[9] ;
Colonisation française du Niger et du Tchad par la colonne Voulet Chanoine Joalland : un massacre de masse, un crime contre l’humanité (sur la base des archives militaires)[10][10bis] ;
11 août 1904 : le peuple herero de Namibie est écrasé par les troupes coloniales allemandes[11].
Le soldat doit accepter de se faire tuer pour sa nation (en fait, les profiteurs de son pays) avec courage, patriotisme et abnégation.
Ainsi, la majorité des militaires français de l’armée d’Orient sont des réservistes âgés de 30 à 50 ans. Mon grand-père, né en 1877, en a fait partie. Un nombre significatif de soldats de l’armée française d’Orient relève de la classe 1906 qui a fait son service puis a été rappelée pour toute la guerre.
Des équipages de la marine n’ont pas vu un port français depuis plusieurs années.
Les fantassins ont subi les pires conditions de vie et les pires boucheries. Et maintenant que la guerre contre l’Allemagne est terminée, voilà qu’on leur demande d’aller combattre en Russie.
Le civil russe suspecté de sympathie socialiste ou le soldat de l’armée rouge sont des fusillés en sursis
Les soldats français assistent à de fréquentes exécutions sommaires de bolcheviks présumés. A Kherson par exemple, un millier d’Ukrainiens soupçonnés d’attitude hostile aux armées blanches sont enfermés dans un hangar que l’artillerie française pilonne : le feu prend, aucun survivant. L’ordre fasciste règne dans les zones occupées par l’armée de Clémenceau et de Franchet d’Espérey.
De plus, les conditions de vie de l’armée française d’intervention en URSS sont catastrophiques
« Les services de l’arrière n’existent pas (...), le service postal est si mal assuré que les hommes restent plusieurs semaines sans aucune correspondance avec leurs familles (...), le service du ravitaillement est tel qu’en certains points des soldats français sont en partie vêtus d’uniformes hongrois (...) » (extraits du discours du député Kerguèzec revenant d’une mission d’enquête sur l’armée d’Orient).
Dans la marine, la discipline est insupportable, les brimades, corvées et mises aux fers incessantes.
6 février 1919 à Tiraspol éclate la première mutinerie française de la Mer Noire[12]
Tiraspol est une ville sur la rive gauche du Dniestr, intégrée dans la Russie fin 19ème siècle, début 20ème au sein du " gouvernement de Kherson " (Sud de l’Ukraine).
En 1918, l’armée française fait rapidement de Tiraspol un point d’appui essentiel de son dispositif. Par exemple, les chars d’assaut Renault livrés aux troupes françaises d’Odessa le seront par des chalands venant de cette ville située près de l’embouchure du Dniestr sur la Mer noire.
Début février 1918, une petite unité russe favorable à la révolution arrive devant Tiraspol en descendant la rive du fleuve. Elle tire quelques coups de canon et met en batterie des mitrailleuses.
Le général Berthelot, présent en Roumanie où il a joué un rôle militaire très important de 1916 à 1918, décide d’envoyer des forces conséquentes pour ne pas prendre de risque : un train blindé, des chars d’assaut, des unités françaises de zouaves, des Tchèques, des Polonais... En fait, la défense de Tiraspol est essentiellement assurée par le 58ème Régiment français d’infanterie et les soldats de cette grosse unité n’ont guère envie de combattre les Russes. Il a suffi le 4 février, d’un petit mouvement de repli pour que des militaires des 6ème, puis 5ème et 7ème compagnies abandonnent leur poste.
Après une période de repos, de reprise en mains et d’arrivée de renforts, le colonel Lejay veut lancer l’attaque pour reprendre Tiraspol, en commençant par une préparation d’artillerie. Sont également présents, côté français une unité du 501ème Régiment d’Artillerie d’Assaut et un bataillon du Régiment de Marche d’Afrique...Mais les artilleurs concernés refusent de faire avancer leurs engins, encore plus de tirer.
Les officiers enferment ces artilleurs dans un petit périmètre afin d’éviter la contagion aux autres troupes. Arrivent alors les pioupious du 2ème bataillon qui prennent fait et cause pour les mutins ; leur commandant " réussit à rétablir une situation périlleuse " d’après le rapport.... Quelques heures plus tard, lorsque les officiers espèrent enfin relancer l’offensive, les mutins refusent à nouveau de marcher. L’autre bataillon les rejoint... Lorsque la dernière "unité fidèle" décide de rallier la sédition, l’enthousiasme est tel parmi les soldats que les officiers n’ont plus aucune autorité.
🔴Les arguments des mutins sont exposés très clairement dans le rapport qui suivra "La guerre est finie. L’armistice est signé. Nous nous sommes battus pendant quatre ans. Nous ne sommes pas en guerre contre les bolcheviques... "
Clémenceau réclame une sévérité extrême contre les mutins. Par contre les généraux présents dont D’Anselme et Franchet d’Espérey préfèrent une certaine souplesse " à une répression aveugle dangereuse à court terme ".
En fait, le 9 février, le régiment est à nouveau en ordre de marche. " Les recherches faites n’ont permis de découvrir aucun meneur " note le colonel Lejay en conclusion.
9 mars 1919, L’armée française évacue Kherson puis Nicolaieff Après les évènements de Tiraspol, les troupes françaises déployées sur les rives de la Mer noire essaient de " tenir " la vaste zone qui leur est attribuée. Les accrochages se multiplient avec les unités " rouges ".
Dans " 1919 : les illusions de la gloire" (Editeur Robert Laffont, 1979 [13]), Claude Paillat (pourtant loin d’être pro-bolchévique) développe l’analyse suivante à partir des documents d’époque " A l’évidence, la population, bon gré mal gré, faisait cause commune avec les révolutionnaires. Progressivement aussi, l’Armée rouge, en s’améliorant, faisait front. Son avance dans le Don et le Donetz remettait en cause les importants succès obtenus dans le Caucase par les Blancs. La propagande communiste parvenait à créer des failles chez les séparatistes ukrainiens, isolés, rongés par des "soviets d’ouvriers" et des "Comités de soldats". Notre situation, déjà précaire, s’effritait. Le risque de mutinerie augmente en effet dans les rangs des régiments Français ; des zouaves du 1er Régiment de Marche d’Afrique quittent leur unité et justifient leur attitude "Les officiers nous bourrent le crâne. On nous a trompés..."
Le 8 mars 1919, des détachements de l’armée rouge approchent de la ville de Kherson qui représente l’avant-garde française vers l’Est en direction des armées blanches.
Deux compagnies du 176e régiment d’infanterie s’opposent à un ordre d’attaque. " Aucun homme ne bougea... ; tous opposaient non seulement une force d’inertie que l’on sentait concertée d’avance mais encore un refus catégorique se traduisant par des murmures et des paroles d’indiscipline. " Face à un officier qui tente de les mener de façon rude les traitant de " lâches ", l’excitation monte, mais les soldats restent aussi fermes dans leur refus de combattre.
Le lendemain, 9 mars, l’armée française évacue le port et la ville de Kherson.
Bientôt,Nicolaieff est également abandonné malgré les capitaux français déjà investis.
Le 11 mars 1919, Franchet d’Espérey envoie un télégramme (7107/3) à Clémenceau président du Conseil " Nous n’avons plus comme adversaires actuels en Russie méridionale des bandes bolchéviques mais une armée bien commandée, encadrée, parfaitement disciplinée, rétablissant l’ordre à la place du désordre. Autour de nous, et, derrière nous, hostilité presque unanime de la population, dissolue et xénophobe, qui corrompt nos soldats et leur tire dans le dos dès que l’armée bolchevique apparaît. "
Le lendemain 12 mars, le général Berthelot envoie un télégramme à Clémenceau et Franchet d’Espérey de même teneur.
L’évacuation d’Odessa
Depuis le début de l’intervention militaire française en URSS, la ville d’Odessa a été mise en avant comme bastion mondial face au communisme.
Aussi, l’ordre qui règne dans cette grande ville occupée par l’armée de la république française relève bien plus de la dictature militaire fascisante que des du respect des droits de l’homme.
1er mars 1919, Jeanne Labourbe, institutrice communiste, est fusillée à Odessa[14] ;
L’ordre français règne à Odessa :
L’armée française essaie de miser sur une répression dure pour terroriser la population, ainsi le bombardement du village autour de l’usine traitant les eaux pour Odessa ;
Ainsi, encore à Odessa, l’exécution de deux civils à la mitrailleuse puis la pendaison de leurs corps aux grilles de la gare.
Cela ne faisait que monter un peu plus la population contre les soldats.
🔴Pourtant, le 14 mars, l’armée française décrète l’état de siège.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Art 7. - Aussitôt l’état de siège déclaré, les pouvoirs dont l’autorité civile était revêtue pour le maintien de l’ordre et la police passent tout entiers à l’autorité militaire ;
Art. 9. - L’autorité militaire a le droit :
1° - de faire des perquisitions, de jour et de nuit, dans le domicile des citoyens ;
2° - d’éloigner les repris de justice et les individus qui n’ont pas leur domicile dans les lieux soumis à l’état de siège ;
3° - d’ordonner la remise des armes et munitions, et de procéder à leur recherche et à leur enlèvement ;
4° - d’interdire les publications et les réunions qu’elle juge de nature à exciter ou à entretenir le désordre.
