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24 novembre 2024 7 24 /11 /novembre /2024 16:59
Sliman Mansour, 2021.

Sliman Mansour, 2021.

Sources : Mona Chollet |

- « Tu es restée bien silencieuse le 7 octobre. »
Quelques semaines après l’attaque du Hamas contre des soldats et des civils israéliens, il y a un an, une de mes connaissances racontait sur Facebook avoir reçu ce message d’une amie. Je n’ai pas échappé non plus à ce flicage de l’expression de la sympathie pour les victimes israéliennes, la mienne ayant été jugée trop tardive. Horrifiée, je l’étais ; mais j’étais aussi tétanisée, et désespérée.

 

🔴 Tétanisée, parce que je voyais combien le choc provoqué par le massacre du Hamas était immédiatement instrumentalisé, y compris par une surenchère d’allégations mensongères « bébés décapités », « femme enceinte éventrée », « bébé placé dans un four », afin de mieux exciter la soif de vengeance. Il a été utilisé pour justifier les bombardements sur Gaza, qui ont commencé dès le 7 octobre, puis ce qui n’allait pas tarder à devenir le génocide du peuple palestinien. Israël a « transformé le traumatisme en arme de guerre », comme Naomi Klein vient de le décrire dans un article époustouflant [0].

 

🔴 Et désespérée, parce que je comprenais brusquement une chose : la justice pour les Palestiniens, que ne cessaient d’attendre – sans doute naïvement – toutes les personnes qui, comme moi, suivent avec attention la situation en Israël-Palestine depuis trente ans ou plus, cette justice ne viendrait jamais.

  • Les bombardements sur Gaza et la décimation de familles entières, en particulier en 2008-2009 et en 2014[1] ;
Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste
  • La répression de la Grande marche du retour, en 2018, au cours de laquelle les snipers israéliens, en plus de tuer 223 manifestants, ont pulvérisé des rotules à la chaîne ;
  • le meurtre d’Ahmad Erekat[1bis], en 2020, et tant d’autres exécutions sommaires ;
  • l’assassinat de la journaliste Shireen Abu-Akleh, en mai 2022, puis l’attaque de son convoi funéraire par la police israélienne, qui a presque renversé son cercueil (Abu-Akleh était chrétienne) [2] ;
  • Nora Sub Laban expulsée de sa maison de famille à Jérusalem, en juillet 2023, après des années de bataille judiciaire, et l’emménagement immédiat de colons qui ont jeté les meubles dans la rue et accroché des drapeaux israéliens aux fenêtres...

rien de tout cela – pour ne citer que quelques faits marquants – n’avait ému l’opinion ou la classe politique.

 

 

- Absente au cours des années précédentes, l’émotion du grand public a déferlé comme une vague le 7 octobre, puis elle a aussitôt reflué, alors que la descente aux enfers définitive des Palestiniens commençait.

Que l’humanité et la sacralité de la vie ne soient accordées, sur un même territoire, qu’à une partie de la population est un scandale qui n’en finit plus de me bouleverser. Le découpage minutieux par lequel les médias et les dirigeants occidentaux distinguent les victimes dignes d’être pleurées de celles qui ne méritent pas une seconde d’attention me fait penser à ces vieilles photos de l’URSS sur lesquelles la censure effaçait soigneusement les contours des dignitaires tombés en disgrâce.

 

C’est d’autant plus révoltant que cela brouille totalement la réalité du rapport de forces. On en vient à avoir l’impression que ce ne sont pas les Palestiniens qui sont sous la botte, opprimés, dépossédés, expulsés et tués depuis des décennies, mais les Israéliens. Une amie qui a fait ses études en Allemagne me racontait qu’une autre étudiante lui avait un jour dit très sérieusement : « Tout de même, les Palestiniens ont envahi Israël. » D’où, aussi, les comparaisons aberrantes entre Israël et l’Ukraine – alors qu’Israël est dans le rôle de la Russie (à cette différence près que la Palestine, territoire occupé et morcelé, n’est pas un État souverain comme l’Ukraine).

 

Depuis un an, celles et ceux qui continuent de suivre la situation en Palestine, essentiellement à travers les journalistes palestiniens présents sur les réseaux sociaux, voient tous les jours des images qui leur retournent l’estomac. Tous les jours, tous les jours, tous les jours :

  • les immeubles pulvérisés ;
  • les enfants blessés allongés sur le sol d’un hôpital ;
  • les corps vivants ou morts coincés sous les décombres ;
  • les blessés dont les bras ou les jambes pendent, presque détachés du reste de leur corps ;
  • les cadavres alignés dans des linceuls, les proches hagards de douleur ;
  • les cohortes d’estropiés [3] ;
  • la jubilation mauvaise des soldats israéliens pillant et saccageant les intérieurs de familles déplacées ou tuées ;
Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement
  • les enfants agonisants, squelettiques, en raison du blocus sur la nourriture et l’eau annoncé par le ministre de la défense israélien Yoav Gallant dès le 9 octobre 2023. Je reste aussi hantée par les images, vues à deux reprises, d’enfants au visage intact, mais à la boîte crânienne explosée, béante, complètement vide.
  • Et enfin, ce matin, les images insoutenables de Palestiniens prisonniers des flammes[3bis] après le bombardement d’abris de fortune installés dans la cour de l’hôpital Al-Aqsa.

 

 

- Au cours de l’année écoulée, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine

▶️ En octobre, le journaliste Wael Al-Dahdouh apprenait en direct, pendant qu’il travaillait, la mort de sa femme et de deux de ses enfants (en décembre, il a vu son cameraman, Samer Abu Daqqa, mourir à ses côtés, puis, en janvier, il a perdu un autre fils, Hamza Al-Dahdouh, également journaliste).

 

▶️ En novembre, il y a eu la vieille femme tuée par un sniper alors qu’elle tenait la main de son petit-fils, le petit Taim Abd Al-Aati, qui agitait un drapeau blanc. Ce même mois, les cadavres décomposés des bébés prématurés de l’hôpital Al-Nasr, que le personnel a été forcé d’abandonner dans leurs couveuses par l’armée israélienne.

 

▶️ En janvier, le meurtre de Hind Rajab, six ans, qui a vu les siens mourir autour d’elle quand leur voiture a été prise pour cible par un char, et qui a supplié les secours de venir la sauver avant d’être à son tour tuée, de même que deux ambulanciers qui tentaient de l’atteindre. (En avril, les étudiants de l’université Columbia à New York, qui occupaient leur campus, ont renommé le Hamilton Hall « Hind’s Hall » en son honneur ; c’est également le titre que le rappeur américain Macklemore a donné à sa chanson en soutien au mouvement étudiant pour la Palestine.)

 

▶️ En février, le corps de Sidra Hassouna, petite fille de sept ans, accroché au mur sur lequel il avait été projeté par la déflagration. Le « massacre de la farine », quand l’armée israélienne a ouvert le feu sur les Palestiniens affamés par le blocus qui se pressaient autour d’un convoi d’aide alimentaire, tuant au moins 118 d’entre eux. À l’hôpital Nasser, un prisonnier, Jamal Abu Al-Ola, envoyé par les soldats, les mains liées, pour dire aux patients et au personnel d’évacuer, puis abattu sous les yeux de sa mère.

 

▶️ En mars, Razan Muneer Arafat, onze ans, dans un fauteuil roulant, pleurant à chaudes larmes ses jambes perdues.

 

▶️ En mai, le cadavre sans tête d’Ahmad Al-Najar, dix-huit mois, décapité quand l’armée israélienne a bombardé des tentes de personnes déplacées à Rafah, faisant quarante-cinq victimes, la plupart brûlées vives.

 

▶️ En juin, le massacre de Nuseirat, lorsque des soldats israéliens ont tué plus de 270 civils palestiniens pour libérer quatre otages – une opération fêtée comme un « grand succès » dans les chancelleries et les médias occidentaux.

 

▶️ En juillet, Muhammed Bhar, jeune homme atteint du syndrome de Down, déchiqueté par un chien de l’armée ; les soldats l’ont laissé agoniser, en empêchant ses proches de lui porter secours.

 

▶️ En août, le journaliste Ismail Al-Ghoul, dans sa voiture visée par un tir de drone, vêtu de son gilet « presse », la tête arrachée – tué avec son cameraman Rami Al-Rifi, ce qui portait alors à 165 le nombre de journalistes tués à Gaza en moins d’un an.

Investigating war crimes in Gaza I Al Jazeera Investigations

 

▶️ En septembre, un fœtus sanguinolent tiré des décombres d’un immeuble. Un père embrassant le pied arraché de sa petite fille – tout ce qu’il restait de son corps. Un soldat rigolard fumant une cigarette tandis qu’une mosquée brûle dans son dos. Une effarante accumulation de crimes de guerre, qu’Al-Jazeera a tenté de répertorier dans un documentaire récent [4].

 

🔴 Au cours de l’année écoulée, selon les calculs de Joseph Confavreux dans un article de Mediapart, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine[5]. Et pourtant… Rien de tout cela ne semble s’être imprimé dans les esprits des gens autour de nous – pas plus que tout ce qui a précédé ne s’y était imprimé. Pour tout le monde, seul existe le massacre du 7 octobre en Israël.

 

Cette insensibilité explique la grossièreté de ces intervieweurs occidentaux qui reçoivent des Palestiniens endeuillés, ayant perdu plusieurs membres de leur famille (parfois des dizaines), et qui leur lancent d’un seul souffle : « Toutes mes condoléances, est-ce que vous condamnez le meurtre de civils par le Hamas ? ».

Un sommet d’obscénité a été atteint ce 7 octobre avec l’interview sur BFMTV du journaliste Rami Abou Jamous, qui témoigne chaque semaine sur Orient XXI de l’enfer qu’est devenu Gaza. Il n’a été interrogé que sur le Hamas et le 7 octobre[6]. On parle d’un homme épuisé et traumatisé, dont – pour ne citer qu’un exemple – la belle-sœur a été grièvement blessée par un quadricoptère (un petit drone) qui l’a poursuivie jusque sous sa tente de déplacée[7].

 

 

- Arwa Mahdawi : « Les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable »
Au fil des mois, déjà, on avait pu mesurer l’ampleur du « deux poids, deux mesures ». Les massacres, les viols[8] : au vu de l’indignation générale soulevée, à juste titre, quand des Israélien·nes en ont été victimes, on avait pu en déduire, naïvement, que ces crimes étaient condamnables en eux-mêmes. Mais l’indifférence, voire l’approbation, rencontrées quand des Palestinien·nes en sont victimes à leur tour nous force à en déduire que ce qui est réellement terrifiant, ce n’est pas d’être violé·e, décapité·e, massacré·e : c’est de l’être par des Arabes. Les mêmes personnes qui s’étranglaient d’indignation à l’idée que le Hamas se soit attaqué à des civils reprennent sans sourciller la rhétorique raciste des « boucliers humains » ou des « victimes collatérales » concernant les morts palestiniens.

 

Des témoignages de viols au moyen de barres de métal brûlantes et d’autres objets émanent de la prison israélienne de Sde Teiman - information enterrée tout à la fin d’un article du New York Times [9]. Pourtant, quand, fin juillet, dix soldats ont été arrêtés pour avoir violé en réunion un prisonnier – lequel a été hospitalisé –, viol dont la vidéo a fuité, des manifestants d’extrême droite, parmi lesquels des ministres, ont pris d’assaut la prison pour les faire libérer.

  • Le ministre Itamar Ben-Gvir a clamé que tout était permis, même le viol, face à l’ennemi palestinien.
  • Son collègue Bezalel Smotrich a exigé une enquête, non pas sur le viol lui-même, mais sur la fuite de la vidéo.
  • Les soldats ont finalement été libérés, et l’un d’eux a été invité sur les plateaux de télévision pour se défendre [10].

 

L’idée selon laquelle les crimes du 7 octobre justifient une vengeance aveugle, cruelle, sans limite, sur toute une population (soit exactement ce qui était condamnable dans l’attaque du 7 octobre elle-même), a normalisé les discours sanguinaires, voire génocidaires. La Une jubilante du New York Post après l’attaque des bipeurs au Liban, alors que cette attaque a fait des milliers de victimes civiles, qui ont eu des bras, des yeux arrachés, au point que les hôpitaux libanais ont été débordés par l’afflux des blessés, l’illustre bien. De même que la décomplexion des appels au meurtre sur les plateaux de télévision français. « Qu’ils crèvent tous. Israël fait le travail de l’humanité ici », a par exemple osé déclarer Louis Sarkozy sur LCI le 26 septembre[10bis].

 

🔴 « Nous, Palestiniens, n’avons pas le droit d’ouvrir nos bouches sans que quelqu’un nous demande de dénoncer la violence et de condamner le Hamas. Puis on nous ordonne de la fermer et de rester silencieux tandis que les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable », écrit la journaliste palestinienne-américaine Arwa Mahdawi[11].

 

 

- Lina Mounzer : « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ” »
Une analyse de la presse américaine publiée par le média indépendant The Intercept en janvier dernier a montré que des termes chargés d’émotion, comme « massacre » ou « horrible », étaient réservés aux victimes israéliennes[12]. On observe le même phénomène dans la presse française, par exemple avec ce titre du Monde : « 7 octobre 2023 : une journée atroce, une année tragique » (5 octobre 2024 ; c’est moi qui souligne). L’atrocité, ce sont les crimes du Hamas, et eux seuls ; ce qui a suivi est simplement « tragique » – autrement dit : ce n’est réellement la faute de personne. L’analyse de The Intercept mettait aussi en lumière la façon dont les journaux américains multiplient les contorsions pour éviter de nommer le perpétrateur israélien, ce qui produit des titres en forme de haïkus étranges, dont l’insurpassable et énigmatique « Lives ended in Gaza[12bis] » – « Des vies ont pris fin à Gaza » –, dans le New York Times (2 mars 2024).

 

Ancienne responsable du bureau du New York Times à Jérusalem, Jodi Rudoren assume ce choix lexical : « Il y a eu un massacre le 7 octobre. Des atrocités ont été commises. Elles étaient barbares. La réponse a été… intense [sic], elle a impliqué beaucoup de mort, de destruction et de déplacement, mais je ne suis pas sûre que “massacre”, “atrocités” et “barbare” soient des termes appropriés, en tout cas pas pour la guerre dans son ensemble (…). Vous parlez de deux choses très différentes, qui nécessitent des adjectifs différents[13]. » Je l’avoue, ces mots, et la décontraction avec laquelle ils sont prononcés, me donnent envie de hurler.

 

🔴 Le post du dessinateur libanais Mazen Kerbaj (ci-dessous 👇) traduit, je crois, l’état d’esprit de beaucoup.

 

Dans un article brillant, l’autrice libanaise Lina Mounzer a parfaitement décrit le désespoir que l’on peut ressentir devant ces yeux qu’aucune souffrance palestinienne ou libanaise ne semble assez grande pour dessiller. « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ”, écrit-elle. Les corps de nos hommes ne sont pas les poitrines bien-aimées contre lesquelles nous nous appuyons, ni les mains que nous tenions ou par lesquelles nous étions tenus, ni les bras forts qui nous portaient, ni les lèvres douces qui nous embrassaient pour nous souhaiter une bonne nuit. Ce sont des “ suspects ”, des “ militants ”, des “ terroristes ”, et leur mort est toujours justifiable parce qu’ils sont des hommes et nos hommes sont mauvais, et c’est comme ça que ça a toujours été, c’est comme ça que nous avons toujours été pour eux.[14] »

 

Elle observe : « L’Occident cherche à préserver l’image de sa propre humanité en effaçant complètement la nôtre. Comment peuvent-ils être coupables de meurtre si ceux qu’ils tuent ne sont que des “ terroristes ” ou des “ animaux humains ” ? En fait, non seulement ils ne sont pas coupables de meurtre, mais ils sont des héros qui nettoient le monde. Je ne sais pas quel langage il est possible d’employer avec des gens qui ne vous verront jamais comme un être humain. Qui entendront toujours un animal braire lorsque vous parlez.[14] »

Répression : Yannis Arab, historien et soutien de la Palestine, perquisitionné et arrêté à son domicile

 

Le soutien massif à Israël dans un paysage politique et médiatique français qui penche de plus en plus nettement vers l’extrême droite – une évolution très loin de se cantonner aux médias Bolloré – n’a guère de quoi étonner. Nous avons globalement quitté la normalité (si relative qu’elle ait pu être) : il faut rappeler que, depuis quelques mois, nous ne vivons plus en démocratie. Cela implique de s’exposer à quelques désagréments quand on a la mauvaise idée de vouloir plaider la cause des Palestiniens. Dernier cas en date : celui de Yannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, arrêté et perquisitionné par la gendarmerie le 8 octobre pour « apologie du terrorisme[14bis] ».

