Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 juin 2022 5 17 /06 /juin /2022 21:03
Meeting Mélenchon Parc des expos ©Blandine Le Cain

Meeting Mélenchon Parc des expos ©Blandine Le Cain

Jean-Luc Mélenchon 13/07/2022 : « Une nouvelle histoire de la gauche commence[4] »

 

« Le Monde » : la Nupes rate la victoire entre 0,13 et 0,25 % du total des voix[1]

 

La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) vient de réussir un exploit : devenir la première force d’opposition lors du premier tour des élections législatives, avec 26,11% des voix, face à un président réélu. Évènement historique dans l’histoire de la Ve République, ce score a également une signification.
En unissant sous une même bannière l’ensemble des partis traditionnels de gauche, la NUPES a imposé dans le paysage politique une ligne de rupture avec le social-libéralisme.
Loin d’une trahison ou d’une soumission, comme l’ont prétendu bon nombre de commentateurs en reprenant les cris d’orfraie de leurs prédécesseurs lors de la campagne de François Mitterrand en 1981, il s’agit néanmoins d’un tournant majeur.
À ce titre,...

 

Sources :  LVSL - Article initialement publié dans El País/Agenda Publíca par Victor Woillet. 

- Il convient de revenir non seulement sur sa portée, mais également sur son origine historique.

Si les rapprochements avec la « gauche plurielle » (i.e. le gouvernement de cohabitation mené par Lionel Jospin de 1997 à 2002) ou encore le Front populaire de 1936 peuvent avoir leur pertinence, l’origine stratégique de ce qu’opère Jean-Luc Mélenchon aujourd’hui est ailleurs. En effet, de nombreuses fois, pour expliquer ce qu’il a souhaité faire avec l’Union Populaire, le représentant de la France insoumise s’est référé à François Mitterrand. Pourtant, une telle analogie ne va pas de soi. 

 

 

- Faire l'union à la base

De ses propres mots, Jean-Luc Mélenchon a qualifié la stratégie derrière l’Union Populaire « d’union à la base » lorsque celle « au sommet » est impossible. Pour comprendre à quoi le représentant de la France insoumise fait référence à travers ces éléments de discours, il faut avoir à l’esprit ce que François Mitterrand a lui-même effectué en son temps. Après avoir mis en ballottage De Gaulle lors de la présidentielle de 1965, Mitterrand constitue une première union de la gauche regroupant l’ensemble des forces anti-communistes (la SFIO, le Parti Radical et le Convention des institutions républicaines). Si cette coalition marque un tournant, notamment lors des législatives de 1967, le Parti communiste français se maintient à des scores extrêmement élevés et obtient 21,3 % des voix lors de l’élection présidentielle de 1969. 

 

Il faut attendre 1972, après le Congrès d’Épinay, pour qu’une nouvelle forme d’union puisse voir le jour. En associant, par la signature du Programme Commun, les communistes à l’union de la gauche, Mitterrand élargit grandement sa base électorale et ne se contente plus d’une union « au sommet ». Ce choix fait d’ailleurs suite à la visite de Mitterrand lui-même au Chili alors gouverné par « l’Unité Populaire » de Salvador Allende, ce qui lui vaudra le surnom « d’Allende français ». 

 

Même si l’union vole en éclat en 1977 à la suite des positions de Mitterrand sur la défense nationale, le tournant a eu lieu. En 1981, grâce au CERES animé notamment par Chevènement et Didier Motchane, François Mitterrand conserve la tête du PS malgré les critiques de la « deuxième gauche » de Michel Rocard. Pour la présidentielle de la même année, si le Programme Commun n’est plus là, les « 110 propositions » qui constituent le programme de Mitterrand alors en reprennent le fond. Arrivé au second-tour de la présidentielle, les communistes se ravisent et finissent par rejoindre la candidature de Mitterrand. Ayant réussi l’union par la base, en élargissant son assise électorale et en intégrant de nombreuses revendications portées par les communistes (la retraite à 60 ans, la nationalisation de nombreux secteurs de l’économie, la diminution du temps de travail…), le sommet suit…

 

 

- Un tournant politique, condition du changement historique
Telle est la logique dans laquelle Jean-Luc Mélenchon se situe lorsqu’il fonde l’Union Populaire dans le cadre de la présidentielle de 2022. Si ce rapprochement discursif et stratégique peut faire l’objet de critiques sur le plan historique, il révèle un élément frappant : la relatéralisation de la gauche française. Le « tournant de la rigueur » budgétaire opéré par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982-1983 ne devait initialement être qu’une « pause », pour reprendre l’expression de Léon Blum en 1937, dans l’agenda des réformes d’inspiration keynésienne défendues face à la situation monétaire d’alors. Ce qui fut présenté comme une pause, une nécessité face à la conjoncture s’est en réalité avéré bien plus long. C’était le début de la « parenthèse néolibérale » française qui n’a jamais réellement été refermée depuis.

 

 

- Cette parenthèse a notamment favorisé les tenants de la « deuxième gauche » au sein du Parti socialiste, autour de Michel Rocard, Pierre Mauroy ou encore Jacques Delors.
Ces derniers, bien plus libéraux que les artisans du Programme Commun, ont occupé de nombreuses places dans les instances partisanes mais aussi institutionnelles. En 1988, après la réélection de Mitterrand, Michel Rocard est nommé Premier ministre. En mars 1990, il s’allie à Lionel Jospin. Un an plus tard, même s’il perd son poste de Premier ministre, il devient premier secrétaire du PS. Lors du gouvernement de coalition de 1997-2002 mené par Lionel Jospin, la « deuxième gauche » rocardienne fait partie du gouvernement d’union des gauches au même titre que ses opposants historiques.

 

 

- Avec le vote majoritaire pour le « non » au référendum pour une constitution européenne en 2005, une première union de la gauche de circonstance apparaît

Cette union de la gauche de circonstance s’oppose aux héritiers de la « deuxième gauche » française qui sont alors particulièrement représentés au sein du Parti socialiste.
Jean-Luc Mélenchon en est l’un des artisans. En 2008, cette union informelle trouve une première tentative de débouché politique : le Parti de Gauche[2], fondé par Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez ainsi que d’autres élus issus des rangs du PS ou des Verts. Dès lors, cette formation n’a cessé d’incarner l’opposition aux représentants d’une gauche favorable au néo-libéralisme et aux contraintes budgétaires, de François Hollande à Emmanuel Macron.  

 

 

- En 2012 puis en 2017 (avec le Front de gauche[3]), Jean-Luc Mélenchon, rejoint par les communistes, a représenté ce courant de la gauche antilibérale au sein du paysage politique français.

Fort de son score à la présidentielle de 2022, attestant d’une base électorale en faveur d’un programme net de rupture avec le néo-libéralisme et les contraintes budgétaires européennes, Jean-Luc Mélenchon a opéré un tournant dans le paysage politique français : la fin de la parenthèse néolibérale qui restait béante jusqu’à maintenant.

 

Deux conditions demeurent cependant pour que ce tournant politique et discursif profond prenne la forme d’un tournant historique :

  • Premièrement le succès de cette union de la gauche française lors du second tour des élections législatives le 19 juin, mais surtout la politique menée par le gouvernement qui accéderait alors au pouvoir.
  • Dans un contexte inflationniste touchant l’ensemble des matières premières, la lutte à mener contre le chômage et en faveur d’un investissement massif dans de nombreux secteurs nécessaires à la transition écologique sera particulièrement âpre, mais elle pourrait bien constituer un véritable signal pour le reste de la gauche européenne et entériner la fin d’une parenthèse qui a tant duré.

 

--------------------------------

 

13/07/2022 - Jean-Luc Mélenchon :

« Par des cheminements intellectuels, la radicalisation de la société va se poursuivre[4]. » ;

« Le sort des élections se joue dans la conjonction des classes populaires et des classes moyennes[4]. » ;

« L’ordre géopolitique va basculer en même temps que l’ordre climatique[5]. »

 

Jean-Luc Mélenchon : « Une nouvelle histoire de la gauche commence » Jean-Luc Mélenchon : « Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle. »

 

 

Notes :

[1« Le Monde » : la Nupes rate la victoire entre 0,13 et 0,25 % du total des voix

[2] Le Parti de Gauche

[3] Front de gauche

[4] Jean-Luc Mélenchon : « Une nouvelle histoire de la gauche commence »

[5] Jean-Luc Mélenchon : « Je lutterai jusqu’à mon dernier souffle. »

 

Pour en savoir plus :

- sur les débats récents à propos du  « tournant de la rigueur » de 1983, lire sur LVSL cet article de Neil Warner.

- Jean-Luc Mélenchon : " Après le séisme "

- Législatives 2022 : quel camp peut vraiment se dire « social-démocrate » ?

- Jean-Luc Mélenchon : " « Le Monde » : la Nupes rate la victoire entre 0,13 et 0,25 % du total des voix "

- Recomposition politique en France : Trois blocs et deux perdants

- « Plutôt Le Pen que Mélenchon » : quand le retournement du barrage républicain était prédit par Frédéric Lordon

Georges Marchais, Robert Fabreloeil, Roland Leroy, Francois Mitterrand, la signature Programme commun 1972

Georges Marchais, Robert Fabreloeil, Roland Leroy, Francois Mitterrand, la signature Programme commun 1972

Partager cet article
Repost0
4 mai 2018 5 04 /05 /mai /2018 21:28
Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »

C'est devenu un lieu commun du commentaire des politologues : dès qu'un mouvement ou un porte parole déroge aux règles du consensus, on le qualifie de populiste[2].

 

 

Ce mardi 10 avril 2018, nous avons rencontré Jean-Luc Mélenchon dans son bureau à l’Assemblée nationale. Au cours d’une longue discussion, le député des Bouches-du-Rhône évoque le cheminement qui l’a conduit à construire le mouvement qui lui a permis d’obtenir 19,58% des voix au premier tour de l’élection présidentielle.

Le leader de la France Insoumise revient librement sur ses influences intellectuelles, de son rapport souvent décrié à l’Amérique latine jusqu’à l’Espagne de Podemos, en passant par le matérialisme historique et le rôle central de la Révolution française. Cet entretien est également l’occasion de l’interroger sur les propos controversés tenus par Emmanuel Macron au sujet des rapports entre l’Etat et l’Eglise catholique, au collège des Bernardins. « La laïcité de 1905 n’a pas été inventée dans un colloque, c’est l’aboutissement de trois siècles de guerre civile ouverte ou larvée », répond-il, « revenir sur ce point, c’est revenir sur la République elle-même ».

Au fil de l’échange, Jean-Luc Mélenchon dévoile sa vision de l’État et du rôle de tribun, s’exprime tour à tour sur Mai 68 et sur son rapport aux jeunes générations, sans oublier de saluer les mobilisations actuelles : « Il y a un facteur que personne ne prévoit et ne pourra jamais prévoir : c’est l’initiative populaire. Elle peut tout submerger, tout le monde, et tel est mon souhait ».

 

Sources : LE VENT SE LÈVE  par Lenny Benbara  | mis à jour le 19/04/2023

- LVSL : Votre engagement politique est profondément marqué par l’histoire de la Révolution française et par le jacobinisme. Ceci dit, depuis quelques années, vous semblez vous inspirer du populisme théorisé par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe et mis en pratique par Podemos. La campagne de la France Insoumise, à la fois très horizontale et très verticale, paraît être une synthèse entre ces deux inspirations. Peut-on parler de populisme jacobin vous concernant ?

Jean-Luc Mélenchon : D’abord, commençons par dire que la référence à Laclau, pour ce qui me concerne, est une référence de confort. Certes le chemin politique qui m’a conduit aux conclusions voisines et bien souvent identiques à celles d’Ernesto. Et son œuvre comme celle de Chantal Mouffe éclaire notre propre travail. Mais celui-ci est venu de bien plus loin. Notre intérêt pour Laclau venait de la rencontre avec un penseur latino-américain et que la source de notre raisonnement provenait des révolutions démocratiques d’Amérique latine. C’était une méthode politique en rupture avec ce qui existait au moment où nous avons entrepris toutes ces démarches. Je dis « nous » pour parler de François Delapierre et de moi, qui sommes les auteurs de cette façon de penser dont le débouché a été mon livre L’ère du peuple. Ce que nous disions était tellement neuf qu’aucun commentateur ne le comprenait ni même n’en sentait la nouveauté. Ils ne cessaient de nous maltraiter en voulant nous faire entrer dans une case existante connue d’eux. C’était le rôle de l’usage du mot “populiste”. Le mot permettait de nous assimiler à l’extrême droite. Même les dirigeants du PCF entrèrent dans le jeu. Oubliant leurs anciens qui avaient inventé le prix du roman populiste et imaginé le projet “d’union du peuple de France” ceux-là nous montrèrent du doigt et nous adressèrent des insinuations parfois très malveillantes. La référence à Laclau satisfaisait le snobisme médiatique et permettait de valider l’existence d’un “populisme de gauche” sans avoir besoin de l’assumer nous-même.

 

« Le jacobinisme est un républicanisme global. Il présuppose un peuple avide de liberté et d’égalité. »

 

Notre propre nouveau chemin était déjà très avancé. Nous avons effectué notre évolution à partir de l’Amérique latine et à mesure que l’on avançait, nous produisions des textes qui sont devenus des étapes de référence pour nous. Par exemple, dans le numéro 3 de la revue PRS (Pour la République Sociale), nous travaillions sur la culture comme cause de l’action citoyenne. C’est une manière décisive de mettre à distance la théorie stérilisante du reflet selon laquelle les idées sont les simples reflets des infrastructures matérielles et des rapports sociaux réels. En même temps nous tournons la page du dévoilement du réel et autres entrées en matière d’avant-gardisme éclairé. Le jacobinisme est un républicanisme global. Il présuppose un peuple avide de liberté et d’égalité. Son action révolutionnaire investit la dynamique de ses représentations symboliques. Mais bien sûr cela ne vaut que pour un pays dont la devise nationale dit Liberté-Egalité-Fraternité. Pas “honneur et patrie”, “mon droit, mon roi”, “ordre et progrès” et autres devises en vigueur ailleurs. En bref, il ne faut jamais oublier dans la formation d’une conscience les conditions initiales de son environnement culturel national.

 

Nous repoussons donc la thèse des superstructures comme reflet. Au contraire, les conditions sociales sont acceptées parce qu’elles sont culturellement rendues désirables par tous les codes dominants. Et de son côté, l’insurrection contre certaines conditions sociales procède moins de leur réalité objective que de l’idée morale ou culturelle que l’on se fait de sa propre dignité, de ses droits, de son rapport aux autres par exemple.

 

Toute cette trajectoire déplace la pensée qui est la nôtre, ainsi que son cadre, le matérialisme philosophique. Ce n’était pas la première fois que nous le faisions. De mon côté, j’avais déjà entrepris le travail consistant à repenser les prémisses scientifiques du marxisme. Marx travaillait à partir de la pensée produite à son époque. Il en découlait une vision du déterminisme analogue à celle de Simon Laplace : quand vous connaissez la position et la vitesse d’un corps à un moment donné, vous pouvez en déduire toutes les positions qu’il occupait avant et toutes celles qu’il occupera ensuite. Tout cela est battu en brèche avec le principe d’incertitude qui n’est pas une impuissance à connaître mais une propriété de l’univers matériel. Depuis 1905, avec la discussion entre Niels Bohr et Albert Einstein, l’affaire est entendue. Mais il est frappant de constater qu’il n’y ait eu aucune trace de cette discussion scientifique dans les rangs marxistes de l’époque. À l’époque, Lénine continue à écrire besogneusement Matérialisme et empiriocriticisme – qui passe à côté de tout ça. Pour ma part, sous l’influence du philosophe marxiste Denis Colin j’avais déjà mis à distance cette vision du matérialisme en incluant le principe d’incertitude. C’est la direction qu’explore mon livre A la conquête du chaos en 1991. À ce moment-là, nous comprenions que le déterminisme ne pouvait être que probabiliste. Cela signifie que les développements linéaires dans les situations humaines ne sont guère les plus probables. C’était un renouveau de notre base philosophique fondamentale. Elle percuta en chaîne des centaines d’enchaînements de notre pensée. En modifiant notre imaginaire, cela modifia aussi nos visions tactiques. L’événement intellectuel pour nous fut considérable. Puis dans les années 2000, nous avons travaillé sur les révolutions concrètes qui ont lieu après la chute du Mur. Car dans le contexte, on nous expliquait que c’était “la fin de l’Histoire”, que nous devions renoncer à nos projets politiques. Il était alors décisif d’observer directement le déroulement de l’histoire au moment où il montrait de nouveau la possibilité des ruptures de l’ordre mondial établi.

 

« Pour dire vrai, c’est Hugo Chávez qui nous a décomplexés. Ce fut une expérience personnelle assez émouvante. La dernière chose que j’ai faite avec lui, c’est un bout de campagne électorale en 2012. »

 

A ce moment-là nous étions très polarisés dans l’observation de l’Amérique latine, par le Parti des Travailleurs (PT) de Lula. Son idéologie est fondée sur une option préférentielle pour les pauvres. C’est une idéologie qui n’a rien à voir avec le socialisme historique. C’était un produit d’importation venu de « la théologie de la libération » née et propagée par les séminaires du Brésil. Elle va nous influencer par la méthode de combat qu’elle suggère pour agir et construire. Nous observions le PT de Lula, mais nous ne nous occupions alors pas du reste. Puis les circonstances nous conduisent à découvrir la révolution bolivarienne au Venezuela. D’abord cela nous déstabilise. C’est un militaire qui dirige tout cela, ce qui n’est pas dans nos habitudes dans le contexte de l’Amérique latine. Là-bas, les militaires sont les premiers suspects et non sans raison ! Dans l’idéologie dominante en Amérique du sud, la place des militaires dans l’action politique, c’est celle que lui assigne (là encore) Samuel Huntington dans Le soldat et la nation, le livre de référence qui précède Le choc des civilisations. Pinochet en fut le modèle.

 

Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »

 

La révolution bolivarienne a produit chez nous un changement d’angle du regard. Nous reprenons alors toute une série de questions dans laquelle le PT et l’expérience brésilienne ne seront plus centraux. Pour moi, le chavisme est une expérience radicalement différente de celle du Brésil. Puisqu’il faut bien mettre un mot sur celle-ci, on va parler de populisme, bien que la méthode populiste recommande précisément de ne pas se battre pour des concepts disputés et d’utiliser des mots valises, des mots disponibles, afin de les remplir de la marchandise que l’on veut transporter. Il ne sert donc à rien de lutter en Europe pour s’approprier le terme “populiste”. C’est dommage mais c’est aussi stupide que de se battre pour le mot “gauche”. Les gloses sur “la vraie gauche”, “la fausse gauche”, “gauche à 100%”, sont dépassées pour nous. Tout cela n’a pas de sens concret. Au contraire cela rend illisible le champ que l’on veut occuper. La bataille des idées est aussi une bataille de mouvement. Les guerres de positions ne sont pas pour nous.

 

« Les gloses sur “la vraie gauche”, “la fausse gauche”, “gauche à 100%”, sont dépassées pour nous. Tout cela n’a pas de sens concret. »
« Il ne s’agit plus de construire une avant-garde révolutionnaire mais de faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire. La stratégie de la conflictualité est le moyen de cette orientation. »

 

Le changement d’angle nous conduit à considérer des dimensions que nous avions laissées de côté. Pour dire vrai, c’est Hugo Chavez qui nous a décomplexés. Ce fut une expérience personnelle assez émouvante. La dernière chose que j’ai faite avec lui, c’est un bout de campagne électorale en 2012. On m’avait envoyé là-bas pour m’aider à descendre du ring après la présidentielle et la législative de 2012. Le résultat fut à l’inverse. J’ai fait campagne avec lui. J’ai tellement appris ! Dans tant de domaines. J’ai pu voir par exemple la manière de parler à l’armée. Il s’agissait d’une promotion de cadets, un quatorze juillet. J’ai écouté le discours de Chavez, qui correspondait à l’idée que je me fais de ce que doit être l’outil militaire. Il faut dire que mon point de vue a toujours été décalé par rapport aux milieux politiques desquels je viens. Peut-être parce que j’ai commencé mon engagement politique avec le fondateur de l’Armée rouge, ce qui modifie quelque peu le regard que j’ai toujours porté sur l’armée.

 

Je cite ce thème comme un exemple. En toutes circonstances Chavez éduquait sur sa ligne nationaliste de gauche. Évidemment le contact avec Chavez percutait des dizaines de thèmes et de façon de faire. Et surtout, il illustrait une ligne générale qui devint la mienne à partir de là. Il ne s’agit plus de construire une avant-garde révolutionnaire mais de faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire. La stratégie de la conflictualité est le moyen de cette orientation. J’ai vu Chavez manier le dégagisme contre son propre gouvernement et les élus de son propre parti devant des dizaines de milliers de gens criant “c’est comme ça qu’on gouverne pour le peuple” ! Chavez partait d’un intérêt général qu’il opposait pédagogiquement aux intérêts particuliers en les déconstruisant.

 

« Jamais autant qu’à présent, ma façon de voir n’a été aussi enracinée dans l’apprentissage des épisodes de la Révolution française de 1789 et de la Commune de Paris. »

 

Au total, nourris de ces expériences, forts de ce renouveau théorique nous avons produit notre propre corpus doctrinal, consigné dans la quatrième édition de L’ère du peuple. Nous n’avons pas fait du Laclau, nous n’avons pas fait du Podemos. Nous avons fait autre chose, autrement, à partir de notre propre histoire politique et de notre propre culture politique nationale. Jamais autant qu’à présent, ma façon de voir n’a été aussi enracinée dans l’apprentissage des épisodes de la Révolution française de 1789 et de la Commune de Paris. Dans ces événements, l’auto-organisation de masse et la fédération des luttes sont omniprésents.

