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8 septembre 2024 7 08 /09 /septembre /2024 08:23
La preuve par M. Bompard : la stratégie électorale des insoumis est gagnante

Vers la victoire du bloc populaire ?

 

Bien sûr, cette analyse ne peut pas faire abstraction du renforcement du bloc d’extrême droite, dont les progrès sont très largement la conséquence de l’affaiblissement du bloc libéral. Nous sommes donc bien dans la course de vitesse entre eux et nous que décrivait déjà Jean-Luc Mélenchon il y a plus de 10 ans. Une question se pose donc à nous : existe-il des marges de progression encore importantes pour permettre au bloc populaire de l’emporter ?

Car :

  • les circonscriptions sur lesquelles le NFP a le plus progressé aux législatives sont celles où la France insoumise a le plus progressé aux européennes.
  • c’est bien la progression de la France insoumise, et donc le résultat de sa stratégie électorale, qui a permis la victoire du Nouveau Front populaire aux élections législatives.
  • c’est bien l’élargissement de la France insoumise dans le 4e bloc qui a permis au Nouveau Front populaire de reprendre cette circonscription au Rassemblement national...

 

🔴  Pour le savoir, lire la suite en cliquant sur l'image 👇

 

Quatrième bloc : la stratégie gagnante de la France insoumise

 

Pour en savoir plus :

« Radicaliser » : retour sur la campagne du Monde contre LFI

Cagé, Piketty : à la conquête du 4ème bloc ?

La gauche actualise sa stratégie à l’aune du livre de Cagé et Piketty

 

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6 septembre 2024 5 06 /09 /septembre /2024 13:20
La gauche n’a pas de problème avec les sous-préfectures

Métropoles à gauche, ruralité au RN ? Sébastien Rome bat en brèche cette théorie fumeuse... notamment développée par F. Ruffin

 

 

La France des métropoles serait à gauche et la France rurale, périurbaine, des villes moyennes serait RN. Vous connaissez la chanson. Pour une gauche majoritaire dans le pays, il faut établir le bon diagnostic. Je vous soumets ici quelques idées et résultats qui invitent à abandonner la lecture simpliste métropole versus campagne. Et non, la France des sous-préfectures ne vote pas RN.

 

 

Source : Sebastien Rome député LFI | mis à jour le 13/09/2024

- Tribunes, ateliers aux universités d’été, déclarations publiques : une question prend de plus en plus de place : est-ce que la France hors des « métropoles », c’est-à-dire les petites et villes moyennes, les villages, vote principalement pour le Rassemblement national ?
Mais également : existe-t-il une opposition binaire entre une France des villes et une France des champs comme la fable d’Esope le décrivait au VIe siècle avant J.C ?
La réalité du réseau urbain français est plus complexe et ne ressemble pas à la fable du poète grec, où l’opulence du rat des villes impliquent l’insécurité permanente quand la tranquillité du rat des champs a pour corolaire la pauvreté. Il semblerait que pour certains, nous en sommes toujours là plus de deux millénaires après. Sur ce sujet, la récente analyse et typologie des espaces ruraux[1] démontre que certaines campagnes sont en déclin quand d’autres sont dynamiques et prospères, encore d’autres sont très attractives car dans des zones touristiques mais pauvres. Je ne reviens pas plus sur cet aspect laissant le soin d’explorer via le lien au-dessus la diversité des ruralités françaises.

 

 

🔴  Essayons donc de sortir de la carricature binaire et poursuivons en regardant quels sont les ressorts du vote dans les habitants des sous-préfectures, des villes moyennes en déprise et de la ruralité et surtout s’ils votent plus RN.

 

 

- Pour cela commençons par les travail de Olivier Bouba-Olga et Vincent Grimault, qui, dans un article pour Alternatives économiques, nous expliquent vraiment les différences de vote RN entre les villes et les campagnes[2].

Par un travail remarquable, ils démontrent le facteur explicatif du vote. « Le fait de montrer que le vote dépend de caractéristiques sociales plus que du lieu de vie permet d’invalider les interprétations en termes de gradient d’urbanité [plus on s’éloigne du centre-ville de la métropole, plus on vote RN], très souvent reprises, plus ou moins consciemment, dans les médias. »

L’écart des résultats, en données brutes, entre l’urbain et le péri-urbain ou le rural est de 11 points en défaveur pour la gauche. Dit autrement, si on regarde le pourcentage des résultats entre les villes et les campagnes, on a un écart de 11 points. Cela plaide pour une interprétation géographique du vote. Il y aurait un vote des quartiers différents de celui des clochers selon la nouvelle formule de François Ruffin[3].

 

Mais quand on observe le résultat des élections législatives au regard de la composition sociale de ces différents territoires (urbain, rural sous influence urbaine, rural autonome), on obtient une autre compréhension de la situation sociale du pays. Le vote des ouvriers, des employés, des cadres des villes et des champs varie assez peu selon leurs lieux de vie.

  • Ainsi, l’écart brut qui était de 11 points entre l’urbain et le rural tombe à 1 point pour le rural et à 3 points pour le rural sous influence urbaine (« périurbain »).
  • L’écart d’un point dans le rural n’est pas significatif. Cela veut dire que les ruraux ne votent pas différemment que les urbains mais selon leurs classes sociales.
  • Par contre, l’écart de 3 points dans le péri-urbain quand on neutralise l’effet de la composition sociale a une signification. Chez les habitants des zones péri-urbaines, il semble y avoir une légère influence du lieu de vie selon Olivier Bouba-Olga[4].

 

 

- Je propose ici d’expliquer cette influence géographique du vote par l’organisation sociale dans l’espace qui s’est mis en place en France selon le triptyque suivant :

triangle travail-foncier-mobilité

 

🔴 On sait que le niveau de diplôme est la corrélation la plus efficace dans l’explication du vote[5]. Plus on est diplômé, moins on vote RN. Avec un CAP/BEP, on a bien plus de probabilité de voter RN. Ces diplômes impliquent une position sociale, un éventail de professions et des revenus qui ne sont pas les mêmes que lorsque l’on a un diplôme du supérieur, c’est un truisme. On accède alors à un logement en rapport avec ce revenu selon le prix du foncier. Ce logement implique une mobilité insérée dans un réseau de transports collectifs/publics ou un réseau routier de transports privés/individualisés. Le crédit fait le lien entre ces trois éléments

 

🔴 On retrouve là la base du capitalisme actuel fait de réseaux, de spéculation et de dépréciation foncière, de l’exploitation du travail et du non-travail, où le système bancaire est central. Pour le dire schématiquement :

  • quand on a de très bons revenus, on vit soit en centre-ville, soit dans la banlieue chic ;
  • quand on est très pauvre, on vit soit dans les HLM, soit dans les centres anciens des villes (ou villages) en déprise ;
  • quand on a un salaire autour du salaire médian, soit 1 850 € (c-a-d 50 % des Français gagnent plus de 1850€ et 50 % gagnent moins), on va vivre au milieu de ces deux espaces, dans le périurbain.

 

🔴 On se distingue ainsi des plus pauvres en évitant les centres anciens, souvent dégradés tout en n’ayant pas les moyens accéder aux quartiers les plus prisés. La voiture est alors ce qui fait lien entre les espaces de consommation, de travail, de loisirs, de services publics. Le choix est de se mettre en retrait, « au calme »,  « à la campagne », à distance des espaces sociaux les plus stigmatisés, à des fins de distinction sociale et de reconnaissance sociale de réussite via l’accession à la propriété d’une maison individuelle.

 

🔴 Si le vote ne dépend pas du territoire mais de la condition sociale, comme le démontre entre autres Olivier Bouba-Olga, on doit comprendre les rapports sociaux que les habitants de ces différents territoires entretiennent collectivement les uns avec les autres. Ces rapports sociaux s’inscrivent dans les territoires qui sont ainsi socialement marqués, avec plus d’ouvriers/employés dans les espaces péri-urbains qui cherchent à se rapprocher des lieux de vie les plus valorisés socialement et dans le même temps qui chercher à se distinguer des lieux de vie les plus stigmatisés.

 

 

- Il ne faut donc pas penser les communes indépendamment les unes des autres ou selon leur nombre d’habitants, mais dans les relations qu’elles (et leurs habitants) entretiennent en termes de distinction sociale.

Chercher à comprendre le vote des habitants de communes par tranche du nombre d’habitants n’a pas de sens. Deux villages moins de 1 000 habitants n’auront pas la même fonction si l’un est la « banlieue » chic d’une métropole et l’autre dans un « arrière-pays » pauvre.

  • Dans l’Hérault, l’ancien chef-lieu d’Olargues (550 hab.), dans le Haut Languedoc n’a rien à voir avec Saint-Jean-de-Cuculles (483 hab.) à quelques kilomètres de Montpellier.
  • A Olargues, au premier tour le candidat NFP est 1er 50%, le RN 31% et Renaissance 12% (circo NFP 32% - RN 48% - Renaissance 13 %).
  • A Saint-Jean-de-Cuculles, la candidate RN fait 37 % (41% circo), le candidat Renaissance 35% (22 dans la circo) et celui du NFP 26% (33% dans la circo).
  • Pareillement, cela n’a pas plus de sens de classer Mende, préfecture de la Lozère (38% NFP et 30% RN), avec Plan-de-Cuques (1er tour 57% RN et 13% NFP), connu pour son centre commercial aux portes de Marseille !
  • Auch préfecture du Gers (NFP en tête) n’a rien à voir avec Tassin-la-Demi-Lune dans la banlieue aisée de Lyon (Renaissance en tête).

Ces communes ont des fonctions totalement différentes dans le territoire bien qu’équivalentes en nombre d’habitants.

Mende en 1969

Mende en 1969

🔴 Ainsi, dans l’Hérault, charité bien ordonnée commençant par soi-même, on observe que les villes qui ont/avaient des fonctions de centralité (centralité aussi bien administrative, commerciale ou historique), quelle que soit leur taille, votent plus à gauche que leurs alentours. Il y a ainsi des systèmes de halo. Montpellier vote plus à gauche que ses extérieurs. Mais c’est aussi le cas de Lodève, Ganges, Clermont-l'Hérault, Saint-Pons-de-Thomières… et même de Béziers.

Rapport de forces NFP/RN Hérault 2nd tour 2024 © les 577

Rapport de forces NFP/RN Hérault 2nd tour 2024 © les 577

vote NFP Hérault

Si la carte de gauche montre un marquage net entre la côte urbanisée qui vote RN et les piémonts ruraux (Cévennes, Larzac, Haut-Languedoc) qui vote à gauche, on perçoit des petites villes qui ont des fonctions de centralités entourées de vote RN : Pézenas, Ganges, Bédarieux, Clermont l’Hérault, Lodève, Montpellier. Sur la carte de droite, on voit que les centralités qui ont mis le RN en tête ont aussi un vote à gauche plus élevé que leur environnement (Sète, Béziers, Lunel). L’effet de halo est clairement visible.

 

 

🔴 La carte du Rhône est assez typique de la répartition sociale dans l’espace qui implique une répartition des votes. Un centre, la métropole de Lyon avec ses banlieues intégrées au système urbain puis une ceinture plus privilégiée où le vote libéral domine et enfin le RN avec les centralités de Tarare et l’Arbresle.

Rhône 1er tour

Rhône 1er tour

Dans la 9e circonscription du Rhône, au nord-est du département, le candidat NFP, Jean-Henri Soumireu-Lartigue (PS) est 1er à Villefranche-sur-Saône (35%) et second à Belleville-en-Beaujolais (24%)

Rhône NFP

quand il est troisième (23%) dans la circonscription après le RN (35%) et la droite (25%). Abdel Yousfi (PCF) dans la 11e circonscription est en tête à Givors (48%) mais troisième dans la circonscription (22%).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

🔴 Comme pour l’Hérault, l’aspect homogène du vote pour le RN et le NFP dans la Drôme cache des différences d’intensité. Montélimar qui a mis le RN en tête, vote plus à gauche que son environnement

Drôme NFP RN

Drôme NFP RN

Drôme NFP

proche. C’est aussi assez évident pour Die, Crest, Romans-sur-Isère et bien sûr Valence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

🔴 Ce schéma fonctionne assez bien à toutes les échelles : centre du village et sa périphérie, une petite ville avec ses villages, des petites villes avec une grande ville, Paris avec le Nord, le Sud et l’Est de la France où le RN réalise ses meilleurs scores[6].

 

 

-  Afin de vérifier cette hypothèse et partant de ce constat, je me suis efforcé de compiler les résultats dans les sous-préfectures de France (3,5 millions d’inscrits) selon les trois blocs : centre, gauche, extrême droite.
Le résultat est édifiant. La gauche est en tête dans la France des sous-préfectures. Mais comme ces sous-préfectures n’ont pas le même statut dans le territoire [parfois la sous-préfecture est la commune la plus peuplée, comme Saint-Denis dans le 93], j’ai regardé les résultats selon que la sous-préfecture était la première, deuxième ou troisième commune du département en nombre d’habitants.

Résultats par bloc dans les sous-préfectures (1er tour)

Résultats par bloc dans les sous-préfectures (1er tour)

🔴 Mais j’ai souhaité tester plus avant cette idée de communes qui remplissent des rôles de centralité (cliquez une définition sur le site l’Observatoire des Territoires) sans nécessairement être une sous-préfecture.

