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4 décembre 2024 3 04 /12 /décembre /2024 00:13
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit

Suite de l'ABC de 5000 ans de dettes privées illégitimes...

Le pourquoi  du comment : " Les politiques austéritaires d’ajustement structurel favorisent le recours à l’endettement privé "

 

 

En Asie, en Afrique et en Amérique latine et Caraïbe, le « système dette » se durcit comme dans les pays les plus industrialisés.
Plusieurs changements fondamentaux sont intervenus au cours des 40 dernières années, principalement depuis l’éclatement de la crise de la dette du Tiers-monde au début des années 1980.

 

 

    Premier article sur LES DETTES ICI

👉 : DE BABYLONE AUX CONQUISTADORS EN PASSANT PAR LE MONDE ANTIQUE : LES DETTES "

 

Second article sur LES DETTES ICI

👉 : DES DÉPOSSESSIONS POUR DETTES NON PAYÉES AUX DETTES HYPOTHÉCAIRES & ÉTUDIANTES : LA DETTE PRIVÉE DURANT L'ÈRE CAPITALISTE "

 

 

Sources : CADTM |

- Les politiques austéritaires d’ajustement structurel favorisent le recours à l’endettement privé
Des politiques d’ajustement structurel se sont généralisées en prenant comme prétexte la crise de la dette publique[0]. Cette crise a été provoquée par l’effet combiné de la chute des prix des produits exportés par le Tiers-monde sur le marché mondial à partir de 1981-1982 et par l’augmentation des taux d’intérêts imposée par la Réserve fédérale des États-Unis à partir de 1979-1980[1]. L’application des politiques d’austérité et d’ajustement structurel ont dominé la fin du 20e siècle dans la plupart des pays, en particulier dans les pays dits « en développement » et dans les pays de l’ex-bloc de l’Est.

 

Ces politiques d’ajustement structurel ont été dictées par les institutions internationales alors que les gouvernements de droite ne demandaient pas mieux que de s’appuyer sur ces injonctions pour appliquer une série de contre-réformes qui toutes servaient les intérêts des grandes entreprises privées, des grandes puissances et des classes dominantes locales[2]. Ces politiques ont dégradé les conditions de vie d’une partie importante de la population, notamment dans les zones agricoles mais aussi en milieu urbain.

🔴 Quelles mesures en particulier ont provoqué un plus grand besoin de la population à recourir à la dette privée pour tenter de survivre ? On peut énumérer les mesures suivantes :

  •  la fin des subventions à une série de produits de consommation de base (aliments, combustibles de chauffage…) et de services (électricité, eau, transport), ce qui a augmenté le coût de la vie ;
  • la politique de recouvrement des frais dans les secteurs de l’éducation et de la santé, ce qui a poussé les classes populaires à s’endetter pour payer les frais de scolarité et de santé ;
  • la suppression ou privatisation des banques publiques, notamment celles en charge du crédit aux paysans, ce qui les a poussés dans les bras des usuriers et/ou des organismes de microcrédit ;
  • la suppression des sociétés publiques qui achetaient aux agriculteurs des produits agricoles de base à des prix garantis fixés à l’avance ; cette suppression a eu des effets dramatiques lors de la chute des cours des produits agricoles sur le marché local ou mondial et a poussé à l’endettement ;
  • la fin des stockages de céréales à charge des autorités publiques, qui permettait autrefois d’assurer la sécurité alimentaire en cas de mauvaises récoltes et d’autres événements négatifs. La fin des stockages a favorisé des augmentation subites et spéculatives des prix des aliments, et poussé les familles à s’endetter pour acheter des aliments à tout prix ;
  • l’ouverture du marché interne à la concurrence des importations et des investissements étrangers, qui a entraîné la faillite de multiples entreprises locales et la misère de petits producteurs (agriculteurs, artisans…) ;
  • la promotion accentuée de la révolution verte et du recours aux intrants[2bis] chimiques (pesticides, fertilisants…) ou aux semences génétiquement modifiées (OGM[2ter]), ce qui conduit les paysans à emprunter pour se procurer sur le marché les semences, les pesticides, les herbicides, les fertilisants avec l’espoir de pouvoir rembourser une fois réalisées la récolte et la vente sur le marché ;
  • la privatisation des terres (voir les contre-réformes au Mexique en 1993, en Égypte à la même époque et dans de nombreux pays) ;
  • l’accaparement des terres par des sociétés étrangères ;
  • la réduction de l’emploi dans la fonction publique ;
  • le blocage ou la baisse des salaires ;
  • la généralisation de la TVA et des impôts indirects ;
  • la réduction des retraites là où elles existaient.

La conjonction de ces contre-réformes et de ces mesures a augmenté le recours à l’endettement dans les couches populaires tant pour la consommation courante que pour de mini-investissements dans le secteur informel urbain et parmi les petit·es et moyen·nes agriculteur·ices.

 

 

- Le développement du microcrédit à partir des années 1980-1990

À partir des années 1980 se développent des initiatives de microcrédit. Depuis le début, des gouvernements et de grandes institutions internationales comme la Banque mondiale[3] ont soutenu la promotion du microcrédit. C’est le cas en Colombie, comme le décrit Daniel Munevar, dans une étude inédite[3bis]. Dans ce pays, avec l’appui de fondations privées, de la Banque interaméricaine de développement (BID), du gouvernement des États-Unis, la microfinance s’est développée au début des années 1980. Un plan de développement du microcrédit aux petites entreprises du secteur informel a été adopté par le gouvernement colombien dès 1984. Des expériences similaires se sont développées en Bolivie, au Pérou, au Mexique. L’institution de microcrédit la plus connue au niveau mondial est incontestablement la Grameen Bank fondée à la fin des années 1970 par Muhammad Yunus au Bangladesh.

  • La Banque mondiale a fait systématiquement la promotion de la microfinance.
  • L’Organisation des Nations unies s’y est ralliée et a proclamé l’année 2005 « année internationale du microcrédit ».
  • En 2006, le Nobel de la paix a été attribué à Muhamad Yunus et à la Grameen Bank. Cette année-là, les chefs d’États et de gouvernements, au premier rang desquels Jacques Chirac, José Zapatero, George W. Bush, Luis Inacio Lula, sans oublier Bill Clinton et Bill Gates ont chanté les louanges du microcrédit.

 

 

- L’enjeu est de taille

Avec un important appui institutionnel des gouvernements[4] et de plusieurs organismes internationaux, les institutions de microcrédit se sont progressivement multipliées dans les pays en développement.

  • À l’échelle de la planète, environ 2 milliards d’adultes n’ont pas de compte bancaire. Cela ouvre une perspective de développement extraordinaire aux entreprises de microcrédit.
  • En 2019, leur nombre atteignait 916 avec 140 millions de client·es, dont 80 % de femmes, et un portefeuille de crédit de 124 milliards de dollars. Parmi eux, 65% des emprunteur·euses vivent en zone rurale.

Ces données qui se rapportent à 2019 sont tirées d’un rapport intitulé Baromètre 2019 de la microfinance[4bis]. Le document est édité en français par un “consortium” réunissant les trois principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale), la Fondation Grameen – Crédit Agricole, Renault, Véolia (première transnationale mondiale pour les services : eau, déchets, énergie), Master Card, Engie (GDF Suez), Danone (agroalimentaire), KPMG (une des quatre principales firmes d’audit au niveau mondial), Vinci (infrastructures de transport et gestion - autoroutes, aéroports -, énergie, BTP), la Mairie de Paris, le gouvernement princier de la principauté de Monaco, le ministère français des Affaires étrangères et du développement international… L’écrasante majorité des crédits octroyés se situent entre 100 et 1000 dollars.

La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit
La dette privée illégitime au Sud de la planète : le cas du microcrédit

Source : Baromètre de la microfinance 2019[4bis]

 

La plupart des grandes banques privées internationales ont créé une branche microcrédit chargée de débusquer les occasions de s’introduire dans le secteur, généralement en développant des partenariats avec des agences de microcrédit déjà existantes.

 

Certes, les montants prêtés sont faibles mais, comme mentionné plus haut, 2 milliards d’adultes n’ont pas de compte bancaire et sont des clients potentiels du microcrédit. Deux autres facteurs très importants sont à prendre en compte :

  • Primo, les taux d’intérêts réels pratiqués dans le secteur de la microfinance (en ajoutant au taux officiel, les commissions diverses exigées des emprunteurs) oscillent entre 25 % et 50 %.
  • Deuzio, selon les agences de microcrédit, le taux de recouvrement est supérieur à 90 % car les pauvres sont enclins à faire l’impossible pour rembourser leurs crédits.

 

 

- Un enjeu stratégique pour le capitalisme 

Le système capitaliste fonctionne en cherchant en permanence à pénétrer et dominer des sphères, des espaces qu’il ne domine pas entièrement. A la fin du 20e siècle, il a remporté une énorme victoire avec la restauration des relations capitalistes dans des sociétés comme l’URSS, les autres pays européens membres de son bloc, ainsi que la Chine et le Vietnam. Il aborde la crise environnementale comme une occasion de développer le marché des permis de polluer et de développer un capitalisme vert[5].

  • A partir des années 1960, avec le développement de la révolution verte, il a réussi à enchaîner aux relations capitalistes des centaines de millions de paysan·nes en les rendant dépendants des semences qu’il avait brevetées, des pesticides, des herbicides, des fertilisants qu’il brevetait et produisait.
  • A partir des années 1990, s’est développée une nouvelle vague de dépossession avec une politique d’accaparement de terres à grande échelle au niveau international[6].

 

Depuis les années 1980, avec le développement du microcrédit, le capitalisme vise progressivement à faire rentrer les 2 milliards d’adultes qui n’ont pas de compte en banque dans le circuit financier qu’il domine. Ces 2 milliards d’adultes, en majorité des femmes, sont déjà insérés dans les relations monétaires de manière plus ou moins profonde, mais une partie de ce qui est réalisé comme travail et une partie de ce qui est produit l’est encore pour la sphère domestique ou communautaire non monétaire (production alimentaire d’autosubsistance, travail au foyer). C’est un enjeu stratégique pour les capitalistes de réussir à les faire rentrer de manière systématique dans le système capitaliste via l’endettement formalisé à travers des relations contractuelles d’emprunt. Il s’agit par exemple de mettre un terme au système traditionnel de mutualisation de l’épargne entre femmes là où il existe encore, mettre fin par exemple aux tontines d’Afrique subsaharienne par lesquelles les femmes mettent en commun leur épargne et se prêtent à tour de rôle des sommes nécessaires pour certaines dépenses extraordinaires ou pour des projets/investissements. Faire rentrer par l’endettement la partie de l’humanité qui jusqu’ici n’était pas encore pleinement insérée dans les relations formelles (contractuelles) capitalistes constitue réellement un enjeu stratégique. (Lire aussi : « FMI : Inhumain aux niveaux micro et macro »[6bis])

 

🔴 C’est pourquoi se développe sur ce terrain l’activité des gouvernements, des organismes internationaux comme la Banque mondiale et toutes les banques multilatérales opérant dans les pays du Sud (Banque africaine de développement, Banque asiatique de développement, Banque interaméricaine de développement, Banque européenne d’investissement, etc.), des grandes entreprises financières (presque toutes les grandes banques privées, des fonds d’investissement), des grandes sociétés commerciales (les grandes chaînes de distribution), des sociétés de communication (principalement celles des téléphones mobiles).

 

🔴 À côté du microcrédit proprement dit sur lequel ce texte attire l’attention, il faut ajouter le développement du crédit à la consommation par les chaînes de distribution commerciale dans un grand nombre de pays émergents[6ter]. Il faut souligner également le développement de l’utilisation des téléphones mobiles pour effectuer des paiements et des transferts d’argent, notamment pour des personnes qui n’ont pas de compte bancaire[7]. Ce développement des paiements par téléphone mobile mériterait une étude spécifique.

 

 

- La fable du microcrédit

La question principale pour Muhammad Yunus est : « comment autoriser la moitié la plus fragile de la population du globe à rejoindre le courant principal de l’économie mondiale et à acquérir la capacité de participer aux libres marchés ? »[8]. Yunus part du postulat que l’économie mondiale fonctionne bien via le libre-marché : le seul problème des pauvres, c’est d’avoir le pied à l’étrier. Accéder à un premier prêt leur ouvrira la voie. Les banques considèrent que les pauvres ne sont pas solvables ? Elles refusent de leur accorder des prêts ? Yunus va tester le prêt aux pauvres. Avec ses équipes, il réalise un véritable forcing à ce sujet : « Quand un emprunteur tente d’esquiver une offre de prêt en prétextant qu’il n’a pas d’expérience des affaires et ne veut pas prendre cet argent, nous cherchons à le convaincre qu’il peut avoir une idée d’activité économique à créer » (p. 40) Endettez-vous d’abord, on verra après ce que vous arriverez à faire… Pour Yunus, « le social-business est la pièce manquante du système capitaliste. Son introduction peut permettre de sauver le système » (p. 171). Le tout est de savoir s’il faut sauver un système mortifère.

 

De nombreuses études empiriques consacrées au microcrédit et de nombreux auteurs montrent que celui-ci ne permet pas réellement aux clients de sortir structurellement de la pauvreté[9]. Le microcrédit plonge une grande partie des usagers dans l’endettement, voire le surendettement. Il ne permet pas le développement d’entreprises dans le secteur formel. Les microentreprises qui s’endettent auprès des agences de microcrédit restent dans le secteur informel. Le microcrédit ne permet pas aux collectivités locales de se renforcer et de remplacer des services publics qui se dégradent ou disparaissent suite au retrait de l’État réalisé dans le cadre des politiques néolibérales. En fait, le microcrédit reproduit les mécanismes qui génèrent la pauvreté. Une fois endettées, les personnes, en majorité des femmes, peuvent être plus facilement dépossédées, soumises et obligées de chercher à s’incorporer au marché du travail salarié pour trouver une source de revenus. De la sorte, elles contribuent à renforcer la masse des sans-emplois et à peser vers le bas sur les salaires. Dans maintes situations, les clients des institutions de microcrédit qui sont en difficulté de paiement finissent par avoir recours aux usuriers traditionnels qui posent moins de conditions mais exigent des taux encore plus élevés.

 

 

- Des exemples concrets liés au microcrédit

🔴 Bangladesh : pays emblématique du microcrédit

Au Bangladesh, un des pays où le microcrédit est le plus développé, sur une population de 160 millions d’habitants, en 2015, des microcrédits étaient octroyés à 29 millions de personnes pour un montant moyen de 200 euros (17 000 takas, la monnaie du Bangladesh)[10]. Plus de 80 % des emprunteurs sont des femmes. Abul Kalam Azad, membre du CADTM, travaille pour Action[10bis] Aid à Dacca, au Bangladesh, et témoigne : « Le microcrédit, dans son fonctionnement « classique », consiste à accorder de petits prêts à plusieurs débiteurs réunis en un seul groupe. Un groupe bénéficiant d’un prêt est composé d’environ 25 à 30 personnes devant s’engager sur 16 principes (qui ont pour but de garantir que les emprunteurs agiront de manière collective et inclusive en tant que groupe de débiteurs). Les membres d’un groupe commencent par constituer un fonds d’épargne commun, avant de s’adresser à une agence de microcrédit sur cette base afin de demander un prêt. Plus récemment, les agences de microcrédit ont commencé à pratiquer des prêts aux individus. Dans le cas d’un prêt individuel, le débiteur doit constituer une garantie auprès de l’agence s’élevant à 30 % du montant contracté[11]».

 

Le taux d’intérêt[11bis] réel varie entre 35 et 50 % (si on prend en compte les commissions officielles prélevées). En conséquence, vu les difficultés de s’acquitter d’un tel taux, une cliente de la microfinance (nous employons le féminin vu que les femmes sont majoritaires parmi les clients), en moyenne, est endettée auprès de 3 organismes de microcrédit. Prenons un exemple fictif mais tout à fait plausible. Elle commence par emprunter à la Grameen Bank (actuellement, la troisième banque de microcrédit en termes de volume au Bangladesh). Si elle n’arrive pas à payer à temps, elle emprunte à BRAC (qui est le principal organisme de microcrédit) pour rembourser Grameen. Ensuite, ne pouvant pas rembourser BRAC et Grameen, elle se tourne vers ASA (la deuxième banque de microcrédit). Si elle n’arrive pas à rembourser, elle décide de disparaître avec les siens. Si la famille vit dans un village, elle le quitte sans laisser d’adresse et va rejoindre la ville pour se fondre dans la masse avec un sentiment de culpabilité. Dacca, la capitale, compte 14,5 millions d’habitants et d’autres villes bourgeonnent.

 

La difficulté de faire face au remboursement des microcrédits constitue un facteur très important de stress et d’humiliation pour les personnes endettées. Selon Abul Kalam Azad : « Les difficultés liées au remboursement du microcrédit ont induit énormément de stress au sein des familles contractant des prêts ». Comme une grande partie des personnes emprunteuses n’a pas de propriété immobilière, la dépossession ne porte pas sur la terre ou le domicile, elle porte sur la garantie de 30 % que l’emprunteuse a dû déposer auprès de l’agence de microcrédit.

 

Pour comprendre comment les organismes de microcrédit affichent un taux de remboursement de plus de 98 %, il faut prendre en compte ce facteur très important. Une personne qui souhaite emprunter doit déposer en garantie 30 % de la somme empruntée. Si elle n’arrive pas à rembourser, l’organisme de microcrédit garde la garantie. C’est ainsi que les agences de microcrédits arrivent à un taux de recouvrement de 98 %. Celui-ci cache en réalité un phénomène de dépossession, celle d’un nombre important de personnes qui, n’arrivant pas à faire face aux obligations de remboursement, perdent la garantie qu’elles ont déposées et quittent leur village pour échapper à l’opprobre.

 

Une précision supplémentaire : au Bangladesh, les trois principales banques de microcrédit contrôlent 61 % du marché. Quand vous vous déplacez dans la capitale Dacca, vous vous apercevez que la majorité des ATM (guichets automatisés de retrait bancaire) sont ceux de ces trois principales banques.

 

🔴 Colombie : le microcrédit soutenu systématiquement par l’État

Comme indiqué plus haut, le gouvernement colombien et celui des États-Unis, de même que la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement, sont intervenus activement dans le lancement, le soutien et l’extension de la microfinance. Dans ce pays, les microentreprises, qui représentent la majorité des emplois, ont constitué la cible principale des microcrédits. Cinq institutions dominent le secteur en contrôlant 72 % des crédits en 2014. La principale banque de microcrédit, Bancamia, est liée à la deuxième plus grande banque privée espagnole, BBVA. L’État les soutient de manière structurelle. En 1996, Corposol/Finansol, qui contrôlait 40 % du marché des nouveaux crédits aux microentreprises, dut être sauvée avec l’aide des finances publiques car elle avait donné la priorité à la recherche à tout prix d’une extension maximale[12]. Les hauts cadres des banques de microcrédit proviennent de grandes banques privées, notamment des États-Unis comme la Citibank.

 

Toutes les évaluations réalisées par le gouvernement colombien font état des succès de ce qu’il appelle l’industrie du microcrédit. La raison est simple : ces évaluations ne prennent en compte que la croissance du secteur de la microfinance sans se préoccuper de ses effets sur l’activité économique, sans se pencher sur la capacité des microentreprises à quitter le secteur informel pour passer au secteur formel. En réalité, la microfinance colombienne a maintenu les microentreprises dans l’informalité et a poussé à leur surendettement, ce qui a augmenté le taux des impayés.

  • À partir des années 2000, le gouvernement a convaincu les grandes banques privées colombiennes d’investir dans la microfinance. Annuellement, 130 millions de dollars ont été investis par elles entre 2002 et 2006, largement avec une garantie publique en cas de défaut de paiement ou de faillite[13]. La quantité de crédits bénéficiant de la garantie de l’État a été multipliée par 5 entre 2001 et 2005.
  • Par la suite, le gouvernement décida d’augmenter encore le nombre de microcrédits octroyés, il fixa comme objectif à atteindre l’attribution de 5 millions de microcrédits entre 2006 et 2010. L’objectif fut dépassé, 6,1 millions de crédits furent octroyés. Pour la période 2010-2014, même dépassement : alors que le gouvernement voulait atteindre 7,7 millions de microcrédits, le total atteignit 10,2 millions de microcrédits. Mais le programme en pleine extension n’avait pas réussi à améliorer la qualité de l’emploi. En 2006, sous la pression des banques de microcrédit, le gouvernement autorisa une augmentation des taux d’intérêt[14]. Les taux autorisés pouvaient se situer entre 22,6 % et 33,9 %.
  • À partir de 2010, les taux admis furent encore augmentés, ils pouvaient osciller entre 30 et 50 %. De plus, le gouvernement autorisa l’introduction de taux variables avec indexation tous les 3 mois. En Colombie, l’expansion du microcrédit est exponentielle. On est passé d’un volume total de 136 millions de dollars en 2002 à 3 800 millions en 2016, soit une croissance annuelle de 28,1 %. En termes de taille individuelle des crédits, en 2015, 72 % des microcrédits varient entre 1 et 25 fois le salaire minimum légal, tandis que les 28 % restants oscillent entre 25 fois et 120 fois le salaire minimum légal. En 2015, le rendement sur fonds propres (ROE) était phénoménal[15] : Bancamia atteignait 11,7 % , la Banque mondiale des Femmes –sic !- (WWB) 9,1 % et la banque Monde féminin (Mundo Mujer) 21 %. Goldman Sachs, une des banques les plus rentables au niveau mondial, obtient des résultats nettement inférieurs !

    Alors que la santé apparente des banques colombiennes spécialisées dans le microcrédit est excellente, il n’en va pas de même des personnes et des microentreprises qui font appel à leurs prêts. 32 % des clients sont surendettés et ont dû demander une restructuration de leurs dettes qui passe essentiellement par une extension de la période de remboursement. Avec la conjoncture économique qui s’est dégradée en Colombie en 2016-2017, le nombre des défauts de paiement a fortement augmenté[16].

 

🔴 Afrique du Sud : Il est fréquent que les patrons, sur ordonnance judiciaire, déduisent directement le montant à rembourser du salaire de leurs travailleurs

Le 16 août 2012, dans la région de Marikana en Afrique du sud, la police a ouvert le feu sur des mineurs en grève et en a tué trente-quatre. Cet épisode tragique est souvent considéré comme marquant un tournant dans l’histoire de la démocratie dans ce pays appelé ’nation arc-en-ciel’. Ce qu’il révèle, c’est non seulement le soutien quasi-inconditionnel apporté aux forces du capital par l’ANC (qui avait dirigé la lutte anti apartheid) et la nouvelle classe dirigeante noire, mais également combien est important le niveau d’endettement des mineurs. L’essentiel de leur dette est dû à des ‘ micro-prêteurs ’ ; en fait la croissance du microcrédit en Afrique du Sud est tout simplement phénoménale. Des Sud-Africains qui gagnent entre 3 500 et 10 000 rands par mois (un salaire d’ouvrier) consacrent jusqu’à 40 % de leur revenu à rembourser des emprunts. Il est fréquent que les patrons, sur ordonnance judiciaire, déduisent directement le montant à rembourser du salaire de leurs travailleurs. Si les mineurs étaient en grève en 2012 pour obtenir une augmentation de salaire, c’est que ces prélèvements leur laissaient à peine de quoi vivre et qu’ils avaient emprunté à des taux usuraires auprès des prêteurs sauvages qui se sont multipliés près des mines ou dans des localités comme Marikana[17].

 

🔴 Maroc : quand les victimes s’organisent

Depuis le milieu des années 1990, l’État marocain a promu le microcrédit par le biais de financements publics nationaux et internationaux (Fonds Hassan II pour le développement, PNUD[17bis], USAid...).

 

Ce sont aujourd’hui 13 institutions coordonnées dans le cadre de la Fédération nationale des associations de microcrédits, dont quatre représentent 95 % des prêts (dont deux filiales de banques) qui structurent le secteur. Celui-ci a connu, de 2008 à 2011, une crise due aux défaillances de remboursement, qui s’est entre autres concrétisée par la faillite de la fondation Zakoura, entrainant une intervention de l’État pour réorganiser et consolider ces structures.

 

Des années 1990 à la fin 2015 près de 50 milliards de dirhams de prêts ont été distribués. Les prêts vont de 500 dirhams à 50 000 dirhams [50 à 5 000 euros] au maximum à un taux effectif moyen de 35 % mais qui peut aller bien au-delà.

 

Profitant de la situation d’urgence à laquelle sont confrontés les emprunteurs, de leur niveau d’étude et de leur méconnaissance des procédures, les organismes de microcrédit cachent le taux d’intérêt effectif annuel réel, ne donnant que le taux mensuel.

 

Les difficultés de remboursement d’emprunts excessifs et l’application de taux usuraires expliquent la naissance d’un mouvement de victimes des microcrédits dans la région de Ouarzazate (Sud-Est du Maroc) en 2011[18]. Ce mouvement a regroupé environ 4 500 victimes, en grande majorité des femmes. ATTAC CADTM Maroc a soutenu cette lutte et l’a considérée comme une lutte juste contre la cupidité des institutions bancaires et des investisseurs qui les contrôlent, en montrant le caractère illégitime et illégal de ces prêts.

Caravane internationale de solidarité avec les femmes victimes des micro-crédits au Maroc

Caravane internationale de solidarité avec les femmes victimes des micro-crédits au Maroc

Comme l’écrit ATTAC CADTM Maroc : « À travers sa lutte, ce mouvement a révélé la fausseté de l’objectif déclaré des institutions de la microfinance jusque dans la loi qui les régit, et les moyens illégaux auxquels elles ont recours dans les cas de dettes impayées. Les emprunteurs ont été soumis à diverses formes de menaces et dépouillés de leurs biens. Les femmes en particulier ont dû faire face à d’énormes pressions : certaines ont quitté leurs familles, d’autres ont émigré, certaines se sont vu forcées à recourir la prostitution »[19]

 

Les organisateurs du mouvement ont été poursuivis en justice, condamnés à des peines sévères dans un premier temps. Devant la forte mobilisation des victimes et la solidarité internationale qu’elles ont reçue, le tribunal a finalement prononcé l’acquittement[20].

 

Comme le souligne ATTAC CADTM Maroc : « la question des microcrédits dépasse la question de l’avidité et de la cupidité des institutions financières internationales et locales mais pose le problème plus général du type de politiques mises en place pour lutter contre la pauvreté et plus largement encore du modèle de développement qui sous-tend ces politiques. D’un côté, on supprime les moyens de subsistance d’une partie de la population, par l’accaparement des terres, l’extension de l’agrobusiness, la fermeture des services publics ou leur privatisation et, d’un autre, on lui prête de l’argent de façon à ce qu’elle soit solvable pour accéder à des services payants : écoles privées, cliniques, etc. tout en lui demandant de créer ses propres activités génératrices de revenus dans un monde en crise et en lui retirant au passage une part importante des bénéfices de l’opération. »[21]

 

 

- D’autres mécanismes de dettes privées
D’autres mécanismes d’endettement privé jouent un rôle fondamental dans les pays dits en développement qu’ils soient émergents ou non.

 

🔴 En Chine, plus d’une centaine de millions de personnes sont victimes d’une énorme bulle immobilière en développement depuis plus de 10 ans.

Dettes privées illégitimes AVP N°71 - 2° trimestre 2017
Dettes privées illégitimes AVP N°71 - 2° trimestre 2017

Les logements atteignent des prix astronomiques. Des dizaines de millions de paysans sont victimes de la spéculation[21bis] immobilière qui entraîne un renchérissement des terres agricoles à proximité des agglomérations urbaines. Les banques chinoises se sont lancées dans des crédits hypothécaires de plus en plus massifs et les abus se multiplient de la part des banquiers. Le taux de défaut de paiement augmente. Lorsque les prix de l’immobilier s’effondreront, les familles menacées par des expulsions de logements se compteront par dizaines de millions.

 

🔴 En Inde :

En Inde on dénombre au cours des 20 dernières années plus de 300 000 suicides de paysans endettés et le nombre de victimes ne faiblit pas[22].

 

En résumé, en ce début du 21e siècle, tant au Nord qu’au Sud de la planète, les opprimés sont confrontés à une recrudescence de l’utilisation des dettes privées comme mécanisme d’asservissement, de spoliation et de dépossession. C’est pour cela que le CADTM a décidé d’intégrer dans ses activités la lutte pour l’abolition des dettes privées illégitimes.

 

Notes :

[0Dette

[1] Voir Éric Toussaint et Damien Millet, " 65 questions 65 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, 2012 ", Chapitre 3

[2] Voir Éric Toussaint, " Comment appliquer des politiques antipopulaires d’austérité. L’OCDE fournit un vade-mecum pour les gouvernants "

[2bis] Intrants

[2ter] OGM / Organisme génétiquement modifié

[3Banque mondiale / BM

[3bis] Daniel Munevar, « Colombia : A critical look », 2017, 21 pages à paraître dans une publication de la CNUCED.

[4] Une fois de plus, ce qui est présenté comme une initiative qui surgit de la société civile et de l’initiative privée doit son succès à un soutien vital de la part de l’État et des organismes internationaux comme la Banque mondiale qui prolonge l’action des États.

[4bisBaromètre 2019 de la microfinance

[5] Voir « L’impossible capitalisme vert ». Un livre indispensable pour construire un projet écosocialiste, mais « Éco. quoi ? Écosocialisme ! Mais de quoi parle t-on». Voir aussi Daniel Tanuro, « L’impossible capitalisme vert ? » Pourquoi ?

[6] Nicolas Sersiron, « Terres préemptées, néo-colonialisme renforcé »

[6bisLire aussi : « FMI : Inhumain aux niveaux micro et macro »

[6terpays émergents

[7] Voir « Le Kenya, leader mondial du paiement mobile ». Voir aussi « ONU, Transferts d’argent : le téléphone portable au secours des banques », Afrique Renouveau En Ligne ; CNUCED, « Les services monétaires par téléphonie mobile »

[8] Muhammad Yunus, Vers un nouveau capitalisme, J-C Lattès, 2007, 280 pages, p. 31. Ce passage est tiré de l’excellent article de Denise Comanne, « Muhammad Yunus : prix Nobel de l’ambiguïté ou du cynisme ? »

[9] Esther Duflo, « Microcrédit, miracle ou désastre ? »

[10] Source : Monower Mustafa, communication au séminaire international tenu par le CADTM à Dacca les 3 et 4 mars 2017. Voir le compte-rendu : « La lutte contre la dette et le microcrédit s’organise en Asie du Sud »

[10bisAction / Actions

[11] « Microcrédit au Bangladesh : hold-up de la Grameen Bank et consorts sur les villages ruraux »

[11bis] Taux d’intérêt

[12] Voir « Grandeur et décadence de Corposol : enseignements sur la gestion de la croissance »

[13] Trigo, J., Patricia, L., Devaney, L., & Rhyne, E. (2004). Supervising & Regulating Microfinance in the Context of Financial Sector Liberalization : Lessons from Bolivia, Colombia and Mexico

[14] Gutiérrez, M. L. (2009). Microfinanzas dentro del contexto del sistema financiero colombiano

[15] Le Return On Equity mesure en pourcentage le rapport entre le résultat net et les capitaux propres investis par les actionnaires. L’équation revient à ROE = Résultats net / capitaux propres.

[16] El Nuevo Siglo Bogotá, « Le décaissement du microcrédit diminue »

[17] Source : Samantha Ashman, Financiarisation et luttes des mineurs en Afrique du Sud (Financialisation and Mine Workers’ Struggles in South Africa), communication à la journée d’études : « Finance et mouvements sociaux », Paris, 13 avril 2017.

[17bisPNUD / Programme des Nations unies pour le développement

[18] Lucile Daumas, « Micro-crédit, macro-arnaque »

[19] ATTAC CADTM Maroc, « Le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches ». Voir également Omar Aziki, « Maroc : les couches populaires sous le double joug du microcrédit et du despotisme »

[20] Souad Guennoun, « Acquittement pour les deux inculpé.e.s du procès microcrédit à Ouarzazate »

[21] ATTAC CADTM Maroc, « Le microcrédit au Maroc : quand les pauvres financent les riches ».

[21bisSpéculation

[22] Pour un cas précis, voir Al Jazeera, « Les producteurs de canne à sucre de l'Inde : un cycle de dettes et de suicide »

 

Pour en savoir plus :

Alerte sur la sophistication des techniques d’endettement illégitime via la téléphonie mobile

- Témoignages accablants d'abus de microcrédit

 

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2 décembre 2024 1 02 /12 /décembre /2024 16:08
Des dépossessions pour dettes non payées aux dettes hypothécaires et étudiantes : la dette privée durant l’ère capitaliste

Suite de l'ABC de 5000 ans de dettes privées illégitimes...

Tant qu’on n’aura pas renversé le capitalisme, on ne pourra pas sauver l’éducation

 

 

 Premier article sur LES DETTES 👉 : " DE BABYNONE AUX CONQUISTADORS EN PASSANT PAR LE MONDE ANTIQUE : LES DETTES "

 

 

Sources : CADTM |

- L’endettement privé des classes populaires et la répression du non-paiement de dettes comme sources d’accumulation primitive du capitalisme

En Europe, du XVIe au XVIIIe siècle, l’endettement privé des classes populaires et la répression du non-paiement de dettes ont contribué à constituer une masse de prolétaires : peine d’emprisonnement, mutilation, création de bagnes contribuèrent à obliger les populations paupérisées à accepter du travail dans les manufactures. Cela fait partie intégrante des sources de l’accumulation primitive ayant permis au capitalisme de s’imposer comme mode de production dominant d’abord en Europe puis dans le reste du monde (voir encadré ci-dessous).

 

L’Accumulation primitive par dépossession

 

K. Marx met en avant comme sources, souvent violentes, de l’accumulation primitive ayant permis au capitalisme de prendre le dessus sur d’autres modes de production : la séparation radicale du producteur d’avec les moyens de production, la suppression des biens communaux, le mouvement d’enclosure dans les campagnes, la dépossession des artisans de leurs outils de travail, la répression sanguinaire contre les expropriés (qui avaient tout perdu à cause de dettes qu’ils n’arrivaient pas à rembourser), la conquête coloniale et la mise en coupe réglée des continents accaparés par les puissances européennes, le commerce des esclaves, le système de la dette[0] publique[1].

 

Silvia Federici y ajoute la chasse aux sorcières, ce vaste mouvement sanglant de répression des femmes de la fin du XVe au milieu du XVIIe siècle. Ernest Mandel résume la position de Marx et souligne que « On pourrait même affirmer que Marx a sous-estimé l’importance du pillage du tiers-monde pour l’accumulation du capital industriel en Europe occidentale[2]. »

 

Rosa Luxemburg en 1913, dans L’Accumulation du capital (Paris : Maspero, Vol. II, 1969) revient également sur le processus d’accumulation primitive et son prolongement à l’ère de l’impérialisme de la fin du XIXe siècle[3]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une partie importante de la masse des prolétaires qui rejoignaient les villes où des manufactures commençaient à se développer était constitué de populations rurales surendettées qui avaient été dépossédées de leurs terres par les créanciers.

  • Le non-paiement des dettes a été violemment réprimé jusqu’au milieu du XIXe siècle dans les pays qui ont été au centre de l’essor du système capitaliste industriel : l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord.
  • De lourdes peines de prison sanctionnaient les pauvres coupables du non-paiement des dettes. La peine capitale était couramment appliquée en Angleterre jusqu’au XVIIIe siècle. Aux États-Unis, dans l’État de Pennsylvanie, à la fin du XVIIIe siècle, les mauvais payeurs pouvaient être condamnés au fouet, être mis au pilori avec une oreille clouée à celui-ci, avant d’être coupée. Ils risquaient également d’être marqués au fer rouge. En France, des peines de prison étaient systématiquement appliquées. Bien sûr, s’y ajoutait l’expulsion du logement, la saisie de tous les biens.

