Le film de montage d'Aymeric Caron, député France insoumise, diffusé à l'Assemblée nationale le 29 mai dernier (avant la dissolution)
« Ce film est écrasant, effroyable… Voilà ce qu’est vraiment la supposée “ guerre contre le Hamas ”.
Cette réalité terrible doit être montrée crûment. Il est bon que ce film puisse être vu.
On aimerait qu’il soit vu en Israël. » Rony Brauman (Médecin, essayiste, ex-président de Médecins Sans Frontières)
Le film vu par les Mutins de Pangée Attention, si vous décidez d’appuyer sur le bouton de lecture, vous ne sortirez pas indemne de ce visionnage. Personne n’a envie de voir des images aussi effroyables, mais elles témoignent de ce qui se passe à Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023.
🔴Un cauchemar « C’est un rêve ou une réalité ? » demande une petite fille abasourdie par ses blessures. C’est un cauchemar, sans aucun doute, et rien ne peut le justifier, ni les crimes du 7 octobre ni la détention des otages israéliens par le Hamas. Condamner tous les crimes du 7 octobre, d’avant et d’après, condamner l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, c’est le sens commun. Il semble cependant qu’il faille le préciser. Toute personne normalement constituée souhaite que les otages survivants puissent un jour retrouver leurs familles et que s’arrête immédiatement le massacre à Gaza. Mais aller jusqu’au bout de la démarche, c’est voir les choses en face, voir ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre, ce que fait l’armée israélienne, ce que ne montrent pas les chaînes de télévision.
🔴Des journalistes documentent Reporters Sans Frontières a dénoncé la mort d’une centaine de journalistes, tués à Gaza par l’armée israélienne entre le 7 octobre 2023 et début juin 2024, souvent délibérément ciblés, comme l’ont été des soignants et du personnel humanitaire, parmi les dizaines de milliers de gens bombardés ou visés par des snipers, mutilés, déplacés, affamés, harcelés, torturés, des familles entièrement décimées (dont au moins 40 % sont des enfants), dans leurs habitations, dans la rue, dans des écoles, dans des hôpitaux, dans des ambulances, dans des camps de réfugiés… Le bilan s’alourdit en permanence, il est mis à jour par les ONG. L’Unicef alertait dès le début : « La bande de Gaza est aujourd’hui l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. » (voir site de l'Unicef[1])
Ce film de montage a été réalisé par le journaliste et député Aymeric Caron avec l’aide d’une équipe, qui a identifié, trié et daté ces images, contacté des journalistes sur place. Sans autres commentaires que les titres et légendes qui datent et donnent les sources des images envoyées depuis Gaza comme des bouteilles à la mer par des filmeurs et des filmeuses, journalistes qui continuent à travailler dans des conditions terribles alors qu’aucun de leurs collègues étrangers n’est autorisé à entrer dans cette zone de crime de 360 km2. Leurs images se percutent avec des prises de paroles israéliennes, officielles et dissidentes, ainsi que des vidéos postées sur les réseaux par des soldats israéliens.
Le film contient beaucoup d’images du journaliste palestinien Motaz Azaiza, aujourd’hui en exil, et qui vient de recevoir le prix Liberté à Caen, décerné par la région Normandie avec l’Institut international des droits de l’homme et de la paix (Le Monde, 17 juin 2024[2])
🔴Une première séance à l’Assemblée nationale Le député Aymeric Caron a d’abord organisé une séance à l’Assemblée nationale pour ses collègues de tous les groupes parlementaires, le 29 mai dernier[3]. Seulement 17 députés ont assisté à cette projection, quelques journalistes étaient présents. Aymeric Caron a alors précisé qu’il souhaitait mettre son film « à disposition de tous ceux qui veulent le voir ». Nous l’avons aussitôt contacté pour en parler. Nous nous sommes bien sûr demandé s’il fallait vous montrer ces images sur CinéMutins. Après réflexions, discussions, consultations, nous avons voulu vous laisser la libre décision de visionner ce film (ou pas), en libre accès, après vous avoir averti de la nature de ces images, le réalisateur ayant ajouté un carton au début du film.
🔴Un film qu’on voudrait voir s’arrêter Préalablement, il a fallu donc visionner le film et nous l’avons jugé terrible, insoutenable… mais nécessaire. Car, au-delà de tous les discours et de « la guerre des mots » qui montrent le visage assez délirant de l’environnement politico-médiatique dans lequel on baigne en France, ces images documentent les crimes de guerre perpétrés, dans une démocratie, par l’autoproclamée « armée la plus morale du monde ». Des crimes commis avec des armes fournies en grande partie par les États-Unis et l’Union européenne, l’Allemagne surtout et même la France comme l’ont révélé Disclose et Marsactu en mars 2024 (en savoir plus[4]).
Dès les premières minutes de visionnage, on voudrait que le film s’arrête, que ça cesse immédiatement… que cessent les crimes, que cesse le feu, que tout ça n’ait jamais existé.
🔴Qui peut encore nier ou justifier ces crimes après avoir vu ces images ?
Nous ne trouvons pas les mots à opposer à la mauvaise foi où le poids d’une photo ne pèse plus bien lourd au milieu de la masse d’images qu’il faut digérer chaque jour, où les réalités sont niées avec aplomb, voire même, carrément justifiées ouvertement avec mépris, insultes et menaces, par des criminels de guerre et leurs complices, qui osent salir les morts qu’ils engendrent, mais aussi la mémoire des victimes de l’antisémitisme dans l’histoire, en usant de cette grave accusation à tous propos dans le but de faire taire toute contestation. Ces images témoignent pour que ça cesse, avant tout.Face à ceux qui continuent à soutenir ces crimes, face aux discours de haine, de vengeance et de déshumanisation, plutôt que de se laisser entrainer dans une forme de surenchère verbale, nous préférons opposer ce miroir sans tain. Bon courage.
Faut-il traiter d’antisémites et condamner ces huit rescapés des camps d’extermination pour leurs comparaisons entre les politiques sionistes et celles des Nazis ? Chris Knight, anthropologiste et militant britannique pose la question, en publiant les citations ci-dessous.
Marika Sherwood, survivante du ghetto de Budapest.
« (...) Peu de temps après (en 1956), j’ai appris que les Israéliens rassemblaient les Palestiniens dans des camps de concentration. Je ne pouvais pas y croire. Les Israéliens n’étaient-ils pas des Juifs ? Ne venions-nous/ne venaient-ils pas de survivre au plus grand pogrom de notre histoire ? Les camps de concentration – souvent appelés par euphémisme, « colonies de peuplement » - n’étaient-ils pas la principale caractéristique de ce pogrom ? Comment ces Juifs israéliens pouvaient-ils opprimer d’autres gens ? Dans mon imagination de romantique, les Juifs d’Israël étaient des socialistes, des gens qui discernaient le bien du mal. C’était manifestement inacceptable. J’avais l’impression qu’on m’avait laissé tomber, comme si on m’avait volé une partie de ce que je pensais être mon héritage. …
Il me faut dire au gouvernement israélien qui prétend parler au nom de tous les Juifs, qu’il ne parle pas en mon nom. Je ne garderai pas le silence face à la tentative d’annihilation des Palestiniens, la vente d’armes aux régimes répressifs partout dans le monde et la tentative d’étouffer la critique d’Israël dans les médias au niveau mondial, quand on voit ce gouvernement remuer le couteau dans la plaie - traduisons ‘ culpabilité ’ - afin d’obtenir des concessions économiques de la part des pays occidentaux. Naturellement, la position géopolitique d’Israël a une incidence grandissante en ce moment. J’empêche Israël de confondre les termes « antisémite » et « antisioniste » : On ne peut pas laisser passer ça."
🔴 Dr. Marika Sherwood, ‘ How I became an anti-Israel Jew ’ (Voilà comment je suis devenue une Juive anti-Israël), Middle East Monitor, 7/3/18[0]...Je ne suis pas antisémite, mais je suis antisioniste[1]
Israël Shahak, survivant du ghetto de Varsovie et du camp de concentration de Bergen-Belsen.
« Pour survivre, Israël doit renoncer au désir de domination. Il deviendra alors un bien meilleur pays pour les Juifs eux-mêmes.En Israël, beaucoup comparent aisément le pays avec l’Allemagne. Non seulement l’Allemagne d’Hitler et des Nazis, mais aussi l’ancien Empire germanique voulait dominer l’Europe. Ce qui s’est passé au Japon, après l’attaque contre la Chine, c’est qu’ils voulaient dominer une vaste zone de l’Asie. Lorsque l’Allemagne et le Japon renoncèrent à leur souhait de domination, ils devinrent des sociétés bien plus sympathiques pour les Japonais et les Allemands eux-mêmes. "
🔴 Dr. Israel Shahak, Middle East Policy Journal, été 1989, no.29[2]... " Le racisme de l'état d'Israël " aux éditions Guy Authier[3]
Hajo Meyer, était un survivant d’Auschwitz.
« Ça me fait mal d’observer les parallèles entre mes expériences dans l’Allemagne d’avant 1939 et celles que souffrent les Palestiniens de nos jours. Je ne peux pas m’empêcher d’entendre les échos nazis de « sang et sol », dans la rhétorique des colons fondamentalistes, qui revendiquent le droit sacré à toutes les terres de la Judée-Samarie biblique.
Les divers aspects de punition collective infligée au peuple Palestinien – ghettoïsation forcée derrière un « mur de sécurité », destruction de maisons au bulldozer, déprédation de champs, bombardement d’écoles, de mosquées et d’édifices gouvernementaux, blocus économique qui prive les gens d’eau, de nourriture, de médicaments, d’éducation et de nécessités de base pour survivre dans la dignité – tout ceci me pousse à me rappeler les privations et les humiliations dont j’ai fait l’expérience dans ma jeunesse. Toutes ces oppressions qui durent depuis un siècle, signifient des souffrances inimaginables pour les Palestiniens. »
🔴 Dr. Hajo Meyer, ‘ An Ethical Tradition Betrayed ’, Huffington Post, 27/1/10[4].
Gabor Mate, survivant du Ghetto de Budapest.
« Jeune homme élevé à Budapest, enfant qui avait survécu au génocide nazi, j’ai été hanté pendant des années par une question qui résonnait dans ma tête avec une telle force que, parfois, elle tournait : ‘ Comment cela fut-il possible ? Comment le monde permit-il de telles horreurs ? ’ Question naïve d’un enfant. Maintenant, j’en sais plus : La réalité est là. Que ce soit au Vietnam, au Rwanda ou en Syrie, l’humanité demeure les bras croisés, complice, inconsciente ou impuissante, comme toujours. À Gaza en ce moment, on trouve le moyen de justifier le bombardement des hôpitaux, l’extermination de familles en train de manger, le meurtre de jeunes qui jouent au foot sur une plage… On ne peut pas comprendre Gaza hors contexte, c’est à dire le nettoyage ethnique continu, le plus long de tous, du siècle dernier et du présent, la tentative continue de détruire la nation palestinienne.Les Palestiniens utilisent des tunnels ? Mes héros de même : les combattants mal équipés du Ghetto de Varsovie. Contrairement à Israël, les Palestiniens n’ont ni hélicoptères Apache, ni drones télécommandés, avions de combat chargés de bombes, artillerie laser : Avec leur défiance inefficace, ils lancent des roquettes primitives qui provoquent de la terreur pour des civils innocents israéliens, mais rarement des blessures. Vu l’énorme inégalité de forces, il n’existe aucun parallèle de culpabilité. …
Qu’allons-nous donc faire, nous, gens ordinaires ? Je prie qu’on écoute notre cœur. Le mien me dit que ‘ plus jamais ça ’ n’est pas une expression exclusive : Le meurtre de mes grands-parents à Auschwitz ne justifie pas la dépossession incessante des Palestiniens. La justice, la vérité, la paix, ce n’est pas l’apanage d’une seule tribu. Le ‘ droit d’Israël à se défendre ’ - indiscutable en principe – ne justifie pas l’extermination de masse. »
🔴 Dr. Gabor Mate, ‘ Beautiful Dream of Israel has become a Nightmare ’ (Le Beau Rêve d’Israël s’est transformé en Cauchemar), Toronto Star, 22/7/14[5].
Marek Edelman, était un survivant du Ghetto de Varsovie et un des chefs du soulèvement du Ghetto.