 

🔴 Je me suis donc appuyé sur le programme « Action Cœur de Ville » qui concerne 245 communes. Selon l’Agence nationale pour la cohésion des territoires[7] des « villes moyennes, qui jouent un rôle de centralité au sein des régions, n’ont pas réellement fait l’objet de politiques publiques de l’État ciblées sur les enjeux de revitalisation ces dernières décennies, et de leurs centres-villes en particulier. Certaines de ces villes présentent pourtant les caractéristiques de territoires délaissés ou dévitalisés, pour lesquels une action publique spécifique s’impose et, plus globalement, pour lutter contre les fractures territoriales. D’autres, bien que moins en difficulté, doivent être soutenues dans leur fonction de centralité. » Cela représente plus de 4,6 millions d’inscrits.

 

🔴 Ainsi, si ces communes ont des difficultés de logements et de commerces vacants, connaissent des taux de chômage et de pauvreté élevés, un sous-équipement public et privé, nous devrions donc voir apparaître un vote RN motivé par la colère (« fâchés pas fachos »), le délaissement, le « sentiment d’abandon », le recul des services publics et la fuite des entreprises. 

 

🔴 C’est plutôt l’hypothèse de la centralité qui l’emporte. La gauche surperforme dans ces communes qui n’ont rien à voir avec les métropoles. Il s’agit bien de communes moyennes en difficulté. Une des explications serait que les services publics y soient plus présents, ce qui réduirait l’idée du sentiment d’abandon. Effectivement, dans ces territoires, le secteur public pèse plus lourd dans le poids économique local, comme l’a démontré Laurent Davezies[8]. Cela conduit à une plus grande sensibilité à la fermeture de ces services publics, qui sont pratiquement les seuls à offrir des emplois quand le tissu industriel est parti. Les emplois dans les collectivités, souvent premiers employeurs, les Ehpad, les écoles, les chambres consulaires… sont centraux.

 

🔴 Si je crois que la présence des services publics a une influence, je la situe ailleurs.

  • On retrouve dans ces administrations des postes d’encadrements de la fonction publique avec un nombre de diplômés plus important qui ont plus tendance à voter à gauche.
  • On trouve aussi dans ces territoires plus de pauvreté, à la fois dans des HLM plus présents (les communes autour sont souvent en dessous des seuils d’obligation de production d’HLM et évite donc d’en produire pour « se préverser » des pauvres) et dans l’habitat dégradé de centre-ville offrant du logement social dit « de fait » (moins cher qu’en HLM et plus rapidement accessible). « Parmi les personnes gagnant moins de 900 euros par mois, le leader de LFI rassemble 34 % des voix, contre 26 % pour Marine Le Pen. » nous rappelle Libération[9] présentant les travaux de Piketty-Cagé.
résultats action cœur de villes

résultats action cœur de villes

🔴 L’idée qu’il existe un halo autour d’un centre peut avoir sa pertinence si on la généralise à toutes les échelles et si on ne se limite pas caricaturalement aux métropoles.

On ne peut pas en rester à l’idée de deux France :

  • celles des métropoles qui votent à gauche et pour Macron parce qu’elles sont mondialisées par le haut (cadres) et par le bas (main-d’œuvre ouvrière racisée) ;
  • et le reste, leurs périphéries, voteraient à l’extrême droite parce qu’elles sont blanches et populaires.

 

 

- Nous venons de voir que l’ensemble de ce qui est décrit ci-dessus montre que la binarité bourg/tours est fausse.
Cette lecture ne marche pas au regard des faits. Les bourgs centraux votent plus à gauche que leur environnement proche. Mais si le RN est très haut autour, il sera tout de même assez haut au centre. Bien que les clivages soient avant tout sociaux, on peut dégager une relation entre des centres, quelles que soient leurs tailles, et leurs périphéries. Ces relations semblent s’emboîter à toutes les échelles du pays, qui continue de s’organiser autour de son centre principal, Paris, puis des centres secondaires, les métropoles, puis ainsi de suite dans un réseau qui maille le pays de plus en plus finement. À chaque maille, le centre plus urbain vote plus à gauche que sa périphérie même quand ce centre ne compte que 500 habitants.

 

Je me permets même descendre à une maille plus petite. Alors que j’allais à la rencontre du maire de Tressan, petite commune de 637 habitants, qui n’est pas une centralité, ce dernier m’interroge : « Pourquoi ma commune vote-t-elle majoritairement à gauche quand toutes les communes autour votent à 60 % RN ? ». Me voilà heureux de cette question, car j’étais venu justement ce jour de premier tour des législatives pour cette raison. Je l’interroge à mon tour : « Combien as-tu de lotissements ? » « Aucun », me dit-il.

 

🔴 On retrouve ainsi le rapport à l’espace que je décrivais en premier.

  • Quand un village n’a pas produit de périphérie, il vote moins RN.
  • Le centre produit de l’égalité quand la périphérie implique une distinction.

Par ailleurs, je crois que le votent massif pour le RN dans les villages de l’arc méditerranéen est lié à la trop grande rapidité de la croissance urbaine de ces villages par l’apport de populations, non pas immigrées, mais d’autres régions de France choisissant de se distinguer radicalement des classes populaires. Ils sont soit retraités, soit des travailleurs, souvent indépendants, dans la sphère de l’économie dite « résidentielle[10] ».

Tressan

Tressan

🔴 Ainsi, reprenant mon triptyque travail-foncier-mobilité, on comprend l’enjeu essentiel d’agir sur ces trois leviers en même temps, notamment pour desserrer l’étau du crédit, qui est prépondérant pour des personnes qui n’ont toujours pas de capital pour investir dans un logement et dans deux ou trois voitures. Comment se passer d’un crédit avec un salaire moyen ? On retrouve ici même les motivations du vote RN : de revanche sociale sur les classes supérieures (anti-élite économique et/ou culturelle) et de vote de distinction sociale sur les classes inférieures non-blanches ou ostracisées sous le nom de « cas-soc ». Ces électeurs sont des classes intermédiaires dont le lieu de vie est entre deux centres, socialement placés entre des zones où il y a plus pauvre que soit et des zones où il y a plus riche que soit.

 

 

- Nous pouvons affirmer qu’il y a un objectif stratégique pour la gauche en général et la France insoumise en particulier à aller à la conquête électorale (municipale) dans les centralités à chaque échelle géographique.
Dans les métropoles bien sûr, mais aussi dans les plus petites villes qui donnent un avantage à la gauche. Ces centralités sont pratiquement toujours le centre de l’intercommunalité et systématiquement la « capitale » de l’agglomération ou de la métropole.
Elles influent donc positivement ou négativement sur leur environnement proche.

 

Prendre ces villes en gestion municipale doit conduire à des politiques de rupture affichées qui ne se concentrent pas sur la centralité pour conserver son siège de maire, reproduisant par-là les politiques de métropolisation et d’attractivité concurrentielle des territoires (le cas de Montpellier qui se ferme à son territoire environnant et le concurrence est en cela caricatural) à différentes échelles, mais au contraire à la déconcentration.

 

🔴 La « démétropolisation » planifiée, qui vise à créer des contrepoids aux centralités (c’est-à-dire à élargir aux périphéries la centralité), sera une œuvre d’égalité sociale entre les habitants de territoires si différents socialement et, ce faisant, elle affinera et élargira le réseau urbain par une juste répartition des services publics et de l’emploi privé. Mais pour cela, il faudra que le citoyen reprenne la main sur le triptyque travail-foncier-mobilité aujourd’hui aux mains du marché qui fait son beurre dans les zones attractives et délaisse les zones où les profits semblent ne pas exister.

 

 

Notes :

[1] Une nouvelle typologie des espaces ruraux en France

[2] Analyse Ce qui explique vraiment les différences de vote RN entre les villes et les campagnes

[3François Ruffin  "Je demande à la gauche de conjuguer la France des bourgs et des tours. Des quartiers et des clochers, de n'abandonner personne ! »

[4] « Le résultat principal que nous obtenons est le suivant : l’écart brut entre rural autonome ou rural sous influence et urbain observé dans le tableau 1, de l’ordre de 11 points de pourcentage, tombe à 1,3 point pour le rural autonome et à 3 points pour le rural sous influence. Il est donc très sensiblement réduit, les écarts de vote entre rural et urbain sont pour une large part le résultat d’effets de composition sociale. Deuxième résultat, cette réduction est plus forte dans le rural autonome que dans le rural sous-influence, l’écart de 3 points reste non négligeable, les effets de composition sociale n’expliquent pas tout. » nous disent Olivier Bouba-Olga et Vincent Grimault dans la note méthodologique suivante : Note-méthodo.pdf (univ-poitiers.fr) 

 

 

 

 

 

 

 

[5Résultats des législatives 2024 : âge, profession... Comment ont voté les Français ?

Tableau historique de la France La formation des courants politiques de 1789 à nos jours

[6] Il est à nuancer selon les traditions locales de votes. Le site www.unehistoireduconflitpolitique.fr permet de générer des cartes. J’ai choisi l’une représentant le vote PCF aux législatives de 1978 (la gauche de « rupture » de l’époque) à gauche celle de la Nupes en 2022 à droite (avec le slogan « Mélenchon 1er ministre »). On voit une permanence dans certaines zones du territoire : les Cévennes, le Vercors, l’Allier, Alpes de Hautes, le centre de la Bretagne… comme Hervé le Bras l'a fréquemment démontré dans ses ouvrages dont le dernier est " Tableau historique de la France - La formation des courants politiques de 1789 à nos jours " chez Seuil.

 

 

[7Agence nationale pour la cohésion des territoires

[8« L’Etat a toujours soutenu les territoires » Ou « Inégalités et justice territoriales vont-elles de pair ? »

[9Présidentielle 2022 : est-il vrai que les «classes populaires» ont plus voté Mélenchon que Le Pen ?

[10Il y a économie résidentielle et économie résidentielle...

 

👉 Les commentaires ICI

 

Pour en savoir plus :

- Institut La Boétie : colloque « Extrême droite : le dessous des cartes. Comment la vaincre »

La gauche actualise sa stratégie à l’aune du livre de Cagé et Piketty

Législatives, européennes 2024 : Quatrième bloc, la stratégie gagnante de la France insoumise

- « Missive depuis le Midi Rouge devenu brun » – L’analyse du député Sébastien Rome

Comment le RN s’est imposé, Benoit Bréville, Pierre Rimbert, Serge Halimi

- Les électeurs ordinaires du Rassemblement National

- Ruffin : la honte en entier et pas à moitié

 

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15 août 2024 4 15 /08 /août /2024 13:40
De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

Le coup d’état du 2 décembre 1851, l’expédient et le spectre

 

 

La fin de la IIe République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent. Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons.... car comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans[19]

 

 

Source : Francis DASPE | mis à jour le 03/09/2024

- Au moins autant que la séparation des pouvoirs, c’est l’articulation entre exécutif et législatif qui définit la nature réelle des institutions d’un système politique.
En France, la I° République avait fait le choix en 1792 de se passer de président de la République. Le souvenir vivace de la tyrannie à peine renversée expliquait ce parti pris. C’était affaiblir le pouvoir exécutif et tabler sur un pouvoir législatif dominant, renforcé par le choix de l’assemblée unique avec la Convention.


Un demi-siècle plus tard, la II° République opta pour un président de la République élu au suffrage universel direct[1] (masculin, faut-il préciser). C’était donner au pouvoir exécutif une légitimité populaire lui permettant de peser, même si une limite d’importance lui était assignée : le non renouvellement du mandat présidentiel. La fortune de ces deux République fut identique : toutes deux se terminèrent par un coup d’état militaire[2][3].

 


- La fin de la II° République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent.
Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons. Le 2 décembre 1851, le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la II° République, sonne le glas de cette dernière[3].

  • C’est le dénouement d’une crise aiguë opposant depuis quasiment trois ans le pouvoir législatif (incarné par le « parti de l’ordre ») et le pouvoir exécutif (le président).
  • Le conflit opposait donc une Assemblée nationale majoritairement conservatrice et monarchiste à un président de la République au parcours sinueux. Les deux se réclamaient pareillement du vote populaire : le président élu au suffrage universel masculin direct en décembre 1848[4], l’assemblée de celui de mai 1849[5]. Pourtant, ils avaient été des alliés de circonstance au cours de l’année 1848.


La II° République, sociale à ses débuts, celle des ateliers nationaux, représentait à la fois une menace et un scandale pour les possédants. Leur réaction fut rapide et violente pour mette à l’ordre du jour dans un même élan la répression politique et la régression sociale. Le général Cavaignac fut l’homme de la situation : le parti de l’ordre (re)naissant l’utilisa en conséquence à l’occasion des journées de juin 1848 (avant cela il y avait déjà eu la répression brutale de la manifestation du 15 mai 1848 qui se traduisit un an plus tard par la condamnation des chefs républicain au procès de Bourges). Mais pour l’élection présidentielle de décembre, Cavaignac était déjà discrédité et essoré. Le choix du parti de l’ordre se reporta alors sur Louis-Napoléon Bonaparte.


🔴 Chacun pensait utiliser l’autre et le manipuler à son profit.

  • Mais le divorce survint rapidement, notamment à l’occasion des élections législatives de mai 1849[5] qui virent la victoire du parti de l’ordre, c’est-à-dire du camp conservateur et monarchiste.

 

- Louis Napoléon Bonaparte tenta de s’affranchir quelque peu du pouvoir législatif en formant en octobre 1849 un gouvernement dévoué à sa personne.

