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9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 14:06
La gauche actualise sa stratégie à l’aune du livre de Cagé et Piketty

La France insoumise peaufine la stratégie du « 4e bloc »[3]

 

 

Les conclusions de l’essai de Julia Cagé et Thomas Piketty sur l’importance du critère de classe dans le vote et le retard du « bloc social-écologique » dans les classes populaires rurales alimentent les réflexions et les controverses d’une gauche en recherche d’une stratégie victorieuse.

 

 

Source : Médiapart extrait | mis à jour le 14/12/2023

- Le 20 septembre, Jean-Luc Mélenchon ne boudait pas son plaisir d’accueillir Julia Cagé et Thomas Piketty dans un amphithéâtre rempli au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à Paris, pour une conférence de l’Institut La Boétie (ILB), qu’il copréside.

« Vous êtes ici, en quelque sorte, chez vous », a-t-il lancé aux coauteurs de l’essai de la rentrée, " Une histoire du conflit politique (Seuil) ", précisant que s’il n’y a pas de compagnonnage politique entre eux et La France insoumise (LFI), au moins y a-t-il une parenté de pensée : « Les Insoumis et les Insoumises pensent que l’analyse électorale est un enjeu idéologique. »

 

Dans leur somme de 851 pages, les deux économistes décortiquent les résultats de 12 élections présidentielles et 41 élections législatives, de 1789 à 2022, dans les 36 000 communes de France. Un travail qui ne pouvait donc qu’intéresser les Insoumis. Par la quantité de données analysées, révélant les failles et les marges de progression de chaque bloc politique, les deux économistes se sont de fait quasiment convertis en oracles de la gauche. Leurs conclusions – sur le caractère plus déterminant que jamais de la classe sociale dans le vote, la marge de progression du bloc social-écologique dans les classes populaires rurales et le potentiel retour d’une bipolarisation gauche/droite – ont de quoi rendre le camp mélenchoniste optimiste.

 

 

- Mais des nuances sur la stratégie électorale qui découle des enseignements du livre se dessinent.

L’insistance des auteurs sur les écarts de vote entre mondes rural et urbain et l’idée que « la gauche n’a pas de proposition très construite pour attirer les classes populaires rurales » confortent l’analyse formulée par François Ruffin après les élections législatives de 2022. Celui-ci avait identifié les campagnes populaires, la France des bourgs et des villages, comme le point faible de LFI, sur lequel le mouvement devait travailler en priorité – même s’il a déjà progressé en 2022 par rapport à 2017, en remportant des législatives dans la Creuse, l’Ille-et-Vilaine ou encore la Haute-Vienne. Lors d’un débat avec Clémentine Autain à la Fête de l’Humanité le 16 septembre, le député de la Somme a fait référence à cette source de légitimation scientifique, estimant que désormais, pour lui, le chemin était « clair ».

 

 

- La France insoumise peaufine la stratégie du « 4e bloc »
« Non seulement le livre de Julia Cagé et Thomas Piketty offre un élan d’optimisme sur une victoire de la gauche, mais il permet d’objectiver quelque chose qui se dessinait après les législatives de 2022, que François avait posé dans le débat public, à savoir les enjeux géographiques du travail qu’il nous reste à faire », abonde Clémentine Autain, interrogée par Mediapart. Pour la députée de Seine-Saint-Denis, « la question des services publics est une partie de la réponse pour atteindre l’objectif d’unifier les classes populaires rurales et urbaines : il galvanise notre propre public, et peut contribuer à l’élargir ».

 

🔴 Ce n’est pas tout à fait la lecture que fait Jean-Luc Mélenchon, pour qui la clef d’une prochaine victoire de la gauche réside dans la mobilisation du « 4e bloc », c’est-à-dire les 26 millions d’abstentionnistes du second tour des législatives de 2022. Il vise en particulier les jeunes de 18 à 24 ans, qui ont voté pour lui à 38 % au premier tour de la présidentielle, mais se sont abstenus à 66 %, et les quartiers populaires.

 

🔴 « Bien sûr, il faut aller chercher les milieux ruraux déclassés : qui va dire le contraire ? Mais le gros de la troupe qui va nous faire gagner, ce sont les quartiers populaires, où on vote pour nous à 80 % au premier tour mais où 30 % seulement vont voter. […] La priorité, c’est de les convaincre eux, et pour ça, il faut parler clair, cru, dru, et dur », a-t-il lancé à ses convives le 20 septembre. Il se distingue ainsi des observations faites par François Ruffin cet été, estimant que « poser la radicalité n’est plus utile ». Le livre de Cagé et Piketty a donc rapidement alimenté des controverses préexistantes, chacun ayant tendance à y voir une confirmation de sa propre thèse.