 

 

- Quelques exemples de dépossession et de résistance au XVIII et au XIXe siècle
Aux États-Unis, peu de temps après l’indépendance, des mouvements de protestation furent organisés par des paysans dont les terres et les biens étaient saisis pour non-paiement des impôts et taxes. Ce paiement était exigé en monnaie, alors que beaucoup de paysans n’en avaient pas ou très peu, vivant de troc et de paiement en nature. De nombreux paysans avaient servi dans les armées révolutionnaires mais n’avaient jamais reçu l’entièreté de leur solde. Dans le Massachusetts, en 1782 à Groton, et encore en 1783 à Uxbridge, des citoyens s’organisèrent et s’attaquèrent aux autorités, exigeant le retour des biens confisqués. Au début de la Rébellion de Shays, en 1786, les foules empêchèrent les tribunaux de siéger à Northampton et à Worcester après que le gouverneur Bowdoin ait renforcé les actions en justice destinées à recouvrer les dettes et que la législature ait imposé une taxe supplémentaire destinée à financer le paiement de la part du Massachusetts dans la dette étrangère des États-Unis. Daniel Shays, dont le mouvement porte le nom, était un ancien combattant non-payé. Il s’était retrouvé devant un tribunal pour non-paiement d’impôts.

Rébellion de Shays, 1786

Rébellion de Shays, 1786

À partir de 1798, s’organisa un mouvement d’autodéfense des endettés qui exigea l’adoption d’une législation les protégeant contre l’arbitraire des créanciers et de la justice. Une loi fédérale fût adoptée en 1800 mais elle se limitait à protéger les banquiers et les commerçants en suspension de paiement. Par ailleurs les différents États continuèrent à avoir recours à leurs propres lois, qui le plus souvent favorisaient les créanciers.

 

Scott Standage[4] cite un livre de 1828, The Patriot ; or, People’s Companion qui plaidait pour l’abolition de l’emprisonnement des endettés, estimant que la dette constituait une forme « d’esclavage civil » au même titre que l’esclavage des Noirs – les endettés, pas plus que les esclaves, ne bénéficiant d’aucune protection dans la Constitution.

 

Chercher à échapper aux créanciers constituait une des causes du courant migratoire de l’Est des États-Unis vers l’Ouest, le Far West. Une partie majoritaire des Européens qui ont participé à la colonisation du Nouveau Monde aux XVIIe et XVIIIe siècles s’étaient endettés pour payer leur voyage et se trouvaient dans un rapport de servitude par rapport à leurs créanciers. Durant de longues années, ils étaient tenus de rembourser la dette initiale et étaient menacés de prison ou de mutilation en cas de non-paiement. On estime qu’entre la moitié et les deux tiers des Européens qui se sont installés dans les 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord entre 1630 et 1776 sont venus dans de telles conditions de servitude pour dettes[5]. Ce type de servitude pour dette n’a été aboli aux États-Unis qu’en 1917.

 

 

🔴 Le même type de contrat d’endettement afin de financer la colonisation a été appliqué dans l’ensemble de l’empire britannique. Des millions de pauvres ont quitté l’Inde dans ces conditions pour s’installer soit dans les îles Caraïbes britanniques, soit à l’Île Maurice, soit en Afrique du Sud, soit dans d’autres parties de l’Empire. Rien que sur l’Île Maurice, entre 1834 et 1917, près d’un million et demi d’Indiens se sont installés en ayant été contraints par la misère d’accepter des contrats de servitude pour dette[6].

  • En 1875, en Inde, dans la vaste région appelée le Deccan, des émeutes éclatèrent au cours desquelles des paysans endettés se sont soulevés pour détruire systématiquement les livres de comptes des usuriers et ainsi répudier leurs dettes[7].
  • La révolte a duré deux mois et a concerné une trentaine de villages couvrant 6 500 km2.
  • Une commission d’enquête parlementaire fut mise en place à Londres et en 1879 fut adoptée une loi intitulée en anglais « Dekkhan Agriculturists’ Relief Act[8] » qui offrait une certaine protection aux paysans endettés.

 

En 1880, une crise de la dette a frappé les petits et moyens paysans aux États-Unis. Cela s’est produit à nouveau à une échelle massive dans les années 1930 comme l’écrivain John Steinbeck le décrit dans son célèbre roman Les Raisins de la colère (titre original en anglais : The Grapes of Wrath) publié en 1939. Ces crises successives ont entraîné la dépossession de millions de paysans endettés des États-Unis en faveur des grandes entreprises privées de l’agrobusiness.

 

 

- Du truck system du XIXe siècle au crédit à la consommation au XXe siècle

Au XIXe siècle, lors de la généralisation de la révolution industrielle et de l’expansion du capitalisme, les patrons ont mis en place le " truck system[8bis] qui permettait d’endetter de manière permanente les salariés. Les travailleurs, dans l’attente du paiement du salaire, devaient acheter au magasin du patron tous les biens élémentaires dont ils avaient besoin pour vivre : aliments, moyens de chauffage, d’éclairage, vêtements… Ils étaient obligés d’acheter à des prix exorbitants et au moment de la paie, après décompte de leurs achats, très souvent ils devaient reconnaître une dette car leurs dépenses avaient dépassé leur salaire. Pour en venir à bout, les ouvriers ont dû mener de durs combats. C’est aussi une des raisons qui ont amené les ouvriers à se doter de coopératives pour produire des aliments (boulangerie…) ou pour vendre à des prix abordables les produits de première nécessité. Le truck system a finalement été interdit.

 

🔴 Après la seconde guerre mondiale, les années 1950-60 sont marquées, dans les pays les plus industrialisés (c’est vrai également dans plusieurs pays du Sud comme l’Argentine, par exemple), par une période de forte croissante économique (les « Trente glorieuses ») qui permet aux travailleurs d’obtenir par la lutte des avancées sociales importantes : nette augmentation du pouvoir d’achat, consolidation du système de sécurité sociale, amélioration des services publics en particulier dans l’éducation et la santé… L’État procède aussi à bon nombre de nationalisations, ce qui renforce son pouvoir d’intervention économique. Les populations profitent davantage de la richesse créée à l’échelle nationale et la part des salaires dans le revenu national augmente.

 

🔴 À partir de l’offensive néolibérale initiée au Chili en 1973 avec le dictateur Pinochet et en Argentine en 1976 avec la dictature de Videla (dictatures qui ont bénéficié du soutien actif de Washington) et développée ensuite par Thatcher et Reagan au cours des années 1980, les salaires réels ont été comprimés. Dans les pays les plus industrialisés, la consommation de masse a poursuivi sa progression au prix d’un endettement de plus en plus important de la population[9]. Les gouvernants, les banques et les grandes sociétés privées de l’industrie et du commerce ont favorisé le recours de plus en plus massif à l’endettement des ménages.

 

L’emprisonnement pour dettes relatives à des amendes non payées à l’État n’a pas disparu partout

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le non-paiement de dettes privées, et plus précisément de dettes privées ou d’amendes à l’égard de l’État, est jusqu’à aujourd’hui toujours passible d’emprisonnement dans plusieurs pays européens bien que plusieurs conventions internationales l’interdisent[10].

 

En France, l’emprisonnement pour dette a été aboli à deux brèves reprises, en 1793 et en 1848. Il fut supprimé définitivement en matière civile et commerciale par la loi du 22 juillet 1867. Le Code de procédure pénale l’a supprimé en 1958 en matière criminelle quant aux dommages-intérêts accordés à la partie civile. Aujourd’hui, l’emprisonnement pour dette ne s’applique plus qu’aux condamnations à une peine d’amende, aux frais de justice et aux paiements au profit du Trésor, et encore, à condition qu’il s’agisse bien d’une infraction de droit commun et n’emportant pas peine perpétuelle. Donc en France, la contrainte judiciaire consiste à incarcérer ou maintenir en détention une personne solvable pour défaut de paiement de certaines amendes, auxquelles elle a été condamnée par le Trésor public ou l’administration des douanes[11].

 

En Belgique, l’emprisonnement (appelé emprisonnement subsidiaire) pour non-paiement des amendes à l’égard de l’État est toujours possible même si depuis une vingtaine d’années les ministres de la justice qui se sont succédés ont recommandé de ne pas l’appliquer. Dans une réponse du ministre de la justice belge à une question parlementaire posée par un député d’extrême-droite (Vlaams Belang) à une époque où ce parti atteignait plus de 20 % des voix, on apprend de la bouche du ministre que « L’article 40 précise « À défaut de payement dans le délai de deux mois à dater de l’arrêt ou du jugement s’il est contradictoire, ou de sa signification, s’il est par défaut, l’amende pourra être remplacée par un emprisonnement dont la durée sera fixée dans le jugement ou l’arrêt de condamnation, et qui n’excédera pas six mois pour les condamnés à raison de crime, trois mois à raison de délit et trois jours pour les condamnés à raison de contravention ». « S’il n’a été prononcé qu’une amende, l’emprisonnement à subir, à défaut de payement est assimilé à l’emprisonnement correctionnel ou de police selon le caractère de la condamnation. » L’article 41 précise : « Dans tous les cas, le condamné peut se libérer de cet emprisonnement en payant l’amende ; il ne peut se soustraire aux poursuites sur ses biens en offrant de subir l’emprisonnement. »[12] En pratique, un juge en Belgique peut émettre une sentence prévoyant un emprisonnement subsidiaire (cela ne se passe qu’en matière pénale). Dans ce cas, le juge prévoit l’amende et indique que si la personne le souhaite ou n’a pas les moyens, elle devra effectuer une peine de prison. Évidemment, il est clair que le riche choisira de payer l’amende et évitera la prison, tandis qu’une personne qui a de faibles revenus et pas de patrimoine ou très peu devra aller en prison. Cela montre que la justice telle qu’elle est rendue est une justice de classe.

 

Le ministre précise : « En 2000, en matière correctionnelle sur 22 632 condamnations à une amende, les parquets ont ouvert 3 745 dossiers concernant l’exécution des peines d’emprisonnement subsidiaire. En 2001, sur 21 375 condamnations à une amende seuls 1 745 dossiers d’exécution de peines de prison subsidiaires ont été ouverts dans les parquets. »
Même si, en pratique, des peines d’emprisonnement ne sont plus appliquées ou très rarement, le fait que certains pays ont maintenu cette possibilité ne peut qu’inquiéter. En effet dans l’éventualité d’une accession de l’extrême-droite au gouvernement et du renforcement permanent des méthodes répressives, il est possible que des peines d’emprisonnement pour dette soient prononcées à l’encontre de boucs émissaires des classes populaires. Il ne manque pas de magistrats réactionnaires dans l’appareil de la justice pour prendre des initiatives qui renforceraient le caractère de classe de l’application de la loi.

 

Plus largement, Jami Hubbard Solli a montré que dans plus de 20 pays, la loi autorise les créancie·res à demander l’incarcération des débiteur·ices en cas de défaut de paiement[13]. Par exemple, au Kenya et en Ouganda, cette législation est bel est bien appliquée. En effet, plusieurs centaines de personnes n’ayant pas pu rembourser leur dette sont emprisonnées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Dettes hypothécaires illégitimes et expulsion de logement

Lorsque la bulle immobilière a éclaté au Japon (années 1990), aux États-Unis (2006-2007), en Irlande et en Islande (2008), en Espagne (2009), des dizaines de millions de ménages des classes populaires ont été acculés à la cessation de paiement et ont commencé à être victimes d’expulsions massives[14]. Dans un contexte de baisse du salaire réel, de chômage massif et de conditions de prêts abusives, les effets de ces dettes sont catastrophiques pour une partie croissante des secteurs populaires.

  • Aux États-Unis, après 2006, quatorze millions de familles ont été dépossédées de leurs logements par les banques[15].
  • En Espagne, il s’agit de plus de 300 000 familles. Nous sommes confrontés une nouvelle fois dans l’histoire des pays du Nord à un phénomène massif de dépossession brutale.
  • Aux États-Unis, la justice a dénombré pas moins de 500 000 cas de contrats immobiliers abusifs et frauduleux, le chiffre réel est bien plus élevé.
  • En Espagne, la législation qui est utilisée par les banquiers pour expulser les familles de leurs logements date de l’époque du dictateur Franco. En Grèce, dans le cadre du troisième mémorandum accepté par le gouvernement Tsipras en 2015, les banques ont commencé à avoir les mains libres pour expulser les familles incapables de payer leurs dettes hypothécaires[16].

Aux États-Unis, en Espagne, en Irlande, en Islande, en Grèce…, un nouveau type de mouvement et de mobilisations est né afin de résister à cette politique d’expulsion/dépossession.

 

 

- Dettes étudiantes illégitimes

Dans les pays anglo-saxons les plus industrialisés ainsi qu’au Japon, les politiques néolibérales appliquées dans le système d’éducation ont augmenté de manière dramatique le coût des études supérieures et ont restreint très fortement l’accès aux bourses d’étude. Le même phénomène est à l’œuvre à l’échelle planétaire.

 

Cela a obligé des dizaines de millions de jeunes des classes populaires à s’endetter dans des proportions dramatiques afin de pouvoir réaliser des études supérieures. Aux États-Unis, la dette étudiante dépasse 1 700 milliards de dollars, soit le double de la dette publique totale de l’ensemble du continent africain, qui compte plus d’un milliards d’habitant·es[17]).

 

Un seuil symbolique qui exprime la gravité de la situation.

  • Deux étudiant·es sur trois sont endetté·es et doivent en moyenne 37 667 dollars.
  • En 2008, 80 % des étudiant·es qui terminaient un master en droit cumulaient une dette de 77 000 dollars s’ils avaient fréquenté une université privée et de 50 000 dollars s’il s’agissait d’un établissement public.
  • L’endettement moyen des étudiant·es qui ont accompli une année de spécialisation de médecine atteignait 140 000 dollars. Une étudiante qui a réussi son master en droit déclarait à un quotidien italien : « Je pense que je n’arriverai pas à rembourser les dettes que j’ai contractées pour payer mes études, certains jours je pense que lorsque je mourrai, j’aurai encore les mensualités de la dette pour l’université à payer. Aujourd’hui j’ai un plan de remboursement étalé sur 27 ans et demi, mais il est trop ambitieux car le taux est variable et je parviens à grande peine à payer (…). La chose qui me préoccupe le plus est que je suis incapable d’épargner, et ma dette est toujours là et me hante »[18].

Comme elles subissent des discriminations majeures dans l’accès à l’emploi, dans la distribution des salaires, et dans la répartition du travail domestique non rémunéré (pour les femmes), les femmes et les personnes racisées sont les premières à subir ce système universitaire basé sur l’endettement[19]. Elles s’endettent donc davantage et mettent beaucoup plus de temps pour rembourser ces emprunts. En 2019, 20 ans après avoir commencé leurs études, les personnes noires s’étant endettées devaient 95% de leur dette étudiante. Les individus blancs dans la même situation avaient remboursé 94% de cet emprunt[20].

Des dépossessions pour dettes non payées aux dettes hypothécaires et étudiantes : la dette privée durant l’ère capitaliste

Au Japon, un·e étudiant·e sur deux est endetté. L’endettement moyen des étudiants atteint l’équivalent de 30 000 dollars. Au Canada, la tendance est la même[21]. Aller à l’université coûte de plus en plus cher alors que sur le marché du travail sinistré et saturé, il est de plus en plus difficile de trouver un emploi avec un salaire décent. Après leurs études, les jeunes endettés et leurs familles éprouvent de plus en plus de difficultés à rembourser les dettes. Pour la rembourser, ils sont souvent amenés à accepter des emplois très précaires et des conditions de travail dégradantes. Les banques font des profits juteux grâce à la dette étudiante. Comme sur la thématique des dettes hypothécaires illégitimes, de nouvelles formes de luttes et de nouveaux mouvements sont en train de naître pour combattre contre les dettes étudiantes illégitimes. C’est notamment le cas aux États-Unis avec le mouvement Strike Debt ! On assiste à des tentatives de fédérer les différentes résistances sur le front de la dette : dettes étudiantes, dettes hypothécaires, dettes de consommation, dettes liées aux impôts, sans oublier la dette publique[22].

 

Le surendettement affecte et dégrade les conditions de vie d’un secteur grandissant des couches populaires dans tous les pays les plus industrialisés. En Belgique, le nombre de personnes en règlement collectif de dettes a plus que doublé entre 2007 et 2017.

 

Les femmes cheffes de famille monoparentale sont partout durement touchées par le surendettement. Les souffrances liées aux humiliations auxquelles les personnes surendettées sont soumises grandissent. Les intrusions auxquelles se livrent les autorités dans la vie privée et au domicile des surendettés se multiplient et s’aggravent. Vu la précarisation du travail, le paiement de salaires de misère pour un temps partiel ou même pour un temps complet, de plus en plus de salariés et de salariées sont victimes du système dette.

 

 

- La Fabrique de l’homme endetté

Au cours des dernières décennies, la politique de destruction des conquêtes sociales menées par les gouvernements successifs et la classe capitaliste vise notamment à s’attaquer aux contrats de travail stable et négocié collectivement. Les droits élémentaires des travailleur·euses et des allocataires sociaux sont présentés comme des privilèges et des obstacles à la compétitivité et à la flexibilité.

 

Une campagne en faveur de l’auto-emploi est menée systématiquement en faisant miroiter la perspective de la liberté. De plus en plus de personnes sont poussées à s’endetter afin de s’auto-employer, de créer leur micro entreprise, de faire d’eux-mêmes une entreprise, d’exploiter eux-mêmes « leur capital humain ». Comme le dit Maurizio Lazzaretto dans son livre La Fabrique de l’homme endetté, « Dans l’économie de la dette, devenir capital humain ou entrepreneur de soi, signifie assumer les coûts et les risques d’une entreprise flexible et financiarisée, coûts et risques qui ne sont pas seulement, loin s’en faut, ceux de l’innovation, mais aussi et surtout ceux de la précarité, de la pauvreté, du chômage, des services de santé défaillants, de la pénurie de logements, etc. »[23].

 

Grandit le nombre de personnes qui, ayant tenté l’expérience de l’auto-emploi échouent dans le surendettement et perdent le peu qu’ils possédaient. Plus loin, Lazzarato écrit : « Le processus stratégique du programme néolibéral en ce qui concerne l’État-providence consiste en une progressive transformation de « droits sociaux » en « dettes sociales » que les politiques néolibérales tendent à leur tour à transformer en dettes privées, parallèlement à la transformation des « ayants droit » en « débiteurs » auprès des caisses d’assurance chômage (pour les chômeurs) et auprès de l’État (pour les bénéficiaires des minima sociaux) »[24].

 

Alors que les politiques menées par les gouvernements néolibéraux mènent à l’appauvrissement des salariés (blocage ou réduction des salaires, précarisation,…) et des autres détenteurs de droits sociaux (blocage ou réduction des retraites, réduction ou suppression des aides sociales, dégradation ou disparition de certains services publics, diminution ou suppression des allocations de chômage, réduction ou suppression des bourses d’études, etc.), « la finance prétend les enrichir par le crédit et l’actionnariat. Pas d’augmentation de salaire direct ou indirect (retraites), mais crédit à la consommation et incitation à la rente boursière (fonds de pension, assurance privée) ; pas de droit au logement, mais crédits immobiliers ; pas de droits à la scolarisation, mais prêts pour payer les études ; pas de mutualisation contre les risques (chômage, santé, retraite, etc.) mais investissement dans les assurances individuelles. »[25]

 

🔴 Depuis la crise qui a éclaté dans les pays les plus industrialisés en 2007, on assiste donc à un nouveau durcissement du « système dette » dans sa facette dette privée : dettes hypothécaires abusives, dettes étudiantes illégitimes, dettes de consommation aliénantes et appauvrissantes. Cela va de pair avec l’action des gouvernements qui utilisent l’augmentation de la dette publique qu’ils ont favorisée pour renforcer l’offensive contre les conquêtes sociales du XXe siècle.

 

 

- Soutenir les initiatives qui prennent à bras le corps la lutte contre les dettes privées illégitimes
Comment veut-on que des gens humiliés car surendettés, abusés par les banques, jetés en dehors de leur logement et qui, malgré cela, sont encore redevables d’une partie de la dette, puissent se mobiliser tous ensemble pour qu’on arrête de payer la dette publique de l’État ou pour des actions collectives sur les droits des travailleurs ? S’ils ont été défaits dans leur lutte personnelle parce qu’il n’y avait pas un mouvement de résistance suffisamment fort pour empêcher les expulsions de logement, pour sortir d’autres formes de surendettement, ils risquent de ne pas trouver la force de continuer à se battre, ils risquent de considérer que la question de la dette publique illégitime ne les concerne pas, de même en ce qui concerne les combats collectifs pour les droits sociaux. Il faut soutenir les initiatives qui prennent à bras le corps la lutte contre les dettes privées illégitimes.

 

 

Fin de la seconde partie. ICI

👉 : La partie 3 porte sur les dettes privées illégitimes dans les pays dits en développement : le cas du microcrédit !

 

Notes :

[0Dette

[1] voir Livre 1 du Capital. «  L’Accumulation primitive. Gallimard », La Pléade p. 1167 à 1240

[2] « Accumulation primitive et industrialisation du tiers-monde », in Victor Fay (éd.) En partant du « Capital », Paris : Anthropos, pp. 143–168

[3] « L'accumulation du capital Rosa Luxemburg » Voir également Harvey, David (2010). Le Nouvel impérialisme, Paris, Les Prairies ordinaires ainsi que Jean Batou, Accumulation par dépossession et luttes anticapitalistes : une perspective historique longue – CONTRETEMPS, « Accumulation par dépossession et luttes anticapitalistes : une perspective historique longue »

[4] Standage, Scott, Born Losers : A « History of Failure in America », Harvard University Press, 2005

[5] Galenson, David (March 1984). « The Rise and Fall of Indentured Servitude in the Americas : An Economic Analysis ». The Journal of Economic History. 44 (1) : 1–26.

[6] Logo UCLA Sciences sociales MANAS

[7] Voir David Graeber, p. 315 (édition en français). Voir aussi « Peasant movements and tribal uprisings in the 18th and 19th centuries : Deccan Uprising (1875) – HISTORY AND GENERAL STUDIES »

[8] Voir le texte de la loi Dekkhan Agriculturists’ Relief Act, 1879 « https://indiankanoon.org/doc/1545750/ »

[8bisTruck system

[9] Voir Éric Toussaint, “ Au Sud comme au Nord, de la grande transformation des années 1980 à la crise actuelle ”, publié le 8 septembre 2009

[10] L’emprisonnement pour dettes est d’ailleurs interdit par l’article 1er du protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier protocole additionnel à la Convention, tel qu’amendé par le protocole n° 11. Cf. : http://www.echr.coe.int/Documents/Convention_FRA.pdf

[11] Voir " Contrainte judiciaire "

[12] Bulletin n° : B123 - " Question et réponse écrite n° : 0599 - Législature : 50 ", Date de publication : 04/06/2002. 

[13] Jami Hubbard Solli, « Heavily indepted Humans Deserve Debt Relief (Just as Nations do) », CADTM, 04/10/2022

[14] Éric Toussaint, 2007-2017 : " Les causes d’une crise financière qui a déjà 11 ans

[15] Éric Toussaint, États-Unis : " Les abus des banques dans le secteur immobilier et les expulsions illégales de logement ", Voir aussi Éric Toussaint, " Les banques et la nouvelle doctrine "« Too Big to Jail », publié le 9 mars 2014

[16] Voir « Les banques et l’État grecs essaient de prendre nos maisons tous les mercredis au tribunal de paix »

[17] Voir sur le site de la Banque mondiale

[18] La Repubblica, 4 août 2008 cité par Maurizio Lazzarato, " La fabrique de l’homme endetté. Essai sur la condition néolibérale ", Éd. Amsterdam, 2011, p. 28.

[19] Voir Maxime Perriot, « L’annulation de la dette étudiante par Joe Biden, un pansement nécessaire mais largement insuffisant », CADTM, 12/10/2022

[20] Taylor Nicole Rogers, Gary Silverman, « Race and finance : the student loan trap », Financial times, 21/12/2021. Étude menée sur près de 25 ans par Federal Reserve Bank of St Louis, publiée en 2017.

[21] Luttes & dettes étudiantes au Québec : « Tant qu’on n’aura pas renversé le capitalisme, on ne pourra pas sauver l’éducation » (Entretien avec Éric Martin, réalisé par Maud Bailly)
. Voir aussi Isabelle Ducas « L’endettement étudiant, un lourd fardeau » 
. Voir le site officiel du gouvernement canadien : « Rembourser votre dette d’étudiant »

[22] Voir " Strike Debt ! The Debt Resisters’ Operations Manual " et en particulier en ce qui concerne les dettes étudiantes 

[23] Maurizio Lazzarato, La fabrique de l’homme endetté. Essai sur la condition néolibérale, Éd. Amsterdam, 2011, p. 42.

[24] Maurizio Lazzarato, p. 81.

[25] Maurizio Lazzarato, p. 85.

 

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1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 09:18
Sous la dynastie de la famille d’Hammourabi, comptabilité précise des dettes sur des tablettes qui étaient conservées dans le temple

Sous la dynastie de la famille d’Hammourabi, comptabilité précise des dettes sur des tablettes qui étaient conservées dans le temple

ABC de 5000 ans de dettes privées illégitimes

 

 

L’endettement privé a servi depuis le début de l’Histoire, il y a 5000 ans, à asservir, à spolier, à dominer, à déposséder les classes populaires (au sein desquelles, les femmes sont au premier rang des victimes), les classes travailleuses : familles paysannes, artisan-es, pêcheur/seuses, jusqu’aux salarié-es modernes et aux membres de leur foyer (les étudiant-es qui s’endettent pour poursuivre des études).

Le processus est simple : le prêteur exige que l’emprunteur/euse mette en gage ce qu’il ou elle possède. Il s’agit, par exemple, de la terre possédée et cultivée par le/la paysan-ne, ou des outils de travail s’il s’agit d’un-e artisan-e. Le remboursement du prêt se fait en nature ou en monnaie. Comme le taux d’intérêt est élevé, pour rembourser le prêt, l’emprunteur/euse est obligé de transférer au prêteur une grande partie du produit de son travail ou de son patrimoine et s’appauvrit. S’il entre en défaut de paiement, le prêteur le dépossède du bien qui a été mis en gage. Dans certaines sociétés, cela peut aboutir à la perte de la liberté du débiteur ou de la débitrice et/ou de membres de sa famille.

C’est l’esclavage pour dette. Aux États-Unis et dans certains pays européens le défaut de paiement pouvait être sanctionné par la loi par des mutilations physiques jusqu’au début du XIXe siècle et par l’emprisonnement jusqu’à la deuxième moitié du XIXe siècle. En Europe et aux États-Unis, dans le premier quart du XXIe siècle, même si le nombre de personnes incarcérées pour ce motif est très limité, l’emprisonnement pour dette n’est pas aboli. Aujourd’hui, des milliers de personnes sont encore emprisonnées pour le non-paiement de dettes en Afrique, au Moyen Orient[0] et ailleurs.

 

 

Sources : CADTM 

- Dettes privées à travers les âges
Depuis 5 000 ans, les dettes privées jouent un rôle central dans les relations sociales. La lutte entre les riches et les pauvres, entre exploiteurs et exploité-es, a pris très souvent la forme d’un conflit entre créanciers et endetté·es. Avec une régularité remarquable, des insurrections populaires ont commencé de la même manière : par la destruction rituelle des documents concernant la dette[1] (tablettes, papyrus, parchemins, livres de comptes, registres d’impôts…). C’est notamment David Graeber dans son livre " Dette : 5000 ans d’histoire[1bis] " qui l’affirme. Mais il est loin d’être le seul.

 

Les effets de la pandémie du COVID et les réponses apportées par les gouvernements ont fortement augmenté les dettes des classes populaires et notamment des secteurs les plus opprimés, les plus pauvres. Avant cela, la précédente crise internationale qui avait commencé en 2007 avait mis à nu le comportement frauduleux des banques notamment en matière de prêts hypothécaires dans différentes parties du monde, et en particulier dans le Nord. Suite aux expulsions massives de logements qui ont suivi aux États-Unis, en Espagne et ailleurs, de plus en plus de personnes ont remis en question les dettes dans des pays où habituellement l’obligation de rembourser un crédit était incontesté. Aux quatre coins de la planète, des mouvements sociaux remettent en cause le paiement des privées illégitimes qu’elles soient hypothécaires ou étudiantes, qu’elles soient réclamées par de grandes banques privées ou par des agences de microcrédit qui octroient des crédits à des conditions abusives.

 

🔴 Voici à grands traits quelques étapes historiques du « système dette privée » au Proche-Orient, en Europe et dans des parties du monde conquises par des puissances européennes. Il faudrait compléter avec ce qui s’est passé en Asie, en Afrique, dans les Amériques précoloniales, mais le tableau brossé ici est déjà très éloquent.

 

 

- Hammourabi, roi de Babylone, et les annulations de dette[2]
Le Code Hammourabi se trouve au musée du Louvre à Paris. En fait, le terme « code » est inapproprié, car Hammourabi nous a légué plutôt un ensemble de règles et de jugements concernant les relations entre les pouvoirs publics et les citoyen-nes. Le règne d’Hammourabi, « roi » de Babylone (situé dans l’Irak actuel), a commencé en 1792 av. J-C et a duré 42 ans. Ce que la plupart des manuels d’Histoire ne relèvent pas, c’est qu’Hammourabi, à l’instar des autres gouvernants des cités-États de Mésopotamie, a proclamé à plusieurs reprises une annulation générale des dettes des citoyen-nes à l’égard des pouvoirs publics, de leurs hauts fonctionnaires et dignitaires. Ce que l’on a appelé le Code Hammourabi a vraisemblablement été écrit en 1762 av. J-C. Son épilogue proclamait que « le puissant ne peut pas opprimer le faible, la justice doit protéger la veuve et l’orphelin (…) afin de rendre justice aux opprimés ». Grâce au déchiffrage des nombreux documents écrits en cunéiforme, les historien-nes ont retrouvé la trace incontestable de quatre annulations générales de dette durant le règne d’Hammourabi (en 1792, 1780, 1771 et 1762 av. J-C).

 

À l’époque d’Hammourabi, la vie économique, sociale et politique s’organisait autour du temple et du palais. Ces deux institutions très imbriquées constituaient l’appareil d’État, l’équivalent de nos pouvoirs publics d’aujourd’hui, où travaillaient de nombreux artisans et ouvriers, sans oublier les scribes. Tous étaient hébergés et nourris par le temple et le palais. C’est ainsi qu’ils recevaient des rations de nourriture leur garantissant deux repas complets par jour. Les travailleur/euses et les dignitaires du palais étaient nourris grâce à l’activité d’une paysannerie à qui les pouvoirs publics fournissaient (louaient) des terres, des instruments de travail, des animaux de trait, du bétail, de l’eau pour l’irrigation. Les familles paysannes produisaient notamment de l’orge (la céréale de base), de l’huile, des fruits et des légumes. Après la récolte, les familles paysannes devaient en verser une partie à l’État comme loyer. En cas de mauvaises récoltes, ils/elles accumulaient des dettes. En-dehors du travail sur les terres du temple et du palais, les familles paysannes étaient propriétaires de leurs terres, de leur habitation, de leur bétail et des instruments de travail. Une autre source de dettes des familles paysannes était constituée par les prêts octroyés à titre privé par de hauts fonctionnaires et des dignitaires afin de s’enrichir et de s’approprier les biens des familles paysannes en cas de non remboursement de ces dettes.

 

🔴 Lors de mauvaises récoltes, l’impossibilité dans laquelle se trouvaient les familles paysannes de rembourser les dettes contractées auprès de l’État (impôts en nature impayés) ou auprès de hauts fonctionnaires et de dignitaires du régime aboutissait régulièrement à la dépossession de leurs terres et à leur asservissement. Des membres de leur famille étaient également réduits en esclavage pour dette. Afin de répondre au mécontentement populaire, le pouvoir en place annulait périodiquement les dettes privées[3] et restaurait les droits des paysans. Les annulations donnaient lieu à de grandes festivités au cours desquelles on détruisait les tablettes d’argile sur lesquelles les dettes[4] étaient inscrites.

 

 

- Les annulations générales de dette se sont échelonnées sur 1000 ans en Mésopotamie entre 2400 et 1400 avant l’ère chrétienne
Les proclamations d’annulation générale de dettes ne se limitent pas au règne d’Hammourabi, elles ont commencé avant lui et se sont prolongées après lui[5]. On a la preuve d’annulations de dette remontant à 2400 av. J-C, soit six siècles avant le règne d’Hammourabi, dans la cité de Lagash (Sumer), les plus récentes remontent à 1400 av. J-C à Nuzi. En tout, les historien-nes ont identifié avec précision une trentaine d’annulations générales de dette en Mésopotamie entre 2400 et 1400 av. J-C. On peut suivre Michael Hudson[6] quand il affirme que les annulations générales de dette constituent une des caractéristiques principales des sociétés de l’Âge du bronze en Mésopotamie. On retrouve d’ailleurs dans les différentes langues mésopotamiennes des expressions qui désignent ces annulations pour effacer l’ardoise et remettre les compteurs à zéro : amargi à Lagash (Sumer), nig-sisa à Ur, andurarum à Ashur, misharum à Babylone, shudutu à Nuzi.

 

Ces proclamations d’annulation de dette étaient l’occasion de grandes festivités, généralement à la fête annuelle du printemps. Sous la dynastie de la famille d’Hammourabi a été instaurée la tradition de détruire les tablettes sur lesquelles étaient inscrites les dettes. En effet, les pouvoirs publics tenaient une comptabilité précise des dettes sur des tablettes qui étaient conservées dans le temple. Hammourabi meurt en 1749 av. J-C après 42 ans de règne. Son successeur, Samsuiluna, annule toutes les dettes à l’égard de l’État et décrète la destruction de toutes les tablettes de dettes sauf celles concernant les dettes commerciales.

 

Quand Ammisaduqa, le dernier gouvernant de la dynastie Hammourabi, accède au trône en 1646 av. J-C, l’annulation générale des dettes qu’il proclame est très détaillée. Il s’agit manifestement d’éviter que certains créanciers profitent de certaines failles. Le décret d’annulation précise :

  • que les créanciers officiels et les collecteurs de taxes qui ont expulsé des familles paysannes doivent les indemniser et leur rendre leurs biens sous peine d’être exécutés ;
  •  Si un créancier a accaparé un bien par la pression, il doit le restituer et/ou le rembourser en entier, faute de quoi il devait être mis à mort.

 

À la suite de ce décret, des commissions ont été mises en place afin de réviser tous les contrats immobiliers et d’éliminer ceux qui tombaient sous le coup de la proclamation d’annulation de dette et de restauration de la situation antérieure, statu quo ante. La mise en pratique de ce décret était facilitée par le fait qu’en général, les paysan-nes spolié-es par les créanciers continuaient à travailler sur leurs terres bien qu’elles soient devenues la propriété du créancier. Dès lors, en annulant les contrats et en obligeant les créanciers à indemniser les victimes, les pouvoirs publics restauraient les droits des paysan-nes. La situation se dégradera un peu plus de deux siècles plus tard. 

 

Sans embellir l’organisation de ces sociétés d’il y a 3000 à 4000 ans, il faut souligner que les gouvernants cherchaient à maintenir une cohésion sociale :

  • en évitant la constitution de grandes propriétés privées,
  • en prenant des mesures pour que les familles paysannes gardent un accès direct à la terre,
  • en limitant la montée des inégalités, en veillant à l’entretien et au développement des systèmes d’irrigation.

Michael Hudson souligne par ailleurs que la décision de déclarer la guerre revenait à l’assemblée générale des citoyens et que le « roi » n’avait pas le pouvoir de prendre la décision.

 

Il semble que, dans la cosmovision des Mésopotamiens de l’Âge du bronze, il n’y a pas eu de création originale par un dieu. Le gouvernant, confronté au chaos, a réorganisé le monde pour rétablir l’ordre normal et la justice.

 

Après 1400 av. J-C, on n’a trouvé aucun acte d’annulation de dette. Les inégalités se sont fortement renforcées et développées. Les terres ont été accaparées par de grands propriétaires privés, l’esclavage pour dette s’est enraciné. Une partie importante de la population a migré vers le nord-ouest, vers Canaan avec des incursions vers l’Égypte (les Pharaons s’en plaignaient).

 

🔴 Au cours des siècles qui suivirent, considérés par les historien-nes de la Mésopotamie comme des temps obscurs (Dark Ages) -à cause de la réduction des traces écrites-, on a néanmoins la preuve de luttes sociales violentes entre créanciers et endetté-es.