🔴La poursuite des mutineries parmi les militaires français - Le 21 mars, la 1ère compagnie du 40ème Régiment d’infanterie se met en grève sur le tas et " dépose ses équipements ".
- Le même jour, la compagnie du 19ème Régiment d’Artillerie de Campagne fait de même. Devant la justice militaire, les mutins affirment n’avoir aucune couleur politique mais assument leur acte " On se moque des conseils de guerre. On nous sacrifie pour des milliards. La guerre n’est pas déclarée contre les bolcheviques. Je n’ai pas de fonds russes. En France, on s’amuse ; ici on se fait tuer..."
- Le 22 mars, le développement du mouvement d’humeur atteint une compagnie du 15ème Régiment du Génie. Un gradé cherche à user de son autorité pour mater les soldats. L’Internationale est alors reprise en chœur par ces troupes qui devaient servir de bastion face au communisme international.
🔴 Le 29 mars, Clémenceau se trouve obligé d’ordonner l’évacuation d’Odessa et le repli sur la "ligne du Dniestr"
Le retrait se fait dans des conditions surprenantes.
L’attitude mutine de plusieurs unités se maintient, par exemple pour plusieurs groupes du 19e régiment d’artillerie à Odessa le 5 avril.
Des sapeurs du 7e génie fraternisent et laissent aux bolcheviks du matériel avant de quitter la ville.
20 avril 1919 : Les mutins de la Mer Noire hissent le drapeau rouge sur les vaisseaux de guerre français (le France, le Jean Bart, La Justice)
Du 10 au 30 avril 1919, se déroulent les grandes mutineries de marins.
En Roumanie, à Galatz, le chef mécanicien André Marty projette de s’emparer du torpilleur Protêt, d’enfermer les officiers et de rallier les bolcheviks à Sébastopol. Le complot découvert, il est arrêté le 16 avril et sera condamné à vingt ans de travaux forcés.
Le 17 avril, sur le croiseur France, des protestations éclatent ; quatre matelots sont enfermés, mais, deux jours plus tard, l’équipage révolté les libère, élit des délégués, exige le retour à Toulon.
Le 20, le drapeau rouge est hissé sur le France, le Jean-Bart, La Justice au chant de L’Internationale. L’après-midi, des marins qui manifestent dans Sébastopol avec la population essuient le feu de soldats grecs. Le calme revient les jours suivants, les délégués, d’abord seuls obéis, voient leur rôle décroître. Mais le Jean-Bart ainsi que le France regagnent Toulon et Bizerte.
Une autre mutinerie a lieu le 25 sur le Waldeck-Rousseau devant Odessa. Un comité de marins décide la révolte, exige la délivrance de Marty et le retour en France. Dans les jours suivants, le bâtiment rentre en France ainsi d’ailleurs que tous les navires de la mer Noire. Mais l’effervescence continue en mai et en juin à Toulon, à Brest, à Bizerte, en Grèce (sur le Guichen avec Charles Tillon) et même à Vladivostok...
🔴 Cette crise, qui surprit le commandement, a plusieurs causes.
Des raisons matérielles : hiver pénible, courrier désorganisé, corvées incessantes dans les ports paralysés par les grèves des dockers russes.
Les équipages sont démoralisés par une guerre longue, et l’armistice, pour eux, c’est la démobilisation : « Nous ne sommes pas en guerre contre les Russes ; nous voulons rentrer en France », répètent-ils. Marty nous dit que les marins lisaient les journaux pacifistes comme La Vague et Le Journal du peuple ainsi que les discours des députés socialistes contre l’intervention.
Des tracts et journaux clandestins sont édités par les bolcheviks, en particulier par le groupe communiste français animé à Odessa par Jeanne Labourbe, qui sera fusillée le 1er mars 1919. Le ministre de la Marine affirme d’ailleurs, le 17 juin, aux députés que la cause des troubles est la propagande révolutionnaire.
Ces mutineries n’expliquent qu’en partie l’évacuation ; en fait, il n’y avait qu’une division à Odessa et les Alliés comptaient surtout sur les Blancs : ils furent très déçus par Denikine. Ces mouvements sont importants dans la mesure où ils s’intègrent dans une crise politique et sociale mondiale qui dépasse la simple histoire militaire.
« Rien ne doit exclu[1] », a déclaré Emmanuel Macron le 26 février 2024, à propos de l’envoi de troupes de notre pays en Ukraine. Un dérapage ? Non, le chef de l’Etat a persisté et signé en déclarant quelques jours plus tard : « il n’y a aucune limite[2] » dans la guerre face à la Russie.
Macron persiste et signe dans Le Parisien : " il faudra (peut-être) avoir des opérations sur le terrain, quelles qu'elles soient, pour contrer les forces russes (...). La force de la France, c'est que nous pouvons le faire[12] ".
« Nous ne voulons pas de la guerre sur le continent européen ! La République française doit travailler à construire la paix », avait réagi Jean-Luc Mélenchon à Paris[3].
Seuls les groupes de La France Insoumise et communiste ont voté contre l’accord d’assistance de sécurité entre la France et l’Ukraine signée par Macron et Zelinsky.
Le 12 mars 2024, l’Assemblée nationale a débattu de l’accord franco-ukrainien sur la sécurité, signé par Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky le 16 février dernier[4]. Celui-ci engage Paris et Kiev pour une durée de dix ans, comprenant notamment un renforcement de la coopération militaire. Il pose également deux objectifs politiques : l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’OTAN, ce à quoi les insoumis s’opposent. S’ensuivra un vote purement symbolique.
Les députés ont débattu mardi de la stratégie française d’aide à l’Ukraine et voté, de manière non contraignante, sur l’accord bilatéral de sécurité signé avec Kiev. Ils l’ont approuvé à 372 voix pour, et 99 voix contre. Au total, 101 députés se sont abstenus[5].
Les 169 députés Renaissance ont voté pour ;
Les 88 élus RN se sont abstenus ;
Les 75 députés « insoumis » ont voté contre;
Chez Les Républicains, 49 ont voté pour et 11 se sont abstenus. Deux n’ont pas pris part au vote ;
Au MoDem, 49 députés ont voté pour et il y a une abstention ;
Les 31 députés socialistes ont voté pour ;
Les 30 députés Horizons ont voté pour ;
Chez les écologistes, 20 élus ont voté pour et une a voté contre. Un député n’a pas pris part au vote ;
Chez les communistes, les 22 élus se sont opposés à l’accord;
Dans le groupe LIOT, 20 d’entre eux ont voté pour et deux députés n’ont pas pris part au vote ;
Enfin chez les non-inscrits : David Habib, Jean-Charles Larsonneur, Hubert Julien-Laferrière et Emmanuelle Ménard ont voté pour, Nicolas Dupont-Aignan a voté contre et Véronique Besse s’est abstenue.
👉 voir aussi le site de l’Assemblée nationale avec les résultats nominatifs et par groupe[6].
🔴Le 12 mars 2024, en application de l’article 50 – 1 de la constitution (et non de l’article 53), les 75 membres de France Insoumise et les 22 membres du groupe communiste ont voté contre le traité d’assistance de sécurité entre la France et l’Ukraine.
🔴Ils constituent donc les 99 votes contre. Il y a eu 372 votes pour dont les votes du parti socialiste et les votes du parti écologiste. Les 88 députés du RN se sont abstenu. Il y a eu au total 101 abstentions.
Ukraine : le vote de La France Insoumise est parfaitement cohérent car contre l’escalade militaire de Macron, LFI prône la négociation pour la paix[3]
Conférence des frontières, garanties de sécurité mutuelle : ce que propose LFI pour mettre fin à la guerre
Dès le début du conflit, LFI s’est distinguée par la défense d’objectifs clairs et simples : cessez-le-feu, retraite des troupes russes, discussion sur la sécurité en Europe dans le cadre de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) où siègent les États-Unis et la Russie. Quelques heures après l’agression russe sur le sol ukrainien, le jeudi 24 février 2022, Jean-Luc Mélenchon dénonçait une invasion qui « change le cours de l’Histoire en Europe » et constitue un recul alors que le recours à la force n’était plus considéré comme un des moyens pour régler les conflits sur le vieux continent.
Comment mettre fin à une guerre et éviter l’escalade guerrière qui risquerait de provoquer un conflit nucléaire ? « Le cessez-le-feu est la première étape pour construire la paix en Ukraine » pour Jean-Luc Mélenchon et les insoumis, qui plaident pour « discuter des conditions concrètes dans lesquelles le conflit s’arrête ». C’est tout le sens de la proposition portée depuis le premier jour du conflit par le co-président de l’Institut La Boétie. Discuter de la paix en assurant des « garanties de sécurité mutuelle » aux belligérants, aux Ukrainiens comme aux Russes.
Un certain… Emmanuel Macron proposait la même chose le 3 décembre 2022. « C’est aussi de cela que nous avions discuté avec le président Biden, c’est l’architecture de sécurité dans laquelle nous voulons vivre demain, comment nous protégeons nos alliés et les États membres, en donnant des garanties pour sa propre sécurité à la Russie, le jour où elle reviendra autour de la table », avait déclaré le chef de l’État sur TF1[7]. Une idée qui n’aura pas fait long feu, comme en témoigne la rhétorique guerrière qui a supplanté l’idée d’une conférence pour la paix.
