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24 novembre 2024 7 24 /11 /novembre /2024 16:59
Sliman Mansour, 2021.

Sliman Mansour, 2021.

Sources : Mona Chollet |

- « Tu es restée bien silencieuse le 7 octobre. »
Quelques semaines après l’attaque du Hamas contre des soldats et des civils israéliens, il y a un an, une de mes connaissances racontait sur Facebook avoir reçu ce message d’une amie. Je n’ai pas échappé non plus à ce flicage de l’expression de la sympathie pour les victimes israéliennes, la mienne ayant été jugée trop tardive. Horrifiée, je l’étais ; mais j’étais aussi tétanisée, et désespérée.

 

🔴 Tétanisée, parce que je voyais combien le choc provoqué par le massacre du Hamas était immédiatement instrumentalisé, y compris par une surenchère d’allégations mensongères « bébés décapités », « femme enceinte éventrée », « bébé placé dans un four », afin de mieux exciter la soif de vengeance. Il a été utilisé pour justifier les bombardements sur Gaza, qui ont commencé dès le 7 octobre, puis ce qui n’allait pas tarder à devenir le génocide du peuple palestinien. Israël a « transformé le traumatisme en arme de guerre », comme Naomi Klein vient de le décrire dans un article époustouflant [0].

 

🔴 Et désespérée, parce que je comprenais brusquement une chose : la justice pour les Palestiniens, que ne cessaient d’attendre – sans doute naïvement – toutes les personnes qui, comme moi, suivent avec attention la situation en Israël-Palestine depuis trente ans ou plus, cette justice ne viendrait jamais.

  • Les bombardements sur Gaza et la décimation de familles entières, en particulier en 2008-2009 et en 2014[1] ;
Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste
  • La répression de la Grande marche du retour, en 2018, au cours de laquelle les snipers israéliens, en plus de tuer 223 manifestants, ont pulvérisé des rotules à la chaîne ;
  • le meurtre d’Ahmad Erekat[1bis], en 2020, et tant d’autres exécutions sommaires ;
  • l’assassinat de la journaliste Shireen Abu-Akleh, en mai 2022, puis l’attaque de son convoi funéraire par la police israélienne, qui a presque renversé son cercueil (Abu-Akleh était chrétienne) [2] ;
  • Nora Sub Laban expulsée de sa maison de famille à Jérusalem, en juillet 2023, après des années de bataille judiciaire, et l’emménagement immédiat de colons qui ont jeté les meubles dans la rue et accroché des drapeaux israéliens aux fenêtres...

rien de tout cela – pour ne citer que quelques faits marquants – n’avait ému l’opinion ou la classe politique.

 

 

- Absente au cours des années précédentes, l’émotion du grand public a déferlé comme une vague le 7 octobre, puis elle a aussitôt reflué, alors que la descente aux enfers définitive des Palestiniens commençait.

Que l’humanité et la sacralité de la vie ne soient accordées, sur un même territoire, qu’à une partie de la population est un scandale qui n’en finit plus de me bouleverser. Le découpage minutieux par lequel les médias et les dirigeants occidentaux distinguent les victimes dignes d’être pleurées de celles qui ne méritent pas une seconde d’attention me fait penser à ces vieilles photos de l’URSS sur lesquelles la censure effaçait soigneusement les contours des dignitaires tombés en disgrâce.

 

C’est d’autant plus révoltant que cela brouille totalement la réalité du rapport de forces. On en vient à avoir l’impression que ce ne sont pas les Palestiniens qui sont sous la botte, opprimés, dépossédés, expulsés et tués depuis des décennies, mais les Israéliens. Une amie qui a fait ses études en Allemagne me racontait qu’une autre étudiante lui avait un jour dit très sérieusement : « Tout de même, les Palestiniens ont envahi Israël. » D’où, aussi, les comparaisons aberrantes entre Israël et l’Ukraine – alors qu’Israël est dans le rôle de la Russie (à cette différence près que la Palestine, territoire occupé et morcelé, n’est pas un État souverain comme l’Ukraine).

 

Depuis un an, celles et ceux qui continuent de suivre la situation en Palestine, essentiellement à travers les journalistes palestiniens présents sur les réseaux sociaux, voient tous les jours des images qui leur retournent l’estomac. Tous les jours, tous les jours, tous les jours :

  • les immeubles pulvérisés ;
  • les enfants blessés allongés sur le sol d’un hôpital ;
  • les corps vivants ou morts coincés sous les décombres ;
  • les blessés dont les bras ou les jambes pendent, presque détachés du reste de leur corps ;
  • les cadavres alignés dans des linceuls, les proches hagards de douleur ;
  • les cohortes d’estropiés [3] ;
  • la jubilation mauvaise des soldats israéliens pillant et saccageant les intérieurs de familles déplacées ou tuées ;
Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement
  • les enfants agonisants, squelettiques, en raison du blocus sur la nourriture et l’eau annoncé par le ministre de la défense israélien Yoav Gallant dès le 9 octobre 2023. Je reste aussi hantée par les images, vues à deux reprises, d’enfants au visage intact, mais à la boîte crânienne explosée, béante, complètement vide.
  • Et enfin, ce matin, les images insoutenables de Palestiniens prisonniers des flammes[3bis] après le bombardement d’abris de fortune installés dans la cour de l’hôpital Al-Aqsa.

 

 

- Au cours de l’année écoulée, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine

▶️ En octobre, le journaliste Wael Al-Dahdouh apprenait en direct, pendant qu’il travaillait, la mort de sa femme et de deux de ses enfants (en décembre, il a vu son cameraman, Samer Abu Daqqa, mourir à ses côtés, puis, en janvier, il a perdu un autre fils, Hamza Al-Dahdouh, également journaliste).

 

▶️ En novembre, il y a eu la vieille femme tuée par un sniper alors qu’elle tenait la main de son petit-fils, le petit Taim Abd Al-Aati, qui agitait un drapeau blanc. Ce même mois, les cadavres décomposés des bébés prématurés de l’hôpital Al-Nasr, que le personnel a été forcé d’abandonner dans leurs couveuses par l’armée israélienne.

 

▶️ En janvier, le meurtre de Hind Rajab, six ans, qui a vu les siens mourir autour d’elle quand leur voiture a été prise pour cible par un char, et qui a supplié les secours de venir la sauver avant d’être à son tour tuée, de même que deux ambulanciers qui tentaient de l’atteindre. (En avril, les étudiants de l’université Columbia à New York, qui occupaient leur campus, ont renommé le Hamilton Hall « Hind’s Hall » en son honneur ; c’est également le titre que le rappeur américain Macklemore a donné à sa chanson en soutien au mouvement étudiant pour la Palestine.)

 

▶️ En février, le corps de Sidra Hassouna, petite fille de sept ans, accroché au mur sur lequel il avait été projeté par la déflagration. Le « massacre de la farine », quand l’armée israélienne a ouvert le feu sur les Palestiniens affamés par le blocus qui se pressaient autour d’un convoi d’aide alimentaire, tuant au moins 118 d’entre eux. À l’hôpital Nasser, un prisonnier, Jamal Abu Al-Ola, envoyé par les soldats, les mains liées, pour dire aux patients et au personnel d’évacuer, puis abattu sous les yeux de sa mère.

 

▶️ En mars, Razan Muneer Arafat, onze ans, dans un fauteuil roulant, pleurant à chaudes larmes ses jambes perdues.

 

▶️ En mai, le cadavre sans tête d’Ahmad Al-Najar, dix-huit mois, décapité quand l’armée israélienne a bombardé des tentes de personnes déplacées à Rafah, faisant quarante-cinq victimes, la plupart brûlées vives.

 

▶️ En juin, le massacre de Nuseirat, lorsque des soldats israéliens ont tué plus de 270 civils palestiniens pour libérer quatre otages – une opération fêtée comme un « grand succès » dans les chancelleries et les médias occidentaux.

 

▶️ En juillet, Muhammed Bhar, jeune homme atteint du syndrome de Down, déchiqueté par un chien de l’armée ; les soldats l’ont laissé agoniser, en empêchant ses proches de lui porter secours.

 

▶️ En août, le journaliste Ismail Al-Ghoul, dans sa voiture visée par un tir de drone, vêtu de son gilet « presse », la tête arrachée – tué avec son cameraman Rami Al-Rifi, ce qui portait alors à 165 le nombre de journalistes tués à Gaza en moins d’un an.

Investigating war crimes in Gaza I Al Jazeera Investigations

 

▶️ En septembre, un fœtus sanguinolent tiré des décombres d’un immeuble. Un père embrassant le pied arraché de sa petite fille – tout ce qu’il restait de son corps. Un soldat rigolard fumant une cigarette tandis qu’une mosquée brûle dans son dos. Une effarante accumulation de crimes de guerre, qu’Al-Jazeera a tenté de répertorier dans un documentaire récent [4].

 

🔴 Au cours de l’année écoulée, selon les calculs de Joseph Confavreux dans un article de Mediapart, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine[5]. Et pourtant… Rien de tout cela ne semble s’être imprimé dans les esprits des gens autour de nous – pas plus que tout ce qui a précédé ne s’y était imprimé. Pour tout le monde, seul existe le massacre du 7 octobre en Israël.

 

Cette insensibilité explique la grossièreté de ces intervieweurs occidentaux qui reçoivent des Palestiniens endeuillés, ayant perdu plusieurs membres de leur famille (parfois des dizaines), et qui leur lancent d’un seul souffle : « Toutes mes condoléances, est-ce que vous condamnez le meurtre de civils par le Hamas ? ».

Un sommet d’obscénité a été atteint ce 7 octobre avec l’interview sur BFMTV du journaliste Rami Abou Jamous, qui témoigne chaque semaine sur Orient XXI de l’enfer qu’est devenu Gaza. Il n’a été interrogé que sur le Hamas et le 7 octobre[6]. On parle d’un homme épuisé et traumatisé, dont – pour ne citer qu’un exemple – la belle-sœur a été grièvement blessée par un quadricoptère (un petit drone) qui l’a poursuivie jusque sous sa tente de déplacée[7].

 

 

- Arwa Mahdawi : « Les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable »
Au fil des mois, déjà, on avait pu mesurer l’ampleur du « deux poids, deux mesures ». Les massacres, les viols[8] : au vu de l’indignation générale soulevée, à juste titre, quand des Israélien·nes en ont été victimes, on avait pu en déduire, naïvement, que ces crimes étaient condamnables en eux-mêmes. Mais l’indifférence, voire l’approbation, rencontrées quand des Palestinien·nes en sont victimes à leur tour nous force à en déduire que ce qui est réellement terrifiant, ce n’est pas d’être violé·e, décapité·e, massacré·e : c’est de l’être par des Arabes. Les mêmes personnes qui s’étranglaient d’indignation à l’idée que le Hamas se soit attaqué à des civils reprennent sans sourciller la rhétorique raciste des « boucliers humains » ou des « victimes collatérales » concernant les morts palestiniens.

 

Des témoignages de viols au moyen de barres de métal brûlantes et d’autres objets émanent de la prison israélienne de Sde Teiman - information enterrée tout à la fin d’un article du New York Times [9]. Pourtant, quand, fin juillet, dix soldats ont été arrêtés pour avoir violé en réunion un prisonnier – lequel a été hospitalisé –, viol dont la vidéo a fuité, des manifestants d’extrême droite, parmi lesquels des ministres, ont pris d’assaut la prison pour les faire libérer.

  • Le ministre Itamar Ben-Gvir a clamé que tout était permis, même le viol, face à l’ennemi palestinien.
  • Son collègue Bezalel Smotrich a exigé une enquête, non pas sur le viol lui-même, mais sur la fuite de la vidéo.
  • Les soldats ont finalement été libérés, et l’un d’eux a été invité sur les plateaux de télévision pour se défendre [10].

 

L’idée selon laquelle les crimes du 7 octobre justifient une vengeance aveugle, cruelle, sans limite, sur toute une population (soit exactement ce qui était condamnable dans l’attaque du 7 octobre elle-même), a normalisé les discours sanguinaires, voire génocidaires. La Une jubilante du New York Post après l’attaque des bipeurs au Liban, alors que cette attaque a fait des milliers de victimes civiles, qui ont eu des bras, des yeux arrachés, au point que les hôpitaux libanais ont été débordés par l’afflux des blessés, l’illustre bien. De même que la décomplexion des appels au meurtre sur les plateaux de télévision français. « Qu’ils crèvent tous. Israël fait le travail de l’humanité ici », a par exemple osé déclarer Louis Sarkozy sur LCI le 26 septembre[10bis].

 

🔴 « Nous, Palestiniens, n’avons pas le droit d’ouvrir nos bouches sans que quelqu’un nous demande de dénoncer la violence et de condamner le Hamas. Puis on nous ordonne de la fermer et de rester silencieux tandis que les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable », écrit la journaliste palestinienne-américaine Arwa Mahdawi[11].

 

 

- Lina Mounzer : « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ” »
Une analyse de la presse américaine publiée par le média indépendant The Intercept en janvier dernier a montré que des termes chargés d’émotion, comme « massacre » ou « horrible », étaient réservés aux victimes israéliennes[12]. On observe le même phénomène dans la presse française, par exemple avec ce titre du Monde : « 7 octobre 2023 : une journée atroce, une année tragique » (5 octobre 2024 ; c’est moi qui souligne). L’atrocité, ce sont les crimes du Hamas, et eux seuls ; ce qui a suivi est simplement « tragique » – autrement dit : ce n’est réellement la faute de personne. L’analyse de The Intercept mettait aussi en lumière la façon dont les journaux américains multiplient les contorsions pour éviter de nommer le perpétrateur israélien, ce qui produit des titres en forme de haïkus étranges, dont l’insurpassable et énigmatique « Lives ended in Gaza[12bis] » – « Des vies ont pris fin à Gaza » –, dans le New York Times (2 mars 2024).

 

Ancienne responsable du bureau du New York Times à Jérusalem, Jodi Rudoren assume ce choix lexical : « Il y a eu un massacre le 7 octobre. Des atrocités ont été commises. Elles étaient barbares. La réponse a été… intense [sic], elle a impliqué beaucoup de mort, de destruction et de déplacement, mais je ne suis pas sûre que “massacre”, “atrocités” et “barbare” soient des termes appropriés, en tout cas pas pour la guerre dans son ensemble (…). Vous parlez de deux choses très différentes, qui nécessitent des adjectifs différents[13]. » Je l’avoue, ces mots, et la décontraction avec laquelle ils sont prononcés, me donnent envie de hurler.

 

🔴 Le post du dessinateur libanais Mazen Kerbaj (ci-dessous 👇) traduit, je crois, l’état d’esprit de beaucoup.