 

Pour comprendre notre trajectoire, il est important de bien observer les différentes vagues qui se sont succédées dans notre espace politique. Il y a d’abord eu l’étape d’influence du Parti des travailleurs du Brésil. Elle donne Die Linke en Allemagne, SYRIZA en Grèce, Izquierda Unida en Espagne, Bloco de esquerda au Portugal. Ici c’est la formule par laquelle une coalition de petits partis se regroupe dans un front avant de finir par fusionner. La vague suivante voit naître Podemos et ensuite la France Insoumise. Elle marque une rupture dans le processus commencé au Brésil et une série d’innovations majeures aux plans conceptuel et pratique.

 

En France, cette rupture arrive au terme d’un bref cycle sous l’étiquette Front de gauche. Il s’est achevé dans une impasse dominée par des survivances étroitement partisanes, des coalitions négociées entre appareils et le reste des pratiques dérisoires de la diplomatie des petits partis de l’autre gauche. Pour ma part, la rupture se produit au cours des campagnes des municipales, des régionales et des départementales. Ce fut une agonie au goutte à goutte. Le Front de Gauche s’est dilué dans des stratégies de coalitions d’un noir opportunisme qui l’ont rendu illisible. Mais on ne pouvait rompre cet engrenage à ce moment-là. En effet, les élections municipales étaient collées aux élections européennes. Il n’y avait pas le temps de redéfinir le positionnement et aucun moyen de le faire valider dans l’action de masse. Nous avons donc dû aborder les élections européennes avec la ligne Front de Gauche dans des conditions d’un chaos d’identification indescriptible. Pour finir, la direction communiste, notre alliée, n’a respecté ni l’accord ni sa mise en œuvre stratégique, expédiant l’élection comme une corvée bureaucratique, tout en tuant la confiance entre partenaires. En Espagne, Podemos a pu faire son apparition à ce moment-là à partir d’une scission de Izquierda Unida. Ce fut le moment de sa percée. En France, la direction communiste refusa absolument toute construction du Front par la base et le débordement des structures traditionnelles.

 

 

- LVSL : Quelle a été l’influence de Podemos alors ?

Jean-Luc Mélenchon :  À l’inverse des tendances de ce moment, Podemos naît dans une logique de rupture avec Izquierda Unida. Delapierre suivait de près le groupe qui a constitué Podemos. Il fréquentait leurs dirigeants et suivait leur évolution. Dès 2011, Íñigo Errejón est venu faire un cours de formation à notre université d’été du Parti de Gauche que je présidais alors. On ne s’est plus quittés. Nous avons participé à toutes leurs soirées de clôture des campagnes électorales, et réciproquement. Pendant ce temps, Syriza trahissait et le PT se rapprochait du PS en s’éloignant ostensiblement de nous. En fait, nous sommes tous des rameaux de ce qui a démarré dans le cycle du PT brésilien, qui a continué dans le cycle bolivarien et qui s’est finalement traduit par la rupture en Espagne puis en France, et dans l’invention d’une nouvelle forme européenne.


Aujourd’hui, le forum du plan B en Europe regroupe une trentaine de partis et de mouvements. Il remplit la fonction fédératrice du forum de São Paulo en Amérique latine, dans les années qui ont précédé la série des prises de pouvoir. Finalement, entre Podemos et nous, la racine est la même. C’est à Caracas que j’ai rencontré Íñigo Errejón par exemple, et non à Madrid. Ce dernier était extrêmement fin dans ses analyses. Il me mettait alors en garde contre l’enfermement du discours anti-impérialiste de Chávez dont il percevait l’épuisement. Il me disait que cela ne fonctionnerait pas auprès de la jeune génération qui en a été gavée matin, midi et soir, pendant quatorze ans. Pour lui, cette perspective stratégique et culturelle devenait stérile et donc insuffisante pour mobiliser la société. Immodestement, j’ai plaidé auprès du Commandant [Chávez] qu’il faudrait se poser la question d’un horizon positif qui témoigne de l’ambition culturelle du projet bolivarien.

 

« On combat les États-Unis mais on mange, on roule, on boit, on s’amuse comme eux. »

 

Comme je l’ai dit, ce que nous apporte fondamentalement Chávez, c’est l’idée que notre action a pour objectif de construire un peuple révolutionnaire. C’est donc une bataille culturelle globale. Mais finalement, la bataille culturelle, au sens large, est restée presque au point zéro à Caracas. Le programme bolivarien de Chávez, c’est pour l’essentiel de la social-démocratie radicalisée : le partage des richesses avant tout. C’est remarquable dans le contexte d’une société si pauvre et si inégalitaire, assaillie par la pire réaction vendue à la CIA. Mais cela laisse de côté les interrogations sur le contenu des richesses, les motivations culturelles du peuple, et ainsi de suite. On combat les États-Unis mais on mange, on roule, on boit, on s’amuse comme eux. Pourtant la révolution citoyenne est nécessairement une révolution culturelle, qui doit aussi interroger les modes de consommation qui enracinent le modèle productiviste.*

 

Voilà ce que je peux dire de ma relation à ce que l’on appelle le populisme de gauche, à supposer que ce concept ait une définition claire. L’appropriation du mot ce n’est pas le plus important. Ce qui compte, c’est le contenu de ce qui est impliqué. Je l’ai détaillé dans L’ère du peuple[1].

 

Il s’agit d’admettre un nouvel acteur : le peuple, qui inclut la classe ouvrière, mais qui ne s’y résume pas. Je n’identifie ni ne résume la formation du peuple comme le font Ernesto Laclau et Chantal Mouffe à l’acte purement subjectif d’auto-définition du « nous » et du « eux ». Je redoute les spirales qu’entraîne souvent la philosophie idéaliste. Pour moi, le peuple se définit d’abord et avant tout par son ancrage social. Il s’agit là, d’abord, du lien aux réseaux du quotidien urbanisé dont dépend la survie de chacun. Ce sont souvent des services publics et cela n’est pas sans conséquences sur les représentations politiques collectives.

 

Ensuite, le peuple c’est le sujet d’une dynamique spécifique : celle du passage aux 7 milliards d’êtres humains connectés comme jamais dans l’histoire humaine. L’histoire nous enseigne qu’à chaque fois que l’humanité double en nombre, elle franchit un seuil technique et civilisationnel. Mais comme on a le nez dessus, on ne le voit pas. Je suis moi-même né dans un monde où il n’y avait que 2 milliards d’êtres humains. La population a donc triplé en une génération alors qu’il avait fallu 200 ou 300 000 ans pour atteindre en 1800 le premier milliard. Un nouveau seuil a bel et bien été franchi. Il se constate de mille et une manières. Mais l’une d’entre elles est décisive : le niveau de prédation atteint un point où l’écosystème va être détruit. Émerge donc un intérêt général humain qui sera le fondement idéologique de l’existence du peuple comme sujet politique. Le peuple va ensuite se définir par son aspiration constante, son besoin de maîtriser les réseaux par lesquels il se construit lui-même : réseaux de santé, réseaux d’écoles, etc. Le moteur de la révolution citoyenne se situe dans le croisement de ces dynamiques. Il est au cœur de la doctrine de L’ère du peuple.

Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »

- LVSL : Emmanuel Macron a déclaré que « le lien entre l’Église et l’État [s’était] abîmé, [qu’] il nous [incombait] de le réparer » et que « la laïcité n’a pas pour fonction de nier le spirituel au nom du temporel, ni de déraciner de nos sociétés la part sacrée qui nourrit tant de nos concitoyens ». Que pensez-vous de ces déclarations inhabituelles pour un chef d’État français ?
Jean-Luc Mélenchon :  Le but de la démarche de M. Macron est d’abord politicien : récupérer les votes de la droite catholique. Néanmoins, il le fait à un prix qui engage nos principes fondamentaux. Il oublie qu’il est le président d’une République qui a sa propre histoire. Lorsqu’il dit que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé et qu’il faut le réparer, la direction de la main tendue est claire.  Il y a un malentendu : le lien n’a pas été abîmé; il a été rompu, volontairement en 1905 ! C’est un acte historique. Il ne peut pas être question de le réparer. L’actualité de la lutte contre l’irruption de la religion en politique dans le monde entier l’interdit. Plus que jamais, la religion et les Églises doivent être à distance de l’État et en être clairement séparées. Plus que jamais notre adage doit être : les Églises chez elles, l’État chez lui.

 

Au demeurant, la République et la citoyenneté ne relèvent pas du même registre que celui de la foi et de la pratique religieuse. La religion est par principe close. Le dogme la clôture. À l’inverse, la République est par principe ouverte. Elle procède de la délibération argumentée. Elle ne prétend à aucun moment être parvenue à une vérité. Cela même est remis en cause par les dogmatismes religieux. Dans l’encyclique de 1906, qui condamne le suffrage universel, il est clairement énoncé que celui-ci est peccamineux en ceci qu’il affirme contenir une norme indifférente aux prescriptions de Dieu.

 

La réversibilité de la loi et son évolution au fil des votes montrent ce que les Églises combattent : la souveraineté de la volonté générale, le mouvement raisonné, l’esprit humain comme siège de la vérité et le caractère provisoire de celle-ci. Les Églises incarnent de leur côté l’invariance. On le voit par exemple quand elles rabâchent les mêmes consignes alimentaires issues du Moyen-Orient, ne varietur, depuis des siècles, et mises en œuvre sous toutes les latitudes. En République, on ne cantonne en dehors du changement qu’un certain nombre de principes simples, proclamés universels. Ce sont les droits de l’Homme. Ils portent en eux-mêmes une logique. Les droits de l’être humain sont ainsi non-négociables et supérieurs à tous les autres, ce qui expulse donc un acteur de la scène de la décision : une vérité révélée contradictoire aux droits de l’être humain ainsi établis.

 

« Ces propos d’Emmanuel Macron sont donc contre-républicains »

 

Dès lors, ils soumettent en quelque sorte la mise en pratique de la religion à un examen préalable que celle-ci ne peut accepter. Dans ces conditions, ni l’État ni la religion n’ont intérêt à la confusion des genres. Les Églises ne peuvent renoncer à leurs prétentions puisqu’elles affirment agir sur une injonction divine. On doit donc ne jamais abaisser sa vigilance pour prévenir leur tendance spontanée à l’abus de pouvoir.

 

Le lien ne doit donc pas être reconstruit. J’ajouterai qu’il y a quelque chose de suspect à réclamer la reconstruction de ce lien précisément avec les hiérarques catholiques. Cette centralité du catholicisme dans la préoccupation macronienne est malsaine. Le président tiendrait-il le même discours devant une assemblée de juifs, de musulmans, ou de bouddhistes ? Je suppose que dans certains cas on éclaterait de rire, pour d’autres, on aurait peur, et pour d’aucuns on considérerait qu’il nous met à la merci des sectes.

 

« La laïcité de 1905 est l’aboutissement de trois siècles de guerre civile ouverte ou larvée. »

 

Fondamentalement, ces propos de Macron sont donc contre-républicains. Et ce n’est pas seulement le cas parce qu’il revient sur cet élément fondamental de la loi républicaine qu’est la séparation actée en 1905. C’est parce qu’il ignore l’histoire qui a rendu nécessaire la loi de 1905. L’histoire est une matière vivante et actuelle. L’histoire n’est pas un passé. C’est toujours un présent dans la vie d’une nation issue des ondes longues du temps. Car la compréhension des motifs qui aboutissent à la séparation des églises et de l’Etat commence bien avant 1905. On y trouvera des racines dans l’action de Philippe le Bel contre les prétentions du pape Boniface VIII à commander au temporel puisqu’il affirmait commander au spirituel. Plus ouvertement, après le retour des lumières antiques à la Renaissance, et jusqu’à la grande Révolution de 1789, la laïcité de l’Etat cherche son chemin. Mais elle ne s’oppose pas à des idées dans un colloque studieux. Elle affronte sans cesse une mobilisation armée et féroce de la part de l’ennemi. L’Eglise a fait valoir ses prétentions dans les fourgons de l’envahisseur depuis Clovis ! L’Église catholique a attendu 1920 pour reconnaître la République ! En 1906 elle condamne encore le suffrage universel. Face au dogmatisme religieux nous nous sommes continuellement opposés à des forces bien matérielles. La laïcité de 1905 est l’aboutissement de trois siècles de guerre civile ouverte ou larvée. Revenir sur ce point, si peu que ce soit, c’est revenir sur la République elle-même. Car celle-ci n’est possible comme chose commune que si les citoyens ne sont pas assignés à d’autres communautés incompatibles entre elles comme le sont celles d’essence religieuse. Or, c’est ce que fait le chef de l’État. Tout au long de son discours, il développe l’idée que l’identité d’une personne humaine serait enracinée dans sa foi et dans une forme particulière de spiritualité.

 

 

- LVSL : Quelles sont d’après vous les motivations d’un tel discours ?

Jean-Luc Mélenchon :  Je ne suis pas dupe de la manœuvre. Il s’agit pour lui d’endosser les habits du chef des conservateurs dans notre pays. Sa politique est celle d’un libéral exalté, mais il a compris qu’aussi longtemps qu’il la vendra dans les habits de la start-up, il ne peut s’appuyer que sur une minorité sociale très étroite. D’autant plus que, dans les start-ups, tout le monde n’est pas aussi cupide qu’il le croit ! Il va essayer de séduire, comme il le fait depuis le début, un segment réactionnaire très large. Après les injures gratuites contre les « fainéants », les « cyniques » et les « riens » voici le moment des travaux pratiques : les jeunes gens qui occupent les facs seraient des bons à rien et on les déloge comme des voyous. Même chose pour Notre-Dame-des-Landes, et ainsi de suite. De la même façon, la criminalisation de l’action syndicale va bon train. Il tente à présent une démarche qui va l’identifier à une certaine France catholique conservatrice. Pas sûr que celle-ci soit dupe de la manœuvre.


Quelle est la force de l’ancrage d’un tel raisonnement ? C’est qu’il postule aussi une certaine idée de l’être humain. Macron cite Emmanuel Mounier, le théoricien du « personnalisme communautaire ». Nous sommes pour notre part les tenants du personnalisme républicain. Nous adoptons le concept de personne comme sujet de son histoire. Une entité ouverte qui se construit au fil d’une vie et qui n’est pas seulement une addition d’ayant-droits de différents guichets de l’existence en société. Pour nous, on peut se construire en s’assemblant pleinement dans l’adhésion à l’idéal républicain, qui met au premier plan la pratique de l’altruisme et, plus généralement, l’objectif des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. À l’inverse, dans le personnalisme communautaire de Mounier, la personne trouve son liant dans la foi qui fonde sa communauté. Ce n’est pas là que spéculation abstraite. Je ne perds pas de vue de quoi on parle depuis le début. La vision macronienne assume de moquer la réalité d’une « religion » républicaine. C’est là une autre façon de nier le droit de l’universel à s’imposer comme norme. C’est-à-dire de ce qu’est le fait d’être un humain qui se joint aux autres grâce à une conduite alignée sur des lignes d’horizon universaliste. La condescendance de Macron pour la « religion républicaine » est significative de son incompréhension personnelle de l’idéal républicain comme vecteur du rassemblement humain. Elle peut aussi signaler son indifférence pour la force de la discussion argumentée libre des vérités révélées comme fondement de la communauté humaine. Après tout, pour lui, la loi du marché n’est-elle pas déjà plus forte que tout interventionnisme politique ? Les idéologies mercantile et religieuse relèvent toutes deux de l’affirmation sans preuve ni débat possible.

 

« Les républicains, en matière de morale individuelle, ne prescrivent pas de comportements. Sinon le respect de la loi. Et la Vertu comme code d’action personnel. »

 

Le dogme interdit au rassemblement de la communauté humaine d’être libre. On ne peut pas en discuter. On l’accepte ou on le subit. Parfois de force chaque fois que les églises en ont les moyens. C’est la raison pour laquelle elles ne peuvent avoir de place dans la décision publique. Mais attention ! On ne saurait confondre honnêtement la mise à distance et l’interdiction ou le mépris. Dans la sphère publique les églises n’ont jamais été interdites de parole ni même de campagne d’influence. Inutile de faire semblant de le croire pour en tirer des conclusions anti-laïques. Pour nous, républicains, la consigne religieuse est à jamais du domaine de la sphère privée et intime. Elle relève du débat singulier de l’individu avec lui-même au moment où il prend une décision. Vous pouvez évidemment être convaincu en tant que croyant qu’il faut faire ceci ou cela, ou même qu’il faut voter de telle ou telle manière. Cela est licite. Mais une prescription religieuse ne peut pas devenir une obligation pour les autres si la loi établit sur le même sujet une liberté d’appréciation individuelle. Car les républicains, en matière de morale individuelle, ne prescrivent pas de comportements. Sinon le respect de la loi. Et la Vertu comme code d’action personnel. Quand nous instaurons le droit à l’avortement, nous n’avons jamais dit qui devait avorter et pour quelles raisons. Cela relève de la liberté d’appréciation individuelle de la personne concernée. Du point de vue de ses convictions religieuses, une personne peut bien sûr décider de ne pas avorter. Mais pour quelles raisons l’interdirait-elle aux autres ? Il en va de même pour le suicide assisté. Il n’a jamais été question de dire aux gens quand ils devraient se suicider ! Mais s’ils veulent le faire en étant assisté, alors ils en ont la possibilité. Le dogme au contraire, et par essence, réprime ceux qui ne l’admettent pas. Dans l’usage de la liberté, la « religion républicaine » ne propose que la Vertu comme mobile.

Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »
« On entre dans des logiques de négociation absurde avec l’Église sur la base de ses dogmes révélés. Il ne peut s’agir alors que d’une logique de concessions qui lui permettrait de les imposer à toute la société. »

 

Il y a donc un double abus de langage dans l’attitude de Macron. D’abord, celui qui consiste à essayer de faire croire que reconnaître la globalité d’une personne humaine à travers les ingrédients qui la font – dont sa foi – serait contradictoire à la laïcisation de l’espace public. La seconde, c’est de faire croire que nous serions des gens prescrivant par principe des comportements contraires à ceux préconisés par la religion. Les seules injonctions que nous formulons interviennent en cas de trouble à l’ordre public. Ce genre de limite de la liberté est commune. Aucune liberté n’est totale en société républicaine, sauf la liberté de conscience. Toutes les autres libertés sont encadrées donc limitées. Donc vous pensez ce que vous voulez, mais cela ne doit pas vous conduire à poser des actes illégaux. Point final. Dès que l’on sort de cela, on entre dans des logiques de négociation absurde avec l’Église sur la base de ses dogmes révélés. Il ne peut s’agir alors que d’une logique de concessions qui lui permettrait de les imposer à toute la société. La religion en politique est toujours un vecteur d’autoritarisme et de limitation des libertés individuelles.

 

 

- LVSL : La laïcité renvoie à l’idée assez jacobine d’indivisibilité du peuple français et de séparation du religieux et du politique. Quelle est la place de la laïcité dans votre projet ? Doit-on craindre un retour du religieux en politique ?
Jean-Luc Mélenchon : Cette menace est intense. Pourtant, cela paraît contradictoire avec la sécularisation des consciences que l’on constate et qui ne se dément nullement. Pour autant le fait religieux n’est pas près de disparaître. L’adhésion aux religions repose pour partie sur la tradition. Il en est ainsi parce que la société nous préexiste, que notre famille nous préexiste. On vous enseigne des valeurs, et pour vous mettre en rapport avec les autres, vous devez passer d’abord par ces valeurs. C’est comme cela que s’opère la socialisation des jeunes individus. Le processus d’individuation du jeune se réalise dans l’apprentissage des codes de la relation aux autres. Nous n’avons pas des générations d’anarchistes dans les berceaux. Au contraire, on a des générations qui sont avides de socialisation et donc d’un conformisme enthousiaste.


Et au quotidien les comportements sont-ils débarrassés de métaphysique et même de superstition ? Bien sûr que non ! Je m’amuse d’observer que plus les objets ont un mode d’emploi et un contenu qui échappent à la compréhension de celui qui les utilise, plus la pensée métaphysique fonctionne. On a une relation plus saine et normale à un marteau et un clou qu’à un ordinateur parce que personne ne sait comment ce dernier fonctionne. C’est la raison pour laquelle vous insultez vos ordinateurs, vous leur parlez comme à des personnes, ce qui ne vous vient pas à l’esprit quand vous maniez un marteau. Il est plaisant de noter comment le mode d’emploi des objets contemporains renvoie souvent les individus dans une sphère de moins en moins réaliste. Ne croyez pas qu’au XXIème siècle, entourés d’objets très techniques, l’aptitude à la métaphysique et aux illusions de la magie aurait disparu. Cela peut être aussi tout le contraire. Je le dis pour rappeler que l’appétit de religion ne surgit pas du néant. Il y a un terreau duquel à tout moment, peut surgir une métaphysique qui s’empare de l’anxiété que provoque l’ignorance. Elle procure le seul aliment qui compte pour l’esprit : une explication. Le cerveau humain ne peut pas accepter le manque d’explications parce qu’il est construit pour assurer notre survie. Pour survivre, il faut comprendre, et il faut nommer. Il y a donc une matrice profonde à la capacité des religions à prospérer comme explication globale du monde et de ses énigmes insolubles. Pas seulement à propos des causes de la perversité des objets très sophistiqués que l’on insulte mais surtout, comme on le sait, en réponse à d’autres réalités autrement sidérantes comme la mort et l’injustice du hasard.