🔴Deux ans après le début du conflit, cette rhétorique guerrière inonde les débats en France et suspecte de complicité ou de connivence avec le régime poutinien toute voix qui porte la négociation pour la paix. Or, ces deux années l’ont démontré de plus belle : l’issue n’est pas militaire mais bien diplomatique.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron et ses partisans avancent sur l’idée d’une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ou l’OTAN.
Les insoumis s’y opposent pour plusieurs raisons :
« Cela n’est pas possible sans harmonisation fiscale et sociale », a avancé le député LFI Arnaud Le Gall ce matin en conférence de presse. Le salaire minimum Ukrainien tourne autour de 200 euros.
Difficile alors d’entendre l’adhésion de l’Ukraine quand des millions de travailleurs en pâtiraient.
Quant à l’OTAN, l’adhésion de l’Ukraine irait dans le sens inverse de la garantie de sécurité pour les Russes. Des garanties de sécurité sont nécessaires pour les Ukrainiens comme pour les Russes.
« Les conditions d’un accord de paix sont sur la table », a expliqué Manuel Bompard, coordinateur national de LFI.
Le président ukrainien envisage la possibilité de référendums d’auto-détermination.
De leur côté, les Russes se disent favorables à un cessez-le-feu, pour reconstituer leur défense. Ce n’est pas souhaitable, mais cela ouvre une fenêtre afin que tout le monde puisse se mettre autour de la table.
Les bons esprits affirment que négocier avec Poutine reviendrait à une capitulation de l’Ukraine.
Une position va-t-en-guerre qui balaye d’un revers de la main le sens même de la diplomatie et de la quête d’un mode de résolution des conflits qui ne passerait pas par les tueries.
Ce n’est pas parce que quelqu’un a déclenché la guerre qu’on ne peut pas faire la paix. « Il faut sortir de cette idée que créer les conditions d’une négociation, c’est forcément céder à l’ensemble des exigences de Vladimir Poutine. Celui qui a envahi a violé le droit international, il ne s’agit pas de lui donner raison. Si vous voulez la paix, vous devez écouter ce que chacun a à dire. », a précisé Manuel Bompard.
De même, les esprits va-t-en-guerre oublient la démarche unique de LFI quant à l’accueil des opposants au régime poutinien en France[8], une démarche singulière que n’observe aucune autre formation politique à part celle de Jean-Luc Mélenchon.
La prolongation du conflit est particulièrement dommageable pour l’Ukraine... mais pas que ! Déjà 444 000 morts[10], et 486 milliards de dollars de destructionsdirectes[9] dans lequel il faudra compter un affaiblissement considérable du potentiel industriel et agricole. Et à cela s’ajoute une énorme pollution des sols.
En revanche, les sanctions contre la fédération de Russie ont relancé la croissance économique de ce pays dans tous les domaines : agricole, commerciale et industrielle. Son taux de croissance du PIB est évalué à 3,6 % par la banque mondiale en 2023 contre 0,8 % pour la France.
Ce sont les pays européens qui, par effet boomerang, souffrent le plus des sanctions contre la Russie.
Les seuls bénéficiaires de la guerre sont les États-Unis d’Amérique du côté occidental.
La continuation de la guerre va être catastrophique pour l’Ukraine et va provoquer une récession de l’économie européenne.
🔴La France aura dépensé depuis février 2022 pour près de 15 milliards d’euros pour l’Ukraine. Voici approximativement le décompte : traité d’assistance signé par Macron :
3 milliards d’euros ;
+ 8 milliards d’euros (sur les 50 milliards votés par le Parlement européen) ;
+3,8 milliards d’aides militaires en 2022 et 2023 soit 14,8 milliards ;
auxquels il faut ajouter environ 600 millions d’euros pour l’aide aux réfugiés. On dépasse ainsi un total de 15 milliards d’euros.
🔴Pendant ce temps, on nous annonce un plan d’austérité de 10 milliards d’euros ;
et on nous a annoncé l’obligation d’augmenter l’âge de la retraite de deux ans en raison d’un déficit de 12 milliards pour les retraites.
Dans le même temps,le déficit de la balance commerciale de la France bat des records historique : 99,6 milliards d’euros en 2023, 164 milliards d’euros en 2022.Ce sont les deux plus gros déficits de la balance commerciale enregistrés depuis 1945.
Mais ce n’est pas tout : 2022, le déficit du budget de l’État en France s’est élevé à 126,8 milliards d’euros, soit 4,8 % du produit intérieur brut (PIB).
En 2023, le déficit a augmenté pour atteindre 173,3 milliards d’euros,
Pour éviter des erreurs de jugement, comme celles des médias qui prédisaient voici un an l’effondrement de la Russie et de Vladimir Poutine, il est important d’analyser les rapports de force.
Voici seulement quelques éléments concernant la Russie :
Selon des documents divulgués des services de renseignement américains citent le FSB russe, les forces russes auraient subi 110 000 pertes au 28 février 2023[11].
La Russie a augmenté son budget militaire de 68 % en 2024ce qui ne l’empêche pas d’augmenter dans de nombreux secteurs son potentiel industriel.
Et l’aménagement de son territoire dans sa partie orientale..N’oublions pas que le territoire de la fédération de Russie couvre 11 fuseaux horaires
La Russie dispose de missiles hypersoniques dépassant de plus de 10 fois la vitesse du son les rendant ininterprétables.
🔴Les dirigeants européens, les sociaux-démocrates et les écologistes aveuglés idéologiquement par une représentation fantasmatique de la Russie ont totalement sous-évalué les capacités économiques, financières, militaires et diplomatiques sur la scène internationale de la fédération de Russie. Ces gens souffrent d’un lourd défaut d’analyse rationnelle et historique de la réalité : je suis tout à fait d’accord sur ce point avec l’analyse de Jacques Baud et de Caroline Galactéros.
🔴Oui, le vote de La France Insoumise n’est pas seulement pacifiste, humaniste, il est réaliste.
Ukraine : La France doit être à la pointe de la paix !
« Dans l’épreuve internationale, la France doit être un agent de la solution et non une partie du problème. Ce débat est un simulacre, vous avez déjà signé l'accord de sécurité avec l’Ukraine ! En Ukraine, à Gaza, au Congo, la France doit être à la pointe du combat pour la paix ! Être un agent de la solution et non une partie du problème. » Arnaud Le Gall, dépuré France insoumise /Ñupes
L’antériorité de l’adhésion à l’OTAN sur l’adhésion à l’UE démontre que les pays candidats ne voient cette dernière que comme le pendant politico-économique de la première
L’hypothétique « convergence » risque de prendre encore des décennies, surtout en cas de nouvel élargissement
Tous les États membres devront payer davantage et recevoir moins...
La guerre en Ukraine a relancé le processus d’élargissement de l’UE vers l’Est et les Balkans à un rythme effréné. Motivée par des raisons géopolitiques, à savoir endiguer la puissance russe sur le continent européen, cette expansion soulève pourtant d’immenses questions économiques et politiques. En intégrant en son sein des États pauvres, l’Union européenne encouragerait en effet une nouvelle vague de délocalisations et de dumping social et soumettrait les agriculteurs du continent à une terrible concurrence. En outre, le seul moyen d’éviter des blocages politiques d’une Europe à 34 ou 35 serait de renforcer le fédéralisme, en rognant encore davantage les pouvoirs de décision des États-membres. Un scénario délétère poussé par les élites européennes en dehors de tout mandat démocratique.
La guerre en Ukraine a été provoquée, et il est important de le comprendre pour parvenir à la paix
Alors que le projet d’une installation de missiles soviétiques à Cuba en 1962, situé à environ 144 km des États-Unis (entre les deux rives), avait provoqué la menace d’une frappe nucléaire des États-Unis contre l’URSS conduisant ainsi à 1 guerre mondiale nucléaire, l’installation d’une multitude de bases de l’OTAN à quelques centaines de kilomètres de la frontière russe ne semble pas poser de problème aux USA et à leurs États vassaux européens. Pire, ces derniers restent totalement sourds aux préoccupations de sécurité de la fédération de Russie.
" La En reconnaissant que la question de l’élargissement de l’OTAN est au cœur de cette guerre, nous comprenons pourquoi l’armement américain n’y mettra pas fin. Seuls les efforts diplomatiques peuvent y parvenir " par Jeffrey D. Sachs[0], auteur de l'article ci-dessous.
Sources :Dialexispar Jeffrey D. Sachs | mis à jour le 19/06/2023
George Orwell a écrit dans 1984 que " qui contrôle le passé contrôle l’avenir : qui contrôle le présent contrôle le passé ". Les gouvernements travaillent sans relâche pour déformer la perception du passé par le public[1]. En ce qui concerne la guerre d’Ukraine, l’administration Biden a affirmé à plusieurs reprises, et à tort, que la guerre d’Ukraine avait commencé par une attaque non provoquée de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022. En fait, la guerre a été provoquée par les États-Unis d’une manière que les principaux diplomates américains avaient anticipée depuis des décennies, ce qui signifie que la guerre aurait pu être évitée et qu’elle devrait maintenant être arrêtée par le biais de négociations.
Reconnaître que la guerre a été provoquée nous aide à comprendre comment y mettre fin. Cela ne justifie pas l’invasion de la Russie. Une bien meilleure approche pour la Russie aurait été d’intensifier la diplomatie avec l’Europe et le monde non occidental pour expliquer et s’opposer au militarisme et à l’unilatéralisme des États-Unis. En fait, les efforts incessants des États-Unis pour élargir l’OTAN sont largement contestés dans le monde entier, de sorte que la diplomatie russe aurait probablement été plus efficace que la guerre.