 

Dans un article brillant, l’autrice libanaise Lina Mounzer a parfaitement décrit le désespoir que l’on peut ressentir devant ces yeux qu’aucune souffrance palestinienne ou libanaise ne semble assez grande pour dessiller. « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ”, écrit-elle. Les corps de nos hommes ne sont pas les poitrines bien-aimées contre lesquelles nous nous appuyons, ni les mains que nous tenions ou par lesquelles nous étions tenus, ni les bras forts qui nous portaient, ni les lèvres douces qui nous embrassaient pour nous souhaiter une bonne nuit. Ce sont des “ suspects ”, des “ militants ”, des “ terroristes ”, et leur mort est toujours justifiable parce qu’ils sont des hommes et nos hommes sont mauvais, et c’est comme ça que ça a toujours été, c’est comme ça que nous avons toujours été pour eux.[14] »

 

Elle observe : « L’Occident cherche à préserver l’image de sa propre humanité en effaçant complètement la nôtre. Comment peuvent-ils être coupables de meurtre si ceux qu’ils tuent ne sont que des “ terroristes ” ou des “ animaux humains ” ? En fait, non seulement ils ne sont pas coupables de meurtre, mais ils sont des héros qui nettoient le monde. Je ne sais pas quel langage il est possible d’employer avec des gens qui ne vous verront jamais comme un être humain. Qui entendront toujours un animal braire lorsque vous parlez.[14] »

Répression : Yannis Arab, historien et soutien de la Palestine, perquisitionné et arrêté à son domicile

 

Le soutien massif à Israël dans un paysage politique et médiatique français qui penche de plus en plus nettement vers l’extrême droite – une évolution très loin de se cantonner aux médias Bolloré – n’a guère de quoi étonner. Nous avons globalement quitté la normalité (si relative qu’elle ait pu être) : il faut rappeler que, depuis quelques mois, nous ne vivons plus en démocratie. Cela implique de s’exposer à quelques désagréments quand on a la mauvaise idée de vouloir plaider la cause des Palestiniens. Dernier cas en date : celui de Yannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, arrêté et perquisitionné par la gendarmerie le 8 octobre pour « apologie du terrorisme[14bis] ».

 

Pour ma part, j’y suis résignée. Ce que peuvent penser de moi des gens qui défendent un génocide m’est complètement indifférent. Ma seule préoccupation est désormais de ne pas décevoir ou trahir celles et ceux – chrétien·nes, juif·ves, musulman·es, athées ou croyant·es – dont je partage la sensibilité sur ce sujet. Comme l’écrit encore Lina Mounzer, le niveau de violence mis en œuvre par Israël dès octobre 2023 était « si bouleversant qu’il a immédiatement divisé le monde en deux : entre ceux qui savaient ce qui se passait et ceux qui le niaient ».

 

 

- Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine »
Ce qui est réellement douloureux, cependant, c’est de se heurter aux mêmes préjugés, au même hermétisme, chez des journalistes et des personnalités de gauche, dont on se sent politiquement proche, que l’on estime, avec qui l’on est par ailleurs d’accord sur à peu près tout. Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine ».

 

Ainsi, dans une interview à Télérama, en avril, à l’occasion de la publication de son livre sur le choc du 7 octobre, l’avocat Arié Alimi expédiait en quatre lignes la question des agissements de l’armée israélienne à Gaza : « Soyons clairs, je suis aussi révolté par une forme d’insensibilité à ce qui est en train de se passer à Gaza ; par le fait qu’aujourd’hui, il y a un risque plausible de génocide – et de plus en plus de traces laissent penser qu’un jour cette qualification sera retenue [15][15bis]. » Pardon, mais si on pense sincèrement qu’un génocide risque de se dérouler, cela ne justifierait-il pas d’en faire son sujet principal ?

 

De même, plus récemment, dans sa critique du livre remarquable de Didier Fassin, Une étrange défaite, qu’elle disqualifie d’un « Bof », Valérie Lehoux reproche à l’auteur d’user de procédés malhonnêtes pour « mieux affirmer que le drame gazaoui est un génocide – il est tout à fait possible que la justice le reconnaisse un jour comme tel – qu’il est honteux de ne pas arrêter ». Elle aussi admet donc l’hypothèse d’un génocide… mais, à nouveau, entre tirets, sans en tirer aucune conséquence[16]. Un génocide est donc moins grave qu’un massacre ?

 

- La conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons
Autre exemple, qui me semble révélateur des hésitations d’une gauche par ailleurs impeccable sur tant de sujets. Dans l’article de Joseph Confavreux déjà cité plus haut, et par ailleurs excellent, quelques lignes me font sursauter : « Certes, d’un point de vue anthropologique, le théâtre de la cruauté déployé par le Hamas durant les massacres d’octobre dernier n’est pas similaire, terme à terme, avec les actes commis par l’armée israélienne depuis un an[16bis]. »

Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza

 

Je me frotte les yeux. Si la mutilation de dix enfants par jour en moyenne, les parents tués devant leurs enfants et inversement, l’agonie durant des heures ou des jours sous les décombres d’un immeuble (des milliers de cadavres y sont ensevelis), les enfants visés à la tête par des snipers [17], les civils désarmés poursuivis et pulvérisés par des tirs de drone, le fait de priver toute une population d’eau et de nourriture (mais aussi de produits d’hygiène, de sorte que les maladies de peau se propagent), de diffuser ses crimes de guerre sur TikTok avec des musiques entraînantes, ne relèvent pas également d’un « théâtre de la cruauté », et cette fois à l’échelle de tout un peuple, j’aimerais vraiment savoir comment il faut les qualifier.

 

Quelques jours après la parution de l’article, ce passage a été modifié. On lit désormais : « Les façons de mettre à mort, les projets plus larges dans lesquels les meurtres s’inscrivent, l’intentionnalité de tuer des civils, la volonté d’effrayer et/ou d’éliminer une population sont aussi à prendre en compte. Tout ne se mesure pas avec le décompte macabre des cadavres. » J’avoue que j’y perds mon latin. Faut-il en déduire que l’armée israélienne n’a pas de « projet plus large » ? Qu’elle n’a pas de volonté de « tuer des civils » ou « d’effrayer et/ou d’éliminer une population » ? Que tous ces crimes relèvent d’une touchante maladresse ?

 

Difficile de ne pas déceler ici la conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons. Cela me rappelle ce que m’avait raconté il y a quelques mois l’une de mes amies, qui est algérienne et qui enseigne dans une université américaine. Alors qu’elle évoquait le cas d’un colon violemment battu lors d’une révolte au XIXe siècle en Algérie, ses étudiants s’étaient mis à pousser des exclamations horrifiées. Exaspérée, elle leur avait lancé : « Mais enfin, je viens de vous parler d’enfumades[17bis] et d’autres atrocités, et vous n’avez pas bronché ! »

 

 

- Une incapacité à renoncer à l’image vertueuse d’Israël
L’indulgence irréelle manifestée envers l’armée israélienne procède aussi, je crois, d’une réticence persistante à renoncer à l’image d’Israël comme un État vertueux, peuplé de gens cultivés, progressistes, démocrates, humanistes, en refusant de voir que ces Israéliens, s’ils existent bien, sont aujourd’hui une toute petite minorité, dans un pays que des décennies de racisme institutionnalisé et d’impunité internationale ont mené au fanatisme, avant que le 7 octobre le radicalise encore davantage.

 

Ainsi, beaucoup de gens veulent croire que les manifestations parfois massives contre le gouvernement Netanyahou qui se déroulent en Israël ces temps-ci concernent aussi les crimes commis à Gaza, alors que ce n’est pas le cas. « Netanyahou est peut-être méprisé par la moitié de la population, mais sa guerre contre Gaza ne l’est pas, et, selon des sondages récents, une majorité substantielle d’Israéliens pensent que sa riposte est appropriée, voire qu’elle n’est pas allée assez loin », écrivait Adam Shatz en juin[18].

 

Partout s’exprime cette « obsession de la symétrie » que Joss Dray et Denis Sieffert pointaient déjà il y a plus de vingt ans[19].

  • Si on dit un peu de mal des Israéliens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Palestiniens pour faire bonne mesure ;
  • Si on dit un peu de bien des Palestiniens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Israéliens.

On ne manque pas de souligner qu’un deuil est toujours une tragédie, qu’une vie vaut une vie, que chaque vie est précieuse, que « les chiffres ne disent pas tout », en renvoyant à leur supposée mesquinerie ceux qui pointent la folle disproportion du bilan des victimes entre le camp de l’occupé et celui de l’occupant.

 

 

- Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt des massacres, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ?
Oui, bien sûr, sur le plan intime et privé, c’est vrai : un deuil est toujours une tragédie. Mais on ne devrait pas se servir de cette vérité pour occulter une réalité politique. Cette réalité n’est pas celle de « deux peuples qui se déchirent depuis très longtemps pour une même terre sans qu’on y comprenne grand-chose », comme on l’entend si souvent, mais celle d’un État qui pratique le nettoyage ethnique et le massacre depuis sa création, qui occupe un autre peuple militairement et qui s’emploie actuellement à le rayer de la surface de la Terre sans rencontrer aucun frein.

 

À l’heure où j’écris, le massacre continue imperturbablement à Gaza ;

  • la Cisjordanie est elle aussi à feu et à sang ;
  • le tourbillon de souffrances infligées à la Palestine s’étend au Liban ;
  • Israël bombarde Beyrouth, rase des villages entiers au Sud-Liban, attaque les casques bleus de l’ONU[19a].
L'armée israélienne tire sur des Casques bleus au Liban

Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt de tout cela, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ? Comme le rappelait Rob Grams, rédacteur en chef adjoint de la revue Frustration, sur X, l’empathie pour les otages israéliens est « tout à fait présente, médiatique, officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée[19b] ». Est-il si difficile de le souligner ? « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? », interroge à raison l’écrivain palestinien Karim Kattan[19c].

 

- « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza »
Même si l’on s’en tient au plan intime et privé, ces déclarations bien-pensantes négligent une autre différence de taille.

  • Les Israéliens qui ont perdu un proche l’année dernière ont la possibilité de vivre leur deuil, qui est respecté et partagé dans tout l’Occident et au-delà. (Même les soldats d’une armée génocidaire sont honorés dans les médias occidentaux comme des héros.).
  • Les Palestiniens, traumatisés par des deuils multiples, obligés d’assurer quotidiennement leur survie, n’en ont pas les moyens. Certains n’ont pas de corps à pleurer : leurs proches ont disparu dans une prison, ou sont restés ensevelis sous les décombres de leur immeuble. Parfois, ils sont contraints de rassembler leurs restes dans des sacs en plastique. (Cette année, on a aussi vu, en mars, le garçon qui transportait dans son sac à dos le corps de son petit frère[19d].)

 

Le luxe de la mort Les Gazaouis meurent-ils vraiment lorsque leur corps n’est pas entier ou ne peut être retrouvé et lorsqu’ils ne peuvent pas être correctement attristés ?

Parmi les enfants rencontrés à Gaza par la journaliste et écrivaine Susan Abulhawa (toujours dans le documentaire d’Al-Jazeera), certains lui ont confié qu’ils voulaient mourir, mais qu’ils espéraient seulement rester entiers. « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza », confirme Mariam Mohammed Al Khateeb [20]. Le 25 septembre, l’armée israélienne – qui a par ailleurs ravagé plusieurs cimetières, à Gaza mais aussi au Liban – a envoyé à Gaza un camion contenant des dizaines de corps, sans aucun document permettant de les identifier. Les proclamations vertueuses sur la valeur égale des vies, auxquelles je n’ai rien à redire, me semblent un peu vaines si on ne commence pas par dénoncer cette situation.

 

 

- L’Orient vu comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne
L’image bienveillante d’Israël que conservent beaucoup de gens à gauche procède pour une large part du fait qu’ils transposent telle quelle la réalité de l’oppression historique subie par les juifs en Europe dans le contexte du Proche-Orient[21]. Par là, ils reproduisent à leur insu la désinvolture du rapport colonial à une terre étrangère, l’habitude de la traiter comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne.

 

C’est cette désinvolture qu’Edward Saïd, dans L’Orientalisme, mettait en exergue chez Lamartine lors de son voyage en Orient, entrepris en 1833. L’écrivain français envisageait ce voyage comme un « grand acte de [s]a vie intérieure » : il s’agissait de projeter des fantasmes, plutôt que de rencontrer une autre réalité. Saïd observe : « Ses pages sur la pensée arabe, sur laquelle il disserte avec une confiance suprême, ne laissent paraître aucune gêne quant à son ignorance totale de la langue. ».

 

Le voyageur s’enthousiasme : « Cette terre arabe est la terre des prodiges, tout y germe, et tout homme crédule ou fanatique peut y devenir prophète à son tour. » Il traite l’Orient comme une « province personnelle », selon les mots de Saïd, qui résume plus loin : « La Palestine était considérée – par Lamartine et par les premiers sionistes – comme un désert vide qui attendait de fleurir ; les habitants qu’il pouvait avoir n’étaient, pensait-on, que des nomades sans importance, sans véritable droit sur la terre et, par conséquent, sans réalité culturelle ou nationale. »

 

Après avoir toujours clamé que la Palestine n’existait pas, certains colons israéliens affirment aujourd’hui que « le Liban n’existe pas[21bis] » et rêvent d’y implanter des colonies. L’automne dernier, peu après le 7 octobre, j’ai encore été effarée par la façon dont des gens pouvaient discuter, sur X, du pays arabe où il conviendrait d’expulser les Palestiniens. Il ne leur venait pas à l’idée, visiblement, que les Palestiniens étaient chez eux sur leur terre. Cela me donnait une furieuse envie d’envoyer mes interlocuteurs vivre sous une tente dans une banlieue de Turin ou de Copenhague – au hasard ; après tout, tous ces gens sont des Européens, ce sont plus ou moins les mêmes, non ?

 

 

- Croire qu’on peut réparer l’écrasement d’un peuple en cautionnant l’écrasement d’un autre

La tolérance est un désert La Palestine et la culture du déni

Ainsi, en espérant réparer l’écrasement d’un peuple, nos amis de gauche pro-israéliens cautionnent, sans même s’en apercevoir, l’écrasement d’un autre. Dans un livre saisissant, l’universitaire américain d’origine palestinienne Saree Makdisi souligne ce fait qui dit tout : depuis le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, dédié aux victimes de la Shoah, on aperçoit les ruines du village palestinien de Deir Yassin, théâtre d’un massacre en avril 1948, lors de la fondation de l’État d’Israël, qui vit l’expulsion de quelque 750 000 Palestiniens[22] – la Nakba, ou « catastrophe », toujours en cours, aujourd’hui plus que jamais.

 

« Si des juifs avaient simplement voulu vivre en Palestine, cela n’aurait pas été un problème, écrivait soixante-dix ans après, en 2018, la juriste palestinienne-américaine Noura Erakat. En fait, juifs, musulmans et chrétiens avaient coexisté pendant des siècles dans tout le Moyen-Orient. Mais les sionistes voulaient la souveraineté sur une terre où d’autres gens vivaient. Leur ambition requérait non seulement la dépossession et le déplacement des Palestiniens en 1948, mais aussi leur exil forcé, leur effacement juridique et le déni qu’ils aient jamais existé[23]. ».

 

Comme le remarque Saree Makdisi, les innombrables élus démocrates américains qui clament leur attachement à un État « juif et démocratique » oublient – ou feignent d’oublier – la contradiction contenue dans cette formule :

  • soit Israël est un État juif, qui, pour se maintenir comme tel, doit opprimer, expulser, tuer, et dans ce cas il n’a rien de démocratique ;
  • soit il est réellement démocratique, et alors il doit accorder les mêmes droits et les mêmes libertés aux populations musulmanes et chrétiennes présentes sur son sol.

