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5 avril 2025 6 05 /04 /avril /2025 14:35
« Trump engage une crise globale du capitalisme » – L’analyse de Jean-Luc Mélenchon

« Tout est réuni pour que la politique de Trump produise à la fois une crise du capitalisme et une crise politique populaire... » Par cette porte inattendue, la « révolution citoyenne » peut surgir !

Alors quelle riposte efficace contre Trump[3] ?

 

 

Dans les colonnes de l'Insoumission, Jean-Luc Mélenchon analyse les crises et les chocs provoqués par la mise en application des mesures de droit de douane aux Etats-Unis d’Amérique qui cherchent par tous les moyens à conserver leur domination sur le monde. Le leader insoumis alerte sur les chocs majeurs, un choc récessif et inflationniste dans tous les pays, un choc financier, et un choc social qui s’ajoute comme conséquences des dévastations que les deux premiers vont produire, ainsi qu’un choc guerrier.

 

 

Sources : Jean-Luc Mélenchon | mis à jour le 12/04/2025

- « Condamner la politique absurde de Donald Trump ne signifie pas que nous serions d’une manière ou d’une autre ralliés à la doctrine du libre-échange » 

La mise en application des mesures de droits de douane aux États-Unis d’Amérique est dorénavant bien comprise comme un événement considérable.

  • Il s’agit ici de la re-fragmentation du système des échanges commerciaux mondiaux et par conséquent de tous les aspects de la production et de l’organisation des échanges et de la division internationale du travail.
  • Est mis à terre l’ordre sur lequel reposait toutes les mesures politiques, économiques et sociales depuis quarante ans au moins.

Il est impossible qu’un tel revirement survienne sans provoquer de considérables secousses.

 

🔴 Nous-mêmes, Insoumis, n’avons jamais été partisans du libre-échange.

  • Mais nous avons toujours considéré qu’il n’était pas possible de procéder à la hache pour mettre en place le protectionnisme nécessaire pour permettre à notre nation de retrouver par exemple sa souveraineté alimentaire et sanitaire. Et de même pour l’essentiel des produits industriels dont elle a besoin pour assurer ses industries de pointe comme le spatial, le numérique, le maritime, en imposant sur tous ces terrains d’actions économiques 100 pour-cent de droits de douane.
  • C’est pourquoi nous parlions de « protectionnisme solidaire », ce qui signifiait dans notre esprit un retour au bilatéralisme pour ce qui est de la négociation des droits de douane, en fonction des intérêts mutuels qui pouvaient être négociés dans cette circonstance, au cas par cas, pays par pays. Condamner la politique absurde de Donald Trump ne signifie pas que nous serions d’une manière ou d’une autre ralliés à la doctrine du libre-échange et de la « concurrence libre et non faussée ».

 

Mais nous ne pouvons accepter qu’en tel choc soit infligé à l’ensemble de l’économie mondiale. Et donc très directement à tous les peuples du monde. Surtout venant d’une puissance brutale qui n’a aucun autre objectif que de conforter sa puissance, et si possible de l’amplifier. Et dans tous les cas de l’imposer au reste du monde.

 

 

- « La certitude d’une aggravation des tensions sociales partout et des « lutte de classes ». »
Nous pouvons deviner au moins deux conséquences probables au vu des conditions dans lesquelles s’opère la politique de Monsieur Trump.

  • La première est que d’un côté les droits de douane des USA,
  • de l’autre les répliques dans tous les autres pays du monde ce sera autant d’inflation importée partout.

Et cette inflation vient s’ajouter à celle qui déjà s’est produite après la COVID du fait du rattrapage par les prix des retards d’accumulation des principales puissances capitalistes, grandes entreprises, banques et autres. Dans la période immédiatement précédente, aucune compensation salariale n’a été accordée d’une manière générale pour rattraper la ponction de l’inflation sur les salaires. Seuls quelques pays, seuls quelques activités dans quelques pays ont bénéficié de rattrapage.

 

Mais globalement, les peuples se sont appauvris. Le nouveau choc inflationniste va donc tomber sur un terrain déjà meurtri. Et dans une logique des rapports sociaux qui sont celles de la période du néolibéralisme triomphant. C’est-à-dire des rapports sociaux brutaux et totalement déséquilibrés. C’est donc la certitude d’une aggravation des tensions sociales partout et des « lutte de classes ». Qui en résulte d’une façon générale.

 

Dans de telles circonstances. Plus ces tensions interviendront dans des sociétés déjà déséquilibré du point de vue du fonctionnement de leur démocratie et de l’exaspération des tensions déjà présentes, plus évidemment, elles généreront de crises politiques. Jusque dans des formes majeures, comme celle de « révolutions citoyennes ». C’est-à-dire d’une volonté de reprise du contrôle par le grand nombre sur sa destinée.

 

 

- « Tout est réuni pour que la politique de Trump produise à la fois une crise du capitalisme et une crise politique populaire »
À côté de cet événement social, et peut-être avant lui l’autre conséquence de la politique douanière de Trump, c’est le déséquilibre qu’il introduit à l’intérieur de la sphère financière globale c’est-à-dire du choc qui lui inflige et qui peut produire par effet domino une contagion de paniques boursières. Et d’effondrement en chaîne de sociétés liées les unes aux autres, soit par des prêts interentreprises, soit par des prêts bancaires qu’elles ne peuvent plus honorer. Dans ces conditions, tout est réuni pour que la politique de Trump produise à la fois une crise du capitalisme et une crise politique populaire.

 

L’intéressé, Donald Trump lui-même a d’ores et déjà admis que sa politique aurait un effet récessif aux États-Unis d’Amérique. Mais évidemment, et par contagion, dans toutes les nations productives du monde qui verront leur commerce mutuel passer au ralenti d’une manière considérable.

 

À mes yeux, il n’y a aucune chance pour que les États-Unis dans un tel épisode et en 4 ans, de la durée d’un mandat présidentiel arrive à reconstituer une base productive industrielle au niveau auquel Trump voudrait la voir parvenir pour effacer le solde abyssal du déséquilibre du commerce extérieur nord-américain. Encore faut-il bien comprendre que ce déséquilibre a été le mode d’organisation de l’économie mondiale depuis 1971. C’est parce que les États-Unis achetaient à crédit partout qu’une animation du commerce et de la production avait lieu sans qu’on ne demande jamais aux États-Unis la contrepartie des dollars qu’ils émettaient pour combler leur déficit.

 

Un tel système ne durera pas et poussera sans aucun doute les nations qui ont été piégées par l’usage du dollar à devoir s’en passer et à se passer des relations avec les États-Unis d’Amérique. Mais rien de tout cela ne peut avoir lieu sans que tout commence par la récession. Or, d’ores et déjà, plusieurs économies, et non des moindres dans le monde, comme celle de l’Allemagne sont en récession. La France de son côté ne prévoit pas d’augmentation de sa croissance de plus de 0,7%, c’est à dire quasiment la stagnation.

 

Dès lors :

  •  les recettes fiscales seront en baisse.
  • Les dépenses sociales liées au chômage et à la mauvaise santé seront en hausse.
  • Et la mécanique qui a déjà ruiné le pays s’amplifiera puisqu’on refuse de mettre à contribution les grandes fortunes.

Tout cela ne peut que conduire au chaos comme celui qui se prépare avec par exemple le gel de 9 milliards des crédits votés dans le budget de l’État.

 

 

- Des chocs majeurs vers un choc guerrier
On ne sait combien de temps Donald Trump pourra continuer sur sa lancée sans rencontrer de résistance. La politique dont il a fixé les grandes orientations, à savoir :

  • la paix en Europe aux conditions de la Russie et sans la participation des Européens pour obtenir des garanties mutuelles avec les Russes se conclura donc dans des conditions instables et menaçantes pour le futur.
  • La paix au Moyen-Orient semble prendre chaque jour prendre un visage de bouleversement de la carte géopolitique que ce soit aux frontières du Liban, de la Syrie et sans doute ensuite plus loin comme avec l’Iran.

 

Mais fondamentalement, la préparation de la guerre[0] dans la mer de Chine n’aura pas cessé un seul jour depuis des mois et des mois. Les incidents sont quasi quotidiens. L’installation sur la pointe avancée des Philippines d’ogives nucléaires nord-américaine capable d’atteindre le continent et en particulier le territoire de la Chine[1] continentale, est une provocation. Elle fait penser à celle qui fut organisée contre la Russie soviétique quand les Américains installèrent en Turquie leurs missiles, a quoi les Russes répondirent par l’installation des leurs missiles à 150 km eux aussi de la frontière des États-Unis d’Amérique, à Cuba.

 

  • Il est absolument exclu d’imaginer que les Chinois, d’une quelconque manière, se laissent intimider par la puissance déclinante des États-Unis d’Amérique.
  • Il est également exclu de penser que les États européens, contrairement à ce que disent leurs discours, soient capables d’organiser une « défense européenne » souveraine.

Rien n’en prend le chemin. C’est par dizaines et dizaines que des avions F 35 sont commandés aux États-Unis d’Amérique par tous les pays d’Europe. Tous ces avions interviennent dans le cadre de l’Inter opérationnalité avec le matériel américain. C’est-à-dire sous le contrôle direct de la présidence des États-Unis d’Amérique qui peut décider quel avion décolle et quel avion ne décolle pas, quelle cible peut être visée et qu’elle ne peut pas l’être.

 

Et cela dans le même temps où la pression pour confisquer le Groenland au profit des États-Unis d’Amérique contre le Danemark n’a pas cessé un seul jour et semble se diriger, comme pour les autres objectifs fixés par Trump par une mise en œuvre matérielle concrète, à horizon très proche. Tout cela inflige donc des chocs majeurs :

  • un choc récessif et inflationniste dans tous les pays ;
  • un choc financier sur l’ensemble de la sphère numérique financière globale ;
  • un choc social s’ajoutant comme conséquences des dévastations que les deux premiers vont produire ;
  • et enfin un choc guerrier[2].

 

 

- La « révolution citoyenne » peut surgir par cette porte inattendue ouverte par l’absurdité de la politique des USA.
Ce qui compte n’est pas l’addition des crises, mais leur superposition. Et cette superposition, intervient elle-même dans un contexte d’aggravation des conséquences de la crise climatique globale. Il est donc prévisible, a moins d’un changement d’orientation majeur que cela conduise d’une façon générale à une crise de la civilisation humaine comparable à celles qui ont été le résultat des 2 premières guerres mondiales. Et par conséquent, toutes les sociétés seront mises au défi de savoir où elles veulent aller et quels moyens elles se donnent de le faire.

 

Il faudra s’aligner sans rechigner et sans discuter sur les désidératas des Nord-américains et payer le tribut qu’ils ont fixé à tous leurs alliés.

  • C’est-à-dire 5% de leur PIB consacré à des dépenses militaires pour acheter du matériel américain.
  • Ou bien s’inscrire dans une logique alternative c’est-à-dire de non-alignement aux côtés de tous ceux qui refusent de céder, qui refusent d’entrer dans une logique de confrontations violentes et guerrières avec l’une ou l’autre des puissances.

 

🔴 C’est à la fois un moment très dangereux et un moment plein d’opportunités.

Mais un moment dans lesquels les faux pas, les à-peu-près, et les faux-semblants ne peuvent produire que des désastres. Plus que jamais les Insoumis doivent se présenter comme l’alternative à la marche, à la ruine du monde cela dans notre pays avec le peuple qui le fait vivre.

  • Sans concession.
  • Sans arrangement.
  • Sans dilution de la clarté et de la cohérence des objectifs de son programme si l’on veut d’un « avenir en commun ».

La « révolution citoyenne » peut surgir par cette porte inattendue ouverte par l’absurdité de la politique des USA.

 

 

🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 🔴 

 

 

- Alors quelle riposte efficace contre Trump ?

 Beaucoup d’argent est en train de s’envoler en fumée, comme c’est toujours le cas lorsqu’il y a une crise financière du capitalisme. Je complète mon analyse parue ci-dessus puisque les événements confirment mon angle d’analyse.

 

Pour accéder au texte d'analyse complet sur la riposte à Trump cliquez sur l'image de Trump ci-dessous. 👇

 

Beaucoup d’argent est en train de s’envoler en fumée, comme c’est toujours le cas lorsqu’il y a une crise financière du capitalisme. Je complète mon analyse parue sur le site « l’Insoumission » puisque les événements confirment mon angle d’analyse.

 

La résistance de l'Union européenne à Trump se dégonfle à vue d'œil. Après la course aux négociations séparées, voici le renoncement collectif à la taxation des GAFAM. L'UE, c'est juste une publicité mensongère. Trump peut dormir tranquille, ses larbins continuent le service.

 

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6 mars 2025 4 06 /03 /mars /2025 20:02
« America First » et le grand chambardement des relations internationales

Selon Trump et ses acolytes, l’Amérique a dépensé d’énormes sommes d’argent pour protéger ses alliés, en particulier les pays riches parmi eux. Il est temps pour ceux-ci de rembourser la dette. La vérité historique, cependant, est très différente de cette représentation simpliste des choses.

 

 

Sources : Gilbert Achcar écrivain et universitaire du Liban | mis à jour le 07/03/2025

- La logique de « l’Amérique d’abord », adoptée par le mouvement néofasciste américain connu sous le nom de MAGA[0], peut sembler rationnelle à ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire économique des relations internationales.

Selon Trump et ses acolytes, l’Amérique a dépensé d’énormes sommes d’argent pour protéger ses alliés, en particulier les pays riches parmi eux, c’est-à-dire l’Occident géopolitique (l’Europe et le Japon en particulier) et les États pétroliers arabes du Golfe. Il est temps pour ceux-ci de rembourser la dette : tous ces pays doivent payer la facture en augmentant leurs investissements et leurs achats aux États-Unis, en particulier leurs achats d’armes (c’est ce que Trump entend par sa pression constante sur les Européens pour qu’ils augmentent leurs dépenses militaires). Tout cela s’inscrit naturellement dans la logique mercantile qui va de pair avec le fanatisme nationaliste qui caractérise l’idéologie néofasciste (voir « L’ère du néofascisme et ses particularités », 05/02/2025[1]).

 

🔴 De ce point de vue, les dépenses militaires étatsuniennes – qui ont effectivement dépassé non seulement celles des alliés de l’Amérique, mais ont presque égalé à un moment donné les dépenses militaires de tous les autres pays du monde réunis – ont été un sacrifice majeur au profit des autres.

  • Selon la même logique, l’important déficit de la balance commerciale étatsunienne n’est que le résultat de l’exploitation de la bonne volonté américaine par d’autres pays.
  • C’est pourquoi Trump veut le réduire en imposant des droits de douane à tous les pays qui exportent vers les États-Unis plus qu’ils n’en importent.
  • Ce faisant, il cherche également à augmenter les revenus de l’État fédéral afin de compenser sa réduction de ces mêmes revenus par des réductions d’impôts au profit des riches et des grandes entreprises.

 

 

- La vérité historique, cependant, est très différente de cette représentation simpliste des choses.

La Nouvelle Guerre froide. : États-Unis, Russie et Chine, du Kosovo à l'Ukraine Broché – Grand livre, 4 janvier 2024 de Gilbert Achcar

▶️ Tout d’abord : les dépenses militaires étatsuniennes après la Seconde Guerre mondiale ont été, et restent, un facteur majeur dans la dynamique spécifique de l’économie capitaliste américaine, qui s’est appuyée depuis lors sur une « économie de guerre permanente » (ceci est expliqué en détail dans mon livre La Nouvelle Guerre froide : les États-Unis, la Russie et la Chine, du Kosovo à l’Ukraine, 2023[2]). Les dépenses militaires ont joué et continuent de jouer un rôle majeur dans la régulation du cours de l’économie étatsunienne et dans le financement de la recherche et du développement technologiques (ce dernier rôle a été important dans la révolution des technologies de l’information et de la communication, un domaine qui a ramené les États-Unis à la pole position technologique après le déclin relatif de leurs industries traditionnelles).

 

▶️ Deuxièmement : la protection militaire que les États-Unis ont fournie à leurs alliés en Europe et au Japon, ainsi qu’aux États arabes du Golfe, fait partie d’une relation de type féodal, dans laquelle ces pays ont accordé de grands privilèges économiques au suzerain américain, en plus de leur participation au réseau militaire sous son commandement exclusif.

  • La vérité contredit complètement la description que font Trump et ses acolytes des relations des États-Unis avec leurs alliés comme étant basées sur leur exploitation par ces derniers.
  • La réalité est exactement le contraire, car Washington a imposé à ses alliés, en particulier aux pays riches parmi eux, un type de relations économiques à travers lequel il les a exploités, notamment en imposant son dollar comme monnaie internationale, de sorte que ces pays ont financé directement et indirectement le double déficit de la balance commerciale américaine et du budget fédéral. Les dollars du déficit commercial étatsunien, ainsi que diverses ressources en dollars de divers pays, sont continuellement revenus dans l’économie américaine, certains d’entre eux finançant directement le Trésor étatsunien.

 

- Ainsi, les États-Unis ont vécu, et continuent de vivre, bien au-dessus de leurs propres moyens.

Un fait qui est évident dans l’ampleur de leur déficit commercial, qui a approché les mille milliards de dollars en 2022[3], et la taille de leur énorme dette, qui dépasse 29 mille milliards de dollars, soit l’équivalent de 125 % de leur PIB[4].

 

Les États-Unis sont l’incarnation ultime d’un débiteur important et puissant qui vit aux dépens de riches créanciers dans une relation de domination du premier sur les seconds, au lieu de l’inverse.

 

Même envers l’Ukraine, les 125 milliards de dollars[5] que les États-Unis ont donnés à ce pays jusqu’à présent (loin des chiffres fantaisistes de Trump, quand il affirme que son pays a dépensé 500 milliards de dollars[6] à cet égard) sont équivalents à ce que l’Union européenne a fourni à elle seule[7] (or, le PIB de l’UE est inférieur d’environ 30 % à celui des États-Unis), sans compter ce que la Grande-Bretagne, le Canada et d’autres alliés traditionnels des États-Unis ont apporté. En fait, ce que les États-Unis ont dépensé pour financer l’effort de guerre ukrainien a servi leur politique visant à affaiblir la Russie en tant que rival impérial.

  • Washington est le principal responsable de la création des conditions qui ont facilité la transformation néofasciste en Russie et ont conduit à son invasion de son voisin.
  • Les États-Unis ont délibérément attisé l’hostilité envers la Russie et la Chine après la guerre froide afin de consolider la subordination de l’Europe et du Japon à leur hégémonie.

 

▶️ Cependant, lorsque Trump et ses acolytes reconnaissent la responsabilité des administrations américaines précédentes dans la création de la situation qui a conduit à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils ne le font pas par amour de la paix comme ils le prétendent hypocritement (leur position sur la Palestine est la meilleure preuve de leur hypocrisie), mais plutôt dans le contexte de leur transition de la considération de la Russie comme un État impérialiste rival – une approche que Washington a poursuivie de manière croissante depuis les années 1990 malgré l’effondrement de l’Union soviétique et le retour de la Russie dans le giron du système capitaliste mondial – à la considération de Poutine comme leur partenaire en néofascisme, prêts à coopérer avec lui pour renforcer le courant d’extrême droite en Europe et dans le monde, en plus de bénéficier du grand marché et des grandes ressources naturelles de la Russie. Alors qu’ils voient dans les gouvernements libéraux de l’Europe un adversaire idéologique et un concurrent économique à la fois, ils voient en la Russie un allié idéologique qui ne peut pas rivaliser avec eux sur le plan économique.

 

 

- En revanche, la Chine, aux yeux de Trump et de ses acolytes, est le plus grand adversaire politique et concurrent économique et technologique.

Joe Biden a suivi la même politique, établissant une continuité entre le premier et le second mandat de Trump en ce qui concerne l’hostilité à l’égard de la Chine. Alors que l’équipe Trump peut espérer séparer Moscou de Pékin, tout comme la Chine s’est séparée de l’Union soviétique dans les années 1970 et s’est alliée aux États-Unis, Poutine ne prendra pas le risque de s’engager dans cette voie tant qu’il ne sera pas sûr de la permanence des néofascistes américains à la tête de leur pays.

 

La grande question est maintenant de savoir si l’axe libéral européen est prêt à prendre le chemin de l’émancipation de la tutelle étatsunienne, ce qui nécessite de mettre fin à son alignement derrière Washington dans l’hostilité envers la Chine et de consolider ses relations de coopération avec elle.

  • Cela exige également que les pays européens soient prêts à travailler dans le cadre du droit international et à contribuer au renforcement du rôle des Nations unies et des autres institutions internationales, deux choses que Pékin n’a cessé de réclamer.

 

 

- L’intérêt économique de l’Europe est clair à cet égard, bien sûr, en particulier l’intérêt de la plus grande économie européenne, l’économie allemande, qui entretient des relations étroites avec la Chine.

L’ironie est que la Chine s’associe maintenant aux Européens pour défendre la liberté du commerce mondial contre l’approche mercantile adoptée par Trump et ses acolytes, et pour défendre les politiques environnementales contre leur rejet, accompagné du déni du changement climatique, qui caractérise diverses variétés de néofascistes. Les positions acerbes exprimées par le nouveau Premier ministre allemand, Friedrich Merz, en critiquant Washington et en appelant à l’indépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis[8], si elles aboutissent à une véritable tentative de suivre cette voie, pourraient se traduire dans l’attitude de l’Union européenne à l’égard de la Chine, d’autant plus que la position française penche dans la même direction.

 

🔴 Tout cela confirme la mort du système libéral atlantique et l’entrée du monde dans une phase houleuse de rebattage des cartes, dont nous ne sommes encore qu’au début. Les élections au Congrès américain de l’année prochaine joueront un rôle majeur pour promouvoir ou freiner ce processus, selon qu’elles conduisent à renforcer ou à affaiblir la domination néofasciste sur les institutions américaines. Pendant ce temps, le mouvement néofasciste américain a commencé à imiter ses homologues dans divers pays en sapant progressivement la démocratie électorale et en mettant la main sur les institutions de l’État américain dans le but de perpétuer son contrôle sur elles.

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24 janvier 2025 5 24 /01 /janvier /2025 23:49
Les 46 décrets du premier jour de Trump passés au crible

Depuis son entrée en fonction le 20 janvier dernier, le président américain, Donald Trump, multiplie les décrets sur une foule de sujets : immigration, justice, économie, identité de genre, environnement. 

 

 

Pour « rendre l’Amérique grande à nouveau », Donald Trump avait annoncé « un déluge » de décrets présidentiels dès le premier jour de sa présidence. De fait, ce 20 janvier, il a paraphé à tour de bras des dizaines d’« ordres exécutifs », de « proclamations » et de « memoranda ». Des mesures chocs, de nature juridique parfois légèrement différentes (et qui pourraient, pour certaines, être rapidement contestées), qui concrétisent la politique du nouvel homme fort des Etats-Unis, en donnant le ton d’un mandat placé sous le signe de la rupture radicale. 

 

 

Sources : Eric Durand |  mis à jour le 05/04/2025

- Quelle est la portée de ces décrets et comment vont-ils façonner la vie politique aux États-Unis ?
Un décret est « une extension du pouvoir exécutif du président », explique Christophe Cloutier-Roy, directeur adjoint de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « Dans sa définition la plus simple, un décret, c’est une consigne que donne le président à tout ce qui relève du pouvoir exécutif : fonctionnaires, militaires, bref tout ce qui relève du gouvernement fédéral. »

 

Les décrets présidentiels n’ont pas force de loi. Ils peuvent être soumis au jugement des tribunaux et infirmés s’ils ne respectent par les principes de la Constitution américaine. Mais ils sont très utiles pour agir rapidement et de façon très précise sur certaines questions.

 

« Les décrets sont bons pour obtenir des gains à brève échéance, estime M. Cloutier-Roy. Et c’est certainement bon pour Donald Trump, en début de mandat, de montrer à ses partisans qu’il est actif, qu’il remplit ses promesses et qu’il est mesure de faire avancer son programme. Beaucoup plus que de passer par le Congrès, où le processus légal est complexe, long et très incertain. »

 

Les décrets ont toujours fait partie de l’arsenal présidentiel. Là où le gouvernement Trump se démarque, c’est par le nombre et la teneur des décrets adoptés en tout début de mandat.

 

« La plupart des présidents qui entrent en poste avec leur parti au pouvoir au Congrès [comme c’est le cas pour Trump] sont plus économes dans l’utilisation du décret présidentiel », soutient Christophe  Cloutier-Roy, qui souligne la forte empreinte partisane qui marque les dizaines de décrets adoptés jusqu’à maintenant. « Ce sont des décrets fortement teintés politiquement aussi, ce n’est pas la liste d’épicerie d’un président qui entre en fonction. Déclarer l’état d’urgence à la frontière, remettre en question la citoyenneté américaine, ce sont des signaux forts qu’on envoie à la base partisane. »

 

 

- Voici, par ordre chronologique de signature, l’ensemble des textes signés au « day one » du second mandat de Donald Trump.

🔴 Nominations et drapeaux au vent
Le ballet des signatures a commencé à 13 h 15, dans une salle du Capitole, avec cinq textes, consistant :

  • pour les quatre premiers – à désigner les membres du nouveau cabinet présidentiel, les responsables des sous-cabinets ou des présidents de commission.
  • Le cinquième texte est une proclamation en vertu de laquelle les drapeaux hissés le jour d’une investiture doivent flotter au vent.

Joe Biden avait en effet ordonné que les drapeaux soient en berne durant tout un mois, suite à la mort de l’ancien président Jimmy Carter, le 29 décembre. Or, Trump ne souhaitait pas que sa présidence débute avec des drapeaux en berne.

 

🔴 Annulation de 78 décrets de l’ère Biden
Trump avait assuré en novembre « pouvoir défaire presque tout ce que Joe Biden a fait, par le biais d’un décret ».

De fait, le tout premier décret signé par le nouveau président devant la foule annule en bloc 78 décrets pris par son prédécesseur[0]. Parmi les textes retoqués :

  • la priorité à l’équité raciale dans l’élaboration des politiques du gouvernement fédéral ;
  • l’existence d’une « task force » chargée de réunir les familles séparées à la frontière du Mexique ;
  • la reconstruction du programme d’accueil des réfugiés ;
  • la prévention et la lutte contre la discrimination fondée sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle ;
  • la lutte contre la crise climatique dans le pays et à l’étranger ;
  • l’égalité pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers et intersexuées.
  • Trump a également annulé la décision de Biden de retirer Cuba de la liste des Etats soutenant le terrorisme, réduisant à néant l’une des dernières mesures de politique étrangère du président démocrate.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Restauration de la liberté d’expression »
Le décret portant sur « la restauration de la liberté d’expression et la fin de la censure fédérale » interdit l’utilisation de fonds fédéraux pour toute action « visant à restreindre la liberté d’expression des citoyens américains »
[1]. Le texte impose au procureur général des Etats-Unis (en charge du département de la Justice) d’enquêter sur les éventuelles entorses du gouvernement Biden aux principes de la liberté d’expression, notamment les « pressions » qui auraient pu être exercées sur les plateformes de réseaux sociaux pour lutter contre la désinformation.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Fin de la militarisation du gouvernement fédéral »
Selon Trump, « le peuple américain a vu l’administration précédente s’engager dans une campagne systématique » contre « ses opposants politiques », notamment au travers de la poursuite « impitoyable de plus de 1 500 personnes » impliquées dans l’assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021.
Dès lors, le nouveau président souhaite « examiner les activités de tous les départements et agences exerçant des pouvoirs d’exécution civils ou pénaux » et leur conduite sur les quatre dernières années. Des rapports d’enquête seront commandés et des « mesures correctives » prises.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Fin du télétravail dans l’administration fédérale »
Le décret met fin aux mesures de télétravail instaurées dans l’administration durant la pandémie de Covid. Le travail des employés fédéraux doit désormais être réalisé en présentiel[2].

 

🔴 20 janvier 2025 : « Gel des dispositions transmises au registre fédéral »
Donald Trump ordonne à tous les départements et toutes les agences :

  • de ne pas proposer ou publier de nouvelles dispositions, jusqu’à ce qu’un chef de département ou d’agence nouvellement désigné par lui-même n’ait examiné et approuvé le texte en question.
  • le retrait immédiat de tous les textes qui ont été envoyés au registre fédéral (en charge de la publication officielle des lois fédérales et des décrets) mais non encore publiés, afin qu’ils puissent être réexaminés et approuvés.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Gel des embauches de fonctionnaires »

Le onzième texte proclame un gel des embauches à des postes de fonctionnaires en lien avec la branche exécutive. Aucun poste civil vacant ne peut être pourvu, et aucun nouveau poste créé[3]. Seules exceptions prévues :

  • le personnel militaire,
  • les postes liés à l’application des lois sur l’immigration, en lien avec la sécurité nationale ou la sécurité publique,
  • et les postes liés aux prestations de sécurité sociale, aux assurances santé ou à l’aide aux anciens combattants.

L’administration doit présenter, sous quatre-vingt-dix jours, un plan de réduction des effectifs du gouvernement fédéral, suite à quoi ce gel des embauches sera caduc, excepté pour l’Internal Revenue Service (IRS, l’agence qui collecte notamment l’impôt sur le revenu).

 

🔴 20 janvier 2025 : « Logement, emploi, et coût des appareils électroménagers »
Le douzième texte porte sur la « crise du coût de la vie ». Donald Trump y ordonne aux responsables de tous les départements et toutes les agences de :

  • réduire le coût du logement et augmenter l’offre ,
  • d’éliminer les exigences contre-productives qui augmentent les coûts des appareils électroménagers,
  • de « créer des opportunités d’emploi pour les travailleurs américains »,
  • ou encore d’« éliminer les politiques climatiques nuisibles et coercitives qui augmentent les coûts des denrées alimentaires et des carburants ».

 

🔴 20 janvier 2025 « Retrait des Etats-Unis des accords de Paris sur le climat »

Le treizième texte acte le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat, avec effet immédiat[4].

  • Les agences fédérales doivent ainsi cesser tout engagement financier lié à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
  • Le décret révoque également le Plan international de financement climatique jusqu’alors en vigueur.
  • Enfin, il ordonne aux agences fédérales responsables d’accords internationaux sur l’énergie de donner « dorénavant la priorité à l’efficacité économique, à la promotion de la prospérité américaine, au choix du consommateur et à la modération fiscale ».

 

🔴 20 janvier 2025 : « Grâce accordée aux assaillants du Capitole »
Comme annoncé de longue date, Donald Trump a gracié plus de 1 500 personnes condamnées pour leur participation à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, les qualifiant à nouveau d’« otages »
[5]. Il a ainsi commué les peines de 14 membres des milices Proud Boys et Oath Keepers, dont la plupart avaient été condamnés pour conspiration. Trump a également demandé au ministère de la Justice de rejeter « tous les actes d’accusation en cours » subsistant à l’encontre des personnes inculpées le 6 janvier.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Suspension du bannissement de TikTok »
Ce décret suspend le texte relatif aux « applications contrôlées par des adversaires étrangers » qui, depuis la veille, interdisait l’accès à l’application TikTok aux Etats-Unis[6]. Trump demande au procureur général de ne pas appliquer les dispositions de la loi pendant soixante-quinze jours, le temps qu’un accord d’achat soit conclu.

🔴 20 janvier 2025 : « Retrait des Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la santé »
Par ce seizième décret, Trump retire les Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[7]. Il liste une série de raisons, comme la « mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 » par l’OMS, des « paiements injustement onéreux » réclamés aux Etats-Unis ou encore le fait que la Chine paye moins que Washington. Le nouveau président républicain s’en était déjà pris à l’organisme dépendant des Nations unies en 2020, lors de la pandémie de Covid, et avait alors menacé de lui retirer son financement. Une mesure ensuite bloquée par Joe Biden.

 

Restauration d’une catégorie spéciale pour les fonctionnaires en lien avec l’exécutif. Le décret suivant rétablit un ordre exécutif de 2020, annulé par Biden en 2021. Il instaure une catégorie spécifique aux postes de la fonction publique liés à l’exécutif. Les fonctionnaires qui ont cette classification peuvent être plus facilement embauchés, mais aussi révoqués.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Responsabilité des anciens fonctionnaires en lien avec « l’ingérence électorale » et la « divulgation d’informations sensibles »
Par ce décret, Trump annule toutes les autorisations en matière de sécurité encore détenues par 51 anciens responsables des services de renseignement
[8] qui ont signé une lettre au cours de la campagne électorale de 2020 suggérant que les agents républicains ayant récupéré l’ordinateur de Hunter Biden faisaient « partie d’une campagne de désinformation russe ».

 

Le décret s’en prend également à un ennemi de longue date de Trump, John R. Bolton, son ancien conseiller à la sécurité nationale maintenant très critique à son égard. Donald Trump le prive de toute habilitation de sécurité. Ce 20 janvier, Biden avait prononcé une série de grâces anticipées en faveur de plusieurs élus et fonctionnaires, menacés par les représailles du 47e président des Etats-Unis.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Déclaration de l’urgence nationale à la frontière sud des Etats-Unis »
Le 19e texte signé par Trump proclame l’urgence nationale à la frontière entre le Etats-Unis et le Mexique, et y autorise le déploiement de forces armées (garde nationale comprise) pour soutenir les actions de sécurité intérieure[9]

  • Les barrières physiques doivent être renforcées, et les restrictions d’usages de drones dans les 8 kilomètres autour de la frontière y être levées aussitôt que possible.
  • Le secrétaire à la Défense et le secrétaire à la Sécurité intérieure doivent, en outre, prendre « toutes les mesures appropriées » pour empêcher l’entrée physique non autorisée d’étrangers.