 

 

- Égypte : la pierre de Rosette confirme la tradition des annulations de dette
La pierre de Rosette qui a été accaparée par des membres de l’armée napoléonienne en 1799 lors de la campagne d’Égypte a été déchiffrée en 1822 par Jean-François Champollion. Elle se trouve aujourd’hui au British Museum à Londres. Le travail de traduction a été facilité par le fait que la pierre présente le même texte en trois langues : l’égyptien ancien, l’égyptien populaire et le grec du temps d’Alexandre le Grand.

 

Le contenu de la pierre de Rosette confirme la tradition d’annulation des dettes qui s’est instaurée dans l’Égypte des Pharaons à partir du VIIIe siècle av. J-C, avant sa conquête par Alexandre le Grand au IVe siècle av. J-C. On y lit que le pharaon Ptolémée V, en 196 av. J-C, a annulé les dettes dues au trône par le peuple d’Égypte et au-delà.

 

Bien que la société égyptienne du temps des Pharaons fût très différente de la société mésopotamienne de l’Âge du bronze, on retrouve la trace évidente d’une tradition de proclamation d’amnistie qui précède les annulations générales de dette.

Ramsès IV (1153-1146 av. J-C) a proclamé que ceux qui ont fui peuvent rentrer au pays. Ceux qui étaient emprisonnés sont libérés. Son père Ramsès III (1184 –1153 av. J-C) a fait de même. A noter qu’au 2e millénaire, il semble qu’il n’y avait pas d’esclavage pour dette en Égypte. Les esclaves étaient des prises de guerre. Les proclamations de Ramsès III et IV concernaient l’annulation des arriérés de taxes dues au Pharaon, la libération des prisonniers politiques, la possibilité pour les personnes condamnées à l’exil de rentrer au pays.

 

🔴 Ce n’est qu’à partir du VIIIe siècle av. J-C, qu’on trouve en Égypte des proclamations d’annulation de dettes et de libération des esclaves pour dette. C’est le cas du règne du pharaon Bocchoris (717-711 av. J-C), dont le nom a été hellénisé.

 

Une des motivations fondamentales des annulations de dette était que le pharaon voulait disposer d’une paysannerie capable de produire suffisamment de nourriture et disponible à l’occasion pour participer à des campagnes militaires. Pour ces deux raisons, il fallait éviter que les paysan-nes soient expulsés de leurs terres sous la coupe des créanciers.

 

Dans une autre partie de la région, on constate que les empereurs assyriens du Ier millénaire av. J-C ont également adopté la tradition d’annulations des dettes. Il en a été de même à Jérusalem, au Ve siècle av. J-C. Pour preuve, en 432 av. J-C, Néhémie, certainement influencé par l’ancienne tradition mésopotamienne, proclame l’annulation des dettes des Juifs endettés à l’égard de leurs riches compatriotes. C’est à cette époque qu’est achevée la rédaction de la Torah[7]. La tradition des annulations généralisées de dette fait partie de la religion juive et des premiers textes du christianisme via le Deutéronome qui proclame l’obligation d’annuler les dettes tous les sept ans et le Lévitique qui l’exige à chaque jubilé, soit tous les 50 ans[8].

 

Durant des siècles, de nombreux commentateurs des textes anciens, à commencer par les autorités religieuses qui sont du côté de classes dominantes, ont affirmé que ces prescriptions n’avaient qu’une valeur morale ou constituaient des vœux pieux. Or les recherches historiques des deux derniers siècles démontrent que ces prescriptions correspondent à des pratiques avérées.

 

🔴 Lorsque les classes privilégiées ont définitivement réussi à imposer leurs intérêts, les annulations n’ont plus eu lieu, mais la tradition d’annulation est restée inscrite dans les textes fondateurs du judaïsme et du christianisme. Des luttes pour l’annulation des dettes privées ont jalonné l’histoire du Proche-Orient et de la Méditerranée jusqu’au milieu du premier millénaire de l’ère chrétienne.

 

Dans le « Notre père », la prière de Jésus la plus connue, au lieu de la traduction actuelle « Seigneur pardonnez-nous nos offenses (péchés) comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés », le texte grec originel de Matthieu (ch.6, verset 12) dit : « Seigneur, annulez nos dettes comme nous annulons les dettes de ceux qui nous en doivent ». D’ailleurs, en allemand et en néerlandais, le mot « Schuld  » exprime le péché et la dette. Alleluia, ce terme qui est signe d’allégresse et est utilisé dans les religions juives et chrétiennes, provient de la langue parlée à Babylone au IIe millénaire avant l’ère chrétienne et signifiait la libération des esclaves pour dette[9].

 

 

- Grèce
En Grèce, à partir du VIe siècle avant l’ère chrétienne, on assiste à des luttes très importantes contre l’esclavage pour dette et pour l’annulation des dettes privées du peuple. Aristote écrit dans La constitution des Athéniens : « Les hommes pauvres avec leur femme et leurs enfants devinrent les esclaves des riches. ». Des luttes sociales et politiques se développèrent qui aboutirent à des dispositions légales interdisant l’esclavage pour dette, il s’agit notamment des réformes de Solon à Athènes. À Mégare, une ville voisine d’Athènes, une faction radicale fut portée au pouvoir. Elle interdit les prêts à intérêt et le fit de manière rétroactive en forçant les créanciers à restituer les intérêts perçus[10].

 

Dans le même temps, les villes grecques se sont lancées dans une politique d’expansion fondant des colonies de la Crimée jusqu’à Marseille, notamment avec les enfants des pauvres endettés. L’esclavage s’y développa fortement et d’une manière plus brutale et oppressive que dans les sociétés du Croissant Fertile qui ont précédé.

 

 

- Rome
De nombreuses luttes politiques et sociales violentes ont été causées par des crises de la dette privée. Selon la loi romaine primitive, le créancier pouvait exécuter les débiteurs insolvables. La fin du IVe siècle av. J.-C. a été marquée par une forte réaction sociale contre l’endettement. Si l’esclavage pour dettes a été aboli pour les citoyens romains, l’abolition du prêt à intérêt n’a pas été longtemps appliquée. De fortes crises d’endettement privé se sont produites dans les siècles suivants tant dans la péninsule italienne que dans le reste de l’empire romain. L’historien Tacite écrivait à propos d’une crise d’endettement qui se produisit en 33 ap. J.-C., sous le règne de Tibère : « Le prêt à intérêt était un mal invétéré dans la cité de Rome, et une cause très fréquente de séditions et de discordes ; aussi le refrénait-on même dans les temps anciens… »[11].

 

 

- Féodalité
Au début de la féodalité, une grande partie des producteurs libres a été asservie car les familles paysannes accablées de dettes sont incapables de rembourser leurs dettes. C’est le cas notamment pendant le règne de Charlemagne à la fin du VIIIe et au début du IXe siècle[12].

 

 

- Les religions juive, musulmane et chrétienne par rapport aux prêts à intérêt
Depuis son origine, la religion musulmane interdit le prêt à intérêt. Le judaïsme l’interdit au sein de la communauté juive, mais a amendé cette position sous la pression des riches et l’a autorisé à partir du premier siècle de l’ère chrétienne [13]. La religion chrétienne l’interdit jusqu’au XVe siècle. Les autorités protestantes et catholiques finissent par le promouvoir.

 

 

- En Europe, la problématique des dettes privées reprend une forme exacerbée à la fin du Moyen Âge

La problématique des dettes privées reprend une forme exacerbée à partir des XIIIe et XIVe siècles avec la monétarisation des relations. En effet, les corvées et les impôts en nature ont été progressivement remplacés par des sommes d’argent. En conséquence, les paysans, les artisans, etc. doivent s’endetter afin de payer les impôts. N’arrivant pas à rembourser, de plus en plus de paysans, d’artisans ou d’ouvriers sont victimes de saisies, ils sont dépossédés et/ou emprisonnés, et souvent mutilés[14].

 

En 1339, à Sienne (Italie), le gouvernement municipal de la ville annonce au conseil qu’il est nécessaire d’abolir l’emprisonnement pour dette, faute de quoi il faudrait mettre presque tous les citadins en prison tant ils sont endettés. Seize ans plus tard, en 1355, le peuple siennois en révolte met le feu à la salle du palais municipal où étaient rassemblés les livres de compte. Il s’agissait de faire disparaître les traces des dettes qu’on leur réclamait et qui, à leurs yeux, étaient odieuses[15].

 

🔴 Autre signe de l’importance du rejet de l’exploitation par la dette, à la fin du XIVe siècle, lorsque les classes laborieuses prirent momentanément le pouvoir à Florence, conduits par les Ciompi, les ouvrier-es journalier-es de l’industrie textile, on trouve parmi leurs revendications :

  • supprimer l’amputation d’une main en cas de non-paiement des dettes et déclarer un moratoire[15bis] sur les dettes non payées [16].
  • Ils exigeaient également une place dans le gouvernement et que les riches paient plus d’impôts.
  • Des événements similaires se déroulèrent à la même époque, dans les Flandres, en Wallonie, en France, en Angleterre…

 

 

- Le rejet des dettes au cœur des insurrections massives des familles paysannes du monde germanique aux XVe et XVIe siècles
De 1470 à 1525, une multitude de soulèvements paysans de l’Alsace à l’Autriche, en passant par la majorité des régions d’Allemagne, la Bohême, la Slovénie, la Hongrie et la Croatie, sont liés en grande partie aux rejets des dettes réclamées aux familles paysannes et citadines des classes dominées.

  • Des centaines de milliers de familles paysannes prirent les armes, détruisirent des centaines de châteaux, des dizaines de monastères et des couvents. La répression fit plus de 100 000 morts parmi les paysan-nes[17].
  • Lors d’une des rébellions, en 1493, les paysan-nes soulevé-es exigèrent notamment la mise en pratique d’une année jubilaire, où toutes les dettes seraient annulées[18].

 

Thomas Münzer, un des leaders des soulèvements paysans, décapité en 1525 à l’âge de 28 ans, en appelait à l’application intégrale des Évangiles et notamment à l’annulation des dettes. Il s’opposait à Martin Luther qui, après avoir commencé en 1519-1520 par dénoncer l’usure et la vente des indulgences par l’Église catholique, en était venu à défendre à partir de 1524 les prêts à intérêt et à exiger que les paysan-nes et tou-tes les endetté-es remboursent leurs dettes. Luther prônait, en opposition aux soulèvements paysans, « un gouvernement temporel sévère et dur qui impose aux méchants (…) de rendre ce qu’ils ont emprunté… Personne ne doit s’imaginer que le monde puisse être gouverné sans que le sang coule ; le glaive temporel ne peut qu’être rouge et sanglant, car le monde veut et doit être mauvais ; et le glaive, c’est la verge de Dieu et sa vengeance contre le monde »[19].

 

Dans le conflit qui opposaient les paysan-nes et d’autres composantes du peuple (notamment la plèbe urbaine ainsi que les secteurs les plus paupérisés, vagabond-es, mendiant-es…) aux classes dominantes locales, Martin Luther avait choisi son camp et proclamait que les lois de l’Ancien Testament comme l’année jubilaire n’étaient plus d’application. Selon Luther, l’Évangile décrit seulement le comportement idéal. Selon lui, dans la vie réelle, une dette doit toujours être remboursée.

 

🔴 Dans un texte anonyme qui a circulé en Allemagne à partir de 1521, on pouvait lire ce dialogue entre un paysan et un notable qui décrit bien l’utilisation de l’endettement pour déposséder le/la travailleur-euse de son outil ou de sa terre :

  • Paysan : Qu’est-ce qui m’amène ? Eh bien, je voudrais savoir à quoi vous passez votre temps.
  • Notable : Comment devrais-je le passer ? Je suis là, assis à compter mon argent, ne vois-tu pas ?
  • Paysan : Dites-moi, Monsieur, qui vous a donné tant d’argent que vous passez votre temps à compter ?
  • Notable : Tu veux savoir qui m’a donné cet argent ? Je vais te le dire. Un paysan vient frapper à ma porte pour me demander de lui prêter 10 ou 20 guldens. Je m’enquiers de savoir s’il possède un lopin de bonne terre. Il dit : « Oui, Monsieur, j’ai une bonne prairie et un champ excellent qui à eux deux valent une centaine de guldens ». Je réponds : « Parfait ! Mets en gage ta prairie et ton champ, et si tu t’engages à payer un gulden par an d’intérêt, tu peux avoir ton prêt de 20 guldens ». Content d’entendre de telles bonnes nouvelles, le paysan réplique : « Je vous donne bien volontiers ma parole ». « Mais je dois te prévenir », j’ajoute alors, « que si tu venais à ne pas honorer ton paiement à temps, je prendrais possession de ta terre et en ferais ma propriété. » Et cela n’inquiète pas le paysan, il engage sa pâture et son champ envers moi. Je lui prête l’argent et il paie les intérêts ponctuellement pendant un an ou deux ; puis survient une mauvaise récolte et il est bientôt en retard de paiement. Je confisque sa terre, je l’expulse et son champ et sa prairie sont à moi. Et je fais cela non seulement avec les paysans mais avec les artisans [20].

 

Voici, résumés en mots très simples, le processus de dépossession auquel les paysan-nes et les artisan-nes d’Allemagne et d’ailleurs ont tenté de s’opposer.

 

 

- La conquête des Amériques et l’imposition de l’asservissement pour dette via le péonage
Comme le commente David Graeber, les conquistadors dont Hernan Cortez s’étaient endettés jusqu’au cou pour financer leurs opérations... Du coup, ils ont exploité et spolié avec un maximum de brutalité les populations conquises afin de rembourser leurs dettes[21]. Lors de la conquête des Amériques, l’imposition de la domination européenne est allée de pair avec l’asservissement pour dette des populations natives[22]. La forme utilisée : le péonage. Le dictionnaire Littré définissait au XIXe siècle le péonage de la manière suivante : « Se dit, au Mexique, d’une sorte d’esclavage imposé aux indigènes, et qui résulte de ce que les propriétaires peuvent les retenir et les obliger à travailler gratuitement pour l’acquit de dettes que ces travailleurs ont contractées sur les propriétés. » Le péonage est le système par lequel les péons sont attachés à la propriété terrienne par différents moyens, dont la dette héréditaire. Le péonage n’a été aboli au Mexique que dans les années 1910 pendant la révolution.

 

 

Fin de la première partie. ICI

👉 : La partie 2 portera sur les dettes privées pendant l’ère capitaliste (SUITE à venir) !

 

Notes :

[0] Agence France Presse, « Jordanie : il risque la prison pour soigner ses enfants », publié le 25 juin 2021

[1] Dette

[1bisDavid Graeber " Dette : 5000 ans d’histoire "

[2] Une grande partie du texte qui suit est tiré de Voir Éric Toussaint, « La longue tradition des annulations de dettes en Mésopotamie et en Égypte du IIIe au Ier millénaire av. J-C »,

[3] À cette époque, l’État n’empruntait pas. De même, l’État dans l’Égypte ancienne, la Grèce et la Rome antiques n’empruntait pas non plus, sauf tout à fait exceptionnellement dans le cas de Rome. En Europe, les États ne commencèrent à emprunter systématiquement qu’à partir des XIII-XIVe siècles. Ils n’ont pas cessé depuis.

[4] Les dettes entre commerçants n’étaient pas visées par ces annulations

[5] Michael Hudson, « The Lost Tradition of Biblical Debt Cancellations », 1993, 87 pages ; « The Archaeology of Money », 2004. Voir aussi : David Graeber, Debt : « The First 5000 Years », Melvillehouse, New York, 2011, 542 p. Dette : 5000 ans d’histoire, Les Liens qui Libèrent, Paris, 2013

[6] Cet article est essentiellement basé sur la synthèse historique présentée par Michael Hudson, docteur en économie, dans plusieurs articles et ouvrages captivant : « The Lost Tradition of Biblical Debt Cancellations », 1993, 87 pages ; « The Archaeolgy of Money », 2004. Michael Hudson fait partie d’une équipe scientifique pluridisciplinaire (ISCANEE, International Scholars’ Conference on Ancient Near Earstern Economies) comprenant des philologues, des archéologues, des historiens, des économistes qui travaillent sur les sociétés et les économies anciennes du Proche-Orient. Leurs travaux sont publiés par l’université de Harvard. Michael Hudson inscrit son travail dans le prolongement des recherches de Karl Polanyi, il produit également des analyses sur la crise contemporaine. Voir notamment « The Road to Debt Deflation, Debt Peonage, and Neoliberalism », février 2012, 30 p. Parmi les ouvrages d’autres auteurs qui, depuis la crise économique et financière initiée en 2007-2008, ont écrit sur la longue tradition d’annulation de dette, il convient de lire : David Graeber, Debt : The First 5000 Years, Melvillehouse, New York, 2011, 542 p.

[7] La Torah (loi religieuse juive) est la compilation des textes qui forment les cinq premiers livres de la Bible : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Ils n’ont pas été rédigés dans l’ordre où nous les connaissons aujourd’hui.

[8] Voir Isabelle Ponet, La remise des dettes au pays de Canaan au premier millénaire avant notre ère, https://www.cadtm.org/La-remise-des-dettes-au-pays-de Dans le Lévitique, on trouve non seulement l’exigence de l’annulation des dettes, mais tout autant la libération des esclaves pour dettes et de toute leur famille, et le rendu de leurs champs et de leur maison. Mais attention cela ne vaut que pour la communauté d’Israël, pas pour les autres peuples.

[9] Michael Hudson, " The Lost Tradition of Biblical Debt Cancellations ", p. 27

[10] Voir David Graeber, op.cit.

[11] Tacite, Annales, 6.16.1, cité par Andreau, https://www.cadtm.org/Endettement-prive-et-abolition-des

[12] Voir Karl Marx, " Le Capital, Livre 3 ", chapitre 19, Remarques sur l’usure précapitaliste. Voir également Ernest Mandel, " Traité d’économie marxiste, tome 1 ", chapitre 4, le passage intitulé “ Le capital usurier ”

[13] Le Rabbin Hillel avait décrété que les Juifs devaient ajouter une clause aux contrats entre eux, selon laquelle ils renonçaient à l’application de la Torah et du Talmud qui institue une annulation périodique de dettes. Par ailleurs, la religion juive autorisait les prêts à intérêts envers les non juifs

[14] Silvia Federici, dans son livre, " Caliban et la Sorcière ", p. 57, montre en quoi cette évolution a affecté encore plus gravement les femmes du peuple. Voir Silvia Federici, " Caliban et la Sorcière, Entremonde ", Genève-Paris, 2014, 459 p.

[15] Patrick Boucheron, " Conjurer la peur ", Seuil, Paris, 2013, pp. 213-215.

[15bisMoratoire

[16] Voir Silvia Federici, p. 91 et 97. Voir également Patrick Boucheron, p. 189.

[17] Voir Friedrich Engels (1850), " La guerre des paysans en Allemagne ", Éd. Sociales, Paris, 1974. Voir aussi David Graeber, op. cit., pp. 390-395.

[18] Friedrich Engels (1850), " La guerre des paysans en Allemagne ", p. 92.

[19] Martin Luther. 1524. “ Du commerce et de l’usure ”, in Œuvres, tome 1, Gallimard (La Pléiade), Paris, 1999, p. 386.

[20] Cité par Silvia Federici, Caliban et la Sorcière, p. 152 d’après G. Strauss (éd.), Manifestations of Discontent on the Eve of the Reformation, Bloomington, Indiana University Press, 1971, pp. 110-111)

[21] Voir David Graeber, p. 385 suiv.

[22] Le pape Nicolas V avait autorisé en janvier 1455 l’asservissement perpétuel des populations considérées comme ennemies du Christ. Cela justifia, entre autres, la mise en esclavage des Africain-es à cette époque (notamment dans les plantations créées par les Portugais à Madère) et ensuite cela permis aux conquistadors européens d’en faire autant dans le Nouveau Monde. Voici un extrait de la bulle Romanus Pontifex : « Nous, considérant la délibération nécessaire pour chacune de ces matières indiquées, et vu qu’antérieurement, il a été concédé audit roi Alphonse du Portugal par d’autres lettres, entre autres choses, la faculté pleine et entière à l’égard de n’importe quel-les sarrasin-nes et païen-nes et autres ennemi-es du Christ, en n’importe quel endroit où ils se trouvent, et des royaumes, duchés, principautés, seigneuries, des possessions, biens meubles et immeubles possédés par eux, de les envahir, les conquérir, les combattre, les vaincre et les soumettre ; et de réduire en servitude perpétuelle les membres de leurs familles, de s’emparer pour son propre profit et celui de ses successeurs, s’approprier et utiliser pour leur propre usage et celui de ses successeurs, leurs royaumes, duchés, comtés, principautés, seigneuries, possessions et autres biens qui leur appartiendraient... » (c’est nous qui soulignons).

 

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15 décembre 2021 3 15 /12 /décembre /2021 11:03

 

Fin 2019, le déficit budgétaire de la France représentait 72,8 milliards d’euros, «une véritable catastrophe, un mal à éradiquer » pour de nombreuses voix. Un an et une crise sanitaire après, on annonçait que la dette représenterait au moins 220 milliards d’euros fin 2021. Les portes de l'enfer sont-elles pour autant ouvertes ?

 

- En savoir plus

L’exécutif n’a pourtant pas tardé à ressortir le spectre de la dette, prétexte idéal pour justifier ses politiques libérales : baisse des dépenses publiques, réformes « structurelles » qui sont autant d'attaques contre le monde du travail, etc. 

 

Cet ouvrage se veut un antidote à ces politiques. Pour commencer, il propose d’annuler la « dette Covid » (les sommes dépensées pour faire face aux conséquences de l’épidémie et détenues par la BCE). Et plus largement, il explique pourquoi et comment il est temps d’affirmer «  lâchez-nous la dette  », d’arrêter de brandir ce faux problème, tel un épouvantail permettant de faire passer les réformes les plus antisociales.  

 

Un exercice pédagogique et engagé d'autant plus indispensable que la question de la dette, souvent rebattue, devrait être au centre du débat économique des élections de 2022. 

 

Informations sur l’auteur :

Engagé de longue date, Éric Coquerel a cofondé avec Jean-Luc Mélenchon le Parti de gauche en 2008, puis, largement œuvré à la création du Front de gauche. Élu conseiller régional Ile-de-France en 2010, puis député France Insoumise en Seine-Saint-Denis depuis 2017, il est très présent dans les mobilisations, notamment dans les luttes des quartiers populaires et contre les discriminations racistes, il est un des députés les plus assidus de l’assemblée où il siège pour son groupe à la commission des finances..

 

-  Par : Eric Coquerel

Éditions : Les Editions de l'Atelier

Date de parution : 22 septembre 2021

Pages : 96

Disponibilité : chez l'éditeur Les Editions de l'Atelier

Format : 180 mm x 120 mm

Prix papier TTC : 9,80€

 

 

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19 décembre 2020 6 19 /12 /décembre /2020 15:19
On en parle : annulation dette publique, inflation, échelle mobile des salaires...
On en parle : annulation dette publique, inflation, échelle mobile des salaires...
On en parle : annulation dette publique, inflation, échelle mobile des salaires...
On en parle : annulation dette publique, inflation, échelle mobile des salaires...

Coronavirus : E. Macron appelle à « annuler » les dettes des pays africains[1]...

 

...et en France, J.L. Mélenchon est le seul à vouloir abattre le mur de la dette, notamment pour financer la bifurcation écologique[5]et [5bis]...

 

ainsi, l'argument de l'impossibilité ne tient pas, Macron le proposant pour l'Afrique... !

 

 

En Préambule... (Extrait de " Pourquoi et comment annuler la dette des États européens ? "[4])

Peu de gens le savent parce qu’ils n’en entendent jamais parler. Mais la dette publique des États est moins importante que la dette privée. Cela se vérifie dans chaque pays, dans l’Union européenne et d’une façon générale dans le monde. Cette dette est évidemment la plus incertaine car les débiteurs peuvent disparaitre d’un jour sur l’autre par la faillite ou la mort. D’énormes secteurs de dettes privées sont ainsi à la merci de n’importe quel évènement privé parfois minuscule. Ce fut le cas des dettes immobilières en subprime aux États-Unis : un divorce raté de trop ruina d’un coup de longues chaînes de gens, par centaines de milliards comme par un effet de boule de neige. Idem pour la dette des étudiants qui reste une bombe à retardement aux USA.

 

Pourtant, c’est à l’État que les libéraux font leur reproche. Les arguments pleuvent. Les libéraux reprochent par exemple à la dette des États de peser sur le marché financier et de faire monter les taux pour l’emprunt et l’investissement privé. Ils lui reprochent de générer des remboursements qui créent des impôts, ce qu’ils ont en horreur. En effet ils pensent que l’argent privé doit rester dans les mains des « investisseurs » privés, plutôt qu’en impôts utilisés par l’État. Pour eux l’argent est toujours mieux utilisé et placé par le privé et plus efficacement que par le public. Pour finir, ils répandent le bruit, rabâché sur les plateaux de télé, qu’à partir d’un certain niveau, la dette publique étouffe l’économie. Par exemple on entend dire régulièrement qu’au-delà de 100% de dette par rapport à la richesse produite pendant un an (PIB) par le pays c’est la catastrophe (Mauvaise plaisanterie[3] ). Cela n’a jamais été prouvé. Mais par contre on connaît au moins un pays endetté à plus de 200 % et qui n’en est pourtant loin d’en être mort : le Japon[2].

 

 

Sources : Eric DURAND | mis à jour le 25/09/2022

- On nous dit : en 2017, Jean-Luc Mélenchon faisait le pari de l'inflation
" Les dangers de l'inflation "... c'est, en effet, quand nous débattons de " la dette " et des propositions de J.L. Melenchon en la matière, l'un des arguments que l'on nous ressort régulièrement.

 

Alors, oui, en 2017, il souhaitait que la Banque centrale européenne rachète toutes les dettes souveraines afin que les États «puissent à nouveau respirer ». Quitte à ce qu'il y ait de l'inflation ce « qui nous permettra d'une part de dévaloriser la capital dû et de permettre à tous les pays de retrouver de la respiration pour repartir de l'avant[6». Plus d'un an auparavant, en avril 2013, Jean-Luc Mélenchon avait défendu exactement la même position, dans l'émission " Des paroles et des actes sur France 2, face à l'économiste Jacques Attali ".

 

Or, la position de Jean-Luc Mélenchon risquait d'engendrer une hyperinflation (une hausse extrêmement rapide des prix) qui toucherait le pouvoir d'achat des plus modestes. Le rachat de la totalité des dettes souveraines pouvant se traduire par une inflation largement supérieure à 4 à 5 points.

 

Mais en France, face à ce risque, nous n'étions pas sans arme :

  • d'un côté nos concitoyens vivant d'allocations et autres aides, auraient bénéficié d'une revalorisation systématique ;
  • et pour les salariés,  le blocage des prix[6bis] et l'instauration ou la négociation d'une échelle mobile des salaires avec les organisations syndicales aurait permis d'y faire face

 

 

- En 2022, pour Jean-Luc Melenchon : coronavirus oblige, « Il faut annuler la dette »

Comment annuler la dette pour redémarrer l’économie : " Plutôt que de racheter aux banques privées des titres de dettes des États , la BCE les achèterait directement aux États. Elle les stockerait en dette perpétuelle à intérêt négatif[7] (c’est le cas des emprunts de long terme aujourd’hui). Les États retrouveraient leur capacité de financement pour de nouveaux emprunts et l’ancienne dette fondrait petit à petit, au fil de l’inflation dans les coffres de la Banque Centrale Européenne. Et ne serait jamais payée. Car bien sûr ces dettes ne seront jamais payées " déclare J.L. Melenchon le 15 décembre 2020[8].

 

  • Décryptage de la solution Melenchon (par Antoine Léaument pour LE BON SENS)
    • Pour faire face à la crise économique provoquée par la crise sanitaire du coronavirus, le gouvernement a décidé de creuser la dette, pour ultérieurement tenter de faire payer toute ou partie de la facture au peuple par une austérité renforcée et une baisse des dépenses publiques. Celle-ci va maintenant dépasser les... 115% du PIB selon le discours libéral (en réalité TAUX D'ENDETTEMENT de la France en 2020 : 👉 14,5 % du Pib annuel ! EXPLICATIONS 👉 [3]).
    • En tout état de cause, elle est devenue impayable, sauf à vouloir y consacrer tous les moyens de l'État pendant les cent prochaines années ce qui est impensable alors qu'il nous faut engager au plus vite la transition écologique et développer de nouveau nos services publics. C'est pourquoi Jean-Luc Mélenchon propose de l'annuler. EXPLICATIONS 👉 [9].

 

 

- Revenons à l’échelle mobile des salaires : " une revendication oubliée " selon Albert Ricchi[10]

En bref : L'échelle mobile des salaires consiste à augmenter les salaires en fonction de l'augmentation des prix afin de conserver le pouvoir d'achat des salariés face à l'inflation[11].

 

➡️ Explication...

Si ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, CNE, travail à temps partiel subi, etc.

 

➡️ Aujourd’hui :

  • la France compte plus de 7 millions de pauvres (10 millions en 2020[12]), au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC[13] ;
  • 30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 € bruts par mois[13]). Moins mal lotis, mais loin d’être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 € et 2 500 € bruts par mois)[13] ;

 

 

🔴   Depuis la suppression de l’échelle mobile des salaires au début des années 80, le niveau réel des salaires baisse régulièrement.

Un tel dispositif indexant les salaires sur l’indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d’achat des salariés était une vieille revendication du mouvement syndical mais elle ne semble plus aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques...

 

Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit :

  • les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix ;
  • les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.

 

Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation ! Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.

 

C’est le 13 juin 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique [Jacques Delors (PS) était ministre des Finances, dans le deuxième gouvernement de Pierre Mauroy (PS)][14]. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre. Ainsi, dans la fonction publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation " prévu " par le gouvernement.

Pour avoir accès à l'original, cliquer sur l'image
  • Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions ;
  • Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du travail, article L.141-9 : " Sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords. " ;
  • En 1983, Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances, décida de deux plans d’austérité[15] et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimée sans pour autant que le chômage diminue.
  • Enfin, la réforme des 35 heures, (mesure mise en place par le gouvernement Lionel Jospin à partir de l’année 2000 et obligatoire pour toutes les entreprises à compter du 1er janvier 2002, par deux lois votées en 1998 et 2000), a eu, de part ses modalités de mise en œuvre, contestées par la CGT pour conséquences de brider le pouvoir d'achat des milieux les plus populaires et d'entraîner une « smicardisation » de nombres de salariés (notamment dans la masse des entreprises ou ils ne sont pas syndicalement organisés, voire dans un syndicat de collaboration de classe) car la loi n'avait pas tranché cette question de la compensation salariale, renvoyant le sujet à la négociation[15bis].

 

➡️ Aujourd’hui

Outre la revalorisation annuelle du SMIC[16]), les salaires évoluent en pratique :

  • soit à l’occasion d’une négociation individuelle entre l’employeur et le salarié ;
  • soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux.

 

Lorsqu’un accord est conclu, un avenant s’ajoute à la convention collective et s’applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l’entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.

 

Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n’entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas...

 

Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.

- Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude a minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6%[13] !

- En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité, et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5%[13] !

- Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégré dans l’indice.

- L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.

 

➡️  En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes...

 

➡️   Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix, car l’inflation, même si elle est plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.

 

 

- Echelle mobile des salaires, nous ne partons pas de rien

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Pour accéder au projet de loi législatif, cliquer sur l'image

Retrouvez le projet de Loi déposé par les députés communistes à l'Assemblée Nationale le 26 juin 2013

 

" Mesdames, Messieurs,

L’échelle mobile des salaires consiste à augmenter les salaires en fonction de l’augmentation des prix afin de conserver le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation.

 

Cette mesure de bon sens a été introduite en France en juillet 1952 sous la présidence de Vincent Auriol, par le Gouvernement Pinay.

 

Elle a malheureusement été supprimée en 1982 par Jacques Delors et Pierre Mauroy, qui marquait le début du tournant libéral de la rigueur et de la construction européenne.... "

 

Pour lire la suite, cliquez sur l'image 👉 

 

Notes :

[1] Coronavirus : Emmanuel Macron appelle à son tour à «annuler» les dettes des pays africains !

[2] L'endettement à 250 %, souci mineur du Japon

[3] 2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...

[4] Pourquoi et comment annuler la dette des États européens ?

[5En France, J.L. Mélenchon est le seul à vouloir abattre le mur de la dette, notamment pour financer la bifurcation écologique

[5bisComment annuler la dette pour redémarrer l’économie

[6] 2017 : Dette publique Jean-Luc Mélenchon faisait le pari de l'inflation

[6bis] Jean-Luc Mélenchon : LE BLOCAGE DES PRIX C’EST POSSIBLE TOUT DE SUITE !

[7] Coronavirus : J.L. Melenchon, transformer la dette,... en dette perpétuelle...

[8] Ce n'est pas à la jeune génération de payer la dette. Il faut mettre un terme à cette comédie ! Il faut annuler la dette publique détenue par la BCE.

[9Décryptage de la solution Melenchon (par Antoine Léaument pour LE BON SENS)

[10] L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée par Albert Ricchi 

[11] Échelle mobile des salaires

[12] PLUS DE 10 MILLIONS DE PAUVRES EN FRANCE EN 2020 : LES PRÉVISIONS ALARMANTES DU SECOURS CATHOLIQUE

[13] Chiffres 2007

[14] 13 juin 1982 : le blocage des prix et des salaires

[15] Tournant de la rigueur

[15bis] « Bosser moins, mais tous et mieux ! » : les 35 heures ont 20 ans

[16] Salaire minimum interprofessionnel de croissance

 

Pour en savoir plus :

- « Echelle mobile » ou « indexation » des salaires en France ? [article]

- Il faut envisager la dette de l’État comme un outil au service d’une politique d’investissement public ambitieuse, estime l’économiste Eric Berr

- Pour l’après-Covid, plus de 100 économistes demandent à la BCE d’annuler les dettes publique

- Mélenchon : " Mes solutions pour nous libérer d'un futur enchainé au remboursement sans fin de la dette "

- 150 économistes proposent comme Mélenchon l’annulation de la dette détenue par la BCE

ANNULATION DE LA DETTE ÉTUDIANTE AUX ÉTATS-UNIS : LA FIN D’UN TOTEM NÉOLIBÉRAL

- Europe : 18 ans après le « non » au TCE, l’annulation des dettes publiques, une priorité politique absolue

 

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8 octobre 2020 4 08 /10 /octobre /2020 09:41
2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...
2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...

STOP à l'enfumage !

👉 La dette atteindra 2 798 Mrd d'€ en 2021 soit 116,2% du PIB.
👉 Du jamais vu depuis la 2iéme guerre mondiale[
1]

...C'EST FAUX !

👉 TAUX D'ENDETTEMENT 2020 de la France 14,5 % du Pib annuel !

 

Sources : Eric DURAND | mis à jour le 25/09/2022

-Les titres provocateurs et des chiffres manipulés pour faire peur !
Les gouvernements se succèdent, la méthode reste la même.
Pour imposer des politiques de rigueur ou d'austérité, justifier la remise en cause des conquis sociaux, la casse des services publics, il faut marteler à coup d'éditoriaux, d'émissions, éminents " spécialistes " (tous issus des mêmes cercles patronaux et de la finance) à l'appui, que les français vivent au dessus de leur moyen..... et pour ça, tout est bon !

 

En deux mots, pour les défenseurs du système et autres experts, on vivrait (enfin le peuple... pas eux !) au dessus de nos moyens et il n'y aurait pas d'argent pour répondre aux attentes sociales (ex : revalorisation du RSA) !

 

 

-A présent, voyons ce qu’il en est de la dette française elle-même en août 2020
1️⃣ Tout d'abord la durée moyenne de la dette à la fin août 2020 est de : 8 ans et 6 jours[2] ;


2️⃣ On nous dit : « l’endettement public atteindra 2 798 Mrd d'€ en 2020 sur un PIB de 2 407 Mrd d'€, soit 116,2 % du PIB » ;


3️⃣ ✍️ ✍️ FAUX : car le PIB, c’est le PIB d’une année... et la dette, ça court sur plusieurs années (8 ans et 6 jours en août 2020) ;

  • L’honnêteté pour évaluer sérieusement la situation voudrait qu’on " rapporte la dette à ce qu’il faudrait payer si on devait la rembourser en fin de course ".