 

Pour ma part, j’y suis résignée. Ce que peuvent penser de moi des gens qui défendent un génocide m’est complètement indifférent. Ma seule préoccupation est désormais de ne pas décevoir ou trahir celles et ceux – chrétien·nes, juif·ves, musulman·es, athées ou croyant·es – dont je partage la sensibilité sur ce sujet. Comme l’écrit encore Lina Mounzer, le niveau de violence mis en œuvre par Israël dès octobre 2023 était « si bouleversant qu’il a immédiatement divisé le monde en deux : entre ceux qui savaient ce qui se passait et ceux qui le niaient ».

 

 

- Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine »
Ce qui est réellement douloureux, cependant, c’est de se heurter aux mêmes préjugés, au même hermétisme, chez des journalistes et des personnalités de gauche, dont on se sent politiquement proche, que l’on estime, avec qui l’on est par ailleurs d’accord sur à peu près tout. Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine ».

 

Ainsi, dans une interview à Télérama, en avril, à l’occasion de la publication de son livre sur le choc du 7 octobre, l’avocat Arié Alimi expédiait en quatre lignes la question des agissements de l’armée israélienne à Gaza : « Soyons clairs, je suis aussi révolté par une forme d’insensibilité à ce qui est en train de se passer à Gaza ; par le fait qu’aujourd’hui, il y a un risque plausible de génocide – et de plus en plus de traces laissent penser qu’un jour cette qualification sera retenue [15][15bis]. » Pardon, mais si on pense sincèrement qu’un génocide risque de se dérouler, cela ne justifierait-il pas d’en faire son sujet principal ?

 

De même, plus récemment, dans sa critique du livre remarquable de Didier Fassin, Une étrange défaite, qu’elle disqualifie d’un « Bof », Valérie Lehoux reproche à l’auteur d’user de procédés malhonnêtes pour « mieux affirmer que le drame gazaoui est un génocide – il est tout à fait possible que la justice le reconnaisse un jour comme tel – qu’il est honteux de ne pas arrêter ». Elle aussi admet donc l’hypothèse d’un génocide… mais, à nouveau, entre tirets, sans en tirer aucune conséquence[16]. Un génocide est donc moins grave qu’un massacre ?

 

- La conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons
Autre exemple, qui me semble révélateur des hésitations d’une gauche par ailleurs impeccable sur tant de sujets. Dans l’article de Joseph Confavreux déjà cité plus haut, et par ailleurs excellent, quelques lignes me font sursauter : « Certes, d’un point de vue anthropologique, le théâtre de la cruauté déployé par le Hamas durant les massacres d’octobre dernier n’est pas similaire, terme à terme, avec les actes commis par l’armée israélienne depuis un an[16bis]. »

Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza

 

Je me frotte les yeux. Si la mutilation de dix enfants par jour en moyenne, les parents tués devant leurs enfants et inversement, l’agonie durant des heures ou des jours sous les décombres d’un immeuble (des milliers de cadavres y sont ensevelis), les enfants visés à la tête par des snipers [17], les civils désarmés poursuivis et pulvérisés par des tirs de drone, le fait de priver toute une population d’eau et de nourriture (mais aussi de produits d’hygiène, de sorte que les maladies de peau se propagent), de diffuser ses crimes de guerre sur TikTok avec des musiques entraînantes, ne relèvent pas également d’un « théâtre de la cruauté », et cette fois à l’échelle de tout un peuple, j’aimerais vraiment savoir comment il faut les qualifier.

 

Quelques jours après la parution de l’article, ce passage a été modifié. On lit désormais : « Les façons de mettre à mort, les projets plus larges dans lesquels les meurtres s’inscrivent, l’intentionnalité de tuer des civils, la volonté d’effrayer et/ou d’éliminer une population sont aussi à prendre en compte. Tout ne se mesure pas avec le décompte macabre des cadavres. » J’avoue que j’y perds mon latin. Faut-il en déduire que l’armée israélienne n’a pas de « projet plus large » ? Qu’elle n’a pas de volonté de « tuer des civils » ou « d’effrayer et/ou d’éliminer une population » ? Que tous ces crimes relèvent d’une touchante maladresse ?

 

Difficile de ne pas déceler ici la conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons. Cela me rappelle ce que m’avait raconté il y a quelques mois l’une de mes amies, qui est algérienne et qui enseigne dans une université américaine. Alors qu’elle évoquait le cas d’un colon violemment battu lors d’une révolte au XIXe siècle en Algérie, ses étudiants s’étaient mis à pousser des exclamations horrifiées. Exaspérée, elle leur avait lancé : « Mais enfin, je viens de vous parler d’enfumades[17bis] et d’autres atrocités, et vous n’avez pas bronché ! »

 

 

- Une incapacité à renoncer à l’image vertueuse d’Israël
L’indulgence irréelle manifestée envers l’armée israélienne procède aussi, je crois, d’une réticence persistante à renoncer à l’image d’Israël comme un État vertueux, peuplé de gens cultivés, progressistes, démocrates, humanistes, en refusant de voir que ces Israéliens, s’ils existent bien, sont aujourd’hui une toute petite minorité, dans un pays que des décennies de racisme institutionnalisé et d’impunité internationale ont mené au fanatisme, avant que le 7 octobre le radicalise encore davantage.

 

Ainsi, beaucoup de gens veulent croire que les manifestations parfois massives contre le gouvernement Netanyahou qui se déroulent en Israël ces temps-ci concernent aussi les crimes commis à Gaza, alors que ce n’est pas le cas. « Netanyahou est peut-être méprisé par la moitié de la population, mais sa guerre contre Gaza ne l’est pas, et, selon des sondages récents, une majorité substantielle d’Israéliens pensent que sa riposte est appropriée, voire qu’elle n’est pas allée assez loin », écrivait Adam Shatz en juin[18].

 

Partout s’exprime cette « obsession de la symétrie » que Joss Dray et Denis Sieffert pointaient déjà il y a plus de vingt ans[19].

  • Si on dit un peu de mal des Israéliens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Palestiniens pour faire bonne mesure ;
  • Si on dit un peu de bien des Palestiniens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Israéliens.

On ne manque pas de souligner qu’un deuil est toujours une tragédie, qu’une vie vaut une vie, que chaque vie est précieuse, que « les chiffres ne disent pas tout », en renvoyant à leur supposée mesquinerie ceux qui pointent la folle disproportion du bilan des victimes entre le camp de l’occupé et celui de l’occupant.

 

 

- Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt des massacres, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ?
Oui, bien sûr, sur le plan intime et privé, c’est vrai : un deuil est toujours une tragédie. Mais on ne devrait pas se servir de cette vérité pour occulter une réalité politique. Cette réalité n’est pas celle de « deux peuples qui se déchirent depuis très longtemps pour une même terre sans qu’on y comprenne grand-chose », comme on l’entend si souvent, mais celle d’un État qui pratique le nettoyage ethnique et le massacre depuis sa création, qui occupe un autre peuple militairement et qui s’emploie actuellement à le rayer de la surface de la Terre sans rencontrer aucun frein.

 

À l’heure où j’écris, le massacre continue imperturbablement à Gaza ;

  • la Cisjordanie est elle aussi à feu et à sang ;
  • le tourbillon de souffrances infligées à la Palestine s’étend au Liban ;
  • Israël bombarde Beyrouth, rase des villages entiers au Sud-Liban, attaque les casques bleus de l’ONU[19a].
L'armée israélienne tire sur des Casques bleus au Liban

Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt de tout cela, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ? Comme le rappelait Rob Grams, rédacteur en chef adjoint de la revue Frustration, sur X, l’empathie pour les otages israéliens est « tout à fait présente, médiatique, officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée[19b] ». Est-il si difficile de le souligner ? « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? », interroge à raison l’écrivain palestinien Karim Kattan[19c].

 

- « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza »
Même si l’on s’en tient au plan intime et privé, ces déclarations bien-pensantes négligent une autre différence de taille.

  • Les Israéliens qui ont perdu un proche l’année dernière ont la possibilité de vivre leur deuil, qui est respecté et partagé dans tout l’Occident et au-delà. (Même les soldats d’une armée génocidaire sont honorés dans les médias occidentaux comme des héros.).
  • Les Palestiniens, traumatisés par des deuils multiples, obligés d’assurer quotidiennement leur survie, n’en ont pas les moyens. Certains n’ont pas de corps à pleurer : leurs proches ont disparu dans une prison, ou sont restés ensevelis sous les décombres de leur immeuble. Parfois, ils sont contraints de rassembler leurs restes dans des sacs en plastique. (Cette année, on a aussi vu, en mars, le garçon qui transportait dans son sac à dos le corps de son petit frère[19d].)

 

Le luxe de la mort Les Gazaouis meurent-ils vraiment lorsque leur corps n’est pas entier ou ne peut être retrouvé et lorsqu’ils ne peuvent pas être correctement attristés ?

Parmi les enfants rencontrés à Gaza par la journaliste et écrivaine Susan Abulhawa (toujours dans le documentaire d’Al-Jazeera), certains lui ont confié qu’ils voulaient mourir, mais qu’ils espéraient seulement rester entiers. « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza », confirme Mariam Mohammed Al Khateeb [20]. Le 25 septembre, l’armée israélienne – qui a par ailleurs ravagé plusieurs cimetières, à Gaza mais aussi au Liban – a envoyé à Gaza un camion contenant des dizaines de corps, sans aucun document permettant de les identifier. Les proclamations vertueuses sur la valeur égale des vies, auxquelles je n’ai rien à redire, me semblent un peu vaines si on ne commence pas par dénoncer cette situation.

 

 

- L’Orient vu comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne
L’image bienveillante d’Israël que conservent beaucoup de gens à gauche procède pour une large part du fait qu’ils transposent telle quelle la réalité de l’oppression historique subie par les juifs en Europe dans le contexte du Proche-Orient[21]. Par là, ils reproduisent à leur insu la désinvolture du rapport colonial à une terre étrangère, l’habitude de la traiter comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne.

 

C’est cette désinvolture qu’Edward Saïd, dans L’Orientalisme, mettait en exergue chez Lamartine lors de son voyage en Orient, entrepris en 1833. L’écrivain français envisageait ce voyage comme un « grand acte de [s]a vie intérieure » : il s’agissait de projeter des fantasmes, plutôt que de rencontrer une autre réalité. Saïd observe : « Ses pages sur la pensée arabe, sur laquelle il disserte avec une confiance suprême, ne laissent paraître aucune gêne quant à son ignorance totale de la langue. ».

 

Le voyageur s’enthousiasme : « Cette terre arabe est la terre des prodiges, tout y germe, et tout homme crédule ou fanatique peut y devenir prophète à son tour. » Il traite l’Orient comme une « province personnelle », selon les mots de Saïd, qui résume plus loin : « La Palestine était considérée – par Lamartine et par les premiers sionistes – comme un désert vide qui attendait de fleurir ; les habitants qu’il pouvait avoir n’étaient, pensait-on, que des nomades sans importance, sans véritable droit sur la terre et, par conséquent, sans réalité culturelle ou nationale. »

 

Après avoir toujours clamé que la Palestine n’existait pas, certains colons israéliens affirment aujourd’hui que « le Liban n’existe pas[21bis] » et rêvent d’y implanter des colonies. L’automne dernier, peu après le 7 octobre, j’ai encore été effarée par la façon dont des gens pouvaient discuter, sur X, du pays arabe où il conviendrait d’expulser les Palestiniens. Il ne leur venait pas à l’idée, visiblement, que les Palestiniens étaient chez eux sur leur terre. Cela me donnait une furieuse envie d’envoyer mes interlocuteurs vivre sous une tente dans une banlieue de Turin ou de Copenhague – au hasard ; après tout, tous ces gens sont des Européens, ce sont plus ou moins les mêmes, non ?

 

 

- Croire qu’on peut réparer l’écrasement d’un peuple en cautionnant l’écrasement d’un autre

La tolérance est un désert La Palestine et la culture du déni

Ainsi, en espérant réparer l’écrasement d’un peuple, nos amis de gauche pro-israéliens cautionnent, sans même s’en apercevoir, l’écrasement d’un autre. Dans un livre saisissant, l’universitaire américain d’origine palestinienne Saree Makdisi souligne ce fait qui dit tout : depuis le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, dédié aux victimes de la Shoah, on aperçoit les ruines du village palestinien de Deir Yassin, théâtre d’un massacre en avril 1948, lors de la fondation de l’État d’Israël, qui vit l’expulsion de quelque 750 000 Palestiniens[22] – la Nakba, ou « catastrophe », toujours en cours, aujourd’hui plus que jamais.

 

« Si des juifs avaient simplement voulu vivre en Palestine, cela n’aurait pas été un problème, écrivait soixante-dix ans après, en 2018, la juriste palestinienne-américaine Noura Erakat. En fait, juifs, musulmans et chrétiens avaient coexisté pendant des siècles dans tout le Moyen-Orient. Mais les sionistes voulaient la souveraineté sur une terre où d’autres gens vivaient. Leur ambition requérait non seulement la dépossession et le déplacement des Palestiniens en 1948, mais aussi leur exil forcé, leur effacement juridique et le déni qu’ils aient jamais existé[23]. ».

 

Comme le remarque Saree Makdisi, les innombrables élus démocrates américains qui clament leur attachement à un État « juif et démocratique » oublient – ou feignent d’oublier – la contradiction contenue dans cette formule :

  • soit Israël est un État juif, qui, pour se maintenir comme tel, doit opprimer, expulser, tuer, et dans ce cas il n’a rien de démocratique ;
  • soit il est réellement démocratique, et alors il doit accorder les mêmes droits et les mêmes libertés aux populations musulmanes et chrétiennes présentes sur son sol.

 

La forêt plantée pour dissimuler les ruines du village palestinien de Saffourieh, détruit en 1948 lors de la Nakba. Photo : Jason Bechtel, Interface Peace-Builders, 2010

 

Si la vision vertueuse d’Israël persiste à gauche, c’est aussi en raison des stratégies de relations publiques mises en œuvre par cet État afin de dissimuler son racisme structurel, que détaille Saree Makdisi dans son livre. Il raconte notamment comment, dès 1948, sous l’égide du Fonds national juif (FNJ), Israël a planté des arbres afin de recouvrir les ruines des villages palestiniens détruits – stratégie qui continue aujourd’hui avec les villages bédouins dans le Néguev.

 

 

- Kamala Harris en 2017 : « Quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu que l’ingéniosité israélienne avait réellement fait fleurir le désert »
Le paysage naturel palestinien, avec ses oliviers, ses figuiers de barbarie et ses citronniers, a été éradiqué à coup d’herbicides et remplacé par des monocultures de conifères qui donnent à certains lieux des allures de paysage alpin. Depuis 1967, environ 800 000 oliviers ont été déracinés sur les territoires occupés cette année-là (ces derniers temps, cependant, la tendance est à l’appropriation plutôt qu’à la destruction[24]. Et quand un hôte de marque arrive dans le pays, on l’invite à planter un arbre : un geste pacifiste, écologiste, humaniste, dont personne ne songerait à questionner l’innocence.

 

C’est peu dire que cette stratégie de séduction fonctionne. En 2017, lors d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), Kamala Harris déclarait : « Ayant grandi dans la baie de San Francisco, je me souviens avec tendresse de ces boîtes du Fonds national juif que nous utilisions pour collecter les dons afin de planter des arbres pour Israël. Des années plus tard, quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu les fruits de ces efforts, et que l’ingéniosité israélienne a réellement fait fleurir le désert. »

Inauguration sous tension de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem
14/05/2018. Inauguration ambassade USA à Jérusalem

Le livre de Saree Makdisi vient de paraître[22], mais il a été écrit avant le 7 octobre 2023. Dans sa conclusion, l’auteur observe que, « à l’époque des Trump, Bolsonaro, Duterte, Modi et cie », les autorités israéliennes semblent estimer qu’elles peuvent abandonner leurs campagnes de communication destinées à se concilier le public occidental progressiste, et assumer désormais ouvertement leur racisme. Ce que confirment les bonnes relations entre Netanyahou et Trump – qui, durant son mandat, fit déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem[24bis], un geste hautement symbolique.