L'équipe Biden utilise sans cesse le mot " non provoqué ", tout récemment dans le grand discours de Biden[2] à l'occasion du premier anniversaire de la guerre, dans une récente déclaration de l'OTAN[3] et dans la dernière déclaration du G7[4]. Les grands médias favorables à M. Biden se contentent de répéter les propos de la Maison-Blanche. Le New York Times est le principal coupable, qualifiant l'invasion de "non provoquée" pas moins de 26 fois, dans cinq éditoriaux, 14 colonnes d'opinion rédigées par des rédacteurs du NYT et sept articles d'opinion rédigés par des invités !
Il y a eu en fait deux provocations principales de la part des États-Unis.
La première était l'intention des États-Unis d'étendre l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie afin d'encercler la Russie dans la région de la mer Noire par les pays de l'OTAN (Ukraine, Roumanie, Bulgarie, Turquie et Géorgie, dans l'ordre inverse des aiguilles d'une montre).
La seconde est le rôle joué par les États-Unis dans l'installation d'un régime russophobe en Ukraine par le renversement violent du président ukrainien pro-russe, Viktor Yanukovych, en février 2014. La guerre avec des armes à feu en Ukraine a commencé avec le renversement de Ianoukovitch il y a neuf ans, et non en février 2022 comme le gouvernement américain, l'OTAN et les dirigeants du G7 voudraient nous le faire croire.
La clé de la paix en Ukraine passe par des négociations basées sur la neutralité de l'Ukraine et le non-élargissement de l'OTAN.
M. Biden et son équipe de politique étrangère refusent de discuter de ces racines de la guerre. Les reconnaître saperait l'administration de trois manières.
Premièrement, cela mettrait en évidence le fait que la guerre aurait pu être évitée ou arrêtée rapidement, épargnant à l'Ukraine sa dévastation actuelle et aux États-Unis plus de 100 milliards de dollars de dépenses à ce jour.
Deuxièmement, elle mettrait en lumière le rôle personnel du président Biden dans la guerre, en tant que participant au renversement de Ianoukovitch et, avant cela, en tant que fervent partisan du complexe militaro-industriel et défenseur de la première heure de l'élargissement de l'OTAN.
Troisièmement, cela pousserait M. Biden à la table des négociations, ce qui saperait l'élan continu de l'administration en faveur de l'expansion de l'OTAN.
Les archives[5] montrent de manière irréfutable que les gouvernements américain et allemand ont promis à plusieurs reprises au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev que l'OTAN ne bougerait pas " d'un pouce vers l'est " lorsque l'Union soviétique a démantelé l'alliance militaire du Pacte de Varsovie. Néanmoins, les États-Unis ont commencé à planifier l'expansion de l'OTAN au début des années 1990, bien avant que Vladimir Poutine ne soit président de la Russie. En 1997, l'expert en sécurité nationale Zbigniew Brzezinski a établi le calendrier de l'expansion de l'OTAN avec une précision remarquable.
Les diplomates américains et les dirigeants ukrainiens savaient pertinemment que l'élargissement de l'OTAN pouvait conduire à la guerre.
Le grand homme d'État américain George Kennan a qualifié l'élargissement de l'OTAN d'" erreur fatale ", écrivant dans le New York Times[7] : " On peut s'attendre à ce qu'une telle décision enflamme les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes de l'opinion russe, qu'elle ait un effet négatif sur le développement de la démocratie russe, qu'elle rétablisse l'atmosphère de la guerre froide dans les relations Est-Ouest et qu'elle pousse la politique étrangère de la Russie dans des directions qui ne seront décidément pas à notre goût ".
William Perry, secrétaire à la défense du président Bill Clinton, a envisagé de démissionner pour protester contre l'élargissement de l'OTAN. Se souvenant de ce moment crucial du milieu des années 1990, Perry a déclaré ce qui suit en 2016[8] : " Notre première action qui nous a vraiment mis sur la mauvaise voie a été lorsque l'OTAN a commencé à s'élargir, en intégrant des pays d'Europe de l'Est, dont certains étaient limitrophes de la Russie. À l'époque, nous travaillions en étroite collaboration avec la Russie et elle commençait à se faire à l'idée que l'OTAN pouvait être un ami plutôt qu'un ennemi... mais elle était très mal à l'aise à l'idée d'avoir l'OTAN juste à sa frontière et elle nous a vivement conseillé de ne pas aller de l'avant. "
En 2008, William Burns, alors ambassadeur des États-Unis en Russie et aujourd'hui directeur de la CIA, a envoyé un câble à Washington dans lequel il mettait en garde contre les graves risques liés à l'élargissement de l'OTAN[9]: " Les aspirations de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN ne touchent pas seulement la corde sensible de la Russie, elles suscitent de sérieuses inquiétudes quant aux conséquences pour la stabilité de la région. Non seulement la Russie perçoit un encerclement et des efforts visant à saper son influence dans la région, mais elle craint également des conséquences imprévisibles et incontrôlées qui affecteraient gravement les intérêts de sa sécurité. Les experts nous disent que la Russie craint particulièrement que les fortes divisions en Ukraine sur l'adhésion à l'OTAN, une grande partie de la communauté ethnique russe étant opposée à l'adhésion, ne conduisent à une scission majeure, impliquant de la violence ou, au pire, une guerre civile. Dans cette éventualité, la Russie devrait décider d'intervenir ou non, une décision à laquelle elle ne voudrait pas être confrontée ".
Les dirigeants ukrainiens savaient pertinemment que toute pression en faveur de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine serait synonyme de guerre.
L'ancien conseiller de Zelensky, Oleksiy Arestovych, a déclaré dans une interview en2019 " que le prix à payer pour rejoindre l'OTAN est une grande guerre avec la Russie " :
Entre 2010 et 2013, Ianoukovitch a prôné la neutralité, conformément à l'opinion publique ukrainienne. Les États-Unis ont œuvré secrètement au renversement de Ianoukovitch, comme en témoigne l'enregistrement de Victoria Nuland, alors secrétaire d'État adjointe des États-Unis, et de l'ambassadeur des États-Unis Geoffrey Pyatt, planifiant le gouvernement post-Yanoukovitch quelques semaines avant le renversement violent de Ianoukovitch. Mme Nuland indique clairement lors de l'appel qu'elle se coordonnait étroitement avec le vice-président de l'époque, M. Biden, et son conseiller à la sécurité nationale, M. Jake Sullivan, la même équipe Biden-Nuland-Sullivan qui est aujourd'hui au centre de la politique américaine à l'égard de l'Ukraine.
Conversation enregistrée entre Asst. Seconde. d'État Victoria Nuland et Amb. Jeffrey Pyatt
Après le renversement de Ianoukovitch, la guerre a éclaté dans le Donbass, tandis que la Russie revendiquait la Crimée. Le nouveau gouvernement ukrainien a demandé l'adhésion à l'OTAN, et les États-Unis ont armé et aidé à restructurer l'armée ukrainienne pour la rendre interopérable avec l'OTAN.En 2021, l'OTAN[10] et l'administration Biden[11] se sont fermement engagées à assurer l'avenir de l'Ukraine au sein de l'OTAN.
Dans la période qui a précédé l'invasion russe, l'élargissement de l'OTAN était au centre des préoccupations. Le projet de traité américano-russe de Poutine (17 décembre 2021)[12] demandait l'arrêt de l'élargissement de l'OTAN. Les dirigeants russes ont présenté l'élargissement de l'OTAN comme la cause de la guerre lors de la réunion du Conseil national de sécurité de la Russie le 21 février 2022[13]. Dans son discours à la nation ce jour-là, Poutine a déclaré que l'élargissement de l'OTAN était l'une des principales raisons de l'invasion[14].
L'historien Geoffrey Roberts a récemment écrit : " La guerre aurait-elle pu être évitée par un accord russo-occidental qui aurait stoppé l'expansion de l'OTAN et neutralisé l'Ukraine en échange de solides garanties d'indépendance et de souveraineté ukrainiennes ? C'est tout à fait possible "[15]. En mars 2022, la Russie et l'Ukraine ont fait état de progrès vers une fin rapide et négociée de la guerre sur la base de la neutralité de l'Ukraine.
Selon Naftali Bennett, ancien Premier ministre israélien, qui a joué le rôle de médiateur, un accord était sur le point d'être conclu avant que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ne le bloquent.
Alors que l'administration Biden déclare que l'invasion russe n'a pas été provoquée, la Russie a recherché des options diplomatiques en 2021 pour éviter la guerre, tandis que Biden rejetait la diplomatie, insistant sur le fait que la Russie n'avait pas son mot à dire sur la question de l'élargissement de l'OTAN.En mars 2022, la Russie a fait appel à la diplomatie, tandis que l'équipe de M. Biden a de nouveau bloqué l’évirement de la guerre par la voie diplomatique.
En reconnaissant que la question de l'élargissement de l'OTAN est au cœur de cette guerre, nous comprenons pourquoi l'armement américain n'y mettra pas fin. La Russie fera tout ce qui est nécessaire pour empêcher l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine.La clé de la paix en Ukraine passe par des négociations basées sur la neutralité de l'Ukraine et le non-élargissement de l'OTAN. L'insistance de l'administration Biden sur l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine a fait de l'Ukraine la victime d'aspirations militaires américaines mal conçues et irréalisables.Il est temps que les provocations cessent et que les négociations rétablissent la paix en Ukraine.