 

La forêt plantée pour dissimuler les ruines du village palestinien de Saffourieh, détruit en 1948 lors de la Nakba. Photo : Jason Bechtel, Interface Peace-Builders, 2010

 

Si la vision vertueuse d’Israël persiste à gauche, c’est aussi en raison des stratégies de relations publiques mises en œuvre par cet État afin de dissimuler son racisme structurel, que détaille Saree Makdisi dans son livre. Il raconte notamment comment, dès 1948, sous l’égide du Fonds national juif (FNJ), Israël a planté des arbres afin de recouvrir les ruines des villages palestiniens détruits – stratégie qui continue aujourd’hui avec les villages bédouins dans le Néguev.

 

 

- Kamala Harris en 2017 : « Quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu que l’ingéniosité israélienne avait réellement fait fleurir le désert »
Le paysage naturel palestinien, avec ses oliviers, ses figuiers de barbarie et ses citronniers, a été éradiqué à coup d’herbicides et remplacé par des monocultures de conifères qui donnent à certains lieux des allures de paysage alpin. Depuis 1967, environ 800 000 oliviers ont été déracinés sur les territoires occupés cette année-là (ces derniers temps, cependant, la tendance est à l’appropriation plutôt qu’à la destruction[24]. Et quand un hôte de marque arrive dans le pays, on l’invite à planter un arbre : un geste pacifiste, écologiste, humaniste, dont personne ne songerait à questionner l’innocence.

 

C’est peu dire que cette stratégie de séduction fonctionne. En 2017, lors d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), Kamala Harris déclarait : « Ayant grandi dans la baie de San Francisco, je me souviens avec tendresse de ces boîtes du Fonds national juif que nous utilisions pour collecter les dons afin de planter des arbres pour Israël. Des années plus tard, quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu les fruits de ces efforts, et que l’ingéniosité israélienne a réellement fait fleurir le désert. »

Inauguration sous tension de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem
14/05/2018. Inauguration ambassade USA à Jérusalem

Le livre de Saree Makdisi vient de paraître[22], mais il a été écrit avant le 7 octobre 2023. Dans sa conclusion, l’auteur observe que, « à l’époque des Trump, Bolsonaro, Duterte, Modi et cie », les autorités israéliennes semblent estimer qu’elles peuvent abandonner leurs campagnes de communication destinées à se concilier le public occidental progressiste, et assumer désormais ouvertement leur racisme. Ce que confirment les bonnes relations entre Netanyahou et Trump – qui, durant son mandat, fit déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem[24bis], un geste hautement symbolique.

 

De fait, en persistant dans leur soutien à Israël, Joe Biden et Kamala Harris ignorent le tournant pro-palestinien de plus en plus marqué qui s’opère dans l’électorat démocrate, tandis que la droite, et en particulier la droite évangélique, violemment islamophobe (et antisémite !), s’affirme, elle, comme fanatiquement pro-israélienne. Il est dommage, alors, que tant de progressistes français s’accrochent encore à leur sympathie pour Israël. Sympathie qui est d’ailleurs le pire service à rendre y compris à Israël lui-même, enfermé dans une spirale sans issue de haine et de folie destructrice.

 

 

- « Nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon »
Cela ne m’amuse pas particulièrement de critiquer mes amis politiques. Mais je le fais parce que je crois que nous avons besoin de serrer les rangs. Le génocide en Palestine opère aussi comme une scène sur laquelle se joue, par procuration, le passage à l’acte d’un racisme anti-Arabes qui travaille à peu près toutes les sociétés occidentales. Avec l’afflux de doubles nationaux dans l’armée israélienne[25], la Palestine semble être devenue le stand de tir de tous les islamophobes de la Terre. En soutenant le carnage (ce génocide est américain au moins autant qu’israélien), les dirigeants occidentaux envoient aussi un clair message d’abandon, pour ne pas dire plus, à leurs citoyens d’origine arabe.

 

« Le niveau de traumatisme créé chez les Palestiniens-Américains par la normalisation du meurtre de leurs proches a laissé une communauté en lambeaux », écrit le journaliste Azad Essa[26]. « C’est comme être dans une relation abusive avec le monde », témoigne Nada al-Hanooti, qui vit à Dearborn, la ville américaine (dans le Michigan) où cette communauté est le plus présente[27]. Lina Mounzer lui fait écho : « Demandez à n’importe quel·le Arabe quelle prise de conscience a été la plus douloureuse cette année, et il ou elle vous répondra : nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon[28]. »

 

🔴 La hantise de beaucoup – et notamment de Francesca Albanese[29], la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens – semble être que la violence déchaînée, en plus de détruire la Palestine, ne s’arrête ni aux limites de ce territoire, ni à celles des communautés arabes. La légitimation d’un tel degré de barbarie devrait inquiéter tout le monde. Et rend d’autant plus urgente une clarification des positions de la gauche.

 

 

Notes :

[0] Naomi Klein, « How Israel has made trauma a weapon of war », The Guardian, 5 octobre 2024

[1] Le bilan humain du conflit israélo-palestinien

[1bisUn Palestinien en route pour le mariage de sa sœur tué par des soldats israéliens

[2] Forensic Architecture et Al-Haq, « Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste », Mediapart, 22 septembre 2022

[3] Cf. Kaoutar Harchi, « Israël-Palestine : handicaper est une politique coloniale », L’Humanité, 3 septembre 2024

[3bis] Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement

[4] « Investigating war crimes in Gaza », Al Jazeera English, 3 octobre 2024

[5] Joseph Confavreux, « Crimes israéliens, complicité occidentale », Mediapart, 30 septembre 2024

[6] Cf. Daniel Schneidermann, « BFM : Victime palestinienne, accusez-vous ! », Arrêt sur images, 10 octobre 2024

[7] Rami Abou Jamous, « “Apparemment, on n’a pas le droit de rêver ici” », Orient XXI.info, 29 août 2024. Le 12 octobre 2024, au prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, trois trophées ont été décernés à Rami Abou Jamous – une première en trente-et-une éditions.

[8] Sur la question des violences sexuelles commises le 7 octobre, lire l’enquête publiée en avril par le quotidien israélien Haaretz : Liza Rozovsky, « 15 Witnesses, Three Confessions, a Pattern of Naked Dead Bodies. All the Evidence of Hamas Rape on October 7 », Haaretz, 18 avril 2024.

[9] « Inside the Base Where Israel Has Detained Thousands of Gazans », The New York Times, 6 juin 2024.

[10] Cf. Simon Speakman Cordall, « ’Everything is legitimate’ : Israeli leaders defend soldiers accused of rape », Al-Jazeera, 9 août 2024.

[10bis"Qu'ils crèvent tous" : Louis Sarkozy provoque l'indignation après ses propos sur le Hamas et le Hezbollah

[11] Arwa Mahdawi, « As a Palestinian living in the US, I have lost friends, job opportunities – and my faith in humanity », The Guardian, 6 octobre 2024.

[12] Article traduit ici : Adam Johnson et Othman Ali, « La couverture de la guerre de Gaza par le New York Times et d’autres grands journaux a fortement favorisé Israël, selon une analyse », Agence Médias Palestine, 9 janvier 2024.

[12bis] Des Vies ont pris fin à Gaza

[13] « Inside Western media’s reporting on Gaza », « The Listening Post », Al-Jazeera English, 5 octobre 2024.

[14] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », The Markaz Review, 4 octobre 2024.

[14bisYannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, a été arrêté et perquisitionné par la gendarmerie ce mardi dans le cadre d'une énième enquête pour " apologie du terrorisme "

[15] Valérie Lehoux, « L’avocat Arié Alimi : “Je sais que l’antisémitisme existe à gauche, mais le savoir n’a rien à voir avec l’éprouver” », Télérama, 7 avril 2024.

[15bis] Novembre 2024 ; Décision prise par la Cour pénale internationale de délivrer un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu, le général Gallant et un responsable du Hamas, est un événement important et constructif sur la scène de la vie internationale

[16] Valérie Lehoux, « “ Une étrange défaite, consentement à l’écrasement de Gaza ”, essai peu convaincant de Didier Fassin », Télérama, 5 septembre 2024.

[16bisJoseph CONFAVREUX " De Gaza au Liban : Crimes israéliens, complicité occidentale "

[17] Chris McGreal, « Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza », The Guardian via Agence Médias Palestine, 2 avril 2024.

[17bisLes enfumades sont une technique utilisée par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l'Algérie, en 1844 et 1845

[18] Adam Shatz, « Israël dans l’abîme de Gaza », Orient XXI, 24 juin 2024.

[19] Joss Dray et Denis Sieffert, La Guerre israélienne de l’information. Désinformation et fausses symétries dans le conflit israélo-palestinien, La Découverte, « Sur le vif », Paris, 2002.

[19aAu Liban, Israël attaque les Casques bleus, derniers témoins de ses agissements

[19bPersonnellement j'ai tout à fait de l'empathie pour les otages israéliens et leurs familles. Mais cette empathie est déjà tout à fait présente, médiatique,  officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée

[19cKarim Kattan, écrivain palestinien : « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? »

[19dYoumna El Sayed d'Al Jazeera sur le garçon qui avait son petit frère décédé dans un sac à dos

[20] Mariam Mohammed Al Khateeb, « The luxury of death », We Are Not Numbers, 10 juin 2024

[21] Qualifier le massacre du 7 octobre en Israël de massacre antisémite, ou de pogrom, relève de la même logique. À ce sujet, lire le texte de Tsedek !, « 7 octobre : un massacre antisémite ? », 12 février 2024

[21bis« Il n’existe pas de pays comme le Liban. Les gens qui. Tous eux-mêmes Libanais, font semblant de vivre dans un pays.» C’est tellement illusoire, c’est comique

[22] Saree Makdisi, Tolerance Is a Wasteland : Palestine and the Culture of Denial, University of California Press, 2024

[23] Noura Erakat, « Palestinians have no choice but to continue the struggle », The Washington Post, 16 mai 2018

[24] Cf. également l’article d’Aïda Delpuech, « En Israël, l’arbre est aussi un outil colonial », Le Monde diplomatique, octobre 2024 ; et Rob Goyanes, « La guerre écologique contre Gaza », Jewish Currents, 9 septembre 2019.

[24bis] Le 14 mai 2018, les États-Unis transféraient leur ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem

[25] La France n'envisage pas d'enquêter sur les Franco-israéliens qui ont rejoint l'armée israélienne

[26] Azad Essa, « ’I call my brother knowing he won’t pick up’ : The anguish felt by Palestinian Americans over Gaza », Middle East Eye, 5 octobre 2024.

[27] Yasmine El-Sabawi, « ’Unlike anything’ : A year of collective grief for Palestinians in the West over Gaza », Middle East Eye, 7 octobre 2024.

[28] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », art. cit.

[29FRANCESCA ALBANESE : Il ne faut pas dire cessez-le-feu, il faut dire cessez le GENOCIDE !

 

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14 octobre 2024 1 14 /10 /octobre /2024 10:39
Aymeric Caron : " Gaza depuis le 7 octobre " 2023
Aymeric Caron : " Gaza depuis le 7 octobre " 2023

Le film de montage d'Aymeric Caron, député France insoumise, diffusé à l'Assemblée nationale le 29 mai dernier (avant la dissolution)
« Ce film est écrasant, effroyable… Voilà ce qu’est vraiment la supposée “ guerre contre le Hamas ”.
Cette réalité terrible doit être montrée crûment. Il est bon que ce film puisse être vu.
On aimerait qu’il soit vu en Israël. » Rony Brauman (Médecin, essayiste, ex-président de Médecins Sans Frontières)

 

 

Réalisation : CINÉmutinsBitton |

- Le film vu par les Mutins de Pangée
Attention, si vous décidez d’appuyer sur le bouton de lecture, vous ne sortirez pas indemne de ce visionnage. Personne n’a envie de voir des images aussi effroyables, mais elles témoignent de ce qui se passe à Gaza depuis l’attaque du 7 octobre 2023.
 

🔴  Un cauchemar
« C’est un rêve ou une réalité ? » demande une petite fille abasourdie par ses blessures. C’est un cauchemar, sans aucun doute, et rien ne peut le justifier, ni les crimes du 7 octobre ni la détention des otages israéliens par le Hamas. Condamner tous les crimes du 7 octobre, d’avant et d’après, condamner l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, c’est le sens commun. Il semble cependant qu’il faille le préciser. Toute personne normalement constituée souhaite que les otages survivants puissent un jour retrouver leurs familles et que s’arrête immédiatement le massacre à Gaza. Mais aller jusqu’au bout de la démarche, c’est voir les choses en face, voir ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre, ce que fait l’armée israélienne, ce que ne montrent pas les chaînes de télévision.

 

🔴  Des journalistes documentent
Reporters Sans Frontières a dénoncé la mort d’une centaine de journalistes, tués à Gaza par l’armée israélienne entre le 7 octobre 2023 et début juin 2024, souvent délibérément ciblés, comme l’ont été des soignants et du personnel humanitaire, parmi les dizaines de milliers de gens bombardés ou visés par des snipers, mutilés, déplacés, affamés, harcelés, torturés, des familles entièrement décimées (dont au moins 40 % sont des enfants), dans leurs habitations, dans la rue, dans des écoles, dans des hôpitaux, dans des ambulances, dans des camps de réfugiés… Le bilan s’alourdit en permanence, il est mis à jour par les ONG. L’Unicef alertait dès le début : « La bande de Gaza est aujourd’hui l’endroit le plus dangereux au monde pour un enfant. » (voir site de l'Unicef[1]) 

 

Ce film de montage a été réalisé par le journaliste et député Aymeric Caron avec l’aide d’une équipe, qui a identifié, trié et daté ces images, contacté des journalistes sur place. Sans autres commentaires que les titres et légendes qui datent et donnent les sources des images envoyées depuis Gaza comme des bouteilles à la mer par des filmeurs et des filmeuses, journalistes qui continuent à travailler dans des conditions terribles alors qu’aucun de leurs collègues étrangers n’est autorisé à entrer dans cette zone de crime de 360 km2. Leurs images se percutent avec des prises de paroles israéliennes, officielles et dissidentes, ainsi que des vidéos postées sur les réseaux par des soldats israéliens.

 

Le film contient beaucoup d’images du journaliste palestinien Motaz Azaiza, aujourd’hui en exil, et qui vient de recevoir le prix Liberté à Caen, décerné par la région Normandie avec l’Institut international des droits de l’homme et de la paix (Le Monde, 17 juin 2024[2])

 

🔴  Une première séance à l’Assemblée nationale
Le député Aymeric Caron a d’abord organisé une séance à l’Assemblée nationale pour ses collègues de tous les groupes parlementaires, le 29 mai dernier[3]. Seulement 17 députés ont assisté à cette projection, quelques journalistes étaient présents. Aymeric Caron a alors précisé qu’il souhaitait mettre son film « à disposition de tous ceux qui veulent le voir ». Nous l’avons aussitôt contacté pour en parler. Nous nous sommes bien sûr demandé s’il fallait vous montrer ces images sur CinéMutins. Après réflexions, discussions, consultations, nous avons voulu vous laisser la libre décision de visionner ce film (ou pas), en libre accès, après vous avoir averti de la nature de ces images, le réalisateur ayant ajouté un carton au début du film.