Habilitations de sécurité pour le personnel du bureau exécutif du Président. Le 20e texte signé par le nouveau président entend résoudre ce qu’il définit comme un « retard inacceptable » de l’administration Biden concernant le « traitement des habilitations de sécurité des personnes recrutées pour travailler au sein du bureau exécutif du Président ». Donald Trump fournit ainsi une liste de personnes auxquelles il donne accès immédiatement aux informations « top secret ».

 

🔴 20 janvier 2025 : « L’Amérique d’abord »
Ce texte vise à « placer les intérêts des travailleurs et des entreprises des Etats-Unis au premier plan »[10]. Le secrétaire au Commerce et le secrétaire au Trésor doivent enquêter sur « les causes des déficits commerciaux persistants » des Etats-Unis et proposer des mesures correctives, telles qu’une révision des droits de douane. Si les pourcentages ne sont pas précisés, le candidat Trump a plusieurs fois évoqué les chiffres de 25 % pour les importations en provenance du Mexique et du Canada, et « jusqu’à 60 %» pour les produits chinois. Les « pratiques commerciales déloyales » des autres pays doivent être recensées, en vue là encore d’adopter des « mesures correctives ».

 

Le même texte ordonne en outre « l’examen de faisabilité » d’une autre annonce récente du candidat : la création de « l’External Revenue Service » (ERS), nouvelle agence chargée de collecter les revenus provenant de sources étrangères. Par ailleurs, les dispositions de l’Accord Etats-Unis-Mexique-Canada (USMCA), qui doit entrer en vigueur en 2026, doivent être réexaminées.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Le rôle de l’armée « clarifié »
Ce décret vise à « clarifier » le rôle de l’armée dans la protection de l’intégrité territoriale des Etats-Unis, en ajoutant que « la politique des Etats-Unis est de s’assurer que les forces armées des Etats-Unis donnent la priorité à la protection de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats-Unis le long de nos frontières nationales »[11]. Entendre : « sceller les frontières » et « repousser les formes d’invasions, y compris les migrations massives illégales » en employant « toutes les options disponibles ».

 

🔴 20 janvier 2025 : « Libérer l’énergie américaine »
Ce décret concrétise plusieurs promesses de campagne liées à la politique énergétique étasunienne, en abrogeant notamment de nombreux textes favorisant les énergies renouvelables[12]. Il annule ainsi, comme annoncé plusieurs fois au cours de la campagne électorale, le « mandat relatif aux véhicules électriques », une réglementation de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) impulsée par Biden limitant la pollution liée aux gaz d’échappement. Plus généralement, il met fin au « Green New Deal » étasunien – l’importante politique d’investissement pour la transition écologique initiée par Biden.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Suspension d’un programme d’admission des réfugiés »
Trump a signé un décret suspendant le programme américain d’admission des réfugiés (USRAP)[13], disposant que « les Etats-Unis n’ont pas la capacité d’absorber un grand nombre de migrants, et en particulier de réfugiés, dans leurs communautés d’une manière qui ne compromette pas la disponibilité des ressources pour les Américains ». Le décret suspend la réinstallation des réfugiés à partir du lundi 27 janvier. Il ordonne aux hauts responsables du ministère de la Sécurité intérieure et du département d’Etat de lui remettre un rapport tous les quatre-vingt-dix jours afin de lui permettre d’évaluer si le programme de réfugiés « est dans l’intérêt des Etats-Unis ».

 

🔴 20 janvier 2025 : Protection « du sens et de la valeur » de la citoyenneté américaine

▶️ Cet « executive order » vise à préciser les conditions du « droit du sol » définies par la Constitution[14]. Selon l’interprétation poussée par ce décret, la citoyenneté américaine ne peut pas être automatiquement accordée aux personnes nées aux Etats-Unis si leur mère était présente illégalement, si leur présence était temporaire au moment de la naissance, ou si le père n’était pas citoyen américain (ou résident permanent de manière légale). A noter que la contestation d’un tel décret devant les tribunaux est inévitable, du fait de sa contradiction présumée avec la Constitution. Le 23 janvier, un juge fédéral a suspendu temporairement le décret, le qualifiant de « manifestement inconstitutionnel[14bis] ».

 

▶️ Renforcement des frontières Dans le monde de Trump, « une nation sans frontières n’est pas une nation », comme le souligne un autre de ses décrets relatif à la sécurité aux frontières[15]. « Toutes les mesures appropriées » doivent alors être prises pour déployer et construire « des barrières physiques temporaires et permanentes le long de la frontière sud des Etats-Unis », et déployer un nombre de personnels suffisant.

 

Trump met également fin à la politique dite « catch and release » (attraper et relâcher), qui consiste à libérer les personnes sans statut légal en attendant qu’elles soient entendues par un tribunal de l’immigration. Ce texte prévoit également de rétablir la politique « Rester au Mexique », qui oblige certains demandeurs d’asile à la frontière sud à attendre au Mexique leur audience devant le tribunal américain de l’immigration.

 

▶️ « Les gens avant les poissons » Avec sa formule « à la Trump », le texte vise à reprendre les travaux lancés sous son premier mandat pour – supposément – permettre « à d’énormes quantités d’eau issue de la fonte des neiges et à de l’eau de pluie » de ruisseler vers le sud de la Californie[16]. Selon le nouveau président, l’impossibilité de maîtriser les incendies dans la région de Los Angeles serait liée au fait que de l’eau douce a été acheminée vers l’océan pour garantir la sauvegarde de plusieurs espèces de poissons. Un narratif vivement contesté par de nombreux experts.

 

▶️ Rétablissement de la peine de mort au niveau fédéral[17]. A travers ce nouvel executive order, Donald Trump veut rétablir l’application de la peine de mort au niveau fédéral, devenue rarissime, en chargeant le procureur général de « poursuivre l’application de la peine de mort pour tous les crimes dont la gravité exige son application ».

 

Le décret prévoit aussi l’application de la peine de mort dans tous les cas où une personne est reconnue coupable du meurtre d’un agent des forces de l’ordre et pour tous les crimes capitaux commis par des immigrés sans statut légal.

 

▶️ Directive relative à l’architecture des bâtiments civils[18]. Trump demande que lui soient soumises, sous deux mois, « des recommandations » quant aux politiques qui permettraient « que les bâtiments publics fédéraux soient visuellement identifiables » comme tels, dans le respect « du patrimoine architectural régional, traditionnel et classique », afin « d’améliorer et d’embellir les espaces publics et d’ennoblir les Etats-Unis ».

 

▶️ Licenciement facilité des cadres du Senior Executive Service (SES)[19]. Dans ce texte, Donald Trump s’en prend une nouvelle fois à la bureaucratie, et notamment aux « cadres supérieurs » du Senior Executive Service (SES), des fonctionnaires occupant des postes clés, juste en dessous des personnes nommées par le Président. Trump énonce que ces postes doivent pouvoir être attribués « selon le bon vouloir du Président ». Le licenciement des titulaires de ces postes est, par là même, facilité.

 

▶️ « Urgence énergétique nationale »[20]. Cet « executive order » donne mandat à plusieurs agences fédérales de faciliter l’identification, la location, l’installation, la production, le transport, le raffinage et la génération de ressources énergétiques permettant de satisfaire les besoins de tous les secteurs, des transports à l’agriculture en passant par la défense. Un prélude à l’octroi de nombreuses futures autorisations d’exploitation gazière ou pétrolière.

 

▶️ Gel de l’éolien en mer Le président Trump a ordonné au département du Trésor de geler les nouveaux baux éoliens « offshore » sur le plateau continental extérieur, ces terres submergées qui se trouvent au large des limites des eaux de l’Etat[21]. Le décret supprime l’ensemble des nouvelles concessions ou celles renouvelées pour l’éolien en mer, mais n’affecte pas les concessions existantes ni les concessions sur le plateau continental pour l’exploitation du pétrole et du gaz.

 

Trump charge également le ministère de l’Intérieur de mener un examen des incidences environnementales de cette source d’énergie.

 

▶️ Réévaluation de l’aide étrangère[22]. Le décret suspend pour quatre-vingt-dix jours les programmes d’aide au développement, afin d’évaluer leur efficacité et leur adéquation avec la politique étrangère des Etats-Unis.

 

▶️ Réorganisation du Conseil national de sécurité[23]. Afin de « relever les défis de la sécurité nationale » et refonder le « système d’élaboration, de prise de décision, de mise en œuvre et de suivi de la politique de sécurité nationale », Trump indique que le Conseil de sécurité nationale (National Security Council, ou NSC) devra être dédié à faire appliquer son agenda et être aligné avec ses mesures.

 

Ce texte prévaut sur toute ordonnance ou directive antérieure concernant cet organisme. Le conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, avait par ailleurs publiquement signalé ces derniers jours son intention de se débarrasser de toutes les personnes nommées pour des raisons non politiques, pour s’assurer que le conseil soit composé de ceux qui soutiennent le mieux l’agenda de Trump.

 

▶️ Position sur l’accord fiscal international de l’OCDE[24]. Le texte affirme que les dispositions de l’accord fiscal de l’OCDE, qui oblige notamment les Etats à taxer les bénéfices des entreprises à 15 % minimum, n’ont pas été acceptées au niveau du Congrès, et n’engagent donc pas les Etats-Unis.

 

▶️ Lutte contre « l’invasion »[25]. Ce décret ordonne aux agences fédérales d’utiliser « tous les moyens légaux pour assurer l’exécution fidèle des lois sur l’immigration des Etats-Unis contre tous les étrangers inadmissibles et expulsables ». Trump révoque par ailleurs plusieurs décrets pris par Joe Biden, notamment celui fournissant « un traitement sûr et ordonné des demandeurs d’asile à la frontière des Etats-Unis », ou celui établissant un « groupe de travail pour la réunification des familles ».

 

Le texte indique aussi que « toutes les ressources légalement disponibles » doivent être allouées pour « construire, exploiter, contrôler ou utiliser des installations pour détenir des étrangers amovibles ». En cas de manquement ou retard d’un pays étranger dans le cadre d’un rapatriement, Donald Trump n’exclut pas « l’émission de sanction ».

 

▶️ « Libérer le potentiel extraordinaire des ressources de l’Alaska »[26]. Cet " executive order " lève diverses restrictions qui limitaient l’exploitation du pétrole et du gaz dans différentes zones de l’Alaska. Il restaure différents baux d’exploitation dans le refuge faunique national de l’Arctique suspendus par l’administration Biden. Les dispositions du texte visent également à favoriser la production de gaz naturel liquéfié en Alaska.

 

▶️ L’octroi de visas en question[27]. Ce décret dispose que tous « les étrangers qui ont l’intention d’être admis, d’entrer ou qui se trouvent déjà à l’intérieur des Etats-Unis » seront « contrôlés et filtrés au maximum ». Trump veut également « évaluer tous les programmes de visas pour s’assurer qu’ils ne sont pas utilisés par des Etats étrangers ou d’autres acteurs hostiles pour nuire à la sécurité, à l’économie, à la politique, à la culture ou à d’autres intérêts nationaux des Etats-Unis ». Des « suspensions partielles ou totales de l’admission » de ressortissants sont notamment évoquées dans le décret, si les « informations relatives à l’examen et au filtrage [fournies par leur pays] sont insuffisantes ».

 

▶️ Une politique étrangère organisée autour de « l’Amérique d’abord »[28]. Trump demande au secrétaire d’Etat de publier « dès que possible » des orientations « visant à aligner les politiques, les programmes, le personnel et les opérations du département d’Etat sur une politique étrangère qui place l’Amérique et ses intérêts au premier plan ».

 

▶️ Le « Doge » d’Elon Musk[29]. Selon ce décret, le service numérique des Etats-Unis est rebaptisé Service Doge des Etats-Unis (USDS) et sera établi au sein du bureau exécutif du Président. Ce département de l’efficacité gouvernementale (Department of Government Efficiency) sera dirigé par Elon Musk, PDG de Tesla. Le décret précise que l’objectif du groupe est de « moderniser la technologie et les logiciels fédéraux » afin de faire des économies. Elon Musk a évoqué « jusqu’à 2 000 milliards de dollars » d’économie. Des syndicats d’employés du gouvernement, des groupes de surveillance et des organisations d’intérêt public ont déposé des recours dans les minutes qui ont suivi la signature de ce texte, alléguant que le Doge enfreint une loi de 1972 qui régit les comités consultatifs fédéraux.

 

▶️ Lois anti-trans[25]. Ce décret établit que le gouvernement fédéral reconnaît uniquement deux sexes, masculin et féminin, définis de manière définitive à la conception. L’ensemble des agences fédérales doivent désormais mener leurs politiques en fonction de ces définitions restrictives. Par ailleurs, les prisons, centres de détention et refuges « pour femmes » administrés au niveau fédéral, doivent être réservés aux personnes de sexe féminin, selon le cadre posé par le décret. Ce dernier interdit en outre le financement de transition de genre sur fonds fédéraux.

 

▶️ Fin des programmes de diversité et d’inclusion mis en place par Biden[30]. Dans ce texte, Donald Trump s’attaque aux programmes de « diversité, équité et inclusion » (DEI) mis en place sous l’administration Biden, qu’il considère comme un « gaspillage public et une discrimination honteuse ». Il met fin à tous ces programmes, y compris les mandats, politiques, programmes, préférences et activités de « diversité, équité, inclusion et accessibilité » au sein du gouvernement fédéral, citant à titre d’exemple les programmes de justice environnementale du ministère de l’Agriculture, ainsi que la formation à la diversité.

 

🔴 20 janvier 2025 : « Réforme du processus de recrutement fédéral »
Ce décret énonce en préambule que le recrutement au niveau fédéral ne devrait pas « être basé sur des facteurs inadmissibles », tels que des quotas favorisant la représentation raciale ou la parité. Trump ordonne la préparation, sous cent vingt jours, d’un programme de recrutement fédéral qui doit donner la priorité « à des personnes qui s’engagent à améliorer l’efficacité du gouvernement fédéral, qui sont passionnées par les idéaux de notre République américaine et qui s’engagent à faire respecter l’Etat de droit et la Constitution des Etats-Unis ».

 

🔴 20 janvier 2025 : Des cartels et gangs désignés comme « terroristes »[31]
Ce que Trump a annoncé dans son discours d’inauguration se matérialise dès le 20 janvier en décret : le Président définit les cartels de la drogue comme des organisations terroristes étrangères, afin d’accélérer l’expulsion des membres de groupes tels que Tren de Aragua, une organisation criminelle transnationale du Venezuela, ou encore du gang salvadorien MS-13. Selon Trump, ces cartels « opèrent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis » et « présentent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale, la politique étrangère et l’économie des Etats-Unis ».

 

🔴 20 janvier 2025 : Restaurer des noms qui « honorent la grandeur de l’Amérique »[32]
Donald Trump veut rebaptiser, dans les trente jours, le golfe du Mexique et le mont Denali situé en Alaska. La mer qui borde le sud-est des Etats-Unis sera renommée « golfe d’Amérique » tandis que le mont Denali, le plus haut sommet d’Amérique du Nord, redeviendra le mont McKinley, nom qu’il portait avant que Barack Obama ne le change en 2015 pour refléter les traditions des Amérindiens de l’Alaska ainsi que la préférence de nombreux résidents de l’Alaska. Le changement de nom de ces deux éléments naturels « apporte du bon sens au gouvernement et renouvelle les piliers de la civilisation américaine », indique le décret. Toutefois, si changer le nom du mont Denali, qui se trouve entièrement sur le sol américain, semble possible, rebaptiser le golfe du Mexique – zone considérée comme relevant des eaux internationales – pourrait se heurter à quelques écueils.

 

🔴 20 janvier 2025 : Garantir la protection des Etats contre « l’invasion »[33]
Dans le 46e et dernier texte signé par Trump le 20 janvier et publié sur le site de la Maison Blanche, le Président rappelle l’article 4 de la Constitution, qui dispose que le gouvernement fédéral doit « protéger chacun [des Etats] contre l’invasion ». Mais il souligne que le gouvernement a échoué à cette mission, car une « invasion est en cours à travers la frontière sud des Etats-Unis ». Le 47e président suspend donc l’entrée physique des étrangers « impliqués dans une invasion aux Etats-Unis à travers la frontière sud », le tout jusqu’à ce que le Président décrète que « l’invasion a pris fin ».

 

 

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- De la Chine à Gaza, comment Trump met le monde en danger de guerre totale ?
Quelles sont les plans et les motivations de Donald Trump ? Comment sa stratégie de prédation menace-t-il le monde d'une guerre totale ? Quelles menaces font peser les GAFAM sur la souveraineté numérique de la France ? Pourquoi la France renonce-t-elle au non-alignement pour préférer le suivisme atlantiste ?

 

 

Notes :

[0Le président Donald Trump a annulé 78 décrets de Joe Biden

[1États-Unis : la vision de Donald Trump sur la “ liberté d'expression ” se fait au détriment de la liberté de la presse

[2] États-Unis : Donald Trump signe un décret pour interdire le télétravail aux fonctionnaires fédéraux

[3Donald Trump gèle les embauches de fonctionnaires fédéraux

[4Les Etats-Unis se retirent de l'accord de Paris, un coup dur pour la politique climatique internationale

[5Trump accorde sa grâce présidentielle à plus de 1 500 assaillants du Capitole, une «insulte» à la justice pour Pelosi

[6TikTok obtient de Donald Trump soixante-quinze jours de sursis aux Etats-Unis

[7] " L'OMS nous a escroqués ": Donald Trump signe un décret pour sortir les États-Unis de l'agence de l'ONU

[8Trump suspend les autorisations de 50 anciens responsables du renseignement suite à une lettre de Hunter Biden

[9Immigration : Trump accentue son offensive à la frontière mexicaine avec l'aide de l'armée

[10Trump prépare un plan de guerre économique mondiale

[11États-Unis : Donald Trump s’attaque au droit du sol et à la diversité

[12Donald Trump décrète « l’urgence énergétique » et enterre de nouveau la lutte contre le dérèglement climatique pour « forer, forer »

[13] Trump suspend l’entrée de réfugiés aux États-Unis

[14En remettant en cause le droit du sol, Trump déstabilise l’identité américaine

[14bisLe 23 janvier, un juge fédéral a suspendu temporairement le décret, le qualifiant de « manifestement inconstitutionnel »

[15État d’urgence à la frontière, droit du sol : Trump lance sa vaste offensive anti-immigration

[16Aux Etats-Unis, l'administration Trump rétrograde la loi sur l'eau

[17Investiture de Donald Trump - Donald Trump signe un décret pour élargir l'application de la peine de mort

[18Aux États-Unis, Donald Trump impose par décret une architecture « traditionnelle et classique »

[19Limogeage de hauts responsables américains : le jeu de massacre de Trump

[20L'état d'urgence énergétique de Trump a des conséquences jusqu'en Europe

[21Le couperet tombe sur l'éolien en mer américain

[22] Mise en œuvre du décret présidentiel sur la réévaluation et la réorientation de l’aide extérieure des États-Unis

[23Trump a lancé une réorganisation du Conseil de sécurité nationale

[24Trump retire les États-Unis de l'accord mondial sur la taxation minimale des multinationales

[25États-Unis : Donald Trump signe une série de décrets anti-droits

[26Trump et l’énergie : une politique au service des industries fossiles

[27États-Unis : Donald Trump lance son offensive anti-migrants

[28« Je vais faire passer l’Amérique en priorité »

[29Donald Trump signe l’ordre exécutif créant le DOGE : son site arbore le logo de Dogecoin !

[30Les programmes de diversité, équité et inclusion (DEI) sont dans la ligne de mire de l’administration Trump. Un décret y a mis fin dans toutes les sphères du gouvernement fédéral.

[31Des cartels et gangs désignés comme « terroristes »

[32Après le Golfe du Mexique, Donald Trump relance la controverse avec le mont Denali

[33États-Unis. Trump fonde sa politique migratoire sur le fantasme de “ l’invasion ”

 

Pour en savoir plus :

- Le retour de Trump à la tête des USA, est un tournant politique inquiétant. Derrière ses promesses de " restaurer la grandeur de l’Amérique ", plusieurs mesures annoncées risquent d’affaiblir les protections sociales, de creuser davantage les inégalités

- Trump veut restaurer l’empire américain qui domine les affaires avec un ordre bâti pour assouvir ses intérêts

- Trumpisme et fascisme

- Salut nazi : Elon Musk, chef de file des trolls néofascistes

Comment la crise de l’abordabilité a profité à Trump

- La récente victoire de Donald Trump recouvre un énorme paradoxe. Elle va coûter très cher aux personnes de condition modeste qui ont cru devoir voter pour lui.

- « Contrôle » de Gaza, « Côte d’Azur du Moyen-Orient » : Trump veut achever le génocide commencé par Netanyahu

- Le 6 février 2025 Trump signe un décret pour sanctionner la Cour Pénale Internationale, le criminel de guerre Netanyahu visé par un mandat d’arrêt, applaudit

- Fascisme chrétien, milliardaires et trumpisme 

- Le coup d’État trumpiste, le fascisme à l’américaine dans une ère de déclin capitaliste et quelques pistes de résistance

- Trump : La fin du mythe du gentil Nord-Américain

- Menaces contre les droits des femmes et des minorités, censure et novlangue réactionnaire : la liste des méfaits de Trump s’allonge

- « Les mesures de Trump consistent en une déclaration de guerre contre la classe travailleuse ! » – Entretien avec Xavier Arrizabalo, membre du Comité pour l’alliance des travailleurs et des peuples

« Trump engage une crise globale du capitalisme » – L’analyse de Jean-Luc Mélenchon

Avec Trump, l’émergence d’un « capitalisme de malfrats »

 

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24 novembre 2024 7 24 /11 /novembre /2024 16:59
Sliman Mansour, 2021.

Sliman Mansour, 2021.

Sources : Mona Chollet |

- « Tu es restée bien silencieuse le 7 octobre. »
Quelques semaines après l’attaque du Hamas contre des soldats et des civils israéliens, il y a un an, une de mes connaissances racontait sur Facebook avoir reçu ce message d’une amie. Je n’ai pas échappé non plus à ce flicage de l’expression de la sympathie pour les victimes israéliennes, la mienne ayant été jugée trop tardive. Horrifiée, je l’étais ; mais j’étais aussi tétanisée, et désespérée.

 

🔴 Tétanisée, parce que je voyais combien le choc provoqué par le massacre du Hamas était immédiatement instrumentalisé, y compris par une surenchère d’allégations mensongères « bébés décapités », « femme enceinte éventrée », « bébé placé dans un four », afin de mieux exciter la soif de vengeance. Il a été utilisé pour justifier les bombardements sur Gaza, qui ont commencé dès le 7 octobre, puis ce qui n’allait pas tarder à devenir le génocide du peuple palestinien. Israël a « transformé le traumatisme en arme de guerre », comme Naomi Klein vient de le décrire dans un article époustouflant [0].

 

🔴 Et désespérée, parce que je comprenais brusquement une chose : la justice pour les Palestiniens, que ne cessaient d’attendre – sans doute naïvement – toutes les personnes qui, comme moi, suivent avec attention la situation en Israël-Palestine depuis trente ans ou plus, cette justice ne viendrait jamais.

  • Les bombardements sur Gaza et la décimation de familles entières, en particulier en 2008-2009 et en 2014[1] ;
Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste
  • La répression de la Grande marche du retour, en 2018, au cours de laquelle les snipers israéliens, en plus de tuer 223 manifestants, ont pulvérisé des rotules à la chaîne ;
  • le meurtre d’Ahmad Erekat[1bis], en 2020, et tant d’autres exécutions sommaires ;
  • l’assassinat de la journaliste Shireen Abu-Akleh, en mai 2022, puis l’attaque de son convoi funéraire par la police israélienne, qui a presque renversé son cercueil (Abu-Akleh était chrétienne) [2] ;
  • Nora Sub Laban expulsée de sa maison de famille à Jérusalem, en juillet 2023, après des années de bataille judiciaire, et l’emménagement immédiat de colons qui ont jeté les meubles dans la rue et accroché des drapeaux israéliens aux fenêtres...

rien de tout cela – pour ne citer que quelques faits marquants – n’avait ému l’opinion ou la classe politique.

 

 

- Absente au cours des années précédentes, l’émotion du grand public a déferlé comme une vague le 7 octobre, puis elle a aussitôt reflué, alors que la descente aux enfers définitive des Palestiniens commençait.

Que l’humanité et la sacralité de la vie ne soient accordées, sur un même territoire, qu’à une partie de la population est un scandale qui n’en finit plus de me bouleverser. Le découpage minutieux par lequel les médias et les dirigeants occidentaux distinguent les victimes dignes d’être pleurées de celles qui ne méritent pas une seconde d’attention me fait penser à ces vieilles photos de l’URSS sur lesquelles la censure effaçait soigneusement les contours des dignitaires tombés en disgrâce.

 

C’est d’autant plus révoltant que cela brouille totalement la réalité du rapport de forces. On en vient à avoir l’impression que ce ne sont pas les Palestiniens qui sont sous la botte, opprimés, dépossédés, expulsés et tués depuis des décennies, mais les Israéliens. Une amie qui a fait ses études en Allemagne me racontait qu’une autre étudiante lui avait un jour dit très sérieusement : « Tout de même, les Palestiniens ont envahi Israël. » D’où, aussi, les comparaisons aberrantes entre Israël et l’Ukraine – alors qu’Israël est dans le rôle de la Russie (à cette différence près que la Palestine, territoire occupé et morcelé, n’est pas un État souverain comme l’Ukraine).

 

Depuis un an, celles et ceux qui continuent de suivre la situation en Palestine, essentiellement à travers les journalistes palestiniens présents sur les réseaux sociaux, voient tous les jours des images qui leur retournent l’estomac. Tous les jours, tous les jours, tous les jours :

  • les immeubles pulvérisés ;
  • les enfants blessés allongés sur le sol d’un hôpital ;
  • les corps vivants ou morts coincés sous les décombres ;
  • les blessés dont les bras ou les jambes pendent, presque détachés du reste de leur corps ;
  • les cadavres alignés dans des linceuls, les proches hagards de douleur ;
  • les cohortes d’estropiés [3] ;
  • la jubilation mauvaise des soldats israéliens pillant et saccageant les intérieurs de familles déplacées ou tuées ;
Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement
  • les enfants agonisants, squelettiques, en raison du blocus sur la nourriture et l’eau annoncé par le ministre de la défense israélien Yoav Gallant dès le 9 octobre 2023. Je reste aussi hantée par les images, vues à deux reprises, d’enfants au visage intact, mais à la boîte crânienne explosée, béante, complètement vide.
  • Et enfin, ce matin, les images insoutenables de Palestiniens prisonniers des flammes[3bis] après le bombardement d’abris de fortune installés dans la cour de l’hôpital Al-Aqsa.

 

 

- Au cours de l’année écoulée, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine

▶️ En octobre, le journaliste Wael Al-Dahdouh apprenait en direct, pendant qu’il travaillait, la mort de sa femme et de deux de ses enfants (en décembre, il a vu son cameraman, Samer Abu Daqqa, mourir à ses côtés, puis, en janvier, il a perdu un autre fils, Hamza Al-Dahdouh, également journaliste).

 

▶️ En novembre, il y a eu la vieille femme tuée par un sniper alors qu’elle tenait la main de son petit-fils, le petit Taim Abd Al-Aati, qui agitait un drapeau blanc. Ce même mois, les cadavres décomposés des bébés prématurés de l’hôpital Al-Nasr, que le personnel a été forcé d’abandonner dans leurs couveuses par l’armée israélienne.

 

▶️ En janvier, le meurtre de Hind Rajab, six ans, qui a vu les siens mourir autour d’elle quand leur voiture a été prise pour cible par un char, et qui a supplié les secours de venir la sauver avant d’être à son tour tuée, de même que deux ambulanciers qui tentaient de l’atteindre. (En avril, les étudiants de l’université Columbia à New York, qui occupaient leur campus, ont renommé le Hamilton Hall « Hind’s Hall » en son honneur ; c’est également le titre que le rappeur américain Macklemore a donné à sa chanson en soutien au mouvement étudiant pour la Palestine.)

 

▶️ En février, le corps de Sidra Hassouna, petite fille de sept ans, accroché au mur sur lequel il avait été projeté par la déflagration. Le « massacre de la farine », quand l’armée israélienne a ouvert le feu sur les Palestiniens affamés par le blocus qui se pressaient autour d’un convoi d’aide alimentaire, tuant au moins 118 d’entre eux. À l’hôpital Nasser, un prisonnier, Jamal Abu Al-Ola, envoyé par les soldats, les mains liées, pour dire aux patients et au personnel d’évacuer, puis abattu sous les yeux de sa mère.

 

▶️ En mars, Razan Muneer Arafat, onze ans, dans un fauteuil roulant, pleurant à chaudes larmes ses jambes perdues.

 

▶️ En mai, le cadavre sans tête d’Ahmad Al-Najar, dix-huit mois, décapité quand l’armée israélienne a bombardé des tentes de personnes déplacées à Rafah, faisant quarante-cinq victimes, la plupart brûlées vives.

 

▶️ En juin, le massacre de Nuseirat, lorsque des soldats israéliens ont tué plus de 270 civils palestiniens pour libérer quatre otages – une opération fêtée comme un « grand succès » dans les chancelleries et les médias occidentaux.

 

▶️ En juillet, Muhammed Bhar, jeune homme atteint du syndrome de Down, déchiqueté par un chien de l’armée ; les soldats l’ont laissé agoniser, en empêchant ses proches de lui porter secours.

 

▶️ En août, le journaliste Ismail Al-Ghoul, dans sa voiture visée par un tir de drone, vêtu de son gilet « presse », la tête arrachée – tué avec son cameraman Rami Al-Rifi, ce qui portait alors à 165 le nombre de journalistes tués à Gaza en moins d’un an.

Investigating war crimes in Gaza I Al Jazeera Investigations

 

▶️ En septembre, un fœtus sanguinolent tiré des décombres d’un immeuble. Un père embrassant le pied arraché de sa petite fille – tout ce qu’il restait de son corps. Un soldat rigolard fumant une cigarette tandis qu’une mosquée brûle dans son dos. Une effarante accumulation de crimes de guerre, qu’Al-Jazeera a tenté de répertorier dans un documentaire récent [4].

 

🔴 Au cours de l’année écoulée, selon les calculs de Joseph Confavreux dans un article de Mediapart, Israël a commis à Gaza l’équivalent d’un massacre du 7 octobre chaque semaine[5]. Et pourtant… Rien de tout cela ne semble s’être imprimé dans les esprits des gens autour de nous – pas plus que tout ce qui a précédé ne s’y était imprimé. Pour tout le monde, seul existe le massacre du 7 octobre en Israël.

 

Cette insensibilité explique la grossièreté de ces intervieweurs occidentaux qui reçoivent des Palestiniens endeuillés, ayant perdu plusieurs membres de leur famille (parfois des dizaines), et qui leur lancent d’un seul souffle : « Toutes mes condoléances, est-ce que vous condamnez le meurtre de civils par le Hamas ? ».

Un sommet d’obscénité a été atteint ce 7 octobre avec l’interview sur BFMTV du journaliste Rami Abou Jamous, qui témoigne chaque semaine sur Orient XXI de l’enfer qu’est devenu Gaza. Il n’a été interrogé que sur le Hamas et le 7 octobre[6]. On parle d’un homme épuisé et traumatisé, dont – pour ne citer qu’un exemple – la belle-sœur a été grièvement blessée par un quadricoptère (un petit drone) qui l’a poursuivie jusque sous sa tente de déplacée[7].

 

 

- Arwa Mahdawi : « Les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable »
Au fil des mois, déjà, on avait pu mesurer l’ampleur du « deux poids, deux mesures ». Les massacres, les viols[8] : au vu de l’indignation générale soulevée, à juste titre, quand des Israélien·nes en ont été victimes, on avait pu en déduire, naïvement, que ces crimes étaient condamnables en eux-mêmes. Mais l’indifférence, voire l’approbation, rencontrées quand des Palestinien·nes en sont victimes à leur tour nous force à en déduire que ce qui est réellement terrifiant, ce n’est pas d’être violé·e, décapité·e, massacré·e : c’est de l’être par des Arabes. Les mêmes personnes qui s’étranglaient d’indignation à l’idée que le Hamas se soit attaqué à des civils reprennent sans sourciller la rhétorique raciste des « boucliers humains » ou des « victimes collatérales » concernant les morts palestiniens.

 

Des témoignages de viols au moyen de barres de métal brûlantes et d’autres objets émanent de la prison israélienne de Sde Teiman - information enterrée tout à la fin d’un article du New York Times [9]. Pourtant, quand, fin juillet, dix soldats ont été arrêtés pour avoir violé en réunion un prisonnier – lequel a été hospitalisé –, viol dont la vidéo a fuité, des manifestants d’extrême droite, parmi lesquels des ministres, ont pris d’assaut la prison pour les faire libérer.

  • Le ministre Itamar Ben-Gvir a clamé que tout était permis, même le viol, face à l’ennemi palestinien.
  • Son collègue Bezalel Smotrich a exigé une enquête, non pas sur le viol lui-même, mais sur la fuite de la vidéo.
  • Les soldats ont finalement été libérés, et l’un d’eux a été invité sur les plateaux de télévision pour se défendre [10].