Ce fut le « ministère des commis » dirigé par le général d’Hautpoul. Aujourd’hui, on parlerait sans nul doute de gouvernement technique d’obligés. La tentative est cependant irrésistiblement vouée à l’échec, car la Constitution est claire à ce sujet : c’est l’Assemblée nationale qui vote les lois que le gouvernement doit ensuite appliquer. Et elle en profite pour faire passer des lois conservatrices qui déplaisent au Président : loi Falloux du 15 mars 1850 sur la liberté de l’enseignement favorisant de fait l’influence du clergé, loi électorale du 31 mai 1850 limitant le suffrage universel masculin (le corps électoral passe de 9 millions à 6 millions d’électeurs), sans parler des considérations de politique étrangère particulièrement sensibles et clivantes, notamment celles liées aux répercussions du Printemps des peuples.


🔴 Mais la grande affaire réside dans la question de la révision constitutionnelle afin de permettre la réélection du président de la République, ardemment souhaitée par Louis-Napoléon Bonaparte. En 1851, une proposition allant dans ce sens était rejetée à deux reprises par l’Assemblée. La rumeur d’un éventuel coup d’état fut propagée par les uns et les autres, stratégie pour s’y accoutumer ou au contraire pour le conjurer.


🔴 La situation était confuse à souhait et paradoxale à bien des égards. S’y repérer pouvait relever de la gageure. En effet, on retrouvait deux anciens alliés entrés en conflit, qui tous deux ne portaient pas dans leur cœur la République. Une assemblée en majorité conservatrice, en réalité monarchiste, se trouvait acculée à défendre la République pour qui elle avait peu d’estime.


Notons qu’une des origines du parti de l’ordre était ce qui fut appelé les « républicains du lendemain[6] » élus dès avril 1848. Il s’agissait de monarchistes et de bonapartistes déguisés en républicains inquiets des bouleversements sociaux et de l’irruption du peuple, mais ne pouvant pas encore se dévoiler tels qu’ils étaient. Ils s’opposaient aux « républicains de la veille » aux convictions antérieures et solides (hostiles à la monarchie et depuis longtemps favorables à l’instauration d’une république).


Le peuple, terme certes vague et mal défini, mieux considéré par le président (quoique le livret ouvrier ne soit pas encore abrogé), va se retrouver en défense de l’assemblée qui pourtant l’avait dépossédée de ses droits et de son pouvoir par une politique caractéristique du parti de l’ordre : réprimé lors des journées de juin 1848, exclu du suffrage par la loi électorale de mai 1850. Des républicains, sincères eux, en partie ceux « de la veille », défendent la République en venant au secours d’une assemblée conservatrice monarchiste.

 

 

- La stabilisation du coup d’état s’effectua rapidement, alternant phases de répression et actes de validation des nouvelles réalités politiques (plébiscite des 20 et 21 décembre pour entériner le coup d’état, nouvelle constitution le 14 janvier 1852[7], officialisation de l’établissement du II° Empire le 2 décembre 1852[7]
L’instauration d’un régime autoritaire était donc actée. Le parti de l’ordre s’y rallia très vite, pourvu que les affaires et les profits ne soient pas empêchés. En contrepartie, la poursuite de la répression de la résistance populaire et républicaine fut de mise, justifiée par l’épouvantail du mythe du danger imminent d’une guerre sociale, alimentant la peur des petits et grands possédants. Les conditions d’une alliance entre les bonapartistes et les élites étaient ainsi reconstituées.


🔴 Par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, le coup d’État sert de repoussoir au camp républicain. Une légende noire autour de Napoléon III et du Second Empire est développée, initiée notamment par la figure tutélaire de Victor Hugo. Néanmoins, le coup d’Etat subsiste dans les mentalités, à la fois comme une tentation et un expédient, en somme à l’égal d’un spectre réactivé à l’occasion des différentes crises politiques ponctuant l’histoire de notre pays.

 

De nombreux exemples peuvent être cités :

  • crise de 1877 avec Mac-Mahon : Aux élections de 1876, les électeurs ont désigné une majorité républicaine, alors que le Président de la République, la maréchal de Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes[8] ;
  • crise Boulanger : La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889[9] ;
  • affaire Dreyfus : Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage[10] ;
  • événements du 6 février 1934 : le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky[11] ;
  • retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 : La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle. De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958[12] ;
  • etc...


Commencé à gauche, si l’on peut dire non sans forcer quelque peu le trait, car contre le parti de l’ordre et pour le suffrage universel, le coup d’état se termine clairement à droite. Il cherche en effet à éradiquer un « péril républicain et rouge ». Au mieux, l’historiographie emploie, pour qualifier le régime du II° Empire ainsi porté sur les fonts baptismaux, l’expression de « démocratie césarienne[13] ». Celle-ci est vraiment incomplète, se faisant très souvent sans le peuple et contre le peuple.


Car le coup d’état reste un impensé permanent, ou un acte manqué, du jeu politique au quotidien. L’expression est régulièrement utilisée, tantôt pour qualifier un passage en force ou une combine politicienne, tantôt pour discréditer le camp d’en face. Elle est certes bien souvent galvaudée. Mais on est cependant en droit de se demander en quoi consistent les coups d’état d’aujourd’hui. Pour se limiter à la période contemporaine, partons du « coup d’état permanent » dénonçant les institutions de la monarchie républicaine instaurée en 1958.


Prolongeons la réflexion avec le pouvoir législatif asservi encore davantage par la réforme constitutionnelle de 2002 (passage au quinquennat et inversion du calendrier électoral) qui visait à garantir une majorité stable au président nouvellement élu pour la totalité de son mandat, avec des députés transformés en godillots (avec des conséquences délétères[14]). Si l’opération a fonctionné jusqu’en 2017, cela n’est plus le cas depuis 2022, signe de l’effritement du macronisme.

  • N’oublions pas la manière dont fut contournée la souveraineté populaire exprimée à l’occasion du référendum portant sur le traité constitutionnel européen de 2005[15].
  • Mettons en exergue le recours croissant à l’article 49-3[16].
  • Poursuivons avec le refus de prendre en compte l’expression populaire, avec la dévalorisation théorisée des corps intermédiaires ou la criminalisation décomplexée des différentes formes de la contestation sociale.
  • Observons enfin à sa juste mesure l’entêtement du chef de l’état à contourner le verdict des récentes élections législatives (Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse[17]),..

pour nous efforcer de discerner de quoi ces tentatives convergentes sont le nom.

 

 

- Le coup d’état reste bien à la fois une tentation, un expédient et un spectre.

Sa finalité est identique : s’exonérer de la souveraineté populaire, jugée encombrante, et des revendications des citoyens, considérées comme illégitimes et incompétentes. Seule la forme que peuvent prendre ces tentatives de coup d’état est renouvelée, tant l’imagination des gouvernants et des aspirants à gouverner est féconde. A bien des égards, c’est en cela que consiste pour partie le projet politique porté par la Macronie[18].

 

De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

🔴 Ce communiqué de l’Élysée en date du 26/08/2024 rejette la mise en place de Lucie Castets comme première ministre, candidate issue du Nouveau Front Populaire[17] : le coup d'État est en cours !

 

Coup de force terrible de d'Emmanuel Macron contre le résultat des urnes. En République, le Président n'a pas droit de veto. Il fait le choix du blocage et du chaos au lieu de respecter la démocratie. Il doit partir !

 

En vue de la nomination d’un Premier ministre, le Président  @EmmanuelMacron  a reçu les responsables des partis représentés au Parlement ainsi que les Présidents des deux chambres. Le communiqué :

 

 

Notes :

[1La première élection du président de la Ve République au Suffrage Universel

[2Coup d'État du 18 Brumaire met fin à la 1ére République

[3] En proposant l'abrogation de la loi électorale et le rétablissement du suffrage universel, que l'Assemblée rejette (13 novembre), Louis Napoléon discrédite celle-ci aux yeux du pays. Le coup d'État a lieu le 2 décembre 1851.

[4] Louis-Napoléon Bonaparte est élu en décembre 1848 président de la République française pour quatre ans.

[5Élections législatives françaises de 1849

[6Ces républicains du lendemain, eux aussi divisés, étaient issus de différents milieux politiques : l’on y retrouvait d’anciens ministres, tels qu’Adolphe Thiers ; des légitimistes, hostiles à la monarchie de juillet ; ainsi que des orléanistes déçus de la politique de François Guizot, dernier chef du gouvernement de Louis Philippe.

[7] La Constitution du 14 janvier 1852 est la constitution de la IIe République française promulguée le 14 janvier 1852 par le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, après son coup d'État du 2 décembre 1851. 

[8Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes.

[9La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889.

[10] Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage

[11] Le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite

[12La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle.De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958.

[13La Démocratie césarienne et l'union libérale / H. Bondilh

[14« Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont eu des conséquences délétères », estime Mathieu Gallard

[15Le dernier référendum national organisé en France l'a été pour approuver le traité constitutionnel européen. Le non l'avait largement emporté.

[16Le 1er décembre, l'article 49 alinéa 3 de la Constitution française a été utilisé pour la vingtième fois depuis le début du quinquennat par Élisabeth Borne, cette fois pour faire adopter sans vote à l'Assemblée nationale le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

[17] Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse

[18Macron, le coût d’Etat permanent !

[19] Comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans

 

Pour en savoir plus :

- « Le macronisme : une haine bien ordonnée de la démocratie »

- Macron : 7 ans de flirts avec l’extrême-droite

- Autoritarisme constitutionnel : de Weimar à Macron

Le « progressisme », une auto-définition du macronisme ?

- Emmanuel Macron et Alexandre Benalla ou la société du 10 décembre !

- Macron : la démocratie sans le peuple

- France insoumise le 17 août 2024 : « Démettre le président plutôt que nous soumettre »

- APRÈS LES LÉGISLATIVES 2024, L’URGENCE D’UNE NOUVELLE RÉPUBLIQUE

- Le Président est tout puissant en fait, peu puissant en droit.

 

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5 août 2024 1 05 /08 /août /2024 10:44
Macron, le coût d’Etat permanent !
Macron, le coût d’Etat permanent !

Compétiteur acharné, le président bat le record de dépenses à l’Élysée ! Médaille d'or épinglée par la Cour des Comptes...

Le Président est tout puissant en fait, peu puissant en droit[10].

 

Cette semaine dans la Macronie, le Président sans gouvernement et sans majorité prend (seul) une décision diplomatique majeure au sujet du Sahara occidental, il soutient le renouvellement de son pote Thierry Breton en tant que commissaire européen, et il réfléchit à l’hypothèse Xavier Bertrand à Matignon… : bienvenue au Pays des Droits du déni et de la trêve politique à géométrie variable.

 

 

Source : Zantrop | mis à jour le 18/09/2024

- Le Président, en sortant de sa trêve olympique, me pousse à sortir à la fois de ma trêve estivale, et de mes gonds !
Car en ce moment, contrairement à des millions de Français, Emmanuel Macron vit sa meilleure vie.

🔴 Jugez vous-mêmes :

  • il parade aux JO,
  • s’attribue tout le succès de la cérémonie d’ouverture,
  • serre les pognes des athlètes médaillés en leur mettant de grandes claques dans le dos,
  • prend des poses avec eux,
  • se met en scène sur les réseaux sociaux …

à un moment, j’ai même cru qu’il serait le dernier relayeur de la flamme olympique, ce qui aurait allumé la vasque, et la mèche !

 

Bah, qu’est-ce que tu veux, être Président c’est prendre du bon temps, profiter de la vie et faire la fête en se faisant passer pour un progressiste, un écolo et un sauveur mondial.

Mais merde, non, c’est pas être Président, ça ! On dirait les paroles d’une chanson de Patrick Sébastien.

 

 

- Lui supporte les athlètes, et moi, je ne peux vraiment plus le supporter.
Mais comment il fait, pour réussir à être partout en même temps ? Il a le don d’ubiquité ? Ne me dîtes pas qu’ils ont cloné Macron ? Ils sont combien ???

 

🔴 Selon nos sources, le Président aurait également été aperçu (informations à prendre au plus-que-conditionnel) :

  • à la sortie des stades, en remplacement de Nelson Montfort pour la traditionnelle interview avec traduction en simultané des sportifs en sortie d’épreuve ;
  • dans les vestiaires de l’équipe de France de Natation, pour aider Léon Marchand à préparer ses injections avant les courses ;
  • dans les gradins vers 2 heures du matin pour nettoyer les tribunes ;
  • et au village olympique en plein milieu de la nuit, entrant discrètement dans la chambre de Phryge, la mascotte des JO pour… hem… « observons deux papillons » comme disait Desproges

 

Alerte médaille : Macron se placerait désormais parmi les favoris de la traditionnelle épreuve de jet ski à Brégançon !

Dans la presse, il se félicite d’avoir dépensé 1,4 milliard pour dépolluer la Seine[1], bien que l’état sanitaire soit très aléatoire et que les épreuves de triathlon aient dues être reporté.

 

Vu de l’étranger, dans Courrier International on lit que « le président français souhaite profiter des Jeux olympiques pour faire oublier les défaites de son parti aux dernières élections[2] ».

 

 

- Que voulez-vous : le Président se démène pour l’image de la France, et ça, ça n’a pas de prix.

Ou plutôt, si : la Cour des comptes à fait paraître un rapport indiquant que le budget de l’Élysée a explosé l’année dernière : 125 millions d’euros dépensés par Macron à l’Élysée rien qu’en 2023, avec un déficit de 8,3 millions d’euros[3] . Quel talent : même dans les dépenses qui n'ont rien à voir avec le sport, il ne peut pas s'empêcher de battre des records !