4️⃣ La durée moyenne d’un emprunt d’Etat étant selon l'Agence France Trésor de 8 ans et 6 jours : il convient donc de comparer le niveau d’endettement de la France au PIB du pays... pendant 8 ans et 6 jours, soit près de 19 256 Mrd d'€ ;

 

  • ✍️✍️ AINSI DONC : 2 798 Mrd d'€ de dette publique totale divisé par 2926 jours (8 ans et 6 jours) : cela fait 349,03 Mrd d'€ d’euros par an ;
  • Et une dette de 2 798 Mrd d'€ sur 8 ans ou de 349,03 Mrd d'€ par an, ça fait seulement 14,5 % du PIB de la France sur 8 ans..... ou.... 14.5 % du Pib annuel !

👉 moins que l'endettement de nombre de ménages qui parfois dépasse 30% des revenus !

 


-On est loin des 116,2 % du PIB agités pour affoler le monde et ôter toute idée revendicative aux plus pauvres qui s'enfoncent dans la misère !

  • Car il est stupide de rapporter toute la dette à la valeur d’une seule année de production. Pourquoi le fait-on ?
  • C’est d’autant plus absurde que le remboursement de la dette n’est pas exigible dans ce délai !
  • Il donc est absurde de comparer un stock pluriannuel à un flux annuel. C’est pourtant ce qui se fait à longueur de catéchismes médiatiques ;
  • Si votre banque vous demandait de rembourser tout d'un coup votre dette immobilière, vous auriez certainement un problème ?

 

- Une autre comparaison indispensable est de rapporter la dette aux avoirs du pays (Patrimoine économique national) !

Combien le pays possède-t-il ? C’est important pour savoir s’il a « les reins » solide face à la somme qu’il emprunte.

 

RAPPEL : le patrimoine économique national est composé[5] :

  • du patrimoine non financier dont :

- le capital naturel, valeur du stock des ressources renouvelables et non-renouvelables (terres agricoles, forêts, minéraux, gisements de gaz et de pétrole, ...) ;

-  les actifs produits : machines, équipements, structures, terrains urbains ;

- les ressources humaines ou la "valeur économique des individus".

  • du patrimoine financier net (solde des créances et dettes de l’ensemble des agents résidents vis-à-vis de l’étranger).

 

👉 Prenons l'année 2014 : combien le pays possédait-il ?

🔴 Montant du Patrimoine économique national en 2014 : 13 064 Mrd d'€ fin 2014[6]

... a rapporter au montant de la dette 2014 : 1 985 Mrd d'€ ([1985/13 064]*100)...

 

➡️ ➡️ Au total, la dette ne représentait en 2014 que 15,19% des avoirs de notre pays.

 

👉 Et pour 2018 : combien le pays possédait-il ?

🔴 Montant du Patrimoine économique national en 2018 : 15 482 Mrd d'€ fin 2018[3]

... a rapporter au montant de la dette 2018 : 2 315,3 Mrd d'€[4] ([2 315,3/15 482]*100)...

 

➡️ ➡️ Au total, la dette ne représentait en 2018 que 14,95% des avoirs de notre pays.

➡️ Pas de quoi engager une campagne permanente de culpabilisation du peuple si ce n'est pour tenter de le dissuader de faire valoir ses droits et exigences sociales !

 

 

-Vous n'avez pas tout compris ? Prenons l'exemple d'un citoyen lambda !
Cette personne (cas réel) achète une voiture en n'ayant pas d'autres emprunts en cours (Toyota Yaris hybride 4 portes) :

  • prix de la voiture neuve : 19 900 €
  • revenus annuels de cette personne (son PIB) : 26 400 €
  • Le taux d'endettement pour cette voiture rapporté à 1 an de revenu est de 19 900 € / 26 400 € = 75,37 %..... et là on à peur.... on n’achète pas la voiture !

    👉 Or le remboursement est effectué sur 36 mois
    ➡️ Le taux d'endettement réel pour cette voiture par rapport aux revenus est donc de :
    [revenus totaux sur 36 mois (26 400 €/12x36) = 79 200 €] / (19 900 € prix de la voiture) = 25,12 % et là on n'a plus peur.... on achète la voiture !

 

 

-Alors, ensemble, disons STOP à l'enfumage !

 

2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...
2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...
2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...

Pour en savoir plus :

- Charge de la dette pour 2020 et 2021 

- Coronavirus : J.L. Melenchon, transformer la dette,... en dette perpétuelle...

- 2014 : La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !

- " maturité de la dette " : Bruno Lemaire donne raison à J.L. Mélenchon

- Covid et dette publique : Retour au financement public via le Trésor

- « Comment la pandémie sert de prétexte pour relancer la spéculation financière »

- Pour la Sécurité sociale aussi, l’avenir ne peut pas être consacré au remboursement de la dette.

- Il faut envisager la dette de l’État comme un outil au service d’une politique d’investissement public ambitieuse, estime l’économiste Eric Berr

- L'économiste Thomas Porcher : « La dette a toujours été utilisée comme un épouvantail »

- CGT : La dette publique : un épouvantail bien utile

- Pour l’après-Covid, plus de 100 économistes demandent à la BCE d’annuler les dettes publiques

- Mélenchon : " Mes solutions pour nous libérer d'un futur enchainé au remboursement sans fin de la dette "

- Pourquoi et comment annuler la dette des États européens ?

- 150 économistes proposent comme Mélenchon l’annulation de la dette détenue par la BCE

- COMPARER LA DETTE AU PIB, "ÇA NE VEUT RIEN DIRE" : "Ces ratios n'ont aucun sens" - Dépenses publiques et PIB n'ont rien à voir - Un instrument idéologique

- Le montant de la dette publique a atteint des records, mais elle coûte deux fois et demie moins cher à financer qu’il y a vingt ans.

ce que nous en disions en 2014/2016

- En 2014 : 59% de la dette publique est illégitime

Comment ne pas rembourser la dette illégitime ?

- L'Avenir en commun, version 2016 : Réaliser un audit citoyen de la dette publique.

ANNULATION DE LA DETTE ÉTUDIANTE AUX ÉTATS-UNIS : LA FIN D’UN TOTEM NÉOLIBÉRAL

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19 avril 2020 7 19 /04 /avril /2020 13:31
Coronavirus : J.L. Melenchon, transformer la dette,... en dette perpétuelle...
Coronavirus : J.L. Melenchon, transformer la dette,... en dette perpétuelle...

Jean-Luc Melenchon : " Autant le dire clair : la crise sociale va être terrible ! " 


Si l’économie productive n’est pas réanimée, le choc de la récession va détruire des millions d’emplois dans le monde, désorganisant les chaînes longues d’interdépendances des capacités productives.

À conditions et méthodes capitalistes égales, la violence du choc économique va donc avoir un impact social de très grande magnitude. Ce qui s’est toujours traduit dans l’Histoire par de grosses secousses politiques. Je ne développe pas ici. Je veux attirer l’attention sur autre chose. Les observateurs sans naïveté savent que la compétition pour que la sortie de crise donne un avantage comparatif est commencée. C’est dire l’état d’esprit qui règne. La date de sortie de confinement des Allemands en est une illustration des plus criantes.

Il faut donc tenter deux opérations en même temps : retrouver du crédit en grande quantité et faire bifurquer le modèle de production pour écologiser et relocaliser les appareils de production pour réduire les bien trop longues chaînes d’interdépendance qui les constituent d’un bout à l’autre de la planète. Le contexte aura été utile si nous le faisons car il n’y a pas de meilleure préparation aux chocs qui vont suivre : celui d’autres épidémies désormais certaines, et celui du changement climatique. Sinon, souvenons nous que des deux précédentes impasses de l’économie capitaliste mondiale sont sorti deux guerres mondiales qui ont failli emporter la civilisation humaine (pour lire l'intégrale[2]) .

Ainsi, le 17 avril 2020 à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que la dette des États ne pourrait pas être remboursée et qu’il fallait « abattre le mur de la dette ».

Il a aussi soutenu que face à une situation aussi dangereuse qui peut mener les États à la guerre ou à la banqueroute, l’Europe se dérobait. Il a dénoncé l’échec subi par notre pays sur la question des eurobonds et a expliqué que la banque centrale du Royaume-Uni prêtait directement au gouvernement britannique et que la banque centrale américaine avait carrément aboli le risque en rachetant les dettes publiques et privées.

Jean-Luc Mélenchon a infine proposé que la dette des États soit rachetée par la Banque centrale européenne pour être transformée en dette perpétuelle à intérêt nul afin que les États retrouvent leurs capacités de financement et préparent la transition écologique[1].

 

Source : Eric Durand | mis à jour le 25/09/2022

-

Commençons déjà par dresser l'état des lieux de la dette en 2020

Car aujourd'hui, elle est à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise... alors que Le ministre du Budget a annoncé l'installation d'un groupe de travail chargé de réfléchir au redressement, à terme, des finances publiques françaises, c'est à dire au retour de l'austérité[6] :

  • On nous dit en effet : la dette atteindra 2 798 Mrd d'€ en 2021 soit 116,2% du PIB. Du jamais vu depuis la 2iéme guerre mondiale[4]
  • C'EST FAUX !... TAUX D'ENDETTEMENT 2020 de la France 14,5 % du Pib annuel[5] !

 

 

-La dette perpétuelle, une vieille idée qui a déjà fait ses preuves

Le principal avantage d’une obligation perpétuelle est de ne pas avoir à rembourser le capital de la dette vu qu’il n’y a pas d’échéance, mais seulement à verser des intérêts calculés sur le capital (dans le cadre de la proposition de J.L. Melenchon à intérêt nul) et ce, théoriquement de façon illimitée.

  • L’idée d’une dette perpétuelle est loin d’être nouvelle.

En plus d’être un spécialiste des obligations à très long terme (50 voire 100 ans), le Royaume-Uni a déjà émis, à plusieurs reprises, des obligations perpétuelles. Certains titres de dette datant du 18ème siècle sont ainsi toujours actifs mais l’inflation a depuis rendu leur remboursement quasi-insignifiant. Lors de la première guerre mondiale, le gouvernement britannique a aussi émis le « War Loan », qui reste la plus importante dette perpétuelle du Royaume aujourd’hui, estimée à 2,5 milliards d’euros. Mais plus pour longtemps, puisque le Trésor britannique a décidé de racheter le 9 mars prochain l’intégralité de cette dette, qui versait 5 puis 3,5% d’intérêt par an. La majorité des 120,000 détenteurs en détiennent toutefois pour moins de 1.000 livres. Le gouvernement britannique veut en effet profiter des taux extrêmement bas à l’heure actuelle pour racheter ses vieilles dettes et n’exclut pas d’émettre de nouvelles obligations perpétuelles, qui deviennent encore plus intéressantes dans ces conditions.

  • La France n’est pas non plus une débutante dans le domaine.

Le premier véritable emprunt public émis en 1535 sous François 1er était une dette perpétuelle, alors appelée « rente ». En 1825, l’Etat français a émis une obligation perpétuelle de 3% qui a couru jusqu’en 1987, date à laquelle ces titres de dette, mis en Bourse, ont tous été rachetés par le Trésor. De la même manière, une dette perpétuelle émise à la Libération a été définitivement rachetée à la fin des années 80.

 

Samedi 18 avril à l'occasion de la première manif numérique en ligne Jean-Luc Mélenchon expliquait que la dette des États doit être rachetée par la Banque centrale européenne pour être transformée en dette perpétuelle à intérêt nul.

 

 

-Jean-Luc Melenchon : coronavirus, « Il faut annuler la dette »

Comment annuler la dette pour redémarrer l’économie : " Plutôt que de racheter aux banques privées des titres de dettes des États , la BCE les achèterait directement aux États. Elle les stockerait en dette perpétuelle à intérêt négatif (c’est le cas des emprunts de long terme aujourd’hui). Les États retrouveraient leur capacité de financement pour de nouveaux emprunts et l’ancienne dette fondrait petit à petit, au fil de l’inflation dans les coffres de la Banque Centrale Européenne. Et ne serait jamais payée. Car bien sûr ces dettes ne seront jamais payées " déclare J.L. Melenchon le 11 avril.

 

-Décryptage de la solution Melenchon (par LE BON SENS - Antoine Léaument)

Pour faire face à la crise économique provoquée par la crise sanitaire du coronavirus, le gouvernement a décidé de creuser la dette. Celle-ci va maintenant dépasser les... 115% du PIB. Elle est devenue impayable, sauf à vouloir y consacrer tous les moyens de l'État pendant les cent prochaines années. Impensable alors qu'il nous faut engager au plus vite la transition écologique et développer de nouveau nos services publics. C'est pourquoi Jean-Luc Mélenchon propose de l'annuler.

 

Dans cette vidéo, j'explique pourquoi la dette est d'abord un outil politique utilisé par les libéraux pour détruire les services publics et les remplacer petit à petit par le privé. Je montre aussi comment ils l'utilisent pour faire toujours plus de cadeaux fiscaux aux plus riches alors qu'il faudrait au contraire les imposer davantage. 

 

Je parle également de la politique dite de « quantitative easing » mise en place par la BCE pour racheter aux banques privées une partie de leurs titres de dettes, y compris des dettes d'État. Je présente enfin la proposition de Jean-Luc Mélenchon d'une annulation de la dette des États qui passerait en sa transformation en une dette perpétuelle à taux nul. Une proposition de bon sens désormais partagée même par des libéraux comme Alain Minc. 

Notes :

[1Coronavirus : le mur de la dette doit tomber !

[2] Pourquoi et comment annuler la dette des États européens ?

[4] Covid-19 : la France et le piège de la dette

[52020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...

[6] Le ministre du Budget a annoncé l'installation d'un groupe de travail chargé de réfléchir au redressement, à terme, des finances publiques françaises, c'est à dire au retour de l'austérité

 

Pour en savoir encore plus :

Quand on parle de rapport dette/PIB (produit intérieur brut) de quoi parle-t-on ?

- En 2014 : La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage ! Le principe de calcul de la dette par rapport au PIB est toujours d'actualité

- " maturité de la dette " : Bruno Lemaire donne raison à J.L. Mélenchon

- 2020 : La dette à nouveau agitée pour que le peuple ait peur et se taise...

- Coronavirus : cause unique de la crise économique et financière, ou déclencheur et accélérateur d’une crise majeure du système capitaliste ?

- Comment annuler la dette pour redémarrer l’économie ?

- J.l. melenchon : En Europe, le mur de la dette doit tomber »

- Excellente tribune qui démontre qu'il n'y a pas obstacle juridique à l'annulation des dettes publiques par la BCE.

- Annuler les dettes ? Un choix politique, pas magique

- 2020 : Emmanuel Macron appelle à son tour à «annuler» les dettes des pays africains ,.... elle est seulement suspendue 

- Pour la Sécurité sociale aussi, l’avenir ne peut pas être consacré au remboursement de la dette.

- Pour l’après-Covid, plus de 100 économistes demandent à la BCE d’annuler les dettes publique

- Pourquoi et comment annuler la dette des États européens ?

- Mélenchon : " Mes solutions pour nous libérer d'un futur enchainé au remboursement sans fin de la dette "

ANNULATION DE LA DETTE ÉTUDIANTE AUX ÉTATS-UNIS : LA FIN D’UN TOTEM NÉOLIBÉRAL

- Europe : 18 ans après le « non » au TCE, l’annulation des dettes publiques, une priorité politique absolue

 

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5 avril 2020 7 05 /04 /avril /2020 11:19
Coronavirus : cause unique de la crise économique et financière, ou déclencheur et accélérateur d’une crise majeure du système capitaliste ?
Coronavirus : cause unique de la crise économique et financière, ou déclencheur et accélérateur d’une crise majeure du système capitaliste ?

Depuis début mars, la crise économique et boursière s’est développée avec rapidité, menaçant l’ensemble du système financier international, sans que l’on puisse prédire quelle sera son ampleur et sa durée.

La lecture dominante qui est faite de cette crise, dans la presse économique en particulier, est qu’il s’agit d’un « accident », d’une crise imprévue provoquée par une épidémie, et que tout peut revenir dans l’ordre au plus vite quand l’épidémie aura été surmontée.

Mais une autre lecture apparaît dès que l’on aborde certains des principaux développements de cette crise : celle d’une profonde crise du système capitaliste, qui était en gestation avant le début de l’épidémie, et dont l’épidémie est le déclencheur puis l’accélérateur, une crise du mode de production capitaliste lui –même.

 

Source : Midi Insoumis Populaire et Citoyen par Serge Goudard, PG Lyon | Mis à jour le 27/12/2020

-Une cause « extérieure » à l’économie ?
Un éditorial du quotidien Les Échos (17 mars) est significatif de l’analyse dominante : « Les frontières européennes vont être fermées. Ce moment dramatique va causer des dégâts économiques. Bruno Le Maire s’emploie avec énergie à les minimiser en utilisant les instruments éprouvés en 2008. Tant mieux (…) Contrairement à 2008, le virus n’est pas dans l’économie, mais extérieur : elle pourra rebondir. En Chine, la production industrielle a plongé de 13% en janvier-février, mais elle repart. Cela signifie que ce moment Sur cette base, l’auteur (Dominique Seux) affirme donc : « Le meilleur moyen de limiter la catastrophe économique est que la crise sanitaire dure le moins longtemps possible ».

 

Formellement, l’auteur a raison sur un point : le point de départ de la crise relève d’abord d’un fait « biologique », non de l’économie (sachant qu’on peut aussitôt faire remarquer : sa diffusion a été facilitée par la mondialisation accrue de l’économie, par les politiques d’austérité qui ont affaibli les systèmes de santé, et par le retard à agir des gouvernements qui craignaient d’abord le coût financier des mesures à prendre). terrible n’est pas indépassable ».

 

  • Mais il y a une contradiction dans ce raisonnement formel : comment peut-on écrire que la cause de la crise actuelle est fondamentalement différente de celle de 2008 (alors interne à l’économie) et se féliciter que les outils pour surmonter cette crise soient les mêmes que ceux utilisés en 2008 ? Un même remède pour deux causes inverses ?
  • Or, ce sont bien les mêmes « instruments éprouvés » (sic) qui sont mis en oeuvre aujourd’hui comme en 2008 : taux d’intérêts quasi nuls et achats massifs de titres obligataires par les banques centrales, pour sauver les banques privées et éviter la faillite des États, explosion des dettes des États pour surmonter la crise économique.

 

Ce paradoxe pose question :

- si les « remèdes » sont les mêmes qu’en 2008, n’est-ce pas précisément parce que, au-delà de la cause immédiate, il s’agit de soigner les mêmes faiblesses fondamentales du système économique ?

- Et parce que le virus a activé, au sein de l’économie, les mêmes contradictions qu’en 2008, et avec une plus grande intensité encore ?

 

-Au point de départ

  • Le discours des médias ne laisse guère de place au doute : la crise économique qui se développe a une cause simple et manifeste, qui est l’épidémie de coronavirus.
  • Les faits semblent parler d’eux-mêmes : l’épidémie a commencé en Chine, dans la région de Wuhan, sans doute fin novembre 2019, et cette épidémie ainsi que les mesures sanitaires (doublées de mesures policières), a brisé la production manufacturière de cette région. Trois premières villes, dont Wuhan, sont mises en quarantaine le 22 janvier. Puis des mesures de restriction de la circulation sont étendues.​​​​​​​ La production de marchandises et les exportations plongent aussitôt, mettant en difficulté la production dans d’autres pays du fait de l’étroite imbrication des chaînes de productions industrielles mondiales. La politique de flux tendu appliquée à ces « chaînes de valeurs » a aggravé la situation.
  • Puis, l’épidémie a essaimé : touchant notamment la Corée du sud et le Japon, puis l’Italie, la France, et plus ou moins rapidement tous les continents. Et, partout, les mêmes conséquences : effondrement de l’activité touristique, du transport aérien des personnes, chutes des ventes (automobile notamment). Puis, dans un deuxième temps, fermetures d’entreprises et crise boursière pouvant ouvrir la voie à une crise financière (bancaire, monétaire…).

 

 

-Une crise qui se développe au pas de charge (janvier-mars)
La situation évolue rapidement. Chaque jour les principaux indicateurs – niveau de la production et des transports, cours du pétrole, indices boursiers, situation des banques, etc – subissent de fortes variations, le plus souvent à la baisse. Dès la mi-mars, nombre d’éléments attestent de la violence de la crise.

 

Le 2 mars déjà, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) avait procédé à une première révision, à la baisse, de ses prévisions de croissance mondiale, estimées à 2,4% pour 2020 au lieu de 2,9% prévus antérieurement.

 

Trois semaines plus tard, ce n’est plus la perspective d’une croissance moindre dont il s’agit, mais d’une possible récession mondiale (Les Échos du 23 mars). En Chine même, la production industrielle se serait rétractée de 13,5% en janvier-février. Pour la zone euro, on prévoit une baisse réelle du PIB de 24% au deuxième trimestre (en taux annualisé) selon la Deutsche Bank, dont 28% pour l’Allemagne. Pour l’année 2020, le PIB de la zone euro reculerait de 2,9%. D’autres estimations évoquent un recul du PIB allemand de 5% en 2020, et de 6% pour l’Italie…

 

 

-

Recul du transport maritime, effondrement du trafic aérien et de l’activité touristique

  • En février, le nombre de porte-conteneurs partis de Chine se serait effondré de moitié, sachant que la Chine est à l’origine de 20% du trafic mondial de produits manufacturés intermédiaires. En volume, le commerce mondial devrait reculer de 2,5% (sur une base annualisée) au premier trimestre. Pour la suite, c’est l’incertitude, certains prévoyant un nouveau recul de 1% au deuxième trimestre ;
  • Pour le transport aérien, c’est un cataclysme. En quelques jours, les compagnies suppriment 75 à 100% de leurs vols. Leurs pertes financières sont colossales, qui laissent prévoir de nombreuses faillites. Le 17 mars, l’Association internationale du transport aérien (Iata) chiffre entre 150 et 200 milliards l’aide globale nécessaire. Le 24 mars, l’estimation dépasse 250 milliards ;
  • Pour l’activité touristique, qui représente plus de 10% du PIB mondial, le désastre est total. Quant à l’industrie automobile, marquée d’abord par des arrêts de production en Chine, elle est ensuite touchée par l’effondrement des ventes. En France (le 16 mars), aux États-Unis et ailleurs, toutes les usines sont mises à l’arrêt.

 

 

-Chute du prix du pétrole
Cette chute commence fin février du fait de la baisse de la consommation chinoise. Vendredi 6 mars, l’OPEP et la Russie échouent à trouver un nouvel accord de réduction de la production qui aurait permis de faire remonter le prix du pétrole. L’Arabie Saoudite prend alors la décision unilatérale de brader son pétrole pour préserver ses parts de marché. Le lundi 9 mars, les prix s’effondrent alors de 30%.

 

 

-Krach boursier historique
Le niveau, très élevé, que les principales Bourses avaient atteint en 2019, était resté relativement stable en janvier 2020 puis durant les trois premières semaines de février. Ainsi l’indice parisien du CAC 40, entre le 1er janvier et le 21 février, oscillait entre 6040 et 6100 points.

 

Puis il commence à tomber, lourdement le 28 février : une baisse de 8,3%. La même semaine, le Dow Jones perd plus de 9% (de 28 800 points à 25 400) et l’indice Nikkei perd 6,5%.

 

Après de nouvelles baisses du 2 au 7 mars, le lundi 9 mars prend le caractère d’un « lundi noir », avec des chutes historiques de l’ordre de 8%. Cette chute est accentuée par la guerre des prix du pétrole engagée par l’Arabie Saoudite.

 

Après un petit rebond, la descente reprend. Le jeudi 12 mars, c’est l’effondrement général : le CAC 40 se retrouve à 4025 points, après avoir perdu plus de 2000 points en moins de 3 semaines. Le Dow Jones est tombé à 21 150 points, soit une chute de 7650 points durant la même période, les autres Bourses tombent dans les mêmes proportions, perdant de 20 à 30%.

 

La descente se poursuit ensuite : le lundi 16 mars, le CAC 40 est à 3880 points. Tout ce qui avait été gagné depuis 2013 est effacé. Les pertes, sur les principales places mondiales, sont de 35 à 40% : une débâcle historique. Plus violente qu’en 2008. Puis, du fait notamment de l’intervention des banques centrales, le marché rebondit partiellement. Le mercredi 25 mars, le CAC 40 est remonté à 4430 points. Ce n’est que provisoire : le 1er avril, le CAC 40 est redescendu à 4230 points, le Dow Jones à 21 260.

 

En apparence donc, c’est bien l’épidémie de coronavirus et les mesures sanitaires qu’elle implique qui est la seule cause de cet effondrement économique puis des Bourses.

 

Coronavirus : cause unique de la crise économique et financière, ou déclencheur et accélérateur d’une crise majeure du système capitaliste ?

-Des capacités de production excédentaires avant même la crise
Pourtant, durant les mois précédents le début de cette épidémie, nombre d’indicateurs montraient clairement que, douze ans après la crise de 2007-2008, une nouvelle crise du système capitalisme menaçait, sans qu’on puisse dire alors quel en serait l’élément déclencheur ni le moment précis du début de cette crise.

 

Prenons quelques exemples :

  • La croissance globale ? Celle de la zone euro était déjà proche de zéro fin 2019 (1,9% pour l’année 2019 contre 2,5% en 2017). Selon le FMI, la Chine était entrée dans une « phase de ralentissement » en 2019 ;
  • L’automobile ? Ses capacités mondiales de production étaient déjà largement excédentaires, et les ventes, qui avaient fortement progressé de 2009 à 2018, étaient en baisse depuis 2018. Pour la seule année 2018, les ventes avaient reculé de 0,8% dont 3.5% pour le Chine ;
  • Le transport maritime ? Dès août 2018, les entreprises de transport avaient commencé de réduire leurs capacités sur la plupart des voies commerciales. Puis la baisse s’est accélérée à partir de la mi-janvier 2020 ;
  • Le transport aérien ? La hausse croissante de ce mode de transport avaient conduit les compagnies aériennes à une avalanche de commandes auxquelles les fabricants d’avions n’arrivaient que péniblement à faire face ;

Mais en même temps, ce mode de transport ultra-concurrentiel à l’échelle internationale ne laissait aux compagnies qu’une faible marge de profit, les poussant à faire des économies de personnels. Ainsi, le 27 février, la direction de KLM présente un plan de réduction des effectifs de 1770 postes sur trois ans, plan préparé dès avant l’ouverture de la crise. Dès lors, le moindre imprévu majeur s’avère catastrophique, et va se traduire par des faillites et des annulations de commandes.

  • Le pétrole ? La situation de surproduction mondiale (due notamment aux nouveaux modes d’extraction en Amérique du nord) poussait depuis des années à la baisse des prix. Celle-ci avait été partiellement endiguée depuis trois ans par un accord de cartel passé entre l’OPEP et la Russie pour réduire la production. La baisse plus forte de la demande, début 2020, a fait – pour un temps au moins – voler en éclats cet accord. « L’endettement bon marché a créé des bulles complètement folles »
  • La situation est analogue en ce qui concerne la Bourse et différents secteurs tels l’immobilier. Le formidable krach actuel est provoqué par l’épidémie, mais cela fait des mois (voire des années) que nombre d’économistes s’inquiétaient de la formation de bulles spéculatives, et en avaient identifié la cause majeure.

L’un des fondateurs de la société de gestion et d’investissement Tikehau Capital a beau jeu de rappeler (Les Échos du 20 mars 2020) : « Cela fait au moins deux ans que nous alertons sur l’existence d’une bulle tout à fait inhabituelle. À la suite des interventions des banques centrales après 2008, le levier a augmenté partout dans la sphère financière, que ce soit dans le coté ou dans le non coté. Cet endettement bon marché a fait s’envoler le prix des actifs et créé des bulles complètement folles. Il y aura des ajustements, que ce soit dans l’immobilier, le capital-investissement, la dette et même le marché de l’art… ». L’ennui pour ce financier (qui gère « seulement » 23,8 milliards d’actifs quand certains fonds en gèrent plus 500 milliards…), c’est que ce qui se prépare, ce ne sont pas seulement des « ajustements », mais un effondrement.

 

C’est cette montagne de dettes, déjà considérable en 2008 et qui n’a fait que croître depuis, qui constitue aujourd’hui une menace majeure : la brutale incapacité des entreprises à rembourser leurs emprunts met en difficulté les banques et fissure, par des mécanismes divers, l’ensemble du système financier.

 

C’est ce qui conduit les Banques centrales et les gouvernements à utiliser les mêmes instruments qu’en 2008, à une échelle plus importante encore. Mais ces dettes gigantesques, cet Himalaya de capital fictif, ce n’est pas un coronavirus qui les a créées …

 

-Une crise prévisible… et prévue

  • Le 29 novembre 2018, Capital publiait un article : « La prochaine crise pourrait être un véritable tsunami, selon l’économiste Georges Nurdin, consultant et écrivain ».
  • Sur le caractère prévisible de cette crise, et prévue par divers économistes, on peut relire aussi les articles publiés par L’insurgé d’octobre-novembre 2019, le premier étant titré : « L’économie mondiale au point de bascule ». L’épidémie de Covid-19 intervient dans une situation déjà instable : elle fait basculer la situation, puis accélère le développement de la crise.
  • L'économiste Jean-Luc Ginder confirme cette analyse : « La crise financière et économique était annoncée. La crise sanitaire causée par le coronavirus n’en est pas la cause mais l’accélérateur ». 

Car au-delà des secteurs particuliers ci-dessus évoqués, il faut rappeler que – pour une part majeure - la crise de 2007-2008 avait été surmontée par le recours à des taux d’intérêts quasi nuls (voire négatifs) pratiqués par les banques centrales qui avaient inondé la planète de liquidités, permettant aux États, aux entreprises et aux particuliers d’accroître leur endettement. À cela s’étaient ajoutées des mesures exceptionnelles, les banques centrales prenant en pension, massivement, titres d’états et obligations d’entreprises. Dans le cas de la Banque centrale européenne (BCE), les rachats d’actifs étaient encore, peu avant la crise, de 20 milliards d’euros mensuels.

 

Ces mesures, appliquées des années durant, ont permis de prolonger la phase de croissance et de maintenir en vie des « entreprises zombies ». C’est cet extraordinaire château de cartes qui menace de s’effondrer.

 

En quelques semaines, nombre d’entreprises ne peuvent plus rembourser leurs dettes, mettant les banques en difficulté. Le marché des titres à très court terme émis par les entreprises commence à vaciller.

 

Le marché des obligations d’État est lui aussi menacé, les états risquent de ne plus pouvoir refinancer leurs dettes… Jusqu’à la première semaine de mars, les États pouvaient encore emprunter à des taux dérisoires. Refinancer leurs dettes monstrueuses sans problème. Mais très vite, à la mi-mars, la situation dérape : pour les obligations à 10 ans, l’Allemagne reste à taux négatif, mais la France passe d’un taux négatif à un taux positif (quasi + 0,5% le 13 mars). Le taux italien passe de 1% à 2,5%.

 

Il ne s’agit plus donc seulement d’un choc sur le système productif provoqué par une épidémie. Ce sont notamment les dettes accumulées antérieurement qui peuvent transformer le choc en une grande récession. Il s’agit désormais d’une crise générale du capitalisme et de son système financier.

 

 

-Mars 2020 : mesures chocs et tirs de bazooka
Très vite, des mesures massives sont décidées par les banques centrales et par les gouvernements :

  • Mardi 3 mars, la Réserve fédérale américaine (FED) annonce par surprise une baisse de ses taux directeurs, désormais situés entre 1 et 1,25%. L’impact est limité. Une semaine plus tard, l’Allemagne annonce que 550 milliards d’euros de prêts bancaires aux entreprises seront garantis par l’État ;
  • Dimanche 15 mars, la FED baisse ses taux à 0% et annonce de nouveaux achats de titres ;
  • Lundi 16 mars, en France, nouvelle salve de mesures faisant suite à celles annoncées le 12 mars. Une enveloppe de 300 milliards d’euros permettra de garantir tous les nouveaux prêts sollicités par les entreprises auprès des banques ;
  • Le mercredi 18 mars, la BCE frappe un grand coup : un programme d’urgence de 750 milliards d’euros pour acheter des obligations publiques et privées afin de calmer les marchés obligataires et éviter notamment que les emprunts des États ne deviennent prohibitifs. Dès le lendemain, elle achète de la dette d’État à pleines brassées. Ce même jour, l’État français peut donc lever 7,5 milliards à moyen terme sans trop de mal ;
  • Le vendredi 20 mars, le taux pour l’obligataire Français à 10 ans retombe en partie (+ 0,24%), et pour l’italien à 1,74 : les marchés sont donc rassurés, partiellement. Mais le risque d’une envolée des taux demeure élevé : d’ores et déjà, on prévoit pour la zone euro 350 milliards d’euros d’émissions publiques en 2020, en plus des emprunts prévus avant la crise.

 

-Des circonstances extraordinaires exigent une action extraordinaire
Cette déclaration de Christine Lagarde, la présidente de la BCE, le jeudi 19, vaut pour l’ensemble de banques centrales. Toutes baissent leurs taux d’intérêt. Pour les banques des puissances dominantes, le taux à 0% devient la règle.

 

Le recours au « quantitative easing » (QE, ou assouplissement quantitatif) mis en oeuvre depuis 2008 par la FED, la BCE et la Banque du Japon repart de plus belle : cela consiste à émettre du papier monnaie pour racheter des titre de dette, ce qui revient à financer sans limite la dette privée et publique.

 

Ce PEPP (programme d’achat urgence pandémique) lancé par la BCE représente 6% du PIB de la zone euro et monte à 1100 milliards d’euros le total des achats de dette prévus cette année. Au Royaume-Uni, la BoE renforce de 200 milliards ses achats de titres, etc.

 

Pour la FED, ce sera sans limites. Le 23 mars, elle annonce qu’elle achètera des titres « dans les quantités nécessaires » alors qu’elle avait déjà annoncé une relance de QE à hauteur de 700 milliards de dollars (500 milliards de titres du Trésor et au moins 200 milliards de titres adossés à des créances hypothécaires…). À cela vont s’ajouter d’autres mesures à hauteur de 300 milliards, en particulier l’achat sur le marché secondaire d’obligations émises par de grandes entreprises. Des mesures concernent aussi les marchés des prêts aux étudiants et des crédits à la consommation.

 

Le qualificatif d’« extraordinaire » s’applique aussi à l’intervention des États. Finies, les politiques cherchant à contenir l’endettement ! C’est déficit à tout va : non seulement les États garantissent à hauteur exceptionnelle les emprunts bancaires des entreprises, mais ils augmentent les dépenses publiques alors même que les ressources fiscales vont s’effondrer.

 

Ainsi, le 25 mars, le Sénat américain annone un accord entre Républicains et Démocrates, et avec le gouvernement, pour un plan « historique » de soutien à l’économie à hauteur de 2000 milliards. Ce plan prévoit des aides directes aux Américains et des prêts aux entreprises, en particulier du secteur aérien.

-Bis repetita ?
En fait, ce ne sont pas seulement les remèdes déjà utilisés en 2008 qui sont mis en oeuvre. D’emblée, les premières décisions vont bien au-delà des doses utilisées en 2008.

 

Qu’on en juge :

  • Les garanties d’emprunts données par l’État ? En Allemagne (réputée pour sa prudence) cette garantie équivaut à 16% du PIB. C’est énorme. Certes, ce n’est pas à proprement parler une « dépense » qui doit être budgétée car les emprunts garantis doivent être remboursés. Mais qui peut croire qu’ils seront tous remboursés, et dans quelle part ?

Le plus vraisemblable, c’est qu’une grande partie (voire la totalité) ne sera jamais remboursée.

 

  • L’envolée du déficit budgétaire ? Selon la banque UBS, les mesures budgétaires adoptées dans le monde représentent déjà 2% du PIB mondial, qui s’ajoutent aux déficits prévus avant la crise : un montant supérieur aux mesures adoptées en 2009, l’année la plus difficile pour l’économie lors de la précédente crise. Le seul plan américain équivaut à 10% du PIB du pays, sans comparaison avec le plan décidé en 2008 par Obama, à hauteur de 400 milliards.

 

  • Les mesures de « quantitative easing » ? Elles passent outre les limites que la BCE s’était fixée à elle-même, par exemple ne pas détenir plus de 33% de la dette d’un État, limite qui était déjà atteinte pour plusieurs d’entre eux.