 

🔴  Un film qu’on voudrait voir s’arrêter
Préalablement, il a fallu donc visionner le film et nous l’avons jugé terrible, insoutenable… mais nécessaire. Car, au-delà de tous les discours et de « la guerre des mots » qui montrent le visage assez délirant de l’environnement politico-médiatique dans lequel on baigne en France, ces images documentent les crimes de guerre perpétrés, dans une démocratie, par l’autoproclamée « armée la plus morale du monde ». Des crimes commis avec des armes fournies en grande partie par les États-Unis et l’Union européenne, l’Allemagne surtout et même la France comme l’ont révélé Disclose et Marsactu en mars 2024 (en savoir plus[4]).

Dès les premières minutes de visionnage, on voudrait que le film s’arrête, que ça cesse immédiatement… que cessent les crimes, que cesse le feu, que tout ça n’ait jamais existé.

 

🔴  Qui peut encore nier ou justifier ces crimes après avoir vu ces images ?

Nous ne trouvons pas les mots à opposer à la mauvaise foi où le poids d’une photo ne pèse plus bien lourd au milieu de la masse d’images qu’il faut digérer chaque jour, où les réalités sont niées avec aplomb, voire même, carrément justifiées ouvertement avec mépris, insultes et menaces, par des criminels de guerre et leurs complices, qui osent salir les morts qu’ils engendrent, mais aussi la mémoire des victimes de l’antisémitisme dans l’histoire, en usant de cette grave accusation à tous propos dans le but de faire taire toute contestation. Ces images témoignent pour que ça cesse, avant tout. Face à ceux qui continuent à soutenir ces crimes, face aux discours de haine, de vengeance et de déshumanisation, plutôt que de se laisser entrainer dans une forme de surenchère verbale, nous préférons opposer ce miroir sans tain. Bon courage.

 

 

- Présentation du film

 

 

👉 Pour accéder au film, cliquez ici  👇

 

Gaza. Depuis le 7 octobre Synopsis Le film de montage d'Aymeric Caron, diffusé à l'Assemblée nationale le 29 mai dernier

 

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12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 17:31
Juifs rescapés de la shoah, opposants à l’ultranationalisme d’Israël

Faut-il traiter d’antisémites et condamner ces huit rescapés des camps d’extermination pour leurs comparaisons entre les politiques sionistes et celles des Nazis ? Chris Knight, anthropologiste et militant britannique pose la question, en publiant les citations ci-dessous.

 

 

Source : DESOBEISSANCE CIVILE | mis à jour le 23/10/2024

-  Marika Sherwood, survivante du ghetto de Budapest.

Marika Sherwood

« (...) Peu de temps après (en 1956), j’ai appris que les Israéliens rassemblaient les Palestiniens dans des camps de concentration. Je ne pouvais pas y croire. Les Israéliens n’étaient-ils pas des Juifs ? Ne venions-nous/ne venaient-ils pas de survivre au plus grand pogrom de notre histoire ? Les camps de concentration – souvent appelés par euphémisme, « colonies de peuplement » - n’étaient-ils pas la principale caractéristique de ce pogrom ? Comment ces Juifs israéliens pouvaient-ils opprimer d’autres gens ? Dans mon imagination de romantique, les Juifs d’Israël étaient des socialistes, des gens qui discernaient le bien du mal. C’était manifestement inacceptable. J’avais l’impression qu’on m’avait laissé tomber, comme si on m’avait volé une partie de ce que je pensais être mon héritage. …

 

Il me faut dire au gouvernement israélien qui prétend parler au nom de tous les Juifs, qu’il ne parle pas en mon nom. Je ne garderai pas le silence face à la tentative d’annihilation des Palestiniens, la vente d’armes aux régimes répressifs partout dans le monde et la tentative d’étouffer la critique d’Israël dans les médias au niveau mondial, quand on voit ce gouvernement remuer le couteau dans la plaie - traduisons ‘ culpabilité ’ - afin d’obtenir des concessions économiques de la part des pays occidentaux. Naturellement, la position géopolitique d’Israël a une incidence grandissante en ce moment. J’empêche Israël de confondre les termes « antisémite » et « antisioniste » : On ne peut pas laisser passer ça."

 

🔴 Dr. Marika Sherwood, ‘ How I became an anti-Israel Jew ’ (Voilà comment je suis devenue une Juive anti-Israël), Middle East Monitor, 7/3/18[0]... Je ne suis pas antisémite, mais je suis antisioniste[1]

 

 

-  Israël Shahak, survivant du ghetto de Varsovie et du camp de concentration de Bergen-Belsen.

Israël Shahak

« Pour survivre, Isra­­­ël doit renoncer au désir de domination. Il deviendra alors un bien meilleur pays pour les Juifs eux-mêmes. En Israël, beaucoup comparent aisément le pays avec l’Allemagne. Non seulement l’Allemagne d’Hitler et des Nazis, mais aussi l’ancien Empire germanique voulait dominer l’Europe. Ce qui s’est passé au Japon, après l’attaque contre la Chine, c’est qu’ils voulaient dominer une vaste zone de l’Asie. Lorsque l’Allemagne et le Japon renoncèrent à leur souhait de domination, ils devinrent des sociétés bien plus sympathiques pour les Japonais et les Allemands eux-mêmes. "

 

🔴 Dr. Israel Shahak, Middle East Policy Journal, été 1989, no.29[2]... " Le racisme de l'état d'Israël " aux éditions Guy Authier[3]

 

 

- Hajo Meyer, était un survivant d’Auschwitz.

« Ça me fait mal d’observer les parallèles entre mes expériences dans l’Allemagne d’avant 1939 et celles que souffrent les Palestiniens de nos jours. Je ne peux pas m’empêcher d’entendre les échos nazis de « sang et sol », dans la rhétorique des colons fondamentalistes, qui revendiquent le droit sacré à toutes les terres de la Judée-Samarie biblique.

 

Les divers aspects de punition collective infligée au peuple Palestinien – ghettoïsation forcée derrière un « mur de sécurité », destruction de maisons au bulldozer, déprédation de champs, bombardement d’écoles, de mosquées et d’édifices gouvernementaux, blocus économique qui prive les gens d’eau, de nourriture, de médicaments, d’éducation et de nécessités de base pour survivre dans la dignité – tout ceci me pousse à me rappeler les privations et les humiliations dont j’ai fait l’expérience dans ma jeunesse. Toutes ces oppressions qui durent depuis un siècle, signifient des souffrances inimaginables pour les Palestiniens. »

 

🔴 Dr. Hajo Meyer, ‘ An Ethical Tradition Betrayed ’, Huffington Post, 27/1/10[4].

 

 

-  Gabor Mate, survivant du Ghetto de Budapest.

« Jeune homme élevé à Budapest, enfant qui avait survécu au génocide nazi, j’ai été hanté pendant des années par une question qui résonnait dans ma tête avec une telle force que, parfois, elle tournait : ‘ Comment cela fut-il possible ? Comment le monde permit-il de telles horreurs ? ’ Question naïve d’un enfant. Maintenant, j’en sais plus : La réalité est là. Que ce soit au Vietnam, au Rwanda ou en Syrie, l’humanité demeure les bras croisés, complice, inconsciente ou impuissante, comme toujours. À Gaza en ce moment, on trouve le moyen de justifier le bombardement des hôpitaux, l’extermination de familles en train de manger, le meurtre de jeunes qui jouent au foot sur une plage… On ne peut pas comprendre Gaza hors contexte, c’est à dire le nettoyage ethnique continu, le plus long de tous, du siècle dernier et du présent, la tentative continue de détruire la nation palestinienne. Les Palestiniens utilisent des tunnels ? Mes héros de même : les combattants mal équipés du Ghetto de Varsovie. Contrairement à Israël, les Palestiniens n’ont ni hélicoptères Apache, ni drones télécommandés, avions de combat chargés de bombes, artillerie laser : Avec leur défiance inefficace, ils lancent des roquettes primitives qui provoquent de la terreur pour des civils innocents israéliens, mais rarement des blessures. Vu l’énorme inégalité de forces, il n’existe aucun parallèle de culpabilité. …

 

Qu’allons-nous donc faire, nous, gens ordinaires ? Je prie qu’on écoute notre cœur. Le mien me dit que ‘ plus jamais ça ’ n’est pas une expression exclusive : Le meurtre de mes grands-parents à Auschwitz ne justifie pas la dépossession incessante des Palestiniens. La justice, la vérité, la paix, ce n’est pas l’apanage d’une seule tribu. Le ‘ droit d’Israël à se défendre ’ - indiscutable en principe – ne justifie pas l’extermination de masse. »

 

🔴 Dr. Gabor Mate, ‘ Beautiful Dream of Israel has become a Nightmare ’ (Le Beau Rêve d’Israël s’est transformé en Cauchemar), Toronto Star, 22/7/14[5].

 

 

-  Marek Edelman, était un survivant du Ghetto de Varsovie et un des chefs du soulèvement du Ghetto.

« Pendant la guerre, nous, on n’aurait jamais pensé que les Sionistes restaient volontairement passifs quant à la destruction des Juifs, afin de mieux justifier la fondation de l’état d’Israël… Mais de nos jours, même les historiens reconnus s’expriment à haute voix sur la façon dont certains Sionistes installés en Palestine exploitaient politiquement l’Holocauste ! … Le premier chef du gouvernement israélien, Ben Gourion estimait que, plus ça irait mal pour les Juifs d’Europe, plus ça irait mieux pour Israël. Il a mis ce projet en œuvre… Ben Gourion s’est lavé les mains de la Diaspora… Dès la conférence du parti Mapai en décembre 1942, il a déclaré que la tragédie des Juifs d’Europe ne les concernait pas - lui et ses associés – directement. C’étaient les paroles d’un chef qui était d’accord pour sacrifier la vie de millions de Juifs pour élaborer un état juif. Je ne dis pas qu’il aurait pu sauver des milliers d’êtres humains, mais il aurait pu combattre pour ces milliers de gens. Il s’en est abstenu. J’ignore si c’était voulu. »

 

🔴 Dr Marek Edelman, 2016. Being On the Right Side : Everyone in the Ghetto Was a Hero (Du Bon Côté : Dans le Ghetto, Ils étaient tous des Héros), pages 223, 448[6].

 

 

-  Zeev Sternell, survivant du ghetto de Przemysl, en Pologne.

Zeev Sternhell

« La gauche n’est plus capable de maîtriser l’ultra-nationalisme qui s’est développé ici, en Israël – le genre dont la branche européenne a contribué à éliminer presque tous les Juifs européens. Les entretiens que Ravit Hecht du Haaretz a effectués avec les politiques de la droite israélienne, Smotrich et Zohar, (les 3 décembre 2016 et 28 octobre 2017) devraient être distribués dans tous les médias, en Israël et partout dans le monde juif. On voit en eux non seulement un fascisme israélien grandissant, mais aussi un racisme qui ressemble au Nazisme dans son enfance.

 

Comme toute idéologie, la théorie raciale nazie s’est développée au cours des années. Au début, elle a uniquement privé les Juifs de leurs droits civils et humains. Il est possible que, sans la Seconde Guerre Mondiale, le ‘ problème juif ’ se fût terminé simplement avec l’expulsion ‘ volontaire ’ des Juifs des terres du Reich. Après tout, la plupart des Juifs d’Autriche et d’Allemagne ont pu partir à temps. Il est possible que ce soit un avenir à prévoir pour les Palestiniens. » :

 

🔴 Prof. Zeev Sternhell, ‘ Opinion in Israel, Growing Fascism and a Racism Akin to Early Nazism ’, Haaretz, 19/1/18[7].

 

 

-  Primo Levi était un survivant d’Auschwitz.

« En ce qui concerne le Premier Ministre Menachem Begin, ‘ Fasciste ’ est une définition pour moi acceptable. À mon avis, même Begin serait d’accord. C’était l’élève de Jabotinsky, qui représentait l’aile droite du Sionisme et qui se disait fasciste. C’était l’un des interlocuteurs de Mussolini. Assurément, Begin était son élève. Voilà toute l’histoire de Begin…. L’Holocauste est la défense préférée de Begin : Je n’y attribue aucune validité. »

 

🔴 Primo Levi, The Voice of Memory : Primo Levi Interviews (La voix de la Mémoire : Entretiens avec Primo Levi), 1961-1987, pp. 285-286. La citation date de 1982[8].

 

 

-  Rudolf Vrba, survivant de Majdanek et d’Auschwitz

Babelio Rudolf Vrba

Il s’est évadé d’Auschwitz en 1944[9], pour prévenir les Juifs hongrois au sujet du programme nazi d’extermination. Malheureusement, certains chefs sionistes pensaient différemment.

 

« Le mouvement sioniste européen a joué un rôle très important dans l’extermination de masse des Juifs. Je crois vraiment que, sans la coopération des Sionistes, ça aurait été une tâche bien plus difficile…. Les Sionistes disaient que nous ne sommes pas tchécoslovaques, ni allemands ni français : Nous sommes juifs et nous devons, en tant que juifs, retourner dans notre pays, en Israël ou Palestine, et fonder notre état. …

  • S’ensuivit la Loi de Nuremberg, loi divulguée par un État dit civilisé – l’Allemagne nazie – qui affirmait que les Juifs ne faisaient pas partie de l’Europe, mais de la Palestine… Donc, ensemble, le Nazisme et le Sionisme partageaient la même chose : Ils proclamaient tous les deux que les Juifs n’appartiennent pas à l’Europe, mais à la Palestine. …
  • Donc, naturellement, les Allemands ont dit aux Sionistes : ‘ Vous voyez, les Juifs ne nous font peut-être pas confiance, mais ils vous croiront ’, car ils ont compris qu’on leur avait, en fait, dit la vérité : que vous faites partie de la Palestine, que vous êtes ici des étrangers ’. … C’est comme cela qu’une clique sioniste, a formé les conseils juifs (appelés ‘ Judenräte ’) pour " gérer les affaires juives ", soutenue par l’argent d’hommes d’affaires juifs importants, prêts à tolérer la discrimination contre l’ensemble de la population juive qui n’était ni riche, ni sioniste – qui tout simplement, ne faisait pas partie de la clique. …

 

Par conséquent, :

  • je ne me fiais pas à eux, malgré le fait que les Nazis leur avaient donné des droits, suite aux lois de Nuremberg. Je les jugeais fascistes, tout simplement, dès le début, créatures méprisables qui s’associent aux fascistes et qui en bénéficient, ne subissant pas la discrimination infligée aux autres. …
  • Je n’avais pas plus confiance dans les Nazis que dans les conseils juifs sionistes. Assurément, je me suis rendu compte que les Sionistes et les Nazis sont mes ennemis à part égale : Tous les deux, ils veulent me faire partir avec 25 kilos de bagages, vers un endroit inconnu, et laisser ma mère chez elle, sans défense. …

 

Les jeunes, piliers de la résistance, ont toujours entre 16 et 30 ans. Chaque soldat sait qu’ils sont les meilleurs éléments pour le combat. … J’étais sidéré par le fait que les Sionistes qui se disaient protecteurs des Juifs, avaient décidé en premier lieu, de laisser partir un groupe de résistants potentiels qui, en dernier lieu, pourraient protéger les familles, en employant la force, si nécessaire.… « Je suis juif. Toutefois – plutôt à cause de cela – j’accuse certains chefs juifs d’une des actions les plus horribles de la guerre. »

 

Ce petit groupe de collaborateurs savait ce qui se passait dans les chambres à gaz d’Hitler et ont sauvé leur propre vie en achetant leur silence. Parmi eux, se trouvait le Docteur Rudolf Kastner, à la tête du conseil qui parlait au nom de tous les Juifs hongrois…

 

Prisonnier numéro 44070 à Auschwitz – numéro resté sur mon bras – j’ai calculé minutieusement les statistiques des exterminations … J’ai emporté ces affreuses statistiques lors de mon évasion en 1944, et j’ai pu prévenir les chefs sionistes hongrois trois semaines à l’avance qu’Eichmann avait l’intention d’envoyer un million de leurs Juifs dans ses chambres à gaz. … Kastner est allé dire à Eichmann : ‘ Je connais vos projets. Sauvez des Juifs que je pourrais choisir, et je me tairai. ’ Non seulement Eichmann a accepté, mais il a déguisé Kastner en S.S. et l’a emmené à Belsen pour chercher certains de ses amis. Et ce marchandage ne s’en est pas arrêté là.