« Pendant la guerre, nous, on n’aurait jamais pensé que les Sionistes restaient volontairement passifs quant à la destruction des Juifs, afin de mieux justifier la fondation de l’état d’Israël… Mais de nos jours, même les historiens reconnus s’expriment à haute voix sur la façon dont certains Sionistes installés en Palestine exploitaient politiquement l’Holocauste ! … Le premier chef du gouvernement israélien, Ben Gourion estimait que, plus ça irait mal pour les Juifs d’Europe, plus ça irait mieux pour Israël. Il a mis ce projet en œuvre… Ben Gourion s’est lavé les mains de la Diaspora… Dès la conférence du parti Mapai en décembre 1942, il a déclaré que la tragédie des Juifs d’Europe ne les concernait pas - lui et ses associés – directement. C’étaient les paroles d’un chef qui était d’accord pour sacrifier la vie de millions de Juifs pour élaborer un état juif. Je ne dis pas qu’il aurait pu sauver des milliers d’êtres humains, mais il aurait pu combattre pour ces milliers de gens. Il s’en est abstenu. J’ignore si c’était voulu. »
🔴Dr Marek Edelman, 2016. Being On the Right Side : Everyone in the Ghetto Was a Hero (Du Bon Côté : Dans le Ghetto, Ils étaient tous des Héros), pages 223, 448[6].
Zeev Sternell, survivant du ghetto de Przemysl, en Pologne.
« La gauche n’est plus capable de maîtriser l’ultra-nationalisme qui s’est développé ici, en Israël – le genre dont la branche européenne a contribué à éliminer presque tous les Juifs européens. Les entretiens que Ravit Hecht du Haaretz a effectués avec les politiques de la droite israélienne, Smotrich et Zohar, (les 3 décembre 2016 et 28 octobre 2017) devraient être distribués dans tous les médias, en Israël et partout dans le monde juif. On voit en eux non seulement un fascisme israélien grandissant, mais aussi un racisme qui ressemble au Nazisme dans son enfance.
Comme toute idéologie, la théorie raciale nazie s’est développée au cours des années. Au début, elle a uniquement privé les Juifs de leurs droits civils et humains. Il est possible que, sans la Seconde Guerre Mondiale, le ‘ problème juif ’ se fût terminé simplement avec l’expulsion ‘ volontaire ’ des Juifs des terres du Reich. Après tout, la plupart des Juifs d’Autriche et d’Allemagne ont pu partir à temps. Il est possible que ce soit un avenir à prévoir pour les Palestiniens. » :
🔴Prof. Zeev Sternhell, ‘ Opinion in Israel, Growing Fascism and a Racism Akin to Early Nazism ’, Haaretz, 19/1/18[7].
Primo Levi était un survivant d’Auschwitz.
« En ce qui concerne le Premier Ministre Menachem Begin, ‘ Fasciste ’ est une définition pour moi acceptable. À mon avis, même Begin serait d’accord. C’était l’élève de Jabotinsky, qui représentait l’aile droite du Sionisme et qui se disait fasciste. C’était l’un des interlocuteurs de Mussolini. Assurément, Begin était son élève. Voilà toute l’histoire de Begin…. L’Holocauste est la défense préférée de Begin : Je n’y attribue aucune validité. »
🔴Primo Levi, The Voice of Memory : Primo Levi Interviews (La voix de la Mémoire : Entretiens avec Primo Levi), 1961-1987, pp. 285-286. La citation date de 1982[8].
Rudolf Vrba, survivant de Majdanek et d’Auschwitz
Il s’est évadé d’Auschwitz en 1944[9], pour prévenir les Juifs hongrois au sujet du programme nazi d’extermination. Malheureusement, certains chefs sionistes pensaient différemment.
« Le mouvement sioniste européen a joué un rôle très important dans l’extermination de masse des Juifs. Je crois vraiment que, sans la coopération des Sionistes, ça aurait été une tâche bien plus difficile…. Les Sionistes disaient que nous ne sommes pas tchécoslovaques, ni allemands ni français : Nous sommes juifs et nous devons, en tant que juifs, retourner dans notre pays, en Israël ou Palestine, et fonder notre état. …
S’ensuivit la Loi de Nuremberg, loi divulguée par un État dit civilisé – l’Allemagne nazie – qui affirmait que les Juifs ne faisaient pas partie de l’Europe, mais de la Palestine…Donc, ensemble, le Nazisme et le Sionisme partageaient la même chose : Ils proclamaient tous les deux que les Juifs n’appartiennent pas à l’Europe, mais à la Palestine. …
Donc, naturellement, les Allemands ont dit aux Sionistes : ‘ Vous voyez, les Juifs ne nous font peut-être pas confiance, mais ils vous croiront ’, car ils ont compris qu’on leur avait, en fait, dit la vérité : que vous faites partie de la Palestine, que vous êtes ici des étrangers ’. … C’est comme cela qu’une clique sioniste, a formé les conseils juifs (appelés ‘ Judenräte ’) pour " gérer les affaires juives ", soutenue par l’argent d’hommes d’affaires juifs importants, prêts à tolérer la discrimination contre l’ensemble de la population juive qui n’était ni riche, ni sioniste – qui tout simplement, ne faisait pas partie de la clique. …
Par conséquent, :
je ne me fiais pas à eux, malgré le fait que les Nazis leur avaient donné des droits, suite aux lois de Nuremberg. Je les jugeais fascistes, tout simplement, dès le début, créatures méprisables qui s’associent aux fascistes et qui en bénéficient, ne subissant pas la discrimination infligée aux autres. …
Je n’avais pas plus confiance dans les Nazis que dans les conseils juifs sionistes. Assurément, je me suis rendu compte que les Sionistes et les Nazis sont mes ennemis à part égale : Tous les deux, ils veulent me faire partir avec 25 kilos de bagages, vers un endroit inconnu, et laisser ma mère chez elle, sans défense. …
Les jeunes, piliers de la résistance, ont toujours entre 16 et 30 ans. Chaque soldat sait qu’ils sont les meilleurs éléments pour le combat. … J’étais sidéré par le fait que les Sionistes qui se disaient protecteurs des Juifs, avaient décidé en premier lieu, de laisser partir un groupe de résistants potentiels qui, en dernier lieu, pourraient protéger les familles, en employant la force, si nécessaire.… « Je suis juif. Toutefois – plutôt à cause de cela – j’accuse certains chefs juifs d’une des actions les plus horribles de la guerre. »
Ce petit groupe de collaborateurs savait ce qui se passait dans les chambres à gaz d’Hitler et ont sauvé leur propre vie en achetant leur silence. Parmi eux, se trouvait le Docteur Rudolf Kastner, à la tête du conseil qui parlait au nom de tous les Juifs hongrois…
Prisonnier numéro 44070 à Auschwitz – numéro resté sur mon bras – j’ai calculé minutieusement les statistiques des exterminations … J’ai emporté ces affreuses statistiques lors de mon évasion en 1944, et j’ai pu prévenir les chefs sionistes hongrois trois semaines à l’avance qu’Eichmann avait l’intention d’envoyer un million de leurs Juifs dans ses chambres à gaz. … Kastner est allé dire à Eichmann : ‘ Je connais vos projets. Sauvez des Juifs que je pourrais choisir, et je me tairai. ’ Non seulement Eichmann a accepté, mais il a déguisé Kastner en S.S. et l’a emmené à Belsen pour chercher certains de ses amis. Et ce marchandage ne s’en est pas arrêté là.
Kastner a payé Eichmann plusieurs milliers de dollars. Avec cette petite fortune, Eichmann a pu acheter sa liberté lors de la défaite de l’Allemagne, et s’installer en Argentine… »
« Pourquoi le Docteur Kastner a-t-il trahi les siens, alors qu’il aurait pu en sauver beaucoup en les prévenant, en leur donnant l’occasion de se battre, d’organiser un deuxième ‘Soulèvement de Varsovie’ – ce que craignait Eichmann ? …
Était-il donc possible que l’humeur défaitiste du Docteur Kastner ait été renforcée par le souvenir des paroles prononcées par le Docteur Chaim Weizmann, premier président d’Israël, lorsqu’il a parlé à un congrès sioniste à Londres en 1937 ?
Voici très précisément le discours de Chaim Weizmann : " J’ai dit à la Commission royale britannique que les espoirs des six millions de Juifs d’Europe visaient l’émigration. On m’a demandé : ‘ Pouvez-vous emmener six millions de Juifs en Palestine ? ’ J’ai répondu que non. Les vieux disparaitront. Les autres subiront ou non leur destin. Ils ne sont que poussière, économique et morale, dans un monde cruel … seule une partie survivra … Ils devaient l’accepter. … S’ils voient les choses et souffrent, ils trouveront leur voie - Beacharit Hayamim [‘Lorsque viendra le Messie, tous les morts ressusciteront’] – quand viendra le temps … Je souhaite que soit préservée notre unité nationale, car c’est tout ce que nous possédons. "
‘ Seule une branche survivra …’. Kastner, comme Hitler, croyait-il en une race supérieure, une nation juive formée d’élites, pour les élites, par les élites ?
Était-ce sa façon d’interpréter le sombre discours du Docteur Chaim Weizmann ?
Dans l’affirmative, qui allait choisir la branche ?
Qui allait décider quels grains constitueraient le tas de poussière économique, dont le destin serait d’attendre la venue du Messie ? …
Ma famille, je suppose, était la poussière qui allait être balayée jusque dans les fours par les Nazis qui utilisaient les chefs juifs comme balais … »
🔴 "Oral history interview with Rudolf Vrba’ , World at War TV Series (Un Monde en Guerre, série télévisée), de 1972. Première partie. Passages de 32/45 minutes).
🔴 Dr. Rudolf Vrba, Daily Herald, février 1961 (tiré du livre de Ben Hecht, Perfidy - publié en 1962 - p. 231).
🔴 Dr. Rudolf Vrba, I Escaped from Auschwitz (Je me suis évadé d’Auschwitz) [2002], pp. 281-2.
🔴 Les opinions de Rudolf Vrba étaient toujours sujets à controverse, mais même les journaux sionistes tels que le ‘Jewish News’, (15/12/16) et le ‘Jerusalem Post’, (16/2/17) ont, ces dernières années, publié de sérieuses critiques du rôle de Kastner dans l’Holocauste. Pour en savoir plus sur toute cette controverse, voir : Tony Greenstein, Weekly Worker, (1/6/17) et Ruth Linn, ‘Rudolf Vrba and the Auschwitz Reports : Conflicting Historical Interpretations’ (2011) .
" L’un des aspects les plus inquiétants de la définition de l’Holocauste par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, c’est la suggestion que, si l’on compare la politique israélienne actuelle à celle des Nazis, c’est forcément de l’antisémitisme. Il est vrai que de telles comparaisons sont parfois grossières et sans fondement historique, mais dans la plupart des cas, il semble exagéré de l’attribuer à de l’antisémitisme, même si on n’est pas toujours d’accord avec la conclusion", conclut Chris Knight. (Dulwich et West Norwood CLP : circonscription électorale du Parti travailliste)
[9] Rudolf Vrba, né sous le nom de Walter Rosenberg, (11 septembre 1924 à Topoľčany, Slovaquie - 27 mars 2006 à Vancouver, Canada), est un des seuls Juifs à s'être évadé du camp d'Auschwitz. Interné dans le camp de concentration en juin 1942, il est témoin de l'extermination en masse des Juifs à Auzchwitz-Birkenau
Le Collectif Boycott Apartheid Israël promeut le boycott comme une arme politique, citoyenne et non-violente, pour faire pression sur le gouvernement israélien jusqu'à ce que cesse la politique de colonisation et d'apartheid imposées aux palestinien.
En 2005, 172 organisations de la société palestinienne lançaient un appel à une campagne de Boycott, Désinvestissement et de Sanctions (BDS[1])contre Israël. L’appel fixe trois objectifs : la fi n de l’occupation et de la colonisation de la Palestine, l’égalité des droits pour les Palestiniens d’Israël et l’application du droit au retour pour les réfugiés. L’AFPS[2] a souscrit à cet appel.
Ci-après une liste de produits, de services et d’entreprises que l’AFPS encourage à boycotter en raison de leurs liens avérés avec le régime d’apartheid israélien et les crimes qu’il commet à l’encontre du peuple palestinien. Cette liste n’est pas exhaustive.
Ces actions de boycott constituent un moyen essentiel pour exprimer notre indignation et notre refus face à l’horreur du génocide en train d’être commis à Gaza et dans toute la Palestine occupée. Ces actions doivent être poursuivies jusqu’à ce que les entreprises visées mettent un terme effectif à leur complicité.