 

De fait, en persistant dans leur soutien à Israël, Joe Biden et Kamala Harris ignorent le tournant pro-palestinien de plus en plus marqué qui s’opère dans l’électorat démocrate, tandis que la droite, et en particulier la droite évangélique, violemment islamophobe (et antisémite !), s’affirme, elle, comme fanatiquement pro-israélienne. Il est dommage, alors, que tant de progressistes français s’accrochent encore à leur sympathie pour Israël. Sympathie qui est d’ailleurs le pire service à rendre y compris à Israël lui-même, enfermé dans une spirale sans issue de haine et de folie destructrice.

 

 

- « Nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon »
Cela ne m’amuse pas particulièrement de critiquer mes amis politiques. Mais je le fais parce que je crois que nous avons besoin de serrer les rangs. Le génocide en Palestine opère aussi comme une scène sur laquelle se joue, par procuration, le passage à l’acte d’un racisme anti-Arabes qui travaille à peu près toutes les sociétés occidentales. Avec l’afflux de doubles nationaux dans l’armée israélienne[25], la Palestine semble être devenue le stand de tir de tous les islamophobes de la Terre. En soutenant le carnage (ce génocide est américain au moins autant qu’israélien), les dirigeants occidentaux envoient aussi un clair message d’abandon, pour ne pas dire plus, à leurs citoyens d’origine arabe.

 

« Le niveau de traumatisme créé chez les Palestiniens-Américains par la normalisation du meurtre de leurs proches a laissé une communauté en lambeaux », écrit le journaliste Azad Essa[26]. « C’est comme être dans une relation abusive avec le monde », témoigne Nada al-Hanooti, qui vit à Dearborn, la ville américaine (dans le Michigan) où cette communauté est le plus présente[27]. Lina Mounzer lui fait écho : « Demandez à n’importe quel·le Arabe quelle prise de conscience a été la plus douloureuse cette année, et il ou elle vous répondra : nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon[28]. »

 

🔴 La hantise de beaucoup – et notamment de Francesca Albanese[29], la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens – semble être que la violence déchaînée, en plus de détruire la Palestine, ne s’arrête ni aux limites de ce territoire, ni à celles des communautés arabes. La légitimation d’un tel degré de barbarie devrait inquiéter tout le monde. Et rend d’autant plus urgente une clarification des positions de la gauche.

 

 

Notes :

[0] Naomi Klein, « How Israel has made trauma a weapon of war », The Guardian, 5 octobre 2024

[1] Le bilan humain du conflit israélo-palestinien

[1bisUn Palestinien en route pour le mariage de sa sœur tué par des soldats israéliens

[2] Forensic Architecture et Al-Haq, « Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste », Mediapart, 22 septembre 2022

[3] Cf. Kaoutar Harchi, « Israël-Palestine : handicaper est une politique coloniale », L’Humanité, 3 septembre 2024

[3bis] Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement

[4] « Investigating war crimes in Gaza », Al Jazeera English, 3 octobre 2024

[5] Joseph Confavreux, « Crimes israéliens, complicité occidentale », Mediapart, 30 septembre 2024

[6] Cf. Daniel Schneidermann, « BFM : Victime palestinienne, accusez-vous ! », Arrêt sur images, 10 octobre 2024

[7] Rami Abou Jamous, « “Apparemment, on n’a pas le droit de rêver ici” », Orient XXI.info, 29 août 2024. Le 12 octobre 2024, au prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, trois trophées ont été décernés à Rami Abou Jamous – une première en trente-et-une éditions.

[8] Sur la question des violences sexuelles commises le 7 octobre, lire l’enquête publiée en avril par le quotidien israélien Haaretz : Liza Rozovsky, « 15 Witnesses, Three Confessions, a Pattern of Naked Dead Bodies. All the Evidence of Hamas Rape on October 7 », Haaretz, 18 avril 2024.

[9] « Inside the Base Where Israel Has Detained Thousands of Gazans », The New York Times, 6 juin 2024.

[10] Cf. Simon Speakman Cordall, « ’Everything is legitimate’ : Israeli leaders defend soldiers accused of rape », Al-Jazeera, 9 août 2024.

[10bis"Qu'ils crèvent tous" : Louis Sarkozy provoque l'indignation après ses propos sur le Hamas et le Hezbollah

[11] Arwa Mahdawi, « As a Palestinian living in the US, I have lost friends, job opportunities – and my faith in humanity », The Guardian, 6 octobre 2024.

[12] Article traduit ici : Adam Johnson et Othman Ali, « La couverture de la guerre de Gaza par le New York Times et d’autres grands journaux a fortement favorisé Israël, selon une analyse », Agence Médias Palestine, 9 janvier 2024.

[12bis] Des Vies ont pris fin à Gaza

[13] « Inside Western media’s reporting on Gaza », « The Listening Post », Al-Jazeera English, 5 octobre 2024.

[14] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », The Markaz Review, 4 octobre 2024.

[14bisYannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, a été arrêté et perquisitionné par la gendarmerie ce mardi dans le cadre d'une énième enquête pour " apologie du terrorisme "

[15] Valérie Lehoux, « L’avocat Arié Alimi : “Je sais que l’antisémitisme existe à gauche, mais le savoir n’a rien à voir avec l’éprouver” », Télérama, 7 avril 2024.

[15bis] Novembre 2024 ; Décision prise par la Cour pénale internationale de délivrer un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu, le général Gallant et un responsable du Hamas, est un événement important et constructif sur la scène de la vie internationale

[16] Valérie Lehoux, « “ Une étrange défaite, consentement à l’écrasement de Gaza ”, essai peu convaincant de Didier Fassin », Télérama, 5 septembre 2024.

[16bisJoseph CONFAVREUX " De Gaza au Liban : Crimes israéliens, complicité occidentale "

[17] Chris McGreal, « Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza », The Guardian via Agence Médias Palestine, 2 avril 2024.

[17bisLes enfumades sont une technique utilisée par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l'Algérie, en 1844 et 1845

[18] Adam Shatz, « Israël dans l’abîme de Gaza », Orient XXI, 24 juin 2024.

[19] Joss Dray et Denis Sieffert, La Guerre israélienne de l’information. Désinformation et fausses symétries dans le conflit israélo-palestinien, La Découverte, « Sur le vif », Paris, 2002.

[19aAu Liban, Israël attaque les Casques bleus, derniers témoins de ses agissements

[19bPersonnellement j'ai tout à fait de l'empathie pour les otages israéliens et leurs familles. Mais cette empathie est déjà tout à fait présente, médiatique,  officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée

[19cKarim Kattan, écrivain palestinien : « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? »

[19dYoumna El Sayed d'Al Jazeera sur le garçon qui avait son petit frère décédé dans un sac à dos

[20] Mariam Mohammed Al Khateeb, « The luxury of death », We Are Not Numbers, 10 juin 2024

[21] Qualifier le massacre du 7 octobre en Israël de massacre antisémite, ou de pogrom, relève de la même logique. À ce sujet, lire le texte de Tsedek !, « 7 octobre : un massacre antisémite ? », 12 février 2024

[21bis« Il n’existe pas de pays comme le Liban. Les gens qui. Tous eux-mêmes Libanais, font semblant de vivre dans un pays.» C’est tellement illusoire, c’est comique

[22] Saree Makdisi, Tolerance Is a Wasteland : Palestine and the Culture of Denial, University of California Press, 2024

[23] Noura Erakat, « Palestinians have no choice but to continue the struggle », The Washington Post, 16 mai 2018

[24] Cf. également l’article d’Aïda Delpuech, « En Israël, l’arbre est aussi un outil colonial », Le Monde diplomatique, octobre 2024 ; et Rob Goyanes, « La guerre écologique contre Gaza », Jewish Currents, 9 septembre 2019.

[24bis] Le 14 mai 2018, les États-Unis transféraient leur ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem

[25] La France n'envisage pas d'enquêter sur les Franco-israéliens qui ont rejoint l'armée israélienne

[26] Azad Essa, « ’I call my brother knowing he won’t pick up’ : The anguish felt by Palestinian Americans over Gaza », Middle East Eye, 5 octobre 2024.

[27] Yasmine El-Sabawi, « ’Unlike anything’ : A year of collective grief for Palestinians in the West over Gaza », Middle East Eye, 7 octobre 2024.

[28] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », art. cit.

[29FRANCESCA ALBANESE : Il ne faut pas dire cessez-le-feu, il faut dire cessez le GENOCIDE !

 

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14 octobre 2024 1 14 /10 /octobre /2024 10:39
Aymeric Caron : " Gaza depuis le 7 octobre " 2023
Aymeric Caron : " Gaza depuis le 7 octobre " 2023

Le film de montage d'Aymeric Caron, député France insoumise, diffusé à l'Assemblée nationale le 29 mai dernier (avant la dissolution)
« Ce film est écrasant, effroyable… Voilà ce qu’est vraiment la supposée “ guerre contre le Hamas ”.
Cette réalité terrible doit être montrée crûment. Il est bon que ce film puisse être vu.
On aimerait qu’il soit vu en Israël. » Rony Brauman (Médecin, essayiste, ex-président de Médecins Sans Frontières)

 

 

Réalisation : CINÉmutinsBitton |

- Le film vu par les Mutins de Pangée
Attention, si vous décidez d’appuyer sur le bouton de lecture, vous ne sortirez pas indemne de ce visionnage. Personne n’a envie de voir des images aussi effroyables, mais elles témoignent de ce qui se passe à Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023.
 

🔴  Un cauchemar
« C’est un rêve ou une réalité ? » demande une petite fille abasourdie par ses blessures. C’est un cauchemar, sans aucun doute, et rien ne peut le justifier, ni les crimes du 7 octobre ni la détention des otages israéliens par le Hamas. Condamner tous les crimes du 7 octobre, d’avant et d’après, condamner l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, c’est le sens commun. Il semble cependant qu’il faille le préciser. Toute personne normalement constituée souhaite que les otages survivants puissent un jour retrouver leurs familles et que s’arrête immédiatement le massacre à Gaza. Mais aller jusqu’au bout de la démarche, c’est voir les choses en face, voir ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre, ce que fait l’armée israélienne, ce que ne montrent pas les chaînes de télévision.

 

🔴  Des journalistes documentent
Reporters Sans Frontières a dénoncé la mort d’une centaine de journalistes, tués à Gaza par l’armée israélienne entre le 7 octobre 2023 et début juin 2024, souvent délibérément ciblés, comme l’ont été des soignants et du personnel humanitaire, parmi les dizaines de milliers de gens bombardés ou visés par des snipers, mutilés, déplacés, affamés, harcelés, torturés, des familles entièrement décimées (dont au moins 40 % sont des enfants), dans leurs habitations, dans la rue, dans des écoles, dans des hôpitaux, dans des ambulances, dans des camps de réfugiés… Le bilan s’alourdit en permanence, il est mis à jour par les ONG. L’Unicef alertait dès le début : « La bande de Gaza est aujourd’hui l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. » (voir site de l'Unicef[1]) 

 

Ce film de montage a été réalisé par le journaliste et député Aymeric Caron avec l’aide d’une équipe, qui a identifié, trié et daté ces images, contacté des journalistes sur place. Sans autres commentaires que les titres et légendes qui datent et donnent les sources des images envoyées depuis Gaza comme des bouteilles à la mer par des filmeurs et des filmeuses, journalistes qui continuent à travailler dans des conditions terribles alors qu’aucun de leurs collègues étrangers n’est autorisé à entrer dans cette zone de crime de 360 km2. Leurs images se percutent avec des prises de paroles israéliennes, officielles et dissidentes, ainsi que des vidéos postées sur les réseaux par des soldats israéliens.

 

Le film contient beaucoup d’images du journaliste palestinien Motaz Azaiza, aujourd’hui en exil, et qui vient de recevoir le prix Liberté à Caen, décerné par la région Normandie avec l’Institut international des droits de l’homme et de la paix (Le Monde, 17 juin 2024[2])

 

🔴  Une première séance à l’Assemblée nationale
Le député Aymeric Caron a d’abord organisé une séance à l’Assemblée nationale pour ses collègues de tous les groupes parlementaires, le 29 mai dernier[3]. Seulement 17 députés ont assisté à cette projection, quelques journalistes étaient présents. Aymeric Caron a alors précisé qu’il souhaitait mettre son film « à disposition de tous ceux qui veulent le voir ». Nous l’avons aussitôt contacté pour en parler. Nous nous sommes bien sûr demandé s’il fallait vous montrer ces images sur CinéMutins. Après réflexions, discussions, consultations, nous avons voulu vous laisser la libre décision de visionner ce film (ou pas), en libre accès, après vous avoir averti de la nature de ces images, le réalisateur ayant ajouté un carton au début du film.

 

🔴  Un film qu’on voudrait voir s’arrêter
Préalablement, il a fallu donc visionner le film et nous l’avons jugé terrible, insoutenable… mais nécessaire. Car, au-delà de tous les discours et de « la guerre des mots » qui montrent le visage assez délirant de l’environnement politico-médiatique dans lequel on baigne en France, ces images documentent les crimes de guerre perpétrés, dans une démocratie, par l’autoproclamée « armée la plus morale du monde ». Des crimes commis avec des armes fournies en grande partie par les États-Unis et l’Union européenne, l’Allemagne surtout et même la France comme l’ont révélé Disclose et Marsactu en mars 2024 (en savoir plus[4]).

Dès les premières minutes de visionnage, on voudrait que le film s’arrête, que ça cesse immédiatement… que cessent les crimes, que cesse le feu, que tout ça n’ait jamais existé.

 

🔴  Qui peut encore nier ou justifier ces crimes après avoir vu ces images ?

Nous ne trouvons pas les mots à opposer à la mauvaise foi où le poids d’une photo ne pèse plus bien lourd au milieu de la masse d’images qu’il faut digérer chaque jour, où les réalités sont niées avec aplomb, voire même, carrément justifiées ouvertement avec mépris, insultes et menaces, par des criminels de guerre et leurs complices, qui osent salir les morts qu’ils engendrent, mais aussi la mémoire des victimes de l’antisémitisme dans l’histoire, en usant de cette grave accusation à tous propos dans le but de faire taire toute contestation. Ces images témoignent pour que ça cesse, avant tout. Face à ceux qui continuent à soutenir ces crimes, face aux discours de haine, de vengeance et de déshumanisation, plutôt que de se laisser entrainer dans une forme de surenchère verbale, nous préférons opposer ce miroir sans tain. Bon courage.

 

 

- Présentation du film

 

 

👉 Pour accéder au film, cliquez ici  👇

 

Gaza. Depuis le 7 octobre Synopsis Le film de montage d'Aymeric Caron, diffusé à l'Assemblée nationale le 29 mai dernier

 

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7 février 2024 3 07 /02 /février /2024 14:00
Guerre Israël/Gaza : la délinquance informationnelle totalitaire en déploiement

Couverture de la guerre au Proche-Orient et recomposition de l’« arc républicain »
Le journalisme français, un danger public

 

 

Délinquance informationnelle : de la crise sanitaire covid 19, à la guerre en Ukraine jusqu’au conflit israélo – palestinien, la manipulation informationnelle de masse totalitaire est en marche.

Je partage ici un article du Monde diplomatique qui montre avec éclat que les journalistes ne sont plus des professionnels ayant pour fonction de véhiculer d’une manière impartiale et neutre des informations fondées sur des faits mais sont devenus des propagandistes agressifs, des soldats de la guerre idéologique au service non seulement du gouvernement en place et des groupes financiers qui le soutiennent mais aussi des soldats exécutants l’ordre de diffuser les narratifs de la guerre cognitive mise au point par les différentes officines spécialisées en ingénierie sociale et communication travaillant pour la défense et le renseignement nord américain.

En cas de conflits armés, ces pseudo journalistes sont devenus des acteurs de la guerre psychologique pour conditionner l’opinion publique nationale et mondiale dans le sens voulu par les autorités politiques nord américaine. Parler dorénavant d’information n’a donc plus de sens plus exactement est une escroquerie, un abus de confiance, une tromperie. Ce militantisme guerrier n’est pas sans conséquence sur la vie des gens engagés dans ces conflits. Ces escrocs de l’information sont donc devenus dangereux par leur bellicisme passionnel. En interdisant tout débat approfondi et contradictoire dans un climat de sérénité, ils mettent en place un totalitarisme idéologique en contradiction totale avec leur prétention arrogante de défendre les droits de l’Homme.