 

Kastner a payé Eichmann plusieurs milliers de dollars. Avec cette petite fortune, Eichmann a pu acheter sa liberté lors de la défaite de l’Allemagne, et s’installer en Argentine… »

  • « Pourquoi le Docteur Kastner a-t-il trahi les siens, alors qu’il aurait pu en sauver beaucoup en les prévenant, en leur donnant l’occasion de se battre, d’organiser un deuxième ‘Soulèvement de Varsovie’ – ce que craignait Eichmann ? …
  • Était-il donc possible que l’humeur défaitiste du Docteur Kastner ait été renforcée par le souvenir des paroles prononcées par le Docteur Chaim Weizmann, premier président d’Israël, lorsqu’il a parlé à un congrès sioniste à Londres en 1937 ?

 

Voici très précisément le discours de Chaim Weizmann : " J’ai dit à la Commission royale britannique que les espoirs des six millions de Juifs d’Europe visaient l’émigration. On m’a demandé : ‘ Pouvez-vous emmener six millions de Juifs en Palestine ? ’ J’ai répondu que non. Les vieux disparaitront. Les autres subiront ou non leur destin. Ils ne sont que poussière, économique et morale, dans un monde cruel … seule une partie survivra … Ils devaient l’accepter. … S’ils voient les choses et souffrent, ils trouveront leur voie - Beacharit Hayamim [‘Lorsque viendra le Messie, tous les morts ressusciteront’] – quand viendra le temps … Je souhaite que soit préservée notre unité nationale, car c’est tout ce que nous possédons. "

  • ‘ Seule une branche survivra …’. Kastner, comme Hitler, croyait-il en une race supérieure, une nation juive formée d’élites, pour les élites, par les élites ?
  • Était-ce sa façon d’interpréter le sombre discours du Docteur Chaim Weizmann ?
  • Dans l’affirmative, qui allait choisir la branche ?
  • Qui allait décider quels grains constitueraient le tas de poussière économique, dont le destin serait d’attendre la venue du Messie ? …

Ma famille, je suppose, était la poussière qui allait être balayée jusque dans les fours par les Nazis qui utilisaient les chefs juifs comme balais … »

 

🔴 "Oral history interview with Rudolf Vrba’ , World at War TV Series (Un Monde en Guerre, série télévisée), de 1972. Première partie. Passages de 32/45 minutes).

🔴  Dr. Rudolf Vrba, Daily Herald, février 1961 (tiré du livre de Ben Hecht, Perfidy - publié en 1962 - p. 231).

🔴 Dr. Rudolf Vrba, I Escaped from Auschwitz (Je me suis évadé d’Auschwitz) [2002], pp. 281-2.

🔴 Les opinions de Rudolf Vrba étaient toujours sujets à controverse, mais même les journaux sionistes tels que le ‘Jewish News’, (15/12/16) et le ‘Jerusalem Post’, (16/2/17) ont, ces dernières années, publié de sérieuses critiques du rôle de Kastner dans l’Holocauste. Pour en savoir plus sur toute cette controverse, voir : Tony Greenstein, Weekly Worker, (1/6/17) et Ruth Linn, ‘Rudolf Vrba and the Auschwitz Reports : Conflicting Historical Interpretations’ (2011) .

 

" L’un des aspects les plus inquiétants de la définition de l’Holocauste par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, c’est la suggestion que, si l’on compare la politique israélienne actuelle à celle des Nazis, c’est forcément de l’antisémitisme. Il est vrai que de telles comparaisons sont parfois grossières et sans fondement historique, mais dans la plupart des cas, il semble exagéré de l’attribuer à de l’antisémitisme, même si on n’est pas toujours d’accord avec la conclusion", conclut Chris Knight. (Dulwich et West Norwood CLP : circonscription électorale du Parti travailliste)

Notes :

[0] Marika Sherwood : Comment je suis devenu un juif anti-Israël

[1] Marika Sherwood : Je ne suis pas antisémite, mais je suis antisioniste

[2Entretien avec Israel Shahak dirigé par Anne Joyce (du Middle East Policy Council Journal : Midle East Policy, été 1989, numéro 29)

[3Le racisme de l'état d'Israël du Dr. Israël Shahak aux éditions Guy Authier

[4] Hajo Meyer "Je suis peiné par les parallèles que j’observe entre mes expériences en Allemagne avant 1939 et celles subies par les Palestiniens aujourd’hui. Je ne peux m'empêcher d'entendre des échos du mythe nazi du « sang et de la terre » dans la rhétorique du fondamentalisme des colons."

[5Dr. Gabor Mate, BEAU RÊVE D'ISRAËL EST DEVENU UN CAUCHEMAR

[6] Marek Edelman, Marek Edelman. Être du bon côté. Livre de poche – 1er juillet 2016

[7] Zeev Sternell, En Israël, un fascisme croissant et un racisme semblable au nazisme primitif

[8Primo Levi, La voix de la Mémoire : Entretiens avec Primo Levi

[9Rudolf Vrba, né sous le nom de Walter Rosenberg, (11 septembre 1924 à Topoľčany, Slovaquie - 27 mars 2006 à Vancouver, Canada), est un des seuls Juifs à s'être évadé du camp d'Auschwitz. Interné dans le camp de concentration en juin 1942, il est témoin de l'extermination en masse des Juifs à Auzchwitz-Birkenau

 

Pour en savoir plus :

- Un descendant de survivants de la Shoah prône la paix à Gaza

- L'Holocauste comme prétexte de l'annexion

- Avant la 2e Guerre mondiale, le père de Netanyahu, Benzion Netanyahu, a été le secrétaire du fasciste Vladimir Jobotinsky, ayant reçu le soutien politique et financier de Mussolini. Et, il s'est rapproché d'Abba Ahiméir, proposant de fonder le sionisme sur le " modèle fasciste ".

 

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28 janvier 2024 7 28 /01 /janvier /2024 20:37
Boycott Apartheid Israël

Le Collectif Boycott Apartheid Israël promeut le boycott comme une arme politique, citoyenne et non-violente, pour faire pression sur le gouvernement israélien jusqu'à ce que cesse la politique de colonisation et d'apartheid imposées aux palestinien.

 


En 2005, 172 organisations de la société palestinienne lançaient un appel à une campagne de Boycott, Désinvestissement et de Sanctions (BDS[1])contre Israël. L’appel fixe trois objectifs : la fi n de l’occupation et de la colonisation de la Palestine, l’égalité des droits pour les Palestiniens d’Israël et l’application du droit au retour pour les réfugiés. L’AFPS[2] a souscrit à cet appel.
Ci-après une liste de produits, de services et d’entreprises que l’AFPS encourage à boycotter en raison de leurs liens avérés avec le régime d’apartheid israélien et les crimes qu’il commet à l’encontre du peuple palestinien. Cette liste n’est pas exhaustive.
Ces actions de boycott constituent un moyen essentiel pour exprimer notre indignation et notre refus face à l’horreur du génocide en train d’être commis à Gaza et dans toute la Palestine occupée. Ces actions doivent être poursuivies jusqu’à ce que les entreprises visées mettent un terme effectif à leur complicité.

 

 

Source : Eric Durand | mis à jour le 04/10/2024

 

Notes :

[1BDS - pour Boycott, Désinvestissement, Sanction - est un mouvement lancé il y a une vingtaine d’années contre Israël pour l’inciter à respecter le droit international et humanitaire. Il prend de l’ampleur en particulier dans les pays du Sud où les populations sont nombreuses à protester contre le traitement réservé aux Palestiniens à Gaza. La campagne cible les produits israéliens comme les fruits mais aussi une liste d’entreprises que le mouvement encourage à boycotter. On y retrouve par exemple les entreprises françaises Carrefour ou AXA. L'assureur avait été la cible d'une action du BDS devant son assemblée générale au printemps 2023. 

[2Association France Palestine Solidarité

 

Pour en savoir plus :

- BOYCOTTER ISRAËL SUR LE MODÈLE DE L’APARTHEID EN AFRIQUE DU SUD : L’APPEL DE NAOMI KLEIN

- Communiqué : La Cour d’Appel de Paris confirme la légalité de l’appel au boycott des produits israéliens

- GAZA : DERRIÈRE LES MASSACRES, LES PROFITEURS DE GUERRE

- CARREFOUR DOIT METTRE FIN À SON PARTENARIAT AVEC DES ENTREPRISES ISRAÉLIENNES, ACTEURS DE LA COLONISATION ILLÉGALE DE LA PALESTINE 

Enquête : Qu'est ce que l’accord UE-Israel qui finance le génocide de Netanyahu ?

 

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20 décembre 2023 3 20 /12 /décembre /2023 11:57
Nouvel élargissement de l'Union Européenne : une folie économique et politique

L’antériorité de l’adhésion à l’OTAN sur l’adhésion à l’UE démontre que les pays candidats ne voient cette dernière que comme le pendant politico-économique de la première

L’hypothétique « convergence » risque de prendre encore des décennies, surtout en cas de nouvel élargissement

Tous les États membres devront payer davantage et recevoir moins...

 

 

La guerre en Ukraine a relancé le processus d’élargissement de l’UE vers l’Est et les Balkans à un rythme effréné. Motivée par des raisons géopolitiques, à savoir endiguer la puissance russe sur le continent européen, cette expansion soulève pourtant d’immenses questions économiques et politiques. En intégrant en son sein des États pauvres, l’Union européenne encouragerait en effet une nouvelle vague de délocalisations et de dumping social et soumettrait les agriculteurs du continent à une terrible concurrence. En outre, le seul moyen d’éviter des blocages politiques d’une Europe à 34 ou 35 serait de renforcer le fédéralisme, en rognant encore davantage les pouvoirs de décision des États-membres. Un scénario délétère poussé par les élites européennes en dehors de tout mandat démocratique.

 

 

🔴 Pour lire la suite cliquez sur l'image 👇

 

 

NOUVEL ÉLARGISSEMENT DE L’UE : UNE FOLIE ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

 

Pour en savoir plus :

- Pour Manuel Bompard, député LFI, l’adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne serait une folie !

- Peter Mertens : « La guerre économique prépare la guerre militaire »

 

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10 décembre 2023 7 10 /12 /décembre /2023 19:10

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29 novembre 2023 3 29 /11 /novembre /2023 17:03
Peter Mertens : « La guerre économique prépare la guerre militaire »

Les pays du Sud Global savent très bien que les sanctions économiques sont des actes de guerre économique.

Les États-Unis veulent désormais entraîner l’Europe dans leur guerre économique contre la Chine

L’altermondialisme passe aussi par une forme de pragmatisme sur les enjeux internationaux

 

 

Érosion de l’hégémonie du dollar, « mutinerie » des pays du Sud contre la politique étrangère occidentale, montée en puissance des BRICS, guerre économique des États-Unis envers la Chine… Le système international né de la fin de la Guerre Froide, dominé par l’hyperpuissance américaine, est en train de s’effondrer et de laisser place à un nouvel ordre mondial multipolaire.

Plutôt que de prendre acte de cette nouvelle donne et de diversifier ses liens avec le reste du monde, l’Europe s’aligne toujours plus sur Washington. Mais est-il encore possible de mettre en place une politique altermondialiste, alors que les BRICS se comportent parfois eux-mêmes de manière impérialiste ?

Peter Mertens, secrétaire général du Parti du Travail de Belgique[1], l’affirme, à condition de prendre un tournant radical dans notre politique étrangère. Entretien réalisé par William Bouchardon et Amaury Delvaux, avec l’aide de Laëtitia Riss.

 

 

Sources : Le vent se Lève | mis à jour le 01/08/2024

-Le Vent Se Lève : Vous êtes secrétaire général du Parti de Travail de Belgique (PTB), aux côtés de Raoul Hedebouw, et vous venez de publier " Mutinerie ". Comment notre monde bascule (à paraître en français aux éditions Agone début mars 2024[2], ndlr) afin d’analyser les recompositions du système international. Dans quelle mesure votre parcours au sein du PTB a-t-il nourri l’élaboration de ce livre ?

Peter Mertens : J’ai été président du Parti du Travail de Belgique (PTB) entre 2008 et 2021, date à laquelle Raoul Hedebouw a pris ma succession. Avec d’autres membres, j’ai participé au nécessaire renouveau du parti (tout en conservant un socle idéologique marxiste, ndlr) à partir du milieu des années 2000, où nous étions alors un petit parti avec des tendances sectaires. Ce renouveau nous a pris plus de 10 ans. Notre analyse était la suivante : " nous devions construire un rapport de force et un parti de la classe travailleuse, capable de peser en Belgique ".

 

Avec la croissance du parti, il y a beaucoup plus de travail, c’est pourquoi nous avons dédoublé le leadership du parti : Raoul Hedebouw est le président et le porte-parole principal et j’en suis le secrétaire général. Comme nous étions concentrés sur la construction du rapport de force en Belgique, nous étions moins occupés avec ce qui se passait à l’étranger. Désormais, nous sommes en train de remettre nos tâches internationalistes à la hauteur des défis d’aujourd’hui. Et sur ce terrain, nous sommes en contact avec de nombreux mouvements et partis à la gauche de la social-démocratie, en Europe et ailleurs dans le monde. 

 

C’est grâce à ce leadership collectif et à ces rencontres que j’ai pu écrire ce livre, qui n’est pas juste un projet individuel. Je m’appuie aussi sur le service d’étude de notre parti, dirigé par notre directeur politique David Pestieau. Lui et son équipe m’ont aidé à rechercher des documents exhumés dans mon livre, notamment les textes de l’OTAN et de l’Organisation Mondiale du Commerce.