Publication de l'Association France Palestine Solidarité[1] (NDLR : mise à jour régulièrement par mes soins)
L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) rassemble des personnes attachées au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la défense des droits humains. Elle a pour vocation le soutien au peuple palestinien notamment dans sa lutte pour la réalisation de ses droits nationaux. Elle regroupe près de 5000 adhérents, organisés en une centaine de groupes locaux en France.
Merci à la plateforme des ONG françaises pour la Palestine[2] pour la frise chronologique dont c'est inspiré, pour partie, cette publication, et si vous voulez aller plus loin, je vous invite à cliquer sur les catégories : Israël ; Palestine ; Moyen-Orient ; Paix de ce blog
Source :France Palestine Solidarité | mis à jour le 05/12/2024
2017 : l'État de Palestine est reconnu par 136 États
70,5 % des 193 États membres que compte l'Organisation des Nations unies reconnaissent la Palestine, mais ne l'est pas par les pays d'Amérique du Nord, ainsi que la plupart de l'Europe de l'Ouest, notamment les pays du G7. Les frontières de l'État de Palestine sont celles de la Cisjordanie, gouvernée partiellement depuis 1994 par l'Autorité palestinienne, et de la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas depuis 2007. La capitale de l'État de Palestine est Jérusalem. Le siège du gouvernement palestinien se situe à Ramallah.
Le 6 décembre :Trump, foulant aux pieds les résolutions de l’ONU, reconnait Jérusalem comme capitale d’Israël.
2018 : loi qui définit Israël comme " l'État nation du peuple juif " 🔴Le 19 juillet : la Knesset vote la loi fondamentale qui inscrit dans la constitution israélienne la suprématie juive, l’apartheid à l’encontre des Palestiniens d’Israël et qui fait de la colonisation une valeur nationale.Les habitants palestiniens sont privés de leurs droits politiques.
🔴À partir du 30 mars, les grandes marches du retour. Tous les vendredis, la population de Gaza manifeste par milliers jusqu’au mur qui enferme Gaza. La répression fera 241 morts, plus de 25 000 blessés cette année là.
2021 : guerre " préventive " contre Gaza 🔴Le 13 avril : l’intervention de l’armée sur l'esplanade des Mosquées provoque des affrontements avec les Palestiniens de Jérusalem qui s’étendent aux villes mixtes d’Israël. Israël déclenche une guerre préventive éclair contre Gaza qui fera plus de 256 morts.
🔴Le 22 octobre : le gouvernement Bennett-Lapid déclare arbitrairement comme terroristes 6 ONG palestiniennes de Défense des Droits humains qui fournissent des preuves des crimes de l’occupation à la Cour pénale internationale.
2022 : 🔴Le 9 avril : l’armée israélienne mène plusieurs raids meurtriers dans le camp de réfugiés de Jénine : 1 mort et des blessés. 🔴En novembre 2022 : l’extrême droite israélienne la plus ultra entre au gouvernement A l'issue des élections législatives, Nétanyahou constitue une coalition avec plusieurs partis de l'extrême droite religieuse, fasciste et suprématiste. Les agressions des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie se multiplient et tournent au pogrom. La politique de nettoyage ethnique s’accentue à Jérusalem, contre les villages bédouins de la vallée du Jourdain et des collines du sud d’Hébron.
2023 : le pire massacre de l'histoire palestinienne 🔴Les 3-4 juillet :bombardement israélien du camp de Jénine, dans l'indifférence de la "communauté internationale". Il y a 12 morts, 3000 personnes chassées de leur maison. 🔴Du 13 Octobre à décembre :après l'attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, qui fait 1200 victimes selon le gouvernement israélien et capture 240 otages[3], l'armée israélienne entreprend la destruction massive de la bande de Gaza. Gaza est défigurée par les bombardements israéliens, comme Berlin l'était en 1945. En deux mois, il y a plus de 18 000 morts, dont plus de 7000 enfants et près de 5000 femmes. 10 000 Palestiniens sont emprisonnés en Israël.
2024 : Netanyahou ordonne à l’armée israélienne de « préparer » une offensive sur Rafah, le Parlement Israélien adopte une résolution s'opposant à « la création d'un État palestinien », la Cour internationale de justice estime que l’occupation des territoires palestiniens par Israël depuis 1967 est « illégale » 🔴Le 7 février : Alors que des négociations se poursuivent autour d’un possible accord sur la libération des otages, Le Premier ministre israélien a déclaré mercredi 7 février avoir ordonné à l’armée de « préparer » une offensive sur Rafah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza, estimant que la victoire sur le Hamas était « une affaire de mois », là où se sont réfugiées plus d’1 million de Gazaouites. Le génocide est en cours…
🔴 Dans la nuit du 17/18 juillet 2024 le Parlement Israélien a adopté une résolution s'opposant à « la création d'un État palestinien » :Pour la première fois de son histoire, le parlement israélien a adopté hier à une écrasante majorité une résolution s'opposant à la solution des deux états - la Palestine aux côtés de l'Etat hébreu - comme voie de règlement négociée du conflit.
Selon cette résolution, « la Knesset s'oppose fermement à la création d'un État palestinien à l'ouest du Jourdain » c'est-à-dire en Cisjordanie (territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967) ou dans la bande de Gaza[5].
Cette résolution symbolique, proposée par un député de droite de l'opposition, a recueilli le soutien de 68 élus de la coalition au pouvoir et de l'opposition. Neuf députés ont voté contre.
🔴 Le 19 juillet : La Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l'ONU, a estimé que l'occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967 était « illégale », ajoutant qu'elle devait cesser « le plus rapidement possible »[6].
Pour la CIJ, la présence continue d’Israël dans les territoires palestiniens occupés est illicite. Évoquant des discriminations systématiques qui peuvent relever “ d'une ségrégation ou d'apartheid ”, la CIJ déclare qu'Israël est tenu d'abroger toute loi discriminatoire à l'égard du peuple palestinien.
La CIJ a déclaré que les attaques violentes de colons qu’Israël ne cherche ni à prévenir ni à punir, la confiscation des terres, qui constituent des annexions de facto, et l'exploitation des ressources naturelles des territoires palestiniens occupés par Israël sont contraires au droit international.
La CIJ exige également la réparation intégrale des personnes physiques et morales spoliées par la colonisation, la restitution des terres, des biens et des avoirs confisqués depuis 1967, sans oublier le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes.
S'appuyant notamment sur les conventions de Genève, la CIJ précise qu'Israël demeure tenu de respecter le droit du peuple palestinien à son autodétermination, tandis que tous les États doivent reconnaître comme illicite la situation dans les territoires palestiniens occupés.
Le bilan humain du conflit israélo-palestinien de 2008 à 2020 chiffré par l'ONU
La conquête de la Palestine - Carte de la Palestine occupée
Même si Macron ne veut pas (ni BFM, ni la télé publique), la France a montré sa solidarité avec les Palestiniens de Gaza. Figure-toi, l’ami, qu’en cherchant des infos sur la manifestation pour un cessez-le feu à Gaza, j’en suis venu à zapper sur BFMTV. Justement, le journaliste de plateau expliquait les circonstances de cette manif et donnait la parole à un journaliste sur le terrain
Nordine Raymond candidat #Nupes (affilié à LFI) pour les législatives 2022 #Circo1702[1] s'adresse à nous :
" Très chers toutes et tous,
Une nouvelle fois je prends la plume pour vous exprimer mon analyse politique du moment que nous traversons.
Ça peut paraître long mais l'écriture permet justement de ne pas tomber dans les facilités des réponses hâtives que les médias nous réclament.
Une nouvelle fois merci à toutes et tous pour la force transmise. "
Voilà des semaines que les insoumis se font insulter. Pourquoi ?
Pour avoir refusé de parler de " terrorisme " au sujet des crimes de guerre commis par le Hamas. Avions-nous raison ? Cent fois oui ! Tout nous le démontre actuellement. Qualifier de " terrorisme " les attaques du Hamas, c’est cautionner la riposte sanglante d’Israël. Le terrorisme on ne le combat pas, on l’éradique. La lutte contre le terrorisme ne supporte aucune règle de droit international. Nous en avons fait l'amère expérience lors des interventions américaines en Afghanistan et en Irak créant les désastres que l'on connaît, notamment l'implantation de Daesh et le retour en force des Talibans.A l'époque, la France n'était pas alignée !
Oui, l’attaque du Hamas était d’une atrocité sans nom.
Oui, la réponse d’Israël, avec la France qui se tait, est une abomination.
Oui,le Hamas est une organisation islamiste avec qui nous n’avons rien de commun.
Oui, le gouvernement d’Israël est d’extrême droite et de ce fait notre ennemi politique.
Oui, la politique coloniale d’Israël crée le terreau de la violence.
Oui,Netanyahu, pour d'obscures raisons, a préféré favoriser le Hamas que l'autorité palestinienne.
Oui, la politique d’Israël ne justifie pas les meurtres qu’elle a subi sur son territoire.
Oui, il faut la paix, la libération des otages, le cessez-le-feu immédiat, un corridor humanitaire. Oui, il faut deux états qui coexistent, le respect des résolutions de l’ONU, les frontières de 67… Si quelqu’un voit dans ce que je viens d’écrire quelque chose qui justifierait un procès médiatique, la mise au ban du camp républicain, les insultes et les menaces de mort : qu’il me le dise !
La réalité, c’est que rien dans ce qui a été écrit par l’un des membres de La France Insoumise ne mérite la moitié de ce que l’on subit actuellement.
Surtout pas le premier tweet de Jean-Luc Mélenchon qui exprime notre compassion avec le peuple Israélien.
J’ai commencé par parler du conflit au Proche-Orient car les choses doivent être claires, rien n’est comparable entre ce que nous subissons ici et ce qu’ont subi les israéliens le 7 octobre et les palestiniens depuis des semaines.
Avant de dire en quoi je suis fier d’être insoumis, quelques mots sur la doxa médiatique et ses éléments de langages actuels.
L’ensemble des médias + le RN / LR / Renaissance nous disent “ Israël a le droit de se venger ”. Ah bon c’est ça le Droit, la vengeance ? C’est exactement tout le contraire. Imaginons, même si ça fait mal, demain quelqu’un vient à tuer ma nièce, l’un des êtres que j’aime le plus sur Terre, sans plus de détails, juste la tuer. Aurais-je envie de me venger ? Sans doute. En aurais-je le droit ? Heureusement : non. Le Droit, c’est justement ne pas réagir par l’émotion guidée par les passions humaines. La justice, ce n'est pas la vengeance. Punir les agresseurs, c’est trouver la peine la plus adaptée pour qu’ils ne nuisent plus à la société.
Si certains pensent que s'orienter vers un génocide, comme viennent de le déclarer des experts indépendants de l’ONU[2], est une réponse adéquate aux attaques du Hamas, alors je ne crois pas que je peux faire société avec ceux-là.
Finissons-en sur le conflit : L’extrême droite prépare le terrain depuis des décennies à ce qu’elle rêverait de voir sur notre territoire : une guerre civile, reprenant ainsi l'absurde théorie du " choc des civilisations[3]". Ils ne vivent que pour ça ! L’espoir de voir des français blancs et d’autres un peu trop marrons se foutre sur la gueule dans la rue. D’ailleurs ils surfent sur chaque fait divers qui pourrait aller dans leur sens (qu’importe bien souvent si ce sont des fakes-news). Ils sont bien trop heureux de ce qui se passe actuellement !
L’islamisme n’a rien à voir avec les musulmans.
Son développement a, en revanche, à voir avec la politique internationale des pays occidentaux. Comme l’extrême droite se base ici sur la haine de l’autre, l’islamisme se construit sur la haine de l’occident et de sa culture. Partout où l’islamisme s’est développé rapidement, les occidentaux y sont présents pour des intérêts économiques, soutiennent des dictatures, y ont fait la guerre…
J’ai presque envie de dire que l’islamisme est un fascisme comme les autres. Il se base sur la haine de l’autre, utilise le mensonge et la calomnie. Il est violent, réactionnaire, anti-femme, anti-gay, contre les libertés publiques… Bref, les islamistes et l’extrême droite sont des alliés objectifs : ce sont les deux faces de la même pièce.
Revenons-en au sujet : fier d’être insoumis !