 

Ce faisant, on entre dans des territoires inconnus : rien ne garantit que les brèches qui s’ouvrent dans le système financier seront colmatées. D’autant que les principaux leviers disponibles pour limiter la crise ont déjà été utilisés à l’excès, ce qui les rend moins efficaces.

 

Ainsi, avant même l’ouverture de la crise, les taux directeurs des banques centrales étaient très bas, une constante depuis 2008 : ce qui limite les possibilités de baisses supplémentaires. De ce fait, les deux baisses de taux décidées par la FED (3 mars et 15 mars) n’ont pas suffi pour arrêter la panique boursière.

 

Quant à la Banque Centrale européenne, son principal taux directeur (le taux de dépôt) était déjà négatif, à moins 0,5%.

 

Sans parler des défaillances d’États : avant même l’ouverture de la crise, l’Argentine est contrainte une fois encore de restructurer sa dette monumentale. Au FMI, elle demande de pouvoir rééchelonner le remboursement de 44 milliards de dollars. Et, le 9 mars, c’est le Liban – écrasé par une dette publique équivalente à 170% de son PIB - qui se déclare incapable de rembourser une échéance de 1,2 milliards de dollars. D’autres pays suivront.

 

 

-Vers une baisse massive des investissements
Dans cette situation, mêmes les entreprises qui pourront tenir le choc – avec ou sans l’aide des États – vont réduire leurs investissements, voire les arrêter complètement. Ce qui va aggraver la crise économique. Mais le propre du capitalisme, c’est que chaque capitaliste fait comme bon lui semble pour ses profits. L’industrie pétrolière est ainsi l’une des premières à annoncer des réductions d’investissements, de l’ordre de 20%, soient 100 milliards de dollars (250 milliards de dollars en 2020 et 2021 dans l'exploration-production) à l’échelle mondiale selon des estimations faites en mars.

 

Par contre, les plans de soutien gigantesques vont permettre de sauver des entreprises qui étaient, dès avant la crise, au bord de la faillite.

  • Ainsi Boeing : son nouveau modèle, le 737 MAX est cloué au sol depuis un an, et cet avion a été qualifié, le vendredi 6 mars, par la commission des transports du Congrès américain, d’avion « fondamentalement défectueux et dangereux ». En janvier 2020, sa production est à l’arrêt. Pour Boeing, c’est une catastrophe.
  • Puis, le 25 mars, c’est la production des avions long-courriers qui est suspendue pendant 14 jours. Aussitôt, Boeing appelle l’État américain à son secours… Et obtient satisfaction : on lui garantirait ses emprunts à hauteur de 60 milliards. À cela s’ajoute une aide directe de 17 milliards. Avant même que la décision soit officielle, l’action de Boeing rebondit en Bourse.
  • En Italie, Alitalia était en quasi faillite, aucun repreneur n’en voulait… La crise du transport aérien l’achève, et la sauve : le 17 mars, le gouvernement italien annonce qu’il va prendre le contrôle de ce fleuron italien du transport aérien. 500 millions d’euros pourraient être injectés.

 

 

-« Helicopter money » et crise monétaire
Aussi importants soient les moyens mis en oeuvre par les banques centrales et les gouvernements durant le mois de mars, il est certain qu’ils ne suffiront pas à entraver la crise qui se développe par paliers. Dans les pays dominés (dits « en voie de développement »), le recours au confinement n’est même pas envisageable pour des raisons financières, et c’est une catastrophe sanitaire qui se prépare. Au Bénin, le Président vient de renoncer au confinement : « Si nous prenons des mesures qui affament tout le monde, elles finiront très vite par être bravées et bafouées. ».

 

Dans les pays dominants, aussi puissants soient-ils, la crise sanitaire et sociale est encore en plein développement : aux États-Unis mêmes, le système de santé n’est pas préparé à un tel choc, et déjà les travailleurs mis en chômage se comptent par millions (3,3 millions de travailleurs ont fait une première demande d’allocations-chômage entre le 14 et le 21 mars[2])... et la France entre en récession le 6 avril après le recul de 6% du PIB au premier trimestre.

 

Dans cette situation, les banques centrales, y compris la BCE, vont devoir multiplier les mesures « non orthodoxes » : acheter des actifs financiers risqués, et recourir à l’arrosage financier direct, sans contrepartie, pour soutenir l’investissement et la consommation en chute libre. C’est ce que l’on appelle, métaphoriquement, l’ « helicopter money ». Et si la BCE n’a pas le droit, théoriquement, de s’engager dans cette politique, elle pourrait contourner l’interdiction : ce serait les gouvernements qui mettraient eux-mêmes en oeuvre ce soutien financier direct, et émettraient pour cela des titres du Trésor… que la BCE achèterait.

En outre, aux Etats-Unis, l’argent distribué par cette mesure spectaculaire pourrait mettre jusqu’à quatre mois pour tomber du ciel : L’« helicopter money arrivera en retard ». La preuve que les appellations choc ne tiennent pas toujours leurs promesses !

 

Mais le risque d’une telle politique, ce n’est pas seulement la formation de nouvelles bulles, cela pourrait être une crise monétaire majeure, une fuite générale devant la monnaie. Ce serait un véritable cataclysme !

 

 

-Les travailleurs devront payer

- Les travailleurs paient dés à présent : c’est la seule certitude pour les capitalistes. Dès aujourd’hui au prix de leur santé, car les entreprises qui ont des clients s’opposent à ce que les salariés exercent leur droit de retrait avec le soutien du gouvernement (C’est surtout quand la fuite des clients les contraint à fermer – comme dans l’automobile - qu’elles disent se soucier de la santé des salariés.)

 

- Et ils devront payer demain, que la crise sanitaire soit ou non surmontée :

  • Déjà, la loi que vient de faire voter Macron[1] en donne un avant-goût, puisqu’elle prévoit notamment de réduire les droits concernant les congés et d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires ;
  • Dans un entretien au JDD, le numéro 2 des Républicains préconise de supprimer jusqu'à 5 jours de RTT pour financer la santé et l'agriculture. Il propose en contrepartie d'augmenter les salaires en permettant par exemple "aux entreprises d’accorder jusqu’à 5000 euros de prime totalement défiscalisée et désocialisée"....

et nous n'en sommes qu'au début !

 

Cela laisse présager d’importants combats sociaux. Déjà, alors mêmes qu’ils sont entravés par les mesures de confinement, des travailleurs ont organisé des grèves en Italie et en Espagne. Mais au-delà de ces combats à venir, rarement la nécessité de remettre en cause les fondements du capitalisme n’aura été si grande.

 

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-

" Les trois quarts " des restructurations n'ont pas de rapport avec le Covid-19, dénonce Philippe Martinez (CGT)

Face aux suppressions de postes en cascade annoncées ces dernières semaines, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez réclame un engagement des entreprises à ne pas licencier pour prétendre aux prêts accordés par l'Etat[3].

 

Coronavirus : cause unique de la crise économique et financière, ou déclencheur et accélérateur d’une crise majeure du système capitaliste ?

Notes :

[1]  22 mars 2020 : l'Assemblée adopte définitivement le projet de loi relatif à l'état d'urgence sanitaire qui s'attaque aux congés payés, aux 35h, au repos dominical.... . Les députés insoumis dénoncent les conséquences sociales, et rejoints par la Gauche Démocrate et Républicaine, 3 du Groupe Socialistes et apparentés et 1 Groupe Libertés et Territoires et votent contre. Et Olivier Falorni député de la 1ére circonscription de Charente Maritime ? Il ne trouve rien à y redire... et, de concert avec LREM, Les Républicains, Le Mouvement Démocrates et apparentés, l'UDI et Libertés et Territoires et le RN, il vote pour !

[2CORONAVIRUS : CHÔMAGE RECORD AUX ETATS-UNIS AVEC 3,3 MILLIONS DE CHÔMEURS SUPPLÉMENTAIRES EN UNE SEMAINE

[3] " Les trois quarts " des restructurations n'ont pas de rapport avec le Covid-19, dénonce Philippe Martinez (CGT)

 

Pour en savoir plus : 

- « La pandémie du coronavirus s’inscrit dans une crise multidimensionnelle du capitalisme »

- J.L. Melenchon : « C’est un temps propice aux grands basculements intimes ou sociaux » – Interview dans « Le Figaro »

- Parti de Gauche : L’aléas de trop

- Coronavirus, effondrement et monde meilleur… Comment le COVID19 remet notre monde en question

- FI : Les 10 leçons du Coronavirus pour l’écologie politique

- FI : Loin de gommer les inégalités sociales, le Coronavirus ne fait que les accroître

- FI : Coronavirus : les 11 mesures d’urgence proposées par la France insoumise

- Crise du coronavirus : Nicolas Framont, sociologue « Le virus exacerbe les inégalités »

TRIBUNE UNITAIRE - POUR QUE LE JOUR D’APRÈS SOIT EN RUPTURE AVEC LE DÉSORDRE NÉOLIBÉRAL

- Transformation écologique, services publics, communs : c’est l’heure d’oser !

- Des issues à la crise sans changer d’économie ?

- Le Vent se lève : LE PIRE EST DEVANT NOUS ! Il faut en effet tenter de mettre au jour ce qui se joue dans l’extraordinaire crise devant nous.

- « Le coronavirus est le jugement dernier sur la globalisation ». Emmanuel Todd.

- Economie. Le néo-libéralisme contaminé

- Alors que la conjoncture mondiale cumule les déboires, les dividendes versés aux actionnaires au deuxième trimestre 2019 affichent un nouveau record, avec 51 milliards de dollars de dividendes, la France conforte sa place de meilleur rémunérateur d'actionnaires en Europe.

- « Comment la pandémie sert de prétexte pour relancer la spéculation financière »

- Les marchés financiers restent les gagnants de la crise économique et sanitaire

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6 avril 2018 5 06 /04 /avril /2018 11:47
Comment la dette de la SNCF enrichit les marchés financiers, au détriment des cheminots et des usagers

Il se dit que la SNCF couterait 100€ par français, c'est faux !

En revanche l'évasion fiscale c'est 1 600€ par an et foyer fiscal, il y a donc d'autres priorités que celle de la SNCF si l'on rentre dans ce débat !

 

Sous prétexte de sauver la SNCF, endettée de près de 50 milliards d’euros, le gouvernement Philippe prépare une profonde réforme du secteur ferroviaire, ouvrant la porte à sa privatisation de fait. Présentée comme la conséquence de performances insuffisantes de l’entreprise, cette dette résulte pourtant très largement de choix politiques et organisationnels antérieurs. Loin des fantasmes sur le statut des cheminots, Basta ! retrace l’histoire de cet endettement, qui constitue aussi une rente annuelle de plus d’un milliard d’euros pour les marchés financiers. Pour en venir à bout, d’autres solutions sont possibles.

 

Sources : BASTA! par Nolwenn Weiler | mis à jour le 02/12/2021

Lors de l’inauguration de la ligne grande vitesse Paris-Rennes, en juillet dernier, Emmanuel Macron a évoqué une offre : l’État pourrait prendre en charge la dette de la SNCF en échange d’un « nouveau pacte social » au sein de l’entreprise publique, qui verrait le statut des cheminots progressivement supprimé. Emmanuel Macron faisait ainsi implicitement le lien entre l’endettement colossal de la SNCF – 46,6 milliards d’euros – et le « coût du statut » des cheminots, qui leur donne notamment la possibilité de partir en retraite plus tôt. Le rapport Spinetta, remis le 15 février dernier au gouvernement en vue d’une loi réformant la SNCF, reprend cette thèse d’un coût du travail trop élevé qui viendrait gréver les finances du système ferroviaire français.

 

« C’est une escroquerie intellectuelle de laisser penser cela, s’insurge Jean-René Delépine, représentant du syndicat Sud-rail au conseil d’administration de SNCF réseau, la branche qui gère les voies ferrées. Cette dette, c’est d’abord la contre-valeur d’un bien commun : un réseau de chemin de fer. Elle est visible parce qu’elle se trouve au sein d’une seule société. Si une entreprise avait, à elle seule, la charge de maintenir et de développer le réseau routier, sa dette serait infiniment supérieure ! L’État, qui se présente comme la victime d’un endettement non maîtrisé de la SNCF, est en fait le premier responsable de l’explosion de la dette. »

 

 

- Une dette « mise sous le tapis » il y a vingt ans

Dans les années 80, la politique du « tout TGV », vers lequel les investissements sont essentiellement dirigés, se traduit par une diminution continuelle des budgets de maintenance et de renouvellement du reste du réseau – dessertes des agglomérations, lignes rurales, lignes inter-cités – qui aboutit à un état de délabrement alarmant d’une partie des voies. « En 2005, un audit sur l’état du réseau français réalisé par l’école polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) à la demande de Réseau ferré de France (RFF) et de la SNCF alertait sérieusement sur le vieillissement du réseau et pointait la responsabilité de l’État », souligne la CGT dans un récent rapport sur l’avenir du service public ferroviaire. Plus de 9000 kilomètres (sur un total de 30 000) sont considérés comme vétustes voire dangereux [1]. À certains endroits, les rails sont si dégradés que les trains doivent ralentir. Tout cela oblige l’État à engager un important et très coûteux programme de travaux au début des années 2000.

 

En 1997, pour répondre aux critères du traité de Maastricht qui conditionne le passage à l’euro à la maîtrise du déficit public, la France choisit de loger sa dette ferroviaire dans un nouvel établissement public, séparé de la SNCF : Réseau ferré de France (RFF, renommé SNCF réseau en 2014). « C’est une façon de masquer la dette publique, estime Jean-René Delépine. À la même époque, l’Allemagne a de son côté décidé de reprendre la dette du système ferroviaire, alors qu’elle était en pleine réunification ! »

 

La dette de 46,6 milliards d’euros qui plombe actuellement le système ferroviaire est celle de SNCF réseau, mise sous le tapis il y a vingt ans [2]. « RFF puis SNCF réseau se retrouvent à porter, seules, des investissements qui doivent normalement revenir à l’État, poursuit Jean-René Delépine. C’est pourtant lui qui prend les décisions d’aménagements ! »

 

 

- Dix milliards ponctionnés par les marchés financiers

À la fin des années 2000, le gouvernement de Nicolas Sarkozy décide de lancer un vaste programme de travaux, mais sans y allouer les finances nécessaires. À la remise en état des voies vieillissantes, s’ajoute la construction de quatre nouvelles Lignes à grande vitesse (LGV) [3]. En 2010, SNCF réseau investit 3,2 milliards d’euros tout en percevant 2,2 milliards de subventions. Il faut donc emprunter sur les marchés pour trouver le milliard manquant. En 2012, les investissements s’élèvent à 4,3 milliards d’euros quand les subventions de l’État plafonnent à 1,2 milliard. Nouvel emprunt. En 2015, rebelote : alors que SNCF réseau doit débourser 5,3 milliards, il ne reçoit que 1,1 milliard de l’État. Cette année là, les subventions ne couvrent que 23 % des besoins d’investissement. Le recours à l’emprunt augmente encore. Depuis, les subventions consenties par l’État restent bien inférieures aux montants de travaux... pourtant engagés à sa demande ! « En 2017, 5,4 milliards d’euros ont été investis pour la régénération du réseau. 2,2 milliards ont été versés par des subventions. Le reste a été emprunté », illustre Jean-René Delépine.

 

À ce système structurellement déficitaire, s’ajoute le fait qu’« SNCF Réseau doit payer les intérêts de sa dette passée, comme l’explique Adrien Coldrey, économiste au sein du cabinet d’expertise Degest [4]. Or, il n’a plus aucune ressource pour payer ces intérêts puisque celles-ci ont été utilisées pour l’investissement : il doit donc s’endetter pour les payer. C’est un effet boule de neige, qui ressemble à une situation de surendettement pour un particulier. »

 

Ces dix dernières années, cette charge de la dette – 10,3 milliards d’euros seulement pour les intérêts – pèse plus lourd que l’entretien et le développement du réseau – 7,2 milliards d’euros ! « Quand la SNCF emprunte 100 euros pour le réseau, il ne peut en utiliser que 41. Les 59 restant sont ponctionnés par le système financier », détaille Arnaud Eymery, le directeur du cabinet Degest. Soit les banques, assurances et fonds d’investissement qui prêtent à la SNCF [5].

 
 

- « On travaille pour financer les banques »

« Pour le dire autrement, afin d’investir 100 euros sur la modernisation des voies, la SNCF doit emprunter 243 euros ! Le surcoût est considérable. C’est une rente pour les marchés financiers, même si les taux sont actuellement très bas. » Si les taux devaient remonter, l’absurdité de ce choix économique serait encore plus flagrante. « La charge de la dette avale les trois quarts de la performance économique de l’outil industriel, assène Jean-René Delépine, de Sud-rail. On travaille pour financer les banques. C’est une honte. » Et plus le temps passe, plus la dette se creuse. « Si l’État l’avait reprise en 2010, seulement 7,2 milliards d’euros d’endettement auraient été générés, contre 17,5 milliards actuellement », calcule Arnaud Eymery du cabinet Degest.

 

Autre choix politique absurde : en 2006, le gouvernement de Dominique de Villepin privatise les autoroutes, ce qui provoque un gros manque à gagner pour le système ferroviaire. Une partie des subventions versées par l’État à la SNCF provient de l’agence de financement des investissements de transports de France, qui était alimentée par les redevances des concessions d’autoroutes...

 

Pour se faire une idée des sommes dont est aujourd’hui privé le système ferroviaire, il suffit de regarder le montant des dividendes que se sont partagés les actionnaires des sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) en 2016 : 4,7 milliards d’euros [6] ! « La suppression du projet d’écotaxe en octobre 2014 [par le gouvernement de Manuel Valls, ndlr], également prévue par le Grenelle de l’environnement pour financer la construction des LGV, vient à nouveau gréver les finances et donc le report des trafics de la route vers le train », ajoute Arnaud Eymery.

 


- Pour les usagers, le prix des billets explose

Le report de la route vers le train constitue un défi crucial face au réchauffement climatique et à l’aggravation de la pollution atmosphérique. Mais pour les usagers, le coût du train s’envole. Car pour faire face à sa situation financière, le tarif facturé par RFF aux sociétés exploitants les trains – et donc principalement à la SNCF – a été considérablement augmenté (+26 % entre 2007 et 2013). « La hausse est aussitôt répercutée sur le prix des billets, qui augmente de 20% entre 2008 et 2013 », souligne Arnaud Eymery. Résultat : les Français délaissent le train jugé hors de prix.

 

Dès 2010, la fréquentation des TGV est en baisse. Un cercle infernal se met en place : les gens prennent moins le train, le nombre de trains diminue, les péages augmentent, de même que les billets, ainsi que les investissements nécessaires. Entre 2010 et 2016, le trafic ferroviaire enregistre une hausse de 1 % quand la voiture bondit de 7 % et le transport aérien de 17 %.

 

Plutôt que de taxer la route pour financer le transport ferroviaire, beaucoup moins polluant, l’État prétend que celui-ci peut s’autofinancer à condition que les cheminots travaillent plus et mieux. Pourtant, d’importants efforts ont déjà été consentis. « Chaque année, on demande à la SNCF d’économiser 1,5 milliard d’euros. Et la principale source d’économies, c’est l’emploi », poursuit Arnaud Eymery. Entre 2004 et 2014, les effectifs cheminots ont chuté. Ces derniers passent de 175 000 à 154 000 salariés, soit 2000 emplois supprimés chaque année.

 

 

- Productivité élevée, espérance de vie réduite

Selon le cabinet Degest, une étude des gains de productivité laisse apparaître, entre 2004 et 2014, une progression plus forte pour les cheminots (+3,2% par an) que pour l’économie française dans sa globalité (+1,9%). Une tendance qui devrait se prolonger ces prochaines années du fait des contrats de performance signés entre l’État et la SNCF. Néanmoins, le coût de cette pression sur le travail est élevé. À la SNCF comme ailleurs, les salariés sont écartelés entre des objectifs sans cesse accrus et des moyens revus à la baisse. Au point que certains ne peuvent plus assurer correctement la sécurité sur les voies (lire notre enquête sur l’accident de Brétigny en 2013). Et que d’autres sont sommés de proposer aux voyageurs les billets les plus chers [7].

 

Pour que les trains puissent rouler en continu, la maintenance est davantage assurée de nuit, alors que le travail nocturne a des effets importants sur la santé. « Les indices de morbidité [le nombre de jours d’absence des salariés pour maladie ou accident du travail, ndlr] ont augmenté au fur et à mesure que des gains de productivité étaient enregistrés », remarque Arnaud Eymery.

 

L’espérance de vie des cheminots est inférieure à la moyenne nationale, notamment pour les personnels de l’exécution et de la traction. Ces derniers meurent quatre ans plus tôt que le reste de la population [8]. La fédération Sud-rail, à qui la direction refuse de fournir des chiffres, estime qu’une cinquantaine de cheminots se suicident chaque année.

 


- 1269 euros, le salaire de base d’un chef de bord

En parallèle, les réorganisations et le déploiement de nouvelles technologies entraînent une hausse de l’encadrement. « En créant trois entités en 2014, on a créé trois états-majors différents, illustre Jean-René Delépine. Cela augmente automatiquement la masse salariale puisque les cadres sont plus nombreux et mieux payés. » L’augmentation exponentielle de la sous-traitance a également entraîné une augmentation du taux d’encadrement. Pour réaliser des économies, il serait ainsi possible de regarder du côté de l’organisation du travail, ou encore... de la direction.

 

En 2017, les onze membres du comité exécutif de SNCF Réseau se sont ainsi partagés une rémunération nette imposable de 2,5 millions d’euros, assortis de 38 000 euros d’avantages en nature, soit une moyenne de 19 000 euros par mois et par personne. En 2017, Florence Parly, l’actuelle ministre des Armées, a été payée 52 000 euros par mois en tant que directrice générale chargée de SNCF voyageurs. Par comparaison, le traitement de base d’un chef de bord, qui assure les trajets à bord d’un train corail, est de 1269 euros nets, assortis de plusieurs primes.

 

 

- D’autres solutions pour financer le réseau

Comment sortir le système ferroviaire de cette voie de garage ? L’État pourrait aider l’entreprise dont il est actionnaire à sortir du cycle infernal de l’endettement, et doter le train de financements pérennes. La CGT propose de flécher 6 milliards d’euros des recettes de la TICPE (taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques) pour le financement du réseau ferré national. En 2016, ces recettes se sont élevées à 28,5 milliards d’euros pour les produits pétroliers [9]. La CGT propose par ailleurs de mettre fin aux exonérations et au remboursement partiel de cette taxe dont bénéficient les transporteurs routiers ou le secteur aérien.

 

La confédération syndicale propose également de mettre en place un « versement transport additionnel régional » : calculé à partir de la masse salariale et redevable par les entreprises d’au moins onze salariés, cet impôt permettrait de doter les régions de 500 à 850 millions d’euros par an pour financer les lignes locales. « Sur le modèle du Livret A créé pour financer le logement social, nous proposons la création d’un nouveau livret d’épargne défiscalisé offrant un produit d’épargne sécurisé, dont les fonds seraient centralisés par la Caisse des dépôts et consignations », suggère encore la CGT.

 

 

- Développer le train pour sauver le climat

De son côté, le syndicat Sud-rail propose de réunir les trois entités qui composent actuellement la SNCF en une seule et même entreprise, ce qui permettrait de mutualiser les capitaux propres : ceux de SNCF mobilités s’élèvent à 15 milliards d’euros, alors que ceux de SNCF réseau sont négatifs de 12 milliards. « Nous aurions une entité qui démarrerait avec un capital positif de 3 milliards de capitaux propres » , résume Jean-René Delépine. La fusion entraînerait une mutualisation des marges opérationnelles, diluant la charge liée au remboursement de la dette et améliorant la capacité d’autofinancement.

 

Cette réunification aurait, toujours selon Sud-rail, un autre avantage : économiser les coûts de fonctionnement liés à la multitude de contrats passés entre les deux entités. Par exemple, lorsque SNCF réseau ferme une ligne pour réaliser des travaux, elle dédommage SNCF mobilités qui ne peut plus y faire passer ses trains. « Ces transactions créent des litiges, et induisent des surcoûts organisationnels monstrueux. » Sans oublier le bon millier de filiales créées par la SNCF, véritable mille-feuille organisationnel dont les effet économiques et sociaux réels restent à déterminer.

 

Sur le plan climatique, le secteur des transport est l’un des plus émetteur en gaz à effet de serre. Privilégier les modes de transport les moins polluants est donc indispensable. Une étude réalisée en Europe par le cabinet néerlandais CE Delf met en évidence un coût social et environnemental neuf fois plus élevé pour la voiture que pour le train. « Je pense même qu’en France, où le parc diesel est très important, ces chiffres sont encore supérieurs », estime Arnaud Eymery. Face aux défis, immenses, que pose le changement climatique, le train pourrait être considéré comme un atout plutôt que comme un poids. Ce n’est malheureusement pas le sens des conclusions du rapport Spinetta, qui sert de base à la future réforme ferroviaire.

 

Notes

[1L’audit réalisé par l’école polytechnique de Lausanne est disponible ici.

[2Les deux autres établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) du groupe n’ont pas de dettes « inquiétantes » pour le moment. On parle là de l’« Epic de tête » (la holding qui chapeaute l’ensemble) et de SNCF mobilités qui fait rouler les trains (et qui possède par ailleurs des centaines de filiales).

[3Paris-Strasbourg, Paris-Bordeaux, Paris-Rennes, contournement Nîmes-Montpellier.

[4Le Cabinet Degest a rédigé en 2013 un rapport très documenté pour la SNCF en vue de la réforme ferroviaire de 2014. Les principales conclusions de ce rapport sont à lire ici. Le rapport est consultable .

[5Voir ici l’analyse de Degest sur le coût de la dette.

[6Pour consulter la synthèse des comptes des concessions autoroutières, voir ici.

[8Espérance de vie à l’âge de 60 ans : 24,9 ans pour la France entière ; 20,3 ans pour les personnels d’exécution à la SNCF, 22 pour les personnels de traction.

[9La TICPE est la quatrième recette fiscale de l’État derrière la TVA, les impôts sur le revenu et sur les sociétés.

 

Pour en savoir plus :

- Comment la SNCF a créé des centaines de filiales pour mieux préparer le démantèlement du transport ferroviaire.

- Réforme SNCF : en finir avec les données fausses sur les chemins de fer

- Quand tout sera privé, on sera privé de tout ! par Manuel Bompard

- SNCF : la Fédération des usagers prend ses distances avec la réforme

- [SNCF] Une contre-analyse déboulonne les arguments du rapport Spinetta

- Reprise de la dette : Edouard Philippe veut-il enfumer usagers et cheminots ?

- La France insoumise propose de rendre inaccessible au privé le capital de la SNCF. Amendement rejeté par la majorité

- L'Insee a décidé de requalifier la dette de SNCF Réseau en dette publique est appliquée rétroactivement dès 2016

- LA LONGUE AGONIE DU FRET FERROVIAIRE

Comment la dette de la SNCF enrichit les marchés financiers, au détriment des cheminots et des usagers
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25 novembre 2017 6 25 /11 /novembre /2017 16:21
" maturité de la dette " : Bruno Lemaire donne raison à J.L. Mélenchon

Sources : blog de Robert Mascarell | mis à jour le 26/02/2021

La dette, publique, uniquement, est devenue l’épouvantail brandi, à tout propos et hors de propos, par tous nos gouvernants depuis 1983, pour justifier les pires attaques contre tous nos droits sociaux. Macron et son gouvernement ayant passé la surmultipliée.

 

À les en croire donc, notre pays serait criblé de dettes, hypothéquant l’avenir de nos enfants, qui seraient condamnés à la rembourser ad vitam aeternam, parce que, irresponsables que nous sommes, nous avons fait le choix délibéré de vivre au-dessus de nos moyens.

 

Rendez-vous compte, notre dette s’élève à 2000 milliards d’euros, soit 96 % de notre PIB.

 

Jusqu’à ce dimanche matin, de ce 19 novembre, j’oscillais entre la honte de ne pas penser à mes deux enfants et à mes quatre petites filles, et ma volonté de leur sacrifier toutes mes habitudes de consommation. Lorsqu’à 10h15 du matin, me réveillant d’une courte nuit, pour m’être couché à 3h40 du matin, à l’issue d’une fête endiablée, j’ai eu l’inestimable idée de tourner le bouton de ma radio, sur Europe 1, puis celui de ma télé, sur Cnews. Les deux stations recevant le ministre de l’économie, Bruno Lemaire[1], dans le cadre de l’émission « Le grand rendez-vous ».

 

Au bout de 24’20’’ de bla bla bla, entre gens de très bonne compagnie (Lemaire et David Doukhan (Europe 1), le journaliste-présentateur de l’émission, et les deux intervieweurs complaisants, Nicolas Barré (journal Les Échos) et Laurence Ferrari (Cnews)), Bruno Lemaire a mis fin à ma mauvaise conscience.

 

À ce moment crucial, Doukhan a lancé l’interview sur la situation boursière très délicate du groupe Altice/SFR. Il a donc rappelé que ce groupe, c’était 10 000 salariés en France et, surtout, 50 milliards d’euros de dettes. En une minute, dans sa réponse, sur Europe1 B. Lemaire a tout de suite dédramatisé la situation du groupe en ces termes : « Il ne faut pas céder au catastrophisme sur ce modèle d’endettement. […..] Je rappelle que la maturité de la dette est à 6 ans. Ça laisse quand même du temps. »

 

Sans s’en rendre compte, en une minute, B. Lemaire a donné raison à J.L. Mélenchon qui, le 13 NOVEMBRE 2017, à l’Assemblée nationale, a magistralement redémontré que la dette publique française n’avait rien de démesuré. En effet, JLM fait cette démonstration depuis des années.

 

Le député de la France insoumise, J.L. Mélenchon a rappelé aux députés que la maturité de la dette publique française (c’est-à-dire la durée moyenne de remboursements des prêts contractés) était de 7 ans et 31 jours (en réalité, au 30 septembre 2017, la maturité de notre dette est de 7 ans et 257 jours

  • Preuve en mains !
Agence France Trésor

Agence France Trésor

Fort de cette donnée officielle, Mélenchon a expliqué combien il était injuste de dire de notre dette qu’elle était égale à 96 % du PIB d’une seule année, alors que celle-ci va être remboursée en au moins 7 ans. Le vrai taux d’endettement de la France n’est donc plus de 96 %, mais de 96/7,70 (7 ans et 257 jours), soit 12,5 % seulement.

 

Rappelons que les banques considèrent que le taux de remboursement des crédits consentis aux ménages peut aller jusqu’à 33 % de leurs revenus mensuels, sans qu’il y ait surendettement de leur part. Ce taux de 33 % est calculé sur la base de la totalité du crédit à rembourser (principal et intérêts) divisé par le nombre d’années mis par le ménage pour rembourser sa dette. Le même système s’applique également aux entreprises privées.

 

Avec ses 12,5 % de taux d’endettement, l’État français est donc très loin d’être surendettée.

 

Cette manière plus juste de calculer le taux d’endettement, permet à B. Lemaire de relativiser la dette du groupe Altice/SFR. À juste titre, il la divise par 6 (nombre d'années de  remboursement de ses crédits) précisant en effet :  " Je rappelle également que la maturité de la dette d‘Altice est de six ans ".

 

Alors quid d'un tel calcul pour la dette de la France ?

 

Si nous étions naïfs, nous pourrions nous étonner qu’il ne relativise pas de la même manière la dette publique de la France. Mais nous ne sommes pas naïfs. Nous savons bien que cette manière de présenter la dette publique de la France, avec des chiffres aussi énormes et aussi injustes, n’a rien d’innocente. Elle est destinée à faire admettre au bon peuple dépolitisé que la dette du pays est si considérable qu’il doit accepter tous les sacrifices qui lui sont demandés.

 

Mon propos ne vise évidemment pas le seul Bruno Lemaire. Tous les gouvernants français, depuis 1983, mais également tous les gouvernants libéraux étrangers, Bruxelles, présentent les chiffres de la dette publique de la même manière. Histoire de calmer les foules.

 

Note :

[1] Ministre de l'Économie et des Finances en fonction depuis le 17 mai 2017

 

Pour en savoir plus :

- La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !

- Agence France Trésor

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28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 10:13
Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?
Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

Les assurés sociaux n'ont pas à faire les frais des choix économiques, sociaux, politiques et de gestion !

 

L'expression "déficit de la Sécurité Sociale" est-elle une légende urbaine, un mythe, une mystification, un mensonge, fruit d'une manipulation dialectique et comptable... ou pas ?

Souvenez-vous au moment des élections présidentielles de 2017, François Fillon qui se posait en futur Président de la République, voulait combler le « trou de la Sécurité Sociale », se comparant aux Danaïdes vidant leur tonneau d'eau dans un puits sans fond... et aujourd'hui, avec Macron, c'est " chut ", circulez, rien à voir !

Serions nous décidément dans la légende, à combler un trou qui n'existe nulle part ailleurs que dans l'imagination féconde de technocrates et hommes politiques au service de la classe dominante, serait-on dans l'anti-matière ?

Et si en fait le "déficit" bien réel, était le résultat de choix politiques visant à vider la Sécu de sa substance afin d'orienter les assurés sociaux vers les assurances privées pour leur retraite, leur maladie.... ?

 

🟥 Avant d'aller plus loin...

Jetez un œil à ce tableau établi par l'UCR-CGT à partir de la note de février 2021 du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

  • Le financement de la Sécurité sociale par les cotisations salariales payées par les employeurs est passé de 72% en 1980 à 36,5 % en 2021 fruit, par exemple, de la défiscalisation des HS, de la multiplication des primes diverses.... et autres exonérations de cotisations sociales... au nom de " l'emploi " [AA] !!!

= Baisse du coût du travail pour le patronat ;
= Augmentation des impôts et taxes, pour compenser le financement la Sécu, et dans certaines branches de notre couverture sociale, diminution des droits (ex : l'UNEDIC)...

  • Pour mémoire et à titre d'exemple :

En 2007, avec 28,7 milliards d'euros consacrés en 2007 aux allégements généraux, et plus de 41 milliards d'euros d'exemptions d'assiette, les politiques d'exonérations sociales représentent un total annuel de près de 70 milliards d'euros, hors allégements ciblés[BB].

 

 

Sources : Eric Durand | mis à jour le 02/08/2023

 

Structuration de cet article


- [A] Regardons d'abord qui sont les acteurs de la gestion de notre couverture sociale ?
-
[B] Ensuite un bref rappel historique s'impose pour finir sur les campagnes médiatiques, qui, depuis 1994, visent à culpabiliser les assurés sociaux
-
[C] Alors, y a t-il ou pas un déficit " trou " dans la gestion de notre couverture sociale et quels en sont les éléments ?
      . [C1] Le déficit conjoncturel
      . [C2] Le déficit structurel
- [D] Les déficits structurels et conjoncturels sont un outil au mains des libéraux, du patronat pour imposer une réduction des dépenses de santé et en faire porter le poids sur les assurés sociaux.
-
[E] Les déficits comptables sont une chose, mais la " dette sociale " ? Légitime, illégitime, doit-on la rembourser ou pas ?
      .
[E1] L'ACOSS
      .
[E2] La CADES
-
[F] Après le constat, quelles solutions ?
      .
[F1] Remettre la situation actuelle à plat
      .
[F2] Une autre approche du financement de la protection sociale s'impose : revenir au fondamentaux de la création de la Sécu telle que voulue par le CNR et la CGT le propose

 

 

- [A] - Regardons d'abord qui sont les acteurs de la gestion de notre couverture sociale ?

Totalement paritaire à ses origines, « la législation de 1945 prévoyait que les organismes de Sécurité sociale [...] seraient gérées par des conseils d’administration composés en majorité par des représentants des bénéficiaires (employeurs et salariés) », l’implication de l’État dans la direction de la Sécurité sociale s’est renforcée avec la révision constitutionnelle du 22 février 1996 qui prévoit le vote annuel d’une loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) accentuant la main mise du pouvoir politique sur la gestion.

 

  • Parmi les acteurs exerçant le rôle de gestionnaire, on peut identifier[1] :

1 -  Le Parlement qui vote les lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS), lesquelles pilotent les dépenses sociales. Elles déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la Sécurité sociale et, compte tenu des prévisions de recettes, définissent les objectifs de dépenses (art. 34 de la Constitution).