 

 

-Le Vent Se Lève :  Ces organisations occidentales sont au cœur du système international qui a été hégémonique jusqu’à récemment. Le titre de votre livre fait cependant référence à une contestation grandissante du règne de l’hyperpuissance américaine. Comment expliquez-vous que les pays du Sud soient de plus en plus réticents à s’aligner sur la position américaine ?

MUTINERIE Comment notre monde bascule

Peter Mertens : Le titre du livre vient d’une déclaration de Fiona Hill, une ex-membre du National Security Council américain (organe qui conseille directement le Président américain en matière de défense et d’affaires étrangères, ndlr). Selon elle, l’abstention de la plupart des pays du Sud Global sur les sanctions contre la Russie était une « mutinerie »[2bis]. Soyons clairs : la majorité de ces États ont condamné l’invasion illégale de la Russie sur le territoire ukrainien, ce qui est logique vu que nombre d’entre eux ont été envahis de multiples fois et connaissent bien l’importance de la souveraineté. 

 

Toutefois, concernant les sanctions, ils n’ont pas suivi Washington. C’est là aussi logique : un pays sur dix sur la planète subit, sous une forme ou une autre, des sanctions de la part de Washington. Ces pays savent très bien que les sanctions économiques sont des actes de guerre économique. Or, dans la majorité des cas, les conséquences de ces sanctions sont supportées par les peuples des pays en question et ces mesures n’ont aucun effet sur le régime politique en place.

 

Ici, en Europe, nous ne nous en sommes pas rendus compte ; l’eurocentrisme nous aveugle. Le regard de la majorité des peuples du Sud Global sur les événements internationaux est pourtant très différent de la vision développée en Europe. J’ai récemment discuté avec beaucoup de personnes issues du Sud Global et j’ai constaté des moments de fractures profonds avec l’Occident.

  • La première fracture est la guerre des États-Unis contre l’Irak en 2003, qui était illégale et basée sur un mensonge[3]. Au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique Latine et en Asie, c’est un moment charnière majeur.
  • La crise financière de 2008 constitue le deuxième moment charnière. En Europe, cette crise nous a contraint à sauver les banques avec l’argent public et a eu pour conséquence l’austérité. Pour les pays du Sud, cette crise a été plus profonde encore et a montré la fragilité de l’hégémonie du dollar américain, autour duquel est organisé tout le commerce international.

 

 

-Le Vent Se Lève :  Renaud Lambert et Dominique Plihon s’interrogent en effet sur la fin du dollar[4] dans le dernier numéro du Monde Diplomatique. De nouveaux accords commerciaux sont, par ailleurs, conclus dans d’autres monnaies et les banques centrales commencent à diversifier le panier de devises qu’elles ont en réserve. Est-ce une des conséquences de la guerre en Ukraine ?

Peter Mertens : Cette érosion du dollar débute avec la crise financière de 2008. C’est à ce moment-là que l’idée des BRICS[5] est réellement née, bien qu’il existe également d’autres raisons historiques à son émergence. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud se sont rassemblés car ils veulent faire du commerce sur une autre base que celle du néo-colonialisme, en mettant en place un système financier proposant des alternatives de paiements au dollar. C’est pour cela qu’ils ont créé une banque d’investissement dirigée par Dilma Rousseff, l’ancienne présidente du Brésil. Certes, le dollar reste hégémonique, mais cela constitue malgré tout une nouvelle donne.

 

Est-ce vraiment la fin du dollar ?

Parmi leurs sanctions contre la Russie, les autorités américaines ont débranché la Russie du système international de paiement SWIFT, dont le siège est en Belgique. L’usage de cette puissante arme de guerre économique a entraîné une panique dans beaucoup de pays du Sud, car ils ont réalisé qu’elle pouvait aussi être utilisée contre eux. Avec ce genre de sanction, les États-Unis peuvent prendre otage les pays avec leur propre argent ! Cela a sans doute incité certains pays à vouloir rejoindre les BRICS. Lors de leur dernier congrès à Johannesburg fin août, les BRICS ont accueilli 6 nouveaux membres (l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Ethiopie, l’Egypte et les Emirats Arabes Unis, ndlr), sur un total de 40 pays candidats[6]. C’est un vrai saut qualitatif.

 

De ce point de vue, la guerre en Ukraine est en effet un autre moment charnière, en raison des sanctions. J’en citerai encore deux autres :

  • D’abord, la COP de Copenhague en 2009, où les pays occidentaux ont refusé de prendre des mesures fortes pour le climat et pour aider les pays pauvres face au changement climatique.
  • Enfin, le refus des pays occidentaux de lever les brevets sur les vaccins contre le Covid-19, qui a marqué une fracture profonde face à un problème mondial.

 

Depuis le 7 octobre, la guerre contre la Palestine constitue un nouveau point de rupture, dont l’impact est potentiellement le plus important. L’axe guerrier États-Unis-Israël pratique une violence extrême, pensant être au-dessus de toutes les lois internationales et pouvoir se permettre n’importe quoi. Mais cet axe est plus isolé que jamais. Partout dans le monde, le deux poids deux mesures est devenu évident. Entre 2003 et 2023, il y a donc eu plusieurs moments de fractures majeurs entre l’Occident et le reste du monde ! Et pourtant, la grande majorité de l’establishment et des médias vivent encore dans la période d’avant 2003.

 

 

-Le Vent Se Lève : Outre le dollar et leur armée, les États-Unis disposent également d’une puissance technologique redoutable, qu’ils utilisent pour faire avancer leurs intérêts. Les GAFAM espionnent ainsi le monde entier, tandis que de nouvelles rivalités autour des microprocesseurs se mettent en place avec la Chine. Est-il possible d’échapper à l’emprise des États-Unis en matière technologique ? 
Peter Mertens : Je pense qu’il faut regarder en face la puissance économique des BRICS : en termes de PIB mondial, ils pèsent désormais plus que le G7 (qui regroupe ce qui était les 7 pays les plus industrialisés au monde, ndlr). Cette puissance économique constitue une différence avec le mouvement des non-alignés des années 60-70. A l’époque, les États-Unis ont pu tuer le mouvement des non-alignés grâce à la dette. Puis l’URSS s’est effondrée et ils se sont retrouvés sans rivaux sérieux. Mais désormais, la situation est différente, notamment en raison du poids économique de la Chine. La réaction des États-Unis est claire : ils lui ont déclaré la guerre économique. J’emploie le mot guerre de manière délibérée : la guerre commerciale prépare la guerre militaire[7]. Les bateaux de l’OTAN qui encerclent la Chine et les sanctions prises par les États-Unis contre Pékin font partie de la même stratégie.

 

Dans mon nouveau livre, je cite longuement Alex W. Palmer, un spécialiste américain des microprocesseurs. En 2022, deux dates sont importantes selon ce chercheur : le 24 février 2022 avec l’invasion de la Russie en Ukraine et le 7 octobre 2022, date à laquelle les USA ont pris les mesures pour interdire presque tout développement des microprocesseurs en Chine.

Puces : Washington rallie le Japon et les Pays-Bas contre la Chine

D’après lui, ces mesures sont un acte de guerre économique inédit, dont l’objectif est de détruire tout développement économique en Chine[8]. Les États-Unis veulent désormais entraîner l’Europe dans leur guerre économique contre la Chine. Récemment, Joe Biden a convoqué le premier ministre néerlandais Mark Rutte à Washington pour lui ordonner de cesser l’exportation vers la Chine des machines fabriquées par la firme hollandaise ASML, qui sont essentielles pour la fabrication des semi-conducteurs de dernière génération. Le premier ministre hollandais a accepté sans contrepartie

 

Les États-Unis sont inquiets de l’avance de la Chine dans les secteurs de technologies de pointe. Il y a de quoi : sur les 90 domaines les plus avancés au niveau des sciences et technologies, la Chine mène la danse dans 55 d’entre eux[10]. Les États-Unis ne l’ont pas vu venir. C’est pour cela qu’ils réagissent désormais par le protectionnisme et la guerre économique. Jack Sullivan (influent conseiller à la sécurité nationale auprès de Joe Biden, ndlr) l’affirme de manière assez transparente : « C’est fini le globalisme d’avant ; il faut du protectionnisme ; c’est fini avec le néolibéralisme ; c’en est fini avec l’accès de la Chine au marché international. »

 

On constate la même dynamique sur les ressources énergétiques, qui ont toujours formé l’infrastructure du système capitaliste. Au XIXe siècle, c’était le charbon, puis au XXe le pétrole. De l’arrivée de British Petroleum en Irak en 1902 aux guerres du Golfe, d’innombrables guerres ont été menées pour le pétrole. Désormais, c’est la guerre des batteries qui est lancée : tout le monde se rue sur le lithium et les ressources essentielles pour l’électrification. Là aussi, les États-Unis se montrent très agressifs vis-à-vis de la Chine et des BRICS. Malgré tout, je pense que les États-Unis ne parviendront pas à restreindre la montée en puissance de la Chine.

 

 

-Le Vent Se Lève : Hormis cette opposition à l’hégémonie américaine, il est tout de même difficile de voir ce qui rassemble les BRICS. Par ailleurs, il existe de réelles tensions entre des pays au sein de ce bloc, notamment entre la Chine et l’Inde. Peut-on vraiment attendre quelque chose d’un groupe aussi hétérogène ?

Analyse. Le sommet des Brics annonce-t-il un “changement tectonique” international ?

Peter Mertens : Aucune valeur ne réunit les BRICS ! C’est une association de pays strictement pragmatique, car c’est comme ça que l’ordre mondial fonctionne. La gauche a souvent une lecture erronée car elle pense en termes de morale et de « valeurs ». Or, l’impérialisme et les forces anti-impérialistes ne pensent pas en ces termes mais plutôt en termes de pouvoir politique et économique. Les BRICS ne sont pas un projet de gauche, mais un projet pragmatique visant à servir les intérêts de ces pays, en créant une alternative au dollar et au Fonds Monétaire International et en cherchant à favoriser le commerce Sud-Sud.

 

Je ne suis évidemment pas dupe. L’Inde connaît de grandes tensions avec la Chine et Modi est un homme d’extrême-droite. Ses trois grands amis étaient Jair Bolsonaro, Donald Trump et Boris Johnson. Il est responsable de l’assassinat de plus de 750 paysans[11] lors de la plus grand révolte de l’histoire indienne de la paysannerie et a laissé des razzias racistes contre les musulmans avoir lieu.

 

De même en Arabie Saoudite : c’est le despotisme total. Il n’y a aucune liberté pour la classe travailleuse et pour les femmes. Il n’empêche que l’entrée de l’Arabie Saoudite dans les BRICS marque un tournant. En 1971, avec les pétrodollars, les États-Unis ont promis à l’Arabie Saoudite d’avoir toujours des armes et une stabilité politique en échange de pétrole bon marché. Désormais, l’Arabie Saoudite vend son pétrole à la Chine non plus en dollars, mais en yuans ! Bien sûr que c’est un régime haïssable. Mais en matière de politique internationale, on ne peut pas juste réagir émotionnellement en fonction de « valeurs », il faut analyser l’échiquier mondial avec réalisme. Et la réalité est que les BRICS défient le système construit autour du dollar. Personnellement, bien que je ne soutienne pas les régimes de certains pays des BRICS, je considère leur émergence comme une bonne nouvelle parce qu’elle défie l’unilatéralisme et l’hégémonie américaine pour la première fois depuis 1991. 

 

Mais en parallèle de la mutinerie menée par les BRICS, il y a également une mutinerie au sein de ces pays. En Inde, je suis avec attention les luttes des paysans, des femmes et de la classe travailleuse contre le régime de Modi[11]. De même, l’Afrique du Sud connaît une corruption énorme, le fossé entre riches et pauvres y est considérable et le régime politique est fortement critiqué par la population. Lula est un progressiste, mais son gouvernement n’est pas pour autant socialiste[12]. Et contre les concessions faites aux grands propriétaires fonciers au Brésil, je soutiens ceux qui luttent pour les droits des paysans, comme le Mouvement des Paysans sans Terre.

 

 

-Le Vent Se Lève : Dans votre livre, vous rappelez l’histoire du mouvement tiers-mondiste, à partir notamment de la conférence de Bandung en 1955. Ce mouvement était porteur d’espoir pour un rééquilibrage des relations internationales et de l’économie mondiale. Croyez-vous à la résurgence de l’altermondialisme et sur quelles bases ? Les tentatives consistant à faire revivre cet esprit de « non-alignement », notamment de la part de Lula, vous semblent-elles prometteuses ?
Peter Mertens : Je crois que la tentative opérée par les BRICS de permettre un commerce dans d’autres monnaies que le dollar relève surtout du pragmatisme. Mais cette démarche est déjà un acte progressiste en soi. Regardons en face la situation depuis les années 50-60 : la dette des pays du Tiers Monde doit être payée en dollars. Cela signifie que ces pays doivent privilégier des monocultures tournées vers l’exportation, plutôt que des productions au service de leurs propres populations, afin d’obtenir des dollars. Et quand ils ont des difficultés à refinancer leur dette, le Fonds Monétaire International (FMI) ne leur octroie des prêts qu’à condition de couper dans les services publics, les salaires et les pensions et de privatiser davantage. Tout cela ne fait que les rendre plus dépendants des États-Unis et de l’Europe. C’est un mécanisme néocolonial ! Désormais, pour la première fois, les pays du Tiers Monde peuvent refinancer leur dette, indépendamment du FMI, grâce à la banque des BRICS. Certes, ce n’est pas un emprunt socialiste mais au moins c’est un mécanisme honnête et sans conditions. Quand bien même ce n’est un progrès en direction du socialisme, cela reste un progrès pour les pays du Sud Global, qui doit être soutenu.

 

Certes, cela ne suffit pas pour construire un altermondialisme de gauche. C’est pourquoi nous devons aussi soutenir les mouvements de gauche dans ces pays, afin de peser sur l’agenda politique. On peut tout à fait soutenir le MST au Brésil pour mettre la pression sur Lula, tout en reconnaissant qu’il joue un rôle important pour nos idées au niveau international. De la même manière, je soutiens le NUMSA, le syndicat des métallos sud-africains, qui lutte contre la corruption considérable au sein du gouvernement de l’ANC, tout en étant en accord avec la politique extérieure de l’Afrique du Sud. Bien sûr que la gauche a des valeurs à défendre, mais je refuse d’interpréter toute la complexité du monde actuel uniquement en termes de valeurs. L’altermondialisme passe aussi par une forme de pragmatisme sur les enjeux internationaux.