 

« Les républicains, en matière de morale individuelle, ne prescrivent pas de comportements. Sinon le respect de la loi. Et la Vertu comme code d’action personnel. »

 

Mais dans le champ politique les religions sont surtout d’habiles prétextes. On l’a vu avec la théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington. Elle repose entièrement sur l’idée que les cultures cloisonnent les êtres humains, et que les cultures sont elles-mêmes enracinées dans les religions. C’est sur cette base qu’est construite cette théorie qui aujourd’hui domine toute la pensée politique des stratèges et géopoliticiens de l’OTAN. Pour eux, quand on parle d’Occident, on ne parle en réalité que de Chrétienté. Voyez comment la religion est un prétexte entre Perses iraniens et Arabes des Emirats ! Chiites contre sunnites ? Tout cela pour habiller la lutte à mort pour l’influence régionale et la maîtrise d’une zone où se trouve 42% du gaz et 47 % du pétrole mondiaux… Les guerres impériales et les guerres régionales ont intériorisé le discours religieux pour se justifier sur un autre terrain que celui des intérêts matériels qui les animent. La surcharge religieuse facilite le conflit et permet de rendre irréconciliables les combattants qui s’affrontent. Vous voyez bien que nous ne sommes pas dans une thèse abstraite concernant la place des religions dans les conflits. Les êtres humains étant des êtres de culture, pour les pousser à s’entretuer, il faut leur trouver de bonnes raisons de le faire sans transiger. La religion en est une particulièrement commode.


En toute hypothèse, les religions n’ont relâché leur effort de conquête nulle part. Je vois bien évidemment qu’il y a des évolutions. En ce qui concerne les catholiques, je préfère l’encyclique « Laudato si » à ce que pouvait dire le Pape précédent. Dans cette vision du christianisme, les êtres humains sont coresponsables de l’achèvement de la création puisque le Pape François a fait référence dans son texte à Teilhard de Chardin. L’exigence écologique et sociale des catholiques prend alors une signification qui vient en renfort de notre combat. Il n’en demeure pas moins que l’Église catholique n’a pas lâché un demi-millimètre dans toute l’Amérique latine sur des sujets aussi fondamentaux que le droit à l’avortement – sans parler des droits des homosexuels et du suicide assisté. Alors que les révolutions démocratiques durent depuis dix à vingt ans en Amérique latine, pas un de ces pays n’a autorisé le droit à l’avortement tant l’intimidation est grande ! Seul l’Uruguay est un petit peu plus avancé sur ce plan là.


En quelques mots je veux résumer le raisonnement qui établit pourquoi la laïcité est consubstantielle au projet que porte « La France insoumise ». Car notre vision a une cohérence forte. S’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine, il y a donc un intérêt général humain. La tâche du groupe humain est de formuler cet intérêt général.  Pour cela, il faut une délibération libre. Pour que la délibération soit libre, il faut que l’homme ne domine pas la femme, que le patron ne domine pas l’ouvrier, au moment de prendre la décision et que la religion n’interdise pas d’en discuter ou prédétermine le sens de la décision qui sera prise. Pour que la délibération permette d’accéder à la compréhension de l’intérêt général, il faut donc que la société politique soit laïque et que l’État le soit. La laïcité n’est pas un supplément. C’est une condition initiale. La séparation des Églises et de l’État c’est la condition pour que soit possible un débat argumenté. Et le débat argumenté est la condition pour déterminer l’intérêt général. Ces propos peuvent vous paraître d’une banalité absolue. Mais ils tranchent avec les réflexes de notre famille idéologique. Dans les années 1970, quand l’intérêt général était invoqué, on entendait immédiatement la réplique : “intérêt général, intérêt du capital”. Cela voulait dire que ce concept était une construction de l’idéologie dominante. C’est évidemment une construction idéologique, cela va de soi, mais elle se présente désormais dans des conditions tout à fait différentes de la façon d’il y a trente ou quarante ans de cela. L’intérêt du capital ne peut jamais être l’intérêt général à notre époque. Il en est l’adversaire le plus complet. Le capital est intrinsèquement court-termiste et singulier. L’harmonie avec les cycles de la nature est nécessairement inscrite dans le long terme et le cas général.

- LVSL : Lorsque des individus sont aptes à incarner le pouvoir et la dignité de la fonction suprême, on a pris l’habitude de parler « d’hommes d’État ». Lors du premier grand débat de la présidentielle, beaucoup d’observateurs ont noté que vous sembliez être le plus présidentiable et ont évoqué votre posture gaullienne. De même, votre hommage à Arnaud Beltrame a été largement salué. Qu’est-ce qu’implique le fait de « rentrer dans les habits », lorsqu’on aspire à la conquête du pouvoir et que l’on souhaite devenir une option crédible ? N’est-on pas aujourd’hui face à un vide de l’incarnation ?

 

Jean-Luc Mélenchon : J’espère que j’ai contribué à le remplir. Parce que ma campagne de 2017, davantage encore que celle de 2012, a mis en scène un personnage en adéquation avec un programme. J’ai toujours eu des discussions sur cet aspect avec mes camarades d’autres pays, je n’y suis donc pas allé à reculons. C’est ce que j’avais dit à mes amis italiens : ou bien vous assumez la fonction tribunicienne et vous montez sur la table pour incarner votre programme, ou bien cette fonction incontournable sera incarnée par d’autres. C’est ce qui s’est passé l’année où le Mouvement Cinq Étoiles de Beppe Grillo a envoyé aux pelotes la coalition qui s’était construite autour de Rifondazione comunista. Cela a été une catastrophe et j’en ai aussi tiré les leçons.

 

« Il y a un égalitarisme spontané du peuple français, dont la racine profonde est la grande Révolution de 1789, qui est d’abord une révolution de liberté. »

La question de “l’incarnation” est d’ordre métaphysique. Je l’aborde avec sang-froid. Je crois à ce que je dis et à ce que je fais. Si vous constatez une “incarnation”, c’est un résultat, pas un rôle. Vous ne vous levez pas le matin en mettant les habits d’un personnage comme vous avez enfilé votre pyjama le soir. C’est le programme qui produit l’incarnation s’il arrive à son heure dans le moment politique de la prise de conscience populaire. Je crois connaître le peuple français, notamment les fondamentaux de son histoire et l’essentiel de son territoire que j’ai parcouru dans tous les sens et dans bien des recoins. Le peuple français, c’est le peuple politique du continent. Il use d’expressions uniques qui traduisent son esprit égalitaire. Voyez comment on reproche un comportement à quelqu’un : “si tout le monde faisait comme vous…”. C’est une façon de dire : ce qui est bien, c’est ce que tout le monde peut faire.


Il y a un égalitarisme spontané du peuple français, dont la racine profonde est la grande Révolution de 1789, qui est d’abord une révolution de liberté. Les gens étaient persuadés que ce serait en votant qu’ils régleraient le problème. Ils voulaient même élire leurs curés à un moment donné ! Et ils se sont substitués à l’État monarchique écroulé. Jusqu’au point de vouloir fédérer ces prises de pouvoir dans une “fête de la fédération” un an après la prise de la Bastille. Le contenu de la Révolution de 1789 a produit une dynamique qui permet de comprendre comment un personnage à première vue aussi éloigné de la forme de la Révolution l’a autant et aussi fortement incarnée que Maximilien Robespierre.

Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »

Lorsqu’on comprend cela, on comprend la substance de l’action politique. Quel est l’enjeu de la politique ? On peut le chercher chez celui-là même que l’on m’oppose parfois si stupidement : Marx, dans le “catéchisme” de la Ligue des justes, le premier texte qu’il a signé. Première question : qu’est-ce que le communisme ? Réponse : ni les soviets, ni le développement des forces productives, mais “l’enseignement des conditions de la libération du prolétariat”. C’est un fait radicalement subjectif qui est mis en avant. De même, dans L’idéologie allemande : “le communisme est le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses, (les contradictions du système) et sa conscience.” La conscience, dans la formule marxiste, pèse du même poids que le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. Et vous avez cette phrase définitive de Marx : “le prolétariat sera révolutionnaire ou il ne sera rien”. Comment cela rien ?


On croyait alors qu’il était défini par sa place dans les rapports de production. Mais en réalité, il était défini dans le marxisme initial par son rapport culturel à lui-même ! C’est pourquoi le marxisme distingue l’en-soi du pour-soi, et entre les deux se trouve la place du politique, ce qui fait de la conscience l’enjeu principal de l’action politique en vue de la conquête du pouvoir. La stratégie de L’ère du peuple est donc dans une continuité philosophique et politique. La construction de cette conscience nécessite une prise en compte de la globalité de la condition humaine de ceux à qui l’on s’adresse.


Je dis cela pour la masse de ces discours qui n’ont aucun lien avec le quotidien des gens, et notamment avec l’idée morale qu’ils se font de leur dignité et de leur rapport aux autres. Dans L’ère du peuple, il y a un chapitre sur la morale comme facteur d’unification et de motivation d’action sociale. En ce qui nous concerne, nous avons définitivement épousé l’idée que les êtres humains sont des êtres de culture et c’est d’ailleurs à cause de cela qu’ils sont des êtres sociaux.

 

 

- LVSL : Revenons à votre stratégie. Vous avez réalisé des scores très importants chez les jeunes au premier tour de l’élection présidentielle, notamment chez les primo-votants, avec 30% chez les 18-24 ans. Néanmoins, vous n’avez enregistré aucun gain chez les seniors, qui pèsent énormément dans le corps électoral effectif et ont largement voté pour Macron et Fillon. Les clivages politiques semblent devenir de plus en plus des clivages générationnels. Pourquoi votre discours a-t-il autant de mal à toucher les plus âgés ? Les baby-boomers se sont-ils embourgeoisés et sont-ils devenus irrémédiablement néolibéraux ?
Jean-Luc Mélenchon : Mes discours passent plus difficilement chez les seniors pour les mêmes raisons qu’ils passent plus facilement dans la jeune génération. La jeune génération a une conscience collectiviste écologiste extrêmement forte, en dépit des reproches qu’on lui fait sur l’égoïsme qu’elle semble exprimer. La conscience de la limite atteinte pour l’écosystème, du gâchis, de l’asservissement que provoque une société qui transforme tout en marché est très avancée. Nous atteignons, dans la jeune génération, la limite d’une vague qui a d’abord submergé les jeunesses précédentes.

 

« Mai 68, on ne montre que des personnages aussi ambigus et conformistes que Romain Goupil ou Daniel Cohn-Bendit. C’est une génération de gens qui n’ont jamais été autre chose que des libéraux-libertaires, petits bourgeois confits d’un égoïsme hédoniste sans borne, et sans danger pour le système. Ils sont restés conformes à ce qu’ils étaient. »

J’ai connu celle des années 1990 où l’idéal dominant, c’était le trader qui a réussi son opération. J’ai toujours fait des conférences dans les grandes écoles. J’y aperçois les enfants des classes socio-professionnelles supérieures. Cela me permet de voir comment les enfants de cette classe sociale, qui aimante la société, évoluent. À travers leurs enfants, on peut identifier ce qui sera rejeté ou pas ensuite. Dans les années 90, à la fin d’une conférence, il y avait deux ou trois mohicans qui venaient me voir pour me dire qu’ils étaient de mon bord. Ils le faisaient en cachette et tout rouges. Maintenant, dans le moindre amphithéâtre, il y a 20% ou 30% qui se déclarent de notre côté. Ce qui m’intéresse en particulier, c’est que les autres, ceux qui ne sont pas de mon avis, sont en désaccord avec mes conclusions mais s’accordent avec mon diagnostic. Il y a eu là la construction d’une conscience collective nouvelle. Cette génération est consciente de la rupture que cela exige. Elle l’aborde avec plus d’enthousiasme parce qu’elle sent que, par sa qualification, ses connaissances, elle est capable de répondre aux défis du monde.

 

En ce qui concerne les plus âgés, c’est le moment de disperser les illusions sur Mai 68. Les leaders qui sont mis en exergue aujourd’hui n’ont jamais cessé d’être des commensaux du système. Or, il ne faut pas perdre de vue que Mai 68, c’est d’abord une grande révolution ouvrière. C’est 10 millions de travailleurs qui se mettent en grève. Pourtant ils sont éjectés du tableau, comme s’ils n’existaient pas. Et dans la célébration, ou la commémoration de Mai 68, on ne montre que des personnages aussi ambigus et conformistes que Romain Goupil ou Daniel Cohn-Bendit. C’est une génération de gens qui n’ont jamais été autre chose que des libéraux-libertaires, petits bourgeois confits d’un égoïsme hédoniste sans borne, et sans danger pour le système. Ils sont restés conformes à ce qu’ils étaient. Dans la représentation de Mai 68, les médias se régalent de leurs prestations qui permettent d’effacer la réalité de classe de 68. Ils aiment montrer que la lame est définitivement émoussée. La preuve ? Leurs héros de pacotille s’en amusent eux-mêmes. Goupil ne supporte plus les militants, Cohn-Bendit les vomit…

 

Ce qui doit nous intéresser, c’est justement de regarder comment les vainqueurs de cette histoire en ont profité pour faire croire qu’on peut “transformer le système de l’intérieur”. “Après tout, disent-ils, on peut en tirer des avantages. Ce ne serait pas la peine de tout brutaliser”. Comment le nier ? Mais c’est avaler avec chaque bouchée l’addiction au repas tout entier. Un énorme matériel propagandiste s’est mis en mouvement contre tout ce qui est révolutionnaire. Du socialisme, on a fait une diablerie où Staline est inscrit dans Robespierre. La propagande s’est acharnée à disqualifier à la fois l’intervention populaire et son histoire particulière dans la Révolution.

« Les révolutions ne sont jamais de purs parcours idéologiques. Ce sont toujours les résultats de principes auto-organisateurs à l’œuvre dans une situation. »

En France, où se situe son modèle initial, les porte-plumes du système ont accompli un travail considérable dans ce sens, avec François Furet par exemple. Cela s’est traduit méthodiquement par des opérations d’appareils comme L’Obs et les autres organes de cette mouvance. Ils ont répandu cette disqualification du fait révolutionnaire au sein des classes moyennes sachantes qui font l’opinion et déterminent les modes de vie sur lesquels essaient de se caler la classe ouvrière et les contremaîtres, c’est-à-dire ceux qui sont la catégorie juste d’avant. De ce fait, les générations de l’échec de 68 puis du programme commun ont été pétries à pleines mains dans ces registres.

 

Il est alors normal que les seniors entendent moins mon discours. Il y a le poids de l’âge. On est plus conservateur en vieillissant. On s’aperçoit des vanités de l’existence qui vous agitaient quand vous étiez plus jeune. Les seniors se disent que le changement que nous proposons n’est pas possible, qu’il est trop compliqué. Prenez n’importe quel jeune d’une école d’ingénieur, il sait que c’est facile de fermer les centrales nucléaires et de les remplacer par des énergies renouvelables. Cela prendra 4, 5, 10 ans. 4, 5, 10 ans, quand vous avez 70 ans, c’est beaucoup. On se demande entre-temps si on aura de l’électricité. On me dit : “Mais Monsieur Mélenchon, vous n’allez tout de même pas sortir du nucléaire en appuyant sur un bouton ?” Dans la génération senior, une majorité trouve la tâche politique d’un niveau trop élevé. Ce qui est rassurant cependant, c’est que la tâche révolutionnaire ne résulte jamais d’un acte idéologique mais d’une nécessité qui résulte des circonstances. C’est cela notre force.

 

Les révolutions ne sont jamais de purs parcours idéologiques. Ce sont toujours les résultats de principes auto-organisateurs à l’œuvre dans une situation. Furet affirmait que la révolution aurait dérapé à cause d’idéologues exagérés. En étudiant les lettres qui viennent des élus des États généraux, Timothy Tackett a montré que les révolutionnaires ne sont pas des enragés mais des notables motivés mais perplexes. Ils font face à des situations qui les dépassent et apportent des réponses révolutionnaires parce qu’ils ne voient pas quoi faire d’autre. Leurs répliques sont juste celles qui leur paraissent adaptées aux circonstances. La seule chose qui est idéologiquement constante et qui traverse les bancs de l’assemblée, c’est l’anticléricalisme. Mais Timothy Tackett montre comment les gens ont répondu à des circonstances, qui, en s’enchaînant, ont détruit peu à peu tout l’ordre ancien.

 

« La guerre civile va défigurer la révolution de 1917 de la même manière que la guerre contre toute l’Europe a défiguré la Révolution de 1789 et a mené à la victoire de Bonaparte plutôt qu’à celle de Robespierre. »

L’ordre nouveau qui découle de cet écroulement ne s’appuie pas sur une idéologie mais sur la nécessité de répondre à la situation de tous les jours. Par exemple, en réplique populaire à la Grande Peur en 1789, se créent des milices pour se protéger des brigands. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de brigands, et une fois que la garde nationale est constituée, les miliciens ne rendent pas les armes et se donnent des missions. Les processus révolutionnaires enracinés partent toujours des préoccupations qui répondent à des circonstances qui sont insurmontables autrement que par des méthodes révolutionnaires. C’est le cas de la révolution de 1917 : il était impossible de changer le cours des évènements tant que l’on n’arrêtait pas la guerre. C’est en tout cas pour cela que s’écroulent les gouvernements successifs. Après, cela devient autre chose : la guerre civile va défigurer la révolution de 1917 de la même manière que la guerre contre toute l’Europe a défiguré la Révolution de 1789 et a mené à la victoire de Bonaparte plutôt qu’à celle de Robespierre.

 

Revenons au point de départ, à la question des générations et au fait d’aller chercher les seniors. Je pense plutôt que ce sont eux qui vont nous trouver tout seuls. Cela a d’ailleurs commencé. Regardez les opinions positives constatées par sondage : pour la première fois, nous passons devant la République en Marche (LREM) chez les retraités, dans la dernière enquête. Dans toutes les catégories, la France Insoumise est deuxième, sauf une pour laquelle ils restent devant nous, à savoir les professions libérales, et une pour laquelle nous sommes devant eux, à savoir justement les retraités.

 

 

- LVSL : Un des problèmes récurrents des forces qui veulent changer radicalement la société, c’est la peur du “saut dans l’inconnu” pour une part non négligeable des électeurs. Comment comptez-vous affronter ce déficit de crédibilité, qu’il soit réel ou qu’il s’agisse d’un fantasme ? Comment faire en sorte que les Français n’aient aucune difficulté à imaginer un gouvernement insoumis, et comment passer du moment destituant, celui du dégagisme, au moment instituant ?
Jean-Luc Mélenchon : J’en traite justement dans un récent post de blog, dans lequel je commente l’actualité, en fonction des phases connues du mouvement révolutionnaire « populiste », la phase destituante et la phase instituante sont liées par un mouvement commun. On rejette en s’appropriant autre chose et vice versa. Il ne faut jamais oublier le contexte. Nous sommes dans un moment de déchirement de la société.

 

Nous offrons un point de rassemblement. La France Insoumise est le mouvement de la révolution citoyenne. C’est-à-dire de la réappropriation de tout ce qui fait la vie en commun. Il englobe des catégories qui ne sont pas toujours dans des dynamiques convergentes. Elles sont même parfois contradictoires. La fédération des catégories sociales, d’âge et de lieu se fait par leurs demandes respectives. Il y a besoin d’une coïncidence des luttes avant d’avoir une convergence de celles-ci. Chacune a sa logique. On vient d’évoquer les seniors : l’augmentation de la CSG les rapproche d’autres catégories. Rien à voir avec l’attrait de mon image. Le programme d’un côté, et la capacité du groupe parlementaire à le mettre en scène de l’autre, voilà de solides repères pour l’opinion qui observe et se cherche.

« Si je deviens moins franc du collier, je sors de la stratégie de la conflictualité qui est la seule capable de produire de la conscience, de l’action, de la confiance et du regroupement. »

Alors, qu’est-ce qui va rassurer ? La perception de notre détermination. Pourquoi les gens seraient-ils attirés par Monsieur Macron, qui sème un désordre indescriptible dans tout le pays et qui raconte des choses insupportables sur la laïcité et ainsi de suite ? La France Insoumise, elle, sait où elle va. Nous défendons l’idée qu’il y a un intérêt général et que la loi doit être plus forte que le contrat. Il y a des gens que ça rassure, à proportion du fait qu’ils se détournent des autres. Ça ne se fait pas tout seul. Je ne cherche pas à devenir de plus en plus rassurant pour rassembler autour de moi. Si je le faisais, je renoncerais au ciment qui unit notre base entre l’aile la plus radicale et l’aile la plus modérée.

 

« La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala. »

On me reproche d’être clivant ? Mon score n’en serait-il pas plutôt le résultat ? Il faut abandonner l’illusion communicationnelle. Avoir le bon slogan et le bon message ne réconciliera pas tout le monde. Pour réconcilier tout le monde, il faudrait baisser d’un ton ? Je ne le ferai pas. Je compte davantage sur l’obligation de la prise de conscience de devoir sauter l’obstacle de la routine et de la résignation. Et si je deviens moins franc du collier, je sors de la stratégie de la conflictualité qui est la seule capable de produire de la conscience, de l’action, de la confiance et du regroupement. La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala.

 

 

- LVSL : Mitterrand s’est confronté aux mêmes types de problématiques pour accéder au pouvoir en 1981…
Jean-Luc Mélenchon : 1981, ce n’est pas la révolution. La société n’est pas déchirée, et François Mitterrand n’est pas lui-même un révolutionnaire. Toutes les composantes du programme commun ont pensé qu’elles allaient changer les choses par le haut. La “force tranquille”, c’est un slogan à la fin de la campagne. Il y a maintenant un mythe sur ce sujet. On aurait gagné grâce à un slogan ? Réfléchissez ! Ça n’a aucun sens. On a gagné par 30 ans d’accumulation politique. Le programme commun commence dans la bouche de Waldeck-Rochet en 1956. Cela a pris un temps fou avant d’arriver à construire une base où socialistes et communistes arrivent à se réconcilier et à entraîner le reste de la société ! Et il aura fallu la grève générale de Mai 68 pour brasser la conscience populaire assez profondément.