Voilà des semaines qu’ils tapent tous ensemble donc : les médias et la classe politique de Renaissance au RN. Quand des universitaires, des intellectuels, des experts de la région disent ce que nous disons, les plateaux généralement les laissent parler, quand c’est un insoumis qui le dit alors : nous sommes antisémites.
Cette insulte m’est insupportable. Jamais je ne m'y habituerai.
Le combat contre l'antisémitisme est trop sérieux pour se laisser insulter par des gens qui s’en fichent pas mal le reste de l’année.L’antisémitisme est une idée abjecte, beaucoup trop présente dans nos sociétés malgré le passé récent. De plus, dévoyer ce mot abîme gravement la lutte impérieuse que nous devons mener. Malgré cette insulte qui tétanise et qui fait mal aux tripes, le mouvement insoumis n’a rien cédé de ce que nous croyons juste : l’appel à une paix durable au Proche-Orient[4].
Il y a eu des jours compliqués, où on se faisait insulter sur les réseaux sociaux et où on recevait des menaces de mort. Certains camarades plus que d’autres, et il n’est jamais agréable de voir les gens que l’on estime être mis en danger pour ce qu’ils pensent. Pourtant, le mouvement n’a jamais faibli.
La rage nous a parfois traversé en voyant des images de l’Assemblée Nationale où la quasi-totalité des députés était levée et applaudissait à l’unisson “ le soutien inconditionnel à Israël ”. Particulièrement, de voir des députés d’un parti fondé par des SS[5] (mais qui portent de belles cravates !) qu’on respectabilise alors qu’on devrait à jamais les bannir du champ républicain. Pourtant, nous n’avons rien cédé.
Dire qu’il a été facile pour nous de traverser ces dernières semaines serait un mensonge.
Déjà, devoir supporter les images des massacres commis par le Hamas puis l’armée Israélienne était anxiogène. En plus de cela, devoir supporter la calomnie et la vindicte était difficile. Pourtant, nous avons tenu bon.
On aurait pu espérer que certains " alliés " seraient montés au créneau pour nous défendre et ne pas laisser des militants de la paix être traités de la sorte. Au contraire, certains en ont profité pour tenter de détruire l’alliance qui avait créé un souffle d’espoir dans le peuple de gauche. Ils ont fait ce qu’ils savent le mieux faire : des coups bas qui créent du désespoir et s'aplatir devant la meute. Pourtant, nous avons supporté la traîtrise.
Je crois que de mémoire de militant je n’avais jamais vu le corps médiatico-politique aussi coupé de la réalité de la société.
Très vite, Darmanin a décidé d’interdire les manifestations pour la paix au Proche-Orient alors que du monde entier nous parvenaient les vidéos de foules immenses manifestant contre les massacres en Palestine. Les camarades avec qui nous sommes en contact à l’étranger nous le disaient : “ il n’y a que chez vous que ça se passe comme ça ”. La réalité politique du pays, c’est que les gens sont sur notre position au contraire de la classe politico-médiatique. Pourtant, nous avons appelé à rejoindre les manifestations pour le cessez-le-feu sans trembler de la main.
Alors camarade insoumis, sympathisant, toi qui lis mes mots et sais la sincérité de mon engagement et de celui de mes camarades : retiens cette leçon. Il ne faut jamais plier de peur. Il ne faut jamais se décourager dans notre tâche ; celle de défendre une société de paix. Plus ils nous salissent, plus ils nous renforcent. Car le mouvement insoumis c’est aussi l’incroyable solidarité qui existe entre ses membres.
🔴 Pour finir ce billet, ces quelques vers de l’un de mes poèmes préférés d’Aragon : “ Un jour viendra, couleur orange ”.
“Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l’avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages
Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l’a touché
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l’enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d’idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche “
Force et honneur, la lutte continue !
Je vous invite à écouter cette chanson de Barbara avec texte si juste
Le 9 mars 1974 BARBARA chante " Perlimpinpin " en s'accompagnant au piano Émissions TV, Archive tv, Archive télévision, tv replay live, live music, french tv Images d'archive INA (Institut National de l'Audiovisuel)
Mais qui est Nordine Raymond ? " L'ami des gens " vu par un film documentaire de Nicolas Dattilesi
La caméra de Nicolas Dattilesi a suivi pendant 5 semaines la campagne électorale aux élections législatives de juin 2022 de Nordine Raymond (candidat pour La Nupes issu de La France Insoumise) sur la 2ème circonscription de Charente Maritime. (NDLR avec 27,50% et 14 928 électeurs, il lui a manqué 318 voix pour être au second tour[1]).
Le film qui en résulte est bien plus qu’un film de campagne.
Comme l’évoque une militante à Nordine, « une campagne ça se gagne avec la tête, le cœur et le ventre ! » Pour Nordine, il semble bien que ce soit essentiellement au niveau du cœur que tout se joue.
Un film sans complaisance qui dresse la portrait en mouvement du candidat, et qui propose un regard sur le militantisme.
Un film humain avant tout !
Le film documentaire “ Nordine, l'ami des gens ” de Nicolas Dattilesi donne à voir tous les espoirs portés par des militants de la 2ème circonscription de la Charente Maritime, en matière de justice sociale et de protection de l'environnement. Un regard tendre et amusé pour ré-enchanter le débat politique et rendre compte de l'engagement d'une bande d'irréductibles assoiffés de progrès humains et environnementaux. 76 minutes que l'on ne voit pas passer tant les sujets pourtant graves qui y sont parfois questionnés, sont abordés ici avec la sincérité joyeuse de ceux qui veulent bâtir un autre monde des possibles.
Il s'agit d'une guerre car les Palestiniens n’en peuvent plus.
Dans les faits, les accords d’Oslo n’existent plus...
Israël/Palestine : pour une paix juste et durable, stop à l'escalade !
Comment ne pas condamner l'attaque du Hamas contre Israël qui endeuille et dessert la cause palestinienne, mais.... au-delà de l’émotion ou la colère légitime devant les victimes civiles d’un conflit, et c’est évidemment vrai pour les victimes israéliennes et palestiniennes d'hier, d'aujourd'hui et demain, toute réaction politique doit tenir compte des événements et du contexte.
Car, en Palestine comme ailleurs, il faut contextualiser une situation pour la comprendre. L’accroissement exponentiel du nombre de colons israéliens, le régime d’apartheid dénoncé par de nombreuses ONG internationales et israéliennes réputées devraient être rappelés plus souvent… pour permettre de comprendre le pourquoi du comment !
Sur le fond, au delà des propos médiatiques pro-israéliens
Cette attaque du Hamas (NDLR : le Hamas politique a été créé en douce par Israël[2][2bis]) se produit alors que l’occupation et la colonisation se poursuivent et que les Palestiniens ne se sont jamais retrouvés aussi seuls au moment où Israël entame une normalisation de ses relations avec l’Arabie saoudite et des pays arabes. Les territoires occupés s’embrasent car l’espoir de voir la création d’un État palestinien n’existe plus, que la communauté internationale parle mais n’agit pas.La bande de Gaza est sous blocus israélien depuis 17 ans, et, (NDLR : entre 2008 et 2022, Tel Aviv a mené cinq offensives militaires dans la bande de Gaza. Israël a non seulement tué des milliers de Palestiniens de façon indiscriminée, le plus souvent dans des zones civils, mais a délibérément détruit les infrastructures industrielles et agricoles de la bande de Gaza, a établi une zone tampon dans le territoire palestinien, et l’a finalement clôturé, la transformant en prison à ciel ouvert[3].
Ce n'est pas un conflit au sens classique du terme, c'est une armée super équipée face à un peuple qui résiste. Il y a un occupant et un occupé. Il y a une armée d’occupation qui avaient obtenu plus d’un an à l’avance le plan du Hamas visant à mener une attaque sans précédent contre Israël... et des résistants.
Chaque jour, il y a des Palestiniens assassinés par les colons israéliens, l'armée ou la police[4]. Le Hamas n'est pas ma tasse de thé, mais l’autorité palestinienne, aux mains du Fatah, est complètement corrompue. Dans cette situation, on peut aisément comprendre le désespoir des Palestiniens et en particulier de la jeunesse palestinienne pour laquelle il n’y aucun avenir autre que l’exil ou la soumission à un gouvernement israélien dominé par des extrémistes juifs qui veulent annexer leurs terres, détruisent leurs maisons ancestrales.
Et l'occident ? Les pays occidentaux regardent ailleurs malgré des dizaines de résolutions de l'ONU[1] qui condamnent Israël et son occupation illégale, ses violences, tueries et vols de terres, discriminations de toutes sortes.
Les Israéliens agissent en toute impunité parce que les européens d'Europe ou d'Amérique se sentent coupables à l'égard des juifs et de la shoah. Le fait d'être un colon juif donne t-il le droit de tuer, de voler impunément, de violer les règlements internationaux ?
Là, comme ailleurs, la seule issue se sont des négociations, dans une conférence internationale avec les principaux acteurs pour aboutir à une paix juste et durable, et une solution qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
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Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise, Israël/Palestine : il faut un cessez-le-feu !
Je condamne l'attaque du Hamas contre Israël ;
Je veux d'abord dire ma compassion pour les familles des victimes, israéliennes comme palestiniennes ;
La position de la France ne doit pas s'aligner sur celle du gouvernement de l'extrême droite israélienne ;
Aucun des communiqués de la diplomatie française ne contient le mot " paix " ou " cessez-le-feu " or, il faut un cessez-le-feu ! ;
La France doit avoir une parole de paix et défendre une solution qui permet aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en sécurité et en liberté ;
La seule solution viable pour la paix est celle de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, sur la base des frontières de 1967... "
- Terrible rappel à la réalité du journal israélien Haaretz sur une déclaration de Netanyahu en 2019 : « Quiconque veut contrecarrer la création d’un État palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie ».
- Un document des renseignements israéliens, authentifié par le journal israélien Haaretz, planifie le nettoyage ethnique de Gaza en proposant comme solution de dégager les palestiniens de Gaza pour les placer dans le Sinaï en Égypte sous des tentes.
Palestine: " Comment Gaza change la donne géopolitique internationale "
La seule issue se sont des négociations, dans une conférence internationale avec les principaux acteurs pour aboutir à une paix juste et durable, et une solution qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes... via la construction de deux Etats
La tentative étasunienne de détruire la Syrie, qui dure depuis 12 ans, a échoué.
Les pays voisins, dont la plupart se sont rangés du côté de la guerre menée par l’Occident pour renverser Assad, rétablissent leurs relations diplomatiques. Lors du sommet de la Ligue arabe à Djeddah cette année, auquel le président Assad a assisté pour la première fois depuis la suspension de la Syrie en 2011, il a été accueilli par ses anciens ennemis, notamment les dirigeants saoudiens et émiratis. La France (dirigeant colonial de la Syrie de 1919 à 1946[1]) a menacé les pays de la Ligue arabe pour leur insubordination et a qualifié Assad d’« ennemi de son peuple », mais une telle désapprobation, partagée par les États-Unis et le Royaume-Uni, a été largement ignorée (People’s Dispatch, 25 mai 2023). ). Au lieu de cela, Assad a déclaré lors du sommet que « le passé, le présent et l’avenir de la Syrie sont l’arabisme » (Sam Heller, Foreign Affairs, 14 août 2023).
En effet, la Ligue arabe – à l’exception des régimes les plus pro-étasuniens comme le Qatar – a depuis appelé au retrait de toutes les troupes étrangères non autorisées de Syrie – faisant référence aux forces étasuniennes et turques qui occupent illégalement la Syrie plutôt qu’aux Russes et aux Iraniens qui y sont présents. à l’invitation de la Syrie (People’s Despatch, 16 août 2023).
Le refus de la Syrie de se plier aux exigences occidentales en a fait une cible pour un changement de régime. L’ancienPremier ministre israélien Ehud Olmert a récemment déclaré à un journaliste télé : « S’il [Assad] avait fait la paix avec moi en décembre 2008, ils n’auraient pas souffert de la guerre civile » (Kevork Almassian, Twitter, 18 août 2023). En soulignant « l’erreur » d’Assad, Olmert admettait implicitement que la guerre syrienne, qui a tué jusqu’à présent 500 000 personnes, a été infligée à la Syrie délibérément, plutôt que d’être le résultat spontané d’un soulèvement populaire comme le décrivent les médias occidentaux.