 

 

EN ALLEMAGNE, LA MORT DU PACIFISME

-Le Vent Se Lève : L’Union européenne tend à s’aligner sur les États-Unis, contrairement à ce qu’affirment nos dirigeants. S’ils prétendent réguler l’action des GAFAM, ou encore bâtir une « autonomie stratégique » en matière internationale ou de réindustrialisation, la réalité est que nous sommes de plus en plus dépendants des Américains, y compris dans des domaines où cela était encore peu le cas, comme les énergies fossiles. Comment peut-on retrouver une véritable autonomie ? Cela implique-t-il une rupture avec l’Union européenne ? 
Peter Mertens : Ce qui s’est passé en Europe suite à la guerre en Ukraine, surtout en Allemagne, est grave. Quelques semaines après le début du conflit, le Bundestag a renié sa politique de non-militarisation de l’économie vieille de 75 ans et a investi plus de 100 milliards d’euros dans le budget de la défense[13]. Tout ce qui existait en termes de liens avec la Russie, notamment de la part de la social-démocratie allemande – dont les liens de Schröder avec Gazprom (l’ancien chancelier allemand a ensuite siégé au conseil d’administration de la compagnie russe, ndlr) sont le symbole le plus évident – a été détruit. Il s’agit d’un bouleversement considérable : la mémoire des comportements barbares des nazis, qui étaient presque arrivés à Moscou, a longtemps conduit à une politique de coopération entre l’Allemagne et la Russie, plutôt que d’agressivité. En quelques semaines à peine, les États-Unis ont réussi à briser cela.

 

Cette coupure brutale avec la Russie a suscité des remous au sein des grandes entreprises allemandes : les grands patrons de BASF, de Bosch ou Siemens ont demandé au gouvernement allemand de ne pas rompre les liens avec Gazprom, car ils souhaitaient continuer de bénéficier du gaz russe bon marché. En se rendant dépendante du gaz américain, beaucoup plus cher, l’Allemagne est rentrée en récession. En prenant des sanctions contre la Russie, l’Europe a donc pris des sanctions contre elle-même et s’est tirée une balle dans le pied. De surcroît, avec l’Inflation Reduction Act (IRA), les États-Unis tentent d’attirer sur leur territoire des firmes européennes, notamment de technologie de pointe, grâce à d’importantes subventions et remises d’impôts. La réaction de l’Union Européenne à cette offensive américaine a été très faible. Aucune politique industrielle européenne autonome n’émerge[14].

 

Les États-Unis veulent maintenant répliquer cela avec la Chine. C’est une folie : non seulement ils auront beaucoup de mal à se couper de la Chine, mais l’Europe en aura encore plus : nous échangeons avec la Chine 850 milliards d’euros de marchandises chaque année[15] ! J’ajoute que la neutralité carbone en Europe dépend pour l’instant de la technologie chinoise. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis d’accord avec les patrons de Bosch, Siemens, Volkswagen et Mercedes quand ils demandent de ne pas reproduire avec la Chine ce que l’Europe a fait avec la Russie. Dans le conflit inter-impérialiste entre capitalistes, j’espère que la bourgeoisie européenne se comportera de manière sérieuse et dira non à la bourgeoisie américaine qui veut nous entraîner dans de nouveaux conflits.

Bien sûr, je n’ai aucune illusion : la bourgeoisie européenne ne veut pas une Europe progressiste, mais cherche au contraire à imposer aux peuples européens une nouvelle dose d’austérité. Elle entend également conserver des relations néo-coloniales avec une partie du monde, bien que le rejet de la France en Afrique ne cesse de grandir[16]. Mais c’est la même dialectique que pour les BRICS : on ne peut pas raisonner uniquement en termes de « gentils » et de « méchants », il y a de nombreuses contradictions sur lesquelles il faut jouer. Donc je soutiens les capitalistes allemands dans leur opposition aux États-Unis, mais continue de défendre une Europe socialiste, contre les intérêts de ces grandes entreprises.

 

 

-Le Vent Se Lève : Il est vrai que les sanctions prises à l’encontre de la Russie ont renforcé la dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Pensez-vous qu’il soit possible de réorienter l’Union européenne vers une politique socialiste ? Ou faut-il rompre avec les traités européens et construire de nouveaux cadres de coopération ?
Peter Mertens : Ma position sur cette question est liée à l’histoire belge : nous sommes un petit pays qui a été créé pour jouer le rôle d’État-tampon entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Un changement de société au niveau de la seule Belgique, ça n’existe pas! ! Je plaide donc pour une autre société, une autre industrialisation et une autre forme de commerce à l’échelle continentale. Cela passera, selon moi, par plus d’échanges entre ceux qui luttent et qui résistent dans toute l’Europe pour créer une rupture au sein de l’Union Européenne.

 

Mais cela suppose que nous soyons à la hauteur. J’en ai assez de la dépression collective de la gauche européenne qui passe son temps à se lamenter de la percée de l’extrême-droite ! Quand je vais en Amérique latine ou en Inde, eux aussi s’inquiètent de la montée du fascisme, mais surtout ils le vivent et ils luttent. Bien sûr que l’extrême-droite progresse et nous menace. Mais pour reconquérir une partie de la classe travailleuse tentée par le vote fasciste, on ne peut pas se contenter de se plaindre. La droite et l’extrême-droite s’appuient sur une narratif dépressif, selon lequel la classe travailleuse n’existe pas et l’immigration va nous détruire.

 

Face à cela l’extrême-droite), il faut recréer un narratif autour de la lutte des classes et rebâtir une conscience commune chez les travailleurs. Les mobilisations sociales massives que nous avons connu récemment en Angleterre, en Allemagne et en France sont des points d’appui. Comme la grève des ouvriers de l’automobile aux États-Unis, avec une belle victoire à la clé[17] ! Et puis nous devons être là où sont les gens, c’est-à-dire avant tout dans les quartiers populaires et sur les lieux de travail, pas seulement avec les intellectuels. Ce n’est que comme cela que nous pourrons arrêter la tentation fasciste au sein de la classe travailleuse.

 

Par exemple, avec notre programme Médecine pour le peuple (initiative de médecine gratuite dans les quartiers populaires[18], ndlr), on touche des personnes qui votent pour le Vlaams Belang (extrême-droite indépendantiste flamande, ndlr). Plutôt que de les exclure, nous discutons avec eux et tentons de les convaincre. Les gens sentent si vous êtes honnêtes et convaincus du discours que vous portez. Donc il faut un langage clair et franc, comme celui de Raoul Hedebouw, qui permet d’attirer vers nous des gens en colère en raison de leur situation précaire et de politiser cette colère. Si l’on se contente des livres, on ne changera rien. Il faut aussi des gens sur le terrain.

 

Notes :
[1] Peter Mertens, secrétaire général du Parti du Travail de Belgique

[2] A paraître en français aux éditions Agone début mars 2024

[2bis] Fiona Hill: l'Ukraine dans le nouveau désordre mondial

[3] Irak 2003 : un mensonge pour une guerre

[4] Est-ce vraiment la fin du dollar

[5] Brics

[6] Les Brics, un nouvel ordre mondial alternatif ?

[7] Chronique de la « GUERRE GLOBALE » : tension extrême dans le DÉTROIT DE FORMOSE 

[8«Un acte de guerre»: le blocus du silicium contre la Chine en Amérique

[9Puces : Washington rallie le Japon et les Pays-Bas contre la Chine

[10] Ces sept domaines où la Chine a déjà dépassé le reste du monde

[11] Réforme agricole en Inde: Modi fait volte-face et annonce son abrogation dans un but électoraliste

[12] LULA FAVORI AU BRÉSIL : VICTOIRE OU MORT DE LA GAUCHE ?

[13EN ALLEMAGNE, LA MORT DU PACIFISME

[14EMBARGO SUR LE PÉTROLE RUSSE : L’UE SE TIRE-T-ELLE UNE BALLE DANS LE PIED ?

[15] Relations commerciales de l'UE avec la Chine. Faits, chiffres et derniers développements.

[16] Comment Macron a perdu l’Afrique

[17] AUX ÉTATS-UNIS, LES SYNDICATS ENCHAÎNENT LES VICTOIRES

[18« LE DROIT À LA SANTÉ PASSE PAR UNE SOCIÉTÉ PLUS ÉGALITAIRE » – ENTRETIEN AVEC SOFIE MERCKX (PTB)

 

Pour en savoir plus :

VERS LA FIN DE L’HÉGÉMONIE DU DOLLAR ?

- En Inde, la colère paysanne défie le pouvoir du Premier ministre Narendra Modi

- INDE : DES RÉFORMES AGRAIRES ENTRAÎNENT LA PLUS GRANDE GRÈVE DU MONDE

CHRISTOPHE VENTURA : « LULA NE COMPTE PAS MONTRER PATTE BLANCHE À WASHINGTON »

- LES ERREMENTS DU CAMPISME ET DU « CAMPISME INVERSÉ »

- Entretien avec Jean-Luc Mélenchon autour de son dernier livre. | « Si nous sommes alignés sur les États-Unis d’Amérique, nous nous impliquons dans la confrontation organisée autour de la défense de son hégémonie ! »

- Mondialisation, capitalisme et hégémonie - Sur l’aiguisement de la rivalité sino-étatsunienne et l’histoire chinoise

 

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22 novembre 2023 3 22 /11 /novembre /2023 13:43

Publication de l'Association France Palestine Solidarité[1] (NDLR : mise à jour régulièrement par mes soins)

L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) rassemble des personnes attachées au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à la défense des droits humains. Elle a pour vocation le soutien au peuple palestinien notamment dans sa lutte pour la réalisation de ses droits nationaux. Elle regroupe près de 5000 adhérents, organisés en une centaine de groupes locaux en France.

Merci à la plateforme des ONG françaises pour la Palestine[2] pour la frise chronologique dont c'est inspiré, pour partie, cette publication, et si vous voulez aller plus loin, je vous invite à cliquer sur les catégories : Israël ; Palestine ; Moyen-Orient ; Paix de ce blog

 

 

Source : France Palestine Solidarité | mis à jour le 05/12/2024

2017 : l'État de Palestine est reconnu par 136 États

70,5 % des 193 États membres que compte l'Organisation des Nations unies reconnaissent la Palestine, mais ne l'est pas par les pays d'Amérique du Nord, ainsi que la plupart de l'Europe de l'Ouest, notamment les pays du G7. Les frontières de l'État de Palestine sont celles de la Cisjordanie, gouvernée partiellement depuis 1994 par l'Autorité palestinienne, et de la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas depuis 2007. La capitale de l'État de Palestine est Jérusalem. Le siège du gouvernement palestinien se situe à Ramallah.

Le 6 décembre : Trump, foulant aux pieds les résolutions de l’ONU, reconnait Jérusalem comme capitale d’Israël.

 

2018 : loi qui définit Israël  comme " l'État nation du peuple juif "
🔴 Le 19 juillet : la Knesset vote la loi fondamentale qui inscrit dans la constitution israélienne la suprématie juive, l’apartheid à l’encontre des Palestiniens d’Israël et qui fait de la colonisation une valeur nationale. Les habitants palestiniens sont privés de leurs droits politiques.

🔴 À partir du 30 mars, les grandes marches du retour.
Tous les vendredis, la population de Gaza manifeste par milliers jusqu’au mur qui enferme Gaza. La répression fera 241 morts, plus de 25 000 blessés cette année là.

 

2021 : guerre " préventive " contre Gaza  
🔴 Le 13 avril : l’intervention de l’armée sur l'esplanade des Mosquées provoque des affrontements avec les Palestiniens de Jérusalem qui s’étendent aux villes mixtes d’Israël. Israël déclenche une guerre préventive éclair contre Gaza qui fera plus de 256 morts

🔴 Le 22 octobre : le gouvernement Bennett-Lapid déclare arbitrairement comme terroristes 6 ONG palestiniennes de Défense des Droits humains qui fournissent des preuves des crimes de l’occupation à la Cour pénale internationale. 

 

2022 :
🔴 Le 9 avril : l’armée israélienne mène plusieurs raids meurtriers dans le camp de réfugiés de Jénine : 1 mort et des blessés. 
🔴 En novembre 2022 : l’extrême droite israélienne la plus ultra entre au gouvernement
A l'issue des élections législatives, Nétanyahou constitue une coalition avec plusieurs partis de l'extrême droite religieuse, fasciste et suprématiste. Les agressions des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie se multiplient et tournent au pogrom. La politique de nettoyage ethnique s’accentue à Jérusalem, contre  les villages bédouins de la vallée du Jourdain et des collines du sud d’Hébron.

   

2023 : le pire massacre de l'histoire palestinienne
🔴 Les 3-4 juillet : bombardement israélien du camp de Jénine, dans l'indifférence de la "communauté internationale". Il y a 12 morts, 3000 personnes chassées de leur maison.
🔴 Du 13 Octobre à décembre : après l'attaque du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, qui fait 1200 victimes selon le gouvernement israélien et capture 240 otages[3], l'armée israélienne entreprend la destruction massive de la bande de Gaza. Gaza est défigurée par les bombardements israéliens, comme Berlin l'était en 1945. En deux mois, il y a plus de 18 000 morts, dont plus de 7000 enfants et près de 5000 femmes. 10 000 Palestiniens sont emprisonnés en Israël.  

 

2024 : Netanyahou ordonne à l’armée israélienne de « préparer » une offensive sur Rafah, le Parlement Israélien adopte une résolution s'opposant à « la création d'un État palestinien », la Cour internationale de justice estime que l’occupation des territoires palestiniens par Israël depuis 1967 est « illégale »
🔴 Le 7 février : Alors que des négociations se poursuivent autour d’un possible accord sur la libération des otages, Le Premier ministre israélien a déclaré mercredi 7 février avoir ordonné à l’armée de « préparer » une offensive sur Rafah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza, estimant que la victoire sur le Hamas était « une affaire de mois », là où se sont réfugiées plus d’1 million de Gazaouites. Le génocide est en cours

 

🔴 Dans la nuit du 17/18 juillet 2024 le Parlement Israélien a adopté une résolution s'opposant à « la création d'un État palestinien » : Pour la première fois de son histoire, le parlement israélien a adopté hier à une écrasante majorité une résolution s'opposant à la solution des deux états - la Palestine aux côtés de l'Etat hébreu - comme voie de règlement négociée du conflit.

Selon cette résolution, « la Knesset s'oppose fermement à la création d'un État palestinien à l'ouest du Jourdain » c'est-à-dire en Cisjordanie (territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967) ou dans la bande de Gaza[5].

Cette résolution symbolique, proposée par un député de droite de l'opposition, a recueilli le soutien de 68 élus de la coalition au pouvoir et de l'opposition. Neuf députés ont voté contre.

 

🔴 Le 19 juillet : La Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l'ONU, a estimé que l'occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967 était « illégale », ajoutant qu'elle devait cesser « le plus rapidement possible »[6].

  • Pour la CIJ, la présence continue d’Israël dans les territoires palestiniens occupés est illicite. Évoquant des discriminations systématiques qui peuvent relever “ d'une ségrégation ou d'apartheid ”, la CIJ déclare qu'Israël est tenu d'abroger toute loi discriminatoire à l'égard du peuple palestinien.
  • La CIJ a déclaré que les attaques violentes de colons qu’Israël ne cherche ni à prévenir ni à punir, la confiscation des terres, qui constituent des annexions de facto, et l'exploitation des ressources naturelles des territoires palestiniens occupés par Israël sont contraires au droit international.
  • La CIJ exige également la réparation intégrale des personnes physiques et morales spoliées par la colonisation, la restitution des terres, des biens et des avoirs confisqués depuis 1967, sans oublier le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes.
  • S'appuyant notamment sur les conventions de Genève, la CIJ précise qu'Israël demeure tenu de respecter le droit du peuple palestinien à son autodétermination, tandis que tous les États doivent reconnaître comme illicite la situation dans les territoires palestiniens occupés.