  • Immédiatement, « L’Élysée a réagi en invoquant l'inflation et l'activité soutenue du président dans un contexte géopolitique tendu[4] ». Comprenez : c’est pas moi, M’sieur, c’est la faute au contexte !
  • À l’Élysée il y a un sac à excuses avec des boules qu’on tire au sort à chaque mise en cause, sur lesquelles il y a marqué : Covid – Gilets jaunes – guerre en Ukraine - Inflation – Palestine – Jean-Luc Mélenchon... à tous les coups ça marche !

 

🔴 Le " spécialiste " des dépenses de l'Élysée, un certain René Dosière regrette que « la Cour n’ait pas mis une limite à une vision strictement comptable de l’argent public en détaillant le coût du diner d’État organisé en l’honneur du Roi d’Angleterre notamment[4] ».

Mettre une limite à la vision strictement comptable de l’argent public ?

Non mais mon pauvre René, faut quand même avoir le culot de la sortir, celle-là ! Tu vas être gentil et aller me la ranger dans l’étagère à fables politiciennes, quelque part entre la théorie du ruissellement, l’égalité des chances, et la méritocratie !

 


- C’est sûr que quand c’est pour le RSA, le SMIC, le chômage, les APL, les hôpitaux, etc., là au contraire, il faut impérativement que les gouvernants aient une vision strictement comptable !

« Il n’y a pas d’argent magique … », en fait on n’avait pas vu que la phrase était tronquée, « … sauf pour inviter Monseigneur Charles à bouffer du homard, il l’a bien mérité quand même, ça faisait 75 balais qu’il patientait derrière sa daronne ! »

René Dosière poursuit : « C’est une muflerie que de dire à son invité ce qu’il vous coûte. Or une visite d’un Chef d’État étranger est rare et sa finalité est de montrer la meilleure image de la France[5] ».

 

🔴 C’est vrai, la cour des comptes n’a aucun sens du savoir-vivre et des bonnes manières à table ou quoi ? J'aimerais pas l'inviter à déjeuner ! Où est Nadine de Rothschild quand on a besoin d’elle ???

 


- Franchement, les dépenses sociales, ça ne montre pas une bonne image de la France à l’étranger, contrairement à un bon gueuleton entre bourges de noble ascendance !

Berk, caca le Pays des assistés !

🔴 Les dépenses qui ont augmenté sous Macron correspondent donc à des dîners d’État, par exemple les suivants :

  • Charles III : 475 000 euros pour 160 convives. On est sur un petit 3000 euros par tête de pipe, franchement pas de quoi s’exciter, c’est quoi : deux ou trois tickets restos pour vous les pauvres, non ?
  • Narendra Modi : 412 000 euros (petit joueur) ;
  • Le Président Mongol : 63 000 Euros (moi, je le prendrais mal, perso…)

Hé oui, les économistes nous avaient bien prévenu, le taux de change a vachement augmenté depuis le Brexit : un Roi Charles III égale 7,539 présidents Mongols !

 

🔴 Mais la Cour épingle également d’autres dépenses :

  • 80 000 euros pour le simple report du dîner avec le Roi d’Angleterre de mars à septembre, à cause des manifestations contre la réforme des retraites : et voilà, c’est encore de la faute de ces fainéants de Français qui ne veulent pas bosser plus longtemps !
  • 40 déplacements hors de France pour un budget de 19 millions d’euros : Non là ça va, on est même pas à 500 000 balles le voyage, vu le prix de l’essence à la pompe, ça m’étonne pas !!!
  • 12 annulations de dernière minute représentant 832 000 euros, qui révèlent selon la cour des comptes « une désorganisation » voire un « manque d’anticipation »

Comment ? le Emmanuel Macron de « qui aurait pu prédire la crise climatique ? » n’aurait pas anticipé ses déplacements ? Alors ça ça m’étonnerait !  

 

Heureusement la Cour des comptes salue une « démarche volontariste de cadrage des activités[6] ». Ah bon bah ça va. Pas besoin d’aller jusqu’au cadrage hein, faut pas déconner, tant qu’il y a la démarche volontariste, ça suffit.

  • Super l’excuse vachement pratique qui marche pour tout ! « J’ai plombé le Pays, mais bon, ça va, j’avais une démarche volontariste de réduire les inégalités »

 

 

- Conclusion du bulletin de la Cour des comptes du 3ième trimestre : 
« ...les efforts doivent être poursuivis et confortés pour mieux anticiper les événements, améliorer la circulation de l'information entre les services, sensibiliser certains acteurs aux enjeux budgétaires (...) disposer d'outils de travail partagés et encadrer les dépenses de déplacement et de réception[7] ». Avec les encouragements du jury...

 

🔴 Bon par contre pour la nomination de Lucie Castets, on repassera, hein.
« J’ai dissous l’Assemblée pour mettre un gouvernement RN, mais j’avais une démarche volontariste d’écouter les Français[7bis] »... Voilà qui devrait arrêter les-mots-rage-ie pour l’instant.

Jusqu'à la semaine prochaine... !

 

 

🔴 Ce communiqué de l’Élysée en date du 26/08/2024 rejette la mise en place de Lucie Castets comme première ministre, candidate issue du Nouveau Front Populaire[8] (premier groupe parlementaire issu des élections) : le coup d'État est en cours !

 

En vue de la nomination d’un Premier ministre, le Président  @EmmanuelMacron  a reçu les responsables des partis représentés au Parlement ainsi que les Présidents des deux chambres. Le communiqué :

 

Coup de force terrible de d'Emmanuel Macron contre le résultat des urnes. En République, le Président n'a pas droit de veto. Il fait le choix du blocage et du chaos au lieu de respecter la démocratie. La réaction ne s'est pas faite attendre[9Il doit partir !

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31 juillet 2024 3 31 /07 /juillet /2024 12:55
Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste

Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp !

 

 

Cette note contribue à éclaircir un certain nombre de points du programme économique du Nouveau Front Populaire[1] (NFP). En particulier, elle fournit des éléments quantifiés montrant que les mesures de politique publique préconisées par le NFP sont à la fois pertinentes, réalistes et finançables.

Les principales contributions de cette note sont :
• Une
simulation numérique permet de prendre en compte le bouclage macroéconomique du programme et de le comparer à un scénario de référence obtenu par prolongement des tendances récentes. Elle montre que le programme ne provoquera ni explosion du déficit public, ni récession, ni fièvre inflationniste. Au contraire, hormis la balance commerciale (légèrement dégradée, ce qui devrait être compensé par le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières prévu par l’UE), toutes les variables de l’économie française (PIB, dette, etc.) seront améliorées par les mesures du NFP.
La mise en œuvre de ce programme réduira les inégalités et le chômage, augmentera le pouvoir d’achat des citoyens tout en maintenant une inflation autour de la cible de 2 %. Nous montrons que, non seulement la décarbonation est une chance pour l’économie française mais que l’ensemble du programme du NFP constitue un gisement potentiel d’au moins 495 000 emplois nets en 5 ans (i.e. incluant ceux qui devront être reconvertis ou abandonnés). La justice sociale et l’efficacité écologique ne sont pas les ennemies de l’emploi en France. Au contraire, ce sont ses meilleurs alliés.
Nous confirmons que l’enveloppe annuelle de 30 milliards d’euros pour la bifurcation écologique annoncée par le NFP est cohérente et en proposons une version détaillée.
Nous proposons des canaux complémentaires et originaux de financement et de recettes, lesquels permettront de diminuer davantage encore le coût net des mesures. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible de dégager une marge de manœuvre budgétaire d’environ 20 milliards d’euros par an, en plus de ce qui a été envisagé jusqu’à présent par le NFP, sans nécessairement imposer au-delà de 50 % la tranche des plus hauts revenus. Aujourd’hui, le réalisme économique a changé de camp.

 

 

Source : Institut Rousseau |

- 1 - Remettre l'économie française sur une trajectoire saine
Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que ce programme déstabiliserait dangereusement l’économie française, en pesant sur les finances publiques, la croissance et l’emploi. Toutefois, tous se contentent d’examiner point par point le coût des mesures proposées, sans les mettre en regard de leurs effets.

 

  • Un bouclage macro-économique offre la possibilité d’aller plus loin qu’un simple chiffrage, qui ne permet pas de prendre en compte les interactions entre les propositions du NFP et donc la trajectoire qu’il souhaite impulser à la société. Nous fournissons ici une représentation stylisée de cette trajectoire à l’aide d’une simulation macroéconomique, en prenant en compte l’essentiel des interactions entre toutes les variables en jeu : salaires, prix, emploi, investissements publics, dettes privées et publiques, inégalités, pollution etc....Voici la liste des mesures testées :
    • Les investissements publics et la création de nouveaux emplois publics ;
    • Le passage à la semaine de 32 h ;
    • L’amorce d’une bifurcation écologique selon les lignes directrices indiquées infra (cf. section 3) ;
    • La réforme de l’impôt sur le revenu et sur le patrimoine ;
    • Le retour à l’âge de départ à la retraite à 62 ans ;
    • La revalorisation du SMIC à 1 600 euros/mois ;
    • Le déploiement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Pour tester ces mesures, nous avons utilisé le modèle Eurogreen[2] (construit en vue de simuler des scénarios de transition de l’économie française) actualisé au contexte de 2024[3]. Afin d’isoler l’effet des mesures du programme du NFP sur l’économie française entre 2024 et 2025, nous avons d’abord conçu un scénario de référence à partir des projections de la Banque de France. Il s’agit essentiellement d’un prolongement des tendances observées au cours des dernières années. Le contraste serait encore plus saisissant s’il était possible de simuler l’impact du « programme » du RN, lequel est trop flou pour se prêter au moindre chiffrage.

 

🔴 Fig. 1 Simulation des effets macroéconomiques du programme économique du NFP

Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste
Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste
Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste

Parcourue de gauche à droite et de haut en bas, la Figure 1 fournit les enseignements suivants.

  • Elle confirme tout d’abord l’effet positif de l’ensemble des mesures considérées sur le revenu national[4].
  • Elle quantifie l’importante baisse des émissions de gaz à effet de serre à laquelle conduira ce programme (60 millions de tonnes en moins en 2030, ce qui respecte les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) : -40 % d’émissions de GES par rapport à 1990).
  • Elle montre que l’inflation restera très proche de la cible d’inflation annuelle de 2 %. Après un pic de 1 point de PIB supplémentaire par rapport au scénario de référence, le déficit public descendra à +3 % du PIB en 2030, au lieu de +6 % dans le scénario de référence. Ce pic initial correspond à l’enclenchement d’un cercle vertueux de relance par la dépense publique, dont les fruits sont récoltés sur les années suivantes. Par conséquent, grâce au programme du NFP, le rapport entre dette publique sur PIB sera de 10 points inférieur en 2030 au niveau qu’il atteindrait en prolongement de tendance.
  • Enfin, la balance commerciale est la seule variable macroéconomique affectée négativement par rapport au scénario de référence. Le déficit de la balance commerciale se creuserait en effet de 0,8 % du PIB du fait de la hausse des importations provoquée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, dont le surcroît de consommation est en partie absorbé par les producteurs étrangers. La mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières aligné sur les prix de l’EU ETS[5] et son élargissement à un plus grand nombre de secteurs[6] (dont nous n’avons pas tenu compte dans nos simulations), ou encore d’une taxe kilométrique sur les produits importés, permettrait vraisemblablement de limiter cet effet, en plus de lutter contre le dumping social et environnemental.
  • Quant à la productivité du travail dans l’industrie, elle sera stimulée par le passage à la semaine de 32 heures, comme ce fut déjà le cas lors du passage à 35 heures.
  • L’effet redistributif du programme du NFP est confirmé par la baisse de l’indice de Gini de près de 3 points à horizon 2025.
  • Quant au taux de chômage, il descendra en dessous de 4 % avant 2030, en premier lieu grâce à la réduction du temps de travail qui permet un partage du volume de l’emploi.

 

La dernière capsule de la Fig. 1 permet de visualiser les effets séparés de chacune des mesures de politique publique sur le chômage. Prise isolément, par exemple, la réforme de l’impôt sur les revenus provoquerait une hausse du chômage, mais celle-ci est plus que compensée par l’effet conjugué des nouveaux emplois créés dans la fonction publique et du retour de l’âge du départ à la retraite à 62 ans[7].

 

 

- 2 - Créer de nombreux emplois non délocalisables et porteurs de sens 
De nombreuses études démontrent que la
décarbonation de l’économie française, loin d’être l’ennemie de l’emploi, constitue, au contraire, un gisement de création d’emplois très important. Nos propres estimations confirment amplement ce constat. 

 

Dans le secteur privé, les gisements de création d’emploi se trouvent notamment dans le bâtiment et dans l’agriculture. Le bâtiment constitue un enjeu majeur et pour lequel différentes études (Ademe, The Shift Project etc.) estiment que la rénovation va engendrer la création de 100 000 à 250 000 emplois locaux et non délocalisables. Enfin,  le  passage du modèle agricole agro-industriel intensif actuel à une agroécologie sobre en fossiles est également très propice à la création d’emplois.

 

🔴 Fig. 2 Créations d’emplois nets grâce à la transition écologique

Cette Figure 2 récapitule les créations d’emplois que l’on peut déduire de l’étude de l’Institut Rousseau, Road to Net Zero[8] (RtNZ, 2024), ajustée à la période 2024-2029[9] :

Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste

Nous estimons donc à 260 000 le nombre d’emplois créés dans le secteur privé au cours des 5 prochaines années, grâce aux principaux investissements prévus dans la transition écologique. Sachant que les futures diminutions d’emplois dans le secteur automobile (liées au report modal) ou à la baisse des constructions neuves auront lieu après 2029, ces créations d’emplois sont considérées comme nettes.