 

L’idée selon laquelle les crimes du 7 octobre justifient une vengeance aveugle, cruelle, sans limite, sur toute une population (soit exactement ce qui était condamnable dans l’attaque du 7 octobre elle-même), a normalisé les discours sanguinaires, voire génocidaires. La Une jubilante du New York Post après l’attaque des bipeurs au Liban, alors que cette attaque a fait des milliers de victimes civiles, qui ont eu des bras, des yeux arrachés, au point que les hôpitaux libanais ont été débordés par l’afflux des blessés, l’illustre bien. De même que la décomplexion des appels au meurtre sur les plateaux de télévision français. « Qu’ils crèvent tous. Israël fait le travail de l’humanité ici », a par exemple osé déclarer Louis Sarkozy sur LCI le 26 septembre[10bis].

 

🔴 « Nous, Palestiniens, n’avons pas le droit d’ouvrir nos bouches sans que quelqu’un nous demande de dénoncer la violence et de condamner le Hamas. Puis on nous ordonne de la fermer et de rester silencieux tandis que les mêmes personnes qui nous sommaient de désavouer la violence salivent sur notre mort et célèbrent le meurtre à une échelle inimaginable », écrit la journaliste palestinienne-américaine Arwa Mahdawi[11].

 

 

- Lina Mounzer : « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ” »
Une analyse de la presse américaine publiée par le média indépendant The Intercept en janvier dernier a montré que des termes chargés d’émotion, comme « massacre » ou « horrible », étaient réservés aux victimes israéliennes[12]. On observe le même phénomène dans la presse française, par exemple avec ce titre du Monde : « 7 octobre 2023 : une journée atroce, une année tragique » (5 octobre 2024 ; c’est moi qui souligne). L’atrocité, ce sont les crimes du Hamas, et eux seuls ; ce qui a suivi est simplement « tragique » – autrement dit : ce n’est réellement la faute de personne. L’analyse de The Intercept mettait aussi en lumière la façon dont les journaux américains multiplient les contorsions pour éviter de nommer le perpétrateur israélien, ce qui produit des titres en forme de haïkus étranges, dont l’insurpassable et énigmatique « Lives ended in Gaza[12bis] » – « Des vies ont pris fin à Gaza » –, dans le New York Times (2 mars 2024).

 

Ancienne responsable du bureau du New York Times à Jérusalem, Jodi Rudoren assume ce choix lexical : « Il y a eu un massacre le 7 octobre. Des atrocités ont été commises. Elles étaient barbares. La réponse a été… intense [sic], elle a impliqué beaucoup de mort, de destruction et de déplacement, mais je ne suis pas sûre que “massacre”, “atrocités” et “barbare” soient des termes appropriés, en tout cas pas pour la guerre dans son ensemble (…). Vous parlez de deux choses très différentes, qui nécessitent des adjectifs différents[13]. » Je l’avoue, ces mots, et la décontraction avec laquelle ils sont prononcés, me donnent envie de hurler.

 

🔴 Le post du dessinateur libanais Mazen Kerbaj (ci-dessous 👇) traduit, je crois, l’état d’esprit de beaucoup.

 

Dans un article brillant, l’autrice libanaise Lina Mounzer a parfaitement décrit le désespoir que l’on peut ressentir devant ces yeux qu’aucune souffrance palestinienne ou libanaise ne semble assez grande pour dessiller. « Nos quartiers ne sont pas des endroits où nous avons joué, grandi, élevé des enfants et rendu visite à des amis : ce sont des “ bastions ”, écrit-elle. Les corps de nos hommes ne sont pas les poitrines bien-aimées contre lesquelles nous nous appuyons, ni les mains que nous tenions ou par lesquelles nous étions tenus, ni les bras forts qui nous portaient, ni les lèvres douces qui nous embrassaient pour nous souhaiter une bonne nuit. Ce sont des “ suspects ”, des “ militants ”, des “ terroristes ”, et leur mort est toujours justifiable parce qu’ils sont des hommes et nos hommes sont mauvais, et c’est comme ça que ça a toujours été, c’est comme ça que nous avons toujours été pour eux.[14] »

 

Elle observe : « L’Occident cherche à préserver l’image de sa propre humanité en effaçant complètement la nôtre. Comment peuvent-ils être coupables de meurtre si ceux qu’ils tuent ne sont que des “ terroristes ” ou des “ animaux humains ” ? En fait, non seulement ils ne sont pas coupables de meurtre, mais ils sont des héros qui nettoient le monde. Je ne sais pas quel langage il est possible d’employer avec des gens qui ne vous verront jamais comme un être humain. Qui entendront toujours un animal braire lorsque vous parlez.[14] »

Répression : Yannis Arab, historien et soutien de la Palestine, perquisitionné et arrêté à son domicile

 

Le soutien massif à Israël dans un paysage politique et médiatique français qui penche de plus en plus nettement vers l’extrême droite – une évolution très loin de se cantonner aux médias Bolloré – n’a guère de quoi étonner. Nous avons globalement quitté la normalité (si relative qu’elle ait pu être) : il faut rappeler que, depuis quelques mois, nous ne vivons plus en démocratie. Cela implique de s’exposer à quelques désagréments quand on a la mauvaise idée de vouloir plaider la cause des Palestiniens. Dernier cas en date : celui de Yannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, arrêté et perquisitionné par la gendarmerie le 8 octobre pour « apologie du terrorisme[14bis] ».

 

Pour ma part, j’y suis résignée. Ce que peuvent penser de moi des gens qui défendent un génocide m’est complètement indifférent. Ma seule préoccupation est désormais de ne pas décevoir ou trahir celles et ceux – chrétien·nes, juif·ves, musulman·es, athées ou croyant·es – dont je partage la sensibilité sur ce sujet. Comme l’écrit encore Lina Mounzer, le niveau de violence mis en œuvre par Israël dès octobre 2023 était « si bouleversant qu’il a immédiatement divisé le monde en deux : entre ceux qui savaient ce qui se passait et ceux qui le niaient ».

 

 

- Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine »
Ce qui est réellement douloureux, cependant, c’est de se heurter aux mêmes préjugés, au même hermétisme, chez des journalistes et des personnalités de gauche, dont on se sent politiquement proche, que l’on estime, avec qui l’on est par ailleurs d’accord sur à peu près tout. Les anglophones ont un acronyme pour cela : PEP, ou « progressive except for Palestine » – « progressiste, sauf sur la Palestine ».

 

Ainsi, dans une interview à Télérama, en avril, à l’occasion de la publication de son livre sur le choc du 7 octobre, l’avocat Arié Alimi expédiait en quatre lignes la question des agissements de l’armée israélienne à Gaza : « Soyons clairs, je suis aussi révolté par une forme d’insensibilité à ce qui est en train de se passer à Gaza ; par le fait qu’aujourd’hui, il y a un risque plausible de génocide – et de plus en plus de traces laissent penser qu’un jour cette qualification sera retenue [15][15bis]. » Pardon, mais si on pense sincèrement qu’un génocide risque de se dérouler, cela ne justifierait-il pas d’en faire son sujet principal ?

 

De même, plus récemment, dans sa critique du livre remarquable de Didier Fassin, Une étrange défaite, qu’elle disqualifie d’un « Bof », Valérie Lehoux reproche à l’auteur d’user de procédés malhonnêtes pour « mieux affirmer que le drame gazaoui est un génocide – il est tout à fait possible que la justice le reconnaisse un jour comme tel – qu’il est honteux de ne pas arrêter ». Elle aussi admet donc l’hypothèse d’un génocide… mais, à nouveau, entre tirets, sans en tirer aucune conséquence[16]. Un génocide est donc moins grave qu’un massacre ?

 

- La conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons
Autre exemple, qui me semble révélateur des hésitations d’une gauche par ailleurs impeccable sur tant de sujets. Dans l’article de Joseph Confavreux déjà cité plus haut, et par ailleurs excellent, quelques lignes me font sursauter : « Certes, d’un point de vue anthropologique, le théâtre de la cruauté déployé par le Hamas durant les massacres d’octobre dernier n’est pas similaire, terme à terme, avec les actes commis par l’armée israélienne depuis un an[16bis]. »

Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza

 

Je me frotte les yeux. Si la mutilation de dix enfants par jour en moyenne, les parents tués devant leurs enfants et inversement, l’agonie durant des heures ou des jours sous les décombres d’un immeuble (des milliers de cadavres y sont ensevelis), les enfants visés à la tête par des snipers [17], les civils désarmés poursuivis et pulvérisés par des tirs de drone, le fait de priver toute une population d’eau et de nourriture (mais aussi de produits d’hygiène, de sorte que les maladies de peau se propagent), de diffuser ses crimes de guerre sur TikTok avec des musiques entraînantes, ne relèvent pas également d’un « théâtre de la cruauté », et cette fois à l’échelle de tout un peuple, j’aimerais vraiment savoir comment il faut les qualifier.

 

Quelques jours après la parution de l’article, ce passage a été modifié. On lit désormais : « Les façons de mettre à mort, les projets plus larges dans lesquels les meurtres s’inscrivent, l’intentionnalité de tuer des civils, la volonté d’effrayer et/ou d’éliminer une population sont aussi à prendre en compte. Tout ne se mesure pas avec le décompte macabre des cadavres. » J’avoue que j’y perds mon latin. Faut-il en déduire que l’armée israélienne n’a pas de « projet plus large » ? Qu’elle n’a pas de volonté de « tuer des civils » ou « d’effrayer et/ou d’éliminer une population » ? Que tous ces crimes relèvent d’une touchante maladresse ?

 

Difficile de ne pas déceler ici la conviction profonde selon laquelle il est moins grave de s’en prendre à des colonisés qu’à des colons. Cela me rappelle ce que m’avait raconté il y a quelques mois l’une de mes amies, qui est algérienne et qui enseigne dans une université américaine. Alors qu’elle évoquait le cas d’un colon violemment battu lors d’une révolte au XIXe siècle en Algérie, ses étudiants s’étaient mis à pousser des exclamations horrifiées. Exaspérée, elle leur avait lancé : « Mais enfin, je viens de vous parler d’enfumades[17bis] et d’autres atrocités, et vous n’avez pas bronché ! »

 

 

- Une incapacité à renoncer à l’image vertueuse d’Israël
L’indulgence irréelle manifestée envers l’armée israélienne procède aussi, je crois, d’une réticence persistante à renoncer à l’image d’Israël comme un État vertueux, peuplé de gens cultivés, progressistes, démocrates, humanistes, en refusant de voir que ces Israéliens, s’ils existent bien, sont aujourd’hui une toute petite minorité, dans un pays que des décennies de racisme institutionnalisé et d’impunité internationale ont mené au fanatisme, avant que le 7 octobre le radicalise encore davantage.

 

Ainsi, beaucoup de gens veulent croire que les manifestations parfois massives contre le gouvernement Netanyahou qui se déroulent en Israël ces temps-ci concernent aussi les crimes commis à Gaza, alors que ce n’est pas le cas. « Netanyahou est peut-être méprisé par la moitié de la population, mais sa guerre contre Gaza ne l’est pas, et, selon des sondages récents, une majorité substantielle d’Israéliens pensent que sa riposte est appropriée, voire qu’elle n’est pas allée assez loin », écrivait Adam Shatz en juin[18].

 

Partout s’exprime cette « obsession de la symétrie » que Joss Dray et Denis Sieffert pointaient déjà il y a plus de vingt ans[19].

  • Si on dit un peu de mal des Israéliens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Palestiniens pour faire bonne mesure ;
  • Si on dit un peu de bien des Palestiniens, alors on s’empresse d’en dire aussi des Israéliens.

On ne manque pas de souligner qu’un deuil est toujours une tragédie, qu’une vie vaut une vie, que chaque vie est précieuse, que « les chiffres ne disent pas tout », en renvoyant à leur supposée mesquinerie ceux qui pointent la folle disproportion du bilan des victimes entre le camp de l’occupé et celui de l’occupant.

 

 

- Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt des massacres, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ?
Oui, bien sûr, sur le plan intime et privé, c’est vrai : un deuil est toujours une tragédie. Mais on ne devrait pas se servir de cette vérité pour occulter une réalité politique. Cette réalité n’est pas celle de « deux peuples qui se déchirent depuis très longtemps pour une même terre sans qu’on y comprenne grand-chose », comme on l’entend si souvent, mais celle d’un État qui pratique le nettoyage ethnique et le massacre depuis sa création, qui occupe un autre peuple militairement et qui s’emploie actuellement à le rayer de la surface de la Terre sans rencontrer aucun frein.

 

À l’heure où j’écris, le massacre continue imperturbablement à Gaza ;

  • la Cisjordanie est elle aussi à feu et à sang ;
  • le tourbillon de souffrances infligées à la Palestine s’étend au Liban ;
  • Israël bombarde Beyrouth, rase des villages entiers au Sud-Liban, attaque les casques bleus de l’ONU[19a].
L'armée israélienne tire sur des Casques bleus au Liban

Est-il vraiment si difficile d’appeler à l’arrêt de tout cela, au lieu d’aligner des propos creux sur « la valeur de chaque vie », « l’empathie » ou « la paix » ? Comme le rappelait Rob Grams, rédacteur en chef adjoint de la revue Frustration, sur X, l’empathie pour les otages israéliens est « tout à fait présente, médiatique, officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée[19b] ». Est-il si difficile de le souligner ? « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? », interroge à raison l’écrivain palestinien Karim Kattan[19c].

 

- « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza »
Même si l’on s’en tient au plan intime et privé, ces déclarations bien-pensantes négligent une autre différence de taille.

  • Les Israéliens qui ont perdu un proche l’année dernière ont la possibilité de vivre leur deuil, qui est respecté et partagé dans tout l’Occident et au-delà. (Même les soldats d’une armée génocidaire sont honorés dans les médias occidentaux comme des héros.).
  • Les Palestiniens, traumatisés par des deuils multiples, obligés d’assurer quotidiennement leur survie, n’en ont pas les moyens. Certains n’ont pas de corps à pleurer : leurs proches ont disparu dans une prison, ou sont restés ensevelis sous les décombres de leur immeuble. Parfois, ils sont contraints de rassembler leurs restes dans des sacs en plastique. (Cette année, on a aussi vu, en mars, le garçon qui transportait dans son sac à dos le corps de son petit frère[19d].)

 

Le luxe de la mort Les Gazaouis meurent-ils vraiment lorsque leur corps n’est pas entier ou ne peut être retrouvé et lorsqu’ils ne peuvent pas être correctement attristés ?

Parmi les enfants rencontrés à Gaza par la journaliste et écrivaine Susan Abulhawa (toujours dans le documentaire d’Al-Jazeera), certains lui ont confié qu’ils voulaient mourir, mais qu’ils espéraient seulement rester entiers. « Mourir en un seul morceau est devenu un luxe à Gaza », confirme Mariam Mohammed Al Khateeb [20]. Le 25 septembre, l’armée israélienne – qui a par ailleurs ravagé plusieurs cimetières, à Gaza mais aussi au Liban – a envoyé à Gaza un camion contenant des dizaines de corps, sans aucun document permettant de les identifier. Les proclamations vertueuses sur la valeur égale des vies, auxquelles je n’ai rien à redire, me semblent un peu vaines si on ne commence pas par dénoncer cette situation.

 

 

- L’Orient vu comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne
L’image bienveillante d’Israël que conservent beaucoup de gens à gauche procède pour une large part du fait qu’ils transposent telle quelle la réalité de l’oppression historique subie par les juifs en Europe dans le contexte du Proche-Orient[21]. Par là, ils reproduisent à leur insu la désinvolture du rapport colonial à une terre étrangère, l’habitude de la traiter comme un espace abstrait, insignifiant, appropriable ; comme une annexe de la scène européenne.

 

C’est cette désinvolture qu’Edward Saïd, dans L’Orientalisme, mettait en exergue chez Lamartine lors de son voyage en Orient, entrepris en 1833. L’écrivain français envisageait ce voyage comme un « grand acte de [s]a vie intérieure » : il s’agissait de projeter des fantasmes, plutôt que de rencontrer une autre réalité. Saïd observe : « Ses pages sur la pensée arabe, sur laquelle il disserte avec une confiance suprême, ne laissent paraître aucune gêne quant à son ignorance totale de la langue. ».

 

Le voyageur s’enthousiasme : « Cette terre arabe est la terre des prodiges, tout y germe, et tout homme crédule ou fanatique peut y devenir prophète à son tour. » Il traite l’Orient comme une « province personnelle », selon les mots de Saïd, qui résume plus loin : « La Palestine était considérée – par Lamartine et par les premiers sionistes – comme un désert vide qui attendait de fleurir ; les habitants qu’il pouvait avoir n’étaient, pensait-on, que des nomades sans importance, sans véritable droit sur la terre et, par conséquent, sans réalité culturelle ou nationale. »

 

Après avoir toujours clamé que la Palestine n’existait pas, certains colons israéliens affirment aujourd’hui que « le Liban n’existe pas[21bis] » et rêvent d’y implanter des colonies. L’automne dernier, peu après le 7 octobre, j’ai encore été effarée par la façon dont des gens pouvaient discuter, sur X, du pays arabe où il conviendrait d’expulser les Palestiniens. Il ne leur venait pas à l’idée, visiblement, que les Palestiniens étaient chez eux sur leur terre. Cela me donnait une furieuse envie d’envoyer mes interlocuteurs vivre sous une tente dans une banlieue de Turin ou de Copenhague – au hasard ; après tout, tous ces gens sont des Européens, ce sont plus ou moins les mêmes, non ?

 

 

- Croire qu’on peut réparer l’écrasement d’un peuple en cautionnant l’écrasement d’un autre

La tolérance est un désert La Palestine et la culture du déni

Ainsi, en espérant réparer l’écrasement d’un peuple, nos amis de gauche pro-israéliens cautionnent, sans même s’en apercevoir, l’écrasement d’un autre. Dans un livre saisissant, l’universitaire américain d’origine palestinienne Saree Makdisi souligne ce fait qui dit tout : depuis le Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, dédié aux victimes de la Shoah, on aperçoit les ruines du village palestinien de Deir Yassin, théâtre d’un massacre en avril 1948, lors de la fondation de l’État d’Israël, qui vit l’expulsion de quelque 750 000 Palestiniens[22] – la Nakba, ou « catastrophe », toujours en cours, aujourd’hui plus que jamais.

 

« Si des juifs avaient simplement voulu vivre en Palestine, cela n’aurait pas été un problème, écrivait soixante-dix ans après, en 2018, la juriste palestinienne-américaine Noura Erakat. En fait, juifs, musulmans et chrétiens avaient coexisté pendant des siècles dans tout le Moyen-Orient. Mais les sionistes voulaient la souveraineté sur une terre où d’autres gens vivaient. Leur ambition requérait non seulement la dépossession et le déplacement des Palestiniens en 1948, mais aussi leur exil forcé, leur effacement juridique et le déni qu’ils aient jamais existé[23]. ».

 

Comme le remarque Saree Makdisi, les innombrables élus démocrates américains qui clament leur attachement à un État « juif et démocratique » oublient – ou feignent d’oublier – la contradiction contenue dans cette formule :

  • soit Israël est un État juif, qui, pour se maintenir comme tel, doit opprimer, expulser, tuer, et dans ce cas il n’a rien de démocratique ;
  • soit il est réellement démocratique, et alors il doit accorder les mêmes droits et les mêmes libertés aux populations musulmanes et chrétiennes présentes sur son sol.

 

La forêt plantée pour dissimuler les ruines du village palestinien de Saffourieh, détruit en 1948 lors de la Nakba. Photo : Jason Bechtel, Interface Peace-Builders, 2010

 

Si la vision vertueuse d’Israël persiste à gauche, c’est aussi en raison des stratégies de relations publiques mises en œuvre par cet État afin de dissimuler son racisme structurel, que détaille Saree Makdisi dans son livre. Il raconte notamment comment, dès 1948, sous l’égide du Fonds national juif (FNJ), Israël a planté des arbres afin de recouvrir les ruines des villages palestiniens détruits – stratégie qui continue aujourd’hui avec les villages bédouins dans le Néguev.

 

 

- Kamala Harris en 2017 : « Quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu que l’ingéniosité israélienne avait réellement fait fleurir le désert »
Le paysage naturel palestinien, avec ses oliviers, ses figuiers de barbarie et ses citronniers, a été éradiqué à coup d’herbicides et remplacé par des monocultures de conifères qui donnent à certains lieux des allures de paysage alpin. Depuis 1967, environ 800 000 oliviers ont été déracinés sur les territoires occupés cette année-là (ces derniers temps, cependant, la tendance est à l’appropriation plutôt qu’à la destruction[24]. Et quand un hôte de marque arrive dans le pays, on l’invite à planter un arbre : un geste pacifiste, écologiste, humaniste, dont personne ne songerait à questionner l’innocence.

 

C’est peu dire que cette stratégie de séduction fonctionne. En 2017, lors d’une conférence de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), Kamala Harris déclarait : « Ayant grandi dans la baie de San Francisco, je me souviens avec tendresse de ces boîtes du Fonds national juif que nous utilisions pour collecter les dons afin de planter des arbres pour Israël. Des années plus tard, quand je me suis rendue en Israël pour la première fois, j’ai vu les fruits de ces efforts, et que l’ingéniosité israélienne a réellement fait fleurir le désert. »

Inauguration sous tension de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem
14/05/2018. Inauguration ambassade USA à Jérusalem

Le livre de Saree Makdisi vient de paraître[22], mais il a été écrit avant le 7 octobre 2023. Dans sa conclusion, l’auteur observe que, « à l’époque des Trump, Bolsonaro, Duterte, Modi et cie », les autorités israéliennes semblent estimer qu’elles peuvent abandonner leurs campagnes de communication destinées à se concilier le public occidental progressiste, et assumer désormais ouvertement leur racisme. Ce que confirment les bonnes relations entre Netanyahou et Trump – qui, durant son mandat, fit déplacer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem[24bis], un geste hautement symbolique.

 

De fait, en persistant dans leur soutien à Israël, Joe Biden et Kamala Harris ignorent le tournant pro-palestinien de plus en plus marqué qui s’opère dans l’électorat démocrate, tandis que la droite, et en particulier la droite évangélique, violemment islamophobe (et antisémite !), s’affirme, elle, comme fanatiquement pro-israélienne. Il est dommage, alors, que tant de progressistes français s’accrochent encore à leur sympathie pour Israël. Sympathie qui est d’ailleurs le pire service à rendre y compris à Israël lui-même, enfermé dans une spirale sans issue de haine et de folie destructrice.

 

 

- « Nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon »
Cela ne m’amuse pas particulièrement de critiquer mes amis politiques. Mais je le fais parce que je crois que nous avons besoin de serrer les rangs. Le génocide en Palestine opère aussi comme une scène sur laquelle se joue, par procuration, le passage à l’acte d’un racisme anti-Arabes qui travaille à peu près toutes les sociétés occidentales. Avec l’afflux de doubles nationaux dans l’armée israélienne[25], la Palestine semble être devenue le stand de tir de tous les islamophobes de la Terre. En soutenant le carnage (ce génocide est américain au moins autant qu’israélien), les dirigeants occidentaux envoient aussi un clair message d’abandon, pour ne pas dire plus, à leurs citoyens d’origine arabe.

 

« Le niveau de traumatisme créé chez les Palestiniens-Américains par la normalisation du meurtre de leurs proches a laissé une communauté en lambeaux », écrit le journaliste Azad Essa[26]. « C’est comme être dans une relation abusive avec le monde », témoigne Nada al-Hanooti, qui vit à Dearborn, la ville américaine (dans le Michigan) où cette communauté est le plus présente[27]. Lina Mounzer lui fait écho : « Demandez à n’importe quel·le Arabe quelle prise de conscience a été la plus douloureuse cette année, et il ou elle vous répondra : nous avons découvert l’étendue de notre déshumanisation, à tel point qu’il n’est plus possible de fonctionner dans le monde de la même façon[28]. »

 

🔴 La hantise de beaucoup – et notamment de Francesca Albanese[29], la rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens – semble être que la violence déchaînée, en plus de détruire la Palestine, ne s’arrête ni aux limites de ce territoire, ni à celles des communautés arabes. La légitimation d’un tel degré de barbarie devrait inquiéter tout le monde. Et rend d’autant plus urgente une clarification des positions de la gauche.

 

 

Notes :

[0] Naomi Klein, « How Israel has made trauma a weapon of war », The Guardian, 5 octobre 2024

[1] Le bilan humain du conflit israélo-palestinien

[1bisUn Palestinien en route pour le mariage de sa sœur tué par des soldats israéliens

[2] Forensic Architecture et Al-Haq, « Mort de Shireen Abu Akleh : comment l’armée israélienne a sciemment exécuté une journaliste », Mediapart, 22 septembre 2022

[3] Cf. Kaoutar Harchi, « Israël-Palestine : handicaper est une politique coloniale », L’Humanité, 3 septembre 2024

[3bis] Nuit d’horreur à Gaza : des Palestiniens brûlés vifs dans le bombardement d’un campement

[4] « Investigating war crimes in Gaza », Al Jazeera English, 3 octobre 2024

[5] Joseph Confavreux, « Crimes israéliens, complicité occidentale », Mediapart, 30 septembre 2024

[6] Cf. Daniel Schneidermann, « BFM : Victime palestinienne, accusez-vous ! », Arrêt sur images, 10 octobre 2024

[7] Rami Abou Jamous, « “Apparemment, on n’a pas le droit de rêver ici” », Orient XXI.info, 29 août 2024. Le 12 octobre 2024, au prix Bayeux Calvados-Normandie des correspondants de guerre, trois trophées ont été décernés à Rami Abou Jamous – une première en trente-et-une éditions.

[8] Sur la question des violences sexuelles commises le 7 octobre, lire l’enquête publiée en avril par le quotidien israélien Haaretz : Liza Rozovsky, « 15 Witnesses, Three Confessions, a Pattern of Naked Dead Bodies. All the Evidence of Hamas Rape on October 7 », Haaretz, 18 avril 2024.

[9] « Inside the Base Where Israel Has Detained Thousands of Gazans », The New York Times, 6 juin 2024.

[10] Cf. Simon Speakman Cordall, « ’Everything is legitimate’ : Israeli leaders defend soldiers accused of rape », Al-Jazeera, 9 août 2024.

[10bis"Qu'ils crèvent tous" : Louis Sarkozy provoque l'indignation après ses propos sur le Hamas et le Hezbollah

[11] Arwa Mahdawi, « As a Palestinian living in the US, I have lost friends, job opportunities – and my faith in humanity », The Guardian, 6 octobre 2024.

[12] Article traduit ici : Adam Johnson et Othman Ali, « La couverture de la guerre de Gaza par le New York Times et d’autres grands journaux a fortement favorisé Israël, selon une analyse », Agence Médias Palestine, 9 janvier 2024.

[12bis] Des Vies ont pris fin à Gaza

[13] « Inside Western media’s reporting on Gaza », « The Listening Post », Al-Jazeera English, 5 octobre 2024.

[14] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », The Markaz Review, 4 octobre 2024.

[14bisYannis Arab, doctorant en histoire et auteur de plusieurs ouvrages sur la Palestine, a été arrêté et perquisitionné par la gendarmerie ce mardi dans le cadre d'une énième enquête pour " apologie du terrorisme "

[15] Valérie Lehoux, « L’avocat Arié Alimi : “Je sais que l’antisémitisme existe à gauche, mais le savoir n’a rien à voir avec l’éprouver” », Télérama, 7 avril 2024.

[15bis] Novembre 2024 ; Décision prise par la Cour pénale internationale de délivrer un mandat d’arrêt contre Benjamin Netanyahu, le général Gallant et un responsable du Hamas, est un événement important et constructif sur la scène de la vie internationale

[16] Valérie Lehoux, « “ Une étrange défaite, consentement à l’écrasement de Gaza ”, essai peu convaincant de Didier Fassin », Télérama, 5 septembre 2024.

[16bisJoseph CONFAVREUX " De Gaza au Liban : Crimes israéliens, complicité occidentale "

[17] Chris McGreal, « Une guerre pas comme les autres : des médecins affirment que des enfants ont été pris pour cible par des snipers israéliens à Gaza », The Guardian via Agence Médias Palestine, 2 avril 2024.

[17bisLes enfumades sont une technique utilisée par le corps expéditionnaire français durant la conquête de l'Algérie, en 1844 et 1845

[18] Adam Shatz, « Israël dans l’abîme de Gaza », Orient XXI, 24 juin 2024.

[19] Joss Dray et Denis Sieffert, La Guerre israélienne de l’information. Désinformation et fausses symétries dans le conflit israélo-palestinien, La Découverte, « Sur le vif », Paris, 2002.

[19aAu Liban, Israël attaque les Casques bleus, derniers témoins de ses agissements

[19bPersonnellement j'ai tout à fait de l'empathie pour les otages israéliens et leurs familles. Mais cette empathie est déjà tout à fait présente, médiatique,  officielle. Celle pour les Palestiniens est criminalisée

[19cKarim Kattan, écrivain palestinien : « Pourquoi Gaza a-t-elle disparu derrière des sophismes, des approximations, des murmures désolés ? »

[19dYoumna El Sayed d'Al Jazeera sur le garçon qui avait son petit frère décédé dans un sac à dos

[20] Mariam Mohammed Al Khateeb, « The luxury of death », We Are Not Numbers, 10 juin 2024

[21] Qualifier le massacre du 7 octobre en Israël de massacre antisémite, ou de pogrom, relève de la même logique. À ce sujet, lire le texte de Tsedek !, « 7 octobre : un massacre antisémite ? », 12 février 2024

[21bis« Il n’existe pas de pays comme le Liban. Les gens qui. Tous eux-mêmes Libanais, font semblant de vivre dans un pays.» C’est tellement illusoire, c’est comique

[22] Saree Makdisi, Tolerance Is a Wasteland : Palestine and the Culture of Denial, University of California Press, 2024

[23] Noura Erakat, « Palestinians have no choice but to continue the struggle », The Washington Post, 16 mai 2018

[24] Cf. également l’article d’Aïda Delpuech, « En Israël, l’arbre est aussi un outil colonial », Le Monde diplomatique, octobre 2024 ; et Rob Goyanes, « La guerre écologique contre Gaza », Jewish Currents, 9 septembre 2019.

[24bis] Le 14 mai 2018, les États-Unis transféraient leur ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem

[25] La France n'envisage pas d'enquêter sur les Franco-israéliens qui ont rejoint l'armée israélienne

[26] Azad Essa, « ’I call my brother knowing he won’t pick up’ : The anguish felt by Palestinian Americans over Gaza », Middle East Eye, 5 octobre 2024.

[27] Yasmine El-Sabawi, « ’Unlike anything’ : A year of collective grief for Palestinians in the West over Gaza », Middle East Eye, 7 octobre 2024.

[28] Lina Mounzer, « A Year of War Without End », art. cit.

[29FRANCESCA ALBANESE : Il ne faut pas dire cessez-le-feu, il faut dire cessez le GENOCIDE !

 

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20 novembre 2024 3 20 /11 /novembre /2024 21:52
Des Etats-Unis à la France : Après la victoire de Trump, quelles leçons pour la gauche ?
Des Etats-Unis à la France : Après la victoire de Trump, quelles leçons pour la gauche ?

La précondition pour pouvoir gagner est d’affirmer clairement un programme de rupture, partant des besoins des classes populaires et se donnant les moyens politiques et économiques de les concrétiser.

Ce qui importe c’est comment les électrices et électeurs ressentent le projet dont le NFP est porteur.

 

 

La victoire de Trump est porteuse de leçons pour la gauche à condition de dépasser le niveau superficiel de l’analyse qui met l’accent sur le personnage et son comportement. Loin de s’y réduire, sa victoire, comme les autres montées de l’extrême droite, pose des questions qui, pour ne pas être nouvelles, sont plus que jamais d’actualité.

 

 

Sources : Pierre Khalfa |

- Il parait difficile dans le flot de commentaires qui a suivi la victoire de Trump d’y ajouter un point de vue tant soit peu original.

Néanmoins, il parait nécessaire d’y revenir pour essayer d’aller au-delà de l’écume de l’évènement. Il faut pour cela distinguer trois niveaux de réflexions.

 

🔴 Le premier, le plus superficiel, concerne les méthodes employées par Trump lors de la campagne électorale : tout a été dit sur le sujet : invectives, mensonges, démagogie, violence des propos. Trump a fait du Trump en portant à l’incandescence un discours de haine. Mais ce constat n’explique strictement rien.

  • Pourquoi cela a-t-il marché en 2024 et pas lors de l’affrontement avec Biden ?
  • Qu’est-ce qui lui a permis, non seulement de remporter les swings states, mais aussi, résultat a priori inconcevable, largement le vote populaire ?