Notes :
[0] Titre original : The War in Ukraine Was Provoked—and Why That Matters to Achieve Peace Auteur : Jeffrey D. Sachs Jeffrey D. Sachs est professeur d'université et directeur du Centre pour le développement durable de l'université Columbia, où il a dirigé l'Institut de la Terre de 2002 à 2016. Il est également président du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies et commissaire de la Commission à haut débit des Nations unies pour le développement. Il a été conseiller auprès de trois secrétaires généraux des Nations unies et est actuellement défenseur des objectifs de développement durable auprès du secrétaire général Antonio Guterres. M. Sachs est l'auteur, plus récemment, de "A New Foreign Policy : Beyond American Exceptionalism" (2020). Parmi ses autres ouvrages, citons "Building the New American Economy : Smart, Fair, and Sustainable" (2017) et "The Age of Sustainable Development" (2015) avec Ban Ki-moon.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, et le président russe, Vladimir Poutine
La guerre en Ukraine : un objet historique multifacette
Dans un contexte où il est difficile de distinguer propagande de guerre et information impartiale, il nous a semblé utile de proposer ici quelques documents permettant d’élargir et d’approfondir notre champ de vision concernant le conflit militaire russo–ukrainien. Pour lire la suite cliquer ICI
- Eric Toussaint docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France : Pourquoi annuler la dette de l’Ukraine ?
La Russie a lancé son opération militaire en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon a prévenu pendant 10 ans[3bis] !
et Anne Hidalgo, Yannick Jadot, sont en campagne et s'agitent !
Un adversaire unique pour exister, qui à leurs yeux serait pro-Poutine[1][2][2bis]... Jean-Luc Mélenchon !
Dans le même temps, les perroquets médiatiques répètent eux aussi en boucle la même chanson pour le salir !
Or, depuis des années (ci-dessous je remonte à 2012), Jean-Luc Mélenchon critique et s'oppose au poutinisme.
Ça suffit ! Mélenchon président défendra l'intérêt de la France, l'intérêt général humain, la paix !
Quand Jaurès refusait la guerre, on le traitait d’« agent du parti allemand[3] »... quand Jean-Luc Mélenchon défend une France non-alignée au service de la paix, les apprentis de la géopolitique pour les nuls, à la peine dans leur campagne électorale, le traitent de " pro-Poutine "...
L’acharnement de ceux qui utilisent la guerre pour taper sur Jean-Luc Mélenchon ne trompe pas les Français.
Si Poutine est évidemment responsable de la situation, une majorité de Français pense que l’OTAN aussi[4]... Le candidat de l'#UnionPopulaire, Jean-Luc Mélenchon est considéré comme le candidat le plus à la hauteur des événements.
Sources :Durand Eric| mis à jour le 13/02/2023
Quand en 2014, Jean-Luc Mélenchon annonçait qu'il y aurait la guerre en Ukraine
Quand le 17 mai 2018, Jean-Luc Mélenchon alertait sur le risque de guerre en Europe
Il soulignait que la paix est un objectif et une construction politique. Il rappelait l’importance de l’indépendance de la France pour pouvoir être utile au service de la paix. Il appelait à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage qui pourrait conduire à une guerre entre l’OTAN et la Russie.
Une vidéo utile à revisionner aujourd'hui alors que la guerre de Poutine en Ukraine a montré la fragilité de la paix en Europe et la difficulté à y revenir une fois l'attaque lancée.
et plus globalement... Poutine, Russie, Ukraine : ce que dit Mélenchon depuis 10 ans(cliquez sur l'image)
Alors Jean-Luc Mélenchon ami, aficionado de Poutine ?
Et maintenant que c'est la guerre, le 24 février, invité de l'émission spéciale de France 2 sur la situation en Ukraine Jean-Luc Mélenchon a fait une proposition simple pour sortir du conflit par le haut
4 ième jour de combat en Ukraine[6] Plus de trois jours après le début de l’offensive lancée par Vladimir Poutine en Ukraine, des milliers de personnes fuient leur pays. D’autres ont décidé de prendre les armes ou même de faire face aux chars russes à mains nues.
En France, Jean-Luc Mélenchon (candidat aux élections présidentielles 2022) a expliqué que s'il était président de la République, il ferait laproposition d'un cessez-le-feu en Ukraine, d'un retrait des troupes russes et de l'engagement d'une discussion sur la neutralité de l'Ukraine.
Cette proposition a été reprise ce vendredi 25 février par les proches du président de la République ukrainienne, monsieur Zelensky[7]. L'un de ses conseillers se dit notamment prêt à engager des discussions avec Poutine sur la neutralité de l'Ukraine. Côté russe aussi, ces discussions sont souhaitées, même si pour l'heure les conditions posées à l'Ukraine pour une discussion équivalent à une reddition pure et simple.
On le voit : sur ce sujet encore, Jean-Luc Mélenchon propose une solution de règlement du conflit par le haut. En 2022, il faudra choisir un président de la République qui a été capable de prévoir les dangers qui pesaient sur la paix, et a proposé des solutions diplomatiques pour éviter le passage à un conflit armé comme on en connaît aujourd'hui.
Ukraine : Jean-Luc Mélenchon et Hubert Vedrine font la même proposition pour cesser la guerre
Discours de Jean-Luc Mélenchon sur la guerre en Ukraine prononcé le 1er mars 2022 à l'Assemblée nationale
Face à la volonté de l'Ukraine d'entrer dans l'OTAN et le non positionnement de l'occident pour dire NON, Poutine a fait le choix de la guerre... pour Jean-Luc Mélenchon, le seul but qui doit nous guider, c’est la paix.
Jean-Luc Mélenchon a rappelé qu’il n’y a pas d’alternative....c’est la guerre totale ou la diplomatie. Par conséquent, le choix est vite fait, la France doit prendre une initiative diplomatique radicale : "Il faut rendre la diplomatie plus profitable que la guerre."
Jean-Luc Mélenchon appelle à la " proclamation de la neutralité de l'Ukraine ", à laquelle le président #Zelensky s'est dit " officiellement prêt ".
Mais au fait, qui sont les amis à Poutine ?
Il existe des photos des candidats et politiciens qui accusent de Jean-Luc Mélenchon de soutenir Poutine ou de lui faire des courbettes.
En revanche, on n’en a aucune de ou il figure... parcontre, en mai 2018, Jean-Luc Mélenchon a rencontré Sergueï Oudaltsov, leader du Front de gauche de #Russie, emprisonné durant 4 ans et demi à la suite des manifestations de 2012 pour des élections honnêtes.
Révélation : Comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères[0bis]
Les bruits de bottes aux portes de l’Europe affolent les chancelleries occidentales.
Deux interprétations s’opposent. Pour les uns, Moscou fait monter les enchères afin d’obtenir des concessions de la part de Washington et des Européens. D’autres au contraire estiment que le Kremlin veut pouvoir prétexter d’une fin de non-recevoir pour justifier un passage à l’acte en Ukraine. Dans tous les cas, la question se pose du moment choisi par Moscou pour engager ce rapport de forces. Pourquoi jouer ce jeu risqué, et pourquoi maintenant ? Des éléments de réponse dans l'article ci dessous, (article traduit en anglais à partir de l’original arabe de Gilbert Achar publié dans Al-Quds al-Arabi, 25 janvier 2022 [traduction de l’anglais par la rédaction de A l’Encontre])
Sources :Alencontre par Gilbert Achcar| mis à jour le 25/05/2022
Il n’est pas exagéré de dire que ce qui se passe actuellement au cœur du continent européen est le moment le plus dangereux de l’histoire contemporaine et le plus proche d’une troisième guerre mondiale depuis la crise des missiles soviétiques à Cuba en 1962[1].
Il est vrai que, jusqu’à présent, ni Moscou ni Washington n’ont fait allusion à l’utilisation d’armes nucléaires, même s’il ne fait aucun doute que les deux pays ont mis leurs arsenaux nucléaires en état d’alerte face aux circonstances actuelles. Il est également vrai que le degré d’alerte militaire aux Etats-Unis n’a pas encore atteint celui qu’il avait atteint en 1962. Mais le déploiement militaire russe aux frontières de l’Ukraine dépasse les niveaux de concentration de troupes à une frontière européenne observés aux moments les plus chauds de la «guerre froide», tandis que l’escalade verbale occidentale contre la Russie a atteint un stade dangereux accompagné de gesticulations et de préparatifs militaires qui créent une possibilité réelle de conflagration.
Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu.
Vladimir Poutine peut penser qu’il ne fait que déplacer la reine et la tour sur le grand échiquier afin de forcer l’adversaire à retirer ses pièces. Joe Biden peut croire qu’il s’agit d’une bonne occasion pour lui de redorer son image nationale et internationale, très ternie depuis son échec embarrassant dans l’organisation du retrait des forces étatsuniennes d’Afghanistan. Et Boris Johnson peut croire que les rodomontades prétentieuses de son gouvernement sont un moyen bon marché de détourner l’attention de ses problèmes politiques intérieurs. Il n’en reste pas moins que, dans de telles circonstances, les événements acquièrent rapidement leur propre dynamique au son des tambours – une dynamique qui dépasse le contrôle de tous les acteurs, pris individuellement, et risque de déclencher une explosion qu’aucun d’entre eux n’avait initialement souhaitée.