  • Dans le secteur public mis à mal ces dernières années, un rattrapage doit intervenir. Par exemple, dans le périmètre du ministère de la transition écologique où près de 20 000 postes ont été supprimés en l’espace de 15 ans, la création immédiate de près de 2 700 postes apparaît indispensable
  • Les besoins du secteur de la santé sont immenses, en particulier dans l’hôpital public, à bout de souffle. Des créations d’emplois significatives sont nécessaires et pourraient représenter entre 50 000 et 100 000 postes d’infirmiers et d’aide-soignants. Sachant que, compte tenu des difficultés de recrutement dans des métiers difficiles et du temps nécessaire à la formation de ces nouveaux agents, les embauches devront être étalées dans le temps. Nous retenons la fourchette basse de 50 000 postes. 
  • Dans le domaine de l’éducation, le NFP ambitionne d’atteindre la moyenne européenne en matière de nombre d’élèves par classe. Cela induirait le recrutement de 160 000 enseignants supplémentaires dans l’Éducation nationale. Cela revient à recruter, en moyenne 2 ou 3 professeurs supplémentaires par établissement en sus des recrutements courants.
  • Les besoins de la justice sont nombreux. Concernant les magistrats et les greffiers, eu égard aux capacités de formation existantes, il nous semble réaliste de tabler sur la création de 3 750 magistrats et 5 000 greffiers en 5 ans. S’agissant de l’administration pénitentiaire, l’augmentation du nombre de places pour agir contre la surpopulation carcérale nécessiterait le recrutement en cinq ans d’environ 9 000 agents supplémentaires. Au regard des besoins importants dans le domaine de la sécurité, notamment dans la police, des recrutements de l’ordre de 5 000 agents en cinq ans devront être effectués, afin d’améliorer les conditions de travail et limiter le nombre d’heures supplémentaires.

 

Au total, cela représente la création d’au moins 235 450 postes de fonctionnaires ou assimilés d’ici 2029. Additionnées aux créations d’emplois dans le secteur privé (260 000), nous obtenons une estimation d’environ 495 450 emplois en 5 ans, soit en moyenne, de l’ordre de 99 000 emplois par an[10].


Certes, il existe de nombreux obstacles à la mise en œuvre concrète de ces plans de recrutement qui devront probablement relever d’une gestion prévisionnelle des emplois en fonction des contraintes : structuration de filières de formation professionnelle, déploiement large de l’apprentissage, montée en compétences des filières et partenaires sociaux (OPCO, CTI, etc…). Mais le potentiel d’un Big Bang sur le marché du travail est là.

 

 

- 3 - Assurer une vraie bifurcation écologique
Le Nouveau Front Populaire annonce 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires dans la bifurcation écologique. Ces montants sont cohérents et comparables aux résultats de notre étude Road to Net Zero[8] (RtoNZ), qui a chiffré les investissements publics et privés nécessaires à l’atteinte des objectifs climatiques de l’Europe et de la France en mobilisant plus de 150 chercheurs et experts européens. 
 

Ce chiffrage est réaliste car il s’appuie sur les politiques publiques des pays européens ayant obtenu les meilleurs résultats de terrain. Basés sur une stratégie de transition globale intégrant des mesures de sobriété, ces investissements additionnels sont deux fois moins importants que ceux proposés par la Commission européenne, qui reposent presque uniquement sur l’électrification des usages. Cette stratégie permet une neutralité carbone en 2050 tout en garantissant la souveraineté énergétique de la France à moyen terme et réduisant sa vulnérabilité aux importations de matériaux critiques.

 

Si l’on adapte les besoins « moyens d’ici 2050 » de l’étude RtoNZ aux années 2024-2029 en considérant une montée en puissance progressive et réaliste, en particulier dans les domaines du bâtiment, de l’agriculture et du ferroviaire[11], on évalue les besoins d’investissements publics supplémentaires moyens d’ici 2029 (similaires à la valeur 2027, métrique mise en avant par le NFP) à environ 23 milliards d’euros par an sur le périmètre strict des enveloppes mentionnées par le NFP (hors gestion de l’eau) et à environ 31 milliards d’euros par an en ajoutant (en italique ci-dessous) la conversion des véhicules et le soutien au développement du vélo et des bornes de recharge.

 

 

  • Pour les logements, nous proposons une prise en charge modulée selon les revenus, de 50 % en moyenne des coûts de référence du Rapport Sichel (2021)[13] et de l’ADEME[14]. Plusieurs expériences locales ont démontré que ce type de soutien ambitieux[15], associé à un accompagnement gratuit pour l’ensemble des ménages, est nécessaire pour accélérer le rythme de rénovation performante (en passant de 0,5 % du parc rénové par an à 2 % par an en 2027, avant d’atteindre un rythme de croisière de 3 %/an en 2032) et ainsi permettre que l’ensemble du parc de bâtiments à rénover (i.e. les 70 % les moins isolés, construits avant 2000) le soit d’ici 2050.
  • Pour également accélérer la rénovation énergétique des bâtiments publics (de l’État et des collectivités), +3 Mds/an sont nécessaires d’ici 2029. Cela correspond à une prise en charge publique de 100 % des coûts de référence des rénovations énergétiques de ces bâtiments (+- 600 euros/m² pour les travaux énergie) à un rythme de 2 % du parc public par an en moyenne d’ici 2029, afin d’atteindre un rythme de 3 % par an à partir de 2030 pour pouvoir rénover d’ici 2050 les 70 % du parc les plus énergivores (le reste ayant été construit récemment ou étant déjà isolé).
  • S’agissant du ferroviaire, un besoin à court terme d’au moins +2 Mds/an pour le renouvellement et la modernisation du réseau est très largement documenté dans les rapports du Conseil d’orientation des infrastructures (COI)[16] et de l’Autorité de régulation des transports (ART)[17]. Ces investissements permettraient de rattraper le retard français dans ce domaine et d’approcher les niveaux d’investissements des réseaux les mieux entretenus (e.g. Autriche). Afin de permettre une baisse du prix des péages et des billets de longue distance pour l’ensemble des français, le financement public des investissements actuels devrait également augmenter d’environ 1 Md/an, soit un besoin total de + 3 Mds en moyenne sur cette période, centrés sur les lignes actuelles.

 

Enfin, les retours d’expérience des pays et régions de l’UE ayant obtenu les meilleurs résultats sur l’agriculture biologique (e.g. Toscane ou Portugal) montrent qu’il faut doubler les aides moyennes à l’hectare pour accompagner les conversions à l’agro-écologie, afin de passer progressivement les surfaces en bio de 10 % à 20 % de la surface agricole française. Avec le maintien de mesures agro-environnementales permettant des conversions progressives et une réorientation des aides aux revenus, à moduler selon les emplois créés, le besoin de financement pour cette stratégie est d’environ + 1,5 Md/an d’ici 2029, avec une augmentation à prévoir du budget de la future PAC de 30% pour la France.

 

 

- 4 - Inventer de nouveaux canaux de financement
👉 4.1 L’impôt sur les revenus (IR) avec « abc »
Aujourd’hui, le taux maximal d’imposition effectif sur les revenus des personnes physiques (IR) n’est que de 21 % environ et l’impôt a cessé d’être progressif. La proposition du NFP consiste à réformer l’IR de manière à restaurer sa progressivité tout en faisant en sorte que les contribuables dont le revenu mensuel imposable est inférieur à 4 000 euros ne subissent pas d’augmentation de leur imposition.

 

  • Pour estimer l’impact de cette réforme, nous avons eu recours à la formule de l’impôt abc, introduite par l’Institut Rousseau en 2021[18]. Elle permet de ramener le débat sur la réforme à trois paramètres (au lieu de 28 pour 14 tranches !). Sa souplesse lui permet de « mimer » le choix des 14 tranches proposées par le NFP[20] qui sera finalement négocié, tout en évitant les effets de seuil. Les trois paramètres-clés sont appelés a, b et c[19]
  • Par construction, le taux effectif abc ainsi que le taux marginal ne peuvent pas diminuer avec le revenu, ce qui les rend progressifs au sens fort. On le voit, en section 1, dans la version que nous avons simulée pour notre bouclage macro-économique : l’indice de Gini qui mesure les inégalités globales est fortement affecté à la baisse par cette réforme.
  • Nous proposons d’adopter un taux effectif (et marginal) d’imposition maximal de 50% (paramètre ‘a’). Cela permettrait, en cumul avec les autres impôts en vigueur, de ne pas dépasser un taux d’imposition marginal maximal de 66 %. Le revenu imposable minimum que nous proposons est de 1 421 euros (paramètre ‘b’, intégrant la suppression de l’abattement de 10 %). Enfin, le paramètre ‘c’ serait fixé de telle sorte que l’impôt pèse davantage sur les classes les plus favorisées que sur les classes moyennes.
  • Concrètement, l’impôt sur le revenu resterait inchangé (voire serait légèrement allégé) pour les revenus mensuels inférieurs à 4 000 euros, c’est-à-dire pour 90 % des contribuables français. En effet, environ 50 % d’entre nous ont actuellement un revenu inférieur à 2 000 euros de revenu brut par mois et seuls 10 % des contribuables ont un revenu qui dépasse 4 000 euros par mois. Le gain de recettes fiscales induit par la seule  réforme de l’IR par le NFP telle que nous la comprenons est ainsi d’environ 15 milliards d’euros, au lieu des 5 milliards discutés aujourd’hui dans les médias. Soit un gain de 10 milliards. 

 

🔴 Fig. 3 Créations d’emplois nets grâce à la transition écologique

Le programme économique du Nouveau Front Populaire : une rupture réaliste

👉 4.2  Financement par garantie publique

Certains investissements peuvent être couverts par le privé sans grever le budget de l’État grâce à des garanties publiques qui n’affectent pas le déficit public. Inspiré par la création rapide de la  Société de financement de l’économie française (SFEF) en 2008 sous le contrôle de l’Assemblée nationale pour soutenir des banques, ce modèle pourrait en particulier financer les investissements dans les bâtiments publics.

 

Les entreprises privées du BTP, des banques et des investisseurs privés pourraient alimenter un fonds dédié qui financerait ces investissements par une dette garantie par l’État et remboursée via les économies d’énergie issues de la rénovation thermique, à travers un contrat de performance énergétique et sous contrôle de la direction de l’immobilier de l’État (DIE). Pour 10 milliards d’euros de prêts par an remboursables sur une vingtaine d’années, ce système allégerait d’autant la facture de la rénovation des bâtiments publics et permettrait de rediriger une même enveloppe budgétaire vers d’autres chantiers de la bifurcation écologique. Combinés, ces deux exemples permettent de dégager annuellement 20 milliards de recettes supplémentaires par rapport à ce qui a été annoncé jusqu’à présent par le NFP, sans pour autant procéder à un matraquage fiscal, et sans compter de nombreux outils supplémentaires[21].

 

  • L’Institut Rousseau continuera d’explorer ces pistes d’avenir.

 

* Note réalisée sous la coordination de : Gaël Giraud
Auteurs et Autrices : Matthieu Bordenave, David Cano Ortiz, Emilio Carnevali, Giovanna Ciaffi, Simone D’Alessandro, Matteo Deleidi, Nicolas Desquinabo, Laurent Dicale, Tiziano Distefano, Riwan Driouich, Nicolas Dufrêne, Guillaume Kerlero de Rosbo, Judith Kleman, Fabien Lassalle-Humez, François Lefebvre, Malo Letan, Emilie Lory, Amine Messal, Guilherme Morlin, Adam Poupard, Philippe Ramos, Félix Ranson, Rébecca Rogly, Augustin Rogy, Davide Romaniello, Olivier Saut, Karim Sim Ahmed, Lauric Sophie et Camille Souffron.

 

Notes :

[1Programme du Nouveau Front Populaire.

[2] Simone D’Alessandro, André Cieplinski, Tiziano Distefano and Kristofer Dittmer, Feasible Alternatives to Green Growth. Nature Sustainability, 2020

[3] actualisé au contexte de 2024

[4] Le halo autour de chaque courbe rend compte de l’incertitude qui pèse sur notre simulation.

[5] European Union Emission Trading System
[6] Comme prévu par le paquet européen Fit for 55.

[7] Les courbes tracées sont des interpolations d’une année sur l’autre. D’où le fait que l’effet de la politique du NFP semble visuellement se faire sentir dès 2023

[8Road to Net Zero : Les investissements nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone

[9] Rapports Road to Net Zero (2024) et 2% pour 2 degrés (2021) de l’Institut Rousseau.

[10] Ces chiffres sont cohérents avec les estimations récentes, faites par Carnevali, Ciaffi, Deleidi & Romaniello (2024), qui évaluent à 470 000 le nombre d’emplois créés sur 5 ans pour une augmentation de 1 % des dépenses publiques. Une augmentation de 1 % des dépenses publiques entraîne une hausse modérée de l’inflation de 0,24 % la première année, 0,22 % la deuxième année, et 0,19 % la troisième année. Ces estimations ont été obtenues en utilisant une série temporelle de données macroéconomiques françaises de l’OCDE couvrant la période 2021-2023, avec une méthodologie équivalente à celle de l’article de Matteo Deleidi, Francesca Lafrate & Enrico Sergio Levrero (2020).

[11] C’est ce qui explique le besoin d’investissements supplémentaires moins élevés que sur la moyenne 2024-2050. 

[12] Actualisés en tenant compte de l’inflation entre 2019 et 2024.

[13Rapport Sichel (2021)

[14] Actualisés en tenant compte de l’inflation entre 2019 et 2024.