 

🔴 Le deuxième niveau de réflexion a été parfaitement résumé par Bernie Sanders : « Cela n’a rien d’étonnant que le parti démocrate, qui a abandonné la classe ouvrière, voie que la classe ouvrière l’a abandonné ». Et d’ajouter : « nous n’avons même pas présenté de législation visant à augmenter le salaire minimum, malgré le fait que quelque 20 millions de personnes dans ce pays travaillent pour moins de 15 dollars de l’heure. Aujourd’hui, en Amérique, nous n’avons pas présenté de loi qui faciliterait l’adhésion des travailleurs aux syndicats. Nous ne parlons pas des régimes de retraite à prestations définies pour que nos personnes âgées puissent prendre leur retraite en toute sécurité. Nous ne parlons pas de la hausse du plafond de la sécurité sociale afin de prolonger sa solvabilité et d’augmenter les prestations. En fin de compte, si vous êtes un travailleur moyen, pensez-vous vraiment que le parti démocrate va se battre pour vous, qu’il va s’attaquer à des intérêts particuliers puissants et se battre pour vous ? Je pense que la réponse écrasante est non, et c’est ce qui doit changer ».

 

🔴 En fait donc Trump a bénéficié du décalage entre une bonne santé affichée de l’économie américaine et ce que vivait concrètement une grande partie des salarié.es des États-Unis. Comme l’explique Romaric Godin[1], « la croissance a changé de nature. Elle ne reflète plus aussi clairement le bien-être social […] l’accélération de la croissance a un coût social croissant ». Ainsi, la croissance économique s’est accompagnée d’une hausse importante des dépenses contraintes des ménages et des denrées alimentaires, alors même que le discours officiel de l’administration Biden était focalisé sur la maitrise de l’inflation. Pire même, la croissance économique a généré plus d’inégalités sociales rendant encore plus illusoire le « rêve américain » de promotion sociale et entretenant ainsi le cauchemar du déclassement. Dans cette situation, la désignation par Trump de boucs-émissaires a joué à plein.

 

 

- C’est là où la campagne menée par Harris a été catastrophique.
Non seulement elle n’a absolument pas tenu compte de cette situation, ni proposé de remèdes pour y faire face, mais elle a mené une campagne centrée sur la personnalité de Trump, pensant ainsi profiter d’un rejet de l’électorat. Si ce n’est sur la question de l’avortement, il est difficile de savoir ce qu’Harris a proposé pendant cette campagne. Elle est apparue, de fait, comme la candidate de la continuité, alors même qu’une majorité voulait un changement. Multipliant de plus les apparitions avec des vedettes de la chanson et des stars d’Hollywood, elle est apparue comme déconnectée des réalités sociales d’une partie même de son électorat. Enfin, son incapacité à prendre en compte la sensibilité de la communauté arabo-musulmane et son soutien sans fard à la politique israélienne lui a aliéné des votes dans un certain nombre d’États clefs, alors même qu’elle ne pouvait pas concurrencer Trump sur ce soutien et que la communauté juive était elle-même très divisée sur le sujet. Bref une campagne électorale tournée vers la droite, comme le montre les « signaux » envoyés notamment quand on l’a vue valoriser le port d’armes.

 

 

- Dans cette situation, Trump a réussi à dessiner une vision du futur pour les États-Unis
Une vision certes détestable, mais qui face au vide de la campagne d’Harris, a pu occuper l’espace de l’imaginaire collectif.

 

🔴 C'est là le troisième niveau de réflexion. Il faut revenir ici sur les transformations profondes qui se sont produites dans les sociétés occidentales ces dernières décennies.

  • Une révolution anthropologique est en cours qui remet en cause des centaines de siècles de rapports d’oppression et les représentations sociales correspondantes, que ce soit sur la place des femmes, de l’homosexualité ou des minorités discriminées et plus globalement sur la conception de la famille. Il serait naïf de croire qu’un tel processus puisse se faire sans résistance. En ce sens Trump représente probablement la forme la plus construite et la plus décomplexée de la contre-révolution dont l’objectif clairement assumé est celui d’un retour en arrière.
  • Il ne s’agit pas seulement d’une réaction conservatrice, le backlash, mais d’une volonté d’imposer un nouvel imaginaire social. Ce dernier fait certes la part belle aux masculinistes blancs mais est loin de s’y réduire au vu du résultat beaucoup moins important que prévu d’Harris chez les femmes et les minorités.
  • La victoire sans appel de Trump tient à la conjonction qu’il a réussi à opérer entre cet imaginaire dont on peut penser qu’il reste minoritaire aux États-Unis - comme le montrent les résultats d’un certain nombre de référendums sur l’avortement dans des États ayant voté Trump – avec l’angoisse du déclassement social d’une partie de l’électorat démocrate qui a ainsi basculé. Les caractéristiques individuelles du personnage étaient en symbiose avec le récit qu’il entendait imposer : homme fort, providentiel, volontariste capable de résoudre rapidement le problèmes.

 

 

- Quelles leçons peut-on en tirer pour la gauche en France ?
La première est que la précondition pour pouvoir gagner est d’affirmer clairement un programme de rupture, partant des besoins des classes populaires et se donnant les moyens politiques et économiques de les concrétiser. En ce sens, les tentatives à gauche des revenants du néolibéralisme, les Cazeneuve, Hollande, Delga, etc. qui, n’ayant rien appris ni rien oublié, rêvent de détruire le NFP et fantasment sur le retour à la domination d’une offre politique centriste, ne peuvent que mener à la catastrophe face à l’extrême droite. La débâcle d’Harris, après d’autres du même type, prouve une nouvelle fois que la gauche néolibérale est incapable de répondre aux défis du moment.

 

 

🔴 Cependant, cette précondition pour indispensable qu’elle soit, n’est pas suffisante.

Comme dans le cas de Trump, la force de l’extrême droite est de développer une vision du futur nourrissant un imaginaire social s’appuyant sur les angoisses diverses de l’électorat. Face au ressentiment qui nourrit l’extrême droite, le pire serait d’essayer de la battre sur son propre terrain en s’emparant de ses thèmes, croyant ainsi la cantonner alors que cela ne fait que la légitimer. Le laminage de la droite dite républicaine par le RN et l’épisode de la déchéance de nationalité par Hollande sont là en France pour nous le rappeler. Il faut au contraire être capable de porter l’espoir d’une société désirable en mettant en avant la recherche de l’égalité, l’exigence de la solidarité, la nécessité de la justice sociale et écologique, l’impératif de la démocratie.

 

 

🔴  Et de même que le profil de Trump correspond au projet politique qu’il porte, de même, la gauche doit adopter des comportements qui correspondent à son projet d’émancipation, la morale politique et le réalisme stratégique correspondant dans ce casLa question du programme effectif, c’est-à-dire le détail des mesures préconisées, pour importante qu’elle soit, n’est pas la plus décisive. Ce qui importe c’est comment les électrices et électeurs ressentent le projet dont le NFP est porteur. Ainsi, quand on propose un projet de rupture :

  • il faut rassurer et non pas inquiéter par des propos et des comportements brutaux, ce d’autant plus quand la société en question est angoissée quant à son avenir et que l’extrême droite essaie de se banaliser.
  • De plus, l’exigence démocratique ne peut être renvoyée à des jours meilleurs. Elle doit imprégner le rapport que les partis politiques entretiennent avec les classes populaires et avec leurs propres militant.es et adhérent.es.
  • Enfin une politique de gauche ne peut donner à voir simplement une concurrence entre les différentes forces politiques. Même s’il est naturel que chaque parti défende ses positions, la recherche permanente de l’hégémonie est un obstacle à la construction commune qui ne peut reposer que sur le respect de la diversité.
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6 novembre 2024 3 06 /11 /novembre /2024 13:56
Victoire de Trump : Trump a fait du Trump, Harris a fait du Hollande !

Élection de Donald Trump : " seule une gauche radicale et populaire peut l’emporter contre l’extrême droite "[2] !

La leçon à en tirer pour la gauche française se tient là, en écho à la victoire du Nouveau Front Populaire aux dernières élections législatives : " on ne peut combattre l’extrême droite et la droite fascisante qu’avec un programme de gauche, avec des propositions de rupture, avec des alternatives qui changeront réellement et profondément la vie des gens "[3].

 

 

Les USA ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas. Quand il n’y a plus de gauche, il n’y a pas de limite à droite. Quand il n’y a pas de bataille de programme, l’élection devient un casting. La victoire de Trump est la conséquence imparable de cette situation. Le monde va monter en tension. Prudence et détermination. La France peut ouvrir un autre chemin. Un contre modèle. Non alignement, droit international, justice sociale, planification écologique. Sinon quoi[1] ?

 

 

Sources : Bastien Lachaud | mis à jour le 21/01/2025

- La victoire de Donald Trump, c’est celle de la fusion aboutie entre le capitalisme le plus prédateur et l’extrême-droite la plus débridée[0].
Une classe dominante prête à tout pour maintenir sur pied un système à bout de souffle et continuer à s’enrichir, qui attise la haine et dupe le peuple à grand coup de vérités alternatives et de racisme décomplexé propagé à l’infini par les chaines d’informations et les réseaux sociaux. 

 


- C’est aussi et d’abord la défaite du camp démocrate, qui a renoncé depuis longtemps à incarner une alternative à ce modèle.
On ne peut pas gagner une élection sans projet de transformation et sans autre idée que celle de faire « barrage » pour mieux continuer comme avant. On ne peut pas vaincre le capitalisme, l’impérialisme, le racisme, le patriarcat, la régression sociale et écologique, en renonçant à contester leur discours, et en transigeant avec celui-ci. 

 


- Cette élection est lourde de conséquences.

  • Pour des millions de personnes aux Etats-Unis, immigrés, minorités, femmes, les plus pauvres qui subiront de plein fouet les politiques régressives du trumpisme.
  • Pour le monde, quand l’élection de Trump ouvre la voie à la poursuite du génocide à Gaza, à la montée des tensions au Proche-Orient et dans la zone Asie-Pacifique.
  • Pour la planète elle-même, avec l’arrivée au pouvoir d’une administration climatosceptique au cœur du système capitaliste. 

 


- Pour nous, Français, insoumis, l’heure est comme toujours au combat.
Aux côtés des victimes du trumpisme aux Etats-Unis, vers lesquelles se tournent nos pensées, nos cœurs, notre solidarité d’internationalistes. Dans le monde, où nous avons la tâche de faire entendre une voix non-alignée, attachée au multilatéralisme, au règlement pacifique des conflits, à l’effort commun de l’humanité face au changement climatique et aux défis planétaires auxquels elle fait face. En France même, où notre devoir est de nous battre, pour refuser le face-à-face stérile mortifère entre une extrême-droite et un extrême-centre qui partagent le même socle, et incarner une alternative démocratique, sociale, écologiste et humaniste, pour en finir avec leur monde failli et ouvrir un autre chemin.

 

 

- Si tu te dégonfles, tu te Trump
Jean-Luc Mélenchon est revenu sur le résultat des élections présidentielles aux États-Unis le 6 novembre 2024.

 

 

- Deux visions de députés France insoumise/Nouveau Front Populaire

 

Les leçons des élections étasuniennes sont édifiantes.

 

Ce n’est pas Trump qui a gagné. C’est Harris qui a perdu, alors qu’elle avait en face d’elle un candidat d’une telle médiocrité qu’il lui garantissait le succès. Sa défaite est d’autant plus impardonnable.

 

Notes :

[0Dossier Etats-Unis. « Trump et le trumpisme »

[1] Jean-Luc Mélenchon : Les USA ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas.

[2] Élection de Donald Trump : seule une gauche radicale et populaire peut l’emporter contre l’extrême droite

[3Plongée au cœur des élections américaines, jour de vote et nuit de résultats !

 

Pour en savoir plus :

- Manuel Bompard : Kamala Harris perd (47 % pour elle – en recul de 4 points par rapport à 2020, et 50 % pour Trump – en progression de 6 points) chez les électeurs qui gagnent moins de 50 000 dollars par an. Elle ne devance Donald Trump que chez les électeurs ayant un revenu supérieur à 100 000 dollars par an

- Élection de Donald Trump : Trump a fait du Trump, Harris a fait du Hollande !

Les bourses européennes dans le vert avec la victoire de Trump

L’extrême droite de Donald Trump et Marine Le Pen

Trump ou le triomphe logique de la guerre des races néolibérale

Trump : la masculinité toxique a gagné

- « It’s the economy, stupid ! » : le véritable sens de la victoire de Donald Trump

- Le trumpisme " pas si loin d’une version américaine du fascisme " (Michael Walzer : « Il sera très difficile pour les progressistes de gagner des élections à l’avenir »)

- L’élection de Trump et des Républicains à sa botte - Le monde change de base comme à l’avènement d’Hitler en 1933

- Où en sont les « socialistes » aux États-Unis ?

- Investiture de Trump – Retour sur la candidature de Kamala Harris, une Démocrate trop Républicaine

 

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25 mai 2024 6 25 /05 /mai /2024 22:33
L’oligarchie " libérale " nord américaine pourvoyeuse d’idées d’extrême droite en France.
L’oligarchie " libérale " nord américaine pourvoyeuse d’idées d’extrême droite en France.
L’oligarchie " libérale " nord américaine pourvoyeuse d’idées d’extrême droite en France.

Ultralibéralisme et extrême droite : même combat !

 

 

L’extrême-droite réussit de plus en plus à imposer ses idées et ses thèmes dans le paysage médiatique et politique français. Un nouveau rapport de l’Observatoire des multinationales met en lumière l’un des facteurs méconnus de cette progression : le soutien d’un puissant réseau américain de think tank libertariens spécifiquement organisé pour mener la " bataille des idées " et qui a déjà de nombreuses victoires à son actif.

On attribue souvent à l’extrême droitel’idée qu’elle serait globalement antilibérale ou, pour utiliser un adjectif à la mode « illibérale » : cette étude montre qu’il n’en est rien. L’extrême droite est globalement économiquement libérale et même ultralibérale. Il n’est donc pas étonnant que le RN se rallie souvent aux mesures économiques du gouvernement Macron. Elle ne cesse de dénoncer la fiscalité jugée excessive imposée au patronat et ne dénonce jamais, évidemment, les exonérations fiscales accordées aux grosses sociétés.

 

 

Source : Observatoire des multinationales |

- Notre rapport
Le réseau Atlas, la France et l’extrême-droitisation des esprits, qui s’appuie en partie sur des documents internes inédits, est à la fois une présentation de l’Atlas Network, encore inconnu du public français, et une enquête sur ses partenaires dans l’Hexagone, dont certains comme l’Ifrap sont omniprésents dans les médias, tandis que d’autres comme l’IFP jouent un rôle clé dans la formation et la mise en réseau de leaders et porte-parole de droite et d’extrême-droite.

 

Lancé dans les années 1980, l’Atlas Network est aujourd’hui l’un des plus importants réseaux de think tanks au monde, financé par des fondations américaines comme celles des frères Koch et par des multinationales. Son objectif avoué est de recouvrir le monde de think tanks et autres organisations libertariennes et souvent ultraconservatrices pour "changer le climat des idées" et s’attaquer à des causes comme l’action climatique, la promotion des droits des femmes et des minorités, la justice fiscale ou encore les services publics.

 

Le réseau se prévaut de nombreuses victoires politiques tout autour de la planète :

  • comme le rejet de référendums au Chili et en Australie ;
  • le Brexit ;
  • le départ forcé de Dilma Rousseff au Brésil ou encore l’élection en Argentine de Javier Milei, très proche du réseau ;
  • Aux États-Unis, il se mobilise au côté des Républicains et espère fixer le programme politique de Donald Trump s’il est élu.

 

 

- Un réseau bien ancré en France
Notre enquête revient sur l’histoire déjà ancienne du réseau Atlas en France et focalise l’attention sur cinq de ses partenaires dans l’Hexagone - l’Ifrap, Contribuables associés, l’IREF, l’Institut Molinari et l’IFP - qui illustrent la diversité des modes d’actions recommandés par Atlas pour influencer le climat des idées. Tous préfèrent rester discrets sur leurs liens avec le réseau américain. Tous ont de nombreux liens entre eux et avec des hommes d’affaires et des grandes fortunes, ainsi qu’avec toutes les nuances de la droite et de l’extrême-droite française.

 

De plus en plus efficaces et omniprésents dans les médias, où ils s’affichent comme experts objectifs ou comme défenseurs des simples contribuables, ils réussissent à imposer leurs idées et leurs thèmes parfois jusque dans les discours gouvernementaux, sur l’éducation ou le logement par exemple.

 

Le réseau libertarien et ultraconservateur américain qui veut imposer ses idées en France

 

🔴 Les principales organisations françaises liées au réseau Atlas sont :

  • L’Institut français de recherches économiques (Ifrap) : Un think tank libéral qui produit des recherches et des analyses sur des questions économiques et fiscales. L’Ifrap est l’un des partenaires les plus visibles d’Atlas en France et ses travaux sont fréquemment cités dans les médias (L’Ifrap : bon élève du réseau Atlas, et lobby des 10% les plus riches).
  • Contribuables associés : Une association qui fait campagne pour la baisse des impôts et la réduction des dépenses publiques. Contribuables associés est membre du réseau Atlas depuis 2004.
  • L’Institut de recherche sur les entreprises et les finances (IREF) : Un think tank libéral qui se concentre sur les questions de réglementation et de concurrence. L’IREF est un partenaire relativement récent d’Atlas, mais il est rapidement devenu un acteur influent dans le débat politique français.
  • L’Institut Molinari : Un think tank libertarien qui promeut la société libre et les valeurs individualistes. L’Institut Molinari est l’un des partenaires les plus radicaux d’Atlas en France et ses idées sont souvent controversées.
  • L’Institut de formation politique (IFP) : Une organisation qui forme des cadres et des militants politiques de droite et d’extrême droite. L’IFP n’est pas officiellement un partenaire d’Atlas, mais il a des liens étroits avec plusieurs membres du réseau.

 

Ce ne sont pas les seules organisations françaises liées au réseau Atlas. Le réseau compte de nombreux autres partenaires plus petits, ainsi que des liens informels avec des journalistes, des universitaires et des politiciens.

 

L’influence du réseau Atlas en France est croissante ces dernières années. Ses partenaires ont réussi à placer leurs idées dans le débat public et à influencer les politiques gouvernementales. Le réseau Atlas est un acteur important de la "nouvelle extrême droite" en France et ses activités devraient être observées attentivement .

 

 

🔴 L'intégrale du rapport de l’Observatoire des multinationales :

Le réseau Atlas, la France, et l’extrême-droitisation des esprits

 

 

Pour en savoir plus :

Qu’est-ce qu’Atlas, ce réseau climatosceptique d’extrême droite ?

- Ce réseau libertarien qui veut imposer ses idées en France

- Site web de l’Atlas Network 

- Comment le réseau Atlas cible l’Europe

 

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29 novembre 2023 3 29 /11 /novembre /2023 17:03
Peter Mertens : « La guerre économique prépare la guerre militaire »

Les pays du Sud Global savent très bien que les sanctions économiques sont des actes de guerre économique.

Les États-Unis veulent désormais entraîner l’Europe dans leur guerre économique contre la Chine

L’altermondialisme passe aussi par une forme de pragmatisme sur les enjeux internationaux

 

 

Érosion de l’hégémonie du dollar, « mutinerie » des pays du Sud contre la politique étrangère occidentale, montée en puissance des BRICS, guerre économique des États-Unis envers la Chine… Le système international né de la fin de la Guerre Froide, dominé par l’hyperpuissance américaine, est en train de s’effondrer et de laisser place à un nouvel ordre mondial multipolaire.

Plutôt que de prendre acte de cette nouvelle donne et de diversifier ses liens avec le reste du monde, l’Europe s’aligne toujours plus sur Washington. Mais est-il encore possible de mettre en place une politique altermondialiste, alors que les BRICS se comportent parfois eux-mêmes de manière impérialiste ?

Peter Mertens, secrétaire général du Parti du Travail de Belgique[1], l’affirme, à condition de prendre un tournant radical dans notre politique étrangère. Entretien réalisé par William Bouchardon et Amaury Delvaux, avec l’aide de Laëtitia Riss.

 

 

Sources : Le vent se Lève | mis à jour le 01/08/2024

-Le Vent Se Lève : Vous êtes secrétaire général du Parti de Travail de Belgique (PTB), aux côtés de Raoul Hedebouw, et vous venez de publier " Mutinerie ". Comment notre monde bascule (à paraître en français aux éditions Agone début mars 2024[2], ndlr) afin d’analyser les recompositions du système international. Dans quelle mesure votre parcours au sein du PTB a-t-il nourri l’élaboration de ce livre ?

Peter Mertens : J’ai été président du Parti du Travail de Belgique (PTB) entre 2008 et 2021, date à laquelle Raoul Hedebouw a pris ma succession. Avec d’autres membres, j’ai participé au nécessaire renouveau du parti (tout en conservant un socle idéologique marxiste, ndlr) à partir du milieu des années 2000, où nous étions alors un petit parti avec des tendances sectaires. Ce renouveau nous a pris plus de 10 ans. Notre analyse était la suivante : " nous devions construire un rapport de force et un parti de la classe travailleuse, capable de peser en Belgique ".

 

Avec la croissance du parti, il y a beaucoup plus de travail, c’est pourquoi nous avons dédoublé le leadership du parti : Raoul Hedebouw est le président et le porte-parole principal et j’en suis le secrétaire général. Comme nous étions concentrés sur la construction du rapport de force en Belgique, nous étions moins occupés avec ce qui se passait à l’étranger. Désormais, nous sommes en train de remettre nos tâches internationalistes à la hauteur des défis d’aujourd’hui. Et sur ce terrain, nous sommes en contact avec de nombreux mouvements et partis à la gauche de la social-démocratie, en Europe et ailleurs dans le monde. 

 

C’est grâce à ce leadership collectif et à ces rencontres que j’ai pu écrire ce livre, qui n’est pas juste un projet individuel. Je m’appuie aussi sur le service d’étude de notre parti, dirigé par notre directeur politique David Pestieau. Lui et son équipe m’ont aidé à rechercher des documents exhumés dans mon livre, notamment les textes de l’OTAN et de l’Organisation Mondiale du Commerce.

 

 

-Le Vent Se Lève :  Ces organisations occidentales sont au cœur du système international qui a été hégémonique jusqu’à récemment. Le titre de votre livre fait cependant référence à une contestation grandissante du règne de l’hyperpuissance américaine. Comment expliquez-vous que les pays du Sud soient de plus en plus réticents à s’aligner sur la position américaine ?

MUTINERIE Comment notre monde bascule

Peter Mertens : Le titre du livre vient d’une déclaration de Fiona Hill, une ex-membre du National Security Council américain (organe qui conseille directement le Président américain en matière de défense et d’affaires étrangères, ndlr). Selon elle, l’abstention de la plupart des pays du Sud Global sur les sanctions contre la Russie était une « mutinerie »[2bis]. Soyons clairs : la majorité de ces États ont condamné l’invasion illégale de la Russie sur le territoire ukrainien, ce qui est logique vu que nombre d’entre eux ont été envahis de multiples fois et connaissent bien l’importance de la souveraineté. 

 

Toutefois, concernant les sanctions, ils n’ont pas suivi Washington. C’est là aussi logique : un pays sur dix sur la planète subit, sous une forme ou une autre, des sanctions de la part de Washington. Ces pays savent très bien que les sanctions économiques sont des actes de guerre économique. Or, dans la majorité des cas, les conséquences de ces sanctions sont supportées par les peuples des pays en question et ces mesures n’ont aucun effet sur le régime politique en place.

 

Ici, en Europe, nous ne nous en sommes pas rendus compte ; l’eurocentrisme nous aveugle. Le regard de la majorité des peuples du Sud Global sur les événements internationaux est pourtant très différent de la vision développée en Europe. J’ai récemment discuté avec beaucoup de personnes issues du Sud Global et j’ai constaté des moments de fractures profonds avec l’Occident.

  • La première fracture est la guerre des États-Unis contre l’Irak en 2003, qui était illégale et basée sur un mensonge[3]. Au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique Latine et en Asie, c’est un moment charnière majeur.
  • La crise financière de 2008 constitue le deuxième moment charnière. En Europe, cette crise nous a contraint à sauver les banques avec l’argent public et a eu pour conséquence l’austérité. Pour les pays du Sud, cette crise a été plus profonde encore et a montré la fragilité de l’hégémonie du dollar américain, autour duquel est organisé tout le commerce international.

 

 

-Le Vent Se Lève :  Renaud Lambert et Dominique Plihon s’interrogent en effet sur la fin du dollar[4] dans le dernier numéro du Monde Diplomatique. De nouveaux accords commerciaux sont, par ailleurs, conclus dans d’autres monnaies et les banques centrales commencent à diversifier le panier de devises qu’elles ont en réserve. Est-ce une des conséquences de la guerre en Ukraine ?

Peter Mertens : Cette érosion du dollar débute avec la crise financière de 2008. C’est à ce moment-là que l’idée des BRICS[5] est réellement née, bien qu’il existe également d’autres raisons historiques à son émergence. Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud se sont rassemblés car ils veulent faire du commerce sur une autre base que celle du néo-colonialisme, en mettant en place un système financier proposant des alternatives de paiements au dollar. C’est pour cela qu’ils ont créé une banque d’investissement dirigée par Dilma Rousseff, l’ancienne présidente du Brésil. Certes, le dollar reste hégémonique, mais cela constitue malgré tout une nouvelle donne.

 

Est-ce vraiment la fin du dollar ?

Parmi leurs sanctions contre la Russie, les autorités américaines ont débranché la Russie du système international de paiement SWIFT, dont le siège est en Belgique. L’usage de cette puissante arme de guerre économique a entraîné une panique dans beaucoup de pays du Sud, car ils ont réalisé qu’elle pouvait aussi être utilisée contre eux. Avec ce genre de sanction, les États-Unis peuvent prendre otage les pays avec leur propre argent ! Cela a sans doute incité certains pays à vouloir rejoindre les BRICS. Lors de leur dernier congrès à Johannesburg fin août, les BRICS ont accueilli 6 nouveaux membres (l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Ethiopie, l’Egypte et les Emirats Arabes Unis, ndlr), sur un total de 40 pays candidats[6]. C’est un vrai saut qualitatif.

 

De ce point de vue, la guerre en Ukraine est en effet un autre moment charnière, en raison des sanctions. J’en citerai encore deux autres :

  • D’abord, la COP de Copenhague en 2009, où les pays occidentaux ont refusé de prendre des mesures fortes pour le climat et pour aider les pays pauvres face au changement climatique.
  • Enfin, le refus des pays occidentaux de lever les brevets sur les vaccins contre le Covid-19, qui a marqué une fracture profonde face à un problème mondial.

 

Depuis le 7 octobre, la guerre contre la Palestine constitue un nouveau point de rupture, dont l’impact est potentiellement le plus important. L’axe guerrier États-Unis-Israël pratique une violence extrême, pensant être au-dessus de toutes les lois internationales et pouvoir se permettre n’importe quoi. Mais cet axe est plus isolé que jamais. Partout dans le monde, le deux poids deux mesures est devenu évident. Entre 2003 et 2023, il y a donc eu plusieurs moments de fractures majeurs entre l’Occident et le reste du monde ! Et pourtant, la grande majorité de l’establishment et des médias vivent encore dans la période d’avant 2003.

 

 

-Le Vent Se Lève : Outre le dollar et leur armée, les États-Unis disposent également d’une puissance technologique redoutable, qu’ils utilisent pour faire avancer leurs intérêts. Les GAFAM espionnent ainsi le monde entier, tandis que de nouvelles rivalités autour des microprocesseurs se mettent en place avec la Chine. Est-il possible d’échapper à l’emprise des États-Unis en matière technologique ? 
Peter Mertens : Je pense qu’il faut regarder en face la puissance économique des BRICS : en termes de PIB mondial, ils pèsent désormais plus que le G7 (qui regroupe ce qui était les 7 pays les plus industrialisés au monde, ndlr). Cette puissance économique constitue une différence avec le mouvement des non-alignés des années 60-70. A l’époque, les États-Unis ont pu tuer le mouvement des non-alignés grâce à la dette. Puis l’URSS s’est effondrée et ils se sont retrouvés sans rivaux sérieux. Mais désormais, la situation est différente, notamment en raison du poids économique de la Chine. La réaction des États-Unis est claire : ils lui ont déclaré la guerre économique. J’emploie le mot guerre de manière délibérée : la guerre commerciale prépare la guerre militaire[7]. Les bateaux de l’OTAN qui encerclent la Chine et les sanctions prises par les États-Unis contre Pékin font partie de la même stratégie.

 

Dans mon nouveau livre, je cite longuement Alex W. Palmer, un spécialiste américain des microprocesseurs. En 2022, deux dates sont importantes selon ce chercheur : le 24 février 2022 avec l’invasion de la Russie en Ukraine et le 7 octobre 2022, date à laquelle les USA ont pris les mesures pour interdire presque tout développement des microprocesseurs en Chine.

Puces : Washington rallie le Japon et les Pays-Bas contre la Chine

D’après lui, ces mesures sont un acte de guerre économique inédit, dont l’objectif est de détruire tout développement économique en Chine[8]. Les États-Unis veulent désormais entraîner l’Europe dans leur guerre économique contre la Chine. Récemment, Joe Biden a convoqué le premier ministre néerlandais Mark Rutte à Washington pour lui ordonner de cesser l’exportation vers la Chine des machines fabriquées par la firme hollandaise ASML, qui sont essentielles pour la fabrication des semi-conducteurs de dernière génération. Le premier ministre hollandais a accepté sans contrepartie

 

Les États-Unis sont inquiets de l’avance de la Chine dans les secteurs de technologies de pointe. Il y a de quoi : sur les 90 domaines les plus avancés au niveau des sciences et technologies, la Chine mène la danse dans 55 d’entre eux[10]. Les États-Unis ne l’ont pas vu venir. C’est pour cela qu’ils réagissent désormais par le protectionnisme et la guerre économique. Jack Sullivan (influent conseiller à la sécurité nationale auprès de Joe Biden, ndlr) l’affirme de manière assez transparente : « C’est fini le globalisme d’avant ; il faut du protectionnisme ; c’est fini avec le néolibéralisme ; c’en est fini avec l’accès de la Chine au marché international. »

 

On constate la même dynamique sur les ressources énergétiques, qui ont toujours formé l’infrastructure du système capitaliste. Au XIXe siècle, c’était le charbon, puis au XXe le pétrole. De l’arrivée de British Petroleum en Irak en 1902 aux guerres du Golfe, d’innombrables guerres ont été menées pour le pétrole. Désormais, c’est la guerre des batteries qui est lancée : tout le monde se rue sur le lithium et les ressources essentielles pour l’électrification. Là aussi, les États-Unis se montrent très agressifs vis-à-vis de la Chine et des BRICS. Malgré tout, je pense que les États-Unis ne parviendront pas à restreindre la montée en puissance de la Chine.

 

 

-Le Vent Se Lève : Hormis cette opposition à l’hégémonie américaine, il est tout de même difficile de voir ce qui rassemble les BRICS. Par ailleurs, il existe de réelles tensions entre des pays au sein de ce bloc, notamment entre la Chine et l’Inde. Peut-on vraiment attendre quelque chose d’un groupe aussi hétérogène ?

Analyse. Le sommet des Brics annonce-t-il un “changement tectonique” international ?

Peter Mertens : Aucune valeur ne réunit les BRICS ! C’est une association de pays strictement pragmatique, car c’est comme ça que l’ordre mondial fonctionne. La gauche a souvent une lecture erronée car elle pense en termes de morale et de « valeurs ». Or, l’impérialisme et les forces anti-impérialistes ne pensent pas en ces termes mais plutôt en termes de pouvoir politique et économique. Les BRICS ne sont pas un projet de gauche, mais un projet pragmatique visant à servir les intérêts de ces pays, en créant une alternative au dollar et au Fonds Monétaire International et en cherchant à favoriser le commerce Sud-Sud.

 

Je ne suis évidemment pas dupe. L’Inde connaît de grandes tensions avec la Chine et Modi est un homme d’extrême-droite. Ses trois grands amis étaient Jair Bolsonaro, Donald Trump et Boris Johnson. Il est responsable de l’assassinat de plus de 750 paysans[11] lors de la plus grand révolte de l’histoire indienne de la paysannerie et a laissé des razzias racistes contre les musulmans avoir lieu.

 

De même en Arabie Saoudite : c’est le despotisme total. Il n’y a aucune liberté pour la classe travailleuse et pour les femmes. Il n’empêche que l’entrée de l’Arabie Saoudite dans les BRICS marque un tournant. En 1971, avec les pétrodollars, les États-Unis ont promis à l’Arabie Saoudite d’avoir toujours des armes et une stabilité politique en échange de pétrole bon marché. Désormais, l’Arabie Saoudite vend son pétrole à la Chine non plus en dollars, mais en yuans ! Bien sûr que c’est un régime haïssable. Mais en matière de politique internationale, on ne peut pas juste réagir émotionnellement en fonction de « valeurs », il faut analyser l’échiquier mondial avec réalisme. Et la réalité est que les BRICS défient le système construit autour du dollar. Personnellement, bien que je ne soutienne pas les régimes de certains pays des BRICS, je considère leur émergence comme une bonne nouvelle parce qu’elle défie l’unilatéralisme et l’hégémonie américaine pour la première fois depuis 1991. 

 

Mais en parallèle de la mutinerie menée par les BRICS, il y a également une mutinerie au sein de ces pays. En Inde, je suis avec attention les luttes des paysans, des femmes et de la classe travailleuse contre le régime de Modi[11]. De même, l’Afrique du Sud connaît une corruption énorme, le fossé entre riches et pauvres y est considérable et le régime politique est fortement critiqué par la population. Lula est un progressiste, mais son gouvernement n’est pas pour autant socialiste[12]. Et contre les concessions faites aux grands propriétaires fonciers au Brésil, je soutiens ceux qui luttent pour les droits des paysans, comme le Mouvement des Paysans sans Terre.