Il faudra s’interroger un jour pour comprendre comment il a été possible de laisser envahir l’espace médiatique par des individus aussi médiocres intellectuellement, aussi fanatiques et aussi vassalisés.

 

 

Sources : Serge Halimi & Pierre Rimbert | mis à jour le 14/02/2024

- Depuis le 7 octobre dernier, les grands médias veillent à l’alignement des planètes autoritaires en France. Leur soutien inconditionnel à Israël s’accompagne de leur diffamation des opinions dissidentes, de leur mise en cause des libertés publiques et de leur chasse aux immigrés. Jusqu’où ira cette guerre idéologique ? Au service de qui ?

Un moment de folie médiatique a révélé en même temps que précipité un mouvement de bascule politique : dans les semaines qui ont suivi les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023, les principaux médias et le gouvernement français ont réalisé une double prouesse. Celle d’exclure de l’« arc républicain » La France insoumise (LFI), qui refusait d’absoudre d’avance les représailles militaires du gouvernement israélien à Gaza, et, symétriquement, celle d’y inclure le Rassemblement national (RN). Jugé indigne de gouverner par les classes dirigeantes qui appelaient à « faire barrage » contre lui, le parti fondé en 1972 par M. Jean-Marie Le Pen s’est trouvé subitement réhabilité et blanchi par son alignement sur les positions du gouvernement israélien de M. Benyamin Netanyahou. Sur CNews-­Europe 1, la journaliste Sonia Mabrouk en vint même à célèbrer en Mme Marine Le Pen « le rempart, la protection, le bouclier pour les Français juifs » (10 octobre 2023), tandis que Le Figaro (5-6 novembre 2023) et BFM TV (12 décembre 2023) alternaient un portrait louangeur de M. Jordan Bardella et des bandeaux triomphaux « Bardella à Matignon : 46 % des Français séduits ». Au même moment, la presse progressiste pilonne M. Jean-Luc Mélenchon dans les termes qu’elle réservait autrefois à M. Le Pen : il « accumule les dérapages rances » (L’Obs, 12 octobre 2023) à force de déclarations « imprégnées de stéréotypes antisémites » (Mediapart, 10 novembre 2023). « Antisémitisme : comment Jean-Luc Mélenchon cultive l’ambiguïté », titre un long article du Monde (4 janvier 2024) qui échoue à produire le moindre propos antisémite. En trois mois, ce quotidien aura consacré une demi-douzaine d’articles et plusieurs éditoriaux à la tentative d’assassinat symbolique du dirigeant de LFI.

 

« Le diable a changé de camp », constate Nicolas Beytout dans le quotidien patronal L’Opinion (12 octobre 2023) : « L’attaque du Hamas rebat les cartes. Les Insoumis sont plus faciles à haïr, le Rassemblement national plus difficile à combattre. » Dans les médias, l’arc républicain se confond alors avec l’arc israélien. Le 12 décembre, le journaliste de France Culture Brice Couturier révèle même dans un tweet le désir inavouable d’une fraction croissante des élites françaises : « Puisqu’il va falloir en passer par un épisode RN (tous les sondages le montrent), pourquoi pas dans le cadre d’une cohabitation ? Dissolution. À l’Élysée, Macron garde la main sur la politique étrangère (pas de rupture avec l’UE et l’OTAN), et il dissout au moment propice en 2026. »

 


- Inimaginable il y a encore dix ans, une extrême-droitisation aussi rapide du spectre politique hexagonal a évolué de pair avec la restriction des libertés d’expression, d’opinion, de manifestation.
À l’unisson du ministre de l’intérieur, les médias assimilent, par dessein idéologique ou par paresse intellectuelle, à de l’antisémitisme des manifestations ordinaires de soutien à la cause palestinienne, lesquelles sont d’abord interdites. « Des manifestations de soutien aux terroristes », corrige alors Bernard-Henri Lévy dans Le Point (9 novembre). Son admirateur, le journaliste Darius Rochebin, propose sur LCI l’« internement administratif des islamistes » (15 octobre 2023). La « loi immigration » votée par la majorité présidentielle, la droite et le RN viendra couronner cette séquence, le 19 décembre : le texte, qui institutionnalise la préférence nationale et durcit la répression des étrangers, a été promu par le ministère de l’intérieur comme un bouclier contre les « atteintes aux intérêts fondamentaux de l’État », les « activités à caractère terroriste », et la provocation à la violence — entendre celle de musulmans « islamistes » tentés de commettre des pogroms antisémites.

 

 

- Le séisme couvait — et s’était déjà manifesté ailleurs en Europe.
L’ironie veut cependant qu’en France un tel tournant autoritaire s’effectue sous la conduite conjointe d’une corporation journalistique qui s’autoproclame gardienne des libertés démocratiques et d’un gouvernement élu pour faire barrage à l’extrême droite. Et que l’une et l’autre justifient leurs agissements par la nécessité de soutenir le « droit d’Israël à se défendre » au moment où cet État multiplie les crimes de guerre dans l’espoir de précipiter l’exil ou la déportation de tout un peuple et d’empêcher ainsi qu’il devienne un jour souverain sur son territoire. L’ampleur des massacres commis à Gaza, la réprobation internationale qu’ils suscitent et le discrédit d’un journalisme occidental à la partialité caricaturale amèneront probablement certains protagonistes à espérer qu’on oubliera leur égarement et les dégâts qui en ont découlé. Raison de plus pour revenir en détail sur les deux temps de la guerre de l’information qui s’est ouverte le 7 octobre :

  • la médiatisation des massacres du Hamas, abondamment décrits comme une culmination historique de l’horreur,
  • puis celle, toute en retenue et en litotes, de la guerre totale menée par Israël contre les Palestiniens.

En quelques semaines, la France a fait l’expérience d’un journalisme de meute qui déteste autant le débat contradictoire que la liberté d’expression.

 

Organiser ainsi le calendrier détermine mécaniquement la nature de ce qui fera l’événement (le massacre d’Israéliens), le rôle tenu par les protagonistes (les terroristes du Hamas, les victimes israéliennes et les justiciers de l’armée), enfin le déroulement du scénario : à l’horreur (du 7 au 26 octobre) succède la « riposte », le « droit d’Israël à se défendre » (27 octobre au 10 décembre). Ces deux séquences concentrent l’essentiel de la médiatisa­tion. Au détriment de la troisième : la ­contestation internationale d’une guerre potentiellement génocidaire (depuis le début du mois de décembre) sensiblement moins couverte que la première séquence[1]. L’importance de cette dimension temporelle se perçoit facilement : si l’événement médiatique s’était construit autour des crimes ordinaires perpétrés par Israël dans les territoires occupés ou du blocus meurtrier de Gaza, le « droit des Palestiniens à se défendre » aurait pu s’imposer comme un sujet d’actualité légitime.

 

Ou pas… Car le regard journalistique sur le conflit israélo-palestinien s’articule autour d’un deuxième axe : l’occidentalisme. Alignées sur une diplomatie française et européenne de plus en plus atlantiste, les rédactions voient en Tel-Aviv l’allié qui partage la même vision du monde, les mêmes ennemis, la même conviction d’appartenir à une civilisation supérieure, celle des sociétés libérales. Au Proche-Orient fait rage « un combat des démocraties occidentales contre l’obscurantisme de l’islamisme radical », affirme la journaliste Laurence Ferrari dans une question-manifeste posée à Michel Onfray (Paris Match, 4 janvier 2023). « Parce que l’horreur a été commise, il faut qu’elle soit commise de l’autre côté ? » Lorsque M. Dominique de Villepin interroge ainsi l’animatrice de BFM TV Apolline de Malherbe (27 octobre 2023), il s’attire cette réplique : « Mais vous pensez comme quelle partie de l’humanité ? » — l’Occident éclairé ou ce Sud populeux où « la rue » ménage les terroristes. « J’aime Israël (…) parce que c’est un pays où souffle l’esprit européen », résume l’ancien directeur de Charlie Hebdo Philippe Val, désormais chroni­queur sur Europe 1 (9 octobre 2023), la radio extrêmement de droite de M. Vincent Bolloré.

 

 

- Comme ce fut le cas pour Kiev un an et demi plus tôt, les médias entérinent sans vérification ni recul la plupart des récits du gouvernement et de l’armée israéliens, dont les communicants parlent souvent parfaitement l’anglais et connaissent les codes journalistiques du public-cible.
En revanche, toute information issue du Hamas, y compris le décompte des victimes, se trouve frappée au coin du doute. Au-delà des multiples fake news de « Tsahal » (les quarante bébés décapités, les vingt enfants brûlés et exécutés, le nouveau-né rôti au four, la femme enceinte abattue et éventrée, le quartier général du Hamas sous l’hôpital Al-Shifa, etc.), dont le démenti tardif a moins d’écho et d’impact que l’information sensationnelle initiale, c’est le cœur même du récit officiel israélien que les médias français relaient : l’armée de la « seule démocratie du Proche-Orient » a pour mission de détruire un monstre inhumain fondu dans la population gazaouie ; le Hamas porte par conséquent la responsabilité principale de toutes les victimes du conflit.

 

Comme souvent en pareilles circonstances, ce genre de propagande n’a pas de meilleur interprète que Bernard-Henri Lévy. « Israël s’oblige à respecter le droit humanitaire, plaide l’essayiste sur LCI le 29 octobre 2023. Israël fait tout ce qui est en son pouvoir pour qu’il y ait loins de victimes civiles possible. Encore une fois, Israël lance des tracts, téléphone, envoie des messages de toutes sortes aux Gazaouis en disant “ Ne restez pas ! Ne restez pas les otages de ces salopards qui vous manipulent depuis quinze ans, partez, fuyez. ” Donc le droit humanitaire, il est dans la tête et dans les cœurs des Israéliens autant que dans la tête et les cœurs des téléspectateurs bien tranquilles de New York, de Paris ou de Berlin. » En somme, comme le précisera le 31 décembre M. Netanyahou, Israël mène une « guerre d’une moralité sans équivalent ».

 

 

- Au fil des jours, cette fable débitée sur toutes les chaînes d’information relativise la courbe ascendante des victimes palestiniennes...
Et maquille en riposte légitime ce qui a les apparences d’une tentative d’épuration ethnique. « Là, pour que ceux qui nous regardent, nous écoutent, compren­nent bien, le Hamas demande aux civils de ne pas bouger pour ensuite s’en servir comme… boucliers humains et s’en servir comme une sorte de propagande alors même que l’armée israélienne prévient et donne cet ordre d’évacuation. C’est… c’est bien ça l’objet de cette propagande du mouvement terroriste ? » demande Benjamin Duhamel, le 13 octobre 2023, sur BFM-RMC. Perplexe face à une présentation aussi lumineusement objective de la situation, son invité, le journaliste Georges Malbrunot, répond : « Oui… c’est grosso modo à peu près ça. »


Deux jours plus tard, Duhamel chapitre un député de LFI qui a, prudemment, évoqué l’idée d’un cessez-le-feu : « Avec le Hamas, François Ruffin ? Le Hamas est un mouvement terroriste ! Ça veut dire que vous dites : il faut qu’Israël négocie avec le Hamas ? » Puis il reprend : « Il y a quelque chose qui m’interpelle dans ce que vous dites. Est-ce que, au fond, vous faites partie de ceux qui, notamment au sein de La France insoumise, semblent renvoyer dos à dos d’un côté les attentats terroristes du 7 octobre et la riposte d’Israël ? »


Même son de cloche sur France Inter, mais un mois et douze mille morts plus tard (16 novembre) : « Si Israël veut atteindre ses objectifs de guerre plus rapidement, il va devoir tuer plus de civils puisque le Hamas se protège derrière les civils », justifie Pierre Servent, l’expert chouchou de la station publique. « Je ne vois pas comment une autre armée d’un État démocratique pourrait faire mieux », poursuit-il, en soulignant lui aussi « l’avertissement des populations, les couloirs humanitaires, un certain nombre de précautions réelles que Tsahal prend pour atteindre ses objectifs de guerre ». Tout le contraire, selon lui, du Hamas, affairé à « créer un événement tragique dans la bande de Gaza, qui va être monté en épingle ». C’est toutefois Europe 1 qui décroche le titre (très disputé) de porte-parole de M. Netanyahou à la radio. Au point de faire parfois rougir d’embarras son idole. Les soldats israéliens, affirme ainsi l’historien Georges Bensoussan sans être contredit par la journaliste Sonia Mabrouk, « ont apporté la vie et la survie, ils ont apporté du matériel médical » (Europe 1-CNews, 16 novembre 2023).

 

 

- Et puisque cette armée bienveillante nous ressemble, les journalistes français accompagnent un de leurs compatriotes quand il rejoint ses rangs.
Le 10 octobre 2023, dans la matinale de France Inter, Sonia Devillers héroïse « Yoval », un étudiant qui, quittant la France pour se battre en Israël, ne semble pas distinguer le Hamas de la population civile de Gaza. « Merci Yoval, bonne route ! », conclut la journaliste en guise de salut au soldat qui se prépare à envahir ce territoire palestinien. Sa consœur Judith Waintraub célèbre un autre paladin dans Le Figaro Magazine (24 novembre 2024) : Julien Bahloul, « né en France dont il est parti pour fuir l’antisémitisme », et qui « après cinq ans sur la chaîne de télévision i24News, remet l’uniforme pendant ses périodes de réserve, qu’il effectue en tant que porte-parole de Tsahal ».

 

Drames individuels et statistiques.

  • Si l’idée d’un traitement critique de ces Français partis se battre à Gaza ne s’impose pas aux rédactions des médias, publics ou privés, c’est que leur biais occidentaliste postule une hiérarchie entre, d’un côté, des démocraties menacées par l’islamisme allié aux grands démons du moment (la Russie, la Chine) et, de l’autre, le reste du monde. Nul journaliste n’admettra volontiers qu’il assigne une partie de la planète à un statut de sous-humanité. Mais, ce qui revient au même, beaucoup se refusent à mettre « sur le même plan des massacres qui ont été commis, avec des viols, des femmes qui ont été mutilées, et puis des bombardements aujourd’hui qui sont dans le cadre d’une riposte, certes avec des morts qui sont tout à fait inacceptables » (Sonia Mabrouk, Europe 1, 26 novembre 2023).

 

  • Selon que le clavier du journaliste décrit Tel-Aviv ou Gaza, le vocabulaire et la syntaxe humanisent ou déshumanisent le propos : Le Hamas « massacre » ou « tue » ses victimes israéliennes ; les Palestiniens « meurent » sans qu’on précise qui les fait périr. Comme après chaque attentat en Occident, la presse dresse le portrait individuel de victimes émouvantes tandis que les Palestiniens se trouvent souvent réduits dans les reportages à des ombres anonymes errant dans les décombres[2]. Morts-sujets auxquels on s’identifie comme les personnages d’un film, contre morts-objets qui tapissent un décor où le regard glisse sans accrocher.

 

- Près de quatre mois après le déclenchement du conflit, aucun grand média français n’a réalisé une enquête quantitative sur le traitement journalistique du conflit.
Aux États-Unis, The Intercept (9 janvier 2024) a analysé un vaste échantillon d’articles du New York Times, du Washington Post et du Los Angeles Times parus entre le 7 octobre et le 24 novembre 2023[3]. Les résultats ne devraient pas dépayser les lecteurs français. « Le terme de “carnage” a été utilisé 60 fois plus dans le cas de victimes israéliennes plutôt que palestiniennes, et celui de “massacre” 125 fois dans le premier cas et 2 fois dans le second. “Terrifiant” est employé 36 fois dans le cas de victimes israéliennes, 4 fois si elles sont palestiniennes. » Les auteurs relèvent par ailleurs « le manque d’attention médiatique réservée au nombre sans précédent d’enfants et de journalistes tués, alors que ces deux groupes suscitent en général la sympathie des médias occidentaux ». Enfin, alors que les assassinats de civils commis par le Hamas sont bien présentés comme le produit d’une stratégie intentionnelle, les journalistes dépeignent les meurtres de Gazaouis « comme s’il s’agissait d’une succession d’erreurs reproduites des milliers de fois ».

 

Le lexique chargé d’émotion pour les uns, distancié pour les autres, est également confirmé par l’étude d’un autre média occidental, la British Broadcasting Corporation (BBC)[4]. Les chercheurs ont passé au crible 90 % de la production en ligne de la BBC entre le 7 octobre et le 2 décembre 2023. Outre l’association presque systématique des mots « massacres », « meurtres » et « carnage » aux victimes israéliennes — les Palestiniens étant « tués » ou « morts » —, la recherche établit que les termes exprimant les relations familiales comme « mère », « grand-mère », « filles », « fils », « époux », etc., ont été beaucoup plus fréquemment utilisés pour décrire des Israéliens que des Palestiniens.