On ne gagne pas avec des slogans sans ancrages. Les slogans doivent correspondre à des situations. La situation dans laquelle je me trouve aujourd’hui, c’est la nécessité de construire une majorité. Pour cela, elle doit trouver son enracinement social à la faveur d’une élection. Quand la température politique monte, l’information circule très vite, les consciences peuvent faire des choix positifs et négatifs. Il y a des gens qui votent pour moi parce qu’ils ne savent pas pour qui d’autre voter, il y en qui le font parce qu’ils trouvent que ce que je dis est bien et que le programme leur paraît efficace, et puis il y a des gens qui votent pour moi en se disant que voter pour n’importe quel autre n’apportera rien. Pour eux, c’est donc le vote utile.

Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »

Nous avons construit une situation électorale. À l’intérieur de cette situation, nous construisons, à travers le programme, une base sociale de masse pour le changement de fond que nous portons. En 2012, nous avons eu 4 millions de voix. En juin 2016, j’avais dit “à chacun d’en convaincre un autre ! Si on fait 8 millions de voix, on a gagné”. Finalement, nous avons fait 7 millions, et n’avons pas gagné. Mais on a quand même gagné 3 millions d’électeurs ! Puis aux élections législatives, comme en 2012, on en a reperdu la moitié. La moitié de 4 millions, ça n’est pas la moitié de 7 millions. Cette fois-ci, on a obtenu un groupe parlementaire. Cela a permis le franchissement d’un nouveau seuil. Nous avons substitué une image collective, celle du groupe, à une image individuelle, celle du candidat. Et, dorénavant tous azimuts, nous couvrons et influençons de nombreux secteurs de la société. Voilà des acquis formidables de notre action et de notre lutte ! Le point d’appui s’est formidablement élargi.


Maintenant, le pays entre en ébullition sociale et idéologique. Tant mieux ! Parce qu’à l’intérieur de ça, pour la première fois, des milliers de jeunes gens se construisent une conscience politique. On peut voir que c’est la première fois qu’il y a un mouvement dans les facs depuis très longtemps, tout comme dans les lycées. Il y a aussi des milliers et des milliers d’ouvriers qui se mettent en mouvement pour faire la grève, et ce sont les secteurs les plus déshérités de la classe ouvrière qui tiennent le coup le plus longtemps. Par exemple, chez Onet, pendant des mois, les pauvres gens qui nettoient les trains et les voitures, les femmes qui font les chambres dans les hôtels, ont tenu trois mois de grève sans salaire !


On sent donc que dans la profondeur du pays, il y a une éruption. Je ne dis pas que ça va suffire ! Mais rappelez-vous que notre but est de construire un peuple révolutionnaire. Ce n’est pas de construire une fraction d’avant-garde révolutionnaire qui prend le pouvoir par surprise. Cela n’a jamais marché, et les nôtres en sont tous morts à la sortie. Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Construire un peuple révolutionnaire, cela veut dire ne compter que sur la capacité d’organisation qu’il contient et avancer pour qu’il se constitue en majorité politique.

 

« Nous ne sommes pas les psalmodieurs d’un catéchisme auquel devraient se conformer les masses. Nous sommes leurs éclaireurs, parfois leurs déclencheurs, toujours leurs serviteurs. »

 

En ce moment, l’école de la lutte fonctionne à plein régime : si le pouvoir macroniste fait une erreur de trop, le mouvement va s’accélérer. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui dans quel sens il va s’accélérer. De la même manière que je ne peux pas vous dire aujourd’hui ce qui se passera le 5 mai. Est-ce que ce sera un rassemblement de protestation ? Ou est-ce que ce sera le moment qui verra converger une colère terrible du pays ? Je compte qu’il soit la dernière étape avant la formation d’une fédération des luttes qui vienne à l’appel commun des syndicats et des mouvements politiques. C’est ce qu’on appelle une stratégie : un ensemble de tactiques de combat au service d’un objectif.

 

Nous ne sommes pas les psalmodieurs d’un catéchisme auquel devraient se conformer les masses. Nous sommes leurs éclaireurs, parfois leurs déclencheurs, toujours leurs serviteurs. La lutte n’a pas pour objet de cliver à l’intérieur du peuple, c’est l’inverse. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé qu’on tourne la page des tensions au mois de septembre avec la CGT, qu’on tire des leçons de l’épisode précédent. Nous sommes appuyés sur une lutte de masse. Maintenant, son objet est l’enracinement. L’enracinement, cela veut dire l’élargissement. Et pour qu’elle puisse s’élargir, il faut que cette lutte trouve une respiration propre, pas qu’on la lui amène de l’extérieur.

 

Cela signifie, entre autres, que l’objet tactique du commandement politique, c’est de régler les deux questions qui nous ont scotchés la dernière fois, en septembre : la division syndicale et la séparation du syndical et du politique. Quand je dis le syndical, je parle de l’articulation du mouvement social, car celui-ci n’existe pas à l’état brut. Il existe à travers des médiations, que ce soit la lutte Onet, la lutte des femmes de chambre ou la lutte des cheminots, le syndicat aura été l’outil. Toutes ces luttes transitent par une forme d’organisation syndicale pour se structurer. Cela peut aussi parfois créer des tensions à l’intérieur de ce champ, quand la masse a le sentiment que les consignes syndicales ne correspondent pas à son attente.

 

 

- LVSL : La lutte des cheminots de la SNCF semble plus populaire que prévue, y compris, et de façon assez étonnante, chez des Français de droite. Comme s’il s’agissait de lutter contre le fait de “défaire la France et son État”. Quel regard portez-vous sur la mobilisation ? Quel doit être votre rôle dans celle-ci ?
Jean-Luc Mélenchon : Pour nous, il ne s’agit pas de créer un clivage droite-gauche à l’intérieur de la lutte. Cela n’a pas de sens, parce qu’il y a des gens qui votent à droite et qui sont pour la SNCF ou le service public. D’ailleurs, la droite de notre pays n’a pas été tout le temps libérale. Il y a tout un secteur de la droite qui est attaché à d’autres choses et qui entend nos arguments. C’est ce que certains amis de “gauche” ne comprennent pas forcément ou n’ont pas toujours envie d’entendre.

 

Alors, quelle va être notre ligne ? Fédérer le peuple. On ne décroche pas de cette orientation. Mais sa mise en œuvre varie selon les moments et les contextes de conflictualité. Par quoi passe-t-elle aujourd’hui ? Cela peut être par un déclencheur qui va l’embraser dans un mouvement d’enthousiasme, d’insurrection. À d’autres moments cela passe par des combinaisons plus organisées. C’est pourquoi, aujourd’hui, mon emblème, c’est Marseille. Pourquoi Marseille ? Parce qu’il y a un poste de pilotage unifié où la CGT prend l’initiative de réunir tout le monde, où CGT, FSU-Solidaires, UNEF, syndicats lycéens et partis politiques se retrouvent autour de la même table pour faire une marche départementale. Mais il n’y a ni mot d’ordre commun, ni texte d’accord. Chacun sait pourquoi il vient et le dit à sa façon. Là, on voit véritablement ce qu’est un processus fédératif.

 

« Mais il y a aussi un facteur que personne ne prévoit et ne pourra jamais prévoir : c’est l’initiative populaire. Elle peut tout submerger, tout le monde, et tel est mon souhait le plus profond. »

 

Après la destruction du champ politique traditionnel à la présidentielle, le temps est passé où des partis de la gauche, et autres sigles de toutes sortes, lançaient un appel après s’être battus pendant trois heures pour trois mots dans une salle close, et réunissaient moins de monde dans la rue qu’il n’y avait de signataires en bas de l’appel. Je caricature bien sûr, mais tout le monde sait de quoi je parle. Il faut en finir avec cela, nous sommes entrés dans une autre époque. Une époque plus libre pour innover dans les démarches. La formule fédérative marseillaise, c’est peut-être la formule de l’union populaire enfin trouvée. Parce qu’elle est sans précédent. La tactique et la stratégie politique règlent des problèmes concrets.

Mais il y a aussi un facteur que personne ne prévoit et ne pourra jamais prévoir : c’est l’initiative populaire. Elle peut tout submerger, tout le monde, et tel est mon souhait le plus profond. Parce que quand l’initiative populaire submerge les structures, elle n’a pas de temps à perdre. Elle va droit au but et elle frappe à l’endroit où se trouve le nœud des contradictions.

 

Notes :

[1] "L’ère du peuple" : sortie de la version 2016 de poche

[2C'est devenu un lieu commun du commentaire des politologues : dès qu'un mouvement ou un porte parole déroge aux règles du consensus, on le qualifie de populiste.

 

Pour en savoir plus :

- Jean-Luc Mélenchon: de Mai 68 à Mai 2018, "une révolution est une éruption volcanique"

Révolution citoyenne : entretien avec Jean-Luc Mélenchon

- Avril 2023 : Jean-Luc Mélenchon "  un seuil se franchit entre deux étapes caractéristiques des révolutions citoyennes déjà observées dans le monde. "

 

Partager cet article
Repost0
17 septembre 2017 7 17 /09 /septembre /2017 20:07
Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise

@Pierre Laurent : " en plein mouvement contre les #OrdonnancesMacron, l'adversaire c'est macron et le Medef, pas Jean Luc Mélenchon " #faute

 

(Sce : Canard enchainé)

(Sce : Canard enchainé)

Sources : Chroniques du YETI par Pierrick Tillet

-Le secrétaire national du Parti communiste, Pierre Laurent, se lâche
Fête de l’Huma : en s'en prenant à Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent (PCF) rend un service inestimable à celui-ci et à son mouvement.

 

Qu’est-ce qui lui a pris, au secrétaire national du vieux PCF, d’éreinter aussi stupidement le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, absent de la fête à la Courneuve pour cause de déplacement à la Réunion ?

Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise
Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise

Mais certains de ses lieutenants étaient bien présents, à écouter ce discours fort indélicat à leur encontre. Ils s’en émurent, comme quantité d’insoumis sur les réseaux sociaux.

 

Ceux-ci ont pourtant tort de se formaliser. Pierre Laurent, fort probablement à l’insu de son plein gré et plus certainement par excès de dépit, a juste coupé le cordon ombilical entre son vieux monde politique et un nouveau en pleine ébullition.

 

Partant, il aide finalement la force montante insoumise à s’affranchir sans état d’âme des pesanteurs du passé. Il pourrait même avoir dissuadé les derniers accros à la stratégie de l’union (Clémentine Autain)

 

La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !
La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !

La @FranceInsoumise présente en nombre à l'allocution de @plaurent_pcf à la #FetedeLhuma !

-Aller de l’avant sereinement sans regarder sur les bas-côtés

L’union fantasmée des forces de gauche est un leurre éventé. Celle-ci n’interpelle plus guère que les militants fatigués. Elle n’est en rien un gage d’une convergence de l’opinion publique autour d’un projet. comme on a hélas pu le vérifier en 2012 avec feu le Front de gauche.

 

Ce qui se passe actuellement, c’est une recomposition complète du paysage politique, avec « dégagisme » sans pitié des vieilles lunes obsolètes du monde d’avant : LR, EELV, PS, PCF…  Même le FN vient de se prendre un sacré coup sur le nez. Et Besancenot n’est plus qu’une ombre pathétique.

 

Tant pis si les chiens aboient au passage de la caravane. Tant mieux si la meute médiatique gueule à s’en égosiller. C’est juste signe qu’elle sent le danger et panique. Ne reste à ces fantômes qu’à décrocher en répandant leurs aigreurs (Pierre Laurent) ou tenter de raccrocher leur wagonnet à une locomotive qui les dépasse (Hamon le 23 septembre).

 

La France insoumise doit continuer d’aller sereinement de l’avant, sans regarder sur les bas-côtés, encore moins derrière elle.  À la fête de l’Huma, Pierre Laurent vient de lui donner un sacré coup-de main.

 

Pierrick Tillet

 

---------------------------------------------

 

Rassembler OUI ! Mais rassembler quoi ?

Si c'est les partis, c'est NON... si c'est le peuple, c'est OUI !

 

-C'est le type de rassemblements que la France insoumise met en œuvre

Depuis le début de la campagne des élections présidentielles, nous n'avons eu de cesse de tenir le même langage " C'est le peuple que nous voulons rassembler, pas les partis " !

 

Car certains ont tellement la mémoire courte......

Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise

.... qu'ils sont prêts à remettre ça !

Le PS à la fête de l'Huma pour prêcher l'unité http://www.parti-socialiste.fr/parti-socialiste-present-a-fete-de-lhumanite/

Le PS à la fête de l'Huma pour prêcher l'unité http://www.parti-socialiste.fr/parti-socialiste-present-a-fete-de-lhumanite/

Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise

- Il n'y a pas " d'enjeu de pouvoir " pour la France insoumise

Nous sommes au cœur d'une bataille politique sur la conception du rassemblement à mettre en œuvre pour battre politiquement Macron, la droite et l’extrême droite.

 

Contrairement à ce qu'affirme Pierre Laurent, en ayant l'ambition de " RASSEMBLER LE PEUPLE " la France insoumise n'a pas vocation à rassembler le pays derrière J.L. Mélenchon, mais à rassembler une majorité sur un programme en l’occurrence aujourd'hui, L'AVENIR EN COMMUN.

 

Soit rassembler " la gauche " comme le préconisent Laurent, Hamon, Ensemble, le PS, EELV ce qui exclue d'entrée ceux qui ne se retrouvent plus dans " la gauche ", ne votent plus ou votent FN....... ou RASSEMBLER LE PEUPLE dans une démarche transversale et hors parti ce qui vise à intégrer tous les exclus de la politique ou qui ne se retrouvent plus dans les partis traditionnels....... et ils sont des millions ! Environ 40% du corps électoral.

 

La France insoumise est sur cette démarche là depuis 2 ans.... et nous n'en changerons pas n'en déplaise à Laurent, Hamon et les autres !

 

 

-

Et si, finalement, nous prenions ça avec une note d'humour !

Le service rendu par Pierre Laurent à la France insoumise
Partager cet article
Repost0
26 juin 2017 1 26 /06 /juin /2017 20:04
La gauche est morte ? Vive la France Insoumise ?

Nous sortons d’un long cycle politique marqué par la domination hégémonique du parti socialiste. En simplifiant les composantes de la gauche, on peut dire qu’il y a une gauche réformiste et une gauche révolutionnaire. La stratégie d’union de la gauche, que le PCF porte encore, a échoué.

 

Sources : Le blog Médiapart d'Alain Duparquet

- Elle part du présupposé qu’il est impossible pour le courant révolutionnaire d’accéder au pouvoir.

C’est d’ailleurs d’autant plus vrai que le déclin du PCF a rendu totalement inconcevable une victoire communiste à l’élection présidentielle.On élit la social démocratie, car elle seule peut passer au second tour. On cherche à passer le compromis politique le plus haut possible et on espère que l’action syndicale et populaire fera le reste. Penser que le PS pouvait-être le cheval de Troie pour entrer au pouvoir et ensuite et que le « changement » s’impose par la suite petit à petit, pas à pas… Cette stratégie a échoué en 1981, puis en 1998 et encore plus en 2012.  Fondamentalement, la cause de cet échec est d’abord dans l’échec de la social démocratie elle-même. Il n’y a pas de compromis entre les intérêts capitalistes et les intérêts du peuple. Le capital veut toute le politique libérale et rien que le politique libérale. C'est dit et sans appel, l'union de la gauche a abouti à la loi-travail. On ne doit pas permettre à cette gauche de survivre.

 

Assurément, ce qui a changé depuis les années 1970, c’est le carcan européen, singulièrement avec les traités de Maastricht, de Lisbonne et l’avènement de l’euro. C’est même sur ce terrain là que ce joue concrètement la traditionnelle distinction entre révolutionnaires et réformistes. Toute proposition de politique de gauche qui n’indique pas comment elle va s’attaquer à ce problème est vouée à l’échec. C’est le préalable indispensable à toute union. C’est le clivage majeur. On peut toujours réajuster en permanence le plan A et le plan B proposés dans l’avenir en commun, en fonction des évolutions de l’Europe elle-même et des traités commerciaux, mais on ne peut pas éluder ce combat là, et on ne peut pas gagner sans éducation populaire sur ce sujet. Il y aura rassemblement contre cette Europe là ou il n’y aura rien car dans ce carcan rien n’est possible.

 

D’autant plus, que si d’aventure, un pouvoir de gauche dominé par le PS ou son successeur, venait à voir le jour et continue d’appliquer les directives de Bruxelles, il ne causera que malheur et désillusion, faisant le lit du Front National.

 

 

- Il vaut mieux que la gauche perde pour longtemps que de faire cela. 

Mélenchon a eu raison de dire :"Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer. Nous allons tourner la page des gens qui nous ont trahi pendant cinq ans".

 

Notre peuple ne s'en sortira pas en retournant dans les vieilles ornières. Après l'échec de Macron, ce sera soit le FN qui incarne l'horreur, soit le programme l'Avenir en commun qui incarne l'espoir. La FI est le grain de sable qui mettra en échec les combines conduisant de nouveau à la social démocratie.

 

Dans toutes les élections intermédiaires, il faudra une stratégie claire qui évite toute compromission...quitte à perdre. Car quand on gagne avec des illusions, on les perd ensuite plus durement avec tout le reste.

 

Servir de nouveau de force d’appoint de la social –démocratie serait donc une très mauvaise solution. L’union n’est donc souhaitable que sur la base d’une politique de rupture claire. Les socialistes ont échoué, qu’ils fassent preuve d’humilité, qu’ils passent leur tour et acceptent de nous soutenir.

 

Le programme l'Avenir en commun, élaboré par le croisement d'experts, basé sur le programme l'humain d'abord et amendé par des milliers d'internautes doit être le ciment de la reconstruction de l'alternative au capitalisme. Contrairement au programme commun qui était un compromis entre partis, le programme l'avenir en commun doit mettre tout le monde d'accord, si je puis dire. Le PS et le PC et bien d'autres ont leur place pour le soutenir et aider les citoyens sans carte dans leurs efforts. Si ils veulent être utiles, ils doivent se mettre au service du mouvement populaire.

 

Certes, la France insoumise n’est pas parfaite, ni d’ailleurs aboutie mais elle est assurément le point de départ de quelque chose de neuf, le prolongement des luttes sociales contre les politiques européennes, comme est une des suites du formidable non de gauche du 29 mai 2005, la correction du brouillon qu’a constitué le Front de gauche et une réponse aux questionnements de Nuit Debout.

 

 

- Et maintenant

Que faire de la France Insoumise ? Comment avoir les avantages des partis traditionnels sans en avoir les inconvénients ? Comment faire agir les 500 000 soutiens tout en laissant à chacun son indépendance et sa liberté d’action ? Comment se structurer dans le local afin de conquérir de villes, des régions, des départements ?

 

Voici entre autres les questions qui sont maintenant ouvertes.

La tâche est immense.

 

Pour en savoir plus :

- PCF-France insoumise, l’impossible unité

- La France Insoumise et le PCF auront des groupes parlementaires séparés à l’Assemblée

- Xavier Bertrand : "Méfions-nous du danger de la France insoumise"

- Emmanuel Maurel : « Ce n’est pas un départ du PS, c’est une scission »

Partager cet article
Repost0
26 mai 2017 5 26 /05 /mai /2017 13:00
La nostalgie quand tu nous tiens !

La nostalgie quand tu nous tiens !

Que cachent en réalité les appels à l'union qui viennent du PS, du PCF, ou d'ailleurs ?

 

Depuis que la France Insoumise a commencé à s’affirmer comme la principale –et seule- force d’opposition au candidat puis au président Macron, les appels à l’union de la gauche viennent de toute part. Mais que signifient donc ces appels aussi soudains à l’unité ?

Le parti socialiste, dans la voix de ceux qui n’avaient de mots assez durs contre Jean Luc Mélenchon, y vont sans retenue. Plus d’amour, tu meurs !

De la part du PCF, idem. Les mêmes qui n’en voulaient pas comme candidat déclarent des sentiments inattendus. Ce n’est plus de l’amour, c’est de la rage.

Du coup, le candidat de la France Insoumise ferait par son « intransigeance » la démonstration d’un « sectarisme » coupable. La condamnation de la « France Insoumise », voilà déjà une base d’union entre le PS, le PCF et quelques « éclairés » qui relaient sans retenue ces positions anti-Mélenchon.

« L’argument » de ces partisans de l’union semble être très cohérent. Dans une élection, l’union augmente les chances au contraire de la division. Oui mais, l’union sur quoi, et pour quoi ? Derrière tout cela se pose une autre question de fond. Quelle est la pertinence du clivage gauche-droite réactivé en campagne électorale ?

 

Sources : La Sociale par Jacques Cotta le 23 mai 2017

- La Gauche, mais c’est quoi la gauche ?

Au départ, l’appellation de « gauche » venait simplement d’une position géographique au sein de l’hémicycle. Puis un clivage politique s’est imposé entre conservateurs d’une part –la droite- et progressistes de l’autre –la gauche- attachés à une vision du progrès social, de l’amélioration de vie des travailleurs, avec toutes les nuances que cela comporte. Comme nous l’avons expliqué sur le site « La Sociale » depuis maintenant plusieurs années, comme nous l’avions à l’époque indiqué à Jean Luc Mélenchon et à Marc Dolez lors de leur rupture avec le parti socialiste, comme nous l’avons dessiné Denis Collin et moi-même dans « l’illusion plurielle, pourquoi la gauche n’est plus la gauche » ( « L’illusion plurielle, Pourquoi la gauche n’est plus la gauche », Denis Collin et Jacques Cotta - éditions Jean Claude Lattès - 2001) , comme j’ai tenté de l’actualiser dans « l’imposteur »  (« L’imposteur », Jacques Cotta - éditions Balland - 2014) , le terme de gauche n’a plus aucun sens politique, sinon de brouiller toute compréhension des politiques mises en oeuvre. Et comme le dit fort justement Jean Luc Mélenchon aux accusateurs de la « France Insoumise », ce sont les programmes qui comptent. Force est de constater qu’entre celui des gouvernements successifs du parti socialiste ou des gouvernements de l’UMP, les divergences sur le fond n’occupent pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette. Les politiques dites de gauche et de droite divergent parfois sur la méthode, le rythme, mais nullement sur le fond. Le capital a toujours été servi au détriment du travail par les uns et par les autres, et c’est dans la continuité que les pouvoirs successifs –dits de gauche ou de droite- ont permis que le capital précisément capte plus de 10% de la valeur créée au détriment des ouvriers, des retraités, des salariés en quelques années.