 

 

- Nous pouvons l’emporter en parvenant à mobiliser davantage les catégories populaires. Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise

Interrogé par Mediapart, Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui a dialogué avec Julia Cagé et Thomas Piketty, estime ainsi que leur travail légitime la stratégie insoumise de conquête des abstentionnistes. Les deux universitaires montrent que pendant une longue période, notamment les années 1960-1970, « les communes pauvres votaient plus que les communes riches », en particulier dans les banlieues populaires, du fait du travail de mobilisation du Parti communiste français (PCF). Il y aurait donc une réserve de voix à récupérer.

  • « L’analyse sur le temps long démontre que la plus faible participation électorale des classes populaires n’est pas une fatalité ; les classes populaires participaient autant, voire à certaines périodes davantage que les classes dominantes. Nous avons donc raison quand nous disons que nous pouvons l’emporter en parvenant à mobiliser davantage les catégories populaires », analyse Manuel Bompard.
  • « C’était une époque où les catégories populaires s’imaginaient conquérir l’appareil d’État. Aujourd’hui, elles ont tellement été trahies par ceux qui l’ont conquis en leur nom, qu’on se retrouve avec la situation présente », abonde le député insoumis Hadrien Clouet, élu dans la Haute-Garonne avec un taux de participation en nette hausse par rapport à 2017 (+ 7 points), ce qui en fait un cas à part.
  • À ses yeux, pour que LFI passe du stade de « pôle de résistance » à une force alternative majoritaire, il faut s’appuyer sur un travail militant acharné auprès des classes populaires. Il rapporte ainsi avoir fait « une campagne massive pour l’accès aux droits dans les banlieues populaires » : « Les gens m’ont tous vu trois fois sur le seuil de leur porte, pour leur dire des choses socialement utiles, alors que l’État se retire de partout. » Une pratique plus difficile dans les campagnes pavillonnaires, où « on subit la disparition des lieux de sociabilité », rapporte-t-il.

 

🔴 À la conférence de l’ILB, la sociologue Marion Carrel abondait dans ce sens, affirmant, d’une part, quil serait « dramatique » de « laisser tomber les abstentionnistes au motif que stratégiquement ils sont trop loin du vote » et, d’autre part, que « les conditions sociales et politiques d’une remobilisation existent ».

 

🔴 « L’expérience des discriminations, en particulier territoriales, raciales et religieuses, suscite une politisation ordinaire qui a du mal à être captée par les organisations politiques et associatives. Cette politisation ordinaire peut amener à un retour possible au vote, à condition d’un travail militant de longue haleine, qui s’appuie sur des leaders de quartier, et que les formats d’engagement soient participatifs, portés sur l’action », a-t-elle décrit.

 

 

- Unifier les classes populaires : un objectif partagé
Sur le plan programmatique, alors que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), basée sur le programme de LFI[2], est traversée de tensions du fait de la volonté de ses partenaires de rééquilibrer l’alliance vers le centre pour « rassurer » un électorat de gauche modéré, le travail de Cagé et Piketty leur donne tort aux yeux des Insoumis :

 

🔴 « Les classes populaires participent davantage lorsque la gauche est organisée autour d’un pôle de rupture avec le capitalisme (PCF historique ; PS des années 1970 et du Programme commun), ce qui valide notre positionnement programmatique. Et j’ajoute que l’on voit s’esquisser une hausse de la participation populaire entre 2017 et 2022, à laquelle nous ne sommes sans doute pas étrangers », argumente Manuel Bompard.

 

Au-delà des rangs insoumis, le livre incite les partis à des convergences politiques : une audition de Cagé et Piketty est d’ailleurs prévue à l’Assemblée nationale le 4 octobre par des député·es de la Nupes. Pour Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (PS), l’un des apports du livre est d’affirmer « que le sentiment de désaffection des classes populaires n’est pas d’abord lié à une panique morale et identitaire mais à un sentiment de relégation économique et sociale en dehors des métropoles. Les solutions, c’est de ramener de l’emploi et des services publics dans les zones périurbaines ».


Cet enseignement permet de mettre à distance l’idée d’« insécurité culturelle » un temps popularisée par le Printemps républicain avec l’essayiste Christophe Guilluy, qui avait fait dériver le PS vers des thématiques identitaires – une pente que semble prendre aujourd’hui le PCF de Fabien Roussel lorsqu’il flatte un chauvinisme supposé de la France des villages.