 

Cent jours après l’attaque du Hamas en Israël dont le bilan s’élève selon Tel-Aviv (15 décembre) à 1 139 morts dont 766 civils et 132 otages toujours retenus à Gaza, les militaires israéliens, équipés et financés par les États-Unis, avaient tué 23 000 Palestiniens (8 000 autres étant portés disparus), bombardé des hôpitaux, des écoles, des églises, les centres culturels, les archives, les routes, les infrastructures énergétiques, endommagé ou détruit 60 % des bâtiments, déplacé 85 % de la population, organisé méthodiquement une pénurie d’eau et de médicaments ainsi qu’une famine à grande échelle qui menace 40 % des survivants. C’est l’« une des campagnes punitives contre des civils les plus intenses de l’histoire », relève l’historien américain Robert Pape, l’ampleur des destructions surpassant celles d’Alep en Syrie, de Marioupol en Ukraine et même de villes allemandes par les bombardements alliés à la fin de la seconde guerre mondiale[5]. Or il ne s’agit pas d’un dérapage : l’opération a été précédée de déclarations officielles à tonalité génocidaire. À commencer par celles du président socialiste Isaac Herzog (« C’est une nation entière là-bas qui est responsable ») et du ministre de la défense Yoav Galant (« Gaza ne redeviendra jamais ce qu’il a été. Nous éliminerons tout »).


Et « Brice » interpelle France Inter Analyser un carnage israélien conforme au destin que les dirigeants de Tel-Aviv entendaient réserver à des « animaux humains » n’exigeait pas une puissante enquête pour en retracer l’origine, ni des cours de sémiologie avancée pour en saisir le sens. Mais les médias ont alors changé de stratégie. Après avoir disséminé sans relâche une histoire boiteuse résumant le destin palestinien au « terrorisme islamiste » et la politique israélienne à une série de « ripostes » à ces massacres, après avoir affiché une solidarité occidentale permettant d’humaniser l’allié et d’ensauvager l’adversaire, la plupart des journalistes français ont choisi de détourner le regard. Ils ont délibérément réduit la médiatisation du conflit afin de ne pas devoir poser des questions qui fâchent[6].

 

 

-  La logique et la justice auraient pourtant voulu que les régiments de commentateurs et de décideurs qui avaient proclamé en octobre qu’« Israël avait le droit de se défendre » soient à leur tour interpellés sur les conséquences de ce « droit » au regard du nombre de victimes qui en avait découlé.
Et qu’ils soient sommés de proposer des actions et des sanctions pour interrompre la tuerie. Ne pas parler de « terrorisme » palestinien avait valu une lapidation médiatique aux contrevenants. Cette fois, d’autres termes paraissaient découler de l’observation de la conduite israélienne de la guerre : « déportation », « nettoyage ethnique », voire « tentative génocidaire ». Les journalistes allaient-ils à présent retourner leurs armes et leurs commentaires contre certains des avocats d’un « soutien inconditionnel » à Israël, allaient-ils leur reprocher leur aveuglement alors que les massacres de civils, cette fois à Gaza, imposaient qu’on haussât le ton contre leur protégé ? Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, M. Gérard Larcher, président du Sénat, M. Éric Ciotti, président des Républicains (LR), Mme Anne Hidalgo, maire de Paris, pour ne citer que ceux-là, auraient pu être soumis à la question comme les dirigeants insoumis quelques semaines plus tôt. « Approuvez-vous le nettoyage ethnique », « S’agit-il plutôt d’une déportation ? », « Pourquoi ne pas interdire la participation des athlètes israéliens, souvent réservistes de l’armée, aux Jeux olympiques ? », « Quand prendrez-vous enfin des sanctions contre Israël ? ». On sait — mais à vrai dire on avait déjà deviné — qu’il n’en serait rien. Même un journal comme Le Monde, qui s’est distingué par une couverture plus juste du conflit que la plupart de ses confrères, ne recommande toujours pas que l’État coupable de crimes de guerre en Palestine soit sanctionné par la « communauté internationale ».

 


- Lors de ses vœux du Nouvel An, le président Macron a consacré quinze mots aux 22 000 morts de Gaza.
Ce même 31 décembre 2023, Le Journal du dimanche est parvenu, malgré ses 48 pages, à ne publier aucun article sur le martyre palestinien. Deux semaines plus tard, deux dirigeants politiques aussi différents que MM. Raphaël Glucksmann et Éric Zemmour étaient longuement interrogés, l’un par France Inter, l’autre par Europe 1. Seul point commun entre ces deux émissions : cinquante minutes d’entretien, aucune consacrée à Gaza. M. Glucksmann parla bien d’hôpitaux attaqués — mais seulement de celui de Corbeil-Essonnes, victime de hackeurs russes.

 

 

- Quelques jours plus tôt, le 21 décembre, M. François Hollande était — une nouvelle fois — invité par France Inter. Après seize minutes d’entretien la guerre de Gaza n’avait toujours pas été abordée.

Un auditeur, « Brice », perturba alors le ronronnement de l’échange : « À partir de combien de dizaines de milliers de morts en Palestine va-t-on enfin décider de demander à tous vos intervenants s’ils condamnent sans ambiguïté les atrocités de l’armée israélienne ? Au début, pendant quelques jours vous égreniez le nombre de morts de chaque côté, et puis, je me rappelle bien Nicolas Demorand [présentateur de la matinale de France Inter], vous vous êtes arrêtés à 1 200, au moment où c’était à égalité. Là, maintenant, on est à vingt fois plus [de morts côté palestinien]. Donc il serait peut-être temps de demander à chacun s’il condamne sans ambiguïté tout ça. » Peine perdue. Le lendemain, le député insoumis François Ruffin était l’invité de France Inter ; à aucun moment les journalistes ne l’interrogèrent sur Gaza.


Du 8 au 21 octobre, dans les quinze jours qui suivent l’attaque du Hamas, tous les invités de la matinale de France Inter sauf deux sont interrogés sur les massacres ou expriment spontanément leur horreur : « On est obligés aujourd’hui si on veut se conduire bien de dire ce que ça nous fait à l’intérieur de nous, ce qu’on ressent », explique le comédien Vincent Lindon le 13 octobre. Deux mois plus tard, cette « obligation morale » a disparu. Du 8 au 21 décembre, alors qu’enfle un débat international sur les risques de génocide à Gaza, y compris au sein d’agences des Nations unies, seuls deux des invités de la matinale de France Inter sont questionnés sur le sujet. L’intervention de « Brice » portera ce nombre à trois…

 

On cumulerait à l’envi les preuves d’un journalisme biaisé en faveur d’Israël, comme la couverture en direct par France Info, le vendredi 12 janvier 2024, de la défense de Tel-Aviv contre les accusations d’actes de génocide alors que, la veille, les plaidoiries sud-africaines devant la Cour internationale de justice à La Haye n’avaient pas bénéficié du même traitement. Toutefois, la critique d’un « deux poids, deux mesures » qui suggère un déséquilibre justiciable d’un réglage ne suffit pas. Car ce traitement particulier du conflit israélo-palestinien participe d’une transformation plus large.

 

 

- En quatre mois, les dirigeants du « quatrième pouvoir » n’ont pas seulement alimenté un culturalisme qui, comme au temps des empires coloniaux, place l’Occident au pinacle de l’humanité.

Ils ont, dans leur grande majorité, entériné le point de vue de l’extrême droite israélienne et accompagné ou cautionné en France la marginalisation des opposants à la guerre en leur interdisant d’exprimer des solidarités hier encore évidentes. Ils ont ainsi précipité le baptême républicain du RN, en même temps qu’ils célèbrent le réarmement militaire et moral de la France au nom de la lutte contre la menace russe et le terrorisme islamiste. Le combat mené depuis quinze ans par les gouvernements libéraux contre les mouvements « populistes » et les régimes « illibéraux » a ici trouvé un renfort inattendu : la naissance et l’installation en France d’un journalisme autoritaire.

 

 

🔴  Annexe
Pour mieux comprendre la notion de « délinquance informationnelle » des médias occidentaux, il suffit d’écouter l’interview de ce spécialiste du renseignement ayant travaillé pour l’OTAN et les Nations unies qui est Jacques Baud au regard du droit international, il explique la légitimité et la légalité de l’intervention militaire russe en Ukraine.


Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a enregistré 3 393 civils tués et 9 020 blessés entre le 14 avril 2014 et le 24 janvier 2022. Parmi les victimes civiles, on compte 1 428 hommes, 861 femmes, 174 garçons et 130 filles. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également suivi le conflit et a publié des rapports réguliers sur les victimes civiles. Le dernier rapport de l’OSCE, publié le 24 janvier 2022, fait état de 3 402 civils tués et 9 014 blessés. Il est important de noter que ces chiffres ne sont que des estimations. Le nombre réel de victimes pourrait être plus élevé. Il ne s’agit ici que des pertes civiles. Aucune information dans les médias occidentaux entre 2014 et février 2022 sur cette situation. Cette censure délibérée est expliquée par Jacques Baud.

 

 

Notes :

[1] Nombre d’articles et de séquences audiovisuelles répertoriés dans la presse française sur l’agrégateur Europresse.

[2] Cf. Pauline Perrenot, « À la Une du Parisien, la caricature du double standard », Acrimed, 21 décembre 2023.

[3] Cf. également les recherches de Holly Jackson sur un autre échantillon de presse américaine

[4] L’étude est résumée par Xander Elliards, « Study shows BBC “bias” in reporting on Palestinian and Israeli deaths », The National, Glasgow, 9 janvier 2024.

[5] Julia Frankel, « Israel’s military campaign in Gaza seen as among the most destructive in recent history, experts say », Associated Press, 11 janvier 2024.

[6] Cf. Alain Gresh et Sarra Grira, « Gaza, ­l’escorte médiatique d’un génocide », Orient XXI, 8 janvier 2024.

 

Pour en savoir plus :

- Nos idiots utiles dans la classe médiatique

- Gaza : Israël est incapable de fournir une preuve contre l’UNRWA

 

Guerre Israël/Gaza : la délinquance informationnelle totalitaire en déploiement
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5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 14:46

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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 10:10

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7 Octobre 2023 : Riposte du Hamas depuis Gaza, contre les multiples attaques des colons et de l'armée israélienne

Il s'agit d'une guerre car les Palestiniens n’en peuvent plus.

Dans les faits, les accords d’Oslo n’existent plus...

Israël/Palestine : pour une paix juste et durable, stop à l'escalade !

 

Comment ne pas condamner l'attaque du Hamas contre Israël qui endeuille et dessert la cause palestinienne, mais.... au-delà de l’émotion ou la colère légitime devant les victimes civiles d’un conflit, et c’est évidemment vrai pour les victimes israéliennes et palestiniennes d'hier, d'aujourd'hui et demain, toute réaction politique doit tenir compte des événements et du contexte.

Car, en Palestine comme ailleurs, il faut contextualiser une situation pour la comprendre. L’accroissement exponentiel du nombre de colons israéliens, le régime d’apartheid dénoncé par de nombreuses ONG internationales et israéliennes réputées devraient être rappelés plus souvent… pour permettre de comprendre le pourquoi du comment ! 

 

 

Source : Alain Graux | mis à jour le 09/10/2024

- Sur le fond, au delà des propos médiatiques pro-israéliens

Cette attaque du Hamas (NDLR : le Hamas politique a été créé en douce par Israël[2][2bis]) se produit alors que l’occupation et la colonisation se poursuivent et que les Palestiniens ne se sont jamais retrouvés aussi seuls au moment où Israël entame une normalisation de ses relations avec l’Arabie saoudite et des pays arabes. Les territoires occupés s’embrasent car l’espoir de voir la création d’un État palestinien n’existe plus, que la communauté internationale parle mais n’agit pas. La bande de Gaza est sous blocus israélien depuis 17 ans, et, (NDLR : entre 2008 et 2022, Tel Aviv a mené cinq offensives militaires dans la bande de Gaza. Israël a non seulement tué des milliers de Palestiniens de façon indiscriminée, le plus souvent dans des zones civils, mais a délibérément détruit les infrastructures industrielles et agricoles de la bande de Gaza, a établi une zone tampon dans le territoire palestinien, et l’a finalement clôturé, la transformant en prison à ciel ouvert[3].

 

Ce n'est pas un conflit au sens classique du terme, c'est une armée super équipée face à un peuple qui résiste. Il y a un occupant et un occupé. Il y a une armée d’occupation qui avaient obtenu plus d’un an à l’avance le plan du Hamas visant à mener une attaque sans précédent contre Israël... et des résistants.

 

 

-  Chaque jour, il y a des Palestiniens assassinés par les colons israéliens, l'armée ou la police[4].
Le Hamas n'est pas ma tasse de thé, mais l’autorité palestinienne, aux mains du Fatah, est complètement corrompue. Dans cette situation, on peut aisément comprendre le désespoir des Palestiniens et en particulier de la jeunesse palestinienne pour laquelle il n’y aucun avenir autre que l’exil ou la soumission à un gouvernement israélien dominé par des extrémistes juifs qui veulent annexer leurs terres, détruisent leurs maisons ancestrales.

 

 

-  Et l'occident ?
Les pays occidentaux regardent ailleurs malgré des dizaines de résolutions de l'ONU[1] qui condamnent Israël et son occupation illégale, ses violences, tueries et vols de terres, discriminations de toutes sortes.

 

Les Israéliens agissent en toute impunité parce que les européens d'Europe ou d'Amérique se sentent coupables à l'égard des juifs et de la shoah. Le fait d'être un colon juif donne t-il le droit de tuer, de voler impunément, de violer les règlements internationaux ?

 

Là, comme ailleurs, la seule issue se sont des négociations, dans une conférence internationale avec les principaux acteurs pour aboutir à une paix juste et durable, et une solution qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

 

 

-----------------------------

 

 

- Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise, Israël/Palestine : il faut un cessez-le-feu !

  • Je condamne l'attaque du Hamas contre Israël ;
  • Je veux d'abord dire ma compassion pour les familles des victimes, israéliennes comme palestiniennes ;
  • La position de la France ne doit pas s'aligner sur celle du gouvernement de l'extrême droite israélienne ;
  • Aucun des communiqués de la diplomatie française ne contient le mot " paix " ou " cessez-le-feu " or, il faut un cessez-le-feu ! ;
  • La France doit avoir une parole de paix et défendre une solution qui permet aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en sécurité et en liberté ;
  • La seule solution viable pour la paix est celle de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, sur la base des frontières de 1967... "

[2bisQuand Israël favorisait le Hamas, par Charles Enderlin

[3] Les raisons d’une escalade de la violence

[4Le bilan humain du conflit israélo-palestinien de 2008 à 2020 chiffré par l'ONU

[5] Révélation du New York Times : des responsables israéliens avaient obtenu plus d’un an à l’avance le plan du Hamas visant à mener une attaque sans précédent contre Israël.

 

Pour en savoir plus :

- De 1947 à 2023, un conflit israélo-palestinien complexe et dans l’impasse

Terrible rappel à la réalité du journal israélien Haaretz sur une déclaration de Netanyahu en 2019 : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ».

 

- La #Palestine est un un territoire gruyère, dominé, occupé, colonisé : Un peuple, une colonisation. De l’occupation au morcellement

La #Palestine est un un territoire gruyère.

La #Palestine est un un territoire gruyère.

- Charles de Gaulle le 27 Novembre 1967 : L'état israélien organise l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression et la résistance qui s'organise est qualifiée de terroriste ... et c'est toujours d'actualité avec le résultat que l'on connait ! 

Conférence de presse du 27 novembre 1967

 

- Israël-Palestine : pour une paix juste et durable, stop à l’escalade ! Communiqué du groupe parlementaire de La France Insoumise-NUPES en date du 7 OCTOBRE 2023

- Israël-Palestine : Jean-Luc Mélenchon appelle à la paix et au cessez-le-feu

- Le bilan humain du conflit israélo-palestinien de 2008 à 2020 chiffré par l'ONU

VIOLENCES AU PROCHE-ORIENT Le bilan humain du conflit israélo-palestinien

 

- Communiqué de l’Union juive française pour la paix : " Ça suffit le concert des nations pro-israélien ! Résister à un occupant est légitime "

- Le #PartideGauche appelle à un cessez-le-feu immédiat pour une solution politique et le respect des droits nationaux du peuple palestinien

- Israël-Palestine : Macron s’aligne sur l’extrême droite israélienne contre les voix de la paix

- « Éradiquer Gaza mais aussi LFI » : l’arc des faiseurs de guerre contre les défenseurs de la paix

- Guerre entre Israël et le Hamas : pour Dominique de Villepin, " la solution à deux Etats, plus que jamais, est aujourd'hui la seule "

- Bande de Gaza : une succession de 15 années de guerres avec Israël

- Israël-Gaza : quelle est la différence entre un crime de guerre et un acte terroriste ?