 

 

- Des appels à l’unité plutôt cocasses, du PS…

Commençons par le parti socialiste, ou certains de ses membres. Les anciens présumés « frondeurs », les Hamonistes, ou encore Gérard Filoche, ont fait du combat anti Mélenchon, au nom de l’unité évidemment, leur spécialité. Cela a commencé durant les présidentielles, Mélenchon étant sommé de se retirer au nom de « l’unité de la gauche » au profit du candidat du PS, Benoît Hamon. Puis cela a continué, Mélenchon étant accusé de la défaite avec 19% des voix alors que Hamon n’en recueillait que 6%. En réalité, que cherchaient donc ces « partisans » de l’unité ? Quel en était la cohérence ?

C’est Jean Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, qui donne la clé, et une fois n’est pas coutume, remet chacun à sa juste place. Il indique ainsi que « Jean Luc Mélenchon qualifie lui-même son programme de révolutionnaire, et ce n’est pas ce qu’il faut pour le pays ». La divergence est donc claire, sans ambiguïté. Elle concerne le programme. Dès lors quelle unité possible entre Cambadélis et la « France Insoumise » ? Aucune, le premier secrétaire du PS plaçant son parti sur une orientation opposée à celle des insoumis. Mais Cambadélis va plus loin. Il veut évidemment un maximum de députés car « les valeurs de justice sociale doivent être défendues ». Cynique, amnésique, ou simplement moqueur ? Il fait mine d’oublier que le nouveau gouvernement sur les questions sociales ne fait qu’emboiter le pas au gouvernement socialiste de Hollande et Valls. D’ailleurs, s’il se veut, pour le symbole, opposé à l’investiture PS pour Manuel Valls dès lors qu’il a celle de la « majorité présidentielle », il est plus embarrassé par le cas de Myriam El Khomri, l’ancienne ministre du travail dont la loi que veut prolonger Macron porte le nom, qui aura à la fois l’investiture PS et celle de la majorité présidentielle. Une passeuse de témoin idéale ! Il exprime d’ailleurs à peine entre les lignes sa position vis à vis du nouveau pouvoir. « Sur les actions régaliennes, nous allons partager son action », dit-il avant de poursuivre « sur le plan économique et social, pas à cette étape ». A la suivante donc. Avant de préciser qu’il ne se situe « ni dans la majorité présidentielle, ni dans son opposition… ».

Les Hamonistes, les frondeurs d’hier, les Filoche et autres qui réclament donc « l’union de la gauche » demeurent dans le parti socialiste. Leur chef demeure Cambadélis, et la ligne que ce dernier dégage est donc celle qu’ils reconnaissent. On voit immédiatement la duplicité, l’absurdité, l’arrivisme contrarié de tous ceux qui font fi du fond pour tenter en fait de ne sauver que leur voiture de fonction.

Gérard Filoche depuis les présidentielles réclame le « front unique », terme qui rappelle une histoire et tradition bien précise. Pour les trotskistes, le front unique a toujours été l’expression d’une double exigence. L’exigence d’unité bien sûr. Mais aussi l’exigence d’indépendance de classe vis à vis de la bourgeoisie, sans quoi l’unité est une arme qui se retourne en son contraire. Le parti socialiste par son programme, sa pratique, et son expérience défend les intérêts de la finance et du capital. Ses objectifs sont opposés aux intérêts des salariés, des ouvriers, des retraités, des jeunes. C’est en cela que l’unité avec le PS n’est envisageable que pour ceux qui aspire à finir aux côtés du pouvoir Macronien nouvellement élu.

 

 

- … Et aussi du PCF

Le parti communiste n’est pas en reste. Si le but premier du parti socialiste dans ses appels à Mélenchon est d’enchaîner au clan majoritaire la « France Insoumise », d’annihiler son indépendance, et donc son pouvoir d’élaboration et d’action, le but du parti communiste est plus terre à terre.

Le PCF sait pertinemment qu’il a dû en passer par la candidature de Mélenchon aux présidentielles uniquement parce que toute autre l’aurait ramené à son état réel, celui d’une organisation en voie de marginalisation bien avancée, de plus en plus réduite à un appareil centralisé autour de sa direction nationale. En acceptant la candidature de la « France Insoumise », la direction du PCF a cédé à une pression importante de militants. Derrière le succès électoral des présidentielles, le PCF voyait la possibilité de récupérer un certain nombre de sièges dès lors que la confusion « France Insoumise » - PCF pouvait être entretenue. Voilà pourquoi la direction du parti communiste a très mal pris la position de la « France Insoumise » exprimée par Mélenchon, le refus de toute combinaison dont le programme serait évacué de fait.

Là encore, amnésie, hypocrisie, ou simplement cynisme ? Les dirigeants du PCF se sont insurgés contre « l’intransigeance et le sectarisme de Mélenchon », ont crié à « la division », ont accusé de préparer « la victoire de la droite », alors que dès janvier 2017 dans la presse, Pierre Laurent donnait la ligne : « il n’y aura pas de candidature unique avec la France Insoumise aux législatives ». ( Rencontre des secrétaires fédéraux du PCF du 4 janvier 2017 et « Humanité » du 11 janvier 2017).   

Ce que ne supportent ni les uns, ni les autres, c’est bien la référence programmatique qui interdit toutes les combinaisons à géométrie variable. Ils préfèrent l’opportunisme de circonstance, prêts à dire une chose et son contraire sans contestation possible. Ainsi dans l’Eure par exemple. Le même qui réclamait une candidature d’unité avec la « France insoumise » est candidat PCF-PS sans aucune gêne. Nul doute qu’à ce rythme, comme l’indiquait fort justement Jean Luc Mélenchon, dès lors que le programme se trouve relégué au rang des accessoires, les « candidatures d’union de la gauche », dont se font les hérauts membres du PS et du PCF, ont pour destinée naturelle la « Macronie » qui déjà en son sein rassemble LR, PS, et se prépare au soutien de ceux qui n’y sont pas encore officiellement mais qui trouveront prétexte –celui de l’extrême droite par exemple- pour faire le pas.

 

 

- Ce que change la France Insoumise

La campagne des présidentielles et des législatives marque une modification sur trois questions fondamentales, exprimée régulièrement par Jean Luc Mélenchon. Trois questions qui précisément sont l’enjeu de cette fumeuse « union de la gauche » qui n’aurait d’autre but que de faire reculer la « France Insoumise ».
 

  • La question de la gauche d’abord.

Elle n’est plus le point de repère à partir duquel se situer. Le point de départ n’est pas l’étiquette, mais le programme. L’union oui, mais il faut alors rompre avec les attaches qui sont contradictoires avec les intentions affichées. Le repère doit être la cohérence du programme. La démocratie, la république, La Sociale, la république sociale… Et l’attitude qui en découle, le respect de la parole donnée, du mandat, du peuple, des militants.

  • La question nationale ensuite.

La tenue des rassemblements de la France Insoumise a permis de se réapproprier les symboles de la république laissés jusque-là dans les mains du Front National. Le drapeau de la révolution française, l’hymne national, qui n’ont rien de contradictoire –contrairement aux accusations lancées par certains gauchistes qui ne comprennent rien à la nation- avec l’Internationale et le poing levé. Le rappel d’une exigence absolue de souveraineté nationale, qui détermine une position claire sur les instances supranationales, l’union européenne par exemple avec la sortie des traités, ou la rupture, en en appelant aux peuples d’Europe dont les intérêts sont liés. La souveraineté qui dicte le refus du Tafta, ou encore la sortie de l’OTAN…
 

  • La question des clivages enfin.

Le clivage n’est pas celui qui opposerait gauche et droite, clivage purement idéologique dans le meilleur des cas, coupé des réalités matérielles. Celui qui nous occupe concerne le peuple d’une part, l’oligarchie ou les élites d’autre part, le travail d’une part, le capital et la finance d’autre part, qu’on trouve tout autant parmi ceux qui se définissent de droite, comme ceux qui se définissent de gauche.

Il est insupportable aux représentants du PS comme du PCF de voir enfin érigé comme principe premier celui du mandat et par voie de conséquence la possibilité de voir tout représentant être révoqué dès lors qu’il a failli à sa parole et à ses engagements. C’est cela aussi que menaçait ouvertement cette fumeuse « union de la gauche » réclamée indépendamment du programme sur lequel se retrouver. La période électorale va s’achever et viendra alors la réflexion nécessaire sur la forme d’organisation plaçant au centre la démocratie et le programme qui permettra d’affronter les combats futurs. C’est pour préserver l’avenir qu’il est fondamental de demeurer fidèle à ses valeurs à tout moment et en toute circonstance.

 

Pour en savoir plus :

- Appel concernant le deuxième tour des présidentielles, contre "le pacte républicain" bâti autour d'Emmanuel Macron - 01/05/17

- Au lendemain du premier tour des présidentielles… - 25/04/17

- A propos de la position du POID sur la question du 1er tour des Présidentielles. - 22/04/17

- Je voterai Mélenchon… - 17/04/17

- La Grèce c'est la France - 23/03/17

- MACRON, L'ombre portée de HOLLANDE... - 21/03/17

- Manifeste pour un XXIe siècle plus heureux - 26/02/17

- Il est temps d’en finir avec l’association de malfaiteurs qu’est l’Union européenne - 17/01/17

- Libre discussion pour l'élection présidentielle de 2017 - 23/12/16

- Le parti socialiste ou l'explosion annoncée et programmée - 20/11/16

- C'est le peuple que nous voulons rassembler, pas les partis !

- Pourquoi l’accord législative entre la FI, le PCF, Ensemble ! n’est pas possible aujourd’hui ?

Partager cet article
Repost0
23 septembre 2016 5 23 /09 /septembre /2016 08:24
"Je ne vois pas, à ce jour, de meilleure candidature que celle de J-L Mélenchon" : Patrice Leclerc Maire PCF de Gennevilliers

Contribution au débat dans le Front de gauche sur la candidature à la présidentielle

 

Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Patrice Leclerc, maire PCF de Gennevilliers [1]

- La situation est grave.

Certes tout est possible dans ce monde en décomposition, le meilleur comme le pire. Mais le pire semble pour l’instant avoir plus de raison de gagner. La politique du gouvernement désespère le peuple, droitise le débat public, faisant perdre tous les repères à la gauche mais à aussi à une droite qui fait la course avec l’extrême droite. Il n’y a plus d’aventure humaine vers un monde meilleur. C’est le retour des boucs émissaires, des haines et des peurs qui justifient tous les abandons, tous les reculs, toutes les haines de l’autre qui se transforment en haine de soi. Le ventre est fécond de la bête immonde. L’heure est au combat politique pour éviter l’inhumanité. mais tout est possible, même le meilleur aussi ! Il faut aider le peuple a prendre conscience qu’il est peuple et puissant. Il peut renverser la table.

 

Ainsi se présentent les prochaines élections présidentielles. Avant de donner ma signature pour une candidature, je respecterai, même si je les trouve tardifs, les délais décidés par la direction du PCF pour le mois de novembre pour s’engager autour d’une candidature.

 

Mais face aux enjeux, le débat doit se développer car nous ne pouvons pas participer du mouvement social sans parler des débouchés politiques, ni jouer à saute mouton sur la présidentielle pour préparer les législatives. Nous ne pouvons laisser l’inhumanité marquer des points. Je me permets donc de donner mon avis à ce jour en espérant contribuer aux réflexions.

 

 

- Je crains que nous, nous communistes et membres du Front de gauche, rendions inévitable l’évitable si nous ne mesurons pas la hauteur des enjeux politiques auxquels nous sommes confrontés.

La digue républicaine ne pourra pas durablement être rehaussée après chaque élection, chaque déception, pour éviter le fascisme. Nous ne pouvons pas contourner le problème une énième fois : soit nous devenons une alternative politique, soit nous aurons à affronter le fascisme au pouvoir à court ou moyen terme ! Il n’y a plus la place à de demies mesures.

 

Notre engagement doit faire gagner des idées et le peuple ou au pire donner le maximum de force au peuple et à des idées plaçant l’être humain d’abord. Nous avons pour mission de refaire briller l’idée, l’espoir, la dynamique d’une alternative politique au capitalisme destructeur d’humanité et de la nature. Si les élections ne sont pas le seul moment pour ce combat, elles en sont un moment important à ne pas rater. Elles peuvent bouleverser des donnes ou les conforter.

 

 

- Pour cela, je dégage trois enjeux pour la campagne des élections présidentielles :

  • rassembler au maximum les forces anticapitalistes, les forces pour une alternative sociale et écologique pour créer un rapport de force à gauche favorable aux forces de transformations sociales pour sortir du tripartisme mortifère droite/PS/FN. Créons ainsi les conditions pour gagner !
  • rassembler le peuple en lui donnant conscience de soi, en lui permettant d’exprimer sa dignité, sa fierté, face à un système et des forces politiques qui l’humilient en permanence. Il s’agit pour cela de refuser toute notion de gouvernance. Faisons une politique qui expose les différences d’intérêts dans notre société et notre monde, celle qui permet de dire et trancher les conflits, celle qui met le peuple en mouvement et en action pour définir et construire les biens communs.
  • rassembler autour de propositions de rupture avec le système capitaliste. Des propositions qui refassent rêver, qui enthousiasment, qui parlent avenir pour nos enfants et nos petits enfants. Un mode de développement humain, respectueux des êtres humains et de la nature, qui partage les richesses, redonne le temps de vivre et respecte notre environnement, réinvente la fraternité universelle et la production de communs.

 

- Pour porter ce combat avec nous, je pense que le meilleur des candidats est Jean-Luc Mélenchon.

Je ne suis pas d’accord avec lui sur tout (mais avec qui serai-je d’accord sur tout ?). Je suis même en désaccord avec son recentrage sur sa personne par la création de son mouvement « insoumis 2017 ». Il faut aussi qu’il corrige ses interventions sur les manœuvres en cours autour de la religion mulsulmane. Mais je refuse de prendre le risque de diviser « la gauche de la gauche », la « vraie gauche » en rajoutant un ou une candidate. Je refuse de faire passer en pertes et profits l’expérience du Front de gauche. Je refuse cette idée absurde de primaire de la gauche avec ou sans les libéraux du gouvernement. Je suis pour faire de la politique dans la situation telle qu’elle est et non pas telle que je la rêverai.

 

Des camarades craignent que Jean-Luc Mélenchon « nous fasse un petit dans le dos ». En effet, comme nous, il peut être imprégné de l’esprit de boutique et préparer l’après présidentielle. Raison de plus pour être offensif en affrontant la situation telle qu’elle est. Avec les autres composantes du Front de Gauche, nous devons porter sa candidature à la présidentielle, la faire notre, celle du Front de Gauche, celle de nos organisations, celle de citoyen-nes engagé-es. Cela n’étonnera personne car pour la majorité de nos concitoyens, Jean-Luc Mélenchon est repéré comme un leader du Front de Gauche, avant même d’être repéré « Parti de Gauche » ou « Insoumis ». Il a été notre candidat en 2012. Faire campagne autour de Jean-Luc Mélenchon avec nos logos associés à celui du Front de Gauche, c’est le meilleur moyen de mettre en échec sa volonté de torpiller l’expérience Front de gauche au profit de sa nouvelle boutique « Insoumis2017 ». Nous continuerons ainsi à capitaliser ce que nous avons commencé à construire avec difficulté, et qui commence à être repéré : le Front de Gauche. Que chaucune et chacun portent ses propositions pour le changement. Nous aborderons cette campagne en positif, en construction d’une alternative sociale et écologique. Les communistes et les autres composantes du Front de Gauche, notamment mes amis d’Ensemble, gagneront en écoute par leur capacité à rassembler, unir, construire dans la durée, un mouvement, une force politique alternative au libéralisme, au social libéralisme et au risque fasciste.

 

Jean-Luc Mélenchon a des qualités qu’il a déjà su mettre au service de l’alternative politique. Rappelons-nous des dernières élections présidentielles. Il a été bon, très bon. Il a su nous faire vibrer, donner du sens, remettre l’humain et l’enjeu écologique dans le débat politique. Il a le sens de la formule, pas toujours appréciée certes, mais qui fait exister tout en faisant réfléchir. Il m’a rendu fier de mon camp, le temps d’une élection. Fier de cette capacité à parler du peuple avec dignité, à mettre de l’intelligence dans la révolte, de la passion dans le propos. Les salariés, la jeunesse, les « sans », ont besoins de ces qualités pour se retrouver, se ressembler, reprendre confiance en eux-mêmes, en leur capacité à peser, à faire de la politique et gagner.

 

Les conditions politiques ne seront pas les mêmes pour le deuxième tour, comme après les élections si notre camp est devant les sociaux libéraux, si nous avons un résultat à deux chiffres, si … nous rendons envisageable de gagner !

 

Forts de l’expérience des dernières législatives, nous saurons aussi peut-être tirer les leçons de nos échecs pour cette fois ci savoir capitaliser les résultats des présidentielles. Je ne vois pas, à ce jour, de meilleure candidature que celle de Jean-Luc Mélenchon, portée par le Front de gauche pour ouvrir une perspective révolutionnaire dans notre pays. Je perçois aussi l’urgence de s’engager dans le débat, dans le combat politique des présidentielles.

 

Note :

[1] Biographie de Patrice Leclerc

 

Pour en savoir plus :

- Un élu PS de Grigny s’engage pour Mélenchon à la Fête de l’Huma

- Au PCF l’idée que « La convergence avec Jean-Luc Mélenchon est incontournable » prend corps !

- Par Robert Injey. Membre du Conseil national du PCF. Responsable de la communication. Conseiller municipal de Nice 2017: Sortir du marasme à gauche...

- Éric Coquerel : « Il n’y a pas de troisième voie sérieuse entre le PS et Mélenchon »

- Les primaires : la loi du mensonge et de la triche

Partager cet article
Repost0
2 juin 2016 4 02 /06 /juin /2016 08:39
photos Louis Camelin

photos Louis Camelin

Dimanche, Jean-Luc Mélenchon lance sa campagne pour l’élection présidentielle 2017. Refus de la primaire, présidentialisation, insoumission, divisions à gauche, programme, méthode : il explique sa démarche.

 

Sources :  Regards.fr

- Regards. : Dimanche prochain, le 5 juin, vous lancez votre campagne présidentielle par un rassemblement place Stalingrad. En vous engageant dans ce processus, n’aggravez- vous pas la présidentialisation de la vie politique ?

Jean-Luc Mélenchon : Je connais bien cette critique depuis l’élection du président de la République au suffrage universel en 1965. Mais je constate que cette élection s’est installée dans notre pays, qu’elle est devenue une culture collective et je crois que nous pouvons et devons l’utiliser. Quand commence un match de foot, il vaut mieux ne pas le jouer comme une partie de volley… Une campagne politique comme la présidentielle est globale et totale. Elle transforme tous ceux qui y participent. Cette idée est largement partagée quand il s’agit de la lutte sociale. Cela vaut aussi pour le combat électoral. Une élection transforme ceux qui votent autant que ceux qui s’engagent dans la campagne. Faire campagne électorale c’est vouloir convaincre et entrainer. Ce n’est pas une petite chose secondaire. Gagner des bulletins de vote, c’est gagner des consciences.

 

 

- Regards. : Onze mois avant l’échéance, n’est-ce pas prématuré ?

Jean-Luc Mélenchon : Mais la campagne a déjà commencé à LR, à l’extrême droite et au PS ! En février, j’ai voulu lancer la mobilisation politique de notre famille pour vivre 2017 comme une chance et non comme un piège. Je m’inscris dans la longue durée pour construire le rapport de forces dont nous avons besoin. La durée est le moyen de notre enracinement. C’est nécessairement de longue haleine. Il est vrai qu’en donnant ce rendez-vous du 5 juin, je n’anticipais pas, alors, le contexte politique avec le mouvement social en cours contre la loi El Khomri et les mobilisations des Nuits debout. C’est là un propulseur d’énergie qui tombe particulièrement bien. Car de quoi s’agit-il ? Certainement pas de vendre un produit, de "prendre des parts du marché politique ou électoral". Notre sujet est la construction d’un mouvement politique de plusieurs millions de personnes. Ce dont il est question, c’est de la révolution citoyenne. Ce processus ne fait que commencer, même s’il s’inscrit déjà dans une histoire dont 2012 fut un moment de franchissement de seuil.

 

« J’analyse le système de la primaire comme un tamis social et politique destructeur. Une primaire de toute la gauche ne peut être qu’une source de confusions démoralisantes. »

 

 

- Regards. : Mais vous décidez seul de votre candidature et de son tempo...

Jean-Luc Mélenchon : Factuellement, rien n’est plus faux. J’ai cherché à discuter avec les dirigeants du Front de gauche de ce que nous pouvions faire dès le mois de décembre. Je n’ai pas été écouté. Je ne veux pas mettre de l’huile sur le feu en rappelant ces faits, mais je voudrais bien que chacun assume ses désaccords sans les transformer en problèmes personnels : il n’est pas vrai que j’ai agi dans mon coin sans crier gare. À présent, je travaille déjà en équipe, avec l’appui de plusieurs secteurs politiques et sociaux, sans oublier le renfort de plusieurs milliers de communistes, de socialistes et de syndicalistes. Bien sûr, il y a une dimension personnelle de la décision. Encore heureux !