 

Pour les écologistes aussi, le livre donne matière à penser. Le diagnostic à leur égard y est plus déprimant. Cagé et Piketty décrivent un profil de vote écologiste atypique à gauche, très urbain et où « plus les communes sont riches, plus elles votent pour l’écologie politique, sauf au sommet de la distribution des revenus ». Ils concluent : « Pour de nombreux électeurs issus des catégories populaires ou des territoires défavorisés, le vote écologiste est souvent associé à un discours certes respectable et même indispensable sur le plan des objectifs, mais qui en pratique tend à négliger la question des inégalités sociales et risque de se retourner contre les plus modestes, qui ne semblent pas toujours figurer parmi les priorités de ce courant politique, généralement considéré comme plus proche des classes urbaines relativement favorisées. »

 

🔴 Pour avoir la majorité aux législatives, il faut gagner dans plus de 289 circonscriptions, donc il faut aussi gagner dans des endroits où on est plus fragiles.

 

 

- Dialogues avec Cagé et Piketty : Géographie des votes de gauche et stratégie de conquête électorale

L’Institut La Boétie a pour vocation d’organiser, pour le camp de l’émancipation, le dialogue, l’interface entre monde politique et monde universitaire. C’est pourquoi il a organisé, le 20 septembre 2023, une soirée d’échanges autour de cet ouvrage " Une histoire du conflit politique : Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022 " 

 

 

- Ce livre est " Une histoire du conflit politique : Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022 "

  • Qui vote pour qui et pourquoi ?
  • Comment la structure sociale des élec­torats des différents courants politiques en France a-t-elle évolué de 1789 à 2022 ?

En s’appuyant sur un travail inédit de numérisation des données électorales et socio-économiques des 36 000 communes de France couvrant plus de deux siècles, cet ouvrage propose une his­toire du vote et des inégalités à partir du laboratoire français.

 

 

- Au-delà de son intérêt historique, ce livre apporte un regard neuf sur les crises du présent et leur possible dénouement.

La tripartition de la vie politique issue des élections de 2022, avec d’une part un bloc central regroupant un électorat socialement beaucoup plus favorisé que la moyenne – et réunissant d’après les sources ici rassemblées le vote le plus bourgeois de toute l’histoire de France –, et de l’autre des classes populaires urbaines et rurales divisées entre les deux autres blocs[1], ne peut être correctement analysée qu’en prenant le recul historique nécessaire. En particulier, ce n’est qu’en remontant à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, à une époque où l’on observait des formes similaires de tripartition avant que la bipolarisation ne l’emporte pendant la majeure partie du siècle dernier, que l’on peut comprendre les tensions à l’œuvre aujourd’hui. La tripartition a toujours été instable alors que c’est la bipartition qui a permis le progrès économique et social. Comparer de façon minutieuse les différentes configurations permet de mieux envisager plusieurs trajectoires d’évolutions possibles pour les décennies à venir.

 

Une entreprise d’une ambition unique qui ouvre des perspectives nouvelles pour sortir de la crise actuelle. Toutes les données collectées au niveau des quelques 36 000 com­munes de France sont disponibles en ligne en accès libre sur le site unehistoireduconflitpolitique.fr, qui comprend des centaines de cartes, graphiques et tableaux interactifs auxquels le lecteur pourra se reporter afin d’approfondir ses propres analyses et hypothèses.

 

-  Par :

  • Julia Cagé professeure à Sciences Po Paris et lauréate du Prix du meilleur jeune économiste (2023)
  • Thomas Piketty directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris.

Éditions : Les Editions SEUIL

Date de parution : 8 septembre 2023

Pages : 864

Disponibilité : ICI

Format : 15,6 cm x 21,9 cm

Prix papier TTC : 27 €

 

Notes :

[1Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire par Jean-Luc Mélenchon

[2] Programme partagé de gouvernement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale

[3] Manuel Bompard ; Cagé, Piketty : à la conquête du 4ème bloc ?

 

Pour en savoir plus :

- LES OBSTACLES À « LA RECONQUÊTE DU VOTE POPULAIRE RURAL » : DISCUSSION SUR L’OUVRAGE DE CAGÉ ET PIKETTY

- L’appel de ces députés NUPES pour l’union populaire : « Il faut continuer le combat pour le programme de rupture signé par chacun en 2022 »

 

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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