 

Mais ce n’est pas tout puisque le législateur adopte également les lois fixant les grandes orientations des politiques sociales comme la si contestable et contestée loi santé de 2016.

 

2 - Le gouvernement : le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et le ministère des finances et des comptes publics sont les deux tutelles de la Sécurité sociale. Ces deux ministères, et notamment leurs administrations, élaborent les projets de textes législatifs qui seront soumis au parlement. C’est à eux qu’est confiée la responsabilité des textes réglementaires nécessaires à la bonne application des lois relatives à la Sécurité sociale.

 

3 - Les organismes de Sécurité sociale (OSS) se composent des caisses nationales et de leurs réseaux de caisses locales réparties sur tout le territoire :

a. Caisses nationales : caisse nationale des allocations familiales (CNAF), caisse nationale d’ assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés(CNAVTS) et agence nationale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)[7], Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole, Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants.

 

b. Caisses locales (du régime général) : caisses d’allocations familiales (AF), caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et unions de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), caisses de mutualité sociale agricole ( MSA), caisses du régime social des indépendants ( RSI).

 

c. Les régimes spéciaux de certaines catégories de salariés ( EDF, GDF, SNCF, marins) et les régimes retraites des professions libérales.

 

Chaque caisse nationale et chaque caisse locale sont dotées d’un conseil d’administration composé de représentants des salariés, de représentants des employeurs, le cas échéant, de personnalités qualifiées.

 

Ce sont donc des « ententes tacites » entre les « partenaires sociaux » qui sont nécessaires à la bonne mise en œuvre des politiques de Sécurité sociale au bénéfice de la population.

En réalité syndicats réformistes (CFDT - FO - CFTC - CFE_CGC) et MEDEF se répartissent les postes[2] dans un grand consensus ce qui n'est pas sans conséquences quant aux choix de gestion,.... et aux réponses données à la question du " déficit " !

 

 

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

-[B] - Ensuite un bref rappel historique s'impose pour finir sur les campagnes médiatiques, qui, depuis 1994, visent à culpabiliser les assurés sociaux

  • Dès 1945, la Sécurité Sociale a été créée par le Comité National de la Résistance – CNR –

Née dans les maquis de la résistance, la Sécurité Sociale sera donc instaurée par le Gouvernement de Gaulle qui, confronté à la mauvaise foi du patronat devant l'avancée sociale de la création de la Sécu, et pour mettre un terme à cette obstruction des réactionnaires, fit voter deux ordonnances.

  • En 1945/46, les patrons résistent

Sentant l'offensive gaulliste très impliquée sur le terrain social, s'arc-boutent contre le projet et sa mise en place, avec la même vigueur manifesté contre les lois sociales des années trente, poussant leurs habituels cris d'orfraie, les assureurs se mettent de la partie, toujours sur le même mode accusatoire, - Avec une sécurité sociale, nous serons « spoliés » d'un marché qui nous échappera et qui nous revient de droit.


On peut imaginer que le marché des assureurs de l'époque était déjà très juteux. Nous remarquerons donc que la guerre menée par le patronat contre la Sécurité Sociale ne s'est jamais démentie, le patronat n'a jamais déposé les armes contre la SS, bien au contraire, il s'est raffermi, l'UE et Maastricht leur offrant plus que jamais, l'occasion de reprendre leur guerre de tranchée et leur revanche !

  • La création de la Sécurité Sociale s'appuie sur l'article 22 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui dit ceci :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille... les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires, elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté ».


Alors, à moins de supprimer de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, cet article conséquent, fondamental, on ne voit toujours pas la légitimité des gouvernements successifs depuis 1994, (Maastricht), à entamer des coupes sombres dans la SS, au nom d'un prétendu trou ou « déficit structurel » pour reprendre le langage technocratique en cours, dans les arcanes du pouvoir, pour entamer des coupes sombres dans la Sécurité Sociale, et de compromettre de facto, l'égalité pour tous aux libres accès aux soins, un acquis qu'il faut considérer comme inaliénable. Acquis de haute lutte, faut-il le rappeler ?


C'est d'ailleurs la base d'une société équilibrée. Une population en bonne santé sera toujours un facteur de vitalité pour un pays. A moins de vouloir détruire ce même pays, la France, en l’occurrence, quoi de mieux que d'empêcher les gens de se soigner correctement, que de détruire la Sécurité Sociale, pan après pan ? Oh ! Pas d'un coup, mais sournoisement, à l'aide de la propagande mainstream qui aura elle aussi une grande part de responsabilité dans la diffusion de la légende urbaine : le fameux « déficit structurel » de la sécurité sociale.

 

Avec une étonnante constance année après année donc, tous les ministres en charge des affaires sociales se sont employés à la démolition de la création du CNR, leur cauchemar, leur terreur de voir passer sous leur nez le marché prometteur, tous attelés au char patronal, pour remettre en question ce droit fondamental des Français, l'accès aux soins gratuits.

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

- [C] - Alors, y a t-il ou pas un déficit " trou " dans la gestion de notre couverture sociale et quels en sont les éléments ?

 

Soyons clair !

  • Sur le plan comptable, il existe bien un « déficit conjoncturel » et un « déficit structurel » dans le financement de notre couverture sociale !
  • Nier ces déficits reviendrait à nier le besoin de financement, nier la nécessaire augmentation des recettes du régime général, in fine... à nier le besoin d'une réforme globale de son financement.... ce qui ne pourrait que satisfaire ceux qui (patronat, libéraux et réformistes de tout poils) prêchent ou accompagnent la baisse permanente du niveau de couverture des prestations servies, les déremboursements et autres forfaits, la casse de l'hôpital public, la privatisation des assurances sociales, etc...

 

  • [C1] Qu’est-ce que le déficit conjoncturel ?

Pratiquement, on compare le déficit effectivement constaté pour une année donnée (par exemple 2003, année caractérisée par une croissance quasi nulle), et ce qu’aurait été ce déficit si la croissance avait été en 2003 égale à ce qu’on appelle la  « croissance potentielle à long terme[3] ».


Cette croissance potentielle à long terme est la croissance jugée optimale dans des conditions économiques données, c’est-à-dire compte tenu de la productivité actuelle, du stock de capital et de la main d’œuvre disponible.



La méthodologie retenue a un mérite : celui de montrer l’écart entre la croissance des recettes et des dépenses dans le cadre du régime de croissance actuel dominé par la financiarisation et dont l’un des caractères distinctifs est bien l’existence d’un chômage de masse.

 

Lorsque le mouvement social lutte pour une croissance fondée sur le développement de l’emploi stable, non précaire et qualifié (le plein emploi solidaire), il se bat inconsciemment pour imposer un régime de croissance différent...... et il influe sur le niveau de la dette conjoncturelle :

  1. A titre d'exemple positif : " après plusieurs années de déficit, notre couverture sociale présentait un surplus de plus de 5 milliards de francs en 2000 et 8 milliards en 2001 les 35 heures ayant permis de réduire de 375 000 le nombre de chômeurs et dopé les cotisations sociales[4] " ;
  2. Autre exemple inverse : " les politiques salariales de bas salaires et de précarité, les suppressions d'emplois, l'argent massivement détournée de la masse salariale pour alimenter tous les systèmes annexes de rémunération non contributifs (stock-options, participation, etc... soit pour 2011 6,5 milliards de pertes de cotisations) ont eu comme conséquence (entre 1987 et 2006) une baisse drastique de la part des cotisations sociales dans les recettes (qui est passée de 90% à 59%), ce qui accentue d'autant le déficit conjoncturel malgré les augmentations continues des taux de cotisation et une augmentation de la part des impôts et taxes affectés (qui passe de 2% à 30%)[7]. "..... et CETTE SITUATION NE CESSE DE SE DÉTÉRIORER !

 

  • [C2] Jetons un œil sur le déficit structurel !

La notion de déficit structurel est une notion couramment utilisée par les économistes et en particulier par ceux de la Commission européenne et du ministère des Finances. Elle vise à essayer de faire le partage entre ce qui relève du cycle conjoncturel (lié à l'évolution de la croissance, donc de l'emploi, voir ci dessus) et les facteurs dits « structurels », c’est-à-dire ayant leur dynamique propre, indépendante de la conjoncture.

 

Parler de déficit structurel, revient à dire simplement que le simple retour de la croissance ne permettrait pas de mettre fin au déficit conjoncturel.
Cela ne veut pas dire qu'il faille diminuer les dépenses de l’assurance maladie, dont la croissance élevée est pour l’essentiel normale, et s’explique par le progrès médical, et le coût élevé des maladies longues et coûteuses[5], et en particulier par l’augmentation importante des maladies chroniques, qui est l’une des raisons fondamentales de la croissance de la consommation de médicaments.

 

De quoi parles t-on en la matière ? Il s’agit de problèmes bien réels et non fictifs :

1- Des exonérations de cotisations sociales non compensées par l'État :

Le dispositif de réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale pour les bas salaires mis en place en 1993, (précédée par la mise en place, en 1992, d’un abattement de cotisations patronales en faveur du travail à temps partiel) a été complété au 1er janvier 2015 : l’employeur d’un salarié au SMIC ne paie plus aucune cotisation de sécurité sociale.

 

Outre l'aspect contestable de son impacte sur l'emploi, sur le budget de la nation, sa compensation au budget de la Sécurité Sociale par l'État n'est que partiellement assurée. La perte de recettes occasionnée par ces exonérations représente plus de 2 milliards d’euros par an pour le régime général, dont 1 milliard d’euros pour l’assurance maladie. A titre d'exemple, le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, paru en juin 2011, nous apprend que les exonérations et réductions de cotisations s’élèvent à plus de 30 milliards d’euros dont près de 3,5 milliards ne sont pas compensées par l’État[6].

 

Ainsi, en 2018, Edouard Philippe (Premier ministre du gouvernement Macron) a confirmé le 26 août, dans un entretien au JDD, qu’il allait mettre en œuvre la « désocialisation » des heures supplémentaires ( exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires sans défiscalisation, d’où le terme de « désocialisation »).... L’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires aura un coût annuel estimé à 3 milliards d’euros[28] et le gouvernement Macron entend bien ne pas en rester là[29][30].

 

2 - Des dettes patronales (des entreprises) :

A titre d'exemple, elles s’élevaient au total à 13,8 milliards d’euros au 31 décembre 2003[8]. Leur coût direct pour le régime général est de 1,4 milliard d’euros par an (ce qui correspond au montant des dettes que l’Acoss considère impossible à recouvrer et qu’elle passe en pertes), auquel il faut ajouter au moins 300 millions d’euros par an de charges financières (coût des avances payées par l’Acoss à la CDC du fait de ces impayés). L’essentiel de cette dette provient de Tpe (moins de dix salariés) très fragiles.

Combien aujourd'hui ?

 

3 - De la fraude patronale :

En 2014, le rapport de la cour des comptes publiait : le « trou de la Sécurité sociale » aurait atteint (régime général + fonds de solidarité vieillesse), 16 milliards d'Euros.

Mais ce rapport complétait son information par : « Le montant de la fraude patronale aurait atteint 20 à 25 milliards d'Euros en 2012 »[9]

Combien de dettes et de fraudes patronales aujourd'hui ?

 

4 - Des charges indues :

Les difficultés de trésoreries de la Sécu, créés par les suppressions de ressources, sont aggravées par les charges indues notamment :

  • médicaments inutiles, médicaments trop chers, médicaments hors liste, dépistage divers et vaccinations contestables, facturation d'actes non réalisés, campagnes publicitaires, marges des laboratoires...
  •  dépenses de recherche qui normalement incombent au budget de l’État et sont supportées par la Sécurité Sociale ;
  • les dépenses résultant de la formation universitaire dans les hôpitaux ;
  • Le financement, par sa prise en charge, des dépassements d'honoraires comme le dénonce les députés de la France insoumise[27]...
  • et j'en oublie certainement....... (en 1979, la CGT chiffrait le cout des charges indues à 15 à 20 milliards de F. par an) autant de charge indues qui devraient incomber à l’État.

Que coutent les charges indues au budget de la sécurité sociale aujourd'hui ?

 

Soyons clair !

- L'ensemble des éléments de la dette structurelle (notamment les exonérations de cotisations sociales) représentent environ 50%[10] du déficit global de la Sécu et signent la destruction du système de protection sociale ! 

- Le nier c'est occulter le besoin de financement, justifier de laisser la situation se détériorer par absence de recettes pour le régime général.

 

Ce constat de déficit structurel est un point d’appui pour exiger :

  • la mise à plat toutes les questions le concernant ;
  • une réforme globale du financement de la protection sociale

 

 

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

- [D] - Les déficits structurels et conjoncturels sont un outil au mains des libéraux, du patronat pour imposer une réduction des dépenses de santé et en faire porter le poids sur les assurés sociaux.

La prise en charge des dépenses de soins et de médicaments par la Sécurité sociale est passée de plus de 80 % à la fin des années 1970 à 75,5 % en 2009.

 

Ce sont donc les assurés sociaux (notamment les plus modestes) qui renoncent à se soigner faute d'argent [11] et sont lésés par un panel permanent de mesures absconses. Ce sont les assurés qui sont appelés à subir une entreprise de dénigrement public de la S.S. (dont ils ne connaissent ni l'Histoire ni le fonctionnement) au nom d'un déficit global dont ils ne sont pas responsables.


Pour tous les assurés, c'est pour 2017 [12] :

  • 1/ 1 euros sur les consultations médiales ;
  • 2/ consulter obligatoirement un généraliste avant de voir éventuellement un spécialiste ;
  • 3/ pour tout traitement de plus de 120 euros, l'assuré débourse de sa poche 18 euros ;
  • 4/ Déremboursement des médicaments dont la liste est publiée ;
  • 5/ forfait hospitalier, facturé à 18 € par jour en hôpital et à 13,50 € en clinique ;
  • 5/ Taxe de 0,50 E, sur les boites de médicaments ;
  • la menace d'un nouveau recul de l'âge à la retraite à taux plein ;
  • la menace de l'instauration de la retraite par points[13]...

Et aussi :

  •  la poursuite de la désertification des médecins dans les campagnes, zones de montagne, petites et moyennes agglomérations, au départ des médecins à la retraite et non  remplacés ;
  • la poursuite de la casse de l'hôpital public (22 000 postes supprimés) ;
  • le déremboursement des médicaments dits de conforts, mais ce confort-là est inhérent aux conditions de guérison des malades, jeunes et vieux... etc...

Et le martelage laisse des traces !

Qui n'a pas entendu par exemple : " les retraites on n'en aura pas " ou " si on ne la fait pas nous même.... on n'aura rien " !

 

 

- Nous pouvons compter sur Macron pour un nouveau serrage de vis, au nom du combat pour sacro-saint ratio de 3%[14] du PIB si cher à Bruxelles et aux libéraux de tout poils.
Les mesures prises par l'équipe de Hollande étaient la suite de celles prises par le gouvernement Sarkozy, prises en continuité de celles prises par les gouvernements précédents..... non pas pour éponger un "déficit chronique", mais semer la peur et le doute quand à l'avenir du système de protection sociale et inciter les citoyens d'une manière de moins en moins subliminale de souscrire leur propre couverture sociale auprès d'organismes privés.

 

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

- [E] - Les déficits comptables sont une chose, mais la " dette sociale " : légitime, illégitime, doit-on la rembourser ou pas ?

La dette qualifiée de " sociale " est générée par les déficits conjoncturels et structurels cumulés des différentes branches de l'Assurance maladie... + des intérêts et frais des opérations financières liées à l'endettement..... Elle n'a donc rien de "SOCIAL " !

 

Elle est le fruit du refus des gouvernements successifs (empêtrés dans les contraintes des traités de Maastricht et Lisbonne, soumis aux logiques d'austérité, de baisse de la dépense publique chères à Bruxelles, de soutien aux thèses du MEDEF les plus libérales dont celle de la politique de l'offre, de bas salaires, de précarité....), de s'attaquer aux causes des déficit structurels et conjoncturels de la Sécu. auquel on ajoute les choix de gestion imposée à l'ACOSS et la CADES.... La dette dite " sociale " est une aberration économique et sociale !

 

Explications :

Avant 1996, les besoins de financement de la Sécu étaient assurés par le budget de l’État ou par des avances du Trésor.

 

Avec la création de la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale (CADES) et avant 2004 avec la perversion du mode de financement de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS, appelée aussi « banque de la Sécu »), c'est toute la gestion du financement de la couverture sociale qui est remise en cause.
 

  1. En 2004 les modes de financement de l'ACOSS sont modifiés et depuis depuis 2006, l'ACOSS est contrainte de se financer sur les marchés financiers pour combler ses déficits et l'absence de réserves. L'ACOSS gère 1800 milliards de flux de trésorerie et emprunte 20 milliards d'€ par jour en moyenne sur les marchés !

  2. L'ACOSS se finance sur 1 type de produit financier, les billets de trésorerie qui sont des titres de créances négociables et depuis 2010 sur un second produit qui sont les « euro commercial paper » dont l'Agence France Trésor[17] se charge d'émettre les titres sur le marché de gré à gré.

  3. En 2010, l'ACOSS a payé 58 d'€ millions d'intérêts aux banques qui « dealent » pour son compte.

  4. Toujours en 2010 l'ACOSS conseillée par ces soit-disant experts s'est endettée de 50 milliards d'€ sur des placements hasardeux.

 

  1. A sa création, en 1996 suite au plan Juppé, la CADES se voit transférer une dette de 21 milliards. Comme elle n'a pas d'activité productive et pour lui permettre de créer un peu de valeur ajoutée dans le système, on a inventé de nouvelles contributions en recettes qu'on appelle la CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale).

  2. Son rôle est d'assurer la gestion de la dette qui lui est transférée par l'ACOSS, d'amortir le capital et d'en payer les intérêts (éponger les dettes de la Sécu) . Initialement, la CADES était prévue pour avoir une durée de vie limitée dans le temps pour une durée de 13 ans...mais elle est toujours bien active à ce jour.

  3. La CADES est autorisée à spéculer sur les taux de change des monnaies et sur les marchés à terme. Le sort de la protection sociale devient lié à celui des marchés. Le « déficit » va devenir une affaire rentable, très rentable, du moins pour certains.

  4. Face à l'aggravation des déficits structurels et conjoncturels, en 1991, sous Rocard, on invente la CSG[18] ce qui ne règle rien, un rapport de la cour des comptes de 2011 prévoyant qu'en 2018 nous serons à 260 milliards de dettes soit 13,4 points de PIB...

  5. Sur les 78 milliards d'€ de ressources cumulées depuis sa création (à date 2009), la CADES n'a amorti que 48 milliards de dette (c'est à dire le paiement d'une partie du capital).... Les 30 milliards restants ont servi à payer les intérêts aux créanciers... les marchés financiers

  6. Comme l'ACOSS, la CADES a également été victime de manipulation de taux, pas les mêmes, cette fois ce sont le LIBOR et l'EURIBOR. Ce sont des taux de référence du marché monétaire sur différentes devises.[19]

  7. Ces manipulations de taux se sont faites entre 2005 et 2009, en pleine crise financière. On sait que l'exposition de la CADES à l'époque était de 132 milliards qui étaient indexés sur ces taux. Il y a encore pas mal de procès en cours d'instruction contre ces banques ce qui peut expliquer qu'il est difficile de calculer les pertes nettes de la CADES dans ce domaine.

  8. Cette dette dite « sociale » détenue à 94% par des investisseurs étrangers[15] est très appréciée des marchés financiers aiment beaucoup la dette sociale française. La Cades note ainsi que 36% de la dette est détenue par des investisseurs asiatiques, 25% par des Britanniques, 13% par des Européens (hors Allemagne) et seulement 6% par des investisseurs français. C'est un investissement attractif. La Cades est financée par les prélèvements sociaux et sert des taux d'intérêt - légèrement - supérieurs à ceux pratiqués par l'État français.
  9. La « dette sociale » comme la dette publique est gérée par les mêmes sociétés financières privées de préférence en gré à gré (pour échapper à la réglementation) et sur des places offshore comme le Luxembourg par exemple. Ce système est délibérément entretenu par les gouvernants pour satisfaire l'appétit permanente des marchés financiers. C'est pourquoi cette dette ne sera jamais résorbée..... et en tout état de cause les assurés sociaux, les citoyens n'en sont pas responsables. IL N'Y A PAS DE DETTE " SOCIALE "

 

Pour finir, mettons en perspective de cette démonstration, les éléments d'explication qu'on nous sert régulièrement dans les médias

 

  • D'abord faisons un point sur l'évolution des prélèvements, la CSG, la CRDS mais aussi d'autres moins connus comme le PDS (Prélèvement de Solidarité). L'ensemble en 1996 représente 0,5%. En 98, on est passé à 10% comme ça d'une année sur l'autre. Aujourd'hui, on est à 15,5%.

  • La dette reprise cumulée était de 23 milliards en 1996 au démarrage de la CADES et se trouve à 216 milliards en 2013. De 2006, année où l'ACOSS commence à emprunter sur les marchés, on est passé de 107 milliards à 216 milliards.

- Comment en l'espace de 7 ans la dette a pu doubler alors que dans le même temps les prélèvements ont augmenté de plus de 4 points ?

- La population a-t-elle doublé ? Le taux de chômage a-t-il doublé en 7 ans ? Le nombre de personnes âgées ou de malades a-t-il doublé en 7 ans ?

- Rien de tout ça ne s'est évidemment produit. Il y a bien une augmentation du «  déficit conjoncturel » et du « déficit structurel » mais ça ne fait pas le poids par rapport au système financier, qui créé de la dette volontairement et dont le paiement des intérêts pèse très lourd pour le porte monnaie des assurés sociaux.

 

  • Pour, ici, clore ce sujet laissons la parole à Patrice Ract Madoux (extrait d'interview sur les Echos 2016-01-12[20]) qui est le patron de la CADES

Je cite :
« En 2016, la Cades prévoit d'amortir 14,2 milliards d'euros, contre 13,6 milliards l'année passée. Il s'agit d'un niveau record, en rapport avec le transfert exceptionnel de 23,6 milliards. Pour rémunérer les investisseurs qui reprennent ces titres, la caisse a besoin de ressources importantes, qui proviennent de la CRDS (créée sur mesure en 1996), mais aussi de la CSG et de la liquidation progressive du fonds de réserve des retraites.
Soit un total de 16,9 milliards d'euros en 2016. C'est cher, mais c'est ce que coûtent les dérapages cumulés de la Sécurité sociale.
Patrice Ract Madoux n'a qu'une crainte à présent : que le gouvernement renonce à lui confier plus de dettes en 2017, année électorale oblige. Comme le stock de 62 milliards de dettes transférables à la Cades aura été épuisé fin 2016, il faudrait voter une hausse de la CRDS ou affecter d'autres ressources financières à la Cades pour lui transférer plus. Ça ne serait pas très politique.
»

 

On comprend peut-être mieux d'où vient l'augmentation de la CSG de 1,7 points décidée par Macron et son gouvernement.

On comprend aussi que depuis 1996 le système de Sécurité Sociale est placé sous le joug d'un endettement perpétuel qui ne cesse d'augmenter (162,4 milliards d'euros fin 2015 [15]) massivement généré notamment par les déficits conjoncturels et structurels cumulés, et lourdement aggravé par les pertes sur les marchés financiers.

Il faut mettre un terme à ce pillage !
Et nous assurés sociaux cotisants, alimentons perpétuellement, tout cela fruit des  choix opérés par les différents gouvernements qui se sont succédés ces 20 dernières années pour le bénéfice indirect des marchés financiers.

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

- [F] - Après le constat, quelles solutions ?

 

 [F1] Remettre la situation actuelle à plat
  • 1 - D'abord refuser le chantage à la dette comme le propose la France insoumise en son programme l'AVENIR EN COMMUN[21]

La dette du système de protection sociale est partie intégrante de la dette publique : « L'argent existe pour vivre mieux. La France n'a jamais été aussi riche de son histoire. La dette n'est pas un problème. Son montant est tout à fait supportable une fois ramené à sa durée de vie réelle : plus de sept ans. Mais l'état a été volontairement appauvri par des cadeaux fiscaux aux plus fortunés, à la finance et aux grands groupes. Certains ont même gagné deux fois : ils ont pu prêter à l'État les impôts épargnés et empocher au passage des intérêts ! Ce chantage et ce rançonnage doivent cesser ! . »

  • 2 - Réaliser un audit citoyen de la " dette sociale " [21]

L’existence de la CADES est une anomalie qu’il faut éliminer !
Cette caisse est un puits sans fonds (et sans fin) qui enrichit ses créanciers.
Elle organise la spoliation des citoyens par des impôts affectés (CRDS principalement). Elle ne règle en rien la question du financement de la protection sociale.


Tous les livres de comptes (de toutes les branches) doivent être ouverts et la mécanique démontée par un audit citoyen et public de la gestion de la Sécurité Sociale !

Objectif : déterminer la part illégitime de la dette (part liée au déficit structurel, aux taux d'intérêts, etc....) 

  • 3 - Annuler la totalité de la dette jugée “illégitime”, faire racheter ce qui reste de " légitime " par la Banque centrale

Un groupe de travail du Collectif pour un Audit citoyen de la dette publique a publié un rapport [22] qui vise à répondre à une série de questions essentielles : d’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général, ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations ? et qui a évalué à 59 % du total la partie illégitime de la dette.....

 

Il faut mettre fin au financement de la protection sociale par les marchés financiers et donc, (une fois l'audit effectué) annuler la totalité de la dette jugée “illégitime”, faire racheter ce qui reste de " légitime " par la Banque centrale.[21]

 

59% de dette illégitime pour l'ensemble des finances publiques alors que la dette structurelle (donc hors intérêts de la dette) de la sécurité sociale (que l'on peut considérer comme illégitime) était estimée à 50% par la CGT en 2004[10]. Les choses se tiennent.

 

 [F2] Une autre approche du financement de la protection sociale s'impose : revenir au fondamentaux de la Sécu tels que voulue par le CNR (Conseil National de la Résistance) et la CGT le propose[23]

 A titre d'exemple : quelles sont les propositions de la CGT ?[23]

Il n’est pas question, pour la CGT, de recourir à la fiscalité comme moyen de financement direct de la sécurité sociale.

  • La cotisation sociale doit demeurer la clé de voûte.

Le salaire ne se résume pas au salaire direct : c’est le salaire direct + la cotisation sociale : on parle donc de « salaire socialisé », une partie de notre salaire étant utilisée aux fins de financement de la sécurité sociale.

Les propositions de la Cgt ne visent pas à baisser le coût du travail, mais à développer l’emploi stable et qualifié.

 

CSG : La CGT réaffirme que le financement de la protection sociale doit être assuré sur la cotisation[26]

 

  • Il faut permettre un accroissement de la part des cotisations sociales avec :

- Une revalorisation significative du salaire  : Depuis les années 1980, il n’y a guère eu d’évolution positive en la matière : on a perdu entre 8 à 10 points de la valeur ajoutée consacrée au salaire. Il faut obtenir une inversion de ce mouvement et revenir à une plus grande part de la valeur ajoutée dédiée au financement des salaires, avec un effet positif sur le salaire direct comme sur le niveau des cotisations sociales.


La CGT revendique à ce titre un SMIC à 1700 euros brut, avec des conséquences à en tirer au niveau des branches professionnelles pour tirer tous les salaires vers le haut.


- Une intégration de toutes les formes de rémunération dans le calcul de la cotisation : le montant total des rémunérations non soumises aux cotisations se montait à environ 16 Mds d’euros en 2010. En intégrant toutes les formes de rémunération dans le calcul, on pourrait dégager environ 3 Mds d’euros.

 

Cela concerne notamment l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, ainsi que les primes des fonctionnaires.
Nous proposons que l’ensemble des éléments de rémunération soient soumis à cotisations sociales et génèrent des droits, notamment pour la retraite
[24].

 

Actuellement, l’épargne salariale est assujettie au forfait social à un taux de 20 %. C’est beaucoup moins que le taux de cotisation « patronale » (42 %)[25], mais surtout cela ne génère aucun droit pour les salariés.

Avec la proposition CGT, l’épargne salariale, serait assimilée à du salaire, et compterait pour la retraite. Il en serait de même des primes des fonctionnaires.


- Une bataille fondamentale pour l’égalité salariale Hommes / Femmes  : Il y a aujourd’hui un différentiel de l’ordre de 20 %. L’égalité salariale aurait des effets positifs sur le financement de la protection sociale.

 

  • Une double modulation des cotisations sociales « patronales » en fonction de la politique de l’entreprise en matière d’emploi

Le taux de cotisation «employeur» devrait tenir compte de deux facteurs :

Le premier facteur serait constitué par la part des salaires dans la valeur ajoutée de l’entreprise. Ce taux devrait être plus faible dans les entreprises dans lesquelles la part des salaires dans la valeur ajoutée est élevée, plus fort dans celui où il est faible. Le taux de cotisation serait ainsi plus faible dans le BTP que dans la pétrochimie, et a fortiori dans la promotion immobilière ;
Le second facteur dépendrait des comportements d’emploi des entreprises. Il favoriserait les entreprises qui créent des emplois de qualité, et défavoriseraient celles qui en détruisent, délocalisent et développent la précarité. Il tiendrait compte de la qualité des emplois (CDI/CDD ou intérim, égalité salariale femmes/hommes...).

 

  • La mise en extinction des exonérations de cotisation sociales

Cette proposition est indissociable de la première.
- Les exonérations de cotisations sociales représentaient
en 2013 environ 26 milliards €. Leur montant est un peu plus faible qu’il y a quelques années, notamment du fait de la suppression des exonérations des heures supplémentaires.

- En 2022, les allégements de cotisations sociales des employeurs du régime général (du privé) ont atteint un niveau record représentent 73,6 milliards d’euros, en hausse de 13,1 % sur un an. Le montant de ces exonérations a presque triplé en 10 ans[25bis].
Leur suppression irait de pair avec la mise en place de la modulation. De ce fait, aucun secteur n’acquitterait des cotisations inférieures à la situation actuelle.

 

En 2022, les allégements de cotisations sociales des employeurs du régime général représentent 73,6 milliards d’euros, en hausse de 13,1 % sur un an sous l’effet de la dynamique des bas salaires

 

  • Instituer une contribution sur les revenus financiers des entreprises

La CGT propose d’instituer une contribution sociale sur les intérêts et dividendes perçus par les entreprises, provenant notamment des revenus des filiales à l’étranger et de leurs placements sur les marchés financiers. Dans les conditions actuelles, cela rapporterait au minimum 10 à 20 milliards €, selon le taux de cette contribution.

 

  • Créer un fonds de garantie des cotisations sociales

Aujourd’hui, les impayés de cotisations sociales, dus notamment à la faillite des entreprises font perdre au moins 2 milliards € par an à la Sécurité sociale. La Cgt propose la création d’un fonds de garantie. Chaque entreprise acquitterait une « prime d’assurance » d’un montant limité, qui serait versée à un fonds de garantie qui rembourserait la Sécurité sociale en cas d’impayés.

 

 

- Et maintenant ?

 

Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?
Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?
Le « Trou » de la Sécurité Sociale : un trou « fictif »... ou pas ? La dette « sociale » légitime ou pas ?

Notes :

[AAexonérations diverses de cotisations sociales

[BB] Rapport d'information déposé en 2008 par la mission d'information commune sur les exonérations de cotisations sociales

[1] Sécu, assurance, chômage, retraite qui gère ces caisses

[2] Sécu, assurance chômage, retraite : qui gère ces caisses ?

[3] La croissance potentielle : une notion déterminante mais complexe

[4] La Sécu : surplus de plus de 5 milliards de francs en 2000 et 8 milliards de F. en 2001

[5] Ce que la Cnam appelle les Ald : affections de longue durée (maladies cardio-vasculaires, cancers, maladie d’Alzheimer, démence sénile)

[6] Rapport du Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales

[7] (rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale novembre 1989, annexe 6 au PLFSS200)

[8] Il s’agit du «stock» de dette, c’est-à-dire du total des impayés existants. Ils peuvent dater de 2003, comme avoir jusqu’à dix ans d’ancienneté ; l’ancienneté moyenne de ces dettes est de cinq ans. Une grande partie ne sera jamais remboursée, notamment les plus anciennes http://onala.free.fr/cgtsecu.pdf

[9] Sécu : la Cour des comptes dénonce l'explosion des fraudes

[10] CGT : Campagne sur la réforme de l’assurance-maladie

[11] De plus en plus de Français renoncent à se soigner faute d'argent

[12] La franchise médicale : montant et plafond en 2017

[13] Mesures Macron : Les dangers de la retraite à points

[14] Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste

[15] La dette sociale de la France en quatre chiffres

[16] source Pascal Bouyssou

[16bis] L'ACOSS

[17] L'Agence France Trésor est l'organisme en charge de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'Etat. Le marché de gré à gré est un système d'échange basé à Londres et qui n'est pas régulé. Le compte de l'ACOSS est ouvert à la Citibank... En 2010, l'ACOSS a payé 58 millions d'intérêts aux banques qui « dealent » pour son compte. Qui sont ces banques ?
Bank of America Securities Limited, Barclays Capital, Crédit Agricole et UBS pour l'essentiel. Alors 58 millions d'intérêts comme ça, ça ne fait pas beaucoup mais nous n'avons pas fini sur l'ACOSS.
Il se trouve qu'en 2010, l'ACOSS via les Spécialistes en Valeurs du Trésor (les SVT qui sont des banques dites expertes en placements financiers pour le compte de l'Etat à savoir une vingtaine qui font partie des 30 banques systémiques mondiales et qui sont pour les principales : Bank of America, BNP Paribas, le Crédit Agricole, Citigroup, Deutsche Bank, Goldman Sachs, Société Générale, UBS) donc l'ACOSS conseillée par ces soit-disant experts s'est endettée en 2010 de 50 milliards sur des placements hasardeux. Ajoutons également que l'ACOSS a été l'une des nombreuses victimes de l'affaire sortie en 2013 concernant la manipulations des taux de change à laquelle se sont livrées ces même banques pendant 10 ans en s'entendant sur le taux de référence du marché des devises. Ce sont donc ces mêmes banques qui conseillent l'ACOSS sur ses placements et qui se sont livrées à ces malversations !

[17bis] La CADES

[18] Contribution sociale généralisée : 27 ans déjà. Historique de cette mesure

|19] LIBOR = London Interbank Offered Rate), en français : taux interbancaire pratiqué à Londres. Dès mai 2008, le Wall Street journal révèle une entente frauduleuse entre certaines banques chargées du fixing journalier pour en manipuler le taux et engranger des bénéfices bien gras, ici aussi on parle de dizaines de milliards. Ce taux est calculé par la Fédération des banques de l'UE qui était présidée par...l'irréprochable Frédéric Oudéa !

[20] Dette sociale : 110 milliards remboursés en vingt ans...Elle va lever 23,6 milliards supplémentaires en 2016.

[21] L'Avenir en commun : Refuser le chantage à la dette publique et La France insoumise pour un audit citoyen de la dette publique

[22] Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France

[23] Conférence de presse de la CGT du 12 mars 2014 : proposition CGT de réforme du financement de la Sécurité sociale

[24] Mais aussi pour l’assurance chômage et les indemnités journalières d’assurance maladie.

[25] Cotisations  de  Sécurité  sociale  et  solidarité  autonomie,  retraite  complémentaire,  chômage,  Fnal,  formation  professionnelle et apprentissage.

[25bisEn 2022, les allégements de cotisations sociales des employeurs du régime général représentent 73,6 milliards d’euros, en hausse de 13,1 % sur un an sous l’effet de la dynamique des bas salaires

[26] La CGT réaffirme : le financement de la protection sociale doit être assuré sur la cotisation

[27] la Sécurité sociale n'a pas à financer les dépassements d'honoraires exorbitants  (Adrien Quatennens députés de la France insoumise)

[28] L’exonération des cotisations sociales sur les heures supplémentaires a un coût annuel que nous estimons à 3 milliards d’euros.

Pour en savoir plus :

- Les ordonnances de 1967 du gouvernement De Gaulle contre la Sécurité Sociale

- Le « trou de la Sécu » est-il fictif ? Arguments de la CGT exemple année 2003

- Loi de financement de la sécurité sociale 2017 : Un déficit financier comblé partiellement par un déficit politique total !