En Europe, la tension actuelle entre la Russie et les pays occidentaux a atteint un degré jamais vu sur le continent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les premiers épisodes de guerre qui s’y sont déroulés depuis lors, les guerres des Balkans dans les années 1990, n’ont jamais atteint le niveau de tension prolongée et d’alerte entre les grandes puissances elles-mêmes auquel nous assistons aujourd’hui. Si une guerre devait éclater en raison de la tension présente – même si elle ne faisait initialement que sévir sur le sol ukrainien – la situation centrale et la taille même de l’Ukraine suffisent à faire du danger de propagation de l’incendie à d’autres pays européens limitrophes de la Russie, ainsi qu’au Caucase et à l’Asie centrale,un péril grave et imminent.
La cause principale de ce qui se passe aujourd’hui est liée à une série de développements
La première et principale responsabilité incombe au plus puissant qui en a eu l’initiative – c’est-à-dire, bien sûr, les Etats-Unis.Depuis que l’Union soviétique est entrée dans la phase terminale de son agonie sous Mikhaïl Gorbatchev, et plus encore sous le premier président de la Russie post-soviétique, Boris Eltsine, Washington s’est comporté envers la Russie comme un vainqueur impitoyable envers un vaincu qu’il cherche à empêcher de pouvoir jamais se redresser.
Cela s’est traduit par l’expansion de l’OTAN, dominée par les Etats-Unis, en y intégrant des pays qui appartenaient auparavant au Pacte de Varsovie dominé par l’URSS[2], au lieu de dissoudre l’Alliance occidentale parallèlement à son homologue orientale le 1er juillet 1991[3], amenant l'ambassadeur russe auprès de l'UE a dénoncer plusieurs vagues d'élargissement de l'OTAN vers l'Est[0] (VOIR AUSSI : Comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est[2bis], par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères[0bis]), auquel il convient d'ajouter le non respect des accords de MinskI[1bis] et MinskII[1ter].
Cela s’est également traduit par le fait que l’Occident a dicté une politique économique de « thérapie de choc » à l’économie bureaucratique de la Russie, provoquant une crise socio-économique et un effondrement d’énormes proportions.
Ce sont ces prémisses qui ont le plus naturellement conduit au résultat
Prémisses contre lequel l’un des conseillers les plus éminents de Gorbatchev – un ancien membre du Soviet suprême et du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique –, Georgi Arbatov[4], avait mis en garde il y a trente ans, lorsqu’il avait prédit que les politiques occidentales à l’égard de la Russie conduiraient à « une nouvelle guerre froide[5] » et à l’émergence d’un régime autoritaire à Moscou, renouant avec la vieille tradition impériale de la Russie. C’est ce qui s’est produit avec l’arrivée au pouvoir de Poutine qui représente les intérêts des deux blocs les plus importants de l’économie capitaliste russe (dans laquelle se mêlent capitalisme d’Etat et intérêts privés) : le complexe militaro-industriel – qui emploie un cinquième de la main-d’œuvre industrielle russe, en plus des effectifs des forces armées – et le secteur pétrolier et gazier.
Le résultat est que la Russie de Poutine pratique une politique d’expansion militaire qui va bien au-delà de ce qui prévalait à l’époque de l’Union soviétique.
A l’époque, Moscou n’a déployé de forces de combat en dehors de la sphère qui était tombée sous son contrôle à la fin de la Seconde Guerre mondiale que lors de l’invasion de l’Afghanistan à la fin de 1979, invasion qui a précipité l’agonie de l’URSS. Quant à la Russie de Poutine, après avoir retrouvé une vitalité économique, depuis le début du siècle, grâce à l’augmentation du prix des combustibles, elle est intervenue militairement hors de ses frontières à une fréquence comparable à celle des interventions militaires étatsuniennes avant la défaite au Vietnam, et entre la première guerre des Etats-Unis contre l’Irak en 1991 et la sortie peu glorieuse des forces étatsuniennes de ce pays, vingt ans plus tard. Les interventions et les invasions de la Russie ne se limitent plus à son « étranger proche », c’est-à-dire les pays adjacents à la Russie, qui étaient dominés par Moscou à travers l’URSS ou le Pacte de Varsovie. La Russie post-soviétique est intervenue militairement dans le Caucase, notamment en Géorgie[6], en Ukraine (Guerre du Donbass[7]) et plus récemment au Kazakhstan[8]. Mais elle mène également, depuis 2015, une guerre en Syrie[9] et intervient sous un déguisement qui ne trompe personne en Libye[10] et plus récemment en Afrique subsaharienne[11].
Ainsi, entre le regain de belligérance russe et la poursuite de l’arrogance des Etats-Unis, le monde se trouve au bord d’une catastrophe qui pourrait grandement accélérer l’anéantissement de l’humanité, vers lequel notre planète se dirige par le biais de la dégradation de l’environnement et du réchauffement climatique.
Nous ne pouvons qu’espérer que la raison l’emportera et que les grandes puissances parviendront à un accord répondant aux préoccupations de sécurité de la Russie et recréant les conditions d’une « coexistence pacifique » renouvelée qui réduirait la chaleur de la nouvelle guerre froide et l’empêcherait de se transformer en une guerre chaude qui serait une catastrophe énorme pour toute l’humanité.
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🔴 Note personnelle à méditer...
1 - L'OTAN AU SERVICE DU MARCHÉ DE L'INDUSTRIE D'ARMEMENT ?
L'OTAN un outil politico militaire au service du marché ?
Depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, l’OTAN s’est transformée, à l’initiative des Etats -Unis, d’une organisation de sécurité défensive en une organisation expansionniste et militaire agressive.
Aujourd'hui, l'objectif de l'OTAN, c'est t-il pas aussi demaintenir les tensions avec la Russie, l'extrême Orient avec la Chine pour justifier l'investissement public dans l'armement, alimenter le PIB, la croissance, l'industrie de l'armement, la finance ?
Selon l'institut international de recherche sur la paix de Stockholm, le total des dépenses militaires mondiales s'élève à 1 981 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 2,6 % en termes réels par rapport à 2019, selon de nouvelles données publiées par le Stockholm International[12] ;
Armement.2020, année record pour les dépenses militaires dans le monde[13]
Les Etats-Unis resteront pour longtemps encore le premier budget militaire du monde L’administration américaine représente 36 % de l’effort militaire mondial, selon le rapport annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm[14].
Au total, les dépenses militaires de l'alliance atlantique OTAN, représentent 70% des dépenses au monde[15], une large partie étant assurée par les Etats-Unis (70% en 2018[16]).
2 - L'ENJEU DU GAZ EN EUROPE... L'AUTRE DESSOUS DES CARTES EN UKRAINE ?
Les Etats-Unisveulent faire blocus contre le gaz russe pour nous vendre leur gaz de schiste liquéfié ainsi une celui de leurs amis Qataris.
L’Europe est plus que jamais le terrain de jeu de la guerre énergétique entre les Etats-Unis et la Russie. L’intrusion des américains sur le marché européen du gaz est récente, grâce à leur révolution du gaz de schiste. Les russes, eux, ont toujours été l’un des premiers fournisseurs de gaz des pays européens avec le Qatar ou l’Algérie, notamment pour la France[17].
Mais ce sont surtout les importations en provenance des Etats-Unis qui ont explosé. Elles ont presque triplé, passant de 2,7 millions de tonnes sur l’année 2018 à 7,6 millions sur les neuf premiers mois de 2019. Une poussée due au gigantesque essor du gaz de schiste américain depuis sept ans. "L’essentiel du gaz que les américains exportent est du gaz de schiste", explique un spécialiste du secteur. En France aussi, cette tendance est la même : les importations de gaz américains ont presque quadruplé depuis le début de l’année! Même si elles partaient de très bas[17]…
En définitive, la crise Ukrainienne constitue des enjeux inavoués mais majeurs pour les États-Unis
Bien que situé à plus de 8000 km du théâtre d’opération ukrainien[6], les États-Unis sont loin de se désintéresser du conflit qui s’y déroule. Et pour cause : la question ukrainienne intéresse les Américains à au moins trois titres : Géopolitiques, commerciaux, énergétiques[18].
Géopolitiques, l’enjeu est ici clair : la crise ukrainienne fournit aux États-Unis une occasion rêvée de proroger la partition de l’Europe engagée dès 1944, à l’aube de la victoire alliée sur les forces de l’Axe.
Commerciaux : Ici c’est la question de la libéralisation des échanges avec l’UE qui est en jeu. Comme au temps de la guerre froide, l’arme commerciale vient en effet doubler l’arme économique tout en visant à parvenir au même but. Couper la Russie de l’Europe occidentale tout en renforçant la dépendance de cette dernière à l’égard des États-Unis.
Énergétiques via l’augmentation des capacités d’exportation : c’est un autre aspect caché – et de ce fait souvent méconnu – de la crise ukrainienne. Celle-ci pourrait en effet à terme permettre à l’industrie américaine d’augmenter sensiblement ses capacités d’exportation de gaz naturel.
3 - L'Ukraine, c'est aussi :
Pourquoi l'Ukraine compte-t-elle économiquement pour le " marché " et donc l'occident et ce indépendamment des questions géopolitiques et de domination militaire dans une stratégie de nassage de la Russie... ?