[15Rénover vite et bien les passoires thermiques, c’est possible !

[16rapports du Conseil d’orientation des infrastructures

[17Autorité de régulation des transports

[18] Utiliser l’impôt abc pour une réforme d’ampleur en faveur de la justice fiscale

[19] ‘a’ est le taux effectif d’imposition maximal ; ‘b’ est le revenu imposable mensuel minimum ; ‘c’ détermine la progressivité du taux d’imposition. Plus ‘c’ est grand, plus l’augmentation du taux d’imposition avec le revenu est lente

[20] Financement du programme du Nouveau Front Populaire

[21] Un ensemble de mécanismes fiscaux complémentaires sont proposés dans des fiches de l’Institut Rousseau : passage du taux de la Taxe sur les Transactions Financières de 0,2 % à 0,5 % (taux UK) tout en la généralisant aux transactions intra-quotidiennes et dérivés, et en le doublant sur les marchés de gré à gré ; suppression de centaines de niches fiscales dont celles privilégiant les activités fossiles, ou bien création d’un impôt universel sur la nationalité, « anti-évasion », à l’image des Etats-Unis.

 

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22 juillet 2024 1 22 /07 /juillet /2024 12:24
Matignon : Jean-Luc Mélenchon appelle à « ne pas commettre l’erreur d’accepter un gouvernement de front républicain »

Jean-Luc Mélenchon se dit opposé à un gouvernement de " façade républicaine ". Si c’était le cas, Le Pen gagnerait dix points d’un seul coup !

 

De quoi est malade la politique en France ? De politiciens qui disent une chose et en font une autre après. Ce mensonge permanent doit cesser[6].

 

 

Le leader de la France insoumise a répété, dans le journal italien La Repubblica[0], la nécessité, selon lui, que la gauche arrive à Matignon. Sinon, « la cocotte-minute va exploser ». Il pense qu’il « vaut mieux laisser le Nouveau Front Populaire[9] gouverner »

 

 

Source : Eric Durand | mis à jour le 25/07/2024

- Nous ne devons pas commettre l’erreur d’accepter un gouvernement de front républicain[1]

Jean-Luc Mélenchon a rappelé ce dimanche sa position ferme concernant la situation politique française, dans une interview publiée dans le quotidien transalpin La Repubblica. Selon lui, en faisant le choix d’un front républicain, « Le Pen gagnerait d’un seul coup dix points ».
Le leader de la France insoumise a appelé ensuite à la démission d’Emmanuel Macron s’il refusait de nommer le candidat du Nouveau Front populaire (NFP) à Matignon. « Dans ce cas, il n’y aura qu’une seule façon démocratique pour lui de sortir de la crise institutionnelle : partir, revoter et élire son remplaçant » a-t-il dit, avant de cingler : « Si tout le monde bloque tout, la cocotte-minute va exploser. »

 

 

- « Il vaut mieux laisser le Front populaire gouverner », a poursuivi Jean-Luc Mélenchon.

Celui-ci a aussi voulu calmer les inquiétudes de certains quant à la lenteur du NFP à désigner un Premier ministre. « La discussion se poursuit, a-t-il indiqué, douze jours après le vote. Les Allemands et les Espagnols ont mis des mois à former un gouvernement. »
Mais comment appliquer « tout le programme, rien que le programme » sans majorité absolue
[2] ? C’est la question alors posée par la correspondante à Paris du journal Anais Ginori. Le leader de la France insoumise répond simplement que « c’est le jeu de la démocratie », avant de dire que « si les autres députés ne veulent pas que nous appliquions notre programme, qu’ils nous défient au Parlement. »

 

 

- Macron n’a pas « accepté le résultat du vote
Jean-Luc Mélenchon a poursuivi en critiquant la position du président de la République. Selon lui, il « a dissous l’Assemblée nationale pour demander une clarification politique ». Mais « si Emmanuel Macron avait accepté le résultat du vote, comme c’est le cas dans d’autres démocraties, il aurait déjà appelé l’un des nôtres au poste de Premier ministre ».


Le leader Insoumis a enfin évoqué le « second tour des élections présidentielles » 2027. À ce moment, « nous verrons quel projet les Français préfèrent : le mien ou celui de Le Pen » a-t-il déclaré. Et de conclure : « Mais je n’ai pas encore dit que je serai candidat ».

 

 

- Jean-Luc Mélenchon est intervenu sur BFMTV le 19 juillet 2024

Il a expliqué l’orientation de LFI quant au choix d’un premier ministre pour le gauche :

  • 1 - s’engager sur le programme ;
  • 2 - si Macron choisit de faire censurer le gouvernement, nous censurerions immédiatement après le gouvernement de droite ;
  • 3 - Macron n’aurait plus d’autre choix que de démissionner.

Il ne dit pas cela pour pousser le président à convoquer des présidentielles avant 2027 mais parce que la logique de la crise est celle-là.

 

🔴 A juste titre, Jean-Luc Mélenchon démasque Hollande et le PS

Depuis les législatives, les tensions entre LFI et le PS restent vives, notamment sur les négociations concernant un nom à proposer pour le poste de Premier ministre. La France Insoumise, avec le PCF et les Verts soutient la candidature de la présidente du conseil régional de La Réunion, Huguette Bello[3].
 

  • Les socialistes ont quant à eux proposé l’économiste et spécialiste du climat Laurence Tubiana[5],...

Rappel des faits concernant Laurence Tubiana : 
- A travaillé avec Hollande en 2012 ;
- a été un temps proposée par Macron et Edouard Philippe comme ministre et tête de liste aux européennes de 2019 ;

- Veut élargir le Nouveau Front Populaire à la Macronie, comme en témoigne le texte auquel elle a joint sa signature le 12 juillet 2024[4]

Nous refusons cet affront fait au mépris de millions d'électeurs ayant voté pour le #NouveauFrontPopulaire.

 

« Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine »
« Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine »

 

  • La députée LFI Sophia Chikirou a notamment affirmé le 15 juillet que " le hollandisme c’est comme les punaises de lit : tu as employé les grands moyens pour t’en débarrasser, tu y as cru quelque temps et tu as repris une vie saine (à gauche) mais en quelques semaines, ça gratte à nouveau et ça sort de partout[7]..." Une sortie peu appréciée par les socialistes, mais que Jean-Luc Mélenchon a défendu auprès de La Repubblica : " Chikirou n’a pas parlé de Hollande mais de hollandisme ". 

 

  • Jean-Luc Mélenchon vise à nouveau le PS : " Pourquoi devrais-je céder ? Pour devenir comme les socialistes ? Il y en a déjà assez..."

 

  • Evoquant la prochaine élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a estimé que le choix d’un gouvernement aujourd’hui aura des conséquences sur le score du RN. " À ce moment-là, nous dirons au pays : ’ Vous choisissez, mais ne pensez pas que c’est un choix sans conséquences ’. Si le pays vote pour un fasciste, nous aurons un gouvernement fasciste. "

 

🔴 Conclusion : " C’est pourquoi, aujourd’hui, nous ne devons pas commettre l’erreur d’accepter un gouvernement de ’ façade républicaine ’. Si c’était le cas, Le Pen gagnerait dix points d’un seul coup ", a-t-il assuré.

 

 

-  Participer à une coalition avec la macronie ? Autant demander de s'embarquer sur le Titanic après la collision !

Le Nouveau Front Populaire[8] a gagné ! Avec la proposition de Lucie Castets[10] comme première ministre,  il va gouverner. E. #Macron doit la nommer maintenant. 

Tarder est irresponsable ! Nous avons besoin d'un gouvernement qui prépare la rentrée et le budget.

 

C’est avec détermination et responsabilité que j’accepte la proposition du Nouveau Front Populaire

 

Source :

[0] Jean-Luc Mélenchon : “ Le défi final pour l'Elysée entre moi et le fasciste Le Pen. Je dirai au revoir à Nato ”

[1] Matignon : Mélenchon appelle à « ne pas commettre l’erreur d’accepter un gouvernement de front républicain »

[2142 pour le RN et Ciotti, 166 pour la macronie et 193 pour le NFP… voici la répartition finale de l’Assemblée nationale

[3] Pourquoi le PCF, LFI et les Verts soutiennent la piste Huguette Bello comme première ministre au nom du Nouveau Front populaire

[4« Le Nouveau Front populaire doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine » 

[5Qui est Laurence Tubiana proposée par le PS pour Matignon ?

[6] « La crise politique tend à devenir une crise de régime » – L’entretien de Jean-Luc Mélenchon à la presse européenne

[7] « Le hollandisme c’est comme les punaises de lit »: Sophia Chikirou tacle l’hypothèse Laurence Tubiana à Matignon

[8Jean-Luc Mélenchon : La fumée blanche " La réunion des responsables de parti ce 23 juillet a permis la proposition d’un nom de candidate du Nouveau Front Populaire pour le mandat de Premier ministre. On le sait c’est celui de Lucie Castets. C’est une magnifique décision ! "

[9] Nouveau Front Populaire

[10Le nouveau Front Populaire prsente au président de la République la proposition de nommer Première ministre Madame Lucie Castets

 

Pour en savoir plus :

L’entretien de Jean-Luc Mélenchon : " Semaine de déroute macroniste "

- Législatives 2024 : Marine Tondelier appelle à la construction d'un nouveau front républicain

- Le gouvernement de Front républicain : une politique réformiste sous fortes contraintes

 

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15 juillet 2024 1 15 /07 /juillet /2024 14:12
Jean Marie Le Pen et Jordan Bardella

Jean Marie Le Pen et Jordan Bardella

De la crise au chaos politique...

Nous y sommes !

 

 

Un demi-siècle après sa fondation, le Rassemblement national est le premier parti de France. Ses priorités idéologiques — durcissement pénal, combat contre les immigrés et les « assistés » — inspirent les politiques du président Emmanuel Macron. Mais l’extrême droite se nourrit depuis longtemps des renoncements et des accommodements des partis de gouvernement.... alimentant une « guerre des pauvres » dont le vote pour elle est une manifestation[14].

 

 

Source : Benoît Bréville, Serge Halimi, Pierre Rimbert & Céline Marin mis à jour le 20/07/2024

🔴 Comment le RN s’est imposé par Benoît Bréville, Serge Halimi & Pierre Rimbert

 

- Le Rassemblement national (RN) au centre du jeu, l’ordre politique décomposé : comment en est-on arrivé là ?

Décidée par M. Emmanuel Macron à l’issue du scrutin européen du 9 juin[1], où le parti de M. Jordan Bardella a réuni deux fois plus de suffrages que celui du président, la dissolution de l’Assemblée nationale ne sanctionne pas seulement l’échec cuisant d’un extrême centre convaincu qu’on dirige un pays comme on administre une banque, ni même celui du personnage impulsif et arrogant qui s’est prétendu rempart contre l’extrême droite avant de lui ouvrir les portes du pouvoir : « Si on gagne, prétendait-il pourtant à La Plaine Saint-Denis le 20 mars 2017, ils s’effondreront le jour d’après. Aucun doute. » 

 

Le caprice de M. Macron clôt un long cycle d’hypocrisie consistant, pour les gouvernements qui se sont succédé depuis que l’extrême droite a pris son envol, à dénoncer les effets dont ils ont favorisé les causes. Les premiers succès du Front national (FN) enregistrés lors de scrutins locaux en 1983 coïncident avec la soumission aux contraintes eu-ropéennes des socialistes au pouvoir lorsqu’ils renoncent à la politique de « rupture avec le capitalisme » prévue dans leur programme. Si rien ne relie alors les deux événements, l’obéissance des partis de droite comme de gauche aux règles d’une mondialisation qu’ils présenteront parfois comme « heureuse » fournira le terreau fertile d’un parti qui totalisait cent mille voix aux élections législatives de 1981. À mesure que les classes dirigeantes abandonnent à des instances supranationales des pans croissants de leur souveraineté économique, monétaire, juridique, le débat public, jusque-là dominé par l’opposition entre libéralisme et socialisme, se trouve reformulé en clivages nationaux, culturels, sécuritaires, identitaires, voire civilisationnels.

 

 

- Le groupuscule fondé en 1972 par des partisans de Vichy et de l’Algérie française[2] va s’épanouir dans le chaos social né de la désindustrialisation et du chômage de masse.

Il convertit la colère suscitée par une oligarchie libérale ou socialiste devenue gestionnaire de la mondialisation en un ressentiment :

  • dirigé, vers le haut, contre ses dirigeants successifs, ses alliés intellectuels et médiatiques ;
  • et, vers le bas, en une haine inquiète envers certains des plus fragiles : les travailleurs arabes « qui occupent nos emplois » pendant la première vague de chômage de masse, puis les musulmans « qui menacent nos valeurs » après le 11 septembre 2001 et, plus encore, après les attentats terroristes en France (2012-2016). Le succès de l’extrême droite a pour condition — insuffisante — le chômage, la précarisation du travail, la désorganisation de la vie et l’incertitude de l’avenir qu’ils engendrent. Mais il découle aussi d’une instrumentalisation politique cynique. Parce qu’elle imagine le FN puis le RN inéligibles, la classe dirigeante espère se faire réélire en faisant campagne contre la formation paria, non sans avoir préalablement composé avec ses priorités relatives à l’immigration et à la sécurité [3]. Omniprésent depuis le 9 juin, le thème du « combat contre les extrêmes » réactive le vieux refrain du parti du juste milieu destiné à réserver au seul « bloc central, progressiste, démocratique et républicain », ainsi que vient de le qualifier M. Macron, le droit de diriger le pays pour l’éternité.