 

 

- Regards. : Cette décision découle-t-elle de votre refus d’une primaire ?

Jean-Luc Mélenchon : Le point de départ de ma décision est mon refus[1] et celui du Parti de gauche d’entrer dans la primaire. Depuis 2007, j’analyse le système de la primaire comme un tamis social et politique destructeur. Aujourd’hui davantage encore, une primaire de toute la gauche ne peut être qu’une source de confusions démoralisantes. Quand on mesure à quel point la parole politique du Front de gauche a déjà été discréditée, cette confusion pourrait effacer toute notre influence de la carte ! Le PCF a milité pour ces primaires de toute la gauche et Ensemble a commencé par s’y associer plus ou moins. Le PCOF, Socialisme et république et le PG les ont rejetées. Personne ne m’a consulté, nous n’en avons jamais discuté collectivement. J’ai donc annoncé ma décision de ne pas m’y plier dès le mois de décembre. Et j’ai proposé ma candidature à un moment calculé en équipe : au lendemain de la déclaration de candidature de Marine Le Pen et de l’entrée au gouvernement d’écologistes, en plein débat sur la déchéance de nationalité. La droite dominait le débat, Hollande flirtait avec le programme du FN et divisait encore davantage les écolos en embauchant Emmanuelle Cosse. Ma proposition de candidature se présentait comme un sursaut contre l’effacement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Regards. : Pierre Laurent vient de déclarer qu’il souhaitait une « candidature commune d’alternative à gauche ». Comprenez-vous cet appel comme un premier pas vers un rapprochement ?

Jean-Luc Mélenchon : Je comprends surtout que la direction communiste ne croit plus aux primaires. J’avais donc raison de ne pas m’être enferré dans cette histoire et de n’avoir pas perdu ces quatre mois en intrigues. J’ai mis ce temps à profit pour construire : 110.000 appuis et 1.000 groupes de base. À présent, Pierre Laurent dit vouloir éviter l’éclatement de la gauche d’alternative pour accéder au second tour de la présidentielle. Je ne comprends pas. Les frondeurs ont beaucoup voté et soutenu le gouvernement Hollande-Valls et ils forment de nombreux clans concurrents ; les écologistes sont totalement atomisés. Aucun ne renonce à une candidature de leur parti.

 

« Je suis prêt à faire équipe. Chacun peut prendre sa place dans la lutte dès l’instant où il y a de la clarté dans l’objectif et sur la méthode. »

 

 

- Regards. : Comment interprétez-vous la position du Parti communiste, et quelle est la vôtre à son égard ?

Jean-Luc Mélenchon : Je trouve pénible que le PCF abandonne la méthode du rassemblement qu’a été le Front de Gauche pour des partenariats aussi incertains. La proposition de Pierre Laurent n’a donc pas de réalité politique. Je crains que les communistes ne se retrouvent très isolés à l’arrivée. Alors que le combat a besoin d’eux, de leurs idées, de leur engagement. Je suis prêt à faire équipe. Chacun peut prendre sa place dans la lutte dès l’instant où il y a de la clarté dans l’objectif et sur la méthode. Et de la cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait. Comme si nous n’avions pas les bases d’une candidature ; comme si nous n’avions pas déjà réuni quatre millions de voix et comme si nous n’avions pas déjà un programme partagé. Je déplore cet a priori sans motif à mon égard. Mais il est de mon de devoir d’avancer sans attendre le bon vouloir de qui que ce soit.

 

 

- Regards. : Pourquoi ne pas avoir accepté de participer à une primaire sur les bases du Front de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon : Parce que personne ne l’a jamais proposé. Ce dont il a été publiquement question, cela a été d’une primaire de toute la gauche. Et maintenant, il est trop tard pour revenir en arrière. En revanche, il est injuste de dédaigner la main que je tends. Cela m’affecte. Je ne comprends pas que la critique prenne toujours ce tour personnel, souvent au-delà du trait ! Qu’il est triste de voir tant d’amis d’hier espérer mon échec et ajouter leurs croche-pieds aux coups que me donnent nos adversaires. Heureusement qu’il y a l’accueil amical que me réservent des milliers de militants et sympathisants communistes, malgré l’acrimonie de leurs porte-parole.

 

 

- Regards. : Comment comptez-vous élaborer le programme de votre candidature ?

Jean-Luc Mélenchon : Le programme est l’affaire centrale de la campagne. Ce n’est pas une formalité, mais une préparation de chaque citoyen à l’exercice des responsabilités publiques avant même la victoire. Il faut accueillir toutes les contributions dès lors qu’il s’agit de radicalités concrètes. Et je paierai mes dettes : je dirai d’où viennent les idées que nous reprenons. Par exemple, je fais mien le scénario négaWatt [2] et je dis qui l’a élaboré. La société a déjà produit une partie du programme. Et depuis 2012, il s’est réfléchi de très nombreux sujets et inventé de nombreuses solutions, parmi les syndicats, les associations, les intellectuels. Sachons les écouter, les reprendre. Nous ne sommes pas au-dessus d’eux.

 

« Je suis seul si l’on regarde du balcon. Mais je suis inséré dans un milieu de dizaines de milliers de gens qui s’engagent. »

 

 

- Regards. : Vous liez la question du programme à celle de son élaboration. Comment se pose celle de son application ?

Jean-Luc Mélenchon : Nous avons besoin de préciser nos idées autant que la manière de les mettre en œuvre. Je reste traumatisé par l’expérience de 1983 [3]. Nous avions alors un programme hautement transformateur. Lorsque nous nous sommes retrouvés face au mur de l’argent, deux points de vue se sont affrontés. Ceux qui voulaient rester dans le cadre du système monétaire européen (SME) et ceux qui proposaient une autre politique. J’étais de ceux-là. L’inconvénient de notre point de vue est que nous n’avions rien de concret à proposer. Et nous avons été éliminés. C’est la même leçon que je tire des déboires en Amérique latine ou de la Grèce de Tsipras. Si nous accédons au pouvoir, il nous faut un plan A et un plan B en toutes circonstances. À cette exigence programmatique s’ajoute la claire conscience de l’importance de l’engagement du peuple. En 1981, pour revenir à cette expérience pour moi fondatrice, nous n’avons pas souhaité l’intervention populaire. Pire, nous avons demandé à chacun de rester dans les clous. La méthode de la révolution citoyenne tourne la page de cette erreur.

 

 

- Regards. : Vous affirmez vous inscrire dans la perspective de l’exercice du pouvoir. Pourtant, vous paraissez seul… Un homme ne change pas une société.

Jean-Luc Mélenchon : Je souriais amèrement, au début, lorsqu’on me renvoyait à ma solitude. Et puis j’ai mesuré la part de mépris qu’il y a dans cette affirmation. Donc les 107.000 personnes qui déclarent leur soutien ne compteraient pour rien ? Parmi eux, il y a plus de 2.000 syndicalistes de tous les métiers, de tous les syndicats, de tous les niveaux de responsabilité… Parmi eux, il y a des communistes, des écologistes de lutte parmi les plus reconnus, des militants socialistes et tout le PG. Je suis seul si l’on regarde du balcon. Mais je sais que je suis inséré dans un milieu de dizaines de milliers de gens qui s’engagent. Et la révolution citoyenne, c’est l’implication de millions de personnes dans l’action gouvernementale.

 

 

- Regards. : Ce dont il est question, c’est de l’absence de soutien de partis politiques…

Jean-Luc Mélenchon : Le Parti de gauche, la NGS de Liêm Hoang-Ngoc, les communistes insoumis, les "Ensembles insoumis" ne comptent pas ? De qui parle-t-on ? Du PCF. Aujourd’hui, c’est lui qui est seul, et je m’en désole. Autre chose : ceux qui émettent cette critique mesurent-ils le discrédit dont souffrent les partis ? Il faut arrêter avec ce mauvais procès. Je veux que l’on comprenne ma démarche. Je refuse la confusion du "rassemblement de la gauche" ! Après la publication de L’Ére du peuple, j’ai cherché la transversale qui fédère l’ouvrier qui lutte, la femme qui se démène pour tenir sa famille hors de l’eau, le lanceur d’alerte, le chercheur qui s’accroche… Le mot "insoumis" m’a paru être celui qui les réunit tous. Insoumission au cadre globalitaire qui veut tout régenter, la société, nos goûts et nos corps. L’action contre ce cadre nous fédère.

 

« Je pourrais me contenter d’un bon slogan, d’affiches et d’émissions de télé. Mais nous avons besoin, pour réussir la grande transformation nécessaire, d’un peuple motivé et conscientisé. »

 

 

- Regards. : Vous croyez en une dynamique de fédération de la contestation et des alternatives ?

Jean-Luc Mélenchon : Je crois que cela va se cristalliser lors de cette campagne et se déployer avec la victoire. Le mouvement va s’auto-organiser. Je ne sais pas encore comment. Il va falloir l’inventer. Mais je sais aussi que « le chemin se fait en marchant », comme le dit si bien Antonio Machado. J’ai beaucoup regardé en France et ailleurs, j’ai beaucoup expérimenté pour trouver les nouvelles formes d’organisation. Je ne propose pas la disparition des partis, mais je souhaite qu’ils sachent se dépasser par l’action. Les outils numériques nous donnent de nouvelles possibilités pour agréger chacun, toutes nos différences. Pourquoi les refuserions-nous ?

 

- Regards. : Vous liez campagne présidentielle et création d’un mouvement. Est-ce que cela n’est pas trop d’un coup ? Les militants des partis constitués sont souvent attachés à les conserver…

Jean-Luc Mélenchon : C’est vrai que je pourrais me contenter d’un bon slogan, d’affiches et d’émissions de télé. Mais je ne vais pas le faire. J’ai trop compris ce qui arrivait à nos amis d’Amérique latine. Nous avons besoin, pour réussir la grande transformation nécessaire, d’un peuple motivé et conscientisé. Et je crois qu’il faut créer ce grand corps militant qui réunit ceux qui décident d’animer, déclencher, solliciter notre peuple. Le Front de gauche aurait pu être ce lieu, ce réseau. Cela ne l’a pas été. Si le Front de gauche décide de renaître, il peut être une composante de ce mouvement, de cette France insoumise. Au nom de quoi pourrais-je m’approprier l’étiquette Front de gauche ? Je ne l’ai jamais fait. J’ai déploré que Pierre Laurent le fasse sans mandat tant de fois !

 

 

- Regards. : On en revient aux divisions au sein de la gauche de gauche…

Jean-Luc Mélenchon : Je comprends que les communistes soient attachés à la permanence de leur parti. Mais c’est à eux de trouver le chemin stratégique qui permettra de combiner leurs volontés et l’aspiration de dizaine de milliers de gens à entrer dans un cadre commun. Je ne peux le faire à leur place ni renoncer à ce que j’ai analysé sur notre temps. L’objectif est bien de fédérer. Pour le faire, il faut être capable de tourner les pages de l’aigreur. Je ne demande pas qu’on me rallie. Je tâche de faire bien mon travail, d’accomplir la part qui me revient et je sais que je ne suis pas éternel. Il nous faut faire naître un monde neuf. Nos vieux habits peuvent rester dans l’armoire ou le grenier. Ils ne vont pas s’envoler. On pourra les retrouver, quand on voudra, si l’on en a besoin…

 

Note

- [1] refus de principe déjà exposé dés 2009 dans son livre "L'autre gauche" repris en extrait dans une note de blog

Il y qualifiait notamment, la primaire de : Le règne de l’égocratie ; - La course au moins disant politique ; - Une machine à diviser la gauche ; - L’outil du glissement au centre (de la gauche) ;

    - [2] NDLR : le "scénario négaWatt", conçu par l’association éponyme qui regroupe experts de l’énergie et intellectuels, promeut une transition énergétique permettant de se passer de l’énergie nucléaire et presque totalement des énergies fossiles à l’horizon 2050.

    - [3] NDLR : le "tournant de la rigueur" impulsé par le gouvernement Mauroy.

    A 4 jours du rassemblement national des INSOUMIS, J-L Mélenchon explique sa démarche
    Partager cet article
    Repost0
    11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 09:51
    Refonder notre démocratie, c’est rompre avec la 5ème République !

    et pas à faire une primaire à gauche !

     

    Source :  le blog de Manuel Bompard le 22 janvier 2016

    Une initiative « pour une primaire à gauche » a été lancée par plusieurs personnalités dans le journal Libération. Pour les initiateurs de cette démarche, il s’agit de « faire de la prochaine élection présidentielle la conclusion d’un débat approfondi ». Ils en appellent à « du contenu, des idées, des échanges exigeants » et présentent leur initiative comme « l’opportunité de refonder notre démocratie ». Louables objectifs, que nous sommes nombreux à partager, et qui s’accompagnent d’un constat lucide sur la gravité de la situation politique de notre pays et sur l’impasse totale de la politique gouvernementale. Dans la période trouble que nous vivons, il est toujours salutaire de voir des intellectuels et des personnalités politiques préoccupés par l’avenir du pays prendre des initiatives pour ouvrir un autre chemin.

     

    Il serait donc bien malvenu de remettre en cause la sincérité de leur démarche et de ne pas voir qu’elle pose des questions indispensables : comment faire de la campagne présidentielle de 2017 un vrai débat sur l’avenir de notre pays ? Comment permettre une véritable confrontation des projets, et non pas une course de chevaux gonflés aux sondages et autres produits dopants ? Comment empêcher que ce débat nous soit à nouveau confisqué par une polarisation médiatique sur des thématiques bien loin des difficultés que rencontrent les Français ? Ce sont ici des interrogations essentielles et on ne peut que se réjouir de les voir bousculer un peu les abjectes propositions sur la déchéance de nationalité et les nouvelles provocations du sinistre Macron.

     

     

    - Mais comment ne pas distinguer parmi les signataires et les personnes ayant répondu favorablement à cet appel des motivations diverses ?

    Ainsi, il faudrait être aveugle pour ne pas voir les gros sabots des dirigeants du Parti Socialiste qui ont bien compris les intérêts qu’ils pourraient retirer d’une telle initiative. N’est-ce pas ici l’occasion rêvée de faire taire toute alternative à la politique gouvernementale, en transformant cette initiative en choix d’un candidat unique de la gauche, expulsant par là même toute discussion sur les désaccords majeurs vis-à-vis de la politique gouvernementale ? Ainsi construite, cette initiative se retournerait contre les objectifs fixés par ces initiateurs. Plutôt que d’aider à déverrouiller la scène politique, elle lui donnerait au contraire un nouveau tour de vis. On ne peut donc que regretter que l’appel publié ne contienne pas de remise en cause et d’explications en profondeur des choix gouvernementaux, ce qui aurait permis d’inscrire cette initiative clairement en rupture avec les politiques mises en place ces dernières années. Et à tous ceux qui pensent qu’il y aurait là une occasion historique pour rompre enfin avec les orientations sociales-libérales, il convient de souligner comment un tel processus serait dominé par l’influence des instituts de sondage et comment il expulserait celles et ceux qui se détournent aujourd’hui des urnes (lire à ce sujet le blog d'Alexis Corbière).

     

    Dans le même registre des interrogations, il est triste de lire parmi certaines réactions ou prises de position autour de cette initiative des intentions bien éloignées de celles affichées dans le texte de l’appel. Ainsi, comment peut-on affirmer la nécessité d’un grand débat et exclure dans le même temps toute discussion sur notre rapport à l’Union Européenne, comme le fait Julien Bayou d'EELV en affirmant que le résultat pourrait « poser problème, s’il y’avait des positions anti-européennes », ajoutant la caricature à la fermeture du débat ? Voilà ici une curieuse conception des « échanges » si un seul résultat ne peut en fait être admis et accepté, conception bien contradictoire avec la nécessité de « débattre des défis extraordinaires auxquels notre société est confrontée ». La question de la relation de la France vis-à-vis d’une construction européenne toujours plus austéritaire ne fait-elle pas partie de ces défis ?

     

     

    - Mais tel n’est sans doute malheureusement pas le sujet.

    Car ne nous y trompons pas : par-delà la sincérité évidente de certains de ces initiateurs ou soutiens, se retrouvent aussi autour de cette initiative tous ceux qui pensent y avoir trouvé l’opportunité de se forger une place sur la ligne de départ. Comment interpréter autrement les déclarations de David Cormand d'EELV expliquant que cette initiative aurait pour ambition de bousculer « un casting qui a déjà été décidé sans nous ». C’est là aussi une ambition bien différente de la volonté affichée de « réanimer le débat politique » et d’incarner « le projet positif dont la France a besoin pour sortir de l’impasse ». Sauf à considérer que personne parmi « ce casting » (selon David Cormand toujours, « le trio promis étant Hollande, Sarkozy, Le Pen […] avec comme challengers potentiels Juppé, Bayrou et Mélenchon ») ne pourrait porter un tel projet, ce qui mériterait alors d’être argumenté. Difficile donc de lire dans ces déclarations autre chose qu’une volonté d’utiliser cette initiative pour légitimer une nouvelle candidature. Ce serait grave, car masquer sous des mots d’ordre de renouvellement et des appels aux nouvelles pratiques politiques des ambitions par ailleurs tout à fait légitimes, ne fera que contribuer à amplifier encore la crise démocratique du pays.

     

    Une fois passées ces quelques remarques, il faut venir au fond du sujet. Oui « les inégalités sociales » et « la dégradation environnementale » sont insupportables. Oui, notre système politique est verrouillé, son personnel fait office « de caste, d’oligarchie ». Oui, il est plus que jamais nécessaire de « refonder notre démocratie ». Oui, notre pays est « riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant ». Mais ces indignations ont des causes et des responsables qu’il faut nommer : c’est d’abord un capitalisme aveugle qui détruit les êtres humains et la planète; c’est aussi un système politique inique – la 5ème République – qui expulse le peuple de la vie politique.

     

     

    - Pour s’attaquer aux effets, il faut s’attaquer aux causes : il n’y aura donc pas de refondation démocratique possible sans rupture avec la 5ème République

    L’objectif de réoxygéner enfin notre vie politique ne sera donc pas accompli en choisissant mieux le monarque présidentiel (en partant du principe que la primaire permettrait un meilleur choix, ce qui est plus que contestable comme l’a très bien démontré Alexis Corbière sur son blog). Il ne pourra l’être qu’en brisant enfin la 5ème République et en engageant tout le peuple français sur la voie d’une reconstruction démocratique.

     

    Pour cela, une démarche claire et transparente pour une nouvelle République, précisant les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre, est indispensable. Il ne peut s’agir d’une simple mise à jour du système périmé de la 5ème République, même sous un nouveau nom, par un groupe d’experts en droits constitutionnel. Cette réponse serait bien loin de la gravité de la situation. En ne permettant pas l’intervention populaire permanente dans la rédaction constitutionnelle, elle inscrirait dans le marbre un péché originel : la confiscation du pouvoir par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Seule la convocation d’une Assemblée Constituante, proposée par référendum dès l’élection à la présidence de la République (en utilisant l’article 11 de la Constitution), permettrait de renouveler en profondeur notre vie démocratique et de libérer les énergies du pays.

     

    Une telle revendication n’est malheureusement pas inscrite dans les objectifs de « la primaire à gauche ». Ces initiateurs semblent penser qu’un choix plus large et plus démocratique (ici aussi, ces adjectifs sont plus que contestables, mais cela semble être l’avis des signataires) d’un candidat à l’élection présidentielle permettra, comme par magie, une refondation démocratique. Aucun ne semble se souvenir que François Hollande fut bien désigné par une primaire et que cela ne l’empêcha nullement d’oublier le lendemain de l’élection ses promesses de campagne, ou d’avoir recours à l’article 49-3 de la Constitution.

     

     

    - Pourtant, et les signataires de l’appel publié dans Libération le pointent également, il y a urgence.

    La trahison que représente le mandat de François Hollande pour une partie grandissante de la population, l’absence de résultat de sa politique et le contexte lourd de l’année 2015 ont fait grandir la résignation et la tentation du repli sur soi. De plus en plus nombreux sont les français qui ont renoncé à se déplacer aux urnes, ou qui semblent tentés par une extrême-droite incarnant, à tort, la seule remise en cause des politiques mises en place ces dernières années.

     

    Le temps n’est donc pas, selon moi, au repli sur soi et aux processus paralysants. La gravité du moment impose que soient lisibles rapidement les différents projets politiques qui s’offrent au pays. La mise en route pour les prochaines élections présidentielles d’une démarche claire de rupture avec la 5ème République est désormais urgente. A 15 mois de l’élection présidentielle, il convient dès lors de soutenir sans attendre le candidat le mieux placé pour engager immédiatement cette bataille, en adossant à cette campagne le lancement d’un nouveau mouvement ouvert à toutes celles et tous ceux qui veulent y participer. Un candidat qui sera en capacité de prendre le pouvoir, non pour lui-même, mais pour le rendre au peuple. Un candidat qui, par la clarté de son positionnement, la cohérence de ses engagements et la force de ses idées, portera de manière crédible cette ambition. Un candidat qui maitrise avec brio les rouages du jeu médiatique et qui pourra ainsi retourner contre le système ses propres contradictions. Un candidat qui saura garder la tête froide face à la violence des temps qui viennent.

     

    Ainsi, nous pourrons faire mentir les scénarios noirs écrits par avance.