 

 

-Le Vent Se Lève : Dans votre livre, vous rappelez l’histoire du mouvement tiers-mondiste, à partir notamment de la conférence de Bandung en 1955. Ce mouvement était porteur d’espoir pour un rééquilibrage des relations internationales et de l’économie mondiale. Croyez-vous à la résurgence de l’altermondialisme et sur quelles bases ? Les tentatives consistant à faire revivre cet esprit de « non-alignement », notamment de la part de Lula, vous semblent-elles prometteuses ?
Peter Mertens : Je crois que la tentative opérée par les BRICS de permettre un commerce dans d’autres monnaies que le dollar relève surtout du pragmatisme. Mais cette démarche est déjà un acte progressiste en soi. Regardons en face la situation depuis les années 50-60 : la dette des pays du Tiers Monde doit être payée en dollars. Cela signifie que ces pays doivent privilégier des monocultures tournées vers l’exportation, plutôt que des productions au service de leurs propres populations, afin d’obtenir des dollars. Et quand ils ont des difficultés à refinancer leur dette, le Fonds Monétaire International (FMI) ne leur octroie des prêts qu’à condition de couper dans les services publics, les salaires et les pensions et de privatiser davantage. Tout cela ne fait que les rendre plus dépendants des États-Unis et de l’Europe. C’est un mécanisme néocolonial ! Désormais, pour la première fois, les pays du Tiers Monde peuvent refinancer leur dette, indépendamment du FMI, grâce à la banque des BRICS. Certes, ce n’est pas un emprunt socialiste mais au moins c’est un mécanisme honnête et sans conditions. Quand bien même ce n’est un progrès en direction du socialisme, cela reste un progrès pour les pays du Sud Global, qui doit être soutenu.

 

Certes, cela ne suffit pas pour construire un altermondialisme de gauche. C’est pourquoi nous devons aussi soutenir les mouvements de gauche dans ces pays, afin de peser sur l’agenda politique. On peut tout à fait soutenir le MST au Brésil pour mettre la pression sur Lula, tout en reconnaissant qu’il joue un rôle important pour nos idées au niveau international. De la même manière, je soutiens le NUMSA, le syndicat des métallos sud-africains, qui lutte contre la corruption considérable au sein du gouvernement de l’ANC, tout en étant en accord avec la politique extérieure de l’Afrique du Sud. Bien sûr que la gauche a des valeurs à défendre, mais je refuse d’interpréter toute la complexité du monde actuel uniquement en termes de valeurs. L’altermondialisme passe aussi par une forme de pragmatisme sur les enjeux internationaux.

 

 

EN ALLEMAGNE, LA MORT DU PACIFISME

-Le Vent Se Lève : L’Union européenne tend à s’aligner sur les États-Unis, contrairement à ce qu’affirment nos dirigeants. S’ils prétendent réguler l’action des GAFAM, ou encore bâtir une « autonomie stratégique » en matière internationale ou de réindustrialisation, la réalité est que nous sommes de plus en plus dépendants des Américains, y compris dans des domaines où cela était encore peu le cas, comme les énergies fossiles. Comment peut-on retrouver une véritable autonomie ? Cela implique-t-il une rupture avec l’Union européenne ? 
Peter Mertens : Ce qui s’est passé en Europe suite à la guerre en Ukraine, surtout en Allemagne, est grave. Quelques semaines après le début du conflit, le Bundestag a renié sa politique de non-militarisation de l’économie vieille de 75 ans et a investi plus de 100 milliards d’euros dans le budget de la défense[13]. Tout ce qui existait en termes de liens avec la Russie, notamment de la part de la social-démocratie allemande – dont les liens de Schröder avec Gazprom (l’ancien chancelier allemand a ensuite siégé au conseil d’administration de la compagnie russe, ndlr) sont le symbole le plus évident – a été détruit. Il s’agit d’un bouleversement considérable : la mémoire des comportements barbares des nazis, qui étaient presque arrivés à Moscou, a longtemps conduit à une politique de coopération entre l’Allemagne et la Russie, plutôt que d’agressivité. En quelques semaines à peine, les États-Unis ont réussi à briser cela.

 

Cette coupure brutale avec la Russie a suscité des remous au sein des grandes entreprises allemandes : les grands patrons de BASF, de Bosch ou Siemens ont demandé au gouvernement allemand de ne pas rompre les liens avec Gazprom, car ils souhaitaient continuer de bénéficier du gaz russe bon marché. En se rendant dépendante du gaz américain, beaucoup plus cher, l’Allemagne est rentrée en récession. En prenant des sanctions contre la Russie, l’Europe a donc pris des sanctions contre elle-même et s’est tirée une balle dans le pied. De surcroît, avec l’Inflation Reduction Act (IRA), les États-Unis tentent d’attirer sur leur territoire des firmes européennes, notamment de technologie de pointe, grâce à d’importantes subventions et remises d’impôts. La réaction de l’Union Européenne à cette offensive américaine a été très faible. Aucune politique industrielle européenne autonome n’émerge[14].

 

Les États-Unis veulent maintenant répliquer cela avec la Chine. C’est une folie : non seulement ils auront beaucoup de mal à se couper de la Chine, mais l’Europe en aura encore plus : nous échangeons avec la Chine 850 milliards d’euros de marchandises chaque année[15] ! J’ajoute que la neutralité carbone en Europe dépend pour l’instant de la technologie chinoise. Aussi surprenant que cela puisse paraître, je suis d’accord avec les patrons de Bosch, Siemens, Volkswagen et Mercedes quand ils demandent de ne pas reproduire avec la Chine ce que l’Europe a fait avec la Russie. Dans le conflit inter-impérialiste entre capitalistes, j’espère que la bourgeoisie européenne se comportera de manière sérieuse et dira non à la bourgeoisie américaine qui veut nous entraîner dans de nouveaux conflits.

Bien sûr, je n’ai aucune illusion : la bourgeoisie européenne ne veut pas une Europe progressiste, mais cherche au contraire à imposer aux peuples européens une nouvelle dose d’austérité. Elle entend également conserver des relations néo-coloniales avec une partie du monde, bien que le rejet de la France en Afrique ne cesse de grandir[16]. Mais c’est la même dialectique que pour les BRICS : on ne peut pas raisonner uniquement en termes de « gentils » et de « méchants », il y a de nombreuses contradictions sur lesquelles il faut jouer. Donc je soutiens les capitalistes allemands dans leur opposition aux États-Unis, mais continue de défendre une Europe socialiste, contre les intérêts de ces grandes entreprises.

 

 

-Le Vent Se Lève : Il est vrai que les sanctions prises à l’encontre de la Russie ont renforcé la dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis. Pensez-vous qu’il soit possible de réorienter l’Union européenne vers une politique socialiste ? Ou faut-il rompre avec les traités européens et construire de nouveaux cadres de coopération ?
Peter Mertens : Ma position sur cette question est liée à l’histoire belge : nous sommes un petit pays qui a été créé pour jouer le rôle d’État-tampon entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Un changement de société au niveau de la seule Belgique, ça n’existe pas! ! Je plaide donc pour une autre société, une autre industrialisation et une autre forme de commerce à l’échelle continentale. Cela passera, selon moi, par plus d’échanges entre ceux qui luttent et qui résistent dans toute l’Europe pour créer une rupture au sein de l’Union Européenne.

 

Mais cela suppose que nous soyons à la hauteur. J’en ai assez de la dépression collective de la gauche européenne qui passe son temps à se lamenter de la percée de l’extrême-droite ! Quand je vais en Amérique latine ou en Inde, eux aussi s’inquiètent de la montée du fascisme, mais surtout ils le vivent et ils luttent. Bien sûr que l’extrême-droite progresse et nous menace. Mais pour reconquérir une partie de la classe travailleuse tentée par le vote fasciste, on ne peut pas se contenter de se plaindre. La droite et l’extrême-droite s’appuient sur une narratif dépressif, selon lequel la classe travailleuse n’existe pas et l’immigration va nous détruire.

 

Face à cela l’extrême-droite), il faut recréer un narratif autour de la lutte des classes et rebâtir une conscience commune chez les travailleurs. Les mobilisations sociales massives que nous avons connu récemment en Angleterre, en Allemagne et en France sont des points d’appui. Comme la grève des ouvriers de l’automobile aux États-Unis, avec une belle victoire à la clé[17] ! Et puis nous devons être là où sont les gens, c’est-à-dire avant tout dans les quartiers populaires et sur les lieux de travail, pas seulement avec les intellectuels. Ce n’est que comme cela que nous pourrons arrêter la tentation fasciste au sein de la classe travailleuse.

 

Par exemple, avec notre programme Médecine pour le peuple (initiative de médecine gratuite dans les quartiers populaires[18], ndlr), on touche des personnes qui votent pour le Vlaams Belang (extrême-droite indépendantiste flamande, ndlr). Plutôt que de les exclure, nous discutons avec eux et tentons de les convaincre. Les gens sentent si vous êtes honnêtes et convaincus du discours que vous portez. Donc il faut un langage clair et franc, comme celui de Raoul Hedebouw, qui permet d’attirer vers nous des gens en colère en raison de leur situation précaire et de politiser cette colère. Si l’on se contente des livres, on ne changera rien. Il faut aussi des gens sur le terrain.

 

Notes :
[1] Peter Mertens, secrétaire général du Parti du Travail de Belgique

[2] A paraître en français aux éditions Agone début mars 2024

[2bis] Fiona Hill: l'Ukraine dans le nouveau désordre mondial

[3] Irak 2003 : un mensonge pour une guerre

[4] Est-ce vraiment la fin du dollar

[5] Brics

[6] Les Brics, un nouvel ordre mondial alternatif ?

[7] Chronique de la « GUERRE GLOBALE » : tension extrême dans le DÉTROIT DE FORMOSE 

[8«Un acte de guerre»: le blocus du silicium contre la Chine en Amérique

[9Puces : Washington rallie le Japon et les Pays-Bas contre la Chine

[10] Ces sept domaines où la Chine a déjà dépassé le reste du monde

[11] Réforme agricole en Inde: Modi fait volte-face et annonce son abrogation dans un but électoraliste

[12] LULA FAVORI AU BRÉSIL : VICTOIRE OU MORT DE LA GAUCHE ?

[13EN ALLEMAGNE, LA MORT DU PACIFISME

[14EMBARGO SUR LE PÉTROLE RUSSE : L’UE SE TIRE-T-ELLE UNE BALLE DANS LE PIED ?

[15] Relations commerciales de l'UE avec la Chine. Faits, chiffres et derniers développements.

[16] Comment Macron a perdu l’Afrique

[17] AUX ÉTATS-UNIS, LES SYNDICATS ENCHAÎNENT LES VICTOIRES

[18« LE DROIT À LA SANTÉ PASSE PAR UNE SOCIÉTÉ PLUS ÉGALITAIRE » – ENTRETIEN AVEC SOFIE MERCKX (PTB)

 

Pour en savoir plus :

VERS LA FIN DE L’HÉGÉMONIE DU DOLLAR ?

- En Inde, la colère paysanne défie le pouvoir du Premier ministre Narendra Modi

- INDE : DES RÉFORMES AGRAIRES ENTRAÎNENT LA PLUS GRANDE GRÈVE DU MONDE

CHRISTOPHE VENTURA : « LULA NE COMPTE PAS MONTRER PATTE BLANCHE À WASHINGTON »

- LES ERREMENTS DU CAMPISME ET DU « CAMPISME INVERSÉ »

- Entretien avec Jean-Luc Mélenchon autour de son dernier livre. | « Si nous sommes alignés sur les États-Unis d’Amérique, nous nous impliquons dans la confrontation organisée autour de la défense de son hégémonie ! »

- Mondialisation, capitalisme et hégémonie - Sur l’aiguisement de la rivalité sino-étatsunienne et l’histoire chinoise

 

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14 juillet 2023 5 14 /07 /juillet /2023 22:39

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8 juin 2023 4 08 /06 /juin /2023 08:20
L’extension de l’OTAN vers l’Est : une menace pour la paix mondiale

La guerre en Ukraine a été provoquée, et il est important de le comprendre pour parvenir à la paix

 

 

Alors que le projet d’une installation de missiles soviétiques à Cuba en 1962, situé à environ 144 km des États-Unis (entre les deux rives), avait provoqué la menace d’une frappe nucléaire des États-Unis contre l’URSS conduisant ainsi à 1 guerre mondiale nucléaire, l’installation d’une multitude de bases de l’OTAN à quelques centaines de kilomètres de la frontière russe ne semble pas poser de problème aux USA et à leurs États vassaux européens. Pire, ces derniers restent totalement sourds aux préoccupations de sécurité de la fédération de Russie.

" La En reconnaissant que la question de l’élargissement de l’OTAN est au cœur de cette guerre, nous comprenons pourquoi l’armement américain n’y mettra pas fin. Seuls les efforts diplomatiques peuvent y parvenir " par Jeffrey D. Sachs[0], auteur de l'article ci-dessous.

 

 

Sources : Dialexis par Jeffrey D. Sachs | mis à jour le 19/06/2023

- George Orwell a écrit dans 1984 que " qui contrôle le passé contrôle l’avenir : qui contrôle le présent contrôle le passé ".
Les gouvernements travaillent sans relâche pour déformer la perception du passé par le public[1]. En ce qui concerne la guerre d’Ukraine, l’administration Biden a affirmé à plusieurs reprises, et à tort, que la guerre d’Ukraine avait commencé par une attaque non provoquée de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022. En fait, la guerre a été provoquée par les États-Unis d’une manière que les principaux diplomates américains avaient anticipée depuis des décennies, ce qui signifie que la guerre aurait pu être évitée et qu’elle devrait maintenant être arrêtée par le biais de négociations.

 

Reconnaître que la guerre a été provoquée nous aide à comprendre comment y mettre fin. Cela ne justifie pas l’invasion de la Russie. Une bien meilleure approche pour la Russie aurait été d’intensifier la diplomatie avec l’Europe et le monde non occidental pour expliquer et s’opposer au militarisme et à l’unilatéralisme des États-Unis. En fait, les efforts incessants des États-Unis pour élargir l’OTAN sont largement contestés dans le monde entier, de sorte que la diplomatie russe aurait probablement été plus efficace que la guerre.

 

L'équipe Biden utilise sans cesse le mot " non provoqué ", tout récemment dans le grand discours de Biden[2] à l'occasion du premier anniversaire de la guerre, dans une récente déclaration de l'OTAN[3] et dans la dernière déclaration du G7[4]. Les grands médias favorables à M. Biden se contentent de répéter les propos de la Maison-Blanche. Le New York Times est le principal coupable, qualifiant l'invasion de "non provoquée" pas moins de 26 fois, dans cinq éditoriaux, 14 colonnes d'opinion rédigées par des rédacteurs du NYT et sept articles d'opinion rédigés par des invités !

 

 

- Il y a eu en fait deux provocations principales de la part des États-Unis.

  • La première était l'intention des États-Unis d'étendre l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie afin d'encercler la Russie dans la région de la mer Noire par les pays de l'OTAN (Ukraine, Roumanie, Bulgarie, Turquie et Géorgie, dans l'ordre inverse des aiguilles d'une montre).
  • La seconde est le rôle joué par les États-Unis dans l'installation d'un régime russophobe en Ukraine par le renversement violent du président ukrainien pro-russe, Viktor Yanukovych, en février 2014. La guerre avec des armes à feu en Ukraine a commencé avec le renversement de Ianoukovitch il y a neuf ans, et non en février 2022 comme le gouvernement américain, l'OTAN et les dirigeants du G7 voudraient nous le faire croire.

La clé de la paix en Ukraine passe par des négociations basées sur la neutralité de l'Ukraine et le non-élargissement de l'OTAN.

 

 

- M. Biden et son équipe de politique étrangère refusent de discuter de ces racines de la guerre.
Les reconnaître saperait l'administration de trois manières.

  • Premièrement, cela mettrait en évidence le fait que la guerre aurait pu être évitée ou arrêtée rapidement, épargnant à l'Ukraine sa dévastation actuelle et aux États-Unis plus de 100 milliards de dollars de dépenses à ce jour.
  • Deuxièmement, elle mettrait en lumière le rôle personnel du président Biden dans la guerre, en tant que participant au renversement de Ianoukovitch et, avant cela, en tant que fervent partisan du complexe militaro-industriel et défenseur de la première heure de l'élargissement de l'OTAN.
  • Troisièmement, cela pousserait M. Biden à la table des négociations, ce qui saperait l'élan continu de l'administration en faveur de l'expansion de l'OTAN.

 

Expansion de l'OTAN: ce que Gorbatchev a entendu

Les archives[5] montrent de manière irréfutable que les gouvernements américain et allemand ont promis à plusieurs reprises au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev que l'OTAN ne bougerait pas " d'un pouce vers l'est " lorsque l'Union soviétique a démantelé l'alliance militaire du Pacte de Varsovie. Néanmoins, les États-Unis ont commencé à planifier l'expansion de l'OTAN au début des années 1990, bien avant que Vladimir Poutine ne soit président de la Russie. En 1997, l'expert en sécurité nationale Zbigniew Brzezinski a établi le calendrier de l'expansion de l'OTAN avec une précision remarquable.

 


- Les diplomates américains et les dirigeants ukrainiens savaient pertinemment que l'élargissement de l'OTAN pouvait conduire à la guerre.

  • Le grand homme d'État américain George Kennan a qualifié l'élargissement de l'OTAN d'" erreur fatale ", écrivant dans le New York Times[7] : " On peut s'attendre à ce qu'une telle décision enflamme les tendances nationalistes, anti-occidentales et militaristes de l'opinion russe, qu'elle ait un effet négatif sur le développement de la démocratie russe, qu'elle rétablisse l'atmosphère de la guerre froide dans les relations Est-Ouest et qu'elle pousse la politique étrangère de la Russie dans des directions qui ne seront décidément pas à notre goût ".

 

  • William Perry, secrétaire à la défense du président Bill Clinton, a envisagé de démissionner pour protester contre l'élargissement de l'OTAN. Se souvenant de ce moment crucial du milieu des années 1990, Perry a déclaré ce qui suit en 2016[8] : " Notre première action qui nous a vraiment mis sur la mauvaise voie a été lorsque l'OTAN a commencé à s'élargir, en intégrant des pays d'Europe de l'Est, dont certains étaient limitrophes de la Russie. À l'époque, nous travaillions en étroite collaboration avec la Russie et elle commençait à se faire à l'idée que l'OTAN pouvait être un ami plutôt qu'un ennemi... mais elle était très mal à l'aise à l'idée d'avoir l'OTAN juste à sa frontière et elle nous a vivement conseillé de ne pas aller de l'avant. "

 

  • En 2008, William Burns, alors ambassadeur des États-Unis en Russie et aujourd'hui directeur de la CIA, a envoyé un câble à Washington dans lequel il mettait en garde contre les graves risques liés à l'élargissement de l'OTAN[9] : " Les aspirations de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN ne touchent pas seulement la corde sensible de la Russie, elles suscitent de sérieuses inquiétudes quant aux conséquences pour la stabilité de la région. Non seulement la Russie perçoit un encerclement et des efforts visant à saper son influence dans la région, mais elle craint également des conséquences imprévisibles et incontrôlées qui affecteraient gravement les intérêts de sa sécurité. Les experts nous disent que la Russie craint particulièrement que les fortes divisions en Ukraine sur l'adhésion à l'OTAN, une grande partie de la communauté ethnique russe étant opposée à l'adhésion, ne conduisent à une scission majeure, impliquant de la violence ou, au pire, une guerre civile. Dans cette éventualité, la Russie devrait décider d'intervenir ou non, une décision à laquelle elle ne voudrait pas être confrontée ".

 

Les dirigeants ukrainiens savaient pertinemment que toute pression en faveur de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine serait synonyme de guerre.

  • L'ancien conseiller de Zelensky, Oleksiy Arestovych, a déclaré dans une interview en2019 " que le prix à payer pour rejoindre l'OTAN est une grande guerre avec la Russie " :

 

 

- Entre 2010 et 2013, Ianoukovitch a prôné la neutralité, conformément à l'opinion publique ukrainienne.
Les États-Unis ont œuvré secrètement au renversement de Ianoukovitch, comme en témoigne l'enregistrement de Victoria Nuland, alors secrétaire d'État adjointe des États-Unis, et de l'ambassadeur des États-Unis Geoffrey Pyatt, planifiant le gouvernement post-Yanoukovitch quelques semaines avant le renversement violent de Ianoukovitch. Mme Nuland indique clairement lors de l'appel qu'elle se coordonnait étroitement avec le vice-président de l'époque, M. Biden, et son conseiller à la sécurité nationale, M. Jake Sullivan, la même équipe Biden-Nuland-Sullivan qui est aujourd'hui au centre de la politique américaine à l'égard de l'Ukraine.

 

  • Conversation enregistrée entre Asst. Seconde. d'État Victoria Nuland et Amb. Jeffrey Pyatt

 

- Après le renversement de Ianoukovitch, la guerre a éclaté dans le Donbass, tandis que la Russie revendiquait la Crimée.
Le nouveau gouvernement ukrainien a demandé l'adhésion à l'OTAN, et les États-Unis ont armé et aidé à restructurer l'armée ukrainienne pour la rendre interopérable avec l'OTAN. En 2021, l'OTAN[10] et l'administration Biden[11] se sont fermement engagées à assurer l'avenir de l'Ukraine au sein de l'OTAN.

 

 

- Dans la période qui a précédé l'invasion russe, l'élargissement de l'OTAN était au centre des préoccupations.
Le projet de traité américano-russe de Poutine (17 décembre 2021)[12] demandait l'arrêt de l'élargissement de l'OTAN. Les dirigeants russes ont présenté l'élargissement de l'OTAN comme la cause de la guerre lors de la réunion du Conseil national de sécurité de la Russie le 21 février 2022[13]. Dans son discours à la nation ce jour-là, Poutine a déclaré que l'élargissement de l'OTAN était l'une des principales raisons de l'invasion[14].

 

L'historien Geoffrey Roberts a récemment écrit : " La guerre aurait-elle pu être évitée par un accord russo-occidental qui aurait stoppé l'expansion de l'OTAN et neutralisé l'Ukraine en échange de solides garanties d'indépendance et de souveraineté ukrainiennes ? C'est tout à fait possible "[15]. En mars 2022, la Russie et l'Ukraine ont fait état de progrès vers une fin rapide et négociée de la guerre sur la base de la neutralité de l'Ukraine.

 

Selon Naftali Bennett, ancien Premier ministre israélien, qui a joué le rôle de médiateur, un accord était sur le point d'être conclu avant que les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ne le bloquent.

 

 

Alors que l'administration Biden déclare que l'invasion russe n'a pas été provoquée, la Russie a recherché des options diplomatiques en 2021 pour éviter la guerre, tandis que Biden rejetait la diplomatie, insistant sur le fait que la Russie n'avait pas son mot à dire sur la question de l'élargissement de l'OTAN. En mars 2022, la Russie a fait appel à la diplomatie, tandis que l'équipe de M. Biden a de nouveau bloqué l’évirement  de la guerre par la voie diplomatique.

 

 

- En reconnaissant que la question de l'élargissement de l'OTAN est au cœur de cette guerre, nous comprenons pourquoi l'armement américain n'y mettra pas fin.
La Russie fera tout ce qui est nécessaire pour empêcher l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine. La clé de la paix en Ukraine passe par des négociations basées sur la neutralité de l'Ukraine et le non-élargissement de l'OTAN. L'insistance de l'administration Biden sur l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine a fait de l'Ukraine la victime d'aspirations militaires américaines mal conçues et irréalisables. Il est temps que les provocations cessent et que les négociations rétablissent la paix en Ukraine.

 

Notes :

[0] Titre original : The War in Ukraine Was Provoked—and Why That Matters to Achieve Peace
Auteur : Jeffrey D. Sachs Jeffrey D. Sachs est professeur d'université et directeur du Centre pour le développement durable de l'université Columbia, où il a dirigé l'Institut de la Terre de 2002 à 2016. Il est également président du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies et commissaire de la Commission à haut débit des Nations unies pour le développement. Il a été conseiller auprès de trois secrétaires généraux des Nations unies et est actuellement défenseur des objectifs de développement durable auprès du secrétaire général Antonio Guterres. M. Sachs est l'auteur, plus récemment, de "A New Foreign Policy : Beyond American Exceptionalism" (2020). Parmi ses autres ouvrages, citons "Building the New American Economy : Smart, Fair, and Sustainable" (2017) et "The Age of Sustainable Development" (2015) avec Ban Ki-moon.

[1Un exemple de l’enseignement de l’ignorance : quelle est la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne en 1945 ?

[2] Discours du président Biden à l’approche du premier anniversaire de l’invasion brutale et non provoquée de l’Ukraine par la Russie

[3] Réponse de l'OTAN à l'invasion russe de l'Ukraine

[4] Déclaration des dirigeants du G7 sur l'Ukraine.

[5] Expansion de l'OTAN: ce que Gorbatchev a entendu

[6Une géostratégie pour l'Eurasie

[7] L’élargissement de l’OTAN : Une erreur fatale – George Kennan – 05/02/1997

[8] L'hostilité russe «en partie causée par l'Occident», affirme l'ancien chef de la défense américaine

[9] NYET MOYEN NYET: REDLINES DE L'ÉLARGISSEMENT DE L'OTAN DE LA RUSSIE

[10] Communiqué du Sommet de Bruxelles

[11] Déclaration conjointe sur le partenariat stratégique américano-ukrainien

[12] Traité entre les États-Unis d'Amérique et la Fédération de Russie sur les garanties de sécurité

[13] Réunion du Conseil de sécurité

[14] Discours du Président de la Fédération de Russie

[15] L'historien Geoffrey Roberts a récemment écrit

 

Pour en savoir plus :

- Le gouvernement américain savait que l’expansion de l’OTAN en Ukraine forcerait la Russie à intervenir

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6 octobre 2022 4 06 /10 /octobre /2022 18:20
Chronique de la « GUERRE GLOBALE » : tension extrême dans le DÉTROIT DE FORMOSE

Taïwan : les tensions entre Chine et États-Unis se radicalisent[0] !

 

Après le point sur la guerre en Ukraine dans notre précédent numéro, ce second volet de la « guerre globale » se penche sur l’Extrême-Orient. Nous vivons l’étape ultime précédant une guerre éventuelle, comme c’était le cas en Ukraine dans les années 2000 et 2010, à savoir l’étape du pré positionnement stratégique belliqueux. La tension monte et les Occidentaux, tout comme la Chine populaire, guettent l’erreur éventuelle de l’adversaire pour ouvrir les hostilités.

 

 PREMIERE ARTICLE ICI 👉 : POINT SUR LA GUERRE EN UKRAINE EN SEPTEMBRE 2022

 

 

Sources : RESPUBLICA | mis à jour le 30/10/2024

 SECOND ARTICLE : TENSION EXTRÊME DANS LE DÉTROIT DE FORMOSE

- L’étincelle Pelosi

Nancy Pelosi fraîchement reçue à Tokyo et Séoul, embarrassés par les conséquences de sa visite à Taïwan

L’histoire retiendra peut-être cette date : le 2 août 2022. C’est le jour où Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, est arrivée à Taïwan, devenant ainsi le plus haut responsable politique américain à se rendre sur l’île en 25 ans[1]. Ainsi les États-Unis ont décidé, totalement « à froid », de raviver un conflit vieux de 73 ans, et cela en pleine guerre en Europe.

  • Pourquoi cette provocation ?

Il est impossible d’apporter aujourd’hui une réponse définitive à cette simple question. Pourtant, l’enjeu est considérable. Provoquer la Chine populaire, c’est provoquer une Russie multipliée par 10 ! En effet, la Chine représente dix fois la Russie en termes de produit intérieur brut en 2020 (PIB russe : 1,483 billion dollars ; PIB Chine : 14,720 billions dollars[2]), comme en termes de population (Russie : 144 millions ; Chine : 1,402 milliard).

 

Cette fois-ci, la Chine de Xi Jinping n’a pas fait le dos rond et a relevé le défi. Des manœuvres militaires de grande ampleur ont été organisées par l’armée chinoise, l’APL (Armée populaire de libération). À la veille de son vingtième congrès qui se tiendra cet automne, le Parti communiste chinois (PCC) change de ton et abandonne sa traditionnelle réserve, si chère à Deng Xiaoping. Ce dernier avait pour règle d’or la prudence et le refus de céder aux provocations des Occidentaux. Aujourd’hui, le maître de la cité interdite refuse de courber la tête. Tout est donc prêt pour une escalade dans les prochains mois.

 

Depuis « l’étincelle Pelosi », le complexe militaro-industriel américain utilise tout son poids politique et d’influence pour armer Taïwan. Un formidable marché pour rénover la flotte d’avions de guerre taïwanaise est à l’ordre du jour. Lockheed Martin et Boeing jouent des coudes pour fournir les armes aériennes de dernière génération.

 

Car les États-Unis mettent le paquet, n’hésitant pas à se mettre en parfaite contradiction… avec eux-mêmes ! Car l’enjeu du conflit est un pays, Taïwan, qu’ils n’ont jamais reconnu[3].


Taïwan est un curieux pays, une sorte d’ambiguïté territoriale : cette île est exclue de toutes les instances mondiales, l’ONU, la Banque mondiale, l’OMS ou du FMI. Elle a réussi uniquement à intégrer l’organisation mondiale du commerce (OMC). L’immense majorité des pays du monde, dont les États-Unis, ne reconnaissent qu’une seule Chine, la Chine populaire[4]. La communauté occidentale reconnaît par là même l’appartenance de l’île de Taïwan à la nation chinoise unique. Pour surmonter idéologiquement cette contradiction, les États-Unis ont inventé le concept « d’ambiguïté stratégique[5] », maniant le flou total sur leur participation à une éventuelle défense de Taïwan en cas d’attaque de la Chine continentale, c’est dire la clarté de la situation actuelle !

 

 

- De Taïwan à Baltimore
Pour mieux comprendre le voyage de Nancy Pelosi, un détour est nécessaire par la grande histoire contemporaine de la Chine, mais aussi par la petite histoire d’une ville américaine du Maryland, Baltimore… lieu de naissance justement en 1940 de l’actuelle présidente de la Chambre des représentants des États-Unis.

 

 

- « Formosa » entre Chine et Japon
Cette île, remarquée par les intrépides navigateurs portugais qui l’appelèrent « Formosa » (« belle » en portugais) et peuplée historiquement d’aborigènes, était plutôt hostile aux empereurs chinois. Il y avait de quoi : les Chinois méprisaient les natifs considérés comme des « sous-hommes ». Les îliens changèrent d’oppresseur à la fin du XIXe siècle, se retrouvant sous souveraineté japonaise après la défaite de l’empire de Chine contre le Japon en 1895. L’île de Taïwan (« grande baie » en chinois) subit une dure occupation de la part des Japonais, également teintée d’un profond mépris raciste. Ce qui amena sa population à adhérer aux idées progressistes et républicaines de Sun Yat-sen, fondateur de la République de Chine. Notons que les idées communistes étaient aussi partagées par beaucoup d’habitants de la « belle » île. Le 2 septembre 1945, lorsque le Japon capitula sans condition, Taïwan fut évacué par l’armée nippone[4].

 

 

- Un refuge pour le Kuomintang
Toutefois, la république de Chine ne va pas récupérer directement ce territoire, mais c’est l’ONU tout juste créée qui reçut mandat de décider de l’avenir de l’île. L’organisation internationale confia donc à l’armée des États-Unis le soin du transfert de souveraineté à la Chine continentale, c’est-à-dire à l’époque au Kuomintang de Tchang Kaï-chek.

Ainsi, l’histoire de Taïwan croisa celle des États-Unis dès l’après-guerre. L’armée yankee et celle de Tchang Kaï-chek prirent possession des lieux. Mais, dès 1946, ce qui deviendra la « guerre froide » commença à régir les rapports entre les puissances. Et sur le terrain chinois, les troupes communistes de Mao Zedong volèrent de victoire en victoire, les jours du Kuomintang étaient comptés.

 

LE MASSACRE / L’INCIDENT 228 二二八事件 – 28 FÉVRIER 1947

 À Taïwan, les troupes nationalistes, avec les conseils du corps de Marines américain, envisagent que l’île devienne un refuge en cas de malheur. Le 28 février 1947, resté dans l’histoire sous le nom de « l’incident 228[6] », débuta une grande révolte populaire contre le gouvernement du Kuomintang. Celui-ci réagit en massacrant méthodiquement tous les « communisants », et pour éviter d’en oublier un seul, ils liquidèrent également tous les progressistes. Bilan : entre 10 000 et 30 000 morts selon les estimations. L’inévitable défaite du KMT (Kuomintang) sonna bel et bien en 1949. Le Parti communiste chinois prit le pouvoir le 1er octobre de cette année.

 

Les débris de l’armée de Tchang Kaï-chek, plus de deux millions d’hommes souvent accompagnés de leurs familles, traversèrent le détroit de Formose et débarquèrent à Taïwan. Le KMT imposa sa dictature sur Taïwan en se prétendant le pouvoir légal chinois et le représentant de toute la république de Chine. Notons au passage un point important  : la « sinisation[7] » définitive de cet archipel (Taïwan est en fait un archipel composé de dizaines d’îles et de centaines d’îlots) date de cette époque, les aborigènes et les descendants de l’occupant japonais étant noyés sous les millions de Chinois fraîchement débarqués du continent.