 

 

- Car la dissolution marque aussi la fin d’un théâtre d’ombres politiques.

Sa dramaturgie suit une logique dont les acteurs ont accepté les prémisses dès le début des années 1990 : si, premièrement, la montée des nationalismes — ici, celle du FN — est largement le sous-produit politique de la mondialisation et des bouleversements, des peurs qu’elle induit et que, deuxièmement, les dirigeants politiques jugent néanmoins celle-ci inévitable, voire souhaitable, alors la vie démocratique doit désormais battre au rythme d’une priorité scandée scrutin après scrutin : empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir, lui « faire barrage ».

 

Au fil des ans, le FN puis le RN ont ainsi constitué une rente pour les partis traditionnels, qui bénéficiaient déjà d’un mode de scrutin taillé à leur avantage : jusqu’en 2022, le RN ne disposait que d’une poignée de parlementaires ; aujourd’hui encore il ne contrôle l’exécutif d’aucune des treize régions françaises. En somme, les formations de l’« arc républicain » se sont présentées alternativement contre le FN-RN avec la quasi-certitude de l’emporter et la faculté de se désintéresser des racines de son succès.

 

 

- Mettre en avant la frange de militants et de cadres frontistes ouvertement racistes sert alors de prétexte pour éliminer du jeu électoral la part, croissante, des classes populaires puis des classes moyennes qui utilisent ce parti rejeté pour exprimer leur rejet des partis.

Les électeurs du FN ou plus tard du RN effarouchaient un instant les élites avant d’être renvoyés, comme les abstentionnistes, au néant politique. L’exigence « républicaine » de contourner la « démocratie », sujette aux peurs, menacée par des passions politiques sans nuance, plus récemment par les fausses nouvelles et les ingérences étrangères, a permis de justifier les verdicts d’experts contre les choix populaires. Bien au-delà du seul vote pour l’extrême droite, le mépris des suffrages « populistes » tint lieu de vertu politique : les exigences de Bruxelles, Moody’s et McKinsey s’imposent plus spontanément comme l’évidence aux anciens élèves de Sciences Po, de l’École nationale d’administration (ENA) ou de Polytechnique que celles des 54,8 % de « non » au référendum du 29 mai 2005, des « gilets jaunes », des soignants, des grévistes, des 70 % de Français opposés à la dernière réforme des retraites… Durant ces décennies, des responsables politiques de droite comme de gauche ont pourtant montré qu’ils pouvaient encore agir vite et fort, écarter les règles européennes qu’ils avaient présentées comme intangibles lorsque leurs adversaires réclamaient qu’on les transgresse, mais uniquement afin que tout continue comme avant. On négocia de nouveaux traités de libre-échange, on renfloua les banques, on finança l’économie pendant la pandémie.

 

 

- Le cas français n’est pas une exception, tant les grandes orientations économiques et sociales des pays occidentaux s’accordent au même diapason.

La mise en concurrence universelle des ouvriers, des employés, des cadres puis des services publics a partout tracé les mêmes oppositions nationales entre stables et précaires, actifs et chômeurs, métropoles connectées et territoires abandonnés, classes cultivées et non-diplômés[4]. Et, sous des formes diverses, la même montée en puissance de formations d’extrême droite plaidant pour un capitalisme national dirigé par des élites locales. Le développement du FN présente toutefois des spécificités. Suivre le méandre qui conduit de la fermeture d’une usine, d’un bureau de poste, d’une perte de pouvoir d’achat, aux 31,4 % des suffrages exprimés le 9 juin en faveur d’un parti xénophobe implique de revisiter le comportement des élites de tous bords qui, pendant quarante ans, ont vécu comme une divine surprise la présence d’un croquemitaine qu’il suffisait d’écarter indéfiniment du jeu pour que leur joie demeure.

 

 

🔴 Le vote d’extrême droite en France, de 1981 à aujourd’hui par Céline Marin

 

- Le premier succès national du Front remonte aux européennes de 1984 (11 %)

Le 24 avril 1988, M. Jean-Marie Le Pen, qui vient de réunir 14,39 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, célèbre à la télévision le « grand élan de la renaissance nationale » qui emportera les « tenants du déclin et de la décadence ». Il talonne de deux points l’ancien premier ministre Raymond Barre et écrase le communiste André Lajoinie (6,76 %)[5].

 

Depuis sa fondation en 1972, le FN défend un programme d’extrême droite classique :

  • mêlant rejet de la Révolution française, anticommunisme forcené, renvoi des immigrés et rétablissement de la peine de mort.
  • L’ordre moral n’est pas oublié : patriarcal, le FN est furieusement opposé à la liberté d’avorter et aux droits des minorités sexuelles.
  • Sur le plan économique, il s’oppose au marxisme, à l’économie mixte que défend Valéry Giscard d’Estaing au ministère des finances (1959-1966, 1969-1974), puis à son libéralisme économique lorsqu’il devient président (1974-1981). Il entend concilier économie nationale (protectionnisme) et démantèlement de l’État social, baisse des impôts et suppression de la Sécurité sociale, retraites par répartition et privatisations massives.

Un programme inspiré à la fois par le président américain Ronald Reagan, en compagnie de qui M. Le Pen s’évertue à se faire photographier, et par le dictateur chilien Augusto Pinochet, dont il soutient qu’« il a sauvé son pays ».

 

Le premier succès national du Front remonte aux européennes de 1984 (11 %)[6] : JM. Le Pen obtient ses meilleurs résultats chez les petits patrons et les cadres diplômés de l’enseignement technique et commercial ainsi qu’au sein d’une bourgeoisie réactionnaire souvent catholique et nostalgique de l’Algérie française. Quatre ans plus tard, une part croissante (27%) des artisans, commerçants et chefs d’entreprise menacés par la désindustrialisation rejoint l’électorat frontiste, et avec elle une proportion significative (19 %) d’ouvriers. Ce coudoiement de populations aux intérêts divergents persistera pendant deux décennies.

 

 

- Le contexte porte le parti plus que son programme.

Dès l’élection de François Mitterrand, la question, sociale, des travailleurs immigrés et de leurs enfants est reformulée en un problème d’ordre public et de sécession ethnico-religieuse. Les conflits de 1982-1984 dans les usines automobiles, où les licenciements s’enchaînent par milliers, soulèvent une houle xénophobe dans la presse conservatrice. Le premier ministre socialiste Pierre Mauroy la conforte lorsqu’il évoque en janvier 1983 « des travailleurs immigrés (…) agités par des groupes religieux et politiques[7] ». Un chômage de masse qui frappe en priorité les ouvriers spécialisés d’origine immigrée, le désarroi du gouvernement de gauche, la surenchère de la droite sur le thème du désordre et de la délinquance, la forte audience médiatique des thèmes liés à l’immigration et à l’insécurité favorisent le décollage électoral du FN : 11,26 % dans le XXe arrondissement de Paris en mars 1983 avec comme programme : « Immigration, insécurité, chômage, fiscalisme, ras-le-bol ! » L’automne suivant, c’est l’élection municipale de Dreux et les 16,72 % du FN. « La seule Internationale de style fasciste est rouge et non pas brune », estime néanmoins l’intellectuel modéré de référence Raymond Aron[8], dont on prétend qu’il ne s’est jamais trompé. Que « quatre compagnons de [Jean-Marie] Le Pen » siègent au conseil municipal de Dreux lui « semble moins grave que d’accepter quatre communistes au conseil des ministres ». De son côté, la gauche socialiste réplique à cette progression sur le terrain culturel plutôt que social : ses médias célèbrent la « culture beure » et le Parti socialiste (PS) parraine SOS Racisme, dont nombre de cadres le rejoindront. L’un d’eux, M. Harlem Désir, dirigera même le PS au début du quinquennat de M. François Hollande, avant de devenir sous-ministre des affaires européennes.

 

 

- Le FN devient l’épouvantail indispensable des socialistes
Il permet de remobiliser des militants étourdis par le grand tournant libéral de 1983-1984 et crée un levier pour semer la discorde chez l’ennemi. « On a tout intérêt à pousser le FN, explique en juin 1984 Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales. Il rend la droite inéligible. Plus il sera fort, plus on sera imbattables. C’est la chance historique des socialistes.[9] » Anticipant un raz-de-marée de droite aux élections législatives de 1986, Mitterrand fait voter le scrutin proportionnel, qui provoque l’entrée de trente-cinq députés frontistes au Palais-Bourbon. À intervalles réguliers, pour faire monter le FN et entraver ainsi les succès électoraux de la droite parlementaire, les socialistes agitent le chiffon rouge du droit de vote des immigrés aux élections locales sans jamais légiférer en ce sens. M. Le Pen doit d’ailleurs ses premiers coups médiatiques au locataire de l’Élysée. Répondant à une lettre du fondateur du FN qui s’offusque de son invisibilité médiatique, Mitterrand intervient personnellement en juin 1982 pour qu’il passe en direct au journal télévisé puis, en février 1984, qu’il soit l’invité de « L’Heure de vérité », instance médiatique de consécration politique. Le président socialiste ne voit alors en M. Le Pen qu’« un notable » inoffensif. Il ne pouvait pas soupçonner qu’en 2022 la Nièvre, son fief électoral, voterait pour… Mme Marine Le Pen.

 

 

- Entre-temps, le parti adopte les deux traits qui resteront sa marque de fabrique.

  • D’une part, tirer profit des transformations du champ médiatique pour présenter l’actualité comme une validation de ses thèses. De la radicalisation sécuritaire de la droite sous la férule du couple Charles Pasqua - Robert Pandraud (1986-1988) aux émeutes de Vaulx-en-Velin en octobre 1990 commentées en direct à la télévision comme une « Intifada des banlieues » en passant par la première affaire du foulard islamique à Creil et la fatwa de l’ayatollah Rouhollah Khomeiny contre l’écrivain Salman Rushdie un an plus tôt, la toile de fond médiatico-politique alimente la crainte d’une deuxième génération d’immigrés moins loyaux à la France qu’à leurs origines arabes, et bientôt qu’à l’islam.
  • D’autre part, le FN contrebalance son dogmatisme nationaliste par une déconcertante souplesse tactique. La mise en place du marché unique (1986-1993), que plébiscitent la droite et les socialistes, et la fin concomitante de la guerre froide inspirent à M. Le Pen un virage serré. Initialement favorable à une monnaie et une défense européenne communes contre la « menace » soviétique jusqu’au milieu des années 1980, il dénonce désormais « une Europe mondialiste et tiers-mondiste », les « fédérastes » de Bruxelles et les « banquiers apatrides » qui seraient à l’origine du traité de Maastricht, auquel il s’oppose[10]. Tout comme il combattra la politique agricole commune (PAC), les accords de libre-échange, le traité de Constitution européenne en 2005 et, deux ans plus tard, celui de Lisbonne.

 

Sur ce point, l’actualisation du programme économique du FN intervient dès 1992. Le parti insiste désormais sur la lutte contre le « libéralisme sauvage » et sur la « notion de nouvel ordre mondial soutenue par les grandes multinationales que le sens de leurs intérêts pousse à la recherche d’un libre-échange mondial généralisé et dérégulé ». Au moment où un « oui » étriqué au référendum de Maastricht (51 %) révèle à une classe politique et médiatique quasiment unanime la popularité très relative de l’Europe des marchés qu’elle imaginait consensuelle, le FN enterre l’ultralibéralisme de Reagan. Il se découvre défenseur des « nombreux services publics, commissariats, maternités ou services hospitaliers » menacés par l’Union. La dévotion proeuropéenne des milieux d’affaires, des classes cultivées, des médias et des partis de gouvernement offre alors au FN un quasi-monopole de la critique radicale d’une architecture bruxelloise de plus en plus impopulaire. À la différence de la gauche, il ne prétend pas la réformer dans le sens d’une « Europe sociale » : « L’Union européenne est devenue un système totalitaire et son bilan est un véritable désastre économique et social : récession, délocalisations, mépris des peuples, explosion des prix depuis l’instauration de l’euro, disparition de notre agriculture (…) et de nos services publics, immigration massive, destruction de notre identité nationale », explique l’Euromanifeste frontiste de 2009. Mme Le Pen prolongera cette orientation en réclamant la sortie de l’euro, ce qui restera sa position jusqu’en 2018.

 

 

- Plusieurs facteurs ralentissent périodiquement la progression de l’extrême droite.

  • D’abord les scissions ou crises internes. Celle de 1998-1999 entre M. Le Pen et M. Bruno Mégret prive le FN de nombreux cadres et contribue à son résultat exécrable lors de l’élection présidentielle de 2002. Certes, il parvient au second tour, mais pour y recueillir moins de 18 % des suffrages, soit à peine plus qu’au premier… Le « plafond de verre » paraît alors singulièrement bas, presque rédhibitoire.
  • Cinq ans plus tard, grâce à une campagne sur les thèmes de l’insécurité, de l’immigration et de l’identité nationale dans la foulée des émeutes de novembre-décembre 2005, le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy séduit une partie de l’électorat frontiste, ramenant le score présidentiel de M. Le Pen à 10,4 % des voix lors de sa cinquième et dernière candidature à la magistrature suprême. Pour tous, le danger semble alors écarté. D’autant qu’un autre élément paraît démontrer que dorénavant les militants de gauche incarnent mieux la protestation contre les réformes néolibérales : l’embarras du FN lors des mouvements sociaux qui se multiplient.