 

-  Le bilan humain du conflit israélo-palestinien de 2008 à 2020 chiffré par l'ONU

 

Le bilan humain du conflit israélo-palestinien VIOLENCES AU PROCHE-ORIENT

 

 - La conquête de la Palestine - Carte de la Palestine occupée

 

 

Notes :

[1Association France Palestine Solidarité

[2] Plateforme des ONG françaises pour la Palestine

[3] 7 Octobre 2023 : Riposte du Hamas depuis Gaza, contre les multiples attaques des colons et de l'armée israélienne

[4] Guerre Israël-Hamas : Netanyahou ordonne à l’armée israélienne de « préparer » une offensive sur Rafah

[5] 18 juillet 2024 : Le Parlement israélien adopte une résolution « contre la création d'un État palestinien »

[6La Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l'ONU, a estimé vendredi 19 juillet que l'occupation par Israël de territoires palestiniens depuis 1967 était « illégale », ajoutant qu'elle devait cesser « le plus rapidement possible ».

 

Pour en savoir plus :

- De 1947 à 2023, un conflit israélo-palestinien complexe et dans l’impasse

- Résolutions de l’ONU non respectées par Israël... quel État pourrait se permettre un tel palmarès en toute impunité ?

En 2022, les Palestiniens ont continué à souffrir de violations des droits humains et du droit international humanitaire, de clivages politiques internes et de la montée fréquente des hostilités.

- Palestine : histoire d'une terre, d'un peuple de 1880 à 1993

Chronologie des accords d’Oslo, 1991-2000

- Israël-Palestine : origines et évolution de la solution à deux États

La Palestine en cartes, citations, faits et chiffres

- Conflit israélo-palestinien : l’art d’empêcher toute issue possible

- Des institutions financières et entreprises européennes impliquées dans les colonies illégales en Palestine occupée

- Palestine 2023 : Premières leçons d’une catastrophe

- 26 janvier 2024 : La Cour Internationale de Justice reconnait le risque génocidaire à Gaza

- L’ONU considère que les colonies israéliennes relèvent du crime de guerre

- 22 mars 2024 : Israël annonce la saisie de 800 hectares de terres en Cisjordanie occupée, la plus importante depuis 1993

- Par 143 voix pour, 9 contre, et 25 abstentions, l’Assemblée générale de l’ONU soutient à une large majorité la demande d’adhésion de la Palestine à l’organisation internationale. Cette résolution n’a toutefois qu’un caractère symbolique, en raison du veto américain au Conseil de sécurité

 - Le 3 mai, Netanyahu a dévoilé Gaza 2035

- 18 juillet 2024 : " la France exprime sa consternation à la suite de l’adoption par la Knesset d’une résolution rejetant la perspective d’établissement d’un État palestinien, en contradiction avec les résolutions adoptées au Conseil de sécurité des Nations unies "

- Les dirigeants israéliens, conscients que l’hégémonie du Hamas leur fournirait une justification pour refuser la création d’un État palestinien, ont contribué à le renforcer.

- 3 décembre 2024, l’Onu adopte une résolution pour la création d’un État palestinien

 

Chronologie : Palestine de 1917 à 2024
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5 novembre 2023 7 05 /11 /novembre /2023 14:46

Cet article est reposté depuis Rue du Blogule Rouge Insoumis.

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3 novembre 2023 5 03 /11 /novembre /2023 16:06
Nordine Raymond : " Fier d'être insoumis " !

Nordine Raymond candidat #Nupes (affilié à LFI) pour les législatives 2022 #Circo1702[1] s'adresse à nous :
" Très chers toutes et tous,
Une nouvelle fois je prends la plume pour vous exprimer mon analyse politique du moment que nous traversons.
Ça peut paraître long mais l'écriture permet justement de ne pas tomber dans les facilités des réponses hâtives que les médias nous réclament.
Une nouvelle fois merci à toutes et tous pour la force transmise. "

 

 

Source : Nordine Raymond |

- Voilà des semaines que les insoumis se font insulter. Pourquoi ?

Pour avoir refusé de parler de " terrorisme " au sujet des crimes de guerre commis par le Hamas. Avions-nous raison ? Cent fois oui ! Tout nous le démontre actuellement. Qualifier de " terrorisme " les attaques du Hamas, c’est cautionner la riposte sanglante d’Israël. Le terrorisme on ne le combat pas, on l’éradique. La lutte contre le terrorisme ne supporte aucune règle de droit international. Nous en avons fait l'amère expérience lors des interventions américaines en Afghanistan et en Irak créant les désastres que l'on connaît, notamment l'implantation de Daesh et le retour en force des Talibans. A l'époque, la France n'était pas alignée !

 

 

- Oui, l’attaque du Hamas était d’une atrocité sans nom.

  • Oui, la réponse d’Israël, avec la France qui se tait, est une abomination.
  • Oui, le Hamas est une organisation islamiste avec qui nous n’avons rien de commun.
  • Oui, le gouvernement d’Israël est d’extrême droite et de ce fait notre ennemi politique.
  • Oui, la politique coloniale d’Israël crée le terreau de la violence.
  • Oui, Netanyahu, pour d'obscures raisons, a préféré favoriser le Hamas que l'autorité palestinienne.
  • Oui, la politique d’Israël ne justifie pas les meurtres qu’elle a subi sur son territoire.

 

 

- Oui, il faut la paix, la libération des otages, le cessez-le-feu immédiat, un corridor humanitaire. Oui, il faut deux états qui coexistent, le respect des résolutions de l’ONU, les frontières de 67…
Si quelqu’un voit dans ce que je viens d’écrire quelque chose qui justifierait un procès médiatique, la mise au ban du camp républicain, les insultes et les menaces de mort : qu’il me le dise

 

La réalité, c’est que rien dans ce qui a été écrit par l’un des membres de La France Insoumise ne mérite la moitié de ce que l’on subit actuellement.

Surtout pas le premier tweet de Jean-Luc Mélenchon qui exprime notre compassion avec le peuple Israélien.

 

Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même. Horrifiés, nos pensées et notre compassion vont à toutes les populations désemparées victimes de tout cela. Le cessez-le-feu doit s'imposer. La France doit y travailler de toutes ses forces politiques et diplomatiques.  Les peuples palestinien et israélien doivent pouvoir vivre côte à côte, en paix et en sécurité. La solution existe, celle des deux Etats, conformément aux résolutions de l’ONU.

 

 

J’ai commencé par parler du conflit au Proche-Orient car les choses doivent être claires, rien n’est comparable entre ce que nous subissons ici et ce qu’ont subi les israéliens le 7 octobre et les palestiniens depuis des semaines.

 

 

- Avant de dire en quoi je suis fier d’être insoumis, quelques mots sur la doxa médiatique et ses éléments de langages actuels.
L’ensemble des médias + le RN / LR / Renaissance nous disent “ Israël a le droit de se venger ”. Ah bon c’est ça le Droit, la vengeance ? C’est exactement tout le contraire. Imaginons, même si ça fait mal, demain quelqu’un vient à tuer ma nièce, l’un des êtres que j’aime le plus sur Terre, sans plus de détails, juste la tuer. Aurais-je envie de me venger ? Sans doute. En aurais-je le droit ? Heureusement : non. Le Droit, c’est justement ne pas réagir par l’émotion guidée par les passions humaines. La justice, ce n'est pas la vengeance. Punir les agresseurs, c’est trouver la peine la plus adaptée pour qu’ils ne nuisent plus à la société. 

 

Si certains pensent que s'orienter vers un génocide, comme viennent de le déclarer des experts indépendants de l’ONU[2], est une réponse adéquate aux attaques du Hamas, alors je ne crois pas que je peux faire société avec ceux-là.

 


- Finissons-en sur le conflit : 
L’extrême droite prépare le terrain depuis des décennies à ce qu’elle rêverait de voir sur notre territoire : une guerre civile, reprenant ainsi l'absurde théorie du " choc des civilisations[3] ". Ils ne vivent que pour ça ! L’espoir de voir des français blancs et d’autres un peu trop marrons se foutre sur la gueule dans la rue. D’ailleurs ils surfent sur chaque fait divers qui pourrait aller dans leur sens (qu’importe bien souvent si ce sont des fakes-news). Ils sont bien trop heureux de ce qui se passe actuellement !

 

L’islamisme n’a rien à voir avec les musulmans.

Son développement a, en revanche, à voir avec la politique internationale des pays occidentaux. Comme l’extrême droite se base ici sur la haine de l’autre, l’islamisme se construit sur la haine de l’occident et de sa culture. Partout où l’islamisme s’est développé rapidement, les occidentaux y sont présents pour des intérêts économiques, soutiennent des dictatures, y ont fait la guerre…


J’ai presque envie de dire que l’islamisme est un fascisme comme les autres. Il se base sur la haine de l’autre, utilise le mensonge et la calomnie. Il est violent, réactionnaire, anti-femme, anti-gay, contre les libertés publiques… Bref, les islamistes et l’extrême droite sont des alliés objectifs : ce sont les deux faces de la même pièce

 

 

- Revenons-en au sujet : fier d’être insoumis ! 
Voilà des semaines qu’ils tapent tous ensemble donc : les médias et la classe politique de Renaissance au RN. Quand des universitaires, des intellectuels, des experts de la région disent ce que nous disons, les plateaux généralement les laissent parler, quand c’est un insoumis qui le dit alors : nous sommes antisémites.

 

Cette insulte m’est insupportable. Jamais je ne m'y habituerai.

Le combat contre l'antisémitisme est trop sérieux pour se laisser insulter par des gens qui s’en fichent pas mal le reste de l’année. L’antisémitisme est une idée abjecte, beaucoup trop présente dans nos sociétés malgré le passé récent. De plus, dévoyer ce mot abîme gravement la lutte impérieuse que nous devons mener.
Malgré cette insulte qui tétanise et qui fait mal aux tripes, le mouvement insoumis n’a rien cédé de ce que nous croyons juste : l’appel à une paix durable au Proche-Orient[4].

 

Il y a eu des jours compliqués, où on se faisait insulter sur les réseaux sociaux et où on recevait des menaces de mort. Certains camarades plus que d’autres, et il n’est jamais agréable de voir les gens que l’on estime être mis en danger pour ce qu’ils pensent. Pourtant, le mouvement n’a jamais faibli.

 

La rage nous a parfois traversé en voyant des images de l’Assemblée Nationale où la quasi-totalité des députés était levée et applaudissait à l’unisson “ le soutien inconditionnel à Israël ”. Particulièrement, de voir des députés d’un parti fondé par des SS[5] (mais qui portent de belles cravates !) qu’on respectabilise alors qu’on devrait à jamais les bannir du champ républicain. Pourtant, nous n’avons rien cédé.

 

 

- Dire qu’il a été facile pour nous de traverser ces dernières semaines serait un mensonge.

Déjà, devoir supporter les images des massacres commis par le Hamas puis l’armée Israélienne était anxiogène. En plus de cela, devoir supporter la calomnie et la vindicte était difficile. Pourtant, nous avons tenu bon.

 

On aurait pu espérer que certains " alliés " seraient montés au créneau pour nous défendre et ne pas laisser des militants de la paix être traités de la sorte. Au contraire, certains en ont profité pour tenter de détruire l’alliance qui avait créé un souffle d’espoir dans le peuple de gauche. Ils ont fait ce qu’ils savent le mieux faire : des coups bas qui créent du désespoir et s'aplatir devant la meute. Pourtant, nous avons supporté la traîtrise.

 

Je crois que de mémoire de militant je n’avais jamais vu le corps médiatico-politique aussi coupé de la réalité de la société.

Très vite, Darmanin a décidé d’interdire les manifestations pour la paix au Proche-Orient alors que du monde entier nous parvenaient les vidéos de foules immenses manifestant contre les massacres en Palestine. Les camarades avec qui nous sommes en contact à l’étranger nous le disaient : “ il n’y a que chez vous que ça se passe comme ça ”. La réalité politique du pays, c’est que les gens sont sur notre position au contraire de la classe politico-médiatique. Pourtant, nous avons appelé à rejoindre les manifestations pour le cessez-le-feu sans trembler de la main.

 

 

- Alors camarade insoumis, sympathisant, toi qui lis mes mots et sais la sincérité de mon engagement et de celui de mes camarades : retiens cette leçon. Il ne faut jamais plier de peur. Il ne faut jamais se décourager dans notre tâche ; celle de défendre une société de paix
Plus ils nous salissent, plus ils nous renforcent. Car le mouvement insoumis c’est aussi l’incroyable solidarité qui existe entre ses membres.

 

🔴 Pour finir ce billet, ces quelques vers de l’un de mes poèmes préférés d’Aragon : “ Un jour viendra, couleur orange ”.

“Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l’avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages
Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l’a touché
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche
Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l’enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles
Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d’idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou
Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche “


Force et honneur, la lutte continue !

 

 

- Je vous invite à écouter cette chanson de Barbara avec texte si juste

Le 9 mars 1974 BARBARA chante " Perlimpinpin " en s'accompagnant au piano Émissions TV, Archive tv, Archive télévision, tv replay live, live music, french tv Images d'archive INA (Institut National de l'Audiovisuel)

 

 

- Mais qui est Nordine Raymond ? " L'ami des gens " vu par un film documentaire de Nicolas Dattilesi

La caméra de Nicolas Dattilesi a suivi pendant 5 semaines la campagne électorale aux élections législatives de juin 2022 de Nordine Raymond (candidat pour La Nupes issu de La France Insoumise) sur la 2ème circonscription de Charente Maritime. (NDLR avec 27,50% et 14 928 électeurs, il lui a manqué 318 voix pour être au second tour[1]).

 

Le film qui en résulte est bien plus qu’un film de campagne.

  • Comme l’évoque une militante à Nordine, « une campagne ça se gagne avec la tête, le cœur et le ventre ! » Pour Nordine, il semble bien que ce soit essentiellement au niveau du cœur que tout se joue.
  • Un film sans complaisance qui dresse la portrait en mouvement du candidat, et qui propose un regard sur le militantisme. 
  • Un film humain avant tout !

 

Le film documentaire “ Nordine, l'ami des gens ” de Nicolas Dattilesi donne à voir tous les espoirs portés par des militants de la 2ème circonscription de la Charente Maritime, en matière de justice sociale et de protection de l'environnement. Un regard tendre et amusé pour ré-enchanter le débat politique et rendre compte de l'engagement d'une bande d'irréductibles assoiffés de progrès humains et environnementaux. 76 minutes que l'on ne voit pas passer tant les sujets pourtant graves qui y sont parfois questionnés, sont abordés ici avec la sincérité joyeuse de ceux qui veulent bâtir un autre monde des possibles.

 

On en est là... mais on ne lâche rien !

On en est là... mais on ne lâche rien !

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