Pour le savoir, regarder comment la nation indépendante, souveraine et démocratique de l'Ukraine se classe :
🥇1ère réserve européenne de minerais d'uranium ;
🥈2e réserve européenne de minerais de titane - 10e réserve mondiale ;
🥈2e réserve mondiale de minerais de manganèse (2,3 milliards de tonnes, soit 12% des réserves mondiales) ;
🥈2e réserve mondiale de minerais de fer (30 milliards de tonnes) ;
🥈2e réserve européenne de minerais de mercure ;
🥉3e réserve européenne de gaz de schiste (22 milliards de mètres cubes) - 13e réserve mondiale
📌 4e place mondiale en valeur totale des ressources naturelles
📌 7e réserve mondiale de charbon (33,9 milliards de tonnes)
❗️🇺🇦 L'Ukraine est un pays agricole - elle peut répondre aux besoins alimentaires de 600 millions de personnes :
🥇La plus grande superficie de terres arables d'Europe ;
🥉3e plus grande superficie de terre noire (tchornozem) dans le monde (25% du volume mondial) ;
🥇1er exportateur mondial de tournesol et d'huile de tournesol ;
🥈2e producteur mondial d'orge - 4ème exportateur mondial ;
🥉3e producteur mondial de maïs - 4e exportateur mondial ;
- 4e producteur mondial de pommes de terre ;
- 5e producteur mondial de seigle ;
- 5e place mondiale en production apicole - miel, cire, gelée royale, pollen, propolis, venin d'abeille (75 000 tonnes) ;
- 8e exportateur mondial de blé ;
- 9e producteur mondial d'œufs de poule ;
- 16e exportateur mondial de fromages
🇺🇦 L'Ukraine est un pays industrialisé :
🥇 1er producteur européen d'ammoniaque;
🥈 2е plus grand réseau de gazoducs d'Europe et 4e mondial (142,5 milliards de mètres cubes de capacité de débit de gaz dans l'UE) ;
🥉 3e plus grand parc nucléaire européen - 8e mondial ;
🥉 3e plus long réseau ferroviaire d'Europe - 11e mondial (21 700 km) ;
🥉 3e producteur mondial de localisateurs et d'équipements de localisation (après les États-Unis et la France) ;
🥉 3e exportateur mondial de fer ;
💥 4e exportateur mondial de turbines pour centrales nucléaires ;
💥 4e fabricant mondial de lance-roquettes ;
💥 4e exportateur mondial d'argile ;
💥 4e exportateur mondial de titane ;
💥 8ème exportateur mondial de minerais et concentrés métallurgiques ;
💥 9e exportateur mondial dans l'industrie de l'armement ;
💥 10e producteur mondial d'acier (32,4 millions de tonnes).
En conclusion, l’UE est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Ukraine, ce qui signifie qu’il existe plusieurs possibilités d’importer et d’exporter de l’UE vers l’Ukraine, et inversement[20].
Les révélations de Roland Dumas : comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est Comme nous l'avons expliqué plus haut, la crise actuelle trouve son origine dans l’extension permanente de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS.Et ci-dessous, Roland Dumas dévoile, confirme ce qui a été dit et promis à l’URSS en 1990, en échange de la réunification de l’Allemagne.
L'OTAN accroît les tensions en Europe, avec le Général Vincent Desportes
Général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et à HEC : Ukraine : 5ème jour de guerre
Vert foncé : États ayant signé et ratifié ; Vert clair : États ayant signé, mais pas ratifié
Le rôle du traité Ciel ouvert comme instrument de renforcement de la confiance et de la sécurité a été miné par l'administration Trump !
Que fera Joe Biden, qui annonce la production de nouveaux décrets revenant sur des décisions prises par Trump ?... C'est notre sécurité globale qui est en cause !
Les Etats-Unis de Trump se retirent officiellement du traité de désarmement sur les armés nucléaires de portée intermédiaire Le 2 août 2019[1], les Etats-Unis sortaient officiellement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), ouvrant de ce fait la voie à une nouvelle course aux armements.
Après six mois d’attente, la procédure de retrait de l’accord, lancée par Donald Trump en février 2019, est arrivé à son terme et débouchera donc sur la fin du traité bilatéral ratifié par les États-Unis en 1993.
Les Etats-Unis, s’ils ont assuré ne pas vouloir déployer de nouveaux missiles nucléaires en Europe, n’ont formulé aucune promesse quant au potentiel déploiement d’armes conventionnelles. Enfin, l’avenir du traité START[3] de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques, qui arrive à échéance en février 2021, est également en question.
Qu’est-ce que le Traité "" Ciel ouvert " dont les Etats Unis trumpistes se sont retirés en 2020 ? C'est en 1989, que le président George Bush relançait l'idée d'un Traité « Ciel ouvert[2]». Le Traité “ Ciel ouvert ” (« Open Skies » en anglais) est avant tout un traité militaire, basé sur la confiance.
Après des négociations entre les membres de l'OTAN et du Pacte de Varsovie (dissous en 1991), les discussions englobent au fil des années de plus en plus de pays, il est signé à Helsinki le 24 mars 1992. La Russie le signait en 2001, ce qui permettait l'entrée en vigueur du traité, ratifié par 35 pays, au 1er janvier 2002 , et compte actuellement trente-quatre États (depuis le retrait des USA). Il permet aux signataires des accords de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de survoler leurs territoires respectifs pour vérifier leurs mouvements militaires et les mesures de limitation des armements des uns et des autres.
Les Etats-Unis se retirent officiellement du traité « Ciel ouvert » (23 novembre 2020) Annoncé depuis le 21 mai 2020 par le président américain Donald Trump, le retrait des Etats-Unis du traité « Ciel ouvert », est devenu effectif et officiel le 22 novembre 2020.
Du fait de cette décision, les Etats-Unis ne pourront plus effectuer de vols d’observations non armés au-dessus du territoire russe ou de celui des autres pays signataires du traité « Ciel ouvert ». Ils ne pourront pas non plus, en théorie, bénéficier des renseignements transmis en vertu de l’accord. Cependant, il est possible que les Etats-Unis demandent des photographies aériennes de la Russie prises par d’autres membres de l’OTAN, tout en interdisant les vols russes équivalents au-dessus des installations militaires américaines.
Le chef de la diplomatie allemande a ensuite souligné qu’il regrettait la décision prise par l’administration Trump, estimant que le traité « Ciel ouvert » contribuait au renforcement de la confiance et à la promotion de la sécurité dans tout l’hémisphère nord « de Vladivostok à Vancouver[3bis]».
Moscou, en outre, voit d’un mauvais œil ce retrait américain : « Le retrait des Etats-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté aux fondements de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des Etats-Unis[4] », avait estimé fin mai 2020 le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko. « Ce n’est pas un traité bilatéral, mais multilatéral. Et une décision si brusque affectera les intérêts de tous les participants sans exception [4]», avait-il également regretté.
La Russie annonce son retrait du traité Ciel ouvert en réaction au départ de Washington Dans un communiqué de presse publié le 15 janvier 2021, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé entamer son retrait du traité " Ciel ouvert " que les Etats-Unis avaient quitté fin novembre[5]. Ce texte permet de vérifier la réalité des limitations des armements des pays signataires.
Déplorant les « dommages » causés à « l’équilibre » de ce texte par le retrait américain, Moscou déplore en outre que ses « propositions concrètes correspondant aux dispositions fondamentales du traité », visant à « maintenir sa viabilité dans les nouvelles conditions », n’aient pas « reçu le soutien des alliés américains ».
Pendant la campagne de l’élection présidentielle, j’ai proposé qu’existe une conférence permanente sur les frontières en Europe. À l’époque, le point de départ était la situation créée par l’adhésion de la Crimée à la Russie dans le cadre des événements de l’Ukraine. À l’époque, l’opinion de la caste était chauffée à blanc par le sentiment anti-russe. On ne pouvait parler de rien. Dans la mesure où j’avais été assimilé à un partisan de Vladimir Poutine, tout ce que je disais était immédiatement interprété dans la version la plus fantasque.
Bien sûr, depuis, la situation s’est bien stabilisée. Le gouvernement français et le président Macron ont pratiquement repris au mot près ce que je disais à propos des solutions à la situation en Syrie. La réception de Vladimir Poutine à Versailles est passée par là. Mais la question que je voulais poser demeure. Que fera-t-on en Europe quand des frontières bougent ? Assez stupidement, mes détracteurs de l’époque m’accusèrent de vouloir remettre en cause ces frontières. Naturellement, il n’en était rien. Puis je partais de l’idée que puisqu’elles avaient bougées, comme c’était le cas en Ukraine, alors la question se poserait de nouveaux à toute l’Europe. J’évoquais l’éventuelle sécession de l’Écosse et de la Catalogne, mais peut-être aussi demain de la Flandre et de la Wallonie. Depuis s’est ajouté la question de l’Irlande en raison du Brexit et du rétablissement de la frontière entre les deux Irlande. Et ainsi de suite.
La situation en Catalogne a ramené ma question sur le devant de la scène. On remarquera qu’elle se règle sans débat, par la force. L’Union européenne a dit qu’elle soutiendrait Madrid contre Barcelone. De son côté, la maire de Barcelone demande à l’Europe d’intervenir dans le litige. Naturellement, rien n’est prévu. On aurait tort de croire à une situation isolée. Naturellement la question de la Catalogne espagnole se pose dans les conditions particulières de l’Histoire de ce pays. Pour autant, selon moi, il est significatif que la crise éclate avec cette violence au moment où la mise en œuvre des directives européennes en Espagne ont tendu toutes les relations internes de ce pays. Autrement dit, les fractures actuelles repassent sur les vieilles cicatrices.