 

 

- Une épouvantable dictature à l’ombre de la 7e flotte
Tchang Kaï-chek et le KMT instituèrent la loi martiale qui resta en vigueur jusqu’en 1987. Une terrible « terreur blanche » (en chinois : 白色恐怖 ; pinyin : báisè kǒngbù) se déchaîna durant quatre décennies : on compte des milliers de morts par exécution, des dizaines de milliers d’emprisonnés. Ce régime sanguinaire a survécu grâce à l’assistance économique et à la protection militaire américaine de la 7e flotte dans le détroit de Formose[8].

 

Toutefois, le régime du KMT disposait de deux atouts de première main :

  • D’abord, il détenait le siège permanent chinois au conseil de sécurité de l’ONU jusqu’en 1971, date de sa restitution à la Chine populaire. Que Taïwan fasse partie du Conseil de sécurité de l’ONU a été important pour les États-Unis, permettant par exemple au début des années 1950 que le corps expéditionnaire américain en Corée soit déployé sous l’égide de l’ONU et non sous étendard yankee (bénéficiant aussi de l’erreur de l’URSS jouant alors la politique de la « chaise vide » durant deux séances décisives du Conseil de sécurité).

 

  • Deuxième atout, une influence sur la diaspora chinoise, la plus grande du monde, une influence certes minoritaire, mais essentielle pour les États-Unis. En effet, l’enjeu était d’une extrême importance en Asie, en particulier entre les années 50 à 80 pour éviter que les communautés chinoises basculent du côté des communistes, comme cela a été le cas en Indonésie où s’est déchaînée une terrible répression anti communiste en 1965-1966 (entre 500 000 et 3 millions de morts[9]) et à Saïgon avec le soulèvement pro Viêt-Cong du quartier chinois de Cholon au moment de l’offensive du Têt en janvier 1968. Il était donc essentiel pour les USA de doter Taïwan de moyens exceptionnels pour contrecarrer la domination de Pékin sur la diaspora.
    • Une alliance stratégique anti-communiste a été mise en place entre la CIA, le Kuomintang et les « Triades ».
      Membres de triades arrêtés en Thaïlande avant 1950.
      Membres de triades arrêtés en Thaïlande avant 1950.
      Ces dernières étaient des sociétés secrètes patriotiques créées à la fin du XIXe siècle qui se transformèrent progressivement au cours du siècle suivant en organisations purement mafieuses. Interdites par la Chine communiste en 1949, elles se replièrent à Hong Kong et surtout à Taïwan. Leur rayonnement sur la diaspora chinoise fut considérable, car la CIA les laissa dominer totalement le trafic des opiacés, y compris sur le territoire américain, générant des revenus monstrueux. Les experts estiment que dans les années 1980, le chiffre d’affaires des « triades » était de l’ordre de 1,1 % du produit intérieur brut des USA, soit plus de 50 milliards de dollars de l’époque[10].
    • Cette masse financière permit entre autres la surveillance et le contrôle des diasporas chinoises, malgré l’activisme patriotique de la Chine populaire.

 

 

- « Triades » chinoises pro Taïwan et mafias « démocrates » américaines
Le point de contact entre les « Triades » monopolisant le trafic des opiacés et les mafias américaines, en particulier d’origine italienne, est la collaboration commerciale pour la diffusion de drogue. De leur côté, les organisations mafieuses américaines étaient historiquement du côté des « démocrates ». Le président Kennedy fut d’ailleurs élu en 1960 de justesse (un écart de 0,17 %) grâce aux voix achetées par les maffiosi de Chicago ou d’ailleurs[11].

 

À Baltimore, nœud ferroviaire et routier de la côte Est des États-Unis permettant la distribution des produits licites et illicites sur tout le rivage atlantique des États-Unis, ce fut le père de Nancy Pelosi[1], Thomas D’Alesandro Jr, qui d’abord régna sur la ville, maire de 1947 à 1959. Connue sous le nom de « Big Tommy », sa base était située dans le quartier de « little Italy ». Puis, après un court intermède, ce fut le frère de Nancy Pelosi, également démocrate, Thomas D’Alesandro lll, qui lui succéda à la mairie de Baltimore de 1967 à 1971. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réputation du père comme du fils était fort sulfureuse, tout comme d’ailleurs celle d’un autre italo-americain, Paul Pelosi, mari de Nancy. Celui-ci a fait fortune dans l’immobilier avec des opérations financières pour le moins suspectes. Bref, des années 1960 aux années 2000, la convergence entre les « Triades » et les Italo-américains a été constante pour les « affaires », légales ou non, et s’est traduite sur le plan politique par un soutien sans faille au Parti démocrate. Le soutien du lobby de Taïwan au « parti bleu », en particulier après la restitution de Hong Kong à la Chine populaire en 1997 a été permanent et puissant. Plusieurs scandales de subventions financières occultes des campagnes présidentielles démocrates par des intérêts taïwanais liés aux « Triades » ont fait grand bruit au cours des années 1980 et 1990.

 

Le lobby pro-Taïwan aux USA, dont Nancy Pelosi a toujours fait partie, a été caractérisé par un ultra activisme agrémenté de « dessous de table » à Washington. Visiblement, le voyage de 2 août de la présidente de la Chambre des représentants a peut-être été une opération diplomatique « au forceps ». Car, il semble bien que l’administration Biden ait été mise au pied du mur. Il n’empêche qu’aujourd’hui le basculement vers la confrontation USA-Chine populaire est la ligne de plus forte pente.

 

 

- Le tournant taïwanais vers la démocratie… et les semi-conducteurs
De nos jours, le soutien occidental à Taïwan se renforce constamment, bien que les pays du camp occidental et de l’OTAN n’aient pas reconnu diplomatiquement l’île. Il s’agit pour l’instant d’un soutien économique et idéologique. Depuis peu, le soutien militaire massif commence à pointer son nez aussi.

 

Sur le point de « la guerre des idées », il est aisé en 2022 pour les démocraties libérales de présenter Taïwan comme un « modèle » en termes de liberté et de droits de l’homme en Asie, à l’instar d’ailleurs de la présentation positive de la « démocratie ukrainienne » sur le continent européen.

 

En effet, depuis la fin des années 1990, l’île chinoise est passée d’une épouvantable dictature à une démocratie pluraliste formelle. Bien sûr, il s’agit d’une démocratie totalement cadenassée qui se réduit en fait à un duel permanent entre le vieux parti KMT (Kuomintang) et le Parti démocrate progressiste (Minjindang). Le premier de ce duo politique penche pour un dialogue avec Pékin sur l’avenir définitif de l’île, le second se positionnant pour une marche vers l’indépendance. Car, jusqu’à présent, Taïwan n’a jamais proclamé son indépendance ! Encore une autre « ambiguïté stratégique ».

  • Donc, aussi curieux que cela paraisse, de nombreuses voix s’élèvent en Occident pour défendre une entité qui n’est pas reconnue internationalement et qui n’a jamais déclaré sa propre indépendance… C’est ce que l’on pourrait appeler une zone grise en plein brouillard ! Les médias des pays alliés des États-Unis se mobilisent à fond pour « promouvoir » la « démocratie exemplaire taïwanaise ».
  • Pots-de-vin et morts mystérieuses: les frégates de Taïwan, une affaire digne d'un thriller
    En France par exemple, le sujet est d’actualité à longueur de colonnes et régulièrement présent sur les ondes. Notre pays aurait-il oublié son pire scandale de corruption par la masse financière des « pots-de-vin » que l’on nomma à l’époque « l’affaire des frégates de Taïwan »[12]) ? « Une enquête fut ouverte à propos des rétrocommissions (interdites par la loi), mais les juges se sont vu opposer le secret défense par les gouvernements de droite comme de gauche »[13]. Pourtant, cette affaire date des années 1990 et 2000, c’est-à-dire à une époque où Taïwan était déjà une « démocratie exemplaire ». L’esprit des « Triades » a, semble-t-il, encore de beaux restes !

 

Mais l’atout maître en 2022 de Taïwan, c’est son industrie high-tech, en particulier sa place de leader dans une industrie vitale pour le monde occidental, celle des semi-conducteurs : les « puces » électroniques étant indispensables aux automobiles, avions, ordinateurs, smartphones… Et Taïwan représente 60 % de leur production mondiale[14]. Des investissements monstres ont été nécessaires pour construire cette industrie. Le trésor des « Triades » y a certainement largement contribué. Avec la montée de la tension dans le détroit de Formose, la Chine communiste bloque les importations de la silice dans l’île, matière première de la fabrication des « puces » électroniques[15]. Notons que les relations économiques entre Taïwan et la Chine continentale sont particulièrement développées. En fait, depuis une vingtaine d’années, les deux entités industrielles sont quasiment intriquées. Par exemple, la principale entreprise de Taïwan pour les semi-conducteurs, le mastodonte Taïwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), produisant quasiment la moitié des « puces » électroniques de la planète, dirige ses usines géantes aussi bien sur l’île, que sur le continent chinois. Un éventuel blocus de Taïwan par la Chine populaire, similaire à celui de Cuba par les États-Unis, serait fatal pour l’industrie high-tech de la « belle » île.

 

Face à cette situation industrielle très tendue, les États-Unis semblent jouer sur deux tableaux :

  • d’une part, augmenter leur soutien, y compris militaire, à Taïwan,
  • et d’autre part déclencher une relocalisation en urgence des usines de semi-conducteurs sur le territoire américain.

Le dernier accord américano-mexicain de septembre 2022 porte d’ailleurs sur la construction de gigantesques unités de production de « puces » de part et d’autre de la frontière du Rio Grande[16]. Ainsi, les États-Unis se préserveraient d’une perte définitive de l’île chinoise… un élément assez inquiétant pour le Parti démocrate progressiste actuellement au pouvoir à Taïwan.

 

 

- « L’ambiguïté stratégique » peut durer longtemps… y compris en cas d’invasion de Taïwan
Comment réagiraient les USA, l’AUKUS (acronyme désignant l’alliance politico-militaire Australia, United Kingdom et United States) ou encore l’OTAN, en cas d’intervention de la Chine communiste pour récupérer sa province taïwanaise ? Il est très difficile de conclure définitivement sur cette question. À l’ère des missiles hypersoniques « tueurs de porte-avions », la 7e flotte ne dispose plus de la suprématie totale sur mer. De son côté, la Chine n’est plus un « nain militaire », depuis un quart de siècle, son armée (APL) est devenue une force non négligeable, et le pays dispose d’une puissance atomique, ainsi que d’une flotte de satellites spatiaux permettant une parfaite connaissance des moindres mouvements des flottes militaires occidentales.

 

 

Il est donc fort possible qu’en cas de débarquement de l’APL (Armée populaire de libération) à Taïwan, les États-Unis jouent un simple soutien à une guerre prolongée, une sorte de guérilla high-tech à l’image de la résistance ukrainienne à l’invasion russe en mars-avril dernier. Problème : Taïwan est une île dont le ravitaillement en armes et munitions ne pourrait se faire qu’en brisant un éventuel blocus maritime ou en empêchant militairement la Chine populaire de contrôler l’espace aérien de Taïwan. Aussi les dangers d’affrontements directs entre l’APL et l’US Army et ses alliés sont potentiellement très importants.

 

Pour sa part, la Chine populaire ne dévoile pas son jeu : elle attend de voir et d’analyser l’évolution de la guerre en Europe. Cette puissance asiatique a toujours privilégié le long terme au court terme.

  • Si la Chine connaît des problèmes économiques et financiers, c’est aussi le cas de l’occident. Qui tombera en premier ?
  • Comment les pays de l’OTAN supporteront-ils par exemple l’hiver de la guerre en Ukraine ?
  • Les populations occidentales vont-elles encaisser sans réagir l’hyper inflation actuelle ?
  • Les États-Unis peuvent-ils résoudre leur crise politique permanente avec Trump en embuscade ?

 

Il est donc fort possible, mais non fort probable, car la situation mondiale se révèle d’une instabilité inédite, que la Chine populaire patiente quelques mois ou quelques années, avant d’affronter les États-Unis en espérant un affaiblissement de sa puissance politique et militaire. Mais attention, car comme le disait Mao Zedong : « Une simple étincelle peut mettre le feu à la plaine ».

 

Notes :

[0] Taïwan : les tensions entre Chine et États-Unis se radicalisent

[1Nancy Pelosi fraîchement reçue à Tokyo et Séoul, embarrassés par les conséquences de sa visite à Taïwan

[2Comparaison de l'évolution de PIB annuel aux prix du marché de Russie vs Chine

[3] Cité du Vatican (Le Saint-Siège) (1942) ; Haïti (1956) ; Paraguay (1957) ; Guatemala (1960) ; El Salvador (1961) ; Honduras (1965) ; Swaziland (1968) ; Nauru (1980 – 2002, 2005) ; Saint-Vincent-et-les-Grenadines (1981) ; Îles Salomon (1983) ; Saint-Kitts-et-Nevis (1983) ; Sainte-Lucie (1984 – 1997, 2007) ; Belize (1989) ; Nicaragua (1990) ; Îles Marshall (1998) ; Palau (1999) ; Kiribati (2003).

[4] Taïwan

[5] Joe Biden entretient l'ambiguïté stratégique de Washington vis-à-vis de Taiwan

[6] LE MASSACRE / L’INCIDENT 228 二二八事件 – 28 FÉVRIER 1947

[7] Définition de SINISATION

[8] Pourquoi le gouvernement américain doit-il être responsable du problème de Taiwan ?

[9] Indonésie 1965, la plus terrible des répressions anticommunistes

[10] Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Triades_chinoises

[11] Le journaliste Seymour Hersh a avancé, dans son livre La face cachée du clan Kennedy (en fr. 1998), que la victoire de Kennedy était redevable de l'aide apportée par la mafia pour obtenir la majorité notamment dans l'Illinois  : Mafia Helped JFK to Win, Book Claims, latimes.com, 9 novembre 1997, et Was Nixon Robbed, David Greenberg, slate.com, 16 octobre 2000

[12] Voir : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Affaire_des_frégates_de_Taïwan

[13] Source Wikipédia citée plus haut.

[14] Taïwan, ce géant des puces électroniques qui fait rêver l'Europe

[15] Pourquoi Pékin interdit l'exportation de sable vers Taïwan

[16] Les États-Unis invitent le Mexique à se joindre à leur mégaplan sur les microprocesseurs

 

Pour en savoir plus :

- Comment le lobby chinois a façonné l’Amérique, par Jonathan Marshall

- Taïwan : les tensions entre Chine et États-Unis se radicalisent

-  Jean-Luc Mélenchon : « Taïwan : je refuse la guerre froide avec la Chine... c’est au chinois (dont ceux de Taïwan) de régler la question entre eux… »

- Chine/USA : UNE GUERRE DE GÉANTS POUR QUELQUES NANOMÈTRES

- Les Philippines donnent aux États-Unis un accès à quatre bases militaires supplémentaires

Texte intégral : Document de réflexion de l’Initiative mondiale sur la sécurité de la Chine par Xinhua

- Mondialisation, capitalisme et hégémonie - Sur l’aiguisement de la rivalité sino-étatsunienne et l’histoire chinoise

- La Chine est une cible pour le Parlement européen de l’extrême droite jusqu’au centre gauche Vert et PS, depuis des mois et même des années en étroite corrélation avec le point de vue des USA et de la mouvance atlantiste.

 

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2 octobre 2022 7 02 /10 /octobre /2022 20:23
Bloc OTAN contre bloc RUSSIE-CHINE, chronique de la « GUERRE GLOBALE »

Après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la tension monte dangereusement dans le détroit de Formose. Durant les mois de juillet et d’août, nous avons assisté au développement du bellicisme aussi bien en Occident qu’en Orient.

Plutôt que d’envisager une troisième guerre mondiale, hélas forcément nucléaire, l’on s’oriente peut-être vers une « guerre globale » au niveau planétaire, c’est-à-dire vers des guerres conventionnelles de haute intensité en Europe et en Asie opposant le bloc OTAN et ses alliés au bloc Russie-Chine. La « danse sur le bord du volcan » est donc de plus en plus dangereuse, car un dérapage atomique est toujours possible. En cette rentrée de septembre, nous faisons le point sur cette « guerre globale », qui risque de marquer nos existences et la vie politique pendant une longue période.

Cet article est conçu en deux temps, la première partie (PUBLIÉE CI-DESSOUS) est consacrée à la guerre en Ukraine, la seconde traitera de la tension à Taïwan.

 

 

Sources : RESPUBLICA | mis à jour le 14/10/2022

 PREMIER ARTICLE : POINT SUR LA GUERRE EN UKRAINE EN SEPTEMBRE 2022

-  Le point début septembre sur la guerre en Ukraine
Notons en préambule qu’il est fort difficile d’accéder à une information fiable. Le contrôle de celle-ci par la Russie d’une part et l’OTAN d’autre part est total. Rappelons que les compétences et missions du « commandement intégré » de cette alliance politico-militaire incluent la coordination de l’information sur la guerre en Ukraine à destination du grand public de ses différents membres.

UKRAINE : LES TACTIQUES DE COMBATS UKRAINIENNES METTENT EN DANGER LA POPULATION CIVILE

Les reportages de journalistes sur la ligne de front proprement dite sont quasiment impossibles dans les deux camps. Les bilans indépendants sont rares et violemment attaqués : on a pu s’en apercevoir lors de la publication du rapport d’Amnesty International sur l’armée ukrainienne[1]. À peine sa parution a-t-elle eu lieu qu’un tollé médiatique s’est déclenché dans les pays occidentaux. Paraître critiquer légèrement l’Ukraine est quasiment impossible dans les pays de l’OTAN. Recouper l’information est donc fort difficile. Ainsi, sommes-nous réduits à des approximations, faute de chiffres et de bilans objectifs d’organisations internationales crédibles comme le CICR par exemple (Comité international de la Croix Rouge).

 

 

-  Gel du front russo-ukrainien en juillet et août et offensive ukrainienne en septembre 
En Ukraine, la guerre de haute intensité continue de plus belle, mais sur un mode statique en juillet et août. Puis une offensive ukrainienne a débuté début septembre, d’abord dans la région sud vers Kherson, puis à l’est vers Kharkiv. La première attaque de Kiev au sud semblait être un leurre pour masquer la vraie l’offensive à l’est. Au milieu de l’été, l’actualité guerrière était faite de bombardements réciproques par missiles de croisière, drones kamikazes et artilleries de précision du type canon Caesar d’origine française. Ni la Russie ni l’Ukraine a fortiori ne manquent d’armes ni de munitions… D’ailleurs l’offensive ukrainienne de ce mois de septembre le prouve : l’équipement de l’armée de Kiev est de la dernière génération technologique fournie par l’OTAN. À la mi-septembre, l’Ukraine semble marquer des points. La sophistication des armes occidentales est peut-être en passe de reproduire le désastre russe de mars-avril dernier qui a vu l’écrasement de ses colonnes blindées russes d’un autre âge. L’avenir le dira.

 

Mais ce sont les hommes qui font défaut. La raison en est certainement l’épuisement réciproque et le manque d’effectifs combattants. En effet, les deux protagonistes s’épuisent à la même vitesse. Les deux armées en présence sont de petite taille, autour de 200 000 hommes chacune tout au plus, en dehors des troupes de défense opérationnelle de territoire (DOT) pour les Ukrainiens et des séparatistes pro-russes des républiques autoproclamées du Donbass et de Lougansk. Or, beaucoup d’hommes ont été perdus en six mois. Le renseignement britannique évoque 86 000 morts et blessés du côté russe. Un chiffre à prendre bien sûr avec précaution, car Londres est le principal boutefeu de l’OTAN en Europe. Mais, il est vrai que la Russie a essuyé un revers en mars et avril, l’obligeant à revoir totalement son déploiement opérationnel pour se consacrer exclusivement, du moins pour le moment, au front de l’est et du sud de l’Ukraine. Cet échec militaire a dû être très coûteux en vies humaines, les colonnes blindées russes ayant été taillées en pièces en mars et avril au nord de Kiev.

 

 

-  Décompte macabre
Du côté ukrainien, la situation n’est guère plus brillante. L’état-major de l’armée annonçait le chiffre de 9000 morts le 22 août dernier, un chiffre manifestement sous-estimé.

GUERRE EN UKRAINE: KIEV RECONNAÎT LA MORT DE 9000 DE SES SOLDATS

Le président Zelensky évoquant lui-même 100 à 200 morts ukrainiens par jour dans l’est du pays, au plus fort de l’offensive russe en mai et juin derniers. Il est donc logique d’estimer les pertes entre 25 ou 40 000 morts, une fourchette assez large pour être réaliste. À cela, il faut ajouter les blessés graves. Suivant les ratios habituellement retenus, il peut être question de 15 à 30 000 soldats blessés sérieusement. Enfin, à ces pertes d’effectifs, les prisonniers doivent être rajoutés. Sur ce plan Kiev, ou Kyiv en ukrainien, a perdu le plus de troupes, en particulier après la défaite de Marioupol. Dans ce port de la mer d’Azov étaient retranchés des troupes d’élite des commandos de marine et des régiments politico-militaires de la division Azov (dont une partie des soldats se revendiquent comme néo-nazis). Plus de 7000 hommes au total ont été pris dans la tenaille russe et faits prisonniers. Bref, il est fort possible que l’armée ukrainienne ait perdu environ le tiers de ses effectifs en 6 mois… c’est-à-dire finalement une proportion à peu près du même ordre que l’armée russe et ses alliés ukrainiens pro-russes.

 

 

-  Une situation de guerre en miniature ?
Ainsi, aujourd’hui chaque camp en présence dispose de 120 à 130 000 hommes en force d’intervention (en dehors des forces de sécurité territoriales). Or, l’Ukraine est un grand pays dont la superficie (603 700 km2) dépasse celle de la France. Le front principal entre Kherson et Kharkiv s’étire sur plus de mille kilomètres. Il est donc impossible de tenir la « ligne de feu » de manière étanche pour l’une ou l’autre troupe. Nécessité faisant loi, nous assistons donc depuis juillet à des escarmouches sur un front discontinu, sans réelle cohérence opérationnelle ni offensive construite. 

 

Pour sortir de cette situation de « guerre en miniature », et l’offensive ukrainienne de septembre est la preuve de cette volonté, l’un et l’autre camp doivent regonfler d’urgence les effectifs combattants. Car les derniers combats de septembre dans la région de Karkiv sont encore une fois terriblement coûteux en vies humaines pour les deux camps. Là se situe le nœud du problème, car les implications politiques sous-jacentes sont énormes.

 

 

-  Russie : la ligne rouge de la conscription
Faisons le point à ce propos en passant en revue les deux protagonistes. Commençons par la Russie. Depuis le début de l’attaque russe, le 24 février dernier, le président Poutine ne parle pas de guerre… mais « d’opération spéciale ». Théoriquement, les troupes engagées sont professionnelles, sans participation du contingent. Une affirmation à prendre avec des pincettes, car il semble bien que des appelés figurent au nombre des victimes, d’après des témoignages de familles en deuil sur les réseaux sociaux. Avec une population de 144 millions, la Russie pourrait procéder à une mobilisation partielle ou générale (ce qu'elle vient d'engager[2]), mais le risque politique est énorme. Pour le moment, dans sa majorité, l’opinion publique semble se montrer neutre ou favorable au bellicisme du Kremlin. Mais le peuple russe est-il prêt à la guerre totale ? Il est permis d’en douter (Depuis l’annonce de Vladimir Poutine d’une « mobilisation partielle » de 300 000 réservistes en Russie, des citoyens russes cherchent à quitter le pays en masse[3]).

Guerre en Ukraine : des Russes fuient leur pays par milliers

Un autre indice confirme ce doute : la mini crise entre Moscou et Jérusalem sur la menace de fermeture de « l’Agence Juive », qui est en charge de l’émigration des juifs vers Israël (Alyah), sur le territoire russe. En effet, au cours du premier semestre 2022, 20 000 nouveaux immigrants sont venus de Russie, plus nombreux que ceux venant d’Ukraine, 11 000. Ceux qui quittent la Russie sont en général de jeunes diplômés, particulièrement qualifiés dans la high-tech.

 

Leurs motivations sont diverses, mais la peur de la conscription y est pour beaucoup. Malgré les bonnes relations entre Poutine et les premiers ministres successifs, Netanyahou en particulier, le Kremlin menace de fermer l’institution israélienne pour stopper l’hémorragie des jeunes et des cerveaux[4]. En fait, le départ des candidats éligibles à « l’alyah » (au minimum un grand-parent juif) est révélateur de l’esprit de l’ensemble de la jeunesse russe qui ne semble pas prête à « marcher vers la mort au pas cadencé » comme disait la chanson pacifiste de Francis Lemarque (« Quand un soldat », 1952). Par ailleurs, une mobilisation de la conscription désorganiserait encore davantage la production industrielle déjà atteinte par le blocus occidental. Seul un accord de coopération de grande ampleur avec la Chine populaire permettrait de surmonter ce problème. Or pour l’instant la Chine n’est pas disposée à venir sur ce terrain… à moins que la situation dans le détroit de Formose ne change la donne.

 

 

-  Manque de recrues aussi en Ukraine
Côté ukrainien, la situation n’est guère plus brillante. Bien sûr, la propagande joue sa rengaine. Le président Zelensky et l’état-major parlent de « lever une armée d’un million de soldats ». Théoriquement, c’est possible sur le papier en versant toutes les milices de la défense du territoire dans l’armée régulière. Mais dans les faits, c’est impossible. Accepter de défendre sa ville, son quartier, sa maison, est une chose, se retrouver fantassin dans un régiment de ligne de front en est une autre. Peu signalé par les médias des pays de l’OTAN, le fait que beaucoup de jeunes hommes fuient l’Ukraine. Dans ce pays où la corruption est généralisée, comme en Russie d’ailleurs, il est possible de quitter le pays assez facilement malgré l’interdiction faite aux hommes entre 18 et 60 ans. Face à cette situation, Kiev ratisse les fonds de tiroir dans les unités de défense territoriale et envoie ces nouvelles recrues au Royaume-Uni ainsi qu’en Suède depuis fin août, qui se chargent de la formation militaire avec les fonds de l’OTAN. Londres proclame pouvoir former 10 000 hommes par trimestre au combat, en particulier en zone urbaine. C’est possible, mais même en prenant ce chiffre pour argent comptant, cela ne fait qu’une quarantaine de milliers de militaires formés en un an. Une autre possibilité existe : la formation de régiment « privatisé » dont les frais sont payés par un oligarque ukrainien. La solde du soldat y est meilleure, ce qui peut provoquer des engagements… disons « alimentaires ». C’est le cas par exemple du « bataillon Porochenko », soutenu financièrement par l’ancien président, prédécesseur de Zelensky.

 

 

-  Les forces d’appoint
Devant ce manque d’effectifs aussi bien côté russe qu’ukrainien, l’un et l’autre camp font appel aux volontaires étrangers, aux mercenaires et aux sociétés privées de « sécurité ». L’état-major russe utilise des troupes tchétchènes, ils sont, semble-t-il, plusieurs milliers, et syriennes mais dans une moindre mesure. Aguerris et réputés pour leur sauvagerie, en particulier avec les prisonniers, ils sont aussi un moyen de guerre psychologique pour effrayer les velléités d’engagement dans le camp adverse. Sur le plan de l’utilisation des sociétés privées, l’état-major russe emploie l’entreprise Wagner, dont l’utilisation est déjà ancienne dans le Donbass.

 

Le côté ukrainien n’est pas en reste. Deux éléments militaires sont à sa disposition pour gonfler les effectifs : la « légion étrangère » et également les sociétés privées. Le président Zelensky a annoncé dès fin février la création d’une sorte de « brigade internationale ». Très peu d’informations circulent sur cette légion, officieusement soutenue politiquement par les gouvernements des pays membres de l’OTAN

Paris confirme la mort d'un second combattant français en Ukraine

Un exemple, le gouvernement français a présenté ses condoléances à la famille du deuxième français de cette unité étrangère mort en Ukraine… ce qui est assez étonnant, voire carrément illégal[5].

Il faut dire que le premier mort français était moins présentable puisque militant néo-fasciste identitaire acharné. Notons simplement que beaucoup de membres étrangers sont anglo-saxons, américains, britanniques, australiens, sud-africains. Cette « légion étrangère », en particulier un effectif suédois important, semble très présente dans l’offensive ukrainienne de septembre autour de Karkiv. Avons-nous à faire à des « idéalistes » ou est-ce le paravent d’une intervention étrangère de soutien à Kiev ? Impossible à dire avec certitude. Le fait est que la plupart des anglo-saxons de la légion étrangère sont d’anciens militaires. Difficile de parler de mercenaires, car la solde est faible. Il est possible que des unités d’élite de services secrets interviennent dans ces régiments, c’est en tous les cas la version du Kremlin. Autre structure de soutien étranger, les sociétés privées de guerre. Les Américains semblent reproduire la même stratégie qu’en Afghanistan… malgré le désastre de cette intervention. En effet, dans ce pays, les effectifs des sociétés privées étaient supérieurs à ceux de l’armée américaine régulière. Deux structures se taillent la part du lion : Blackwater, l’armée privée la plus importante du monde, et plus récemment l’agence Mozart (décidément les agences de mercenaires ont un faible pour les compositeurs classiques !). Payées directement par le budget américain, voté par le Congrès au titre de l’aide militaire à l’Ukraine, ces agences sont aujourd’hui omniprésentes à l’arrière du front et assurent également le rôle de conseil et de formation des troupes de combat. Ayant accompagné tous les désastres militaires des USA, en Irak, en Afghanistan, au Kurdistan ou ailleurs, elles sont, tels des vautours se nourrissant des cadavres, dotées d’un fort gros appétit (financier), mais disposent de capacités opérationnelles finalement assez réduites.

 

 

-  Comment sortir du blocage ?
Ainsi, la situation tactique s’apparente à un blocage total. La tentation est donc grande pour l’un ou l’autre des protagonistes de « renverser la table » pour sortir par le haut de ce bourbier et reprendre l’offensive vers une victoire espérée. La question est : comment ?

 

  • Pour Poutine, une solution possible : décréter la mobilisation partielle ou générale…

et faire avaler la pilule à son opinion publique (ce qu'il vient d'engager[2]). Il lui faut démontrer que la Russie est menacée dans son existence même. L’appel « à froid » à la conscription sur le seul dossier de la guerre en Ukraine serait la démonstration de son erreur initiale du 24 février dernier. Le président de la Russie et son état-major escomptaient un effondrement en quelques jours de l’Ukraine. Six mois après, ils sont dans l’incapacité de gagner la bataille sans mobilisation du contingent (Depuis l’annonce de Vladimir Poutine d’une « mobilisation partielle » de 300 000 réservistes en Russie, des citoyens russes cherchent à quitter le pays en masse[3]). Si un deuxième front s’ouvrait dans la Baltique, en Transnistrie ou ailleurs, Poutine pourrait décréter « la patrie en danger » et faire accepter le sacrifice de la jeunesse russe à sa population.

 

  • Pour l’Ukraine et son président Zelensky, les éléments du problème sont différents.

Son réservoir de soldats mobilisables est faible d’autant que 7 à 8 millions d’Ukrainiens ont déjà fui le pays. De plus, comme la situation économique est catastrophique, une mobilisation générale serait un coup fatal qui pourrait entraîner un effondrement dans tous les domaines, et en particulier sur le plan alimentaire. En fait, une seule possibilité existe : l’élargissement du conflit avec la participation directe de contingents de pays alliés. Il faudrait donc que des pays de l’Union européenne entrent dans le conflit… et rapidement. Sinon l’Ukraine risque de s’épuiser face à un ennemi disposant d’immenses réserves stratégiques, notamment en matières premières, et d’une population 4 fois plus importante (en intégrant le fait que 20 % des Ukrainiens ont quitté le pays). Pour l’instant, l’Union européenne n’est pas prête à l’entrée en guerre, mais les choses peuvent évoluer rapidement :

Volodymyr Zelensky signe une demande d’adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Otan
  • d'autant que lors d'une cérémonie au Kremlin le 30 septembre, Vladimir Poutine a officialisé l'annexion des régions ukrainiennes de Louhansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia, occupées par les troupes russes[6] ;
  • d'autant que Volodymyr Zelensky vient de signer une demande d’adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Otan[7].

     

D’ailleurs, dans cette hypothèse, les opinions publiques commencent à être « travaillées ». En France, le président Macron a clairement affirmé que les Français devaient avoir « la grandeur d’âme » pour accepter les sacrifices « pour rester libres ». Espérons qu’il ne faille pas prendre cette déclaration au pied de la lettre ! En soutien médiatique à cette politique d’alignement OTAN, les médias français servent de caisse de résonance permanente pour instiller l’inéluctabilité de la guerre en Europe. Tout l’été, l’ensemble des grands quotidiens et magazines (Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Point…) ont mis l’Ukraine à la une, avec des « live » quotidiens sur la situation… alors même qu’il ne se passait quasiment rien sur le front en juillet-août. Notons que Le Figaro, Le Monde et Le Point, entre autres, développent un argument particulièrement absurde : l’Ukraine manquerait d’armes. C’est en effet absurde, car la défaite russe de mars dernier dans sa tentative d’assaut de Kiev, et les soldats de Kiev qui viennent de reprendre des villes entières tombées aux mains des forces russes, démontre exactement le contraire[8].