- Israël-Palestine : le crime de guerre, une imputation bien plus grave que celle de terrorisme

- Gaza : la France a voté contre un « cessez-le-feu humanitaire » à l’ONU

« Peur, peine et solitude, des militants de la gauche israélienne anti-apartheid racontent ces 12 jours d’enfer qui plongent Israël, la Palestine et le moyen Orient dans une crise sans précédent…. »

SCANDALE - 111 millions d’euros d’armes françaises livrées à Israël : les bombes made in France participent-elles du « nettoyage ethnique » à Gaza ?

- " Netanyahou était informé de l'attaque du Hamas en préparation" : la grave accusation de l'opposition israélienne

- Un document des renseignements israéliens, authentifié par  le journal israélien Haaretz, planifie le nettoyage ethnique de Gaza en proposant comme solution de dégager les palestiniens de Gaza pour les placer dans le Sinaï en Égypte sous des tentes. 

Un document des renseignements israéliens, authentifié par  le journal israélien Haaretz, planifie le nettoyage ethnique de Gaza en proposant comme solution de dégager les palestiniens de Gaza pour les placer dans le Sinaï en Égypte sous des tentes.  Tout est préparé.

- Un an à l’avance, les autorités israéliennes étaient au courant d’une attaque du Hamas

- Le sénateur américain Sanders s'oppose à une aide financière de 10,1 milliards de dollars à Israël

- Le Conseil de sécurité a rejeté vendredi un projet de résolution exigeant notamment un cessez-le-feu humanitaire immédiat, en raison du veto des Etats-Unis, membre permanent du Conseil.

- Voilà pourquoi Israël a créé et financé le Hamas, savait un an à l'avance quil préparait une attaque et à laissé faire, entrepris un génocide sur Gaza et le détruire : 16 décembre 2023 BENJAMIN NETANYAHU SE DIT "FIER" D'AVOIR "EMPÊCHÉ" LA CRÉATION D'UN ÉTAT PALESTINIEN

- Palestine 2023 : Premières leçons d’une catastrophe

- 26 janvier 2024 : La Cour Internationale de Justice reconnait le risque génocidaire à Gaza

- Attaques du 7 octobre : en Israël, des membres de l'association juive ultraorthodoxe Zaka accusés d'avoir menti

Sionisme, Israël et judaïsme, entre mythes et réalités

- 8 mars 2024 : La philosophe Judith Butler qualifie l’attaque du Hamas le 7 octobre d’« acte de résistance »

- Gaza : Israël est incapable de fournir une preuve contre l’UNRWA

Israël a créé des « zones de tir à vue » à Gaza. Quiconque y pénètre est abattu.

Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC : dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine à l'encontre de Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant et des dirigeants du Hamas.

- 18 juillet 2024 : " la France exprime sa consternation à la suite de l’adoption par la Knesset d’une résolution rejetant la perspective d’établissement d’un État palestinien, en contradiction avec les résolutions adoptées au Conseil de sécurité des Nations unies "

- Les dirigeants israéliens, conscients que l’hégémonie du Hamas leur fournirait une justification pour refuser la création d’un État palestinien, ont contribué à le renforcer

 

 

-  Palestine: " Comment Gaza change la donne géopolitique internationale "

 

-  La seule issue se sont des négociations, dans une conférence internationale avec les principaux acteurs pour aboutir à une paix juste et durable, et une solution qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes... via la construction de deux Etats

7 Octobre 2023 : Riposte du Hamas depuis Gaza, contre les multiples attaques des colons et de l'armée israélienne
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8 novembre 2022 2 08 /11 /novembre /2022 14:59
Au centre, debout, Itamar Ben-Gvir, le 2 novembre 2022

Au centre, debout, Itamar Ben-Gvir, le 2 novembre 2022

Les lendemains d’élections ont montré que la société israélienne est devenue en partie religieuse et en grande partie raciste[1], la haine des Arabes étant son principal carburant, sans personne pour s’y opposer...

 

25 novembre 2022 : Israël Benjamin Netanyahu signe son premier accord de coalition avec l'extrême droite[0]... et, un mois plus tard, présente un programme « encourageant » la colonisation en Cisjordanie[7]...

 

et Macron veut « renforcer les liens » entre les deux pays (en soutenant donc ce régime d'apartheid et la violation des résolutions de l'ONU)[6]...

 

Tandis que les élections anticipées du 1er novembre 2022 ont vu les suprémacistes juifs faire une percée historique au Parlement, un nouveau visage de l’Etat hébreu se dessine. S’il se confirme dans la composition du prochain gouvernement, il devrait imposer à ses alliés occidentaux un réexamen de leurs relations avec Israël...

 

 

Sources : A l'encontre par Gideon Levy | mis à jour le 20/07/2023

- Que pensiez-vous qu’il allait se passer ?
Que pensait la gauche sioniste, qui a sombré dans le coma après les Accords d’Oslo de 1994[2] ? Qu’il était possible de revenir au pouvoir en sortant du coma ? Les mains vides ? Sans alternative et sans leadership ? Sur la seule base de la haine de Netanyahou ? En dehors de cela, cette gauche sioniste n’avait rien à offrir.

 

Personne ne devrait être surpris par ce qui s’est passé (l’obtention d’une majorité de sièges à la Knesset – 64 sur 120 – de la coalition menée par Benyamin Netanyahou du Likoud et Itamar Ben-Gvir du Otzma Yehudit[2bis]). Il ne pouvait en être autrement. Cela a commencé avec l’occupation (en 1967) – pardonnez cette mention ennuyeuse et clichée[3] – mais c’est alors que cela a vraiment commencé. Il fallait que cela débouche sur un gouvernement ouvertement raciste et de « transfert » des Palestiniens.

  • Cinquante ans de propagande contre les Palestiniens et de manœuvres de terreur à leur égard ne pouvaient pas aboutir à « un gouvernement de paix ».
  • Cinquante ans de soutien presque total à l’occupation, de la part de la gauche et de la droite sionistes, ne pouvaient se terminer autrement qu’avec Ben-Gvir comme héros populaire[4].
  • Une occupation sans fin ne pouvait que conduire au gouvernement Benyamin Netanyahou-Itamar Ben-Gvir.

Car si vous devez avoir une occupation, alors vous devez embrasser sa version authentique, celle qui ne s’en gêne le moins du monde, c’est-à-dire la version Ben-Gvir.

 

Il était tout simplement impossible de poursuivre les illusions – Juif et démocratique, occupation éclairée, occupation temporaire – et tout ce répertoire de phrases usées. Le temps de la vérité était arrivé, et c’est ce que Netanyahou et Ben-Gvir vont nous expliquer.

 

 

- Hier (2 novembre), Israël s’est réveillé à l’aube d’un nouveau jour, dans lequel tous les bavardages et les euphémismes appartiennent désormais au passé.
Désormais, l’occupation n’est plus que occupation. Il en va de même pour la suprématie juive en Israël. Désormais, le sionisme est promu au rang de racisme déclaré. Hier, la mort de la ligne verte, frontière établie le 4 juin 1967, (et surnommée « mur de la honte » (par analogie avec le Mur de Berlin) ou « mur d'annexion », voire également « mur de l'Apartheid »[5], par la gauche israélienne) a également été officiellement déclarée : l’occupation est ici et partout.

  • Quiconque pensait que ce qui se passe à Yitzhar (colonie israélienne au sud de la ville de Naplouse) ne reste qu’à Yitzhar ne faisait que se tromper ;
  • Quiconque pensait que Yesha (coopérative agricole établie dans le Néguev se réclamant initialement du sionisme de gauche) est là-bas et pas ici se trompait.

Depuis longtemps, maintenant, Yesha se rapproche à grands pas d’Israël, avec son nationalisme et son fondamentalisme enracinés. Pendant toutes ces années, personne ne s’est levé pour l’arrêter. Aujourd’hui, il est trop tard. Il y a deux jours, cette dynamique s’est conclue.

 

 

- Il est inutile de poursuivre, maintenant, une campagne de dénonciation.
Yair Lapid a siphonné les votes travaillistes, les travaillistes n’ont pas fusionné avec le Meretz (formation dite de gauche qui ne dispose plus de sièges à la Knesset), Balad (formation nationaliste palestinienne) n’a pas rejoint la liste commune. Tous ces éléments n’auraient été que des analgésiques temporaires pour une maladie incurable. Même si tout cela ne s’était pas produit, rien du tableau général n’aurait été différent : la société qui s’est formée dans ce pays est en partie religieuse et en grande partie raciste, la haine des Arabes étant son principal carburant, et il n’y avait personne pour s’y opposer.

 

 

- Ce qui s’est passé il y a deux jours n’a pas commencé il y a deux jours.
Peut-être que c’est Golda Meir (première ministre de mars 1969 à juin 1974, antérieurement ministre du Travail et de la Sécurité sociale de 1949 à 1956, puis des Affaires étrangères de 1956 à 1966) qui a commencé, peut-être Shimon Peres (plusieurs fois premier ministre, entre septembre 1984 et octobre 1986, entre novembre 1995 et juin 1996), mais quoi qu’il en soit, aucun de leurs successeurs n’a essayé de faire autrement pour endiguer la marée. Avez-vous vraiment pensé que Yair Lapid (ministre des Affaires étrangères de juin 2021 à fin juin 2022, puis premier ministre dès le 1er juillet 2022), un droitier modéré et creux, rempli de bonnes intentions, était capable d’offrir une alternative à Ben-Gvir ? Quelle alternative ? Tuer en douceur ? Embrasser Emmanuel Macron (lors de sa réception à l’Elysée le 22 août 2022) ? Maintenant, Israël a décidé qu’il préférait ne pas être gentil quand il s’agit de tuer. Le prochain gouvernement évitera au moins de faire de l’esbroufe.

 

 

- Pendant des années,...

  • une gauche et un centre à la dérive qui manquent de leadership et de courage ont désespérément essayé de se prosterner devant la droite et de lui ressembler. Il fallait que cela se termine avec Ben-Gvir et avec le nationaliste Shas (parti religieux ultraorthodoxe créé en 1984). Il n’y avait pas d’autre issue possible ;
  • les Israéliens ont parlé du « peuple élu », de l’Holocauste après lequel tout est permis, des Arabes qui veulent nous jeter à la mer, de notre droit à la terre en raison des récits bibliques, de l’Armée de défense d’Israël (Tsahal) comme l’armée la plus morale du monde, de David contre Goliath, des Arabes israéliens comme une cinquième colonne, du monde entier qui est contre nous et du fait que quiconque nous critique est un antisémite.

 

Que pensions-nous qu’il ressortirait de tout cela ? Ben-Gvir, en fait, a pris son temps. Il aurait pu faire son grand tabac il y a longtemps. C’est ce qui arrive quand vous avez un Bolsonaro et pas de Lula en face de lui. C’est ce qui arrive lorsque les cris de « Mort aux Arabes », qui seront désormais répétés dans les écoles lors de la réunion matinale, n’ont pas été accueillis par un seul cri de « Liberté pour les Arabes ». C’est là que ça a commencé, c’est là que ça se termine.

 

Notes :

[0]  En Israël Benjamin Netanyahu signe son premier accord de coalition avec l'extrême droite. Le nouveau ministre de la Sécurité publique, Itamar Ben-Gvir, a été condamné en 2007 pour incitation raciste contre les Arabes. Ils veulent la mort de la Palestine.

[1] Divers analystes ont qualifié l’évolution politique d’Israël comme étant marquée par un «ethno-nationalisme» dominant. « Qu’est-ce que l’ethnonationalisme ? » par Arthur Kemp, un texte fondamental

[2] QU'EST-CE QUE LES ACCORDS D’OSLO ?

[2bisOtzma Yehudit, anciennement Otzma LeYisrael, est un parti politique d'extrême droite10 israélien créé en novembre 2012

[3] Une des facettes de la réalité de l’occupation est aujourd’hui décrite ainsi, y compris par un quotidien tel que 24 heures, le 1er novembre 2022. Nous ne citerons que ce passage : « Des attaques aux formes très variées, parfois coordonnées entre différentes colonies ou avant-postes, avec la police et l’armée israéliennes à proximité, comme l’a confirmé un rapport de l’ONG israélienne Breaking the Silence publié l’été dernier. Sans compter les menaces des colons armés sur les Palestiniens et le harcèlement moral et psychologique au quotidien qui les poussent à partir. »

[4] Selon le Jerusalem Post du 2 novembre, selon des sources issues d’Otzma Yehudit, la formation d’Itamar Ben-Gvir et de Bazalel Smotrich, ce dernier veut « expulser par bateau et par avion ceux qui agressent des soldats de Tsahal », autrement dit tout Palestinien manifestant une résistance quelconque à l’occupation ou à une discrimination au sein de l’Etat hébreu, tout cela présenté sous l’angle d’une « lutte contre le terrorisme ». Ben Gvir a ajouté qu’il fallait expulser Ayman Odeh, Arabe israélien, dirigeant du Parti communiste et président de la coalition électorale Liste arabe unie. Parmi ses autres cibles, on retrouve les membres d’ONG « étrangères » qui analysent la réalité israélienne et dénoncent les diverses formes de répression touchant les Palestiniens. Ben Gvir vise le ministère de l’Intérieur et un ou deux ministères liés au secteur de «la sécurité».

[5] Le Mur d'apartheid

[6Macron a déjà, sans concertation, ni débat, donné la position de la France en félicitant Netanyahu pour sa victoire, et veut « renforcer les liens » entre les deux pays (en soutenant donc ce régime d'apartheid et la violation des résolutions de l'ONU)

[7] Dans un communiqué, le Premier ministre israélien a présenté les différents points qu’il souhaite mettre en place lors de son mandat

 

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/israel-macron-felicite-netanyahu-pour-sa-victoire-veut-renforcer-les-liens-entre-les-deux-pays-20221106?fbclid=IwAR0iUssQ1_kBuJjm7BnI7CpXcsnMUdpa-1ApV4M_KBmYeAHUXly98qBVk1I

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/israel-macron-felicite-netanyahu-pour-sa-victoire-veut-renforcer-les-liens-entre-les-deux-pays-20221106?fbclid=IwAR0iUssQ1_kBuJjm7BnI7CpXcsnMUdpa-1ApV4M_KBmYeAHUXly98qBVk1I

Pour en savoir plus :

- En 2016, un général de Tsahal comparait l’atmosphère en Israël à celle de l’Allemagne des années 1930 

- Peux-tu donner un aperçu de la situation politique en Israël, à l’approche de nouvelles élections ?

Nationalisme d’Etat et intégrisme nationaliste : le cas d’Israël

Après les élections législatives, le visage nouveau et inquiétant d’Israël

L’Afrique du Sud demande qu’Israël soit déclaré " État d’apartheid "

Cinq anciens ministres des Affaires étrangères accusent Israël de pratiquer une forme d'apartheid dont l'ancien chef de la Diplomatie française, Hubert Védrine.

Depuis janvier, plus de 650 structures où vivaient environ 750 Palestiniens ont été démolies par Israël...

- « Ces colons savent qu’ils peuvent agir en toute impunité »

- Les élections israéliennes ont reflété l’enracinement d’une extrême droite juive antidémocratique, raciste et décomplexée.

- Le gouvernement d'extrême droite en Israël, " une épreuve pour la démocratie "

- Israël : de retour au pouvoir, Netanyahou s’entoure d’alliés racistes et homophobes

- Israël. L’idée rance d’un homme fort pour la nation juive

Itamar Ben Gvir, condamné pour incitation à la haine et soutien à une organisation terroriste, devient officiellement ministre de la sécurité publique, aux côtés d’autres ministres xénophobes, racistes et homophobes

- Fruit d'un accord entre la droite et l'extrême-droite, Israël ne rejoindra finalement pas la Convention d'Istanbul sur les violences faites aux femmes.