Dans une récente interview majeure accordée à Sky News Arabia (9 août 2023), Assad était d’accord avec Olmert dans la mesure où « en théorie, la guerre aurait pu être évitée si nous nous étions soumis à toutes les exigences imposées à la Syrie sur diverses questions, au premier rang desquelles c’était l’abandon des droits et des intérêts syriens ». Mais une telle reddition aurait causé des dégâts bien plus importants par la suite, a-t-il déclaré.
L’approche inébranlable de la souveraineté nationale était partagée par la majorité des Syriens : un sondage YouGov de 2012 montrait que 55 % d’entre eux soutenaient Assad (Guardian, 17 janvier 2012) dans sa lutte contre les projets étasuniens de partition sectaire de la Syrie, comme ils l’avaient fait avec l’Irak. Les plans de partition prévoyaient une « principauté salafiste » à la frontière irakienne, selon un document divulgué par l’Agence étasunienne de renseignement de défense datant de 2012, ainsi qu’un mini-État kurde dans le nord-est.
Le scepticisme quant aux affirmations occidentales selon lesquelles ils agissent dans l’intérêt de la démocratie et dans la lutte contre le terrorisme s’est confirmé au cours de la guerre.
L’Opération Timber Sycamore, le programme secret de formation des terroristes de la CIA basé en Jordanie de 2012 à 2017, a financé et entraîné les terroristes combattant en Syrie[3] (Washington Post, 19 juillet 2017).
L’Armée syrienne libre, opposition dite « modérée », était composée d’extrémistes comme la brigade Khalid ibn Al Waleed, qui a diffusé la décapitation de prisonniers non armés par un enfant à la machette[4].
David McCloskey, ancien expert de la CIA sur la Syrie, a admis que les responsables étasuniens savaient depuis le début que « les groupes affiliés à Al-Qaïda et les groupes jihadistes salafistes étaient le principal moteur de l’insurrection » (Aaron Maté, Monthly Review, 23 avril 2022). Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de Biden, a écrit dans un courriel adressé à sa patronne de l’époque, Hillary Clinton : « AQ [Al-Qaïda] est de notre côté en Syrie » (Wikileaks, 12 février 2012[2]).
Les intérêts réels des États-Unis peuvent être vus dans le fait qu’ils occupent illégalement une vaste zone de territoire riche en pétrole et fertile en agriculture dans le nord-est de la Syrie, avec environ 1 000 soldats étasuniens soutenus par des avions de combat et par son mandataire (essentiellement) l’armée kurde, l’armée des EU. Les Forces de défense syriennes (FDS), qui fournissent l’infanterie principale et combattent actuellement leurs anciens alliés dans sa zone de contrôle, les tribus arabes locales autour de l’Euphrate qui résistent à la répression des FDS. Une petite enclave étasunienne à la frontière syro-irakienne abrite des combattants de l’Etat islamique sous protection étasunienne.
Pendant ce temps, la Turquie occupe une bande importante à l’extrême nord et au nord-ouest, où, aux côtés de ses troupes comptant entre 5 000 et 10 000 hommes, Hayat Tahrir al-Sham (HTS), une fusion d’Al-Qaïda et d’autres milices islamistes, a gouverné sous diverses noms depuis 2017 en tant que mandataire turc.
🔴Au total, un tiers de la Syrie reste aux mains de l’ennemi.
(NDLR : La Turquie et la Russie ont conclu hier un accord sur le contrôle de la frontière turco-syrienne. Des patrouilles de militaires russes et syriens assureront la surveillance de la bande frontalière où l'armée turque avait mené son offensive, alors qu'Ankara a confirmé qu'elle n'avait plus besoin d'intervenir dans la région après le retrait des forces kurdes. Notre infographie, basée sur une carte du quotidien allemand Handelsblatt, fait le point sur la situation politique et militaire en Syrie en date du 22 octobre.)
Conséquences économiques de la résistance
Le refus catégorique de la Syrie d’adoucir sa position anti-israélienne ou de désavouer ses alliés, l’Iran et la Russie, signifie que la guerre continue, même si les combats sont limités.La guerre économique constitue désormais le principal danger – sous la forme de sanctions occidentales brutales.En conséquence, la croissance du PIB devrait diminuer cette année de 3,5 %, comme l’année dernière.90 % des Syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté[5]. Le revenu mensuel moyen est passé de 500 dollars en 2011 à seulement 20 ou 30 dollars. Même le récent doublement du salaire minimum par Assad ne suffira pas à sortir les gens de la pauvreté causée par la mainmise occidentale. L’industrie pharmaceutique syrienne, autrefois florissante, a été durement touchée par les sanctions et, par conséquent, les prix des médicaments sont désormais exorbitants.
Tout cela signifie que si près d’un demi-million de réfugiés sont retournés dans les zones exemptes de conflit, six autres millions – principalement en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak voisins – ne peuvent pas se permettre de rentrer chez eux. En outre, 6,8 millions de Syriens sont déplacés à l’intérieur du pays – plus de 2 millions vivent dans des camps où les conditions sont extrêmement difficiles (BBC, 2 mai 2023).
Privée de force de son territoire le plus productif, la Syrie est désormais un importateur net d’énergie et de nourriture, et les pétroliers iraniens qui tentent de livrer du pétrole à la Syrie se heurtent au sabotage (supposé israélien par l'Iran[6]) au large des côtes syriennes.
Reculs pour les États-Unis et les puissances occidentales
Malgré la relative faiblesse de la Syrie, les États-Unis et leurs alliés occidentaux ont subi un revers stratégique en ne parvenant pas à renverser Assad et à démembrer le pays.
Premièrement, la survie de la Syrie a renforcé la Russie, dont la renaissance en tant que puissance – après la défaite de l’URSS et la course aux biens publics sous Eltsine – a commencé en 2008 avec l’écrasement de la révolution colorée en Géorgie. Si cette brève guerre a marqué un tournant, c’est l’intervention de la Russie en Syrie en 2015, notamment grâce à l’utilisation de sa puissance aérienne contre les islamistes soutenus par l’Occident, qui a empêché la chute d’Assad et rétabli l’influence russe au Moyen-Orient[7].
Deuxièmement, la position régionale de l’Iran a été consolidée. L’Iran a envoyé des milliers de miliciens combattre pour la Syrie, dans le cadre d’une alliance qui remonte à 1981, lorsque la Syrie, seule, soutenait l’Iran contre l’Irak de Saddam[8].
Troisièmement, l’échec de la stratégie occidentale de changement de régime en Syrie a privé Israël de la pleine hégémonie sur tous ses voisins arabes. Les bombardements presque quotidiens d’Israël sur Damas et ailleurs en Syrie n’ont ni déstabilisé le gouvernement ni chassé les alliés iraniens de la Syrie, l’un des principaux objectifs d’Israël. Bien que la Syrie ne soit pas assez forte pour répondre de la même manière, l’Iran a averti Israël qu’il ferait face à d’éventuelles représailles (US News, 30 août 2023).
Le Hezbollah a également été renforcé.Après son rôle dans la prise d’Al Qusayr au printemps 2013, l’un des tournants de la guerre, le Hezbollah s’est développé et sa force d’élite Radwan à la frontière israélienne avec le Liban est désormais bien armée avec des armes de précision fournies par la Syrie. Les combats aux côtés de l’armée syrienne majoritairement sunnite ont aidé le Hezbollah, majoritairement chiite, à développer une politique non sectaire (Elijah J. Magnier, 7 septembre 2023).
De plus, l’affaiblissement de la puissance étasunienne en Syrie a rendu l’Arabie saoudite moins fiable en tant qu’allié des États-Unis. Les Saoudiens, qui soutenaient le changement de régime en Syrie, ont vu les États-Unis faire face à une résistance déterminée, tandis que les coûteux systèmes de défense antimissile qu’ils avaient achetés aux États-Unis ne pouvaient pas les protéger des attaques de drones des Ansarallah (Houtis) du Yémen sur leurs installations pétrolières. Compte tenu de ces revers et de ces défaites sur le terrain au Yémen[9], les Saoudiens ont été contraints de demander la paix à Ansarallah[10], et le rapprochement Iran-Saoudite, négocié par la Chine, est devenu une option souhaitable.
Pour la Turquie, membre de l’OTAN, qui affronte les États-Unis et la Russie, la survie de la Syrie représente un problème. La Turquie a besoin de la coopération syrienne pour poursuivre le PKK/YPG kurde – l’épine dorsale des FDS – qu’elle considère comme une menace terroriste. Mais la Syrie insiste pour que la Turquie quitte le territoire syrien avant toute négociation. L’importante population – et politiquement problématique pour Erdogan – de réfugiés syriens en Turquie a besoin de paix pour pouvoir rentrer chez elle, mais l’occupation du nord de la Syrie par la Turquie implique la poursuite de la guerre. Les récentes sanctions américaines contre deux groupes islamistes qu’ils finançaient autrefois et qui sont désormais sous contrôle turc en Syrie ont été un nouveau coup dur, une expression du mécontentement étasunien face au ciblage par la Turquie du mandataire américain, les FDS.
Pendant ce temps, sur le front diplomatique, les États-Unis ont été critiqués publiquement par des groupes de défense des droits de l’hommetels que le Conseil norvégien pour les réfugiés (Agence de presse Mehr, 8 août 2023) pour avoir annulé la dérogation aux sanctions humanitaires qu’ils avaient accordée à la Syrie après le tremblement de terre majeur de février. Le fait d’avoir accordé une dérogation « humanitaire » ponctuelle ne fait que montrer la nature inhumaine des sanctions américaines le reste du temps.
Survie – et l’avenir
Même si l’économie syrienne a été dévastée par la guerre, sa résistance l’a empêchée de suivre le sort de la Libye, où la guerre de l’OTAN a démantelé la société tout entière[11].
Dans sa récente interview avec Sky Arabia, Assad a comparé sa position à celle de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi, qui ont tous deux fait des compromis avec l’Occident avant d’être éliminés. Assad, devenu président en 2000, a joué très tôt un rôle de realpolitik en autorisant la Syrie à participer au programme de « restitutions extraordinaires » de la CIA, qui s’est poursuivi même après que la Syrie a été surnommée l’un des États de « l’axe du mal » en 2002. La politique de coopération tactique Cette opération – la Syrie avait soutenu la première guerre des EU en Irak – n’a finalement donné à la Syrie aucune protection contre l’agression étasunienne. C’est plutôt la résistance résolue d’Assad à Israël et son rejet croissant du contrôle étasunien qui l’ont rendu « véritablement populaire » – selon un rapport du Guardian (26 mai 2007) sur les élections de 2007 – unissant le peuple syrien contre la menace d’une partition sectaire et du mouvement islamiste. terreur émanant de l’Irak voisin.
La priorité désormais du gouvernement Assad est de récupérer tout le territoire syrien, en particulier ses ressources pétrolières et agricoles. Sans sa propre richesse productive, elle ne pourra pas faire face à la crise économique.
Il en va de même pour le progrès démocratique. Les efforts antérieurs visant à établir une assemblée constituante pour réconcilier les groupes opposés en Syrie ont échoué à cause de la guerre. Un comité constitutionnel composé de cinquante représentants nommés par le gouvernement, cinquante de l’opposition et cinquante représentants de la société civile nommés par l’ONU[12] doit se réunir à Oman plus tard cette année, soutenu par la Russie, l’Iran et la Turquie, les participants au processus de paix d’Astana. le seul cadre de paix viable à ce jour.
Mais la violence continue, soutenue par les États-Unis, fait obstacle aux progrès constitutionnels. En août, l’Etat islamique a tué des dizaines de soldats syriens à Deir-ez-zor, dans l’est de la Syrie[13]. De telles attaques de l’Etat islamique sont facilitées par les États-Unis, qui assurent la protection du groupe.
Dans un climat aussi peu propice aux réformes, les manifestations qui ont lieu depuis le 20 août dans la ville druze de Suweida, dans le sud de la Syrie, et à Deraa (où ont débuté les manifestations de 2011) contre la hausse du coût de la vie, tout en exprimant des préoccupations économiques légitimes, fournissent aux États-Unis de nouvelles opportunités de déstabilisation. Les FDS mandataires étasuniens ont déjà lancé des appels croissants à la sécession de la région druze (Cradle, 29 août 2023). En 2011, les manifestations contre la hausse des prix du blé liée à la sécheresse ont rapidement dégénéré en guerre à grande échelle.