 

Les Ukrainiens n’ont pas remporté ces victoire avec de vieilles pétoires et des cocktails Molotov, ils ont vaincu, car ils disposaient d’un armement high-tech de dernière génération (missiles sol-sol antichars et missiles sol-air portatifs, drones d’attaque…), face aux colonnes blindées russes à l’équipement obsolète datant des années 60 ou 80. L’Ukraine n’a jamais manqué d’arme ni de formation militaire pour ses soldats y compris donc avant le 24 février dernier. Depuis 2014, l’Ukraine a été préparée à la guerre par l’OTAN, c’était en tout cas l’affirmation au printemps dernier de l’état-major de l’armée française (sur ce sujet, relire ici[9]). Le but de cette mobilisation médiatique est de préparer l’opinion à une éventuelle intervention directe de l’Union européenne cet automne ou cet hiver.

 

Ainsi du côté russe comme ukrainien, la situation est intenable, et toute provocation est bonne à prendre pour sortir de la nasse. En ce début septembre, aucun signe n’existe de détente ni de possibilité d’un cessez-le-feu ni encore moins d’une conférence de paix. Or le temps va manquer.

 

 

-  Face à ce danger d’escalade et le risque de la « montée aux extrêmes », comme disent les militaires, c’est-à-dire la marche vers la guerre totale, les réactions politiques sont d’une faiblesse presque incroyable… en particulier en France.
Pourtant fin août, Emmanuel Macron a annoncé clairement la couleur dans son discours de Bormes-les-Mimosas. À part un commentaire d’Eric Ciotti à droite, le silence est assourdissant à gauche. Les partis de la NUPES sont aux abonnés absents. Seul Mélenchon est intervenu sur les tensions géopolitiques, mais plus particulièrement sur le dossier chinois[10]. Il faut bien constater son isolement. Car en fait, au sein de la NUPES, les positions sont divergentes sur la guerre, les Verts et le Parti socialiste soutenant en fait l’Ukraine en guerre et donc objectivement l’OTAN (NDLR : ce qui ne veut pas dire que Jean-Luc Mélenchon est pro-Poutine[11].

 

 

-  En fait, le président Macron a annoncé tout simplement la guerre
La France ayant rejoint le commandement intégré de l’OTAN, cela implique un alignement et un contrôle en termes de communication des alliés sur le conflit Russie-Ukraine. Donc, Emmanuel Macron ne peut pas parler « à la légère » sur ce dossier. Il est donc urgent d’intervenir, d’expliquer et expliquer encore qu’une autre voie que la guerre est possible. Or en ce mois de septembre, l’offensive ukrainienne marque des points sur le terrain et ressuscite l’espoir fou dans le camp de l’OTAN d’un effondrement total russe… et pourquoi pas d’un limogeage de Poutine du Kremlin. Ce désir d’une défaite totale russe est extrêmement dangereux justement. Si Poutine se retrouve au bord du gouffre, il n’hésitera pas à employer tous les moyens pour sauver sa peau et sortir de la nasse, y compris les moyens nucléaires !

 

-  Militer pour la République Sociale, dans l’esprit de Jaurès, c’est militer pour la paix en Europe et contre le bellicisme à outrance.

Il faut qu’une fraction politique importante à gauche intervienne pour la promotion d’une conférence internationale de paix sous l’égide de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Si les républicains de gauche restent passifs, la guerre générale en Europe sera inévitable tôt ou tard et les populations européennes en subiront les conséquences.

 

 

 

 SECOND ARTICLE ICI 👉 : TENSION EXTRÊME DANS LE DETROIT DE FORMOSE

Notes :

[1] UKRAINE : LES TACTIQUES DE COMBATS UKRAINIENNES METTENT EN DANGER LA POPULATION CIVILE

[1bis] GUERRE EN UKRAINE: KIEV RECONNAÎT LA MORT DE 9000 DE SES SOLDATS

[2] 21 septembre 2022 : Vladimir Poutine décrète «une mobilisation militaire partielle» en Russie et, contrairement à ce qui a été annoncé à la télévision, le décret signé par Vladimir Poutine ne précise pas que seuls les militaires de réserve sont soumis à la conscription.

[3] Depuis l’annonce de Vladimir Poutine d’une « mobilisation partielle » de 300 000 réservistes en Russiedes Russes fuient leur pays par milliers mais aussi Depuis l’annonce de Vladimir Poutine de mobiliser partiellement sa population, des centaines de manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes de Russie. Selon le groupe de surveillance indépendant russe OVD-Info, plus de 1 000 manifestants ont déjà été arrêtés par la police russe. et dans l’UE, 66 000 entrées en une semaine

[4] La Russie menace de fermer les bureaux de l’Agence juive à Moscou

[5] Paris confirme la mort d'un second combattant français en Ukraine

[6] Lors d'une cérémonie au Kremlin vendredi, Vladimir Poutine a officialisé l'annexion des régions ukrainiennes de Louhansk, de Donetsk, de Kherson et de Zaporijjia, occupées par les troupes russes.

[7] Volodymyr Zelensky vient de signer une demande d’adhésion accélérée de l’Ukraine à l’Otan

[8] Guerre en Ukraine : l'armée russe recule face à la contre-offensive éclair des forces de Kiev. Près de 6 000 kilomètres carrés ont déjà été libérés, selon Volodymyr Zelensky

[9] Le judoka Poutine aurait-il essuyé un « ko soto gari » ?

[10Jean-Luc Mélenchon : « Taïwan : je refuse la guerre froide avec la Chine... c’est au chinois (dont ceux de Taïwan) de régler la question entre eux… »

[11Guerre en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon " pro-Poutine " ? Remettons les pendules à l'heure !

 

Pour en savoir plus :

Vladimir Poutine signe un décret visant à agrandir l’armée russe

- ADHÉSION DE LA FINLANDE ET DE LA SUÈDE À L’OTAN : LA BALTIQUE BIENTÔT ZONE DE GUERRE ?

- Situation géoéconomique de l’Ukraine dans les mailles de l’ultralibéralisme.

- Révélation : avant que l’Ukraine ne fasse sauter le pont de Kerch, des espions britanniques avaient préparé le coup.

- L’OTAN panique devant l’incapacité de trouver le sous-marin nucléaire russe Belgorod dans l’Arctique

- « La guerre en Ukraine menace l’Europe et met en péril son moteur premier, le couple franco-allemand »

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2 mars 2022 3 02 /03 /mars /2022 11:58
Guerre en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon " pro-Poutine " ? Remettons les pendules à l'heure !

La Russie a lancé son opération militaire en Ukraine  : Jean-Luc Mélenchon a prévenu pendant 10 ans[3bis] !

 

et Anne Hidalgo, Yannick Jadot, sont en campagne et s'agitent !
Un adversaire unique pour exister, qui à leurs yeux serait pro-Poutine
[1][2][2bis]... Jean-Luc Mélenchon !
Dans le même temps, les perroquets médiatiques répètent eux aussi en boucle la même chanson pour le salir !
Or, depuis des années (ci-dessous je remonte à 2012), Jean-Luc Mélenchon critique et s'oppose au poutinisme.
Ça suffit ! Mélenchon président défendra l'intérêt de la France, l'intérêt général humain, la paix !
Quand Jaurès refusait la guerre, on le traitait d’« agent du parti allemand
[3»... quand Jean-Luc Mélenchon défend une France non-alignée au service de la paix, les apprentis de la géopolitique pour les nuls, à la peine dans leur campagne électorale, le traitent de " pro-Poutine "...
L’acharnement de ceux qui utilisent la guerre pour taper sur Jean-Luc Mélenchon ne trompe pas les Français.
Si Poutine est évidemment responsable de la situation, une majorité de Français pense que l’OTAN aussi
[4]...
Le candidat de l'#UnionPopulaire, Jean-Luc Mélenchon est considéré comme le candidat le plus à la hauteur des événements.

 

 

Sources : Durand Eric | mis à jour le 09/03/2025

- Quand en 2014, Jean-Luc Mélenchon annonçait qu'il y aurait la guerre en Ukraine

 

- Quand le 17 mai 2018, Jean-Luc Mélenchon alertait sur le risque de guerre en Europe

Il soulignait que la paix est un objectif et une construction politique. Il rappelait l’importance de l’indépendance de la France pour pouvoir être utile au service de la paix. Il appelait à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage qui pourrait conduire à une guerre entre l’OTAN et la Russie.

 

Une vidéo utile à revisionner aujourd'hui alors que la guerre de Poutine en Ukraine a montré la fragilité de la paix en Europe et la difficulté à y revenir une fois l'attaque lancée.

 

  • et plus globalement... Poutine, Russie, Ukraine : ce que dit Mélenchon depuis 10 ans (cliquez sur l'image 👇)

 

Mélenchon : 10 ans d'alerte sur la Russie et l'Ukraine !

 

 

- Alors Jean-Luc Mélenchon ami, aficionado de Poutine ?

 

 

 

- Et maintenant que c'est la guerre, le 24 février, invité de l'émission spéciale de France 2 sur la situation en Ukraine Jean-Luc Mélenchon a fait une proposition simple pour sortir du conflit par le haut

4 ième jour de combat en Ukraine[6]  Plus de trois jours après le début de l’offensive lancée par Vladimir Poutine en Ukraine, des milliers de personnes fuient leur pays. D’autres ont décidé de prendre les armes ou même de faire face aux chars russes à mains nues.

 

En France, Jean-Luc Mélenchon (candidat aux élections présidentielles 2022) a expliqué que s'il était président de la République, il ferait la proposition d'un cessez-le-feu en Ukraine, d'un retrait des troupes russes et de l'engagement d'une discussion sur la neutralité de l'Ukraine

 

Cette proposition a été reprise ce vendredi 25 février par les proches du président de la République ukrainienne, monsieur Zelensky[7]. L'un de ses conseillers se dit notamment prêt à engager des discussions avec Poutine sur la neutralité de l'Ukraine. Côté russe aussi, ces discussions sont souhaitées, même si pour l'heure les conditions posées à l'Ukraine pour une discussion équivalent à une reddition pure et simple. 

 

On le voit : sur ce sujet encore, Jean-Luc Mélenchon propose une solution de règlement du conflit par le haut. En 2022, il faudra choisir un président de la République qui a été capable de prévoir les dangers qui pesaient sur la paix, et a proposé des solutions diplomatiques pour éviter le passage à un conflit armé comme on en connaît aujourd'hui.  

 

 

- Ukraine : Jean-Luc Mélenchon et Hubert Vedrine font la même proposition pour cesser la guerre

 

- 22 février 2022 : Les Russes doivent quitter l'Ukraine

Le jeudi 24 février 2022, Jean-Luc Mélenchon réagissait à l'invasion russe en Ukraine.

  • Il a dénoncé un évènement qui « change le cours de l’Histoire en Europe », et constitue un recul alors que le recours à la force n’était plus considéré comme un des moyens de régler les conflits en sur le vieux continent. Il a appelé à ne pas mollir dans le soutien à l’Ukraine.
  • Il a répété sa position : le non-alignement de la France. Il a expliqué qu'un pays non-aligné pouvait être un acteur de paix, sans que cela signifie la neutralité de la France. 
  • Il a appelé à un retrait des Russes de l'Ukraine, à un cessez-le-feu et à la tenue d'une discussion sur la sécurité en Europe dans le cadre de l'OSCE. Il a aussi dit que les sanctions contre la Russie pouvaient avoir du sens mais qu'elles seraient sans doute inutiles compte tenu de leur inefficacité dans le passé, notamment après la crise en Crimée.
  • Il a expliqué qu'il fallait accepter d'entrer dans le vif du sujet : discuter des garanties pour la sécurité de la Russie et des Européens, même si cela avait pour préalable le retrait russe de l'Ukraine. 
  • Il a dit que le peuple français devait décider des orientations géopolitiques du pays dans l'élection présidentielle. Il a rappelé le choix qu'il propose : une France non-alignée menant une politique altermondialiste au service de la paix.

 

 

- Discours de Jean-Luc Mélenchon sur la guerre en Ukraine prononcé le 1er mars 2022 à l'Assemblée nationale

Face à la volonté de l'Ukraine d'entrer dans l'OTAN et le non positionnement de l'occident pour dire NON, Poutine a fait le choix de la guerre... pour Jean-Luc Mélenchon, le seul but qui doit nous guider, c’est la paix.

 

Jean-Luc Mélenchon a rappelé qu’il n’y a pas d’alternative.... c’est la guerre totale ou la diplomatie. Par conséquent, le choix est vite fait, la France doit prendre une initiative diplomatique radicale : " Il faut rendre la diplomatie plus profitable que la guerre.

 

  • Jean-Luc Mélenchon appelle à la " proclamation de la neutralité de l'Ukraine ", à laquelle le président #Zelensky s'est dit " officiellement prêt ".

 

- Mais au fait, qui sont les amis à Poutine ?

Il existe des photos des candidats et politiciens qui accusent de Jean-Luc Mélenchon de soutenir Poutine ou de lui faire des courbettes.

En revanche, on n’en a aucune de ou il figure...  par contre, en mai 2018, Jean-Luc Mélenchon a rencontré Sergueï Oudaltsov, leader du Front de gauche de #Russie, emprisonné durant 4 ans et demi à la suite des manifestations de 2012 pour des élections honnêtes.

 

À #Moscou, rencontre avec Sergueï Oudaltsov, leader du Front de gauche de #Russie, emprisonné durant 4 ans et demi à la suite des manifestations de 2012 pour des élections honnêtes

 

  • les amis à Poutine... c'est eux !

 

Guerre en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon " pro-Poutine " ? Remettons les pendules à l'heure !
Guerre en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon " pro-Poutine " ? Remettons les pendules à l'heure !
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Notes :

[1] Anne Hidalgo : "Jean-Luc Mélenchon est devenu l'allié et le soutien de Vladimir Poutine" 

[2] Delphine Batho, porte-parole de la campagne de Yannick Jadot : " JEAN-LUC MÉLENCHON, JAMAIS EN RETARD D'UNE COMPLAISANCE VIS-À-VIS DE POUTINE "

[2bis] Présidentielle : comment Hidalgo et Jadot utilisent la crise ukrainienne pour attaquer Mélenchon

[3] Jaures agent du parti allemand 

[3bisUkraine : Mélenchon a prévenu pendant 10 ans !

[4] Si Poutine est évidemment responsable de la situation, une majorité de Français pense que l’OTAN aussi...

[5] Jean-Luc Mélenchon est considéré comme le candidat le plus à la hauteur des événements.

[6Crise ukrainienne : la Russie lance une opération militaire, l’Ukraine craint « une grande guerre en Europe »

[7Guerre en Ukraine : la présidence ukrainienne déclare avoir accepté des pourparlers avec la Russie à la frontière avec la Biélorussie

 

Pour en savoir plus :

- Jean-Luc Mélenchon : ce qu'il a vraiment dit sur la Russie, Poutine et la Syrie

- Les Européens hors jeu : Ukraine, pourquoi la crise

- Cœur de l'Europe : Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu

- Jean-Luc Mélenchon : " Ukraine/Russie : l’UE n’a décidément rien compris "

- En octobre 2013, dans un texte écrit en commun, Noël Mamère et Jean-Luc Mélenchon appelaient à la libération des écologistes emprisonnés en Russie.

- Crise autour de l’Ukraine : l’alignement condamne à la figuration

- « J’ai toujours dit que si on menaçait la Russie, elle passerait les frontières », déclare Mélenchon

- Mélenchon : 10 ans d'alerte sur la Russie et l'Ukraine

Jean-Luc Mélenchon : La comédie ukrainienne

- Jean-Luc mélenchon " Macron : La comédie de Moscou "

- Guerre russe en Ukraine : depuis bientôt 10 ans, Jean-Luc Mélenchon lance l’alerte

- Dés 2017 Jean-Luc Mélenchon mettait en garde, et face au danger de guerre en Europe appelait à sortir de l'OTAN

- Jean-Luc Mélenchon " Je condamne la guerre de la Russie en Ukraine "

- Communiqué de Jean-Luc Mélenchon suite au déclenchement de la guerre russe en Ukraine.

- Crise en Ukraine : Mélenchon accuse l'OTAN d'attiser les tensions

- Ukraine : Mélenchon a prévenu pendant 10 ans

- Attaque de la Russie en Ukraine – Communiqué de Jean-Luc Mélenchon

- Guerre russe en Ukraine : La France Insoumise renouvelle sa demande de débat à l’Assemblée nationale

- Jean-Luc Mélenchon : Ukraine - Cessez-le-feu, retrait russe : ce que la France doit proposer

- L'OTAN accroît les tensions en Europe, avec le Général Vincent Desportes 

Ukraine : Mélenchon défend la paix à l’Assemblée et marche dans les pas de Jaurès

- Ukraine : Mélenchon propose la neutralité de Kiev

- 2 Mars, Jean-Luc Mélenchon sur l'Ukraine : face à la menace nucléaire, l’urgence c’est la paix

- Ukraine nucléaire – Communiqué de Jean-Luc Mélenchon

- Jean-Luc Mélenchon le 2 mars 2022 " Ukraine : je veux construire le camp de la paix contre les va-t-en guerre "

- Jean-Luc Mélenchon : " Pendant la guerre, le monde change sous les radars "

- Jean-Luc Mélenchon se désole de l’opacité autour des questions miliaires et de l’absence d’un dialogue sur les décisions prises par l’exécutif. Et demande un débat hebdomadaire au Parlement sur la crise.

- Jean-Luc Mélenchon : La Guerre d’Ukraine doit finir

- Tribune cosignée par Jean-Luc Mélenchon. Guerre en Ukraine : « Nous appelons à redoubler d’efforts diplomatiques pour établir un cessez-le-feu »

« À cette heure, si elle aboutit sur un accord avec la Russie, la manœuvre entreprise par Trump à propos de l’Ukraine sera un coup terrible pour l’Europe. »

- 1 mars 2025 : Tourner la page, c’est passer à la paix générale immédiate pour qu’un autre futur soit possible.

- 2 mars 2025 : UKRAINE. Je renoue déjà avec les joies de la télévision française et de ses chaînes en continu. 

- Jean-Luc Mélenchn : Si tu veux la paix, organise-la !

 

Guerre en Ukraine : Jean-Luc Mélenchon " pro-Poutine " ? Remettons les pendules à l'heure !
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30 janvier 2022 7 30 /01 /janvier /2022 15:18
Cœur de l'Europe : Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu

Révélation : Comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères[0bis]

 

Les bruits de bottes aux portes de l’Europe affolent les chancelleries occidentales.
Deux interprétations s’opposent. Pour les uns, Moscou fait monter les enchères afin d’obtenir des concessions de la part de Washington et des Européens. D’autres au contraire estiment que le Kremlin veut pouvoir prétexter d’une fin de non-recevoir pour justifier un passage à l’acte en Ukraine. Dans tous les cas, la question se pose du moment choisi par Moscou pour engager ce rapport de forces. Pourquoi jouer ce jeu risqué, et pourquoi maintenant ?

Des éléments de réponse dans l'article ci dessous, (article traduit en anglais à partir de l’original arabe de Gilbert Achar publié dans Al-Quds al-Arabi, 25 janvier 2022 [traduction de l’anglais par la rédaction de A l’Encontre])

 

Sources : Alencontre par Gilbert Achcar | mis à jour le 25/05/2022

- Il n’est pas exagéré de dire que ce qui se passe actuellement au cœur du continent européen est le moment le plus dangereux de l’histoire contemporaine et le plus proche d’une troisième guerre mondiale depuis la crise des missiles soviétiques à Cuba en 1962[1].

Il est vrai que, jusqu’à présent, ni Moscou ni Washington n’ont fait allusion à l’utilisation d’armes nucléaires, même s’il ne fait aucun doute que les deux pays ont mis leurs arsenaux nucléaires en état d’alerte face aux circonstances actuelles. Il est également vrai que le degré d’alerte militaire aux Etats-Unis n’a pas encore atteint celui qu’il avait atteint en 1962. Mais le déploiement militaire russe aux frontières de l’Ukraine dépasse les niveaux de concentration de troupes à une frontière européenne observés aux moments les plus chauds de la «guerre froide», tandis que l’escalade verbale occidentale contre la Russie a atteint un stade dangereux accompagné de gesticulations et de préparatifs militaires qui créent une possibilité réelle de conflagration.

 

 

- Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu.

Macron joue l'apaisement... à sa façon

Vladimir Poutine peut penser qu’il ne fait que déplacer la reine et la tour sur le grand échiquier afin de forcer l’adversaire à retirer ses pièces. Joe Biden peut croire qu’il s’agit d’une bonne occasion pour lui de redorer son image nationale et internationale, très ternie depuis son échec embarrassant dans l’organisation du retrait des forces étatsuniennes d’Afghanistan. Et Boris Johnson peut croire que les rodomontades prétentieuses de son gouvernement sont un moyen bon marché de détourner l’attention de ses problèmes politiques intérieurs. Il n’en reste pas moins que, dans de telles circonstances, les événements acquièrent rapidement leur propre dynamique au son des tambours – une dynamique qui dépasse le contrôle de tous les acteurs, pris individuellement, et risque de déclencher une explosion qu’aucun d’entre eux n’avait initialement souhaitée.

 

 

- En Europe, la tension actuelle entre la Russie et les pays occidentaux a atteint un degré jamais vu sur le continent depuis la Seconde Guerre mondiale.

Les premiers épisodes de guerre qui s’y sont déroulés depuis lors, les guerres des Balkans dans les années 1990, n’ont jamais atteint le niveau de tension prolongée et d’alerte entre les grandes puissances elles-mêmes auquel nous assistons aujourd’hui. Si une guerre devait éclater en raison de la tension présente – même si elle ne faisait initialement que sévir sur le sol ukrainien – la situation centrale et la taille même de l’Ukraine suffisent à faire du danger de propagation de l’incendie à d’autres pays européens limitrophes de la Russie, ainsi qu’au Caucase et à l’Asie centrale, un péril grave et imminent.

 

 

- La cause principale de ce qui se passe aujourd’hui est liée à une série de développements

La première et principale responsabilité incombe au plus puissant qui en a eu l’initiative – c’est-à-dire, bien sûr, les Etats-Unis. Depuis que l’Union soviétique est entrée dans la phase terminale de son agonie sous Mikhaïl Gorbatchev, et plus encore sous le premier président de la Russie post-soviétique, Boris Eltsine, Washington s’est comporté envers la Russie comme un vainqueur impitoyable envers un vaincu qu’il cherche à empêcher de pouvoir jamais se redresser.

Cela s’est traduit par l’expansion de l’OTAN, dominée par les Etats-Unis, en y intégrant des pays qui appartenaient auparavant au Pacte de Varsovie dominé par l’URSS[2], au lieu de dissoudre l’Alliance occidentale parallèlement à son homologue orientale le 1er juillet 1991[3], amenant l'ambassadeur russe auprès de l'UE a dénoncer plusieurs vagues d'élargissement de l'OTAN vers l'Est[0] (VOIR AUSSI : Comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est[2bis], par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères[0bis]), auquel il convient d'ajouter le non respect des accords de MinskI[1bis] et MinskII[1ter].

L'OTAN de sa création à l'intégration du Monténégro

 

Cela s’est également traduit par le fait que l’Occident a dicté une politique économique de « thérapie de choc » à l’économie bureaucratique de la Russie, provoquant une crise socio-économique et un effondrement d’énormes proportions.

 

 

- Ce sont ces prémisses qui ont le plus naturellement conduit au résultat

Prémisses contre lequel l’un des conseillers les plus éminents de Gorbatchev – un ancien membre du Soviet suprême et du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique –, Georgi Arbatov[4], avait mis en garde il y a trente ans, lorsqu’il avait prédit que les politiques occidentales à l’égard de la Russie conduiraient à « une nouvelle guerre froide[5] » et à l’émergence d’un régime autoritaire à Moscou, renouant avec la vieille tradition impériale de la Russie. C’est ce qui s’est produit avec l’arrivée au pouvoir de Poutine qui représente les intérêts des deux blocs les plus importants de l’économie capitaliste russe (dans laquelle se mêlent capitalisme d’Etat et intérêts privés) : le complexe militaro-industriel – qui emploie un cinquième de la main-d’œuvre industrielle russe, en plus des effectifs des forces armées – et le secteur pétrolier et gazier.

 

 

- Le résultat est que la Russie de Poutine pratique une politique d’expansion militaire qui va bien au-delà de ce qui prévalait à l’époque de l’Union soviétique.

A l’époque, Moscou n’a déployé de forces de combat en dehors de la sphère qui était tombée sous son contrôle à la fin de la Seconde Guerre mondiale que lors de l’invasion de l’Afghanistan à la fin de 1979, invasion qui a précipité l’agonie de l’URSS. Quant à la Russie de Poutine, après avoir retrouvé une vitalité économique, depuis le début du siècle, grâce à l’augmentation du prix des combustibles, elle est intervenue militairement hors de ses frontières à une fréquence comparable à celle des interventions militaires étatsuniennes avant la défaite au Vietnam, et entre la première guerre des Etats-Unis contre l’Irak en 1991 et la sortie peu glorieuse des forces étatsuniennes de ce pays, vingt ans plus tard. Les interventions et les invasions de la Russie ne se limitent plus à son « étranger proche », c’est-à-dire les pays adjacents à la Russie, qui étaient dominés par Moscou à travers l’URSS ou le Pacte de Varsovie. La Russie post-soviétique est intervenue militairement dans le Caucase, notamment en Géorgie[6], en Ukraine (Guerre du Donbass[7]) et plus récemment au Kazakhstan[8]. Mais elle mène également, depuis 2015, une guerre en Syrie[9] et intervient sous un déguisement qui ne trompe personne en Libye[10] et plus récemment en Afrique subsaharienne[11].

 

Ainsi, entre le regain de belligérance russe et la poursuite de l’arrogance des Etats-Unis, le monde se trouve au bord d’une catastrophe qui pourrait grandement accélérer l’anéantissement de l’humanité, vers lequel notre planète se dirige par le biais de la dégradation de l’environnement et du réchauffement climatique.

  • Nous ne pouvons qu’espérer que la raison l’emportera et que les grandes puissances parviendront à un accord répondant aux préoccupations de sécurité de la Russie et recréant les conditions d’une « coexistence pacifique » renouvelée qui réduirait la chaleur de la nouvelle guerre froide et l’empêcherait de se transformer en une guerre chaude qui serait une catastrophe énorme pour toute l’humanité.

 

-----------------------------------

 

🔴 Note personnelle à méditer...

 

1 - L'OTAN AU SERVICE DU MARCHÉ DE L'INDUSTRIE D'ARMEMENT ?

- L'OTAN un outil politico militaire au service du marché ?

Depuis la dissolution de l’Union soviétique en 1991, l’OTAN s’est transformée, à l’initiative des Etats -Unis, d’une organisation de sécurité défensive en une organisation expansionniste et militaire agressive. 

Aujourd'hui, l'objectif de l'OTAN, c'est t-il pas aussi de maintenir les tensions avec la Russie, l'extrême Orient avec la Chine pour justifier l'investissement public dans l'armement, alimenter le PIB, la croissance, l'industrie de l'armement, la finance ?

  • Selon l'institut international de recherche sur la paix de Stockholm, le total des dépenses militaires mondiales s'élève à 1 981 milliards de dollars en 2020, soit une augmentation de 2,6 % en termes réels par rapport à 2019, selon de nouvelles données publiées par le Stockholm International[12] ;
  • Armement.2020, année record pour les dépenses militaires dans le monde[13]

 

- Les Etats-Unis resteront pour longtemps encore le premier budget militaire du monde
L’administration américaine représente 36 % de l’effort militaire mondial, selon le rapport annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm[14].

Au total, les dépenses militaires de l'alliance atlantique OTAN, représentent 70% des dépenses au monde[15], une large partie étant assurée par les Etats-Unis (70% en 2018[16]).

 

 

Répartition des dépenses militaires par pays en 2018 INFOGRAPHIE LE MONDE

 

Classement des 10 plus importants budgets militaires en 2018 INFOGRAPHIE LE MONDE

 

2 - L'ENJEU DU GAZ EN EUROPE... L'AUTRE DESSOUS DES CARTES EN UKRAINE ? 

- Les Etats-Unis veulent faire blocus contre le gaz russe pour nous vendre leur gaz de schiste liquéfié ainsi une celui de leurs amis Qataris.

L’Europe est plus que jamais le terrain de jeu de la guerre énergétique entre les Etats-Unis et la Russie. L’intrusion des américains sur le marché européen du gaz est récente, grâce à leur révolution du gaz de schiste. Les russes, eux, ont toujours été l’un des premiers fournisseurs de gaz des pays européens avec le Qatar ou l’Algérie, notamment pour la France[17].

 

Mais ce sont surtout les importations en provenance des Etats-Unis qui ont explosé. Elles ont presque triplé, passant de 2,7 millions de tonnes sur l’année 2018 à 7,6 millions sur les neuf premiers mois de 2019. Une poussée due au gigantesque essor du gaz de schiste américain depuis sept ans. "L’essentiel du gaz que les américains exportent est du gaz de schiste", explique un spécialiste du secteur. En France aussi, cette tendance est la même : les importations de gaz américains ont presque quadruplé depuis le début de l’année! Même si elles partaient de très bas[17]…

 

 

- En définitive, la crise Ukrainienne constitue des enjeux inavoués mais majeurs pour les États-Unis

Bien que situé à plus de 8000 km du théâtre d’opération ukrainien[6], les États-Unis sont loin de se désintéresser du conflit qui s’y déroule. Et pour cause : la question ukrainienne intéresse les Américains à au moins trois titres : Géopolitiques, commerciaux, énergétiques[18].

  • Géopolitiques, l’enjeu est ici clair : la crise ukrainienne fournit aux États-Unis une occasion rêvée de proroger la partition de l’Europe engagée dès 1944, à l’aube de la victoire alliée sur les forces de l’Axe.

 

  • Commerciaux : Ici c’est la question de la libéralisation des échanges avec l’UE qui est en jeu. Comme au temps de la guerre froide, l’arme commerciale vient en effet doubler l’arme économique tout en visant à parvenir au même but. Couper la Russie de l’Europe occidentale tout en renforçant la dépendance de cette dernière à l’égard des États-Unis.

 

  • Énergétiques via l’augmentation des capacités d’exportation : c’est un autre aspect caché – et de ce fait souvent méconnu – de la crise ukrai­nienne. Celle-ci pourrait en effet à terme permettre à l’industrie américaine d’aug­menter sensiblement ses capacités d’exportation de gaz naturel.

 

3 - L'Ukraine, c'est aussi :

Pourquoi l'Ukraine compte-t-elle économiquement pour le " marché " et donc l'occident et ce indépendamment des questions géopolitiques et de domination militaire dans une stratégie de nassage de la Russie... ?

  • Pour le savoir, regarder comment la nation indépendante, souveraine et démocratique de l'Ukraine se classe :

🥇1ère réserve européenne de minerais d'uranium ;
🥈2e réserve européenne de minerais de titane - 10e réserve mondiale ;
🥈2e réserve mondiale de minerais de manganèse (2,3 milliards de tonnes, soit 12% des réserves mondiales) ;
🥈2e réserve mondiale de minerais de fer (30 milliards de tonnes) ;
🥈2e réserve européenne de minerais de mercure ;
🥉3e réserve européenne de gaz de schiste (22 milliards de mètres cubes) - 13e réserve mondiale
📌 4e place mondiale en valeur totale des ressources naturelles
📌 7e réserve mondiale de charbon (33,9 milliards de tonnes)
❗️🇺🇦 L'Ukraine est un pays agricole - elle peut répondre aux besoins alimentaires de 600 millions de personnes :
🥇La plus grande superficie de terres arables d'Europe ;
🥉3e plus grande superficie de terre noire (tchornozem) dans le monde (25% du volume mondial) ;
🥇1er exportateur mondial de tournesol et d'huile de tournesol ;
🥈2e producteur mondial d'orge - 4ème exportateur mondial ;
🥉3e producteur mondial de maïs - 4e exportateur mondial ;
- 4e producteur mondial de pommes de terre ;
- 5e producteur mondial de seigle ;
- 5e place mondiale en production apicole - miel, cire, gelée royale, pollen, propolis, venin d'abeille (75 000 tonnes) ;
- 8e exportateur mondial de blé ;
- 9e producteur mondial d'œufs de poule ;
- 16e exportateur mondial de fromages
🇺🇦 L'Ukraine est un pays industrialisé :
🥇 1er producteur européen d'ammoniaque; 
🥈 2е plus grand réseau de gazoducs d'Europe et 4e mondial (142,5 milliards de mètres cubes de capacité de débit de gaz dans l'UE) ;
🥉 3e plus grand parc nucléaire européen - 8e mondial ;
🥉 3e plus long réseau ferroviaire d'Europe - 11e mondial (21 700 km) ;
🥉 3e producteur mondial de localisateurs et d'équipements de localisation (après les États-Unis et la France) ;
🥉 3e exportateur mondial de fer ;
💥 4e exportateur mondial de turbines pour centrales nucléaires ;
💥 4e fabricant mondial de lance-roquettes ;
💥 4e exportateur mondial d'argile ;
💥 4e exportateur mondial de titane ;
💥 8ème exportateur mondial de minerais et concentrés métallurgiques ;
💥 9e exportateur mondial dans l'industrie de l'armement ;
💥 10e producteur mondial d'acier (32,4 millions de tonnes).