- Evolution des cotisations et augmentation du déficit

- La hausse de la CSG de Macron, un piège dont tout le monde sort perdant à la fin… sauf les profits

- La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !

- Et si on annulait la totalité de la dette jugée “illégitime”

- La hausse de la CSG de Macron, un piège dont tout le monde sort perdant à la fin… sauf les profits

- Budget 2018 de la Sécu. Le gouvernement prépare sans le dire le cercueil de la Sécu

- Démantèlement de la cotisation sociale, hausse de la CSG : Macron applique le programme du MEDEF

- La CSG de Macron : enfumage et menaces sur l’assurance-chômage

- Sous la réforme des retraites : le démantèlement de la Sécurité sociale

- Le coût des arrêts maladie s'envole avec la retraite à 62 ans

- VIDÉO – CEUX QUI N’AIMENT PAS L’ÉTAT SONT CEUX QUI AFFAIBLISSENT LA SÉCURITÉ SOCIALE – Adrien Quatennens

- A quoi sert le plafond de la sécurité sociale ?

- Le trou de la Sécu et sa dette. A propos de deux «fake news»

- Sécurité sociale: de l’art de transformer des excédents en déficits

- Sécurité sociale Ces 14 milliards de fraude, annoncés par le RN... et qui n’ont jamais existé

- Comment l’exécutif a plombé les comptes de la Sécu et s’apprête à nous faire payer la facture

- Surprise : les cadeaux aux plus riches ont creusé le trou de la sécu ! 

- Budget de la Sécu : « Le gouvernement creuse lui-même le déficit des retraites »

- Sécurité sociale: un programme de placements de 40 milliards en 2019. (En août 2019 l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale a rendu public son programme de placements financiers confié à la Société Générale comme « Arranger » et à Citigroup Market Limited, Citigroup Global Market Europe AGJ, Bred, Bnp Paribas, Crédit Agricole Cib, Natixis et Société Générale comme « Dealers »).

- Le déficit de la Sécurité sociale, un mensonge d'Etat

- Jean-Luc Mélenchon : Retraite : cadeaux aux riches et déficit organisé

- Réforme des cotisations retraite des hauts cadres : 2,8 milliards en moins dans les caisses, les fonds de pension à l'affût

- J.L. Melenchon Dette de la Sécu : un trop beau prétexte pour Macron

- CGT : Dette de la Sécurité sociale : un épouvantail à mettre au rancart !

- Coronavirus

- Coronavirus: le déficit de la Sécu plonge à 41 milliards d'euros, «du jamais vu» selon Darmanin

- 41 milliards de déficit annoncé mais surtout une confirmation du rôle irremplaçable de la Sécurité sociale

- L'État veut taxer les mutuelles pour combler le trou de la Sécu

- La crise du Covid-19 a déjà coûté 10 milliards d’euros à la Sécurité sociale

 

Pour en savoir plus sur l'Assurance chômage :

- Unédic. Les évadés fiscaux font leur beurre sur l’argent des chômeurs

- Comment l’assurance chômage a été transformée en machine à cash pour les marchés financiers

- Le rapport du GACDAC (Groupe pour un audit citoyen de la dette de l’assurance chômage)

- Assurance-chômage, les discrètes manœuvres financières derrière la réforme

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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 09:22
Un front des municipalités contre la dette illégitime se constitue en Espagne

Des représentants de plus d’une cinquantaine de villes de toute l’Espagne se sont retrouvés à Oviedo ces 25 et 26 novembre, pour constituer un front des municipalités contre les dettes identifiées comme illégitimes et pour initier des audits des dettes des administrations publiques avec participation citoyenne.

 

Sources : Politis par Jérôme Duval

C’est dans l’impressionnant Palais des Congrès (Palacio de Congresos) [1] de l’architecte Calatrava – éléphant blanc mastodonte d’Oviedo et exemple emblématique du gaspillage d’argent public – que se sont réunis les participants de la première rencontre des municipalités contre la dette illégitime et l’austérité.

 

La réunion a officiellement donné le coup d’envoi au lancement du Réseau des municipalités contre la dette illégitime et les coupes budgétaires qui aura le « Manifeste d'Oviedo » comme texte de référence. Ce manifeste a connu un succès retentissant. En l’espace de quelques semaines, il a été signé par plus de 700 élus : maires, conseillers municipaux et députés de différents partis politiques de toutes les régions de l’État espagnol, îles Canaries et Baléares inclus. Soutenu également par des syndicats, europarlementaires et de nombreuses personnalités internationales parmi lesquelles Susan George ou Yanis Varoufakis, le Manifeste est activement appuyé par la Plateforme d'audit citoyen de la dette et d’autres mouvements sociaux tel Attac Espagne[2].

 

Les signataires du Manifeste d’Oviedo exigent, entre autres revendications, la restitution des intérêts abusifs déjà perçus par les banques, réclament le retrait de la reformulation de 2011 par le PSOE avec l’appui du PP de l’article 135 de la Constitution, et de la ’Loi Montoro’ sur l’administration locale. Ces deux textes de loi obligent à honorer le paiement de la dette en priorité avant toute autre dépense quelles que soient les nécessités sociales. Ainsi, en cas d’excédent budgétaire, une municipalité est sommée de dédier celui-ci au service de la dette, interdisant par exemple toute embauche de personnel. C’est dans ce contexte que la ville de Madrid, qui n’emprunte plus et paye ses échéances en temps voulu, s’affronte au gouvernement central en augmentant de 53 % le budget social en 2 ans.

 

Le 24 novembre, veille de la rencontre, Éric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque[3], a tenu une conférence interactive avec le public à l’université d’économie où il a retracé l’histoire des répudiations de dette des États-Unis à la Grèce en passant par Cuba, la Russie, le Mexique, l’Argentine ou l’Équateur. Le lendemain, 25 novembre, Yago Álvarez, auteur du livre « déchiffre ta dette » Descifra tu deuda a animé un atelier pour donner des pistes d’actions susceptibles d’intéresser les conseillers municipaux qui veulent se lancer dans la bataille contre la dette illégitime. Enfin, dans la soirée, a été projeté le film documentaire Debtocracy réalisé par des journalistes grecs Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi sous les conseils scientifiques de Leonidas Vatikiotis. Ce film, bouclé en un temps record, a connu un vif succès en Grèce où près de 500 000 personnes l’ont visionné une semaine après sa sortie sur Internet, et plus d’un million et demi quelques semaines plus tard.

 

Différents ateliers animés par la Plateforme d’audit citoyen de la dette (PACD) ont rythmé toute la journée du samedi pour définir les idées partagées et en dégager des pistes d’actions communes qui puissent tracer une feuille de route vers la promotion d’audits citoyens et la reconnaissance de l’illégitimité de la dette. À l’issue des travaux, et suivant un calendrier bien établi, une planification d’actions et de mobilisations s’est mise progressivement en place et différents groupes de travail ont été établis.

 

Lors d’une conférence tenue dans la soirée, Ana Taboada, l’adjointe au Maire de la Mairie d’Oviedo, a déclaré être « fière de voir Oviedo au centre d’un débat essentiel qui affecte l’ensemble de la population ». « Aujourd’hui nous sommes 50 municipalités, mais demain nous serons beaucoup plus, parce que de cette rencontre naît un front des municipalités qui sera capable de faire face aux politiques d’austérité et à la Loi Montoro », a t-elle poursuivi tandis que le conseiller municipal d’économie de la Mairie de Madrid, Carlos Sanchez Mato, affirmait que « le gouvernement de Ahora Madrid démontrait sa capacité à gouverner au service de la population en augmentant de 53% les dépenses sociales en deux ans ». Éric Toussaint a rappelé l’indispensable nécessité de la mobilisation sociale pour inciter les municipalités dites « du changement » à affronter les créanciers pour enfin réellement œuvrer en faveur des populations.

 

D’ores et déjà, la seconde rencontre « Municipalisme, auto-gouvernement et contre-pouvoir » prévue du 20 au 22 janvier 2017 à Pampelune (Iruña en Basque, Pamplona en castillan), capitale de Navarre, abordera le thème de l’audit et sera l’occasion d’encourager l’initiative de ce front contre la dette illégitime. Initiative qui sera aussi présentée au Parlement européen au mois de mars pour œuvrer à l’adoption des politiques spécifiques visant à résoudre la situation économique des municipalités étranglées par un endettement insoutenable et les coupes sauvages dans les budgets sociaux. La prochaine rencontre du Réseau devrait avoir lieu à Cadix au mois de mai prochain, deuxième anniversaire des dernières élections municipales, et déjà deux autres villes, Saragosse et Rivas, se proposent pour accueillir les futures rencontres à venir. « La coordination des municipalités, groupes politiques et mouvements sociaux en réseau est indispensable pour affronter l’oppression insoutenable de la dette illégitime qui asphyxie nos municipalités. C’est un espace nécessaire pour promouvoir les audits citoyens, outils au service de la population pour exiger la transparence, rendre visible et trouver des solutions collectives à l’endettement illégitime », nous rappelle Iolanda Fresnillo, membre de la Plateforme d’audit citoyen de la dette.

 

La route est désormais tracée et semée de multiples propositions concrètes pour avancer vers une souveraineté populaire. L’engouement des représentants présents à cette première rencontre pour s’investir dans ce projet et l’enrichir de leur participation active est tout à fait encourageant.

 

Notes

[1] Celui-ci a été inauguré en mai 2011 au moment de l’insurrection sociale 15M.

[2] Voir les signataires du Manifeste.

[3] Lire le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque et l’Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international. Lire aussi le compte-rendu de la dernière réunion qui s’est tenue à Athènes les 5, 6 et 7 novembre dernier.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : La dette.... la dette ?

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30 septembre 2016 5 30 /09 /septembre /2016 08:29
La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !

Sources : Eric Durand | modifié le 08/10/2020

- Des titres provocateurs et des chiffres manipulés pour faire peur !

Les gouvernements se succèdent, la méthode reste la même.

Pour imposer des politiques de rigueur ou d'austérité, justifier la remise en cause des conquis sociaux, la casse des services publics, il faut marteler à coup d'éditoriaux, d'émissions, éminents "spécialistes" (tous issus des mêmes cercles patronaux et de la finance) à l'appui, que les français vivent au dessus de leur moyen..... et pour ça, tout est bon !

La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !
La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !
La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !
La dette agitée pour que le peuple ait peur : STOP à l'enfumage !

- A présent, voyons ce qu’il en est de la dette française elle-même en 2014

Assez de baratin avec les « générations futures » endettées par nos mauvaises habitudes, nos fonctionnaires trop nombreux, nos exigences exorbitantes, nos services publics dispendieux....

En deux mots, pour les défenseurs du système et autres experts, on vivrait (enfin le peuple... pas eux !) au dessus de nos moyens !

 

  • On nous dit : « l’endettement public atteint 1 985 milliards d’euros sur un PIB de 1 950 milliards d’euros, soit 98 % du PIB » ;
  • Absurde. Le PIB, c’est le PIB d’une année. La dette, ça court sur plusieurs années ;
  • L’honnêteté pour évaluer sérieusement la situation voudrait qu’on rapporte la dette à ce qu’il faudrait payer si on devait la rembourser en fin de course.
  • La durée moyenne d’un emprunt d’Etat est selon l'Agence France Trésor de 7 ans et 124 jours : il faut donc comparer le niveau d’endettement au PIB de la France pendant 7 ans, soit près de 15 000 milliards d’euros ;
  • Donc : 1 985 milliards d’euros de dette publique totale divisé par 2672 jours (7 ans et 124 jours) : cela fait 271,15 milliards d’euros par an !
  • Et une dette de 1 985 milliards d’euros sur 7 ans ou de 217,15 milliards par an, ça fait seulement 13,9 % du PIB de la France sur 7 ans..... ou.... 13,9 % du Pib annuel !
  • moins que l'endettement de nombre de ménages qui parfois dépasse 30% des revenus !

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On est loin des 98% agités sans cesse pour affoler le monde !

- Car il est stupide de rapporter toute la dette à la valeur d’une seule année de production. Pourquoi le fait-on ?

- C’est d’autant plus absurde que le remboursement de la dette n’est pas exigible dans ce délai !

- Il donc est absurde de comparer un stock pluriannuel à un flux annuel. C’est pourtant ce qui se fait à longueur de catéchismes médiatiques.

- Si votre banque vous demandait de rembourser tout d'un coup votre dette immobilière, vous auriez certainement un problème ?

 

 

- Vous n'avez pas tout compris ? Prenons l'exemple d'un citoyen lambda !

Cette personne (cas réel) achète une voiture en n'ayant pas d'autres emprunts en cours (toyota yaris hybride 4 portes) :

  • prix de la voiture neuve : 19 900 €
  • revenus annuels de cette personne (son PIB) : 26 400 €
  • Le taux d'endettement pour cette voiture rapporté à 1 an de revenu est de 19 900 € / 26 400 € = 75,37 %..... et là on à peur.... on n’achète pas la voiture !
  • Or le remboursement est effectué sur 36 mois
  • Le taux d'endettement réel pour cette voiture par rapport aux revenus est de : [revenus totaux sur 36 mois (26 400 €/12x36) = 79 200 €] / (19 900 € prix de la voiture) = 25,12 % et là on n'a plus peur.... on achète la voiture !

 

- Une autre comparaison indispensable est de rapporter la dette aux avoirs du pays (Patrimoine économique national[1]) !

Combien le pays possède-t-il en 2014 ? C’est important pour savoir s’il a « les reins » solide face à la somme qu’il emprunte.

 

Le patrimoine économique national est composé :

  • du patrimoine non financier dont :

- le capital naturel, valeur du stock des ressources renouvelables et non-renouvelables (terres agricoles, forêts, minéraux, gisements de gaz et de pétrole, ...) ;

-  les actifs produits : machines, équipements, structures, terrains urbains ;

- les ressources humaines ou la "valeur économique des individus".

  • du patrimoine financier net (solde des créances et dettes de l’ensemble des agents résidents vis-à-vis de l’étranger).

 

🔴 Montant du Patrimoine économique national en 2014 : 13 064 milliards d’euros fin 2014[2]

... a rapporter au montant de la dette 2014 : 1985 milliards d'€ ([1985/13 064]*100)...

 

➡️ ➡️ Au total, la dette ne représente donc que 15,19% des avoirs de notre pays.

➡️ Pas de quoi engager une campagne de culpabilisation du peuple !

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26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 08:46
La Grèce n'a reçu réellement que 5 % de l'aide versée depuis 2010. (Crédits : Reuters)

La Grèce n'a reçu réellement que 5 % de l'aide versée depuis 2010. (Crédits : Reuters)

Non, la Grèce n'a pas reçu l'aide à la Grèce...

 

Le quotidien allemand Handelsblatt publie une étude montrant que 95 % de l'aide à la Grèce sont allés à ses créanciers. Un fait connu dont il faut à présent tirer les conséquences ...

 

Sources : LATRIBUNE par Romaric Godin

Le Handelsblatt est le journal de référence du milieu des affaires outre-Rhin. A ce titre, et comme l'essentiel de la presse conservatrice allemande, il a régulièrement eu la dent dure contre la Grèce, accusée de refuser les « réformes nécessaires » et de réclamer sans cesse de nouveaux fonds à l'honnête et travailleur contribuable allemand. Mais en une, ce mercredi 4 mai, le journal a affiché une « exclusivité ». Une étude inédite nous dit-on de l'ESMT, une école de gestion de Berlin, qui parvient à cette conclusion : 95 % de la supposée « aide » à la Grèce est retournée aux banques et aux créanciers du pays méditerranéen.

 

 

- Pas nouveau

Le « budget grec » qui a été accusé de ruiner tous les Européens n'en a récupéré que 5 %. On connaît le prix de ces 5 %... Une réduction d'un quart du PIB, une administration réduite d'un tiers, un Etat encore plus défaillant qu'auparavant et aucune perspective de reprise véritable. Cette « exclusivité » du Handelsblatt n'en est évidemment pas une. Ces chiffres étaient connus et avaient été publiés dès décembre 2014 par l'excellent site grec Macropilis, qui en avait donné le détail. L'argument avait été avancé régulièrement par les responsables du premier gouvernement Tsipras durant les négociations avec les créanciers au premier semestre 2015 : il justifiait une remise à plat totale de la politique européenne en Grèce. Mais, alors, on riait de ces chiffres avancés par le « gouvernement d'extrême-gauche » grec qui n'avait d'autre ambition, disait-on, que de ruiner le contribuable européen pour continuer les habituelles turpitudes helléniques...

 

 

- Retournement des « experts »

Étrangement, voici donc que, un an après, les arguments alors inaudibles des autorités grecques deviennent « respectables ». Certes, la Handelsblatt a besoin pour s'en convaincre d'une étude allemande, ce qui prouve une nouvelle fois l'autarcie intellectuelle du monde économique outre-Rhin, mais voilà que, ces derniers jours, on entend de plus en plus des appels à la restructuration de la dette grecque. Rappelons que voici un an, on faisait des divisions simplistes de l'engagement de la France vis-à-vis de la Grèce par le nombre de Français pour annoncer le « chèque » qu'il nous faudrait rédiger en cas de défaut hellénique... Autre temps, autre mœurs. Mais ce contraste prouve une nouvelle fois que l'acharnement médiatique et l'asphyxie des créanciers qui ont visé l'an dernier le gouvernement Tsipras I n'était rien d'autre que politique. Il fallait faire taire une force politique qui mettait à jour l'ineptie de la politique européenne envers la Grèce. Ce fut fait le 13 juillet 2015. Dès lors, les « experts » peuvent changer de camp comme à leur habitude et la « raison » devient la folie d'antan...

 

 

- Tirer les conséquences

Mais il ne faut pas se contenter du chiffre mis en avant par le Handelsblatt. Il faut en comprendre les conséquences. Ce chiffre signifie que les prêts accordés à la Grèce en 2010 ne visaient qu'à sauver les banques françaises et allemandes. Le coût de cette aide bancaire cachée à été transmise aux contribuables européens et au peuple grec. Ce fait n'est pas un jugement du ciel ou un coup du sort, c'est le fruit d'un choix politique. Voici un an, on a appris que le FMI avait travaillé sur un défaut grec en 2010. Ce défaut n'aurait pas évité l'austérité en Grèce, mais il aurait évité la construction d'un schéma de Ponzi immense qui a fait plonger le pays dans un cercle diabolique. Le responsable du FMI d'alors, Dominique Strauss-Kahn aurait alors refusé d'évoquer ce plan, devant l'ampleur du coût pour les banques. Le choix politique fait alors consistait à donner du temps aux banques et à reporter à plus tard le coût pour les contribuables européens. Le tout avec l'aide de la BCE qui, par le programme SMP de 2010 et 2011 a racheté à bon prix cette date grecque aux banques... Les seuls qui ont payé, ce sont les Grecs. Et là encore, il s'est agi d'un choix politique.

 

 

- Le mythe du Grec responsable

Dès lors, pour dissimuler l'absurdité du système mis en place, les dirigeants européens ont trouvé la parade : ce schéma de Ponzi qui ajoutait de la dette pour rembourser la dette était viable si les Grecs « faisaient des réformes ». Un mythe s'est alors construit : l'échec du système était dû à la mauvaise volonté grecque. En réalité, il était fondé sur l'absurdité d'un système qui faisait porter tout le poids du sauvetage des banques européennes aux Grecs eux-mêmes en leur fixant des objectifs absurdes, comme ce fameux excédent primaire de 3 % du PIB auquel est encore attaché l'Eurogroupe. Les dirigeants européens ont donc pu transmettre aux Grecs la responsabilité de leur crime. La victime est devenue coupable.

 

 

 

- Pourquoi il fallait faire taire Alexis Tsipras

Après l'arrivée d'Alexis Tsipras au pouvoir en janvier 2015, cette logique s'est déchaînée. On a refusé de discuter du fond pour réclamer des garanties toujours plus lourdes aux Grecs pour les obliger à devoir choisir entre le maintien dans la zone euro ou une nouvelle cure d'austérité. On en est toujours à ce point et l'on demande maintenant aux Grecs des « réformes automatiques » pour s'assurer des respects des engagements. On comprend pourquoi il fallait faire taire alors le gouvernement grec en le cachant derrière des monceaux de calomnies et de délits d'intention. Si l'on reconnaissait la justesse du vote du peuple grec et des arguments de Syriza, on reconnaissait l'erreur originelle des Européens et principalement d'Angela Merkel, Wolfgang Schäuble et Jean-Claude Trichet, les principaux architectes du « plan d'aide. »

 

 

- Assumer ses responsabilités

Or, cette responsabilité n'est pas que morale. La stratégie de sauvetage des banques au détriment des Grecs a des conséquences bien concrètes. Elle met les pays européens qui ont fait ce choix, autrement dit, tous ceux de la zone euro, face à la nécessité d'assumer leurs erreurs et donc de faire participer leurs contribuables à ce schéma de Ponzi créé pour sauver leurs banques. Assumer sa responsabilité, c'est logiquement accepter une réduction du stock de dette envers la Grèce. C'est le prix des erreurs des dirigeants élus par les peuples de la zone euro. C'est aussi, enfin, chercher à mettre en place une politique de reconstruction réelle de l'économie grecque, en collaboration et non en conflit, avec les autorités grecques. On est loin de tout cela.

 

 

- Populisme ?

Le réveil du Handelsblatt est bienvenu. Mais la réalité reste sombre : l'Eurogroupe tente encore de mettre à genoux l'économie grecque. L'Allemagne et la France refusent d'assumer leurs responsabilités et de réduire la dette grecque. Les dirigeants de ces pays qui, longtemps, ont accusé les Grecs de populisme et de manque de sérieux révèlent alors leurs vrais visages : celui du refus d'accepter leurs fautes devant leurs peuples. C'est sans doute cela le populisme le plus préoccupant, celui qui consiste à faire croire que les trois plans de sauvetage seront soutenables et indolores pour les populations, celui de faire d'un peuple européen un bouc émissaire, celui enfin de jouer l'avenir de l'Europe pour leur propre popularité. La direction de la zone euro sur ce dossier grec demeure la plus absurde. Et les chiffres du Handelsblatt risquent de n'y rien changer lorsque l'on songe que, l'an dernier, la presse allemande conservatrice s'est complu dans les clichés les plus désolants sur les Grecs. Décidément, la question grecque est loin d'être résolue.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- La dette grecque, une tragédie européenne

- Grèce : la responsabilité du FMI mise au jour, mais tout continue comme avant

- La Grèce endettée au profit des industries militaires étrangères ?

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5 août 2016 5 05 /08 /août /2016 08:31
La tourmente grecque : « Chronique d’un coup d’Etat »

Un gros plan à la fois humain et financier sur les causes et les conséquences de la crise grecque. Une enquête précise et claire sur les mécanismes de l’austérité et de la dette publique, sur la capitulation du gouvernement Syriza vis à vis des institutions européennes. La Grèce est un laboratoire en Europe. Un film pour débattre sur les perspectives politiques et les alternatives démocratiques en France et en Europe. Un documentaire lanceur d’alerte.

 

Sources : CADTM (Comité pour l'Abollition des DetTes illègitiMes)  par Philippe Menut[1]

Après  six mois de négociations, malgré le « non » massif des Grecs au référendum, le gouvernement Syriza a cédé aux injonctions des « institutions » de la zone euro, tout en renonçant à toute annulation ou allègement de sa dette. Comment l’expliquer ? En quoi une alternative était-elle possible ?

 

Par une enquête précise et claire, le documentaire ouvre le débat sur les perspectives politiques et sur les alternatives démocratiques en Grèce et en Europe.

 

« Je n’ai pas fait un film pour dire ce que je savais ; ce que j’explique, je l’ai compris en tournant le documentaire » (Philippe Menut).

 

La première version du film, actualisé à deux occasions, avait été projetée et débattue plus de 120 fois en France.


Les programmations ont été soutenues notamment par Attac, le CADTM, Les Amis du Monde diplomatique, le CAC (collectif pour un audit citoyen de la dette publique), Assemblées citoyennes, Solidarité France Grèce pour la santé, La Ligue des Droits de l’Homme, ACRIMED, Osez Le Féminisme, la CGT, SUD-Solidaires, Parti de Gauche, Ensemble-FdG, PCF,  NPA, EE-les Verts, Nouvelle Donne (liste ouverte).


Le film a également été programmé à Athènes, Madrid, Liège, Namur, Montréal et Berlin.

 

  • Programmation : rendez-vous dans onglet « contacts » pour organiser une projection-débat dans votre ville, avec votre salle de cinéma, votre association, votre syndicat, votre organisation politique ou autre.
  • Distributeur : « Les films du mouvement ». Le film est proposé sur supports DCP, Blu-ray ou DVD.
  • Si vous êtes programmateur-trice et que vous souhaitez recevoir un lien privé de visionnage du film, demandez-le à lesfilmsdumouvement@gmail.com .

Note :

[1] Philippe Menut : Après 30 ans de carrière en tant que journaliste grand reporter à France 2 Paris et France 3 Montpellier, Philippe Menut se lance en toute liberté et indépendance dans le tournage du film La tourmente grecque avec l’appui de nombreux amis grecs.

 

Pour en savoir plus :

- La dette grecque, une tragédie européenne

- Grèce : la responsabilité du FMI mise au jour, mais tout continue comme avant

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12 novembre 2015 4 12 /11 /novembre /2015 09:26
Sommet pour un Plan B en Europe les 14 et 15 novembre à Paris

Sources : le Parti de Gauche

- Le plan B est un sommet internationaliste dont la première session se tiendra le 14-15 novembre à Paris.

Sabine Lösing (Die Linke, Allemagne) « il s’agit d’installer un processus permanent autour de discussions sur l’euro et l’UE qui existent déjà en Europe. Depuis trop longtemps, les gauches européennes ont sacralisé l’euro, inhibant tout débat et reléguant toute critique à du nationalisme, un argument inique. Une monnaie ne doit pas rester aux mains des puissants. Une monnaie est un contrat social et le fruit d’un équilibre des forces. Elle porte donc nécessairement aux contradictions. Ce sommet est l’occasion d’avoir ce débat contradictoire pour trouver de nouvelles voies en Europe ».

 

 

- Le plan B « n’est pas une vision isolée dans des frontières nationales.

C’est un projet fondamentalement internationaliste pour les peuples européens » a indiqué Marina Albiol, chef de la délégation Izquierda Unida au Parlement européen.

 

 

- Le sommet de novembre réunira politiques, économistes, intellectuels et ONG en faveur d’un plan B.

A l’image du Forum de Sao Paulo qui a porté 11 forces progressistes au pouvoir en Amérique latine, le plan B doit poser sur table toutes les propositions nécessaires pour une nouvelle voie pour les peuples européens, a indiqué Jean-Luc Mélenchon à la conférence de presse. « La variété de nos propositions est une force pour répandre dans tous les pays l’idée d’un Plan B. La sortie de l’euro n’est qu’un des plans sur la table. Il n’y a pas un plan mais des plans B ».

 

 

- Un réseau d’élus européens en cours de construction

Les députés européens signataires de la tribune entendent lancer un réseau parlementaires. Il se compose pour le moment de : Marina Albiol et Javier Couso (Izquierda Unida, Espagne), Nikolaos Chountis (Unité Populaire, Grèce), Rina Ronja Kari (Mouvement populaire contre l’UE, Danemark), Sabine Lösing (Die Linke, Allemagne), Fabio de Masi (Die Linke, Allemagne), Miloslav Ransdorf (KSCM, République Tchèque)

 

 

- - Retrouvez le programme complet du Sommet pour un plan B des 14 et 15 novembre ICI

 

 

Pour en savoir plus sur l’actualité du sommet :

- le site web : https://www.euro-planb.eu
- le compte twitter https://twitter.com/Euro_PlanB
- la page Facebook https://www.facebook.com/EuroPlanB/

 

Pour en savoir plus :

- Rompre : Eric Coquerel Co-coordinateur politique du Parti de Gauche

- Contribution de la Commission Economie du Parti de Gauche pour le sommet du Plan B en Europe des 14 et 15 novembre 2015 à Paris.

- Le Plan B contre l'UE: refonder l'Europe avant la ruine

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Sommet pour un Plan B en Europe les 14 et 15 novembre à Paris
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15 septembre 2015 2 15 /09 /septembre /2015 08:15
On en parlait déjà de "la dette" : Révolution française et dette publique

La dette de l’Etat constitue la raison première de la crise de l’Ancien régime, la raison première de la convocation des Etats Généraux.

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys

- A) Les finances de l’Etat, point faible de la monarchie française au XVIIIème siècle

Louis XVI - France.jpg Dès le règne de Louis XIV, l’Etat est endetté jusqu’au cou. Les guerres presque continuelles de 1688 à 1714 ont coûté tellement cher que la dette atteint la valeur de l’ensemble des revenus du royaume sur une année. Les dépenses somptuaires de la Cour ont complété le désastre. Toute recette est hypothéquée sur les trois à quatre ans à venir.

 

Ceci dit, la principale cause de ces difficultés financières, c’est l’héritage féodal de l’Etat royal :

  • exemption de tout impôt pour les ordres privilégiés, clergé et noblesse ;
  • indépendance des ministères de la guerre et de la marine vis à vis des gestionnaires du Trésor ;
  • autonomie des financiers provinciaux dans leur gestion des recettes qui les valorisent souvent à leur profit avant de prêter l’argent gagné à l’Etat à taux usurier ;
  • administration reposant sur des "offices" achetés en surnombre...

 

Durant tout le siècle, les rois et leurs ministres s’échinent à trouver des solutions mais l’égoïsme des privilégiés les rend impossibles.

 

Ainsi, en 1786, le contrôleur général des finances Charles Alexandre de Calonne propose un impôt foncier touchant tous les propriétaires. L’opposition frontale de ceux-ci (particulier des Parlements) oblige le roi à convoquer les Etats Généraux « Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons, relativement à l’état de nos finances... »

 

 

- B) 1789 Comment éponger la dette publique contractée par la royauté

L’Assemblée nationale est prise en 1789 dans des contradictions fort difficiles à résoudre :

  • les prêteurs attendent d’elle qu’elle garantisse la valeur de l’argent placé. Qui sont-ils ? d’une part de petits rentiers, particulièrement parisiens qui ont participé nombreux au mouvement social car le train de dépenses de la royauté peut rendre l’Etat insolvable ; d’autre part de moyens et gros capitalistes qui ont surtout leur intérêt financier pour objectif et dont l’attitude politique en 1789 paraît complexe (en tout cas, ils préfèrent souvent la stabilité de l’exécutif à une révolution politique et sociale).
  • le peuple en révolution attend d’elle qu’elle déclare tous les anciens impôts illégaux, ce qui impliquerait une rentrée financière quasi nulle pour l’année en cours 1789, aggravant d’autant la dette publique

 

Les députés choisissent de répondre favorablement au mouvement social, annulant tous les impôts d’Ancien régime. Pour comprendre cette attitude, il faut savoir qu’une majorité de députés pensent que la seule solution pour supprimer la dette de l’Etat sera une banqueroute permettant un non remboursement des emprunts. Quiconque analyse seulement la révolution de 1789 comme une révolution bourgeoise particulièrement portée par les secteurs capitalistes avancés ne peut comprendre cela.

 

La dette augmentant sans cesse, le ministère se voit obligé d’obtenir des facilités auprès de la Caisse d’Escompte ( ancêtre de la Banque de France, de la direction du Trésor et de la Caisse des dépôts et consignations), expédient qui ne peut plaire aux créanciers, de plus de nature à faire baisser les taux d’intérêt.

 

  • Le 7 août 1789, Necker (contrôleur général des finances de l’Etat royal) vient devant l’Assemblée Neckerdresser un état catastrophique des ressources budgétaires de l’Etat. Il demande l’accord pour un emprunt immédiat et indispensable de 30 millions. A nouveau, l’Assemblée fait preuve de son souci de l’intérêt général et de son autonomie vis à vis de la grande bourgeoisie : elle accepte l’emprunt mais en baisse nettement le taux d’intérêt malgré l’opposition de Mirabeau lié à de gros capitalistes qui veut maintenir un taux d’intérêt élevé pour rassurer les rentiers.

 

  • Le 27 août, lendemain du vote de Déclaration des drits de l'homme et du Citoyen, Necker revient à la charge car l’état des finances s’est encore dégradé en quelques semaines. Après avoir approché plusieurs députés influents pour ne pas rater son intervention à l’Assemblée, il demande un nouvel emprunt de 80 millions et surtout fait une proposition révolutionnaire : transformer la Caisse d’escompte en Caisse nationale en lui donnant le droit d’émettre des bons du Trésor. Les capitalistes fulminent ; Etienne Clavière, grand banquier genevois, grand spéculateur sur le dos de l’Etat et futur girondin, rédige et publie un texte avec Mirabeau Motion de Monsieur le Comte de Mirabeau concernant la Caisse d’escompte. La proposition de Caisse nationale est ajournée.

 

Louis XVI accepte qu’une partie significative de sa vaisselle d’agent soit fondue pour aider le budget. Un proposition est avancée à l’Assemblée d’une imposition spécifique du capital mais l’idée est évacuée en raison de la difficulté de la prélever.

 

Le 24 septembre, Necker, aux abois, propose la dernière solution possible : une "contribution patriotique" d’un quart des revenus au dessus de 400 livres (en numéraire ou en orfèvrerie), remboursable dès que possible.

 

L’attitude l’Assemblée fait à présent peur à la grande bourgeoisie qui craint une banqueroute totale qui les ruineraient. Aussi, Clavière, par exemple, soutient cette proposition Necker. Mirabeau intervient à l’Assemblée le 26 septembre, sur un ton assez démagogique pour appeler à une décision courageuse éloignant le spectre de la banqueroute.

 

 

- C) 26 septembre 1789 Pour sortir de la crise, Mirabeau exhorte l’Assemblée Constituante à décider la confiscation du quart des plus grandes fortunes

Le comte de Mirabeau, pa François Lonsing (musée des Beaux-Arts, Bordeaux)D’un point de vue oratoire, ce discours du député d’Aix est admirable.

 

D’un point de vue politique, il montre la puissance d’une révolution populaire amenant les milieux capitalistes à préférer perdre un quart de leur fortune plutôt que subir la banqueroute. En effet, comme nous l’avons signalé plus haut, une majorité de députés de l’Assemblée ne voit que la banqueroute comme solution (l’Etat décrète son incapacité à rembourser quoi que ce soit à ses créanciers qui, ainsi perdent tout alors que le pouvoir public efface sa dette).

 

Mirabeau commence par attaquer ceux qui penchent vers l’idée d’une banqueroute comme moyen de sauver financièrement l’Etat.

« … Voici l’infâme mot de banqueroute... Je dirais à ceux qui se familiarisent avec l’idée de manquer aux engagements publics, par crainte d el’excès de sacrifices, par terreur de l’impôt... Qu’est-ce donc que la banqueroute si ce n’est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts ?

 

Mes amis, écoutez un mot, un seul mot.

Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s’engloutir. Il faut le combler, ce gouffre effroyable.

 

Eh bien ! voici la liste des propriétaires français.

 

Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens. Mais choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ?

 

Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit.

 

Ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume.

 

Frappez, immolez sans pitié ces tristes victimes, précipitez-les dans l’abîme ; il va se refermer.... »

 

Les députés, souvent d’origine noble ou bourgeoise, sont alors touchés par cet appel démagogique présenté comme une expropriation nécessaire.

« Vous reculez d’horreur....

Hommes inconséquents ! hommes pusillanimes !

Eh ! ne voyez-vous donc pas qu’en décrétant la banqueroute , ou, ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d’un acte mille fois plus criminel, et, chose inconcevable ! gratuitement criminel ; car enfin, cet horrible sacrifice ferait du moins disparaître le déficit.

 

Mais croyez-vous, parce que vous n’aurez pas payé, que vous ne devrez plus rien ?

 

Croyez-vous que les milliers, les millions d’hommes qui perdront en un instant, par l’explosion terrible ou par ses contre-coups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ?

 

Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France ; impassibles égoïstes, qui pensez que ces convulsions du désespoir et de la misère passeront comme tant d’autres, et d’autant plus rapidement qu’elles seront plus violentes, êtes-vous bien sûrs que tant d’hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les mets dont vous n’aurez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse ?....