- La Palestine assiégée : de la colonisation à l’apartheid

- Cisjordanie : Israël va légaliser neuf colonies

- Israël : la gauche atone en plein tournant illibéral

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7 août 2015 5 07 /08 /août /2015 08:45
Histoire antique de la Palestine : Les premiers habitants

Sources : site du HAVRE DE SAVOIR Extrait du livre : Palestine hier, aujourd’hui et demain, Dr.Tareq Suwaidan.

- Les premiers habitants

Personne ne sait avec exactitude quand eurent lieu les premiers peuplements en terre de Palestine, et il n’existe aucune preuve qui permette de dater l’évènement. Néanmoins, les premiers indices et traces archéologiques indiquent que les premiers à avoir habité la Palestine furent un ensemble de tribu connu sous le nom de « les Natoufiyyun » 2000 ans avant J.C. Ils ont laissé des vestiges qui témoignent de leur présence mais nul ne sait qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Néanmoins, leurs vestiges sont les premières traces indiquant la première implantation humaine sur la terre de la Palestine.

 

  • Les Cananéens

Les premières découvertes archéologiques mises à jour en Palestine remontent  aux cananéens et aux Amorites. Ces deux peuples étaient des tribus qui émigrèrent de l’Arabie vers le nord et s’installèrent en terre d’Ash-Sham (Syrie), et précisément en Palestine. Ceci a été formellement et clairement démontré dans l’histoire de la Palestine. Tous les historiens aussi bien orientaux qu’occidentaux s’accordent à ce sujet. Par conséquent, l’origine  des premiers habitants de la Palestine apparue dans les textes historiques remonte aux arabes cananéens et  Amorites. Quant aux juifs,  à cette époque, il n’en est fait aucune mention. Leur nom n’est évoqué que plusieurs siècles plus tard comme le démontrera par la suite cette série sur l’histoire chronologique de la Palestine.

 

  • Les Jébusites

Nombreuses furent les tribus arabes de la Péninsule Arabique qui émigrèrent vers le nord. Là-bas, elles se dispersèrent entre la Syrie et l’Irak (Mésopotamie). Une partie de ses tribus s’installèrent en Egypte. Parmi celles-ci, se trouvaient les cananéens qui peuplèrent les vallées de Palestine. D’autres, les Jébusites s’installèrent dans la région Al-Qods (Jérusalem), avant même son édification. D’autres peuples se séparèrent et peuplèrent les montagnes : il s’agissait des phéniciens et des Amorites. Ainsi, ces tribus se répartirent la terre de Palestine. Les livres d’histoire, s’appuyant sur les traces archéologiques, citent les noms de toutes ces tribus en fonction de leur situation géographique en Palestine.

 

 

- L'origine du mot Palestine

Baalist : L’origine du nom « Palestine » remonte à d’autres peuples venus d’iles méditerranéennes, et notamment de Crêtes.  Il semblerait que les peuples de ces îles, pour cause de famine ou d’un évènement particulier, aient été contraints d’attaquer les côtes du « sham » et d’Egypte. Ils furent contenus une première fois par Ramsès III  lors la célèbre bataille de « Luzin » qui se déroula en Egypte. Ramsès refusa leur installation en Egypte. Après négociation, ils émigrèrent en Palestine. Ramsès leur ordonna de s’établir au sud de la Palestine, dans une région appelée «Baalist ». Les livres d’histoire et les textes sacrés évoquent ce récit ainsi que le nom de « Baalist ». Les habitants de « Baalist » furent appelés les « balistiniy-yun », d’où le nome « Palestine » qui était appelé tout d’abord « Balestine » pour se transformer au fil du temps en « Palestine ». Cependant, ces peuples furent voisins  des cananéens et des jébusites qui sont les habitants autochtones de cette région. Puis, ils se mélangèrent à la population autochtone et s’assimilèrent à la majorité au niveau linguistique et culturel. Avec le temps, les « balestiniens » s’assimilèrent complètement au sein des cananéens et l’histoire ne fit plus mention d’eux.

 

D’après ce qui précède, il nous apparait d’une manière évidente que pendant cette époque, il n’a jamais été fait mention des juifs ou de leurs peuples. Où se trouvaient-ils à cette époque ? Comment arrivèrent-ils en terre de Palestine ? Toutes les traces archéologiques, tous les livres d’histoire ainsi que les textes sacrés prouvent d’une manière catégorique que les premiers habitants de la Palestine sont les « cananéens » et les « jébusites ».

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

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12 septembre 2014 5 12 /09 /septembre /2014 18:05

De nombreux Palestiniens considèrent le récent cessez-le-feu entre "Israël" et les Palestiniens comme une victoire de la résistance. Pour les observateurs extérieurs, cette réponse peut paraître assez déroutante.

Comment un peuple peut-il crier victoire quand 2.145 de ces concitoyens, dont une majorité de civils et le nombre sidérant de 578 enfants, ont perdu la vie sous les bombardements israéliens ?

Est-ce que cette idée de "victoire" servirait simplement le Hamas qui capitaliserait sur un cessez-le-feu qui lui convient très bien, afin d'augmenter sa popularité ?

Est-ce la réponse irrationnelle d'un peuple traumatisé par des années de siège et par certains des bombardements des zones civiles les plus intenses jamais vus dans l'histoire, à la fin de 50 jours d'enfer sur terre ?

Ou est-ce plus que cela ?

 

Source : The International Solidarity Movement   par Tariq Shadid     le 3 septembre 2014[1]

- "Gaza toujours debout regarde vers Jérusalem", par le peintre palestinien Imad Abu Ishyhiya

La victoire à la Pyrrhus de Gaza est une leçon pour l'occupant
Tout d'abord, nous devons comprendre qu'on ne peut pas juger l'humeur d'aujourd'hui à l’aune des seuls deux derniers mois, mais dans le contexte d'une longue histoire de lutte contre l'injustice et l'occupation. Ce n'est pas la première fois que Gaza est soumise à des atrocités de masse, ni la première fois dans l'histoire qu'"Israël" a impitoyablement lâché sa puissance militaire sur le peuple palestinien dans son ensemble.

Plus d'un million d'habitants de Gaza, sur environ 1,8 million, ne sont pas originaires de Gaza mais ont été violemment expulsés des autres parties de Palestine en 1948, l'année de la Nakba. Ceci veut dire que la majorité de la population est constituée de réfugiés et de leurs descendants qui ont emporté avec eux le fardeau du déplacement involontaire et de l'exil. Ce continuum d'injustice et de lutte joue un rôle important dans la façon dont les Palestiniens ont tendance à voir et à répondre à la tragédie et à la violence.

Depuis plus de 6 ans et demi, la population vit sous un siège imposé par Israël, encore aggravé par la fermeture de la frontière de Rafah par l'Egypte. En mars 2008, les frappes aériennes et les bombardements par "Israël" ont volé la vie à 110 Palestiniens, dont la moitié de civils, et ce massacre a été suivi en décembre de la même année par la tristement célèbre attaque israélienne massive sur Gaza de fin 2008/début 2009, qui a duré 22 jours, et a tué plus de 1400 Palestiniens.

Le blocus ininterrompu a exposé les Palestiniens de Gaza à la pauvreté, aux mauvaises conditions d'hygiène, aux pénuries de médicaments et de nourriture et à une paralysie de la vie ordinaire éprouvante à cause des longues périodes où voyager est impossible, des coupures d'électricité et des pénuries d'eau. Gaza a réussi à tenir en creusant un impressionnant réseaux de tunnels de contrebande vers l'Egypte, ce qui a permis de contourner certaines des restrictions imposées par le blocus. Malgré des tentatives égyptiennes répétées de désorganiser l'entrée de la contrebande par la destruction de centaines de tunnels, de nouveaux ont été creusés en permanence, ce qui est typique de la détermination presque légendaire des Palestiniens à survivre dans les pires conditions.

En plus de cette situation désespérée de siège et de privations continus, ce n'était qu'une question de temps avant un autre épisode de violence israélienne contre le territoire, et la plupart des habitants de Gaza en étaient parfaitement conscients.

Cependant, ce qui a surpris à la fois amis et ennemis, ce fut la capacité à contre-attaquer devant les envahisseurs sionistes affichée par le Hamas et les autres factions de guérilla de la résistance palestinienne. "Israël", qui s'attendait peut-être à une promenade de santé, a rencontré au contraire une résistance farouche, avec des stratégies défensives rusées et fermement résolue à repousser son invasion violente.

Alors qu'en Occident les médias et les hommes politiques ont tenu à se faire l'écho des porte-parole israéliens dans leurs descriptions et leurs reportages trompeurs sur les hostilités, les réseaux sociaux ont joué un jeu essentiel dans la transmission de la vérité aux masses à travers le monde. Bien qu'il ait arrosé avec d'importantes sommes d'argent des milliers d'étudiants sionistes pour contrer cette vague des réseaux sociaux, "Israël" n'a pu empêcher que l'amère vérité sur les meurtres génocidaires d'enfants perpétrés par ses forces parvienne aux foules, dans le monde entier. Le résultat fut le déploiement sans précédent, dans les rues des capitales du monde entier, d'énormes manifestations rassemblant des milliers de participants, dont la plus grande manifestation pro-Palestine jamais vue à Londres, avec plus de 150.000 manifestants dans les rues.

 

Londres, 9 août 2014

Londres, 9 août 2014

Les médias occidentaux majoritairement pro-israéliens ont bien tenté de minimiser cette puissante réponse populaire en limitant fortement la couverture des événements, mais encore une fois, les réseaux sociaux pro-palestiniens en masse, à travers le monde, ont réussi à faire échouer leurs ardentes et honteuses tentatives d'étouffer les informations. Finalement, il s'est avéré impossible pour les organisations des droits de l'homme de garder le silence, ne serait-ce que pour garder un peu de crédibilité aux yeux des foules de la communauté mondiale, ce qui a conduit a une ample condamnation des atrocités inimaginables perpétrées par les forces de l'entité sioniste contre la population civile palestinienne.


Il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet : "Israël", par son attaque sur Gaza pendant l'été 2014, a subi sa plus grande défaite de relations publiques de toute son histoire. Il s'est tenu, démasqué, devant le monde, dans tout son racisme, sa violence impitoyable contre des civils, son mépris désinvolte de la vie humaine non juive et son ciblage délibéré des femmes et des enfants comme premiers objectifs de son attaque sanguinaire. Ce fut la détermination des Palestiniens à tenir bon qui a gagné le cœur de la majorité de la communauté mondiale, en dépit des efforts massifs des grands médias affiliés au sionisme de dépeindre les Palestiniens comme des terroristes qui méritent d'être anéantis. Apparemment, les peuples du monde n'ont pu être trompés au point de croire que les petits enfants dont les corps déchiquetés gisaient dans les rues de Gaza étaient les forces terribles du terrorisme qu'"Israël" prétendait combattre et vaincre.

Bien sûr, les nouvelles du cessez-le-feu ont provoqué l'euphorie dans tout Gaza, où la population est descendue danser et applaudir dans les rues. Il ne faut pas beaucoup d'imagination pour réaliser ce que ressentent des gens après 50 jours de peur pour leurs vies, sachant qu'ils n'ont nulle part où se mettre à l'abri des missiles et mortiers meurtriers qui peuvent leur pleuvoir dessus à n'importe quel moment, y compris pendant leur sommeil. Pourtant, le sentiment généralisé de victoire qu'ont ressenti les Palestiniens, dans et hors de Gaza. n'a pas pu échapper aux observateurs.

Comme résumé ci-dessus, l'histoire de ce peuple résilient, les épreuves terribles et les carnages dont il a déjà été témoin au cours de son existence, la réponse puissante et solidaire des citoyens ordinaires du monde avec leurs souffrances, et le soulagement après 50 jours d'angoisse, de stress et de chagrin, tout a contribué à ce sentiment de victoire.

 

 

- Pourtant, il y a plus
Cette victoire palestinienne à la Pyrrhus a montré à l'occupant israélien que sa puissance militaire écrasante ne lui permet pas de choisir l'objectif qu'il veut atteindre et de considérer que c'est un acquis. Elle a montré à l'armée sioniste que la résistance palestinienne est devenue une force avec laquelle il faut compter, même en dépit du matériel militaire illimité qu'elle a sa disposition grâce à ses bienfaiteurs américains. Elle a montré aux forces qui s'allient à "Israël" qu'il n'est pas aussi facile qu'elles le pensaient de diaboliser les Palestiniens, et que la majorité de la population mondiale sait parfaitement qu'"Israël" n'est pas la victime mais l'agresseur, et un agresseur terriblement assoiffé de sang.

Avant l'opération "Bordure génocidaire", de nombreux citoyens dans le monde n'étaient pas conscients de la poussée idéologique du suprématisme ethnique israélien. Maintenant, ces mêmes personnes auparavant désorientées ont pris conscience du fait que toute cette violence découle d'une idéologie raciste connue sous le nom de sionisme, ils se sont aventurés à creuser dans son histoire pour la première fois de leur vie, et ils ont découvert des faits choquants.

Lorsque Abu Abayda, le porte-parole du Hamas, est intervenu pour s'adresser aux médias palestiniens et arabes par un discours sur le cessez-le-feu le 27 août, il a clairement dit que ce n'était pas un discours de victoire, car le véritable discours de victoire serait un jour prononcé depuis la mosquée Al-Aqsa. Certes nous en sommes peut-être loin, peut-être est-ce un rêve, mais cette remarque montre que la résistance n'est pas prête à revendiquer une véritable victoire tant que ses objectifs ultimes ne seront pas atteints. Ceci doit être clairement compris tant comme un message de ténacité que de pragmatisme réaliste.

Alors allez-y, émerveillez-vous sur les raisons pour lesquelles les Palestiniens répondent comme ils le font : ils sont plus réalistes que ce que vous seriez enclins à penser. Nous Palestiniens réalisons tous que cette victoire est au mieux une victoire à la Pyrrhus. Nous ne sommes pas aveugles devant les destructions de masse causées par la maléfique entité sioniste, comme semblent l'être les médias et les hommes politiques mondiaux. Pourtant, sous un siège étouffant mis en place par un ennemi affamé de terre, raciste et aveuglément violent, nous sommes bien conscients de nos options.

Notre réalisme, c'est que nous savons qu'il faudra beaucoup de ces victoires à la Pyrrhus avant que nous soyons en mesure de parvenir à la libération. Notre réalisme, c'est aussi que notre seule alternative actuelle aux victoires à la Pyrrhus, dans le cadre actuel, est la défaite. La défaite est un dénouement tout à fait inacceptable, et la reddition ne sera jamais une option à envisager. C'est du réalisme de ces faits bruts que la résistance est née, et notre volonté à résister, de génération en génération, ne connaît donc aucune limite.

 

A la Pyrrhus ou non, la Palestine a gagné cette victoire, et continuera jusqu'à ce qu'elle remporte celle avec un grand V.

 

Note :

[1] Article en anglais publié le 28 août 2014 Traduction : MR pour ISM

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

- Israël se l'avoue : fin de la récréation!!

- Des soldats du renseignement israélien dénoncent les « abus » contre les Palestiniens

- Entretien avec Dominique Vidal - Le point sur l’intervention israélienne dans la bande de Gaza

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 22:46
29&30 août..... nouveaux rendez vous de Mobilisation à La Rochelle avec SOS GAZA Palestine Solidarité

En ce 19 août ou nous commémorons l'insurrection parisienne pour se libérer du joug allemand, il ne saurait venir à l'idée de refuser le droit aux palestiniens de résister et de se battre contre l'occupation illégale et illégitime de la Palestine.
 


- Mais le prix à payer de la liberté est lourd pour les palestiniens et la solidarité internationale s'impose plus que jamais !

La seule centrale électrique de Gaza est détruite, conséquences : plus d'eau potable, plus d’assainissement, plus de réfrigération, plus d'hygiène, le choléra fait son apparition..... il faut que cela cesse !
  • solidarité pour venir en aide aux victimes les plus fragiles des frappes à l'aveugle de l'armée israélienne : les enfants.

Signez et faites signer la pétition pour que LA ROCHELLE soit solidaire des enfants martyrs de GAZA en leur faisant une place dans nos hôpitaux !

 

 

- Avec le Collectif La Rochelle Palestine Solidarité je vous appelle à poursuivre et amplifier la mobilisation :

- en se retrouvant tous les SAMEDI, Place de l'Hôtel de ville de La ROCHELLE à 17H00.