     

    Pour en savoir plus :

    - Mon dossier : Primaires - Elections présidentielles 2017

    - Jean-Luc Mélenchon: «La primaire est une machine à enterrer les questions de fond»

    - Sondages primaires par Francois Cocq   

    - Présidentielles 2017 Le poker menteur des primaires

    - Les primaires, ou le casting de la tambouille

    - Chronique d'une gauche auto proclamée

    Refonder notre démocratie, c’est rompre avec la 5ème République !
    Partager cet article
    Repost0
    27 janvier 2016 3 27 /01 /janvier /2016 09:16
    Gauche : Gare au prix amer de la primaire !

    L'exemple même de la fausse bonne idée !

     

    Source : le blog d'Alexis Corbière secrétaire national su Parti de Gauche le 20 janvier 2016

    Dans Alice aux pays des merveilles, le roman de Lewis Caroll, la jeune Alice perdue dans la forêt rencontre un drôle de chat perché sur un arbre et l’interroge : « Pourrais tu m’indiquer le chemin ? ». Le félin répond : « Tout dépend où tu veux aller. ».

     

    C’est aussi le cas pour l’idée de « la primaire de la gauche et des écologistes» lancée avec le soutien actif du quotidien Libération. Est-ce une bonne idée ? Réponse : « Tout dépend où tu veux aller ». En effet, vers où veulent se rendre ceux qui l’impulsent ? « Vers une victoire de « la gauche » en 2017 » me répondront-ils en chœur. Exprimer ainsi, l’intention est louable. A priori, elle sonne bien. Je ne souhaite pas la victoire de la droite, ou encore pire de l’extrême droite. Plus précisément, je ne souhaite pas une politique de droite et d’extrême droite pour mon pays. Soit. Mais, est-ce la bonne méthode ? Pour moi, non.

     

    Car derrière cet objectif, il y a un lourd prix à payer pour notre vie démocratique : la disparition de toutes forces qui contestent le système politique actuel et particulièrement la Ve République. Elle imposera demain pour la France une sorte de paysage politique à l’italienne. Ce serait l’acte de naissance quasi institutionnel mais définitif du « tripartisme ». C’est là le prix amer de la primaire.

     

     

     - Derrière quelques intellectuels, artistes et sportifs, en coulisses Dray et Cambadélis à la manœuvre… au profit de Hollande

    Pour les initiateurs de cette « Primaire », il faudrait acter définitivement l’existence intangible d’un petit espace de « gauche », autour de 35 % tout additionné, condamné à être minoritaire dans la société, sans trop s’interroger pourquoi ni comment l’élargir.  Dans ce paysage, pour éviter les défaites, il n’y a plus qu’un chemin tactique obligatoire : il faut une candidature unique de la gauche dès le premier tour.

     

    La rue de Solférino a sans doute dans un premier temps été un peu déstabilisée par l’opération qu’elle n’avait pas totalement initié. Elle a d’abord eu peur de la charge anti-Hollande qu’elle laissait apparaître. Mais, passé la stupéfaction, elle a ensuite très vite compris l’avantage qu’elle avait à tirer de tout cela. Aussi, Julien Dray, désormais devenu un agent 100 % pro-président de la République, déclarait sur BFM TV : "Oui à une primaire de toute la gauche en vue d'avoir un seul candidat". Jean-Christophe Cambadélis, au nom du PS lui a emboité le pas en disant la même chose. Dans son esprit, la primaire est possible si c'est pour obtenir cette candidature unique et exclusive, avec engagement de tous les autres candidats potentiels, même ceux qui ne veulent pas en être, qu’ils s’effacent. La manoeuvre est habile. Et, Cambadélis précise sa pensée : « Le problème aujourd'hui dans le tripartisme, ce n'est pas de rassembler la gauche au 2e tour, c'est d'y être et pour y être, il faut être au-dessus de 25%. Pour faire au-dessus de 25% avec un PS qui fait entre 20 et 23%, il faut aller chercher 4-5%. Donc si on est émiettés au 1er tour, on ne sera pas au second ». L’objectif évident est d’apporter au candidat du PS les quelques pourcentages supplémentaires pour être au second tour. Concourir à la primaire, c’est donc être polarisé par le PS, sans que le Peuple, dans sa réalité profonde, puisse trancher et dire autre chose. La logique de tout cela est totalement enfermée dans la mécanique mortifère de la Ve République en pleine décomposition, renforcée de surcroit par une extrême droite qui bloque tout.

     

     

    - Une machine à excommunier

    Quiconque aura l’audace de se présenter en dehors de la Primaire sera affublé, par la bobostructure qui la souhaite, immédiatement du sobriquet de « diviseur », ou d’irresponsable voulant « la défaite de la gauche ». et bla bla bla... Par sa dynamique propre, cette primaire devient une machine idéologique à excommunier tous ceux qui n’auront pas fait de génuflexion devant elle. Elle désigne des boucs émissaires qui permettent de masquer les désastres culturels et sociaux de la politique du gouvernement. Quiconque n’en est pas « fait le jeu de la droite et de l’extrême droite »… Air connu. Dans un article de la semaine dernière, le journaliste de Libération Lilian Alemagna, toujours avisé sur les sacs de nœuds de la gauche française, dit les choses assez clairement : « ceux qui, à gauche, restent en dehors, devront expliquer à leurs électeurs potentiels pourquoi ils n’étaient pas de ce processus citoyen inédit. Et pourquoi ils ont pris le risque de laisser le second tour de la présidentielle à la droite et à l’extrême droite. » CQFD.

     

    C’est donc là que réside le principal attrait de ce dispositif aux yeux de quelques uns des gros malins qui l’ont initié. En écrivant cela, je fais nettement la distinction parmi les signataires entre l’économiste Thomas Piketty tout à fait respectable et sincère, et un combinard cynique comme Daniel Cohn-Bendit qui veut transformer la gauche française en un centre « libéral-libertaire », à peine centre-gauche, et faire disparaître tout le reste sur la gauche.

     

    L’opération « Primaire de la gauche et des écologistes » si elle avait lieu (mais je n’y crois guère) est donc, contrairement aux apparences de quelque chose d’ouvert et accueillant, un dispositif qui passe une laisse autour du cou de toutes les forces politiques qui y participent. Il faut en accepter le verdict, quel qu’il soit à l’arrivée. Même s’il est absurde et à l’opposé de ses convictions. Les formations politiques partie prenante de cette primaire, ne doivent plus avoir ensuite la possibilité, où même la légitimité morale et politique, de se présenter seules, ou avec d’autres, au premier tour de l’élection présidentielle. C’est la Ve République en plus dur. Vous n’avez même plus le droit d’être au premier tour pour mener campagne ! Alors que depuis le 5 décembre 1965 date de la première élection présidentielle au suffrage direct, il y a toujours eu plusieurs candidats se réclamant de la gauche et de l’écologie (sans que leur nombre ait le moindre lien entre la victoire ou la défaite de la gauche au final), cette « primaire » acte un système présidentiel exacerbé, verrouillé, totalement « tripartiste », où seules les trois grandes familles de la vie politique (La « droite » à travers les républicains, la « gauche » à travers le PS et le FN) ont le droit de défendre leurs couleurs en désignant leur champion à l’élection phare de la Ve République qui est pourtant celle qui mobilise le plus les électeurs et détermine toutes les autres pendant le quinquennat en fonction de son résultat. Ainsi, la « règle du jeu politique » serait définitivement bloquée. Encore plus bloquée que ce que dénonce les auteurs de l’appel. En dehors de l’appartenance à l’un de ces trois pôles dont vous devez être un satellite, vous n’existez plus.

     

     

    - Un contournement des milieux populaires

    A ce qui doute de mes affirmations, pensant qu’il est possible d’y désigner un autre candidat que celui du PS je leur réponds qu’il faut être lucide sur la sociologie militante et sociale de ceux que cela intéresse et mobilise concrètement. C’est à dire ceux qui pratiquement viendraient physiquement voter. Alors que je crois déterminant d’être en capacité de (re)mobiliser les catégories populaires les plus abstentionnistes, les plus éloignées du débat politique, les moins à même de se positionner spontanément comme de gauche ou de droite, les plus hostiles aux formations politiques traditionnelles, cette Primaire, par sa nature même, fait le choix de s’adresser mécaniquement à ceux qui se définissent encore comme étant de « la gauche et des écologistes », ceux qui sont les plus intégrés à la vie politique classique, généralement les plus qualifiés, les mieux rémunérés et vivant dans les grands centres urbains.

     

    Lors de la campagne présidentielle, les faibles conditions, mais néanmoins réelles, qui permettent à un candidat « non officiel » de toucher les catégories populaires sont ici supprimées. A la primaire, on ne fait plus campagne dans tous le pays, mais simplement à la TV où devant des assemblées militantes, avec des moyens et des budgets radicalement différents d’un candidat à l’autre, souvent coupées des secteurs les plus abstentionnistes. Alors que plusieurs études démontrent qu’une part significative (26 %) de nos compatriotes se déclare hors de toute appartenance partisane et que plus de la moitié (52%) dans aucun des trois grands partis traditionnels (PS, LR, FN), cette « primaire » laisse le choix du candidat quasi exclusivement à ceux qui sont encore clairement dans une latéralisation droite / gauche classique, à l’écoute des formations puisque ce sont elles seules qui ont les moyens de l’organiser. C’est une grave erreur tactique. C’est s’enfermer dans le score historiquement bas du prétendu « total gauche ».

     

     

    - Une étude éclairante datant de 2011

    Pour confirmer mon raisonnement, j’invite chacun à consulter l'étude réalisée par le CSA, à la demande du PS en novembre 2011 après leur primaire qui avait désigné François Hollande.

     

    Le constat est éclairant. Je le résume :

    • D’abord, ceux qui se mobilisent le plus à une primaire, dans une proportion encore plus forte que lors des scrutins classiques, sont ceux qui votent le plus traditionnellement. La participation est encore plus forte dans les « zones urbaines dynamiques » et « les pôles universitaires » qu’ailleurs. La participation est nettement plus significative sur les terres électorales traditionnelles du PS. La participation des catégories socioprofessionnelles les plus élevées est proportionnellement plus forte que lors des élections officielles.
    • A l’inverse, les milieux les plus abstentionnistes s’abstiennent encore davantage.

     

    Bref, tout cela accentue tous les défauts des comportements électoraux actuels qu’il faudrait pourtant corriger : faible mobilisations des milieux les plus populaires, sur-mobilisation des CSP +. Donc, contrairement à son look si sympathique, la primaire ne « donne pas plus la parole au Peuple »… en réalité, sur le plan sociologique, elle la lui supprime encore plus nettement puisqu’elle impose en pratique finalement l’idée que c’est seulement le candidat désigné par les CSP + qui a le droit de se présenter au réel premier tour de la présidentielle.

     

     

    - Une consécration de la « démocratie sondagière »

    - Et comment la magie s’opère-t-elle sans que la manipulation ne soit trop visible ou trop grossière ?

    Essentiellement par les sondages et les médias qui imposent, grâce à des panels pseudos irréprochables, le nom et l’identité, dans l’imaginaire collectif des CSP +, du « seul candidat qui est peut être au second tour ou qui peut être élu » et cela généralement plus d’un an avant l’élection.

     

    - La prétendue démocratie des primaires n’est donc que la consécration d’une « démocratie sondagière ».

    Souvenons nous. En 2011, le candidat Dominique Strauss-Kahn caracolait en tête des intentions de vote à la primaire, alors qu’il passait le plus clair de son temps à New York, et ne disait quasiment rien sur son programme. Le 14 avril 2011, toujours à propos de la Primaire socialiste, l’institut de sondage Opinion Way en est sûr : DSK arrive en tête avec 46 % des intentions de vote. De son côté François Hollande atteint péniblement 18%. Et puis survient le 14 mai 2011, l’épisode glauque du Sofitel à New York. Le scandale est énorme. Et bien dès le 17 mai, Opinion Way tient son nouveau sondage… et son nouveau champion. Cette fois ci, François Hollande est en tête à 62 % ! Il a bondi de 44% ! Un mois plus tard le 15 juin, nouveau sondage, il est redescendu à 51 %, mais le trou est fait avec les quatre autres candidats. C’est plié. Du point de vue du système, celui qui va l’emporter, c’est lui. L’affaire s’est réglée en quelques jours. Sans qu’il y ait eu le moindre débat de fond, la moindre proposition, François Hollande est devenu le candidat du PS. Les sondages l’ont dit. La suite s’enchaine. Puisqu’il est le candidat d’évidence, il faut donc lui donner encore plus de force etc, etc…. En ramassant 1 038 188 voix lors de la Primaire (soit 39% des suffrages), il devenait le candidat du PS (et au passage, Manuel Valls malgré ces 5,6 % deviendra quand même ensuite Premier Ministre, c'est à dire le chef du gouvernement). C’est significatif mais cela ne représente que moins de 7 % du total des électeurs qui voteront ensuite « à gauche » au premier tour en 2012.

     

    Est-ce demain à ce noyau réduit politiquement et sociologiquement de décider qui doit être en 2017 le seul candidat légitime en quelque sorte ? Je ne suis pas d’accord, d’autant que je considère erroné de ne raisonner que dans le segment de ce que l’on nomme « la gauche » qui s’est mobilisée lors des élections d’après 2012. Il faut viser à renouer avec le principe de majorité. Parler au plus grand nombre, à commencer par les abstentionnistes. C’est la clé de tout.

     

     

    - Un PMU politique où un seul cheval est dopé

    Le choix du candidat dans une primaire n’est donc pas le fruit d’un raisonnement rationnel, d’un débat argumenté, mais se transforme mécaniquement en un mauvais PMU politique où certains chevaux sont dopés et d’autres non, et ou le nouveau Paris turf des CSP+ qui se disent de gauche (c’est à dire Libération, mais pas seulement) vous souffle avant la course à coup de Unes tapageuses et d’études ravageuses, le nom du seul « bon » candidat, c’est à dire « le seul qui peut.. ».

     

    • Vous voulez des exemples ?

    L’hebdomadaire Marianne de cette semaine, souvent mieux inspiré, prête la main à cette opération. Dommage. Sur une double page, il veut d’abord nous convaincre que la grande majorité du peuple de gauche veut des primaires (à 85 %), et donc qu’il faut être vraiment mal élevé ou mauvais joueur pour les refuser. Il nous assure ensuite que le candidat que voudraient « les sympathisants de gauche », c’est à dire le seul qui aurait le droit de se présenter à la présidentielle au premier tour, serait dans l’ordre de préférence : Manuel Valls, Martine Aubry ou François Hollande…. Les autres, circulez ! Et Marianne nous l’affirme : à 66% les sympathisants de gauche veulent qu’il soit « issue du PS ». Fermez le ban.

     

    Ainsi donc, on voudrait nous faire admettre que seules trois personnalités issues du PS, toutes trois favorables à la politique actuelle de l’Union européenne, toutes trois signataires de la même Motion lors des congrès du PS, seraient à même de représenter seules ce que l’on nomme « la gauche ». Et face à l’extrême droite qui veut capter la colère populaire, un membre de ce trio serait le mieux placé pour lui faire face ? Pour la contester ? Pour la faire reculer ?

     

    J’affirme que ce serait l’inverse. La « candidature unique de la gauche » c’est le dernier cadeau d’un détestable système institutionnel nommé Ve République à Marine Le Pen avant d’arriver au pouvoir. Cela la consacre comme seule et unique opposante au système.

     

     

    - Coup de froid sur la démocratie ou « frimaire » de la gauche et l’écologie

    Loin de rechauffer la banquise politique actuelle, certains veulent imposer un nouveau mois de « frimaire » (particulièrement froid dans le calendrier révolutionnaire) sur l’aspiration populaire au changement.

     

    Dans ces conditions, ce sera donc sans moi. Ceux qui pensent que dans cette campagne présidentielle, il faut créer les conditions pour que soient représentées la voix des abstentionnistes, des milieux populaires, la puissante indignation sociale qui monte et la volonté de rupture avec la 5e République, en passant par une Assemblée constituante pour une 6e République, il y a autre chose à faire. Je reviendrai sur ce point dans des prochains billets, n’ayez crainte.

     

    Et je souhaite bon courage à ceux qui essayeront de faire que ces primaires soient autre chose que ce que je viens de décrire. Pour moi, c’est perdu d’avance. En attendant, signez la pétition en soutien aux 8 salariés (cliquez ICI) des Goodyear condamnés à 9 mois de prison pour avoir voulu simplement défendre leurs emplois avec des méthodes sommes toutes assez classiques dans l’histoire du syndicalisme ouvrier français. Mais la justice de classe, qui sait épargner MM. Balkany ou Cahuzac a parlé.... Qu'importe. En l’espace de quelques jours, et avec beaucoup moins de surface médiatique, cette pétition a récolté déjà cinq fois plus de signataires que l’appel au Primaire…

     

    Bonne nouvelle. Malgré ses efforts, la « démocratie sondagière » n’effacera pas la question sociale.

     

     

    Pour en savoir plus :

    - Martine Billard : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés »

    - Quand le PS investit l’idée de « Primaire à gauche » par Jean-Luc Mélenchon

    - Primaire : ma réponse à Caroline De Haas

    - Mise au point sur les chances à "gauche" pour 2022 et la mauvaise idée d'une primaire

    Partager cet article
    Repost0
    18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 09:51
    Martine Billard : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés »

    Ce billet est une réflexion strictement personnelle qui n'engage que moi et qui n'a aucune vocation à regrouper qui que ce soit. Mais je pense que vu l'état dans lequel est tombé "l'autre gauche" nous avons besoin de réflexions, de débats tout azimuts.

    C'est pourquoi après le premier billet où j'essayais de faire un bilan centré sur les résultats des élections régionales celui-ci a plus vocation à réfléchir sur la suite. J'espère qu'il provoquera aussi des commentaires comme le premier, même si je ne suis pas d'accord avec tous, ils sont des apports, des précisions, des controverses. C'est un billet assez long aussi je n'ai pas tout développé autant que je pourrais le faire.
     

    Source : blog de Martine Billard par Martine Billard co-secrétaire nationale du Parti de Gauche le 09/01/2016

    - Un recul des perspectives de révolution citoyenne sur toute la planète
    Nous subissons au niveau international une nouvelle période de montée des régressions libérales et de l'obscurantisme religieux avec ses conséquences en termes de conflits violents et de terrorisme. C'est vrai en Amérique Latine (offensive de la droite libérale en Argentine, Brésil, Venezuela) comme au Moyen-Orient avec la régression autoritaire en Égypte et en Turquie et la montée de Daesh, comme en Europe avec la poursuite de l'offensive libérale dans tous les pays et les poussées de xénophobie dans nombre d'entre eux.


    Dans ce cadre bien difficile, le score de Podemos aux dernières élections espagnoles est bien l'exception. Mais on peut s'inquiéter que, dans un pays où le taux de chômage dépasse les 28% et où une fraction importante de la jeunesse est obligée de s'exiler, le vote de rupture ne dépasse pas 25% (Podemos+IU). Syriza en Grèce a renoncé à l'affrontement avec la troïka européenne et se trouve contraint d'appliquer toutes les mesures antisociales refusées précédemment. L'acceptation du mémorandum est venue clore l'espoir soulevé d'une alternative immédiate aux politiques européennes d'austérité.

     

     

     

    - Oser regarder la réalité en face : la situation française n'est pas meilleure

    La dynamique créée par la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, 4 millions de voix, s'est prolongée dans les marches appelées sous l'impulsion du Front de Gauche mais avec un succès diminuant peu à peu : 30 septembre 2012 contre le TSCG, marche citoyenne pour la 6ème République du 5 mai 2013, 1er décembre 2013 pour la révolution fiscale, 12 avril 2014 contre le pacte de responsabilité et l'austérité.

     

    Nous nous sommes heurtés à l'intransigeance du pouvoir qui avait bien compris que la moindre faiblesse de sa part pouvait le mettre en difficulté. C'est ainsi qu'après l'avoir promis, Hollande a rejeté toute loi d'amnistie des syndicalistes et militants associatifs victimes de la répression sous Sarkozy. Cet échec, plus la poursuite sans dévier de la politique austéritaire du gouvernement, ont fini par démobiliser y compris les secteurs les plus combatifs. Certes, certaines luttes, totalement soutenues par le Front de Gauche, ont fini par gagner : les Pilpa, les Fralib. Mais face à tant d'autres fermetures d'entreprises que nous n'avons pas réussi à empêcher, face à la poursuite des politiques libérales dont le résultat consiste en une aggravation des inégalités, le Front de Gauche n'a pas réussi à apparaître comme celui en capacité de protéger les intérêts des classes populaires. Il ne faut pas oublier non plus la répression de plus en plus dure contre les luttes comme nous venons de le voir avec la condamnation à de la prison ferme des 8 syndicalistes de Goodyear ou la confiscation de véhicules et de tracteurs pour opération escargot afin de protester contre Notre-Dame des Landes

     

    • L'optimisme et le volontarisme ne peuvent pas tout résoudre.

    À chaque échéance électorale, nous annoncions vouloir passer devant le PS, renverser la table et construire des formes de pouvoir citoyen. Mais le PS ne s'est pas effondré. Et l'ambiance dans le pays n'est pas aux mobilisations citoyennes de masse. Notre enthousiasme nous a amenés à repeindre la situation en plus favorable qu'elle n'était et à nier la réalité.

     

    Il faut reconnaître que les mobilisations sociales sont faibles et que Hollande et son gouvernement remplissent le rôle que Sarkozy n'a pas su occuper : briser les résistances populaires pour poursuivre la casse du droit du travail, des protections sociales et des services publics. Les libéraux de droite comme de gauche ont tiré une leçon de la défaite du mouvement social contre la réforme des retraites de 2010 : il est possible de passer en force. Jusqu'ici les classes moyennes et l'intelligentsia cherchaient à se consoler en se disant qu'au moins le PS défendait des valeurs de gauche. Ce dernier marqueur est tombé avec la promotion de la déchéance de nationalité pour les binationaux nés Français ainsi que l'état d'urgence.