On aurait tort de croire qu’une telle configuration ne concerne que l’Espagne. On ne peut oublier qu’aux dernières élections législatives, le corps électoral en Corse a donné trois députés aux autonomistes sur quatre élus. Beaucoup d’esprits étroits oublient que l’Italie ou l’Allemagne sont des États-nations très récents. Et si l’on va vers les frontières de l’Est, on ne trouve que les Eurobéats français pour avoir oublié que la Slovaquie et la Tchéquie se sont séparées, d’une part, et, d’autre part, que l’interdiction d’enseigner dans une autre langue que l’ukrainien en Ukraine ne se contente pas de viser la minorité russe du Donbass mais également les Polonais, les Hongrois et quelques autres en Ukraine qui se vivent dorénavant comme des minorités opprimées.
C’est pourquoi j’écris de nouveau ces lignes. Le temps des polémiques et des injures absurdes inventées pour nuire dans une compétition électorale est dorénavant derrière nous. Peut-être peut-on à présent parler sérieusement d’un sujet qui finira par concerner la France, sa sécurité et son voisinage. S’il n’existe aucune voie pacifique proposée et encadrée par la communauté internationale, ces sortes de questions ne peuvent se régler autrement que par la force. Il n’y a pas d’entre-deux.
Poser la question, ce n’est pas souhaiter le problème, n’en déplaise à mes adversaires. Leur ignorance leur fait méconnaître que les accords d’Helsinki de 1975, toujours en vigueur, affirment que les frontières peuvent bouger dans le cadre d’un consentement des parties concernées. Ce consentement ne peut se constater sans que des règles aient été énoncées pour le vérifier. J’y reviens donc. Il existe un cadre commun de la Méditerranée à l’Oural : l’OSCE.
La question des frontières ne se limite pas aux aspects culturels du sujet. Elle implique directement et immédiatement la question de la sécurité des États dans ce qu’ils ont de plus intrinsèquement constitutifs. Les générations dirigeantes actuelles n’ont aucune perception sérieuse sur le sujet. Le dernier événement dans ce domaine est considéré par eux comme un sujet exotique. L’explosion de l’ancienne Yougoslavie ne semble avoir laissé aucune trace dans les esprits. Au lieu d’un pays, on en a dorénavant sept et un d’entre eux est une invention dont la création est un précédent explosif : le Kosovo. 400 000 personnes sont mortes dans cette aventure. N’est-il pas frappant que le président de la République n’en ait pas dit un mot dans cette étrange allocution de la Sorbonne ? Au contraire, il s’est engagé de façon plus aveuglée que jamais dans une vision d’intégration européenne anti-nationale. On l’a entendu plaider à la fois la « souveraineté européenne » contre la souveraineté nationale, puis la disparition des commissaires européens « issus des grands pays » avant d’aboutir à une « défense européenne », liée a l’OTAN, des plus évaporées.
Pour ma part je n’oublie ni les permanences de l’Histoire, ni ce fait qu’elle a toujours été tragique en Europe. Il est temps de faire l’Histoire avant de se laisser défaire par elle.
Selon l'analyste Mathieu Slama, ce qui se joue entre Vladimir Poutine et les dirigeants européens, ne se situe pas simplement autour de la question ukrainienne mais au niveau des idées, "sur quelque chose de bien plus fondamental et décisif". Deux visions du monde qui s'entrechoquent, " la démocratie libérale et universaliste" côté européen et "la nation souveraine et traditionaliste, de l'autre ", côté Poutine.
Nous rejetons l'universalisme du modèle occidental et affirmons la pluralité des civilisations et des cultures. Pour nous, les droits de l'homme, la démocratie libérale, le libéralisme économique et le capitalisme sont seulement des valeurs occidentales, en aucun cas des valeurs universelles. » L'homme qui a prononcé ces mots est Alexandre Douguine, intellectuel néo-eurasiste de la droite radicale russe, dans un entretien accordé à la revue Politique internationale en 2014. Au fil des années, il s'est lié d'amitié avec un certain nombre de dignitaires du Kremlin et de la Douma. Depuis le déclenchement de la crise ukrainienne, il est omniprésent dans les médias, appelant ni plus ni moins à « la prise de Kiev » et à la guerre frontale avec l'Ukraine. « L'Ukraine de l'Est sera russe », assure-t-il. Contrairement à ce qu'affirment certains intellectuels anti-Poutine en France (Bernard-Henri Lévy notamment), Douguine n'est pas « le penseur de Poutine », la relation directe entre les deux hommes étant difficile à établir. Cependant, force est de constater qu'on retrouve, dans certains discours du président russe, une même vision du monde qui est celle d'un monde multipolaire, où la dimension cardinale est la souveraineté nationale et où « universalisme » est l'autre mot pour désigner l'ambition hégémonique occidentale.
On peut reprocher beaucoup de choses à Vladimir Poutine, mais il y a une chose qu'il est difficile de lui contester, c'est son intelligence et l'imprégnation qu'il a de la culture et de l'âme russes.
D'un côté, la démocratie libérale et universaliste ; de l'autre, la nation souveraine et traditionaliste
En cela, nous dit Hubert Védrine dans le dernier numéro du magazine Society consacré à Poutine, il se distingue très nettement de ses homologues européens : « C'est un gars [sic] très méditatif, qui a énormément lu. Vous ne pouvez pas dire ça d'un dirigeant européen aujourd'hui. Il y a une densité chez Poutine qui n'existe plus chez les hommes politiques. »
Dans un discours absolument fondamental d'octobre 2014 devant le Club Valdaï, réunion annuelle où experts, intellectuels et décideurs viennent parler de sujets liés à la Russie, Poutine a brillamment exposé l'essentiel de sa doctrine. Morceaux choisis : « La recherche de solutions globales s'est souvent transformée en une tentative d'imposer ses propres recettes universelles. La notion même de souveraineté nationale est devenue une valeur relative pour la plupart des pays » ; « Un diktat unilatéral et le fait d'imposer ses propres modèles aux autres produisent le résultat inverse. Au lieu de régler les conflits, cela conduit à leur escalade ; à la place d'Etats souverains et stables, nous voyons la propagation croissante du chaos ».
Difficile de ne pas voir l'influence, même indirecte, d'Alexandre Douguine dans un tel discours. Poutine situe son combat contre l'Occident non pas sur la seule question ukrainienne, mais sur quelque chose de bien plus fondamental et décisif. Poutine et l'Occident, ce sont deux visions du monde irréconciliables qui s'affrontent, la démocratie libérale et universaliste, d'un côté, face à la nation souveraine et traditionaliste, de l'autre.
La différence entre Douguine et Poutine est cependant de taille. Là où le premier défend une vision idéologique et quasi eschatologique de la mission russe - « La crise ukrainienne n'est qu'un petit épisode d'une confrontation très complexe entre un monde unipolaire et multipolaire, entre la thalassocratie[civilisation de la mer, l'Amérique] et la tellurocratie [la civilisation de la terre, la Russie] », Libération du 27 avril 2014 -, le second reste un homme d'Etat pragmatique qui sait qu'on gagne d'abord les batailles par l'habileté dans la négociation et la recherche de compromis politiques. Là où Douguine rejette en bloc le libéralisme, Poutine y voit, notamment dans sa dimension économique, un moyen d'accroître la prospérité de la Russie.
Raison de plus, pour l'Europe, d'éviter l'escalade et d'adopter une diplomatie un peu plus indépendante des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie. Dans le cas contraire, la prophétie de Douguine d'un nouveau « choc des civilisations » risque fort de se réaliser.
En dépit des divergences au sein du monde euro-atlantique et des réticences de Washington, les seconds accords de Minsk, visant à mettre fin au conflit dans l’est du Donbass, ont été signés à l’arraché grâce à une initiative conjointe de la France et de l’Allemagne, le 11 février dernier.
S’ils parviennent à empêcher une nouvelle partition de l’Ukraine, ces accords, si fragiles et ambigus soient-ils, pourraient offrir une chance ultime de rénovation de l’ordre européen, en jetant les bases d’un modus vivendi avec la Russie.
La France et l’Allemagne, qui demeurent les principaux piliers de l’Union européenne, pourraient jouer ici un nouveau rôle historique dans l’établissement d’un modus vivendi entre le monde occidental et la Russie. Mais examinons d’abord les paramètres qui pourraient permettre d’envisager la réalisation des accords de Minsk.
Sources :le Monde Diplomatiquepar Jacques Lévesque[1], juin 2015 | mis à jour le 2 février 2016
L’annexion de la Crimée peut à juste titre être attribuée au revanchisme.
Cependant, l’examen de la politique extérieure de la Russie postsoviétique montre qu’elle a été le produit de circonstances récentes, et qu’elle n’était pas inéluctable, ni même programmée, avant le début de 2014. C’est pourquoi elle était totalement inattendue. La résurrection du terme Novorossia (« la nouvelle Russie ») pour désigner le sud-est de l’Ukraine, et son utilisation par M. Vladimir Poutine, ne l’ont pas précédée, mais suivie, pour la justifier a posteriori.