La reprise économique est essentielle pour prévenir une reprise du conflit, et cela nécessite la fin de l’occupation étasunienne et turque et la levée des sanctions. La Confédération générale des syndicats de Syrie a condamné le « terrorisme économique » du blocus occidental et a appelé à une unité renforcée entre les syndicats arabes (The Syrian Observer, 1er septembre 2021).
Jusqu’à présent, la Syrie n’a pas reçu les investissements dont elle a cruellement besoin.Il n’est pas étonnant que les puissances occidentales imposent des sanctions punitives à quiconque s’engage en Syrie. La Russie et l’Iran ont donné respectivement 7 et 23 milliards de dollars (The Diplomat, 3 juin 2021), et la Syrie a rejoint l’initiative chinoise la Ceinture et la Route en janvier 2022[14][14bis]. Mais les entreprises chinoises se sont montrées prudentes quant à leur implication dans un pays toujours ciblé par les États-Unis. Assad a toutefois adopté une vision positive de la direction à prendre après la récente adhésion de l’Iran au groupe des BRICS[15], qui a renforcé le multilatéralisme (Almasirah, 1er septembre 2023).
En conclusion, à force de rester en place et de reprendre le contrôle d’une grande partie du pays, Assad a affaibli la puissance des EU au Moyen-Orient. Les interventions militaires de la Russie et de l’Iran ont joué un rôle important pour y parvenir, tout comme l’armée syrienne, nombreuse et « institutionnellement loyale » (Jack Sargeant, LSE Blog, 10 août 2020).C’est avant tout la défense populaire de l’unité nationale et d’une république laïque et religieusement tolérante qui a garanti la survie du pays face à une guerre longue et amère.
Manifestation monstre à Tel Aviv contre le gouvernement
Le puissant mouvement qui perdure en Israël contre la refonte judiciaire soulève deux questions fondamentales liées entre elles : la démocratie et l’enjeu de la coexistence de deux États – Israël et la Palestine – vivant côte à côte et en paix. Deux questions restant taboues dans la plupart des chancelleries notamment aux Éta
Au centre, debout, Itamar Ben-Gvir, le 2 novembre 2022
Les lendemains d’élections ont montré que la société israélienne est devenue en partie religieuse et en grande partie raciste[1], la haine des Arabes étant son principal carburant, sans personne pour s’y opposer...
25 novembre 2022 : Israël Benjamin Netanyahu signe son premier accord de coalition avec l'extrême droite[0]... et, un mois plus tard, présente un programme « encourageant » la colonisation en Cisjordanie[7]...
et Macron veut « renforcer les liens » entre les deux pays (en soutenant donc ce régime d'apartheid et la violation des résolutions de l'ONU)[6]...
Tandis que les élections anticipées du 1er novembre 2022 ont vu les suprémacistes juifs faire une percée historique au Parlement, un nouveau visage de l’Etat hébreu se dessine. S’il se confirme dans la composition du prochain gouvernement, il devrait imposer à ses alliés occidentaux un réexamen de leurs relations avec Israël...
Sources :A l'encontre par Gideon Levy | mis à jour le 20/07/2023
Que pensiez-vous qu’il allait se passer ? Que pensait la gauche sioniste, qui a sombré dans le coma après les Accords d’Oslo de 1994[2] ? Qu’il était possible de revenir au pouvoir en sortant du coma ? Les mains vides ? Sans alternative et sans leadership ? Sur la seule base de la haine de Netanyahou ? En dehors de cela, cette gauche sioniste n’avait rien à offrir.
Personne ne devrait être surpris par ce qui s’est passé (l’obtention d’une majorité de sièges à la Knesset – 64 sur 120 – de la coalition menée par Benyamin Netanyahou du Likoud et Itamar Ben-Gvir du Otzma Yehudit[2bis]). Il ne pouvait en être autrement. Cela a commencé avec l’occupation (en 1967) – pardonnez cette mention ennuyeuse et clichée[3] – mais c’est alors que cela a vraiment commencé.Il fallait que cela débouche sur un gouvernement ouvertement raciste et de « transfert » des Palestiniens.
Cinquante ans de propagande contre les Palestiniens et de manœuvres de terreur à leur égard ne pouvaient pas aboutir à « un gouvernement de paix ».
Cinquante ans de soutien presque total à l’occupation, de la part de la gauche et de la droite sionistes, ne pouvaient se terminer autrement qu’avec Ben-Gvir comme héros populaire[4].
Une occupation sans fin ne pouvait que conduire au gouvernement Benyamin Netanyahou-Itamar Ben-Gvir.
Car si vous devez avoir une occupation, alors vous devez embrasser sa version authentique, celle qui ne s’en gêne le moins du monde, c’est-à-dire la version Ben-Gvir.
Il était tout simplement impossible de poursuivre les illusions – Juif et démocratique, occupation éclairée, occupation temporaire – et tout ce répertoire de phrases usées. Le temps de la vérité était arrivé, et c’est ce que Netanyahou et Ben-Gvir vont nous expliquer.
Hier (2 novembre), Israël s’est réveillé à l’aube d’un nouveau jour, dans lequel tous les bavardages et les euphémismes appartiennent désormais au passé. Désormais, l’occupation n’est plus que occupation. Il en va de même pour la suprématie juive en Israël.Désormais, le sionisme est promu au rang de racisme déclaré. Hier, la mort de la ligne verte, frontière établie le 4 juin 1967, (et surnommée « mur de la honte » (par analogie avec le Mur de Berlin) ou « mur d'annexion », voire également « mur de l'Apartheid »[5], par la gauche israélienne) a également été officiellement déclarée :l’occupation est ici et partout.
Quiconque pensait que ce qui se passe à Yitzhar (colonie israélienne au sud de la ville de Naplouse) ne reste qu’à Yitzhar ne faisait que se tromper ;
Quiconque pensait que Yesha (coopérative agricole établie dans le Néguev se réclamant initialement du sionisme de gauche) est là-bas et pas ici se trompait.
Depuis longtemps, maintenant, Yesha se rapproche à grands pas d’Israël, avec son nationalisme et son fondamentalisme enracinés. Pendant toutes ces années, personne ne s’est levé pour l’arrêter.Aujourd’hui, il est trop tard. Il y a deux jours, cette dynamique s’est conclue.
Il est inutile de poursuivre, maintenant, une campagne de dénonciation. Yair Lapid a siphonné les votes travaillistes, les travaillistes n’ont pas fusionné avec le Meretz (formation dite de gauche qui ne dispose plus de sièges à la Knesset), Balad (formation nationaliste palestinienne) n’a pas rejoint la liste commune. Tous ces éléments n’auraient été que des analgésiques temporaires pour une maladie incurable. Même si tout cela ne s’était pas produit, rien du tableau général n’aurait été différent : la société qui s’est formée dans ce pays est en partie religieuse et en grande partie raciste, la haine des Arabes étant son principal carburant, et il n’y avait personne pour s’y opposer.
Ce qui s’est passé il y a deux jours n’a pas commencé il y a deux jours. Peut-être que c’est Golda Meir (première ministre de mars 1969 à juin 1974, antérieurement ministre du Travail et de la Sécurité sociale de 1949 à 1956, puis des Affaires étrangères de 1956 à 1966) qui a commencé, peut-être Shimon Peres (plusieurs fois premier ministre, entre septembre 1984 et octobre 1986, entre novembre 1995 et juin 1996), mais quoi qu’il en soit, aucun de leurs successeurs n’a essayé de faire autrement pour endiguer la marée. Avez-vous vraiment pensé que Yair Lapid (ministre des Affaires étrangères de juin 2021 à fin juin 2022, puis premier ministre dès le 1er juillet 2022), un droitier modéré et creux, rempli de bonnes intentions, était capable d’offrir une alternative à Ben-Gvir ? Quelle alternative ? Tuer en douceur ? Embrasser Emmanuel Macron (lors de sa réception à l’Elysée le 22 août 2022) ? Maintenant, Israël a décidé qu’il préférait ne pas être gentil quand il s’agit de tuer. Le prochain gouvernement évitera au moins de faire de l’esbroufe.
Pendant des années,...
une gauche et un centre à la dérive qui manquent de leadership et de courage ont désespérément essayé de se prosterner devant la droite et de lui ressembler.Il fallait que cela se termine avec Ben-Gvir et avec le nationaliste Shas (parti religieux ultraorthodoxe créé en 1984). Il n’y avait pas d’autre issue possible;
les Israéliens ont parlé du « peuple élu », de l’Holocauste après lequel tout est permis, des Arabes qui veulent nous jeter à la mer, de notre droit à la terre en raison des récits bibliques, de l’Armée de défense d’Israël (Tsahal) comme l’armée la plus morale du monde, de David contre Goliath, des Arabes israéliens comme une cinquième colonne, du monde entier qui est contre nous et du fait que quiconque nous critique est un antisémite.
Que pensions-nous qu’il ressortirait de tout cela ?Ben-Gvir, en fait, a pris son temps. Il aurait pu faire son grand tabac il y a longtemps. C’est ce qui arrive quand vous avez un Bolsonaro et pas de Lula en face de lui. C’est ce qui arrive lorsque les cris de « Mort aux Arabes », qui seront désormais répétés dans les écoles lors de la réunion matinale, n’ont pas été accueillis par un seul cri de « Liberté pour les Arabes ». C’est là que ça a commencé, c’est là que ça se termine.
[3] Une des facettes de la réalité de l’occupation est aujourd’hui décrite ainsi, y compris par un quotidien tel que 24 heures, le 1er novembre 2022. Nous ne citerons que ce passage : « Des attaques aux formes très variées, parfois coordonnées entre différentes colonies ou avant-postes, avec la police et l’armée israéliennes à proximité, comme l’a confirmé un rapport de l’ONG israélienne Breaking the Silence publié l’été dernier. Sans compter les menaces des colons armés sur les Palestiniens et le harcèlement moral et psychologique au quotidien qui les poussent à partir. »
[4] Selon le Jerusalem Post du 2 novembre, selon des sources issues d’Otzma Yehudit, la formation d’Itamar Ben-Gvir et de Bazalel Smotrich, ce dernier veut « expulser par bateau et par avion ceux qui agressent des soldats de Tsahal », autrement dit tout Palestinien manifestant une résistance quelconque à l’occupation ou à une discrimination au sein de l’Etat hébreu, tout cela présenté sous l’angle d’une « lutte contre le terrorisme ». Ben Gvir a ajouté qu’il fallait expulser Ayman Odeh, Arabe israélien, dirigeant du Parti communiste et président de la coalition électorale Liste arabe unie. Parmi ses autres cibles, on retrouve les membres d’ONG « étrangères » qui analysent la réalité israélienne et dénoncent les diverses formes de répression touchant les Palestiniens. Ben Gvir vise le ministère de l’Intérieur et un ou deux ministères liés au secteur de «la sécurité».
Au début du XXe siècle, le « Near East » et le « Middle East » apparaissent clairement distincts, l’un centré sur Istanbul et les Détroits, l’autre sur Téhéran et le golfe Persique, en relation avec l’axe stratégique qui reliait le Royaume-Uni et l’Inde britannique. Pourtant, aujourd’hui, cette distinction ne tient plus. Il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre les Balkans dans le Proche-Orient et inversement, la Turquie est considérée par tous comme une puissance du Moyen-Orient. D’où la question : comment le « Middle East » a-t-il remplacé le « Near East » ?
La ligne Berlin-Badgad. Construction d’un pont temporaire sur l’Euphrate, entre 1900 et 1910. Library of Congress/American Colony (Jerusalem).
Dans une première partie, j’ai montré comment l’Orient tel que pouvaient le concevoir les Européens au milieu du XIXe siècle, le « vaste Orient », a été progressivement divisé en trois régions définies par leur situation stratégique dans le contexte de la confrontation des impérialismes, notamment britannique et russe : le Far East, le Near East et, en dernier lieu, le Middle East.
Le bouleversement géopolitique provoqué par la première guerre mondiale a sans doute été un facteur important de cette recomposition toponymique. Les guerres balkaniques de 1912-1913 s’étaient terminées par un recul important de l’empire ottoman en Europe, voire son quasi-retrait ; mais sa défaite en 1918 provoque sa disparition totale et permet l’émergence, quoique contrariée, des pays arabes. La notion de « Near East », qui était fortement liée à la question ottomane et notamment aux Balkans, semble alors se réduire à une peau de chagrin tandis que celle de « Middle East », au contraire, s’accroît depuis que la Mésopotamie et la Palestine sont passées sous mandat britannique, ce qui est acté à San Remo en avril 1920.