     

    Nous devons nous mettre d'accord sur la gestion du temps : il ne s'agit plus de renverser la table à court terme mais d'accepter que le temps est plus long. Sinon nous en serons réduits aux coup de barre constants pour essayer régulièrement d'ajuster à la réalité une ligne trop optimiste. Une analyse moins optimiste de la conjoncture implique un travail à plus long terme.

     

     

     

    - Un Front de Gauche au bout de sa dynamique ?

    Le Front de Gauche avait été conçu pour lutter contre l'éparpillement des forces à gauche du PS, pour éviter de se retrouver dans la situation de la présidentielle de 2007 avec des candidats concourant à celui qui obtiendrait moins de 2% et terminer dans un paysage à l'italienne avec disparition de toute gauche digne de ce nom.

     

    La présidentielle de 2012 a été une réussite.

    Mais nous n'avons pas su faire fructifier le résultat.

     

    Il y a eu le traumatisme des municipales avec le choix du PCF de partir dans la moitié des cas avec le PS et en plus de l'affirmer en tant que stratégie nationale. Les batailles autour de l'utilisation du sigle FG ont laissé localement des plaies ouvertes et ont installé une défiance réciproque et profonde. Les expériences de liste commune avec EELV menées dans plusieurs communes ont abouti à d'assez bons résultats laissant entrevoir l'intérêt de rassemblement de listes FG-EELV. Mais la direction d'EELV, procédant à une analyse fausse quant à leur recul électoral global, a vite sifflé la fin de ces convergences. Grenoble avait donné une confirmation à notre stratégie constamment affirmée d'un PS en voie d'écroulement et d'une possibilité de passer devant et de gagner en entraînant une dynamique populaire. Malheureusement ce fut la seule victoire et la tentative de reproduire un schéma similaire au niveau du département l'année suivante, permettra certes un résultat intéressant mais pas au point de passer devant le PS et de gagner.

     

    Les élections européennes de mai 2014 se sont déroulées dans ce climat de défiance au sein du FG et se sont soldées par un résultat en stagnation de 6,5% et la perte du siège de la région Nord. Pour les élections régionales je vous renvoie au billet après le premierau billet que j'ai publié sur mon blog.
     

    • De l'incapacité de passer d'un cartel à un mouvement national de masse

    La première erreur, et à vrai dire l'erreur fondamentale, a été de maintenir le FG sous forme cartel. Le PG a essayé de poser le débat en son sein. Ainsi la résolution du Conseil National de juin 2012 : « Il est nécessaire d'avancer sur la façon de poursuivre les assemblées citoyennes et les possibilités d'adhésion au Front de Gauche, au moins localement. La volonté d'y intégrer les citoyennes et citoyens qui ne veulent pas s'engager dans l'un de ses partis est partagée par tous. Nous proposons donc que la discussion s’engage sur ces questions. »

     

    Devant le refus absolu du PCF d'envisager une force politique avec adhésions directes, tant le PG que les forces qui ensuite constitueront Ensemble ! n'ont pas osé aller à l'affrontement et construire des collectifs FG à la base. Là où le PCF était hégémonique ou anti FG, les militants désireux de constituer le FG en front de masse ont soit eu peur d'être étouffés soit n'ont pas trouvé comment passer outre l'opposition du PCF. Mais il a aussi existé des FG locaux très positifs ainsi que des fronts thématiques qui ont réellement fonctionné, comme par exemple le Front de Gauche de l'agriculture ou le Front de Gauche féministe.

     

    Nous relancerons cette proposition en janvier 2014. Suite à un appel de personnalités lancé le 16 mai 2014, une AG du FG réunira 250 personnes à Montreuil le 6 septembre, avec la présence de tous les animateurs du FG, Pierre Laurent, Clémentine Autain et Jean-Luc Mélenchon compris. Mais ce sursaut sera sans lendemain, la réunion suivante le 7 décembre restera sans suite.

     

    • Ce refus d'aller au-delà d'un cartel d'organisations signe l'impossibilité du FG de se dépasser.

    Chaque échéance électorale a été un moment de tension. Outre la question de l'indépendance vis-à-vis du PS, l'obstination à concevoir toute élection, hors présidentielle et européenne, comme des élections locales a empêché le FG de se construire comme une alternative. De même le recours aux « notables locaux » conçus comme des garanties de score a démontré son inefficacité à moyen terme, élection après élection, les bastions historiques du PCF fondant comme la banquise sous l'effet du réchauffement climatique.
     

     

    - Les partis politiques sont-ils un obstacle ?

    Tous les partis sont impactés par les résultats des élections régionales. Même le FN vit des tensions entre la tante et la nièce. À droite, courir derrière le FN n'est pas concluant et Sarkozy n'apparaît pas comme le candidat indiscutable pour 2017. En cas de victoire de A. Juppé à la primaire des LR, il n'est pas impossible qu'une partie de l'électorat de « gauche modérée » préfère ne pas courir le risque de voir M. Le Pen élue et vote donc pour lui dès le premier tour empêchant ainsi Hollande de parvenir au second tour. Pour Hollande il est primordial d'empêcher tout candidat à sa gauche tout en espérant plusieurs candidats à droite. La droite a évidemment l'intérêt inverse. Nous ne sommes donc pas à l'abri de rebondissements. Mais dans tous les cas, il est vraisemblable que le résultat de 2017 ouvre une période d'explosion du PS vers une ligne plus démocrate portée par Valls et d'autres. Côté frondeurs pour le moment on assiste plutôt à un éparpillement, puisqu'à chaque rupture apparaît une nouvelle structure politique (Pouria Amirshahi et son « mouvement commun », Philippe Noguès avec « Voix de gauche », Debout la Gauche à La Seyne sur Mer ...)

     

    Nous pensions que l'alignement du PS français, dans la suite de toute la social-démocratie européenne, sur le modèle libéral allait dégager un espace à gauche. Au PG, on ajoutait qu'une course de vitesse était engagée avec le FN pour savoir si l'espace libéré par le PS dans la lutte contre le libéralisme serait occupé par une alternative de rupture à gauche ou au contraire par le FN. On nous a beaucoup reproché cette formule.

     

    Hélas il faut bien reconnaître que le FN nous a plus que distancé et que c'est lui et non le FG qui a profité de l'espace dégagé par le PS.

     

    Quelles en sont les raisons ? Souvent nous revient la réflexion que gauche et droite c'est pareil. Or nous nous appelons Front de Gauche, Parti de Gauche et donc pour les franges les moins politisées de l'électorat, tout cela c'est du pareil au même.

     

    Par ailleurs sachons reconnaître que nos formes d'expression ne sont pas forcément les plus adaptées à l'objectif que nous fixons de nous adresser au peuple.

     

    Pour d'autres, la faute en revient aux partis politiques qui feraient obstacle à l'engagement politique. Et en général, on nous donne Podemos comme contre exemple. Pourtant Podemos est un parti. J'avais déjà répondu sur ce blog à propos de cette question " A mes amis qui pensent que les partis n'ont plus de raison d'être ".

     

    Il est indéniable qu'il y a peu de jeunes dans les partis, même si le PG fait un peu exception, tout comme d'ailleurs dans les syndicats et les associations dont l'objet est dans le champ politique. Seules les luttes écologiques voient des jeunes s'engager. Peut-être parce que c'est un des rares secteurs où l'action concrète débouche sur de réelles modifications.

     

    Il est à noter aussi que le M6R a certes récolté de très nombreuses signatures, 100 000 en 1 an, pour la constituante et la 6ème République mais n'est pas non plus parvenu à se changer en mouvement de masse. Or si cela avait correspondu à une vraie attente dans la société, le M6R aurait réussi à bousculer les partis politiques contre leur propre volonté, à commencer par le PG et le Front de Gauche dans son ensemble. Cela n'est pas arrivé.

     

    Il nous faut regarder la réalité en face, la reconstruction politique va prendre du temps. Vouloir aller plus vite que les rythmes politiques ne sert à rien sinon à décourager encore plus.

     

    • Rassemblement citoyen contre partis politiques ?

    Faisant le bilan du marasme du Front de Gauche, du refus de listes larges de rassemblement FG-EELV-Nouvelle Donne-Nouvelle Gauche Socialiste à l'échelle nationale permettant de créer une véritable dynamique citoyenne, le PG a essayé de contourner cet état de fait par des appels citoyens pour peser et donner de l'air. Malheureusement il faut reconnaître que le résultat n'a pas été là non plus à la hauteur des espérances.

     

    Là encore la réalité nous est revenue en boomerang : il n'y a pas de raccourci. La période politique n'est pas bonne. Dans ces conditions, penser qu'on va pouvoir construire des organes de pouvoir citoyen à partir de rien, revient à faire abstraction de la situation réelle. Comme le dit très bien René Revol sur son blog : « Cela se construit mais ne se décrète pas. De véritables assemblées citoyennes où le peuple décide de son destin ne peuvent se forger que dans une situation de mobilisation sociale et civique ».

     

    C'est ce qui a amené le PG à proposer une articulation entre appels citoyens et alliances de partis, pensant que autrement l'espace n'existait pas pour obtenir des scores qui donnent envie de continuer au lieu de désespérer et ce d'autant que rien n'aurait convaincu ni EELV ni le PCF de renoncer à faire apparaître leur étiquette d'une façon ou d'une autre. Le résultat de la Vague Citoyenne en Aquitaine montre que ce n'est pas que la méchanceté des partis qui a empêché les citoyens de rejoindre massivement une liste affirmant rompre avec les vieux partis. D'ailleurs, de nos jours s'appeler citoyens ou rassemblement, appeler à donner la parole aux citoyens ... n'est absolument pas un clivage politique, on le retrouve aussi bien à droite qu'à gauche.

     

    Toute l'histoire démontre que lorsque la situation est mûre, les masses débordent sans problème les partis voire les syndicats, même si ceux-ci peuvent effectivement dans un deuxième temps constituer un obstacle à la poursuite d'un mouvement de masse (mai 68, comités de lutte, comités de grève débordant les syndicats dans les années 70, COBA en Italie, Indignés en Espagne et dans d'autres pays ...). Nous n'assistons pas à cela en France actuellement même si beaucoup d'initiatives foisonnent sur Internet appelant au dépassement des partis. Mais Internet n'est pas toute la société.

     

    - Le peuple ne se lasse jamais de lutter

    En politique il y a des moments de recul. À la sortie d'une séquence aussi désastreuse pour notre camp, le pire serait de passer notre temps à nous déchirer, de ressasser le passé, de se replier chacun sur son appareil convaincu d'avoir raison contre tous et faire parler la rancœur et les règlements de compte, de jeter le bébé, en l'occurrence toute forme de parti, avec l'eau du bain. Quelle qu'ait été la position de chacun sur ce qu'il fallait faire au second tour des régionales, maintenant nous devons réfléchir tous ensemble sur comment faire face à la situation actuelle.

     

    Il reste dans ce pays un courant de pensée qui refuse d'accepter l'idée qu'il n'y a pas d'alternative, qui refuse de croire que la solidarité est un concept dépassé, que la lutte de classes n'existe plus. C'est à ce courant qu'il faut nous adresser, sans sectarisme mais aussi sans opportunisme, pour reconstruire un socle sans nous réduire à notre microcosme politique qui nous amène à avoir une vision totalement déformée de la réalité. Nous n'avons pas besoin d'un concours à qui sera le plus radical. Si c'était le problème, LO ou le NPA aurait beaucoup plus d'audience dans le pays.

     

    Il nous faut redonner de l'espoir. Montrer qu'il existe une force qui ne plie pas, une force qui n'est pas que dans le négatif mais a des propositions positives..

     

    Pour cela il faut être capable de reconstruire un projet de société alternatif qui en même temps soit crédible. Cela suppose de retravailler notre projet pour passer d'un projet théorique à un projet concret : l'écosocialisme c'est un autre mode de vie, solidaire, démocratique et écologique.

     

    Il nous faut reprendre la bataille culturelle pour montrer que nous n'abandonnons pas les classes populaires, être présents dans les luttes sociales, écologiques et pour la défense des droits démocratiques. Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi interroger notre vocabulaire.

     

     

    - 2017 : le problème n'est pas l'âge du capitaine

    Nous avons de nouveau le droit à une multitude de discours sur ces hommes (et oui ce sont tous des hommes), qui réussissent parce qu'ils sont plus jeunes. Cela avait commencé avec Obama, puis continué avec Renzi en Italie, Tsipras en Grèce et aujourd'hui en Espagne avec Pablo Iglesias de Podemos et Albert Rivera de Ciudadanos. Tout serait donc une question d'âge. Mais alors comment expliquer le succès de Beppe Grillo en Italie ? (61 ans lors du lancement de son mouvement 5 étoiles en 1999, 66 lors de son succès aux élections de 2013, 25%), comment comprendre la victoire de Corbyn (66 ans) au parti travailliste en Angleterre ? Ou le succès dans les sondages de Bernie Sanders (74 ans) aux USA ? Comme quoi l'âge n'est pas la variable déterminante. Alors ce serait la nouveauté, le renouvellement ? Mais Arlette Laguillier, 6 fois candidate à la présidentielle, obtient son meilleur score 5,72% en 2002 pour sa 5ème candidature à l'âge de 62 ans. Dans le cas de Corbyn et Sanders il s'agit de parlementaires anciens. Et que dire de Alain Juppé (70 ans) qui apparaît comme une image de renouvellement alors qu'il a été un homme politique toute sa vie, ministre pour la première fois en mars 1986, premier ministre en 1995, condamné à de la prison et à l'inéligibilité pour 1 an dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. D'ailleurs le dernier sondage Odoxa publié dans Le Parisien du 2 janvier est très significatif au niveau du résumé présenté par la presse « Une majorité de Français souhaitent un renouvellement de la classe politique (56%), Juppé plébiscité, Macron symbole du renouvellement (55%) » ! Et donc si tout cela était un poil plus compliqué ?

     

    • UnE candidatE à la présidentielle pourquoi faire ??

    Pour éviter l'obstacle, certains sont tentés de dire nous sommes contre la présidentialisation de la vie politique, occupons-nous plutôt des législatives. Certes les institutions de la 5ème République, centrées autour du Président de la République et donc de son élection sont mortifères. Mais en attendant de pouvoir changer, que fait-on ? La présidentielle est l'élection nationale par définition, avec la plus forte participation électorale et où il est possible de défendre un projet de société en s'adressant au plus grand nombre. Ne pas y participer revient à être absent du débat politique.

     

    S'il faut un candidat, ce n'est pas pour avoir une candidature de témoignage à 1% ou même 3%, mais pour porter un projet politique et sur cette base utiliser l'élan de la campagne pour reconstruire une force politique. Un candidat qui ne serait là que pour faire le meilleur score possible mais sans projet politique de construire la suite de manière collective, serait de peu d'utilité.

     

    • Des primaires pour un candidat de gauche, mais quelle gauche ?

    Beaucoup rêvent d'un seul candidat à gauche. Mais une fois dit cela, les interrogations commencent. Une quarantaine d'intellectuels et de politiques soutenus par Libération ont lancé une pétition « pour une primaire des gauches et des écologistes». Dans le monde politique, beaucoup se précipitent pour se féliciter de cette initiative, trop contents d'échapper à la douloureuse décision d'y aller ou pas en 2017. Or les primaires exacerbent les défauts de la présidentialisation. Déjà foisonnent les candidatures potentielles. Des responsables EELV ont ainsi annoncé leur volonté d'y présenter un candidat, sans compter les individualités et ceux issus de la « gauche » du PS.

     

    Le Manifeste qui accompagne l'appel réussit la prouesse de ne citer à aucun moment le nom du président actuel de la République ni le fait que le gouvernement soit PS. En dehors de la déchéance de la nationalité, pas de critiques claires sur la politique menée.

     

    En fait deux discours accompagnent cet appel : un premier qui consiste à dire que cet appel va de Hollande à Mélenchon et que cela peut permettre de redonner une légitimité à Hollande. Quel sens d'avoir un appel pour une primaire si au final c'est pour se ranger derrière Hollande ? Comment pourrait-on se retrouver à recommencer avec lui en 2017 après 5 années calamiteuses qui n'ont fait que creuser la désespérance dans tout le pays et monter le FN. La seule mesure positive aura été le mariage pour tous, un peu maigre comme bilan pour avoir envie de continuer. De plus qui peut croire que si Hollande décide de se représenter, et pour le moment rien ne permet de penser l'inverse au contraire, il va se soumettre à une primaire ?

     

    Un autre discours cherche à dégager Hollande pour désigner un autre candidat de "la gauche et des écologistes" ou autrement dit ne veulent surtout pas d'une « primaire de la gauche de la gauche ». Quels pourraient être les points d'accord avec des signataires qui ne jurent que par l'Europe libérale pour toutes celles et ceux qui la combattent notamment depuis le TCE en 2005 ? Quel intérêt de repartir avec le même schéma de soumission au système si ce n'est faire monter encore plus le FN ?

     

    Enfin, certains espèrent pouvoir au final détourner cet appel en primaires pour un candidat de la gauche de la gauche contre Hollande. Mais l'affirmation de la recherche de l'unité dans une telle confusion politique ne peut pas déboucher sur une reconstruction utile.

     

    En plus cet appel recouvrant des arrières-pensées différentes et mêmes divergentes, il n'est pas impossible qu'après un moment d'euphorie et de débats qui peuvent réunir beaucoup de monde et être riches et intéressants, tout cela ne termine dans la confusion et la déception.

     

    • Un candidat d'unité à gauche du PS ?

    Oui c'est ce qu'il faudrait. Le PG s'est battu aux municipales puis aux départementales puis aux régionales sur cette idée d'unité Front de Gauche-EELV pouvant susciter des dynamiques citoyennes. Nous y sommes parfois arrivés localement mais hélas les dynamiques d'appareils politiques ont souvent été les plus fortes comme viennent de le démontrer les régionales. Nous sommes repartis dans une période de décomposition-éparpillement.

     

    Candidat à la présidentielle ne s'improvise pas et encore moins dans le contexte difficile actuel. Et que cela nous plaise ou non, aucune figure issue des mouvements sociaux ne se détache pour remplir cette tâche. Le contraire serait d'ailleurs surprenant dans un contexte politique de recul de ces derniers. Partir avec quelqu'un de totalement inconnu, désigné par une primaire ou pas, avec le blocage de l'accès aux médias de toute parole alternative, est très risqué, et partir divisés est suicidaire. De plus il ne faut pas oublier l'obstacle des 500 signatures.

     

    Dans un contexte de confusion politique totale, entretenue par le positionnement du gouvernement qui n'a plus rien de gauche et le discours pseudo social du FN et où le positionnement gauche/droite a de moins de moins de sens pour bon nombre d'électeurs, la porte est ouverte à toutes les aventures personnelles sans lendemain mais pouvant attirer le vote des déçus du système.

     

    • Comment avancer ?

    Le pire serait de semer de faux espoirs pour que ensuite tout retombe. A l'inverse il ne s'agit pas non plus de se replier dans le purisme et le refus de tout débat. Mais les 17 mois qui nous séparent de 2017 ne doivent pas avoir pour seul objectif de remobiliser le microcosme politique. Il faut s'adresser largement aux électeurs avec la proposition de construire ensemble un projet de rupture avec les politiques menées. Cela doit donc se faire dans la clarté.

     

    Il nous faut un candidat capable d'articuler projet écologique, social et démocratique. Mais si cela est indispensable, cela n'est pas suffisant. Il nous faut quelqu'un capable de porter un tel discours auprès des classes populaires donc au-delà de notre microcosme politique ou des intellectuels. Il ne s'agit pas de faire campagne pour plus de gauche, les meilleurs à gauche, l'opposition de gauche mais pour le peuple contre l'oligarchie et le système.

     

    Il ne s'agit pas non plus de terminer à 1% ou 2% car cela serait sans lendemain. Pas simple donc. Nous ne partons pas de rien puisque nous avons les 4 millions de voix de Jean-Luc Mélenchon en 2012. Qu'en faisons-nous ? Devons-nous toujours repartir de zéro ? Ou essayons-nous de faire une force de cette réalité, du fait que sa popularité semble n'avoir subi qu'une faible érosion dans l'électorat populaire ?
     

    L'enjeu dans ce cas est la forme de la campagne. Cette fois-ci, il ne faut pas refaire l'erreur de 2012. Il faut une seule campagne nationale présidentielle et législative, donc avec un seul programme que nous pourrions commencer à construire dès le début 2016 au travers d'assemblées citoyennes, même s'il est vraisemblable que leur nombre et leur force soient relatifs au début. Mais construire collectivement est fondamental. Les porte-paroles de cette campagne pourraient représenter les secteurs auxquels nous voulons nous adresser, entreprises, quartiers, luttes écologiques et non en priorité les forces politiques parties prenantes de la campagne commune. Elle doit dépasser le FG qui par sa forme cartel n'est plus adapté et se donner comme objectif de construire une nouvelle organisation de masse écologique, sociale et défendant les valeurs républicaines. Organisation dont il serait mieux que le nom ne soit plus une référence à la gauche dans le contexte de discrédit de ce mot.

     

    La présidentielle ne doit donc pas être vue comme une fin en soi mais comme un outil pour modifier le rapport de force au sein de la société, comme une étape pour préparer la suite.

     

    Pour en savoir plus :
    -
    Mon dossier : Primaires - Elections présidentielles 2017

    - Des primaires pour un nouveau Front populaire par François Asensi

    - Faire naître un printemps de la gauche! par Patrick Le Hyaric

    - « La présidentielle doit servir à créer un nouveau rassemblement à gauche » par Eric Coquerel

    - " Gare au prix amer de la primaire " par Alexis Corbière

    Partager cet article
    Repost0