 

En avril 2015, le député sarkozyste Éric Ciotti prétendait que « le programme économique de Mme Le Pen est très exactement celui de M. [Jean-Luc] Mélenchon et de M. [Olivier] Besancenot », dirigeant du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). « Très exactement », assurément pas. Mais les électorats de la droite et de l’extrême droite, proches sur les questions de l’islam et de l’immigration, divergeaient déjà de plus en plus dans leurs appréciations respectives du retour à la retraite à 60 ans, de la suppression de l’impôt sur la fortune, d’une réforme « en profondeur » du système capitaliste, voire d’une « justice sociale prenant aux riches pour donner aux pauvres ». Dans chacun de ces cas, les frontistes étaient environ deux fois plus nombreux à appuyer des réformes réclamées par la gauche de gauche et par les syndicats[11]. L’alliance des droites semble alors impossible ; d’ailleurs Mme Le Pen n’en veut pas.

 

 

- Cependant, lorsqu’il s’agit de se mobiliser contre les politiques néolibérales mises en œuvre par des gouvernements conservateurs mais aussi socialistes, le FN-RN est aux abonnés absents.
Certes, les syndicats le repoussent, mais leur cause embarrasse plutôt l’extrême droite vu qu’en réunissant « Français » et immigrés elle relègue au second plan les clivages identitaires qui constituent son fonds de commerce. Qu’il s’agisse du grand mouvement social de novembre-décembre 1995, partiellement victorieux, de la réforme des retraites en 2010, de la grève des cheminots en 2014, de la loi travail en 2016, du mouvement des « gilets jaunes » en 2018 ou d’une nouvelle réforme des retraites l’année suivante, le FN-RN n’est pas dans son élément. Il doit à la fois être proche de son électorat, solidaire des protestations sociales, et rester associé au « parti de l’ordre » contre d’éventuels débordements de manifestants face à la police. Pour résoudre cette contradiction, il prétend que les politiques sociales néolibérales, qu’il combat lui aussi, sont la conséquence des traités européens que certains syndicats et militants de gauche ont soutenu, et des gouvernements successifs qu’ils ont élus pour faire barrage à l’extrême droite (2002, 2017, 2022). Le fait que dès 1992 Mitterrand et Jacques Chirac aient battu la campagne en faveur du traité de Maastricht, tout comme treize ans plus tard MM. Sarkozy et Hollande soutiendraient le traité constitutionnel européen, parut valider cette observation : entre 1981 et 2017, quatre présidents de la République, deux de droite, deux de gauche, et pourtant un même choix relatif à l’Europe alors même qu’elle déterminait un nombre croissant d’orientations économiques et sociales. « UMPS » : en apposant le sigle du principal parti de droite (Union pour un mouvement populaire, UMP) à celui du PS, l’un et l’autre associés dans la même majorité au Parlement européen, le FN-RN affichait sa singularité sans trop maltraiter la réalité.

 

Entre UMP et PS : Même adhésion aux traités européens, même majorité à Bruxelles, même combat au sein d’un « front républicain » contre l’extrême droite à l’occasion des grands scrutins : comment s’étonner que le FN-RN apparaisse comme la grande force d’alternance, et le « vote barrage » comme une coalition du statu quo au service d’un syndicat des sortants ?

  • D’autant qu’une telle stratégie, compréhensible pour barrer la route du pouvoir à une formation extraparlementaire et fascisante — le cas du Front populaire en 1936 —, parut moins convaincante au fil du temps. D’une part, parce que l’extrême droite se banalisait, arrondissait son propos, se prétendait même philosémite.
  • D’autre part, parce que les partis qui se liguaient contre elle ne cessaient de plagier des éléments-clés de son programme.
    • Le 16 novembre 2015, M. Hollande déclare devant le Parlement réuni en Congrès : « Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, je dis bien : même s’il est né français, dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité[12]. » Mme Le Pen se félicite aussitôt qu’un président socialiste opère cette distinction entre citoyens français en fonction de leur origine : « Le FN a un programme réaliste et sérieux qui est même source d’inspiration pour François Hollande. »
    • Avec M. Macron, ce sera carrément Noël pour l’extrême droite : une police débridée, des manifestations interdites, une loi immigration, une autre contre le « séparatisme », l’emploi des termes « ensauvagement », « décivilisation », « immigrationnisme ». Cette fois, c’est le député RN Jean-Philippe Tanguy qui se réjouit : « Le fait de valider nos thèses rend possible et probable et souhaitable aux yeux des Français notre arrivée au pouvoir. L’original gagne toujours sur la mauvaise copie, ou même la copie excessive concernant [le ministre de l’intérieur Gérald] Darmanin ». Lequel avait jugé Mme Le Pen « trop molle » face à l’islamisme…

 

 

- Le 11 septembre 2001, la question du terrorisme, de l’islam radical, s’installe durablement au centre des débats français.
Les attentats d’Al-Qaida inaugurent une ère d’instabilité internationale génératrice d’une hausse considérable des migrations dont l’extrême droite saura profiter.

  • En 1980, on comptait 8,4 millions de déplacés dans le monde.
  • Puis 17,3 millions en 1990, 19,1 millions en 2001, 41 millions en 2013.
  • Fin avril 2024, leur nombre atteint 120 millions.

Simultanément, les débats sur le voile et la burqa envahissent l’actualité, en particulier après les attentats meurtriers contre une école juive, Charlie Hebdo, le Bataclan, Nice, Samuel Paty, etc. Le FN ajuste alors son discours à un courant intellectuel qui, des Pays-Bas à l’Italie, présente l’islam comme un ennemi mortel de la civilisation européenne. Les chaînes d’information en continu y contribuent. Ce qui permet au FN-RN de combattre l’immigration du Sud sans trop mettre en avant des préjugés racistes, dédiabolisation oblige, mais la défense de libertés et d’un vivre-ensemble — égalité femmes/hommes, droits des gays et lesbiennes, liberté d’expression et de caricature — qui seraient menacés par un « séparatisme » musulman dans les « territoires perdus de la République ». La convergence entre cette idéologie et la « laïcité », instituée en nouvelle religion séculière après les massacres de Charlie Hebdo, offre aux discours de l’extrême droite une onction républicaine.

 

 

- Pourtant, l’hégémonie idéologique croissante ne se traduisait toujours pas en positions de pouvoir.
La crise de 2008 et ses ondes de choc sociales allaient y remédier en étendant l’aire d’influence du FN-RN. Tandis que les contrecoups du choc pétrolier avaient, dans les années 1980, balayé les grandes usines des métropoles, la débâcle décime cette fois les établissements modestes des campagnes et des petites villes, les secteurs du bois, du carton, du matériel de transport, de l’agroalimentaire, du médicament… Des dizaines de milliers d’ouvriers perdent leur emploi dans des territoires qui n’en regorgent pas, à moins de s’éloigner de son domicile et d’alourdir sa facture automobile. L’État laisse se désintégrer ce tissu manufacturier qui avait jusque-là résisté aux délocalisations. Le fossé entre les métropoles mondialisées, rapidement remises sur pied, et le reste du pays s’accroît.

 

S’ensuit un sentiment d’injustice que la numérisation à marche forcée, l’austérité imposée par Bruxelles et défendue par Paris accentuent, et qui font naître une défiance envers la puissance publique (lire « Vous avez dit “sentiment d’abandon” ? »).

  • En quelques années, écoles, gares, tribunaux, maternités, services d’urgences, centres des impôts ferment par centaines, dans les grandes villes mais surtout dans les petites et les villages : entre 2011 et 2016, la moitié des bureaux de poste de la Sarthe tirent le rideau.
  • L’État s’efface du paysage.

Le FN déroule alors sans effort sa stratégie de mise en concurrence des pauvres : l’argent public ne profite pas selon lui à ceux qui le méritent, mais aux étrangers qui exploitent la protection sociale, aux banlieues qui refusent de se soumettre aux lois de la République… Fin 2014, raconte l’historienne Valérie Igounet, « Thierry Lepaon, alors secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), se trouve en séance de bureau confédéral de son syndicat. Il lit à haute voix un tract dont les grandes lignes sont, entre autres, un nécessaire protectionnisme et la défense des services publics par un État stratège recouvrant sa souveraineté “bradée” à Bruxelles. Il récolte l’assentiment général de ses camarades. “ Il y a juste un problème ”, explique-t-il, “ ce tract a été rédigé par des gens du Front national. Alors on fait quoi maintenant ?[13] »

 

 

- La paupérisation des campagnes accélère le maillage territorial du RN
Inspiré par les thèses du géographe Christophe Guilluy sur la « France périphérique » et par les analyses du sondeur Jérôme Fourquet, ce positionnement de défenseur des exclus de la mondialisation, méprisés par les classes supérieures, est d’autant plus efficace qu’il s’appuie sur un constat juste. De fait, les élites urbaines se contentent souvent d’un rapport de villégiature avec les campagnes, dont elles ignorent les préoccupations. Or, avec la montée en puissance des enjeux environnementaux, cette France s’est transformée. Longtemps vanté comme un idéal — par opposition au citadin aliéné par le « métro-boulot-dodo » —, le modèle du petit propriétaire pavillonnaire se trouve métamorphosé en anti modèle par l’urgence climatique. L’avenir appartient au citoyen écoresponsable, qui se déplace à vélo, mange des légumes bio, privilégie les circuits courts et… érige sa coûteuse vertu en impératif moral. Cette nouvelle modernité progressiste, que l’austérité cantonne aux métropoles, renvoie des pans entiers du monde populaire à l’obsolescence. Ne lui restait plus qu’à mal voter… Le FN saura se tourner vers cette ruralité pour étendre son implantation, qui pendant deux décennies avait été concentrée autour de ses bastions du sud-est et du nord-est du pays.

 

L’indifférence de M. Macron à la ruralité, son mépris des « gens qui ne sont rien », ses grandes réformes contre les retraites, l’assurance-chômage, le code du travail, sans oublier la taxe sur les carburants, ont provoqué un soulèvement politique et populaire contre la paupérisation de la France non métropolitaine. Inédit par sa composition sociale et ses modes d’action, le mouvement des « gilets jaunes » s’est heurté à l’hostilité des médias, à la défiance d’une partie de la gauche, à la répression du gouvernement. Puis à la récupération de l’extrême droite. « Je suis là pour vous parler au nom d’une France qui se sent humiliée parce qu’on leur a dit “vous n’êtes rien, vous êtes des riens ”, s’emporte Mme Le Pen (Europe 1, 29 novembre 2018). Maintenant, ça suffit : la classe politique s’est occupée prioritairement et même exclusivement de toutes les minorités possibles et imaginables dans notre pays depuis des années. Nous, nous sommes la majorité et nous méritons la considération et le respect. »

 

 

- « Nous » ? L’électorat populaire dont parle Mme Le Pen a choisi l’abstention aussi souvent que le vote.

Si une partie de celui-ci accorde ses suffrages à l’extrême droite, c’est également pour faire barrage à une mondialisation qui a ravagé le monde des ouvriers, des employés, des petites classes moyennes. Elle fait un pari assurément perdant. Car à mesure qu’il contamine la droite et le centre avec ses obsessions sécuritaires et migratoires, le parti de Mme Le Pen parachève sa normalisation économique, notamment sur la question européenne. Son accession au pouvoir apporterait donc à son électorat « de petits, de sans-grade, d’exclus, de mineurs, de métallos, d’ouvrières, d’ouvriers, d’agriculteurs acculés à des retraites de misère » invoqué le 21 avril 2002 par M. Le Pen les mesures xénophobes auxquelles certains aspirent peut-être. En revanche, cette victoire de l’extrême droite ne ferait rien pour inverser la dynamique qui les a broyés.

 

  • Une gauche qui enfin s’y emploierait n’aurait donc plus aucun rival, juste un chemin semé d’embûches à éviter et une page blanche à écrire. Pari gagnant ? C’est à présent le seul qui reste.

 

Notes :

[1] DISSOLUTION : Le 9 juin 2024 EMMANUEL MACRON annonce la dissolution de l'Assemblée Nationale

[2] Les anciens SS ont reconstruit l'extrême droite française après 1945

[3] Lire Serge Halimi, « Le Front national verrouille l’ordre social », Le Monde diplomatique, janvier 2016.

[4Lire le dossier « Pourquoi la gauche perd », Le Monde diplomatique, janvier 2022.

[5Élections présidentielles de 1988

[6Résultats élections européennes 1984

[7" Les immigrés sont agités par des groupes religieux et politiques " déclare M. Mauroy Contradictions...

[8Raymond Aron " La seule Internationale de style fasciste est rouge et non pas brune "

[9Le FN et François Mitterrand

[10] Cité par Emmanuelle Reungoat, « Le Front national et l’Union européenne [https://www.cairn.info/les-fauxsemblants-du-front-national--9782724618105-page-225.htm] », dans Sylvain Crépon, Alexandre Dézé et Nonna Mayer, Les Faux-Semblants du Front national, Presses de Science Po, Paris, 2015.

[11Le Figaro, Paris, 8 avril 2015.

[12Politiques de la délégitimation : de la remise en cause de la double nationalité au projet d’extension de la déchéance de nationalité

[13Valérie Igounet, « La conversion sociale du FN, mythe ou réalité ? », Projet, n° 354, Paris, octobre 2016.

[14] Le RN entretient une « guerre des pauvres » dont ce vote pour lui est une manifestation

 

Pour en savoir plus :

L’élite de l’extrême droite par François Denord & Paul Lagneau-Ymonet

Vous avez dit « sentiment d’abandon » ? Par Benoît Coquard & Clara Deville

Les beaux esprits contre la France moche par Fabrice Raffin

- Le terrorisme d'extrême droite s'incruste en France au service de l'extrême droite politique (RN - ZEMMOUR)

 

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