Après la prise de Bagdad par les troupes britanniques en mars 1917, un nouveau pouvoir est mis en place. Si le contrôle de ce territoire est réclamé par le vice-roi des Indes, Lord Chemsford, le Cabinet met en place directement un « Mesopotamia Administration Committee ». Celui-ci est rebaptisé « Middle East Committee » en août 1917, puis « Eastern Committee » en mars 1918, signe d’une certaine instabilité conceptuelle. Tout au long de l’année 1920, on discuta de la création d’un nouveau département en charge du « Moyen-Orient ». Au début de l’année 1921, Lloyd George offrit à Winston Churchill le poste de secrétaire d’État aux colonies, avec, pour superviser la Palestine, la Transjordanie et l’Irak, un « Middle East Department ». Avant cela, Churchill avait pris soin de consulter la Royal Geographical Society, dont la Commission permanente aux noms géographiques avait décidé l’année précédente que « Near East » devait renvoyer uniquement aux Balkans et que les terres allant du Bosphore à la frontière orientale de l’Inde devaient être appelées « Middle East ». John Shuckburgh, qui travaillait auparavant à l’India Office et qui s’était occupé durant la guerre des opérations britanniques en Mésopotamie, se retrouvait à la tête de ce département. Mais on y trouvait également Thomas Edward Lawrence, dans le rôle de conseiller, en provenance, lui du bureau arabe du Cairo Intelligence Department. Les deux services, dont les approches de la région n’ont pas toujours été convergentes, étaient ainsi réunis.
Un tournant décisif dans la politique impériale
Au mois de mars de la même année se tint au Caire une conférence sur le Moyen-Orient. Si l’historiographie française a retenu l’expression « Conférence du Caire », officiellement, celle-ci s’intitulait bien « Middle East Conference ». L’événement a été largement couvert par la presse et a sans nul doute contribué à diffuser cet usage du terme. Le compte-rendu du correspondant du Times en avril 1921, sur le « futur des pays arabes » est assez révélateur de ce glissement des mots et de la politique britannique dans la région :
La formation d’un Département du Moyen-Orient marque un tournant décisif dans notre politique proche-orientale, et la conférence que M. Churchill a convoquée au Caire a dû discuter du futur de la Palestine, de la Mésopotamie, et de questions liées à l’Arabie. La position géographique de la Perse, aussi bien que sa très grande proximité avec l’Irak (Mésopotamie) donnent nécessairement à ce pays une place prééminente dans la discussion, tandis que l’opinion des musulmans indiens doit être prise en considération, car la controverse à propos du califat est très proche de la racine de quelques-unes des questions qui sont en délibération[1].
Une dizaine d’années plus tard, en 1932, la Royal Air Force (RAF) regroupa les deux centres de commandement de la région, le Middle Eastern Command, basé en Irak, et le Near Eastern Command, basé en Égypte, au profit de l’appellation Middle Eastern Command. En 1939, ce fut l’armée britannique qui opéra la fusion de ses commandements. Le général Wavell en poste au Caire contrôlait l’Égypte, le Soudan, la Palestine, la Transjordanie, Chypre, l’Irak, Aden, le Soudan et le Golfe persique. Le Moyen-Orient s’étendit vers l’ouest et le sud-ouest. Au cours de la seconde guerre mondiale, les combats conduisirent à son étirement jusqu’à la Libye, la Crète, la Grèce, les Balkans.
Pourtant, ce glissement du Moyen-Orient et son extension au détriment du Proche-Orient n’allèrent pas sans créer de malaise. Churchill, dans ses mémoires, rapporte ses doutes :
J’ai toujours senti que le nom de ‘Moyen-Orient’ pour l’Égypte, le Levant, la Syrie et la Turquie était mal choisi. C’était le Proche-Orient. La Perse et l’Irak étaient le Moyen-Orient ; l’Inde, la Birmanie et la Malaisie l’Orient ; et la Chine et le Japon l’Extrême-Orient[2].
Confusions britanniques
Le problème fut posé explicitement en 1941 lorsque Sir Francis Fremantle demanda au premier ministre s’il n’y avait pas une confusion des termes « Near East » et « Middle East ». Il n’obtint pas vraiment de réponse. En 1942, Churchill essaya de modifier le commandement militaire du Moyen-Orient en le divisant : l’Égypte, la Palestine et la Syrie seraient devenues le Near East Command, basé au Caire ; la Perse et l’Irak seraient devenues le nouveau Middle East Command, basé à Bassora ou à Bagdad. Mais si le War Cabinet (cabinet de guerre) accepta la division, il refusa le changement de nom : le Middle East Command resta au Caire pour éviter les confusions.
Le 29 juin 1941, Oliver Lyttelton fut nommé ministre d’État pour le Moyen-Orient, avec un siège au cabinet de guerre. Il eut en charge de guider sur le plan politique les commandants en chef en poste dans la région et de coordonner les représentants britanniques en Égypte, au Soudan, en Palestine, en Transjordanie, en Irak, en Éthiopie, en Somalie britannique, en Érythrée, en Somalie italienne, à Chypre, dans les États du Levant, et plus tard à Malte, à Aden et au Yémen. Il arriva au Caire le 5 juillet 1941.
Le problème de toponyme se posa de nouveau à la fin de la seconde guerre mondiale. Au Royaume-Uni, le 16 avril 1946, le major Symonds demanda au premier ministre Clement Attlee s’il avait l’intention de continuer à utiliser le terme de « Middle East » pour désigner des aires géographiques qui par le passé avaient été appelées « Near » et « Middle East ». Attlee répondit que la pratique était désormais d’appeler « Middle East » « le monde arabe et certains pays voisins » et qu’il ne voyait pas de raison de la changer. Aux États-Unis, le 25 juillet 1946, un officier demanda au secrétariat d’État aux affaires étrangères quels étaient les pays inclus par le nom de « Near East ». Ernest Davies, le sous-secrétaire d’État, répondit que le terme de « Near East », qui était lié à l’empire ottoman, était désormais démodé et qu’il était remplacé par celui de « Middle East ». Il incluait l’Égypte, la Turquie, l’Irak, la Perse, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Palestine, l’Arabie saoudite, les Émirats du Golfe, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, Aden et le Yémen. En 1948, lorsque fut créée à l’ONU, à l’initiative de l’Égypte, une Commission économique pour le Moyen-Orient, le terme ne sembla pas faire problème. Son action s’étendit sur une aire très vaste et englobait des pays qui n’étaient ni arabes ni musulmans : l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Yémen, l’Égypte, l’Éthiopie, la Grèce. La notion de Near East ne désignait plus dès lors que la partie méditerranéenne du Moyen-Orient. Elle avait été subsumée par celle de Middle East.
La prédominance accordée à la notion de Middle East à partir des années 1920 et renforcée par la seconde guerre mondiale, est un événement métagéographique dans la mesure où il y a modification assez rapide des cadres de perception et de dénomination de l’espace, mais c’est un événement qui s’inscrit dans une transformation des structures économiques, culturelles et politiques du monde depuis la fin du XVe siècle. C’est le point d’aboutissement d’un processus pluriséculaire et non un simple caprice de l’histoire, ou d’un quelconque stratège. Cependant on fera ici l’hypothèse, non contradictoire avec les précédentes, que si les deux notions de Near East et de Middle East ont été rapprochées, c’est que l’espace même a été modifié dans ses structures par le progrès des moyens de transport et de communication.
Succès mitigé pour le transport par bateau à vapeur
L’importance de l’axe reliant le Royaume-Uni à l’Inde explique que dès l’apparition des premiers bateaux à vapeur maritimes au début du XIXe siècle, des expériences ont été faites pour réduire la durée du trajet entre l’Angleterre et l’Inde. Au début des années 1920, le courrier de la Cour des directeurs de l’East India Company à Londres au gouverneur général à Calcutta prenait généralement de cinq à huit mois par le Cap de Bonne-Espérance. Le premier bateau à vapeur à être parvenu en Inde fut l’Enterprize, en 1825, au bout de quatre mois et avec difficulté. Un deuxième, le Falcon, parti quelques semaines plus tard, y parvint également après quatre mois, mais essentiellement à la voile. Malgré cet échec, tout relatif, l’enthousiasme pour ce nouveau mode de transport ne retomba pas. Dans les années 1830, des pétitions rédigées à Bombay, à Calcutta, à Madras furent envoyées au Parlement britannique ; un comité de lobbying, the London Committee for Establishing Steam Communication with India via the Red Sea est créé pour faire pression sur les autorités.
Cependant la mer Rouge n’était pas la seule route envisagée. En septembre 1828, le premier ministre, le duc de Wellington, nomma président de l’India Board Lord Ellenborough, qui avait vanté les mérites d’une communication par bateau à vapeur avec l’Inde par la mer Rouge et qui, une fois en poste, chargea Thomas L. Peacock de rédiger un rapport sur la question. Ce dernier soumit un Memorandum respecting the Application of Steam Navigation to the Internal Land External Communications of India à Lord Ellenborough en septembre 1929. Il distinguait trois routes entre l’Angleterre et l’Inde : la route océanique qui contourne le Cap de Bonne-Espérance, la route qui coupe par l’Égypte (Alexandrie, le Nil, etc.), et une nouvelle route, pour la première fois proposée par Peacock, à travers la Syrie et l’Irak, par l’Euphrate.
Comme Peacock le soulignait, la route par l’Égypte et la mer Rouge avait déjà été proposée en 1823 et en 1826, mais les réticences étaient fortes de la part de l’East India Company en raison des difficultés à naviguer en mer Rouge (récifs, vents contraires durant la moitié de l’année) et à cause de la mousson, qui aurait obligé à faire un long détour par l’équateur. Peacock examina aussi la possibilité de construire un canal entre la mer Rouge et la Méditerranée, mais les ingénieurs français de l’expédition de Bonaparte avaient mesuré une dénivellation trop importante entre les deux mers. La troisième possibilité, nouvelle, aurait été de faire naviguer des bateaux à vapeur sur l’Euphrate, comme sur le Mississippi. Peacock rappela que Trajan avait fait descendre l’Euphrate à son armée jusqu’à Babylone et que l’expansion russe dans le Caucase (annexion de la Géorgie en 1801 et de l’Arménie en 1828) faisait peser une menace importante sur cet espace stratégique. Avant de s’en retirer, une armée russe s’était avancée jusqu’à Erzurum. Le 21 décembre 1829, Ellenborough envoya le mémorandum de Peacock au Duc de Wellington. En mars 1830, l’East India Company demanda une étude sur la possibilité d’emprunter les routes par la mer Rouge et par l’Euphrate.
La première mission de reconnaissance, menée par William Bowater en août 1830, tourna court. Les membres de l’expédition furent attaqués par des Yézidis et presque tous tués. Cependant, peu de temps auparavant, en mai 1830, Francis Chesney, alors au Caire, s’était proposé pour faire cette reconnaissance. Il commença par étudier l’isthme de Suez et corrigea l’erreur des ingénieurs français sur la différence de niveau entre la mer Rouge et la mer Méditerranée, concluant qu’un canal pouvait être construit, ce qui lui vaudra d’être reconnue par Ferdinand de Lesseps comme « le père du canal ». Ensuite, de décembre 1830 à janvier 1831, Chesney descendit l’Euphrate, de Anah jusqu’à Bagdad, sur un radeau traditionnel (kelek), ce qui le convainquit de monter une expédition plus importante. Durant l’été 1836, deux navires à aube, l’Euphrates et le Tigris, furent acheminés en pièces détachées de l’embouchure de l’Oronte jusque sur les bords de l’Euphrate, où ils furent montés et mis à l’eau. La descente de l’Euphrate avait été préparée par l’installation de stocks de charbon à Deir ez-Zor et à Anah, et par la signature d’entente avec les tribus arabes. L’expédition descendit l’Euphrate jusqu’au Golfe malgré le naufrage du Tigris et la mort d’une vingtaine de personnes dans une tempête de sable en aval de Deir ez-Zor. Ce fut un succès mitigé. Aucun service fluvial ne fut ouvert.
Puisque l’Euphrate n’était plus considéré comme navigable, un chemin de fer longeant la rivière apparut alors comme la meilleure solution de rechange. Vers 1840, l’Euphrates Valley Railway fut le premier schéma proposé. Entre 1840 et 1856, de nombreux arguments furent utilisés en sa faveur, mais ce fut un échec.