- en participant à la MOBILISATION RÉGIONALE : VENDREDI 29 et SAMEDI 30 Août à l'occasion de l'Université d'été du PS (dés 11h le vendredi 29 rendez vous gare de La Rochelle)

A cette occasion nous interpellerons les élus, les ministres présents afin :

  • qu'ils s'engagent et agissent afin que la France entre en action pour la reconnaissance des droits des palestiniens pour une paix juste et durable en Palestine ;
  • qu'ils prennent une initiative diplomatique et sanitaire urgente en direction des enfants de GAZA pour leur faire une place dans tous nos hôpitaux !

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 22:45
Pétition pour que LA ROCHELLE soit solidaire des enfants martyrs de GAZA : faisons leur une place dans nos hôpitaux !

- Intervention du Collectif La Rochelle Palestine Solidarité auprés de la direction de l'Hôpital de La Rochelle

Collectif La Rochelle Palestine Solidarité - 99, rue Nicolas Gargot - 17000 La Rochelle

à
Monsieur le Président du Conseil
d’Administration du Centre Hospitalier de La Rochelle,
Monsieur le Directeur du Centre Hospitalier,


La Rochelle le 24/07/2014
Monsieur le Président, Monsieur le Directeur

Les associations et organisations, membres du Collectif La Rochelle Palestine Solidarité, s’adressent à vous dans le contexte dramatique de la situation du peuple Palestinien à GAZA. Le bilan humain de trois semaines de combat est horrible : plus de 700 morts et plus de 3000 blessés, le bilan s’alourdissant chaque jour.


Les hôpitaux, parfois bombardés sont saturés, des blessés agonisent dans les couloirs, les blocs opératoires sont saturés, les médicaments font défaut.


Nous souhaiterions que l’hôpital de La Rochelle accueillît quelques blessés Palestiniens, dans un geste humanitaire qui honorerait notre agglomération et son centre hospitalier.


C'est au travers d’une démarche auprès de Médecins Sans Frontière ou de représentants de la Croix Rouge que pourrait se dérouler cette opération. Nous sommes prêts à apporter tout notre concours à sa réalisation.


Persuadés que nous pouvons compter sur l’humanisme de votre Administration, nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Monsieur le Directeur, l’expression de notre entière considération.


Collectif Rochelais Palestine Solidarité


Collectif La Rochelle Palestine Solidarité est composé : MOUVEMENT DE LA PAIX, CNID, AFPS, AFASA, AFP, CUBA SI 17, FAL 17, ATTAC 17, CCFD, CIMADE, LDH, CGT, PG, PCF, ENSEMBLE, NPA, EELV… ainsi que de nombreux citoyens n’appartenant pas à une association, ni à un parti politique.

 

 

- La pétition de soutien à l'initiative

Plus d'un mois de bombardements aveugles sur GAZA, plus de 2000 morts et des milliers de blessés qui sont majoritairement des femmes et des enfants.

Du fait du blocus, les médicaments n'entrent plus à GAZA, les hôpitaux manquent de tout et sont directement sous le feu des bombes et obus.

 

La Rochelle belle et rebelle a toujours été solidaire.

Nous, soussignés, en appelons au directeur du centre hospitalier rochelais, au président du conseil de surveillance pour qu'ils prennent les dispositions nécessaires à l’accueil d'enfants de GAZA, leur prodiguer les soins afin qu'ils survivent dans les meilleures conditions possibles à la barbarie des hommes.

 

Pour signer la pétition, c'est....  ICI

 

 

- Soigner les enfants.... oui, mais d'abord les écacuer de Gaza !

Pétition pour que LA ROCHELLE soit solidaire des enfants martyrs de GAZA : faisons leur une place dans nos hôpitaux !

L'association la Voix de l'Enfant est à l'initiative d'une pétition pour l'ouverture d'un corridor humanitaire afin d'évacuer les enfants de la Bande de Gaza...... SOUTENONS LA !

 

Plus de 400 enfants palestiniens ont été tués sous les bombardements et, de jour en jour, ce nombre ne cesse d’augmenter.

 

Afin d'évacuer les enfants de cet enfer, la Voix De l’Enfant, Fédération de 80 associations, ayant pour but « l’écoute et la défense de tout enfant en détresse, quel qu’il soit où qu’il soit » appelle chacune et chacun à se mobiliser et à signer cette pétition pour obtenir du Président de la République, Monsieur François Hollande, ainsi que de l’ensemble des responsables de l’Union Européenne et des Nations-Unies, l’application du droit d’ingérence humanitaire permettant d’ouvrir un corridor humanitaire pour les enfants et les mamans gazaouïs.

 

Un couloir humanitaire sécurisé par une force militaire internationale est devenu, face à l’ampleur des massacres, la seule solution possible dans la région. Il permettrait de secourir et d’évacuer les nombreux enfants blessés ou non de la Bande de Gaza mais aussi d’acheminer médicaments et aliments de premières nécessités.

 

 

Pour signer la pétition, c'est....  ICI

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

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15 août 2014 5 15 /08 /août /2014 09:30
L'historien israélien Zeev Sternhell « ne voit pas la fin » de la guerre à Gaza sans accord global

 

Né en Pologne en 1935, Zeev Sternhell a vécu enfant les horreurs de la seconde guerre mondiale, qui l'ont conduit à se réfugier en France. Après-guerre, il a choisi de prendre la nationalité israélienne. Devenu historien, il s'est spécialisé dans l'histoire du fascisme et la montée du nationalisme en France. Considéré comme la « conscience de la gauche d'Israël », il pose un regard désabusé sur la situation politique de son pays. Pour Zeev Sternhell, la guerre en cours à Gaza n'est qu'une conséquence logique de l'échec des accords d'Oslo.

 

Sources :  M Proche-Orient  - propos recueillis par Hélène Sallon Le Monde.fr le 08.08.2014

- LeMonde.fr : Quel est votre sentiment sur le conflit qui oppose actuellement Israël aux factions armées palestiniennes dans la bande de Gaza ?

Zeev Sternhell : Si les choses s'étaient passées normalement, Gaza aurait dû être évacuée au moment des accords d'Oslo[2] en 1993 et devenir une partie intégrale du futur Etat palestinien. C'est ce qui se serait passé si les accords d'Oslo avaient été mis en œuvre tels qu'ils avaient été pensés par Itzhak Rabin [assassiné le 4 novembre 1995 par l'extrémiste de droite Yigal Amir] et Shimon Pérès – bien que ce dernier soit un opportuniste qui, pour des raisons obscures, est considéré comme un grand homme. Si ces accords avaient été appliqués, les colonies juives de Gaza, entre 6 000 et 8 000 âmes à l'époque, auraient été évacuées. Cela aurait été un formidable signal pour mettre fin à la colonisation.

 

Tout se serait passé différemment car l'évacuation aurait eu lieu dans le cadre d'un accord entre l'Organisation de libération de la Palestine (OLP, de Yasser Arafat) et Israël. Et non pas unilatéralement, comme l'a fait le premier ministre Ariel Sharon en 2005. Le but de son directeur de cabinet de l'époque, Dov Weissglass, était de mettre fin à toute discussion entre Israéliens et Palestiniens : on quitte Gaza parce que c'est une épine dans le pied et qu'il faut une division entière de l'armée pour protéger les colons.

 

C'est dans ce contexte que le Hamas s'empare de la bande de Gaza par un coup de force en 2007[3]. Ce mouvement, qui ne reconnaît pas Israël, en fait la base de son projet de reconquête palestinienne. A ses yeux, le Fatah et son chef, Yasser Arafat, sont des traîtres pour avoir signé les accords d'Oslo. Depuis ce moment-là, le Hamas est en guerre contre Israël. Celle qui a cours actuellement est désastreuse à tous les égards et on n'en voit pas la fin.

 

 

- LeMonde.fr : Que faut-il faire ?

Zeev Sternhell : Il faut profiter de l'énorme fossé entre nos moyens et ceux du Hamas, qui restent des moyens primitifs par rapport à notre armée hypermoderne et superpuissante, pour lancer l'idée d'un accord global. Pas quelque chose qui nous oblige dans six mois ou deux-trois ans à revenir à Gaza. Mais c'est précisément ce que notre gouvernement, qui est le plus à droite qui ait existé en Israël, ne veut pas. La droite israélienne ferait passer Mme Le Pen et le Front national pour une bande de gauchistes à côté d'elle.

 

Le gouvernement Nétanyahou n'a pas voulu négocier avec Abou Mazen [le président palestinien, Mahmoud Abbas], alors que, Dieu nous est témoin, lui voulait négocier. Nous avons grandement contribué à l'échec des négociations menées par le secrétaire d'Etat américain John Kerry, entre novembre et avril 2014, et nous retrouvons finalement face à un gouvernement de réconciliation palestinien. Et que fait le premier ministre Benyamin Nétanyahou ? Au lieu de saisir cette occasion, il explique que ce gouvernement palestinien est un nouveau danger et qu'Abou Mazen ne veut rien entendre.

 

Puis est arrivé le kidnapping de trois jeunes israéliens. Il a été vite clair que le Hamas n'était pas responsable et qu'une de ses cellules locales a agi de son propre chef. Mais pour Nétanyahou, c'était l'occasion d'incriminer le Hamas, de lancer une opération pour intimider Mahmoud Abbas et la population palestinienne et de montrer ses muscles. Il a fait ratisser la Cisjordanie et arrêter les militants du Hamas libérés en échange de Gilad Shalit. Tout cela au prétexte de retrouver les trois adolescents enlevés alors que, dès le lendemain, la police savait qu'ils n'étaient plus en vie.

 

De son côté, le Hamas a commencé à tirer des roquettes et ça a été l'escalade vers un conflit dont personne ne voulait. Ce qui se passe est un désastre à tous égards. Il est vrai que le Hamas utilise des écoles, des hôpitaux, des mosquées pour entreposer et lancer ses roquettes. Mais nous répondons par des bombardements qui ne peuvent que toucher la population civile, même si ce n'en est pas l'intention.

 

Maintenant que le premier ministre Nétanyahou s'est empêtré dans une situation dont il ne sait pas comment sortir, il avance l'idée de démilitarisation [de la bande de Gaza]. Lever le blocus sur la bande de Gaza est une mesure décente et politiquement payante, car cela montrerait à la population de Gaza, qui n'est pas toute gagnée au Hamas, qu'il est payant d'abandonner le terrorisme. Je pense que Nétanyahou pourrait accepter une mesure pareille car cela assurerait sa survie politique jusqu'aux prochaines élections. Il est en mauvaise posture.

 

 

- LeMonde.fr : Que veut Benyamin Nétanyahou ?

Zeev Sternhell : Nétanyahou veut éviter la création d'un Etat palestinien viable[4]. C'est son objectif historique et il le fait de différentes façons. Il refuse de négocier avec Abou Mazen et l'Autorité palestinienne. C'est dans ce cadre que s'inscrit sa demande que les Palestiniens reconnaissent Israël comme Etat juif. En quoi est-ce leur problème ? C'est une exigence que nous n'avons jamais présenté par le passé. On dit bien Etat d'Israël ou Israël. Il n'a jamais été question d'Etat juif. Cela revient à obliger les Palestiniens à reconnaître que les juifs sont propriétaires de cette terre qui leur appartient par l'histoire et à reconnaître leur défaite historique en 1948. Si l'Etat est juif, il n'est donc pas arabe.

 

Certains, comme le président Reuven Rivlin, pensent qu'on pourrait un jour annexer la Cisjordanie et donner la citoyenneté israélienne à tous les habitants juifs et arabes dans un même Etat. Ils sont très peu nombreux. Mais pour la droite dure, l'annexion n'implique pas l'octroi de la citoyenneté à tous du Jourdain à la mer. Cela revient à un Etat d'apartheid.

 

  • Nétanyahou, lui, veut empêcher la création d'un Etat palestinien, sans créer un apartheid mais en gérant une situation coloniale qui ne dit pas son nom. Du fait de son idéologie et du jeu politique interne, il ne peut pas accepter l'idée de deux Etats vivant sur une base égalitaire. Il ne peut pas accepter que les droits de l'homme soient des droits universels qui s'appliquent aux autres. Pour lui et les siens, les droits historiques sont supérieurs aux droits naturels. Même le centre de l'échiquier politique n'est pas vraiment acquis à cette idée.

 

 

- LeMonde.fr : Pensez-vous que la solution des deux Etats n'est plus envisageable dans le contexte actuel ?

Zeev Sternhell : J'ai peur de dire que c'est fichu et que par la force des choses, on va en arriver à un Etat binational. Comment faire pour que ce ne soit ni un Etat d'apartheid, ni une guerre civile permanente ? C'est pour ça que je m'accroche toujours à la solution des deux Etats. La véritable forme de coexistence, ce sont deux Etats voisins, avec une union économique et douanière, et une coopération sur les dossiers importants.

 

La question est de savoir si nous, Israéliens et Palestiniens, acceptons l'état de fait créé en 1948-1949, et les frontières de 1949 ? Et est-ce que les Palestiniens sont prêts à abandonner tout espoir d'un retour en Israël, car cette revendication signifie la destruction de l'Etat d'Israël ? Après, il ne reste que des problèmes solvables et non existentiels.

 

 

- LeMonde.fr : Observez-vous une droitisation de l'opinion publique israélienne ?

Zeev Sternhell : Au début de la première guerre mondiale, en France et en Allemagne, 95 % de la population était favorable à la guerre. En situation de guerre, les opinions sont patriotiques et soutiennent leur gouvernement. En Israël aussi.

 

Le phénomène de droitisation remonte toutefois à plusieurs dizaines d'années, depuis 1967 exactement. Le nationalisme exacerbé est le fruit de la colonisation, qui pourrit notre société. Les jeunes hommes qui font la guerre à Gaza sont nés après Oslo. Toute leur expérience en tant que soldat est celle d'une armée dont le but est de contrôler la population des territoires occupés et de favoriser la colonisation juive en Cisjordanie. Quand je compare avec ma génération, c'est terrible.

 

La droitisation se traduit aussi par une perte de respect pour la vie humaine. Même les pertes israéliennes ont été moins durement ressenties au cours de cette guerre.

 

 

- LeMonde.fr : On dit souvent que le camp de la paix a disparu en Israël.

Zeev Sternhell : Les gens sont là, mais ne sont pas organisés. Ils sont démoralisés et ont le sentiment de ne servir à rien, de ne pas avoir de véritable influence. C'est la raison pour laquelle les manifestations n'attirent pas plus de quelques milliers de personnes, alors qu'en 1982, après le choc de Sabra et Chatila au Liban, il y avait eu des centaines de milliers de manifestants.

 

 

- LeMonde.fr : N'y a-t-il pas au sein de la classe politique israélienne une personnalité ou un courant qui puisse apporter une solution politique ?

Zeev Sternhell : Personne aujourd'hui n'a la solution et c'est un drame. Nous n'avons pas d'élite politique, pas de leadership. La politique n'attire pas les gens bien. C'est dû en partie au système politique, en partie au fait que les gens qui se présentent aux primaires dépendent des apparatchiks du parti et que le monde offre tellement de possibilités pour les talents de s'exprimer différemment… La politique est une « via dolorosa », qui n'en finit pas. Lors de la création de l'Etat d'Israël, beaucoup de gens bien allaient vers la politique car c'était un cadre où l'on pouvait réussir et avancer...

 

Notes :

[1] Lire son portrait (en édition abonnés) : Zeev Sternhell, une passion française

[2] Lire notre sélection d'archives (en édition abonnés) : 13 septembre 1993 : Accords d'Oslo

[3] Elections législatives 2006 : Le Hamas obtient la majorité absolue]

[4] Lire l'analyse : Benyamin Nétanyahou à nouveau dans le piège de Gaza

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

- Israël a-t-il perdu la guerre ? Entretien avec l’historien israélien Shlomo Sand

- Gaza : sans levée du blocus, les espoirs de paix sont faibles, par James Rawley, coordinateur des opérations humanitaires de l'ONU dans la bande de Gaza

- La Paix, c'est la levée du blocus et la fin de l'occupation israélienne, et basta !

- Dossier : Oslo, 20 ans après

Alors que la trêve fragile est prolongée, les négociations piétinent, notamment à cause de la question du blocus, Zeev Sternhell[1] présente sa vision de la situation et des solutions à mettre en œuvre.

Excellent article qui permet un éclairage différent et ouvre des perspectives et ce malgré un titre des plus pessimistes et oublie le rapport de force international qui peut évoluer positivement et faire bouger les lignes !

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