 

Non, vous périrez ; et dans la conflagration universelle que vous ne frémissez pas d’allumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vos détestables jouissances... »

 

Le marquis de Ferrières décrit la scène : « Le silence du recueillement semblait lier toutes les pensées à des vérités grandes et terribles, comme si chaque député se fût empressé de rejeter de sur sa tête cette responsabilité redoutable dont le menaçait Mirabeau et qu’il eût vu tout à coup devant lui l’abîme du déficit appelant ses victimes ; l’Assemblée se livra tout entière, demanda d’aller aux voix et rendit à l’unanimité le décret. »

 

Sur la lancée de ce vote, l’Assemblée débat les 6 et 7 octobre d’un impôt prélevé sur tous les citoyens "proportionné à raison de leurs facultés contributives."

 

 

- D) 10 octobre 1789 L’Assemblée discute de la nationalisation des biens du clergé pour rembourser la dette publique

Vers la nationalisation des biens du clergé ?

L’idée de nationaliser les biens du clergé émane des clubs révolutionnaires déjà très actifs. Tout le courant patriote y est favorable.

 

Plusieurs députés ont repris l’idée d’une nationalisation pour sortir l’Etat de la crise financière. Ces biens, constitués surtout de propriétés agricoles et d’immeubles, représentent une valeur financière considérable. Ils sont évalués à 3 milliards de livres (environ dix fois le montant du budget annuel du royaume).

 

Quelle raison donner pour une telle opération contradictoire avec le principe de propriété ? Ces biens proviennent de dons pour permettre au clergé d’assurer des tâches sociales et éducatives. Si l’Etat prend à présent ces responsabilités en charge, il est normal qu’il récupère les fonds prévus pour cela.

 

Dans le même temps, l’Etat prendrait à son compte le paiement des prêtres pour un montant de 1200 livres par mois, soit le double du revenu moyen précédent.

 

 

- E) La proposition Talleyrand (député du clergé) devant l’Assemblée constituante le 10 octobre 1789
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, par Pierre-Paul Prud'hon, 1809 (Château de Valençay)[1].C’est Talleyrand, évêque d’Autun qui, le premier, avance une proposition de loi devant l’Assemblée.

 

Dans son esprit, elle va de pair avec des contreparties comme dans le débat sur les privilèges seigneuriaux (après la nuit du 4 août).

« Messieurs, l’État depuis longtemps est aux prises avec les plus grands besoins, nul d’entre vous ne l’ignore ; il faut donc de grands moyens pour y subvenir.

 

« Les moyens ordinaires sont épuisés : le peuple est pressuré ; de toute part, la plus légère charge lui serait, à juste titre, insupportable , il ne faut pas même y songer.

 

« Des ressources extraordinaires viennent d’être tentées (l’impôt du quart du revenu) ; mais elles sont principalement destinées aux besoins extraordinaires de cette année, et il en faut pour l’avenir, et il en faut pour l’entier rétablissement de l’ordre.

 

« Il en est une immense et décisive, et qui, dans mon opinion (car autrement je la repousserais), peut s’allier avec un respect sévère pour les propriétés : cette ressource me paraît être toute entière dans les biens ecclésiastiques.

 

« Il ne s’agit pas ici d’une contribution aux charges de l’État, proportionnelle à celle des autres biens : cela n’a jamais pu paraître un sacrifice. Il est question d’une opération d’une toute autre importance pour la Nation ...

 

« Ce qui me paraît sûr, c’est que le clergé n’est pas propriétaire à l’instar des autres propriétaires, puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés, non pour l’intérêt des personnes mais pour le service des fonctions.

 

« Ce qu’il y a de sûr, c’est que la Nation jouissant d’un empire très étendu sur tous les corps qui existent dans son sein, si elle n’est point en droit de détruire le corps entier du clergé, parce que ce corps est essentiellement nécessaire au culte de la religion, elle peut certainement détruire des agrégations particulières de ce corps, si elle les juge nuisibles ou seulement inutiles ; et que ce droit sur leur existence entraîne nécessairement un droit très étendu sur la disposition de leurs biens.

 

« Ce qui est non moins sûr, c’est que la Nation, par cela même qu’elle est protectrice des volontés des fondateurs, peut et doit même supprimer les bénéfices qui sont devenus sans fonctions ; que, par une suite de ce principe, elle est en droit de rendre aux ministres utiles et de faire tourner au profit de l’intérêt public le produit des biens de cette nature actuellement vacants, et destiner au même usage tous ceux qui vaqueront dans la suite.

 

« Jusque là point de difficulté, et rien même qui ait droit de paraître trop extraordinaire, car on a vu dans tous les temps des communautés religieuses éteintes, des titres de bénéfices supprimés, des biens ecclésiastiques rendus à leur véritable destination et appliqués à des établissements publics ; et sans doute l’Assemblée nationale réunit l’autorité nécessaire pour décréter de semblables opérations si le bien de l’État le demande.

 

« Mais peut-elle aussi réduire le revenu des titulaires vivants et disposer d’une partie de ce revenu ? ...

 

« Mais d’abord il faut, en ce moment, partir d’un point de fait : c’est que cette question se trouve décidée par le décret sur les dîmes.

 

« Quelque inviolable que doive être la possession d’un bien qui vous est garanti par la loi, il est clair que cette loi ne peut changer la nature du bien en le garantissant ; que, lorsqu’il est question de biens ecclésiastiques, elle ne peut assurer, à chaque titulaire actuel que la jouissance de ce qui lui a été véritablement accordé par l’acte de sa fondation.

 

« Or, personne ne l’ignore, tous les titres de fondations de biens ecclésiastiques, ainsi que les diverses lois de l’Église qui ont expliqué le sens et l’esprit de ces titres, nous apprennent que la partie seule de ces biens, qui est nécessaire à l’honnête subsistance du bénéficiaire, lui appartient ; qu’il n’est que l’administrateur du reste, et que ce reste est réellement accordé aux malheureux et à l’entretien des temples. Si donc la Nation assure soigneusement à chaque titulaire, de quelque nature que soit son bénéfice, cette subsistance honnête, elle ne touchera point à sa propriété individuelle, et si, en même temps, elle se charge, comme elle en à sans doute le droit, de l’administration du reste, si elle prend sur son compte les autres obligations attachées à ces biens, telles que l’entretien des hôpitaux, des ateliers de charité, des réparations de l’Église, des frais de l’éducation publique, etc. ; si, surtout, elle ne puise dans ces biens qu’au moment d’une calamité générale, il me semble que toutes les intentions des fondateurs sont remplies et une toute justice se trouvera avoir été sévèrement accomplie. »

 

Les grandes personnalités de la droite (Maury, Cazalès...) réagissent violemment contre cette nationalisation au nom de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’ils ont pourtant combattue. Cependant, cette référence pêche par le complément limitatif qu’elle apporte au droit de propriété "lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige et sous condition d’une juste et préalable indemnité".

 

 

- F) Jean Jaurès analyse la "motion Talleyrand"

Quand Jaurès parlait des "fanatiques de l'Islam"Déjà, la Constituante, en abolissant les dîmes sans indemnité, avait frappé la propriété de l’Église. Mais il était bien plus hardi de toucher à son domaine foncier ; et tandis que l’Église ne résista que mollement à l’abolition des dîmes, elle va résister avec un vigueur forcenée à la nationalisation de sa propriété immobilière.

 

- Comment la Constituante justifia-t-elle cette main-mise sur les biens du Clergé ?

Elle affirma que la propriété de l’Église n’avait pas le même caractère que les autres propriétés, que l’Église en avait reçu des terres, des immeubles que pour remplir certaines fonctions, notamment de charité et d’assistance ; que, par suite, le jour où la Nation se préoccupait de remplir elle-même cette fonction, elle avait le droit de saisir les ressources en assumant la charge.

 

Enfin et pour compléter sa démonstration juridique, la Constituante proclama que le clergé, ayant cessé d’être un ordre, ne pouvait posséder en cette qualité, et que la Nation peut toujours reprendre les biens d’un corps qui n’existe que par la volonté de la Nation elle-même. Après le marquis de Lacoste, après Buzot, après Dupont de Nemours, c’est l’évêque d’Autun, Talleyrand-Périgord qui posa la question avec l’autorité que lui donnait sa qualité même d’évêque et avec une admirable précision.

 

On voit dans son intervention devant l’Assemblée le grand effort de dialectique et de subtilité par lequel Talleyrand essayait de démontrer que cette grande expropriation révolutionnaire respectait la propriété. Au fond, cette opération décisive pouvait se légitimer d’un mot : c’est qu’une nation, avant tout, a le droit de vivre et que lorsque d’immenses richesses ont une affectation traditionnelle contraire aux intérêts nouveaux et à la vie même de la Nation, elle peut et doit modifier cette affectation.

 

Mais il est rare que les Révolutions puissent avouer aussi nettement leurs principes, et elles cherchent à rattacher au système juridique en vigueur l’acte même qui bouleverse l’ancien droit.

 

Il y avait, sans doute, des parties spécieuses dans l’argumentation de Talleyrand : mais aussi que de raisonnements fragiles !

 

Oui, la Nation, seule existence perpétuelle, a le droit et le devoir de veiller à l’exécution de la volonté des fondateurs, mais il est bien clair que lorsque, dans les siècles de ténèbres et de foi, des milliers d’hommes avaient donné leurs biens à l’Église pour le soulagement des pauvres ils n’avaient pas voulu seulement donner aux pauvres, ils avaient voulu leur donner par les mains de l’Église, et s’assurer ainsi à eux-mêmes une récompense dans un ordre surnaturel que, suivant eux, l’Église administrait.

 

Par conséquent, lorsque la Nation, s’emparant des biens d’Église, les consacrait au soulagement des pauvres, à des œuvres d’assistance et d’éducation, elle ne remplissait qu’une partie de la volonté des donateurs ; et comment, en vérité, un grand peuple, après la lumière du xviiie siècle, aurait-il pu être exactement fidèle à la pensée du moyen âge ?

 

Nationaliser les biens d’Église, les laïciser, ce n’était pas seulement les arracher à l’Église, c’était les arracher au donateur lui-même, c’est-à-dire au passé : c’était, par conséquent, faire acte d’expropriation révolutionnaire, beaucoup plus que Talleyrand ne se l’avouait ou ne l’avouait aux autres.

 

- Mais ce premier discours laissait subsister une autre difficulté bien plus grave.

Le raisonnement de Talleyrand supposait que la totalité des biens d’Église sécularisés serait appliquée à des œuvres de charité, analogues, sinon dans leur inspiration, au moins dans leur réalité matérielle, aux œuvres prévues par les fondateurs. Mais, en fait, c’était surtout pour assurer le paiement des dettes de l’État, pour éviter la banqueroute que la Révolution était obligée de séculariser les biens d’Église.

 

C’est donc la légion des rentiers, des bourgeois prêteurs, des capitalistes qui se substituait, dans la perception des revenus d’Église, aux premiers destinataires. Les biens d’Église, la propriété immobilière et religieuse servaient à garantir la propriété mobilière ; c’était bien l’expropriation du moyen âge au profit de la société moderne.

 

Talleyrand comprit que, dans son premier discours, il avait trop éludé le problème et sans doute les rentiers, les créanciers de l’État, inquiets d’une première argumentation qui les laissait en dehors de la distribution des revenus d’Église, lui demandèrent un nouvel effort de dialectique.

 

 

- G) Mi-octobre 1789 : Argumentation complémentaire de Talleyrand

Face à l’opposition farouche de la hiérarchie catholique et de la droite de l’Assemblée (Abbé Maury...), face aux doutes sur certains points de sa proposition, Talleyrand essaie de compléter sa proposition :

« A qui donc est la propriété véritable de ces biens ? La réponse ne peut être douteuse : à la Nation.

 

« Mais, ici, il est nécessaire de bien s’entendre :

« Est-ce à la Nation en ce sens que, sans aucun égard pour leur destination primitive, la Nation, par une supposition chimérique, puisse en disposer de toute manière et, à l’instar des individus, propriétaires, en user et en abuser à son gré ?

 

« Non, sans toute, car ces biens ont été chargés d’une obligation par le donateur et il faut que, par eux ou par un équivalent quelconque, cette obligation, tant qu’elle est jugée juste et légitime, soit remplie.

 

« Mais est-elle à la Nation en ce sens que la Nation, s’obligeant à faire acquitter les charges des établissements nécessaires ou utiles, à pourvoir dignement à l’argent du service divin, suivant le véritable esprit des donateurs, à faire remplir même les fondations particulières, lorsqu’elles ne présenteront aucun inconvénient, elle puisse employer l’excédent au delà de ces frais a des objets d’utilité générale ? La question, ainsi posée, ne présente plus d’embarras. Oui, sans doute, elle est à la Nation, et les raisons se présentent en foule pour le démontrer.

 

« 1° La plus grande partie de ces biens a été donnée, évidemment, à la décharge de la Nation, c’est-à-dire pour des fonctions que la Nation eût été tenue de faire acquitter ; or, ce qui a été donné pour la Nation est nécessairement donné à la Nation.

 

« Ces biens ont été donnés presque tous pour le service public ; ils l’ont été, non pour l’intérêt des individus, mais pour l’intérêt public ; et ce qui est donné pour l’intérêt public peut-il n’être pas donné à la Nation ? La Nation peut-elle cesser un instant d’être juge suprême sur ce qui constitue cet intérêt ?

 

« Ces biens ont été donnés à l’Église. Or, comme on l’a remarqué déjà, l’Église n’est pas le seul clergé, qui n’en est que la partie enseignante. L’Église est l’assemblée des fidèles et l’assemblée des fidèles, dans un pays catholique, est-elle autre chose que la Nation ?

 

« Ces biens ont été destinés particulièrement aux pauvres ; or, ce qui n’est pas donné à tel pauvre en particulier mais qui est destiné à perpétuité aux pauvres, peut-il n’être pas donné à la Nation qui peut, seule, combiner les vrais moyens de soulagement pour tous les pauvres ?

 

« La Nation peut certainement, par rapport aux biens ecclésiastiques, ce que pouvaient, par rapport à ces biens, dans l’ancien ordre des choses, le roi et le supérieur ecclésiastique, le plus souvent étrangers à la possession de ces biens.

 

« Or, on sait qu’avec le concours de ces deux volontés on a pu, dans tous les temps, éteindre, unir, désunir, supprimer, hypothéquer des bénéfices et même les aliéner pour secourir l’État.

 

« La Nation peut donc aussi user de tous ces droits et, comme dans la réunion de ces droits se trouve toute la propriété qui est réclamée en ce moment sur les biens ecclésiastiques en faveur de la Nation, il sait qu’elle est propriétaire dans toute l’acception que ce mot peut présenter pour elle. »

 

 

- H) Analyse de Jaurès sur ce complément de Talleyrand

Il serait trop long d’examiner la valeur historique et juridique de ces arguments. Mais, malgré l’habileté avec laquelle est tendu le voile, Talleyrand ne peut dissimuler le caractère révolutionnaire de l’acte proposé. Entre les aliénations de détail faites jadis par le prince et l’aliénation d’ensemble réclamée de la Constituante il y a un abîme ; toute la distance d’un acte d’administration à un acte d’expropriation. Il est très hasardeux de dire que les donateurs ont constitué jadis leurs œuvres, à la décharge de la Nation, car, dans la période féodale, la Nation n’était pas ; et le seul pouvoir vraiment central était l’Église.

 

Enfin, il est au moins hardi de cléricaliser ainsi toute la nation pour établir entre l’Église et la Nation une continuité juridique absolue ; déclarer à la fin du xviiie siècle que la Nation est l’assemblée des fidèles, c’est-à-dire le véritable Église, c’est méconnaître le profond travail que la critique rationaliste et la science avaient opéré dans les esprits.

 

Au fond, il n’y avait qu’un argument à donner, mais décisif : la propriété d’Église ne peut être maintenue sans péril pour les formes nouvelles de civilisation.

Mais donner cette raison, toute nue, c’était s’exposer à troubler bien des consciences ; c’était surtout frapper d’un caractère provisoire toute propriété, et la Révolution aimait mieux envelopper de formes juridiques la vaste et nécessaire expropriation qu’elle méditait. Comme les prétextes juridiques allégués n’étaient pas tout à fait vains, comme quelques-uns d’entre eux avaient au moins une haute vraisemblance, la prudence des révolutionnaires n’était point de l’hypocrisie.

 

Mais Talleyrand avait franchi le pas difficile et démontré qu’après avoir assuré les services de charité, l’État pouvait disposer de l’excédent ; les rentiers étaient sauvés, et aussi la Révolution.

 

L’éminent jurisconsulte Thouret, trouva évidemment que l’argumentation de Talleyrand était insuffisante, et il chercha à donner à l’Assemblée une raison juridique décisive, qui ruinât jusqu’au fondement le droit de propriété ecclésiastique et qui préservât en même temps de toute atteinte, de toute menace la propriété nouvelle, individuelle et bourgeoise

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17 août 2015 1 17 /08 /août /2015 13:15
Grèce, pourquoi la "capitulation" de Tsipras par Eric Toussaint

Mis à jour le 21 août 2019

Eric Toussaint[1] président du comité d'annulation de la dette donne une conférence à Lasalle ( Gard) sur la situation en Grèce . Il explique à partir de son expérience personnelle auprès du gouvernement Tsipras pourquoi, selon lui, celui-ci a capitulé devant le diktat de la troïka.

 

- Grèce : pourquoi la capitulation ? Une autre voie est possible

Version texte de la vidéo ci dessus.... ICI

Éric Toussaint analyse de manière critique l’attitude de Syriza en ce qui concerne la dette depuis 2010, pour expliquer comment le gouvernement grec en est venu à signer l’accord funeste du 13 juillet 2015. Une des explications fondamentales est la non prise en compte de l’audit de la dette qui aurait pourtant permis, en suspendant son paiement, de ne pas se soumettre aux diktats des créanciers. Éric Toussaint présente un plan B portant sur la dette, les banques, l’austérité, la monnaie et la fiscalité.

 

Note

[1] Éric Toussaint...... Depuis avril 2015, Éric Toussaint est le coordinateur scientifique de la Commission pour la Vérité sur la Dette grecque. Cette commission a été créée par la présidente du parlement grec.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Synthèse du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque

- Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles

- L'alternative à l'austérité

- La trahison de Tsipras ?

- Tsipras ne capitule pas il poursuit sa strategie

- Dette grecque : Alexis Tsipras aurait-il pu agir différemment ?

- LA RESPONSABILITÉ DE TSIPRAS DANS LE DÉSASTRE GREC

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28 juillet 2015 2 28 /07 /juillet /2015 08:20
Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles

Le 5 juillet 2015, à l’issue du référendum initié par le gouvernement d’Alexis Tsipras et le parlement hellène, le peuple grec a rejeté massivement la poursuite de l’austérité que voulaient lui imposer les institutions qui auparavant agissaient sous le nom de Troïka. C’est une splendide victoire de la démocratie.

 

Sources :  Le Grand Soir par Eric Toussaint[1] le 13 juillet 2015

Pourtant, s’il est mis en pratique, l'accord intervenu le lundi 13 juillet 2015 au matin, signifiera la poursuite de l’austérité dans le cadre d’un nouvel accord pluriannuel.

 

 

- Cet accord est en totale contradiction avec le résultat du référendum.

Cette proposition inclut l’abandon d’une série très importante d’engagements pris par Syriza lors de la campagne électorale qui lui ont permis d’obtenir une victoire d’une portée historique le 25 janvier 2015. Syriza a engagé sa responsabilité devant le peuple grec et il serait tragique qu’elle ne la respecte pas, d’autant que le peuple lui a apporté un appui très clair tant le 25 janvier que le 5 juillet 2015.

 

Les concessions faites aux créanciers par le gouvernement grec portent sur les retraites, avec une nouvelle diminution de leur montant (alors que Syriza s’était engagé à rétablir le 13e mois pour les retraites inférieures à 700 euros par mois) et un allongement de l’âge de départ, les salaires qui resteront comprimés, les relations de travail qui seront encore plus précarisées, l’augmentation des impôts indirects y compris ceux supportés par les bas revenus, la poursuite et l’accélération des privatisations, l’accumulation de nouvelles dettes illégitimes afin de rembourser les précédentes, le transfert des actifs grecs de valeur dans un fonds indépendant, la poursuite de l’abandon d’éléments importants du droit à l’autodétermination, la limitation du pouvoir législatif au profit de celui des créanciers...

 

Contrairement à ceux qui affirment qu’en échange de ces concessions néfastes, la Grèce obtiendra trois ans de répit et pourra relancer de manière importante l’activité économique, la réalité montrera qu’avec le maintien de la compression de la demande des ménages et de la dépense publique, il sera impossible de dégager l’excédent budgétaire primaire annoncé dans le plan.

 

Les conséquences néfastes sont inéluctables : dans quelques mois ou au début de l’année prochaine au plus tard, les créanciers attaqueront les autorités grecques pour non-respect de leurs engagements en termes d’excédent budgétaire primaire et avanceront de nouvelles exigences. Il n’y aura pas de répit pour le peuple et pour le gouvernement grecs. Les créanciers menaceront de ne pas débourser les sommes prévues si de nouvelles mesures d’austérité ne sont pas adoptées. Les autorités grecques seront prises dans l’engrenage des concessions[2].

 

La Commission pour la Vérité sur la Dette publique instituée par la présidente du Parlement grec a établi dans son rapport préliminaire rendu public les 17 et 18 juin 2015 que la dette réclamée par les actuels créanciers doit être considérée comme illégitime, illégale et odieuse. La Commission a également démontré que son remboursement est insoutenable. Sur la base d’arguments fondés sur le droit international et le droit interne, le gouvernement grec peut suspendre de manière souveraine le paiement de la dette afin que l’audit des dettes soit conduit à son terme. Une telle suspension de paiement est tout à fait possible. Depuis février 2015, la Grèce a remboursé 7 milliards d’euros aux créanciers sans que ceux-ci versent les 7,2 milliards qui devaient l’être dans le cadre du programme qui a pris fin au 30 juin 2015. D’autres sommes auraient dû être versées à la Grèce et ne l’ont pas été : les intérêts perçus par la BCE sur les titres grecs, le solde prévu pour la recapitalisation des banques, etc. Si la Grèce suspend le paiement de la dette à l’égard des créanciers internationaux, elle économisera près de 12 milliards d’euros qu’elle est supposée leur rembourser d’ici la fin de l’année 2015[3]. En suspendant le paiement de la dette, les autorités grecques amèneraient les créanciers à faire des concessions. Une réduction radicale du montant de la dette pourrait en découler soit par la voie de la négociation, soit par celle de la répudiation.

 

 

- Il est possible de rester dans la zone euro tout en prenant de manière souveraine une série de mesures d’autodéfense et de relance de l’économie.

Chacun a pu faire le constat qu’il est impossible de convaincre par la simple discussion la Commission européenne, le FMI, la BCE et les gouvernements néolibéraux au pouvoir dans les autres pays européens de prendre des mesures qui respectent les droits des citoyens grecs ainsi que ceux des peuples en général. Le référendum du 5 juillet qu’ils ont combattu ne les a pas convaincus. Au contraire, bafouant les droits démocratiques fondamentaux, ils ont radicalisé leurs exigences. Sans prendre des mesures souveraines fortes d’autodéfense, les autorités et le peuple grecs ne pourront pas mettre fin à la violation des droits humains perpétrés à la demande des créanciers. Toute une série de mesures devraient être prises à l’échelle européenne pour rétablir la justice sociale et une authentique démocratie. Techniquement, il n’est pas compliqué de les prendre mais il faut bien constater que dans le contexte politique et avec les rapports de force qui prévalent dans l’Union européenne, les pays avec un gouvernement progressiste ne peuvent pas espérer être entendus ni soutenus par la Commission européenne, la BCE, le Mécanisme européen de stabilité.

 

Au contraire, tant ces institutions que le FMI et les gouvernements néolibéraux en place dans les autres pays combattent activement l’expérience en cours en Grèce afin de démontrer à tous les peuples d’Europe qu’il n’y a pas d’alternatives au modèle néolibéral. En revanche, par des mesures fortes, les autorités grecques peuvent leur arracher de véritables concessions ou simplement les obliger à prendre acte des décisions prises. Il est fondamental également de fonder une stratégie alternative en suscitant des mobilisations populaires massives en Grèce et dans les autres pays d’Europe. Les autorités grecques pourraient s’appuyer dessus pour empêcher les tentatives d’isolement que ne manqueront pas d’organiser toutes les forces opposées aux changements en faveur de la justice sociale. En retour, une telle démarche du gouvernement grec renforcerait les mobilisations populaires et la confiance en leurs propres forces des citoyens mobilisés.

 

 

- A côté de la suspension du paiement de la dette illégitime, illégale, odieuse et insoutenable, voici quelques propositions à soumettre d’urgence au débat démocratique car elles sont de nature à aider la Grèce à se relever.

  • 1 - Les pouvoirs publics grecs constituent de loin l’actionnaire majoritaire des grandes banques grecques (représentant plus de 80% du marché bancaire grec) et devraient donc exercer pleinement le contrôle des banques afin de protéger l’épargne des citoyens et relancer le crédit interne pour soutenir la consommation. D’une part, il conviendrait de tirer les conséquences de la participation majoritaire de l’Etat dans les banques en leur conférant un statut d’entreprise publique. L’Etat devrait organiser une faillite ordonnée de ces banques en veillant à protéger les petits actionnaires et les épargnants. Il s’agit de récupérer le coût de l’assainissement des banques sur le patrimoine global des gros actionnaires privés car ce sont eux qui ont provoqué la crise et ont ensuite abusé du soutien public. Une bad bank serait créée pour isoler les actifs toxiques en vue d’une gestion extinctive. Il faut une fois pour toutes faire payer les responsables de la crise bancaire, assainir en profondeur le secteur financier et le mettre au service de la population et de l’économie réelle.

 

  • 2 - Les autorités grecques doivent réquisitionner la banque centrale. A sa tête se trouve aujourd’hui Yannis Stournaras (placé à ce poste par le gouvernement d’Antonis Samaras) qui met toute son énergie à empêcher le changement voulu par la population. C’est un véritable cheval de Troie qui sert les intérêts des grandes banques privées et des autorités européennes néolibérales. La banque centrale de Grèce doit être mise au service des intérêts de la population grecque.

 

  • 3 - Les autorités grecques ont également la possibilité de créer une monnaie électronique (libellée en euro) à usage interne au pays. Les pouvoirs publics pourraient augmenter les retraites ainsi que les salaires de la fonction publique, payer les aides humanitaires aux personnes en leur ouvrant un crédit en monnaie électronique qui pourrait être utilisé pour de multiples paiements : facture d’électricité, d’eau, paiement des transports en commun, paiement des impôts, achats d’aliments et de biens de première nécessité dans les commerces, etc. Contrairement à un préjugé infondé, même les commerces privés auraient tout intérêt à accepter volontairement ce moyen de paiement électronique car cela leur permettra à la fois d’écouler leurs marchandises et de régler des paiements à l’égard des administrations publiques (paiement des impôts et de différents services publics qu’ils utilisent). La création de cette monnaie électronique complémentaire permettrait de diminuer les besoins du pays en euros. Les transactions dans cette monnaie électronique pourraient être réalisées par les téléphones portables comme c’est le cas aujourd’hui en Equateur.

 

  • Le gouvernement pourrait également émettre de titres publics en papier sous formes de IOU’s (I Owe You), équivalents à des billets d’euro : 10 euros, 20 euros,... pour faire face à la pénurie de billets en circulation. Ils présentent un avantage par rapport à la drachme car ils laissent la porte ouverte à la négociation et permettent à la Grèce de rester formellement dans la zone euro.

 

  • 4 - Le contrôle sur les mouvements de capitaux doit être maintenu de même que doit être mis en place un contrôle des prix à la consommation.

 

  • 5 - L’organisme chargé des privatisations doit être dissous et doit être remplacé par une structure publique de gestion des biens nationaux (avec arrêt immédiat des privatisations) chargée de protéger le patrimoine public tout en générant des revenus.

 

  • 6 - De nouvelles mesures doivent être adoptées dans un souci de justice fiscale en vue de renforcer très nettement celles déjà prises, notamment en décidant de taxer très fortement les 10 % les plus riches (et en particulier le 1% le plus riche) tant sur leurs revenus que sur leur patrimoine. De même, il convient d’augmenter fortement l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises privées et de mettre fin à l’exemption fiscale des armateurs. Il faut aussi taxer plus fortement l’Eglise orthodoxe qui n’a versé que quelques millions d’euros d’impôts en 2014.

 

  • 7 - Une réduction radicale des impôts sur les bas revenus et les petits patrimoines doit être décidée, ce qui bénéficierait à la majorité de la population. Les taxes sur les produits et services de première nécessité doivent baisser radicalement. Une série de services de première nécessité doivent être gratuits (électricité et eau limitées à une certaine consommation, transports publics, etc.). Ces mesures de justice sociale relanceront la consommation.

 

  • 8 - La lutte contre la fraude fiscale doit être intensifiée avec la mise en place de mesures très dissuasives contre la grande fraude fiscale. Des sommes importantes peuvent être récupérées.

 

  • 9 - Un vaste plan public de création d’emplois doit être mis en œuvre pour reconstruire des services publics dévastés par des années d’austérité (par exemple, en matière de santé et d’éducation) et pour poser les premiers jalons de la nécessaire transition écologique.

 

  • 10 - Ce soutien au secteur public doit être accompagné de mesures visant à apporter un soutien actif à la petite initiative privée qui joue un rôle essentiel aujourd’hui en Grèce à travers les micro-entreprises.

 

  • 11 - Réaliser une politique d’emprunt public interne via l’émission de titres de la dette publique à l’intérieur des frontières nationales. En effet, l’État doit pouvoir emprunter afin d’améliorer les conditions de vie des populations, par exemple en réalisant des travaux d’utilité publique. Certains de ces travaux peuvent être financés par le budget courant grâce à des choix politiques affirmés, mais des emprunts publics peuvent en rendre possibles d’autres de plus grande envergure, par exemple pour passer du « tout automobile » à un développement massif des transports collectifs, développer le recours aux énergies renouvelables respectueuses de l’environnement, créer ou rouvrir des voies ferrées de proximité sur tout le territoire en commençant par le territoire urbain et semi-urbain, ou encore rénover, réhabiliter ou construire des bâtiments publics et des logements sociaux en réduisant leur consommation d’énergie et en leur adjoignant des commodités de qualité. Il s’agit aussi de financer le vaste plan de création d’emplois proposé plus haut.

 

 

- Il faut définir de toute urgence une politique transparente d’emprunt public.

La proposition que nous avançons est la suivante :

  • 1 - la destination de l’emprunt public doit garantir une amélioration des conditions de vie, rompant avec la logique de destruction environnementale ;

 

  • 2 - le recours à l’emprunt public doit contribuer à une volonté redistributive afin de réduire les inégalités. C’est pourquoi nous proposons que les institutions financières, les grandes entreprises privées et les ménages riches soient contraints par voie légale d’acheter, pour un montant proportionnel à leur patrimoine et à leurs revenus, des obligations d’État à 0 % d’intérêt et non indexées sur l’inflation, le reste de la population pourra acquérir de manière volontaire des obligations publiques qui garantiront un rendement réel positif (par exemple, 3%) supérieur à l’inflation. Ainsi si l’inflation annuelle s’élève à 2%, le taux d’intérêt effectivement payé par l’Etat pour l’année correspondante sera de 5%. Une telle mesure de discrimination positive (comparable à celles adoptées pour lutter contre l’oppression raciale aux États-Unis, les castes en Inde ou les inégalités hommes-femmes) permettra d’avancer vers davantage de justice fiscale et vers une répartition moins inégalitaire des richesses.


Enfin, les autorités grecques doivent veiller à la poursuite du travail de la commission d’audit et des autres commissions qui travaillent sur les mémorandums et les dommages de guerre.

 

 

- D’autres mesures complémentaires, discutées et décidées d’urgence démocratiquement, sont bien sûr susceptibles de venir compléter ce premier dispositif d’urgence

Elles peuvent être résumé avec les cinq piliers suivants :

  • la prise de contrôle par l’Etat des banques et d’une partie de la création monétaire,
  • la lutte contre la fraude fiscale et la mise en place d’une réforme fiscale juste apportant à l’Etat les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de sa politique,
  • la protection du patrimoine public et sa mise au service de l’ensemble de la collectivité,
  • la réhabilitation et le développement des services publics,
  • le soutien à une initiative privée de proximité.

 

 

- Il est également important d’engager la Grèce dans un processus constituant avec participation citoyenne active afin de permettre des changements démocratiques structurels.

Pour réaliser ce processus constituant, il faut convoquer, via une consultation au suffrage universel, l’élection d’une assemblée constituante chargée d’élaborer un projet de nouvelle Constitution. Une fois le projet adopté par l’assemblée constituante qui devra fonctionner en recevant les cahiers de doléances et les propositions émanant du peuple, il sera soumis au suffrage universel.

 

En cas d’exclusion de la zone euro provoquée par les créanciers ou en cas de sortie volontaire de la zone euro, les mesures indiquées plus haut sont également adaptées, en particulier la socialisation des banques à l’instar de la nationalisation du système bancaire mis en France à la Libération. Ces mesures devraient être combinées avec une importante réforme monétaire redistributive pouvant s’inspirer de la réforme monétaire réalisée après la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement belge. Cette réforme vise à opérer une ponction notamment sur les revenus de ceux qui se sont enrichis sur le dos des autres. Le principe est simple : il s’agit, lors d’un changement de monnaie, de ne garantir la parité automatique entre l’ancienne et la nouvelle monnaie (un ancien euro contre une nouvelle drachme par exemple) que jusqu’à un certain plafond.

 

Au-dessus de ce plafond, la somme excédentaire doit être placée sur un compte bloqué, et son origine justifiée et authentifiée. En principe, ce qui excède le plafond fixé est changé à un taux moins favorable (par exemple, deux anciens euros contre une nouvelle drachme) ; en cas d’origine délictueuse avérée, la somme peut être saisie. Une telle réforme monétaire permet de répartir une partie de la richesse de manière plus juste socialement. Un autre objectif de la réforme est de diminuer la masse monétaire en circulation de manière à lutter contre des tendances inflationnistes. Pour qu’elle soit efficace, il faut avoir établi un contrôle strict sur les mouvements de capitaux et sur les changes.

 

Voici un exemple (bien sûr, les barèmes indiqués peuvent être modifiés après étude de la répartition de l’épargne liquide des ménages et adoption de critères rigoureux) :

. 1€ s’échangerait contre 1 nouvelle Drachme (n.D.) jusque 200.000 euros
. 1€ = 0,7 n.D. entre 200.000 et 500.000 euros
. 1€ = 0,4 n.D. entre 500.000 et 1 million d’euros
. 1€ = 0,2 n.D. au dessus de 1 million d’euros

. Si un foyer a 200.000 euros en liquide, il obtient en échange 200.000 n.D.
. S’il a 400.000 euros, il obtient 200.000 + 140.000 = 340.000 n.D.
. S’il a 800.000 euros, il obtient 200.000 + 210.000 + 120.000 = 530.000 n.D.
. S’il a 2 millions d’euros, il obtient 200.000 + 210.000 + 200.000 + 200.000 = 810.000 n.D.

 

Une vraie logique alternative peut être enclenchée. Et la Grèce peut enfin cesser d’être sous la coupe de ses créanciers. Les peuples d’Europe pourraient retrouver l’espoir dans le changement en faveur de la justice.

 

Notes

[1] Eric Toussaint est maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du Conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège Dernier livre : Bancocratie ADEN, Brussels, 2014. Il est coordonnateur de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.
[2] L’auteur remercie Stavros Tombazos, Daniel Munevar, Patrick Saurin, Michel Husson et Damien Millet pour leurs conseils dans la rédaction de ce document. L’auteur porte néanmoins l’entière responsabilité du contenu de ce texte.

[3] 6,64 milliards d’euros et 5,25 milliards d’euros doivent être respectivement payés à la BCE et au FMI d’ici le 31 décembre 2015. Source : Wall Street Journal, http://graphics.wsj.com/greece-debt-timeline/ consulté le 12 juillet 2015.

 

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- « La BCE a déstabilisé l’économie pour soumettre la Grèce aux exigences des créanciers »

- James Galbraith "Ce n'est pas un accord, c'est un viol"

- Grèce : les conséquences de la capitulation

- Europe : un accord trois fois perdant

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Rédacteur

  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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