Trente mille kilomètres de câbles télégraphiques
La rapidité du transport du courrier et des informations entre l’Inde et l’Angleterre étant toujours préoccupante au milieu du XIXe siècle, l’importance d’établir une ligne télégraphique fut reconnue dès le début des années 1850, avant même la révolte des Cipayes de 1857-1858. L’Electric Telegraph Department in India mit en service les premières lignes télégraphiques publiques indiennes en 1855 et dès 1859 la décision de relier l’Inde à l’Angleterre fut prise. En 1860, un premier câble fut tiré entre Suez et Karachi, par la mer Rouge. Mais il s’abîma très vite et la réparation, trop coûteuse, fut abandonnée. En 1862, une nouvelle institution fut créée, l’Indo-European Telegraph Department. Le projet consistait à mettre en place une ligne télégraphique entre Karachi et Al Faou, à l’extrémité du golfe Persique. Le télégraphe indien serait ensuite relié au système télégraphique ottoman, connecté aux lignes européennes par Istanbul. En 1864, le câble sous-marin entre Al Faou et Karachi fut posé ; en 1865, une ligne fut tirée entre Al Faou, Bassora et Bagdad. Dès lors, un message télégraphique put être envoyé en Inde en vingt-quatre heures.
Cependant, ceci ne profitait pas seulement à l’empire britannique. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, près de 30 000 kilomètres de câbles télégraphiques ont été installés à travers tout l’empire ottoman. Le télégraphe, outil de communication, renforçait l’autorité centrale.
Le câble télégraphique du golfe Persique (Harris 1969)
Un train à travers l’« Arabie turque »
En 1869, le canal de Suez fut inauguré, permettant une communication directe entre la mer Méditerranée et l’océan Indien, sans faire le long détour par le Cap de Bonne-Espérance. Toutefois, même après cela, on continua de penser que l’ouverture d’une route alternative à travers l’« Arabie turque » offrirait des avantages commerciaux et politiques immenses en donnant une façade méditerranéenne à l’Irak et à la Perse. D’autres projets de chemin de fer furent donc imaginés pour traverser le désert. Il y eut deux écoles : ceux qui voulaient un chemin de fer à travers tout l’empire ottoman et ceux qui pensaient que la route à travers le nord de la Mésopotamie était la meilleure voie. Les Turcs en 1873 discutaient la possibilité d’un chemin à travers le « Petit Désert », de Homs à Palmyre, et de là jusqu’à Deir ez-Zor. Les hommes politiques et les ingénieurs britanniques, quant à eux, concentrèrent leur attention sur le « Grand Désert », c’est-à-dire au sud de la ligne Damas-Bagdad.
Trois solutions furent proposées. Dès 1878, il fut suggéré qu’un chemin de fer traversât la Palestine de Haïfa, ou Akka, à Salkhad dans le Djebel druze, puis de là à Al-Jawf à travers le Wadi Sirhan, et d’Al-Jawf jusqu’au Koweït avec un embranchement vers Bassora. Une seconde proposition fut de construire un chemin de fer de Salkhad jusqu’à Bassora directement. Une troisième proposition fut suggérée par C. E. Drummond Black en 1908 : un chemin de fer depuis Port-Saïd jusqu’à Bassora via Akaba et Al-Jawf. Mais ce fut finalement l’Allemagne qui obtint la concession du fameux Berlin-Bagdad, même si la guerre empêcha sa totale réalisation.
Les chemins de fer d’Asie mineure (Augé 1917)
Toutefois, le tracé de celui-ci ne fit que contourner l’entre-deux syro-irakien et la mainmise britannique sur les mandats palestinien et irakien à la fin de la première guerre mondiale relança les discussions sur son franchissement. Mais aucune liaison ferroviaire ne sera établie à travers le désert syrien : l’époque était désormais à la voiture.
Enfin vint l’automobile
En 1919, un convoi de dix Ford tenta de traverser le désert de la Syrie à l’Euphrate, mais six voitures durent être abandonnées en cours de route et une seule atteignit Deir ez-Zor en bon état. D’autres tentatives furent faites, notamment par des contrebandiers qui, au lendemain de la première guerre mondiale, cherchaient à faire passer en Irak l’or abandonné en Syrie par les troupes turques et allemandes. Dénoncés, les premiers furent rattrapés par un avion et obligés de rebrousser chemin.
En 1922, le cheikh Mohammed Ibn Bassam, chef de l’importante tribu des Rouala, qui était impliqué dans le trafic d’or entre Damas et Bagdad, fit transiter une cargaison d’or dans deux voitures de Damas à Deir ez-Zor, et de là en bateau jusqu’à Bagdad ; les voitures revinrent chargées d’autres marchandises de contrebande. Quelque temps après, un Français établi en Syrie renouvela discrètement la tentative et atteignit directement Bagdad. Mis au courant, le consul général de France à Bagdad s’arrangea pour faire le voyage de retour avec cet audacieux. Leur voiture ne mit que vingt heures à accomplir le trajet entre la capitale de l’Irak et Damas (janvier 1923). Suite à cela, le consul britannique de Damas proposa aux frères Nairn de tenter une traversée du désert entre Damas et Bagdad. Norman et Gerald Nairn étaient deux Néo-Zélandais ayant servi au Proche-Orient durant la première guerre mondiale et qui, après leur démobilisation en Palestine, se lancèrent dans le service de transport et créèrent la Nairn Transport Company of Palestine and Syria.
En avril 1923, Norman Nairn, le consul britannique à Damas, un riche marchand syrien, le consul à Beyrouth et quelques intéressés se lancèrent dans la traversée, par Rutba. Ce fut un succès. En mai 1923, M. de Littinière, inspecteur des travaux publics de l’État de Damas, parcourut la piste et en résuma les caractéristiques. À la fin de l’été, les frères Nairn organisèrent sur ces données un service régulier de transports automobiles de Caïfa (Palestine) à Bagdad ; mais le général Weygand, haut-commissaire de la République française en Syrie, les amena aussitôt à établir la tête de ligne de son service (Overland Desert Route) à Beyrouth, de façon à orienter sur ce port tout le trafic entre Syrie, Mésopotamie et éventuellement la Perse et les Indes. Dès octobre 1923 fonctionna le Nairn Crossdesert mail service. Très vite, une foule de petites entreprises automobiles se mêlèrent de transporter des voyageurs à travers le désert.
Bus de la Nairn Cie photographié à l’aéroport de Bagdad (1935, collection personnelle)
Selon le manuel de géographie des services de renseignement de la Marine britannique consacré à la Syrie (Syria 1943), les routes qui traversaient le désert syrien étaient parfaitement adaptées aux moyens de transport modernes car la surface du désert était appropriée au passage des voitures et il n’y avait pas beaucoup d’obstacles à éviter, même s’il existait certains passages délicats, en particulier la descente des escarpements et la traversée des ouadis. Plusieurs pistes furent utilisées à partir de Damas, de Homs et d’Alep vers l’Euphrate en passant par Palmyre. Les services de bus à travers le désert se multiplièrent durant les années 1930, surtout avec l’introduction de l’air climatisé. En 1937, entre Damas et Bagdad, dans les deux sens, on a totalisé le passage de 3 320 véhicules, 23 273 passagers et 6 758 tonnes de marchandises.
Ouverture des liaisons aériennes
Parallèlement à cela, le développement de l’aéronautique conduisit à mettre en place rapidement de nouvelles liaisons aériennes, au départ à l’initiative des militaires.
Les routes aériennes du monde (Sykes 1920)
À la conférence du Caire de mars 1921, il fut décidé que la RAF ouvrirait un service régulier entre Le Caire et Bagdad. Le repérage au sol fut confié au major Holt. Pour aider les aviateurs à ne pas se perdre, une immense flèche fut tracée dans le sol par un tracteur. La ligne Le Caire-Bagdad fut ouverte dès l’été 1921 et en octobre un arrangement fut trouvé pour transporter du courrier civil. En septembre 1921, le Times s’enthousiasmait : un officier de la RAF avait fait le voyage de Bagdad à Alexandrie en seulement deux jours, avec une escale à Amman. À la fin du mois de mars 1929, Imperial Airways Ltd. ouvrit entre l’Angleterre et l’Inde un service postal et un service passager avec un vol inaugural de Croydon à Karachi. Celui-ci emprunta la route du désert de la RAF, qui dès lors devint un maillon de la chaîne impériale.
Premier vol vers Karachi, à travers le désert de Syrie
En 1929, la compagnie française Air Orient ouvrit un service hebdomadaire entre Marseille et Beyrouth ; l’année suivante, celui-ci fut prolongé jusqu’à Bagdad via Damas. Enfin, en 1931, un service régulier France-Indochine entre Marseille et Saigon fut établi, incorporant la route du désert Damas-Rutba-Bagdad. La même année, ce fut la Compagnie Royale d’Aviation (KLM) néerlandaise qui inaugura un autre service postal et passager entre les Pays-Bas et Java via l’Égypte, Gaza, Amman, Rutba et Bagdad. À la fin des années 1930, l’entre-deux syro-irakien semble ainsi avoir pour ainsi dire disparu :
Le fait significatif aujourd’hui est la facilité avec laquelle on peut traverser le désert syrien. La sécurité et la brièveté de cette traversée font aussi que le voyageur d’aujourd’hui peut avoir le sentiment que le légendaire ‘tapis volant’ s’est miraculeusement matérialisé. La Mésopotamie est maintenant à un jour de la Méditerranée au lieu d’en être séparée par plusieurs semaines de voyage en caravane[3].
Le développement des liaisons aériennes internationales apparaissait alors comme la clef de l’avenir des pays de la région : le Moyen-Orient pouvait être vu comme « le pivot [the hub] de l’Ancien Monde »[4]
Le Moyen-Orient, hub de l’Ancien Monde (Glubb 1957)
Les deux rives du désert syro-irakien
En 1941, à la suite du coup d’État de Rachid Ali le 3 avril et à son ralliement à l’Allemagne nazie, une attaque britannique fut menée par une colonne de 750 hommes à partir de la Palestine à travers le désert de Syrie. Le 1er juin, les Britanniques pénétrèrent dans Bagdad. Dans The Golden Carpet, Somerset de Chair a laissé de cette expédition un récit épique :
Lorsque le sable lourd du Désert de Libye retombera sur les gourbis de Tobrouk et de Benghazi, émergera l’histoire glorieuse d’une petite armée qui a marché des rivages de la Méditerranée jusqu’à l’Euphrate à travers un désert aride qu’aucune armée de conquête n’avait jamais traversé de par le passé, et qui a porté son coup jusque sur les rives du Tigre en prenant Bagdad et en entrant dans la ville des Califes.[5]
C’est passer sous silence les transformations radicales qui se sont opérées durant les décennies précédentes et qui ont considérablement rapproché les deux rives du désert syro-irakien.
L’amenuisement de l’entre-deux syro-mésopotamien s’est traduit dès la fin de la deuxième guerre mondiale par le développement d’une idée qui auparavant aurait paru incongrue : l’union des deux royaumes hachémites de Jordanie et d’Irak. Trois fois cette idée revient sur le devant de la scène à partir de 1946. Le 14 avril 1947, à l’initiative du roi Abdallah, l’Irak et la Jordanie signent un « traité de fraternité et d’alliance » qui demeure toutefois une coquille vide. En 1951, ce sont les Irakiens Nuri Al-Said et Salih Jabr qui se rapprochent de la Jordanie à l’occasion de l’assassinat du roi Abdallah le 20 juillet, mais ils buttent sur le refus de Talal Ben Abdallah intronisé en septembre et du nouveau gouvernement élu en octobre. Enfin, en réponse à la formation de la République arabe unie (RAU) égypto-syrienne, l’Irak et la Jordanie proclament en 1958 la création d’une Fédération arabe. Le coup d’État irakien du 14 juillet 1958 y mettra fin.
Notes :
[1] « Future of Arab Lands », Times, 5 avril 1921 ; p. 9.
[2] Winston Churchill, The Hinge of Fate, Houghton Mifflin, Boston, 1950 ; p. 460 (cité par Davidson 1960).
[3] Christina P. Grant, The Syrian Desert. Caravans, Travel and Exploration, Black LTD, Londres, 1937 ; p. 295.
[4] John Bagot Glubb, A Soldier with the Arabs, Hodder and Stoughton, Londres, 1957 ; p. 19.
[5] Somerset De Chair, The Golden Carpet, New York, 1945 ; p. 5.