 

En conclusion, l’UE est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Ukraine, ce qui signifie qu’il existe plusieurs possibilités d’importer et d’exporter de l’UE vers l’Ukraine, et inversement[20]. 

 

- Les révélations de Roland Dumas : comment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est
Comme nous l'avons expliqué plus haut, la crise actuelle trouve son origine dans l’extension permanente de l’OTAN depuis la disparition de l’URSS. Et ci-dessous, Roland Dumas dévoile, confirme ce qui a été dit et promis à l’URSS en 1990, en échange de la réunification de l’Allemagne.

 

- L'OTAN accroît les tensions en Europe, avec le Général Vincent Desportes

Général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et à HEC : Ukraine : 5ème jour de guerre

 

 

Notes

[0] L'ambassadeur russe auprès de l'UE dénonce plusieurs vagues d'élargissement de l'OTAN vers l'Est

[0bisComment l’Occident a promis à l’URSS que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est, par Roland Dumas, ex-ministre des affaires étrangères

[1] La crise des missiles de Cuba est une suite d'événements survenus du 14 octobre au 28 octobre 1962

[1bis] Protocole de MinskI

[1terProtocole de MinskII du 11 février 2015

[2] Pourquoi l'OTAN continue à s'élargir vers l'est

[2bis] Des documents récemment déclassifiés révèlent que des dirigeants occidentaux - et non des moindres, comme le président américain George H.W. Bush et le secrétaire général de l'Otan de l'époque Manfred Wörner - avaient assuré au président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, que l'Alliance atlantique ne s'élargirait pas à l'est au delà de l'Allemagne de l'Est après la réunification allemande d'octobre 1990.

[3] Dissolution du pacte de Varsovie le 1er juillet 1991

[4] Georgy Arbatov

[5] «Eurasia Letter : A New Cold War», Georgi Aabatov, in Foreign Policy. No.95, Summer 1994 (pp. 90-103)

[6] Géorgie-Ossétie-Russie. Une guerre à toutes les échelles

[7] Guerre du Donbass

[8] Intervention russe au Kazakhstan : le Kremlin défend un partenaire clé

[9] Intervention militaire de la Russie en Syrie

[10] En Libye, ces mercenaires russes “ qui n’existent pas ”

[11] Sociétés militaires privées russes en Afrique subsaharienne

[12] Nouvelles données publiées aujourd'hui par le Stockholm International

[13] Armement.2020, année record pour les dépenses militaires dans le monde

[14] Les Etats-Unis resteront pour longtemps encore le premier budget militaire du monde

[15] Au total, les dépenses militaires de l'alliance atlantique OTAN, représentent 70% des dépenses au monde

[16]  Les dépenses militaires des Etats-Unis ont représenté en 2018 près de 70% des dépenses militaires totales de l'Otan. 

[17] LE GAZ DE SCHISTE AMÉRICAIN INONDE L’EUROPE

[18Russie-Ukraine Les enjeux gaziers du conflit

[19Roland Dumas a été notamment ministre des Relations extérieures de 1984 à 1986 et des Affaires étrangères de 1988 à 1993. Il a ensuite présidé le Conseil constitutionnel de 1995 à 2000.

[20L’UE est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Ukraine, ce qui signifie qu’il existe plusieurs possibilités d’importer et d’exporter de l’UE vers l’Ukraine, et inversement. 

 

Pour en savoir plus :

- 2015 : La crise russo-ukrainienne accouchera-t-elle d’un nouvel ordre européen ?

- Fascisme de masse en Ukraine. Attention !

- Les européens s’étaient effectivement engagés à ce que l’OTAN ne s’étende pas vers l’est. Cet article contient les liens vers les sources de ces informations

- Ukraine et néo-nazis

- 9 avril 2015 : L’Ukraine se réclame de la tradition nazie

- L'Otan rejette l'exigence russe de renoncer à l'adhésion de Kiev

- Les ressources énergétiques et naturelles sont au coeur des conflits internationaux

Les Américains n’ont pas de partenaires. Ils n’ont que des vassaux. Sans sortie de l’OTAN, toute armée européenne ne sert qu’en supplétif de l’armée USA et au service de sa guerre froide.

- Loin de jouer l’apaisement et la voie diplomatique, les États-Unis répondent aux menaces russes par une stratégie d’escalade.

- Quels sont les objectifs de Vladimir Poutine  ?

- La Russie envahit, mais il n’y a pas de bons gars dans la guerre en Ukraine

- Reconstituer le puzzle de la guerre en Ukraine : c’est possible, mais cela demande du temps.

Quand en 2014, Jean-Luc Mélenchon annonçait qu'il y aurait la guerre en Ukraine

- « L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’est » par Philippe Descamps 

- On l’oublie un peu, mais la crise en Ukraine a surgi aussi sur fond d’enjeux économico-stratégiques mettant en cause le grand projet de M. Vladimir Poutine : l’Union économique eurasiatique (UEE), qui doit prendre effet en janvier 2015. 

- Jean-Luc Mélenchon : " Pendant la guerre, le monde change sous les radars "

- UKRAINE : LES ÉTATS-UNIS COMPTENT FAIRE LA GUERRE « JUSQU’AU DERNIER UKRAINIEN »

Entre 2015 et 2020, malgré l'embargo de l'UE, la France a fourni 152 millions d’euros de matériels pour des chars, des avions de chasse et des hélicoptères de combat aux Russes, révèle « Disclose ».

- " Nous marchons vers la guerre comme des somnambules ", pour Henri Guaino

- La remilitarisation de l’Europe sous le regard fatigué de la gauche

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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 12:17
L’extrême droite de Donald Trump et Marine Le Pen
L’extrême droite de Donald Trump et Marine Le Pen
L’extrême droite de Donald Trump et Marine Le Pen

" C’est par le renforcement de nos principes démocratiques que nous devons répondre à l’extrême droite et  non l’inverse. "

 

 

Les images ont choqué le monde. La cérémonie de certification de la victoire de Joe Biden au Congrès a été interrompue ce mercredi 6 janvier. Des manifestant.es pro-Trump ont envahit le Capitole[1] quelques heures après un discours dans lequel le président républicain avait affirmé qu'il ne reconnaîtrait jamais sa défaite, accusant les démocrates d'un vaste complot électoral et poussant ses partisans à l’insurrection.

Cet assaut du Capitole interroge et doit être pris au sérieux, mais avec raison. Certes il questionne d'abord sur le fait que le bâtiment n'a manifestement pas été sérieusement sécurisé malgré de nombreux appels à l'insurrection lancés sur les réseaux de l'extrême droite américaine. Mais les forces en présence n'étaient de toute manière – et les faits l'ont confirmé - pas en capacité de faire chuter l'ordre constitutionnel américain. Et si l’image d'un homme en peau de bison, par exemple, peut paraître folklorique, il ne faut pas se laisser entraîner dans la caricature des images ou dans la pathologisation de ce qui est en vérité une action de l’extrême droite.

Derrière leurs idées, il n'y a pas de la folie mais un projet politique. Il ne faut donc sous-estimer ni leur projet, ni leur capacité d’entraînement. Cette extrême droite que l'on retrouve derrière Trump est diverse. Mais entre ceux qui arborent des symboles pro-nazis, brandissent le Dixie flag,(drapeau à la gloire des confédérés sudistes), ou se revendiquent de Qanon et ceux qui s'en tiennent à des casquettes rouges « Make America Great Again », il y a certes un monde, mais en réalité il existe un cadre idéologique commun.

 

Sources : le Journal de l'Insoumission par Anthony Brondel | mis à jour le 05/08/2021
- Une idéologie de la violence et du refus de la différence

Leur logiciel commun est « l’éloge de la force », l'idée que le peuple devrait se soumettre à une loi naturelle, celle du plus fort, celle de la compétition et de la « sélection naturelle ». A leurs yeux,  les êtres humains ne sont pas égaux, il existe une hiérarchie naturelle entre les Hommes et la normalité serait les forts dominant les faibles.  Cela permet alors à l’extrême droite de justifier le racisme, le sexisme, le colonialisme, les inégalités ou l'exploitation. L'autre face de cette idéologie commune est de se considérer comme faisant partie d'un même groupe social en retenant une définition ethnique et identitaire de la nation américaine.

 

Donald Trump sait parler à ces gens lorsqu'il exalte la puissance américaine, la violence, le port d'armes, la virilité, ou lorsqu'il s'en prend aux immigrés, à la population noire ou latino, aux féministes, aux LGBTQIA+, aux antifa, aux « communistes », aux progressistes… ces catégories étant considérées par les  militant.es d’extrême droite comme les ennemis de la nation, et responsables de l'affaiblissement du pays. Leur croyance d’être mis en danger par ces catégories rend légitime à leurs yeux le fait de nier le processus démocratique, d’autant plus lorsque s’ajoute à cela la croyance d’une triche organisée par leurs opposant.es. Se voyant comme les sauveurs de la nation américaine, ils se pensent alors comme les GI du peuple.

 

 

- Une idéologie contre la démocratie
La démocratie suppose d'accepter que l’on puisse penser différemment. Penser différemment vient aussi parfois de nos différences. La démocratie suppose donc d’accepter également cette  différence chez l'autre, d'accepter l’autre pour ce qu'il est, pour ce qu'il croit ou pour ce qu'il pense et donc de le considérer comme un semblable. À partir du moment où l'on nie à l'autre la qualité d'égal ou son appartenance à la communauté, sa voix n'a plus d'importance. Voilà pourquoi l’extrême droite, à chaque fois qu’elle l’a pu, s’est sentie légitime d’imposer sa vision par la violence, quitte à commettre des atrocités, l’autre étant nié dans son humanité. Tout comme elle n’hésite pas à contourner les processus démocratiques, considérant la nation en danger, persuadée de détenir la vérité et quitte à soumettre une majorité par la force. 

 

 

- Le mensonge, la falsification et la manipulation comme méthode
La falsification des faits, des réalités sociales, historiques et scientifiques sont des méthodes qu’affectionne l’extrême droite. Théoriser un complot permet de construire de toute pièce des ennemis. Et puisque ce sont des ennemis, ils leur sont forcément hostiles, la démonstration est imparable ! Les faits importent peu ! Donald Trump a opéré de la sorte, en inventant le « complot démocrate » et la falsification des résultats électoraux.

 

Il faut constater que ces méthodes à l'heure d'internet font des ravages. L’extrême droite (aux Etats-Unis, comme partout dans le monde) a très bien compris la puissance d'internet dans la lutte politique. Elle y est très organisée, agit de manière efficace et insuffle le doute chez toute une frange de la population, désabusée et délaissée depuis tant d’années par les pouvoirs politiques de gouvernement.

 

Sur les réseaux sociaux, fakes news et thèses conspirationnistes sont légions.  Nous voilà donc devant notre écran abreuvés d’informations manipulées, sans détenir les outils permettant à tout à chacun.e de vérifier, croiser les sources… Comme la rumeur se propageait comme une traînée de poudre dans un village, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, l’échelle est d’autant plus grande qu’elle en devient encore plus inquiétante et dangereuse. C’est le fameux « y’ pas de fumée sans feu ! ». Le phénomène de « bulle de filtre[2] » et l'absence de contradiction sur les réseaux font prospérer les thèses confusionnistes. Voilà comment parmi les électeurs républicains, certains se sont laissés convaincre de la réalité de la fraude électorale. L’élection leur aurait été volée. Et ce alors même que la plupart des responsables républicains se sont désolidarisés de leur candidat, D. Trump, et ont reconnu les résultats.

 

 

- Une extrêmes-droite que l'on retrouve en France
Nous retrouvons ce même logiciel idéologique au sein de l’extrême droite française. On y retrouve la même définition ethnique et  identitaire de la nation, le refus de l'égalité entre les êtres humains et la condamnation des mouvements sociaux ou politiques qui se battent pour l'égalité. Celle-ci jouit de tribunes médiatiques et politiques et adoptent les mêmes méthodes que leurs homologues américains.

 

Hier elle s'attaquait aux prétendus complots « judéo-maçonique », aux « judéo-bolchñeviques », aux juifs, aux immigrés bretons, italiens ou polonais, aux communistes, aux homosexuels ou aux tziganes. Aujourd'hui, elle s'en prend volontiers aux arabes, noirs, musulmans, gens du voyage, immigrés, antifascistes, syndicalistes, féministes et autres défenseurs des droits de l'Homme. Le multiculturalisme serait une hérésie, des mariages mixtes jusqu'aux prénoms qui devraient se limiter à ceux du calendrier des saints chrétiens. L’ennemi serait terré dans l’ « idéologie gay », dans l’« idéologie intersectionnelle », ou chez le « lobby juif » etc...

 

  • Elle falsifie l'Histoire en prétendant par exemple que les communistes étaient du côté de la collaboration, en réhabilitant la mémoire du Maréchal Pétain, en saluant le rôle positif de la colonisation, en qualifiant de génocide la guerre civile de Vendée entre républicains et monarchistes ou lorsqu'elle remet en cause l'existence même de la Shoah.
  • Elle se fait reine des fakes news[3], n'hésitant pas à manipuler et à mentir sur les chiffres de l'immigration ou des réfugiés[4], sujet qui les obsède, et créer du fantasme, un sentiment de peur, un sentiment identitaire qui nous séparerait.
  • On remarquera également que cette extrême droite française a toujours soutenu Donald Trump et s'est fait le relais de ses thèses de fraudes électorales, à commencer par Marine Le Pen[5] elle-même. Ceci alors même que Donald Trump était déjà lâché par son propre camp aux Etats-Unis.

 

 

- Dénoncer l’extrême droite pour ce qu'elle est vraiment : le parti de l'ordre injuste des puissants
Les événements du capitole ont ravivé le débat sur la manière de lutter contre l’extrême droite, en particulier sur les réseaux sociaux.

 

Certes, il faut dénoncer ses méthodes de manipulation de l’opinion publique. Mais surtout il faut l'attaquer sur son projet profondément inégalitaire de la société. Projet que l’on retrouve aussi dans la logique capitaliste qui prône la compétition et voit dans les inégalités la résultante naturelle de cette compétition.  

 

Combattre l’extrême droite, c'est :

  • d'abord mener la bataille culturelle en déconstruisant les préjugés, les raccourcis et mensonges véhiculés par celle-ci. Il ne faut pas leur abandonner le terrain sur leurs thématiques de prédilection que sont les questions identitaires, la définition de la nation, les enjeux liés aux réfugiés, les problématiques de sécurité, les questions liées au terrorisme etc. et leur laisser le monopole des définitions et des solutions. D'où la nécessité d'investir ces thématiques et leur apporter la contradiction ;
  • surtout dénoncer sa véritable fonction : un parti qui défend les intérêts des puissants. Leur autoritarisme et leurs revendications pour plus de répression envers les mouvements sociaux, envers celles et ceux qui se battent pour plus d’égalité et qui remettent en cause les politiques néolibérales, n'est pas quelque chose d’anodin. L’extrême droite est l'idiote utile du système, elle divise les gens sur leurs différences plutôt que de les unir dans la défense de leurs intérêts. En instaurant du « diviser pour mieux régner », elle participe au maintien de l'exploitation et à défense des intérêts des puissants. Elle est d’ailleurs son ultime recours, dans le cas où les partis traditionnels de l'ordre établi serait amené à disparaître. Dans l'histoire, la bourgeoisie et les grands propriétaires capitalistes ont toujours choisi de soutenir l’extrême droite plutôt que les forces de progrès. N'oublions pas que la bourgeoisie allemande[6] et française[7] dans les années 30, s’est liée aux ligues fascistes et à Hitler face à la montée des communistes et du Front populaire, considérés comme une menace pour leurs intérêts.
  • Il est essentiel de s'adresser à l'électorat d’extrême droite. Ne faisons pas l’erreur d’y voir un ensemble homogène animé d’une même haine de l’autre. Beaucoup sont des victimes de la mondialisation, du déclassement en quête d'un État plus protecteur. L’extrême droite ne défend pas leurs intérêts, et c'est en replaçant au centre du débat politique les thématiques sociales liées à la précarité, aux inégalités et au partage des richesses, que nous ferrons la démonstration que sur ces questions, l’extrême droite a choisi son camp : celui des puissants.

 

 

- La sanctionner lorsqu'elle contrevient à la loi … mais dans le cadre de l'Etat de droit !
Il serait aussi temps de sanctionner cette extrême-droite lorsqu'elle contrevient à la loi sur les réseaux sociaux, lorsqu'elle en appelle à la violence, à la haine, lorsqu’elle harcèle ou tient des injures à caractères racistes. Aujourd'hui, ces comportements sur les réseaux sociaux ne sont, bien souvent, pas sanctionnés. On peut y voir le symptôme d’une police qui ne dispose pas de moyens humains suffisants pour lutter contre ce phénomène. Cependant, cette sanction doit se faire dans le cadre de l’Etat de droit, avec une police républicaine qui constate l'infraction et une justice qui tranche en application de la règle de droit[8].

 

  • Sanctionner pour les empêcher de nuire, oui,  mais pas n'importe comment.

Déléguer aux multinationales comme Facebook ou Twitter le pouvoir de police et de sanction (ce que prévoyant la loi AVIA défendue par le gouvernement Français[9]) via des algorithmes ou des décisions purement arbitraires, sans permettre le débat contradictoire n'est pas acceptable dans une démocratie. D'abord car les algorithmes ne permettent pas de constater s'il y a eu infraction ou non, seul l'humain est en capacité d'en faire l'analyse. Ensuite parce que les réseaux sociaux ont aujourd'hui une place centrale dans le débat public.

  • Ainsi priver quelqu'un de compte sur Twitter ou facebook est clairement une restriction de sa liberté d'expression ;
  • Accorder à des multinationales comme facebook ou Twitter ce pouvoir de censure, sans débat contradictoire est une atteinte aux principes de démocratie.


Confier ce pouvoir à des multinationales est dangereux.

Celles-ci pourraient avoir des intérêts particuliers entrant en contradiction avec certains acteurs politiques ou d’opinion, sur lesquels elles auraient alors un droit de vie ou de mort numérique. La censure ne peut être motivée que dans le cadre d’une infraction à la loi, à l’issu d’un débat contradictoire que permet le procès et seulement après décision d'un juge indépendant. Seule la Justice peut trancher au nom de l’intérêt général.


En ce sens, la fermeture du compte Twitter du président des Etats-Unis[10], en dehors de ce que l'on peut penser du contenu de ses publications, n'est pas acceptable tant du point de vue de ce que cela engendre comme précédent que dans ses effets, renforçant la figure de victime du système que serait D. Trump. C’est par le renforcement de nos principes démocratiques que nous devons répondre à l’extrême droite et  non l’inverse.

 

Notes :

[1] VIDÉO. Etats-Unis : des manifestants pro-Trump envahissent le Capitole

[2] https://www.bilan.ch/opinions/david-delmi/comment-les-reseaux-sociaux-nous-enferment-dans-des-bulles-de-filtres

[3https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/12/a-l-extreme-droite-les-fake-news-se-partagent-a-la-pelle-avant-les-europeennes_5422458_823448.html

[4] https://www.liberation.fr/checknews/2018/10/18/y-a-t-il-250-000-ou-420-000-entrees-legales-d-immigres-par-an_1682354

[5] https://www.leparisien.fr/politique/elections-americaines-le-rn-soutient-trump-dans-son-bras-de-fer-avec-biden-05-11-2020-8406858.php

[6] 30 janvier 1933, Hitler n'est pas tombé du ciel, il a été porté au pouvoir par les magnats de l'industrie et de la finance

[7] La droite versaillaise et décomplexée, sans parler de la droite nationaliste, a toujours été prête à choisir « Plutôt Hitler que le Front populaire ». Si le slogan n’est pas avérée sous la plume ou dans la bouche d’un grand patron ou d’un dirigeant d’une des droites françaises de l’entre-deux-guerres, un intellectuel centriste écrivait en 1938 : « On ne comprendra rien au comportement de cette fraction de la bourgeoisie française si on ne l’entend murmurer à mi-voix : « Plutôt Hitler que Blum », propos tenus par deux députés de Meurthe-et-Moselle. Arrivé au pouvoir dans un moment d'euphorie en juin 1936. C’était dans le numéro d’octobre 1938 de la revue Esprit (Lendemains d'une trahison), sous la signature d’Emmanuel Mounier, qui n’avait pas fait preuve d’un antinazisme primaire.

[8] Radicalisation policière : le poids de l’extrême droite dans les forces de l’ordre

[9] https://www.laquadrature.net/2020/06/18/loi-haine-le-conseil-constitutionnel-refuse-la-censure-sans-juge/

[10] Twitter suspend définitivement le compte de Donald Trump et efface certains de ses messages

 

Pour en savoir plus :

- Ken Loach: ” Les riches soutiennent le fascisme quand ils sentent que leur argent est menacé ”

- En France, l’extrême droite s’arme… pour ressusciter les milices d’Hitler ?

- Présidentielles 2020 : MACRON / LE PEN : DU SOIT-DISANT “REMPART” AU MARCHE-PIED

- Les anciens SS ont reconstruit l'extrême droite française après 1945

- Marine Le Pen: l’autre candidate des riches

- Extrême-droite : qui se cache derrière Marine Le Pen et Éric Zemmour ?

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16 janvier 2021 6 16 /01 /janvier /2021 15:14
Vert foncé : États ayant signé et ratifié ; Vert clair : États ayant signé, mais pas ratifié

Vert foncé : États ayant signé et ratifié ; Vert clair : États ayant signé, mais pas ratifié

Le rôle du traité Ciel ouvert comme instrument de renforcement de la confiance et de la sécurité a été miné par l'administration Trump !

Que fera Joe Biden, qui annonce la production de nouveaux décrets revenant sur des décisions prises par Trump ?... C'est notre sécurité globale qui est en cause !

 

Sources : Midi Insoumis, Populaire et Citoyen | modifié le 057/08/2022

- Les Etats-Unis de Trump se retirent officiellement du traité de désarmement sur les armés nucléaires de portée intermédiaire
Le 2 août 2019[1], les Etats-Unis sortaient officiellement du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF), ouvrant de ce fait la voie à une nouvelle course aux armements.

 

Après six mois d’attente, la procédure de retrait de l’accord, lancée par Donald Trump en février 2019, est arrivé à son terme et débouchera donc sur la fin du traité bilatéral ratifié par les États-Unis en 1993.

 

Les Etats-Unis, s’ils ont assuré ne pas vouloir déployer de nouveaux missiles nucléaires en Europe, n’ont formulé aucune promesse quant au potentiel déploiement d’armes conventionnelles. Enfin, l’avenir du traité START[3] de réduction des arsenaux nucléaires stratégiques, qui arrive à échéance en février 2021, est également en question.

 

 

- Qu’est-ce que le Traité "" Ciel ouvert " dont les Etats Unis trumpistes se sont retirés en 2020 ?
C'est en 1989, que le président George Bush relançait l'idée d'un Traité « Ciel ouvert[2] ». Le Traité “ Ciel ouvert ” (« Open Skies » en anglais) est avant tout un traité militaire, basé sur la confiance.

 

Après des négociations entre les membres de l'OTAN et du Pacte de Varsovie (dissous en 1991), les discussions englobent au fil des années de plus en plus de pays, il est signé à Helsinki le 24 mars 1992. La Russie le signait en 2001, ce qui permettait l'entrée en vigueur du traité, ratifié par 35 pays, au 1er janvier 2002 , et compte actuellement trente-quatre États (depuis le retrait des USA). Il permet aux signataires des accords de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de survoler leurs territoires respectifs pour vérifier leurs mouvements militaires et les mesures de limitation des armements des uns et des autres.

 

 

- Les Etats-Unis se retirent officiellement du traité « Ciel ouvert » (23 novembre 2020)
Annoncé depuis le 21 mai 2020 par le président américain Donald Trump, le retrait des Etats-Unis du traité « Ciel ouvert », est devenu effectif et officiel le 22 novembre 2020.

 

Du fait de cette décision, les Etats-Unis ne pourront plus effectuer de vols d’observations non armés au-dessus du territoire russe ou de celui des autres pays signataires du traité « Ciel ouvert ». Ils ne pourront pas non plus, en théorie, bénéficier des renseignements transmis en vertu de l’accord. Cependant, il est possible que les Etats-Unis demandent des photographies aériennes de la Russie prises par d’autres membres de l’OTAN, tout en interdisant les vols russes équivalents au-dessus des installations militaires américaines.

 

Le chef de la diplomatie allemande a ensuite souligné qu’il regrettait la décision prise par l’administration Trump, estimant que le traité « Ciel ouvert » contribuait au renforcement de la confiance et à la promotion de la sécurité dans tout l’hémisphère nord « de Vladivostok à Vancouver[3bis]».

 

Moscou, en outre, voit d’un mauvais œil ce retrait américain : « Le retrait des Etats-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté aux fondements de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des Etats-Unis[4] », avait estimé fin mai 2020 le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko. « Ce n’est pas un traité bilatéral, mais multilatéral. Et une décision si brusque affectera les intérêts de tous les participants sans exception [4]», avait-il également regretté.

 

 

- La Russie annonce son retrait du traité Ciel ouvert en réaction au départ de Washington
Dans un communiqué de presse publié le 15 janvier 2021, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé entamer son retrait du traité " Ciel ouvert " que les Etats-Unis avaient quitté fin novembre[5]. Ce texte permet de vérifier la réalité des limitations des armements des pays signataires.

 

Déplorant les « dommages » causés à « l’équilibre » de ce texte par le retrait américain, Moscou déplore en outre que ses « propositions concrètes correspondant aux dispositions fondamentales du traité », visant à « maintenir sa viabilité dans les nouvelles conditions », n’aient pas « reçu le soutien des alliés américains ».

 

Notes :

[1] Les États-Unis sortent du traité de désarmement INF conclu avec la Russie en 1987

[2] Traité Ciel ouvert

[3] Traités Start de réduction des armes stratégiques

[3bis] La sécurité européenne devient l’affaire de l’UE seulement

[4Retrait américain du traité "Ciel ouvert": un "coup" à la sécurité européenne, affirme Moscou

[5] Pourquoi la Russie se retire du traité " Ciel ouvert "

 

Pour en savoir plus :

- Communiqué des ministères des Affaires étrangères suite à l’annonce du gouvernement des États-Unis de son intention de se retirer du Traité ciel ouvert (22 mai 2020)

- La remilitarisation de l’Europe sous le regard fatigué de la gauche

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24 août 2019 6 24 /08 /août /2019 20:24
Notre époque rappelle peut-être les années 1930, mais l’histoire ne doit pas nécessairement se répéter

Dans les années 1930, le capitalisme avait besoin d’une « solution de rechange ». Confronté à une désaffection de masse après le krach financier de 1929 ainsi qu’un mouvement communiste grandissant qui menaçait de nationaliser la propriété et d’exproprier les profits, le capital a dû faire face à une crise existentielle sans précédent.

 

Sources : EQUALTIMES par Nick Dearden[*]

 

-Le fascisme offrait une échappatoire.

Certes, certains « hommes forts » du fascisme pouvaient sembler vulgaires, offensants et erratiques, mais, du côté positif, de nombreux dirigeants du monde de la finance et de l’industrie ont argumenté qu’ils avaient au moins le pouvoir d’écraser la résistance et de mettre l’État au service de leurs intérêts économiques.

 

 

-Aujourd’hui, nous assistons à une répétition de l’Histoire.

Bien entendu, aucun mouvement communiste n’est sur le point de prendre le pouvoir dans le monde développé. Pourtant, le capitalisme est menacé comme il ne l’a pas été depuis 80 ans, accablé par sa propre logique. Faire partir la planète en fumée pour réaliser des profits de plus en plus importants à court terme ne peut continuer sans conséquences catastrophiques[1] que la plupart des gens ne toléreront pas. Pour les personnes avides de profit, même les mesures très modestes qui ont été adoptées pour lutter contre les changements climatiques sont une mauvaise nouvelle.

 

Le pillage des ressources publiques — qu’il s’agisse de l’espace public ou des services publics, par exemple — atteint ses limites actuelles. Le résultat ? Les pires inégalités[2] que le monde ait jamais connues. Les niveaux d’endettement, qui jusqu’à présent camouflaient cette inégalité, en sont à leur point de rupture. Cela ne pourra pas durer éternellement.

Une révolution technologique est en cours et promet l’automatisation de masse[3], ajoutant plusieurs millions de travailleurs aux centaines de millions de petits agriculteurs et paysans dont le capitalisme ne se soucie pas. Et les populations sont déjà furieuses.

 

 

-Que faire ?

Le rôle qu’assumaient auparavant les fascistes est aujourd’hui comblé par un groupe d’hommes forts autoritaires dont Donald Trump[4] est le chef de file. Des fascistes purs et durs sont de nouveau au pouvoir en Italie[5]. La Hongrie est essentiellement dirigée par un fasciste aussi, et ces forces-là ont enregistré quelques gains lors des élections européennes[6] du mois dernier.

 

Mais considérez les pays plus importants pour l’avenir du capitalisme. L’Inde est dirigée par Narendra Modi, un nationaliste hindou dont le mandat a été marqué par une vague croissante de crimes haineux, de meurtres, de lynchages, de passages à tabac en public et de viols collectifs, visant en particulier les musulmans et les groupes des castes inférieures. Le Brésil, autrefois point d’ancrage de la « marée rose » des gouvernements de gauche, est aujourd’hui dirigé par Jair Bolsonaro[7], un nostalgique de la dictature militaire, homophobe, raciste et misogyne qui qualifie de « terroristes » les groupes d’activistes. Les Philippines sont dirigées par Rodrigo Duterte[8], responsable du meurtre de 20.000 toxicomanes, qui a comparé sa guerre contre la drogue à l’extermination des Juifs par Hitler.

 

 

-

Exploitation tous azimuts

À l’instar des fascistes des années 1930, tous ces hommes forts sont arrivés au pouvoir en alimentant la division sociale. Les migrants, les musulmans, les homosexuels, les transsexuels, les sans-abri et les groupes de castes inférieures sont diabolisés, car on craint que ces personnes ne deviennent trop puissantes et ne mettent en danger le pouvoir des classes moyennes et populaires inférieures dominantes. Le féminisme est une cible privilégiée pour tous ces dirigeants ; il suffit d’observer la résurgence du message anti-avortement.

 

Une fois arrivés au pouvoir, comme dans les années 1930, ces hommes forts ont entrepris de saper et de démanteler les institutions de la démocratie libérale : tribunaux, parlements et médias. En dépit de toutes leurs imperfections, ces institutions bloquent le pouvoir des laquais de Trump et nous laissent un certain espace pour organiser la résistance. Mais le système économique ne peut supporter une réelle résistance en ce moment et ces espaces doivent donc être fermés si l’on souhaite que la « solution de rechange » du capitalisme soit une réussite.

 

 

-

Vient ensuite le cœur du programme : l’extrême tous azimuts des personnes et de la planète.

Il s’agit de M. Trump qui ouvre toutes les eaux côtières américaines au forage pétrolier offshore, de M. Bolsonaro qui ouvre l’Amazonie à l’exploitation minière ou de M. Modi qui libéralise l’économie indienne, fragilisant les petits exploitants agricoles et les économies traditionnelles. Il s’agit aussi de réductions sans précédent de l’impôt des sociétés, d’une déréglementation financière massive ou de la semi-criminalisation de l’activisme climatique. Tout va dans la même direction. Et c’est la raison pour laquelle les marchés boursiers ont été si positifs concernant ces nouveaux hommes forts.

 

Peut-être que Mark Zuckerberg de Facebook n’aime pas la rhétorique de M. Trump. Je pourrais le croire. Mais si les titans des géants de la technologie veulent que la quatrième révolution industrielle profite à leurs propres comptes de résultat plutôt que de mener à une restructuration radicale et démocratique de l’économie, une logique sous-tend les politiques de M. Trump ; et toute rhétorique qui lui permet de mener ces politiques à bien.

 

 

-

Il est également vrai que le comportement de ces dirigeants est empreint d’excentricités et de contradictions massives.

C’est le danger inhérent aux hommes forts – de par leur nature, ils ne peuvent pas être contrôlés. Nous ne prétendons pas que telle est la forme de société dans laquelle la plupart des capitalistes voudraient idéalement vivre, mais bien que le capitalisme mondial a de plus en plus besoin de cette forme de société pour prospérer et survivre.

 

Ces politiques « trumpiennes » ne se limitent pas aux pays déjà mentionnés. Elles empoisonnent le corps politique à l’échelle mondiale. Au Royaume-Uni, un sondage d’opinion réalisé le mois dernier a révélé que 54 % de la population était d’accord avec l’affirmation : « La Grande-Bretagne a besoin d’un dirigeant fort disposé à enfreindre les règles.[9» Seuls 23 % n’étaient pas d’accord. Dans une bonne partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique latine, ces politiques s’infiltrent dans le discours public là où nous pensions qu’elles avaient été reléguées aux oubliettes du passé. Et le « trumpisme » donne une nouvelle protection rhétorique aux dirigeants oppressifs de toute l’Afrique et du Moyen-Orient.

 

Mais M. Trump est le roi – le symbole de la manière dont ces politiques peuvent réussir, la pierre angulaire d’un réseau de financement et de recherche. C’est pour cette raison que nous devons nous opposer à lui lors de sa première visite d’État officielle au Royaume-Uni aujourd’hui.

 

 

-

Bien sûr, nous pouvons nous moquer de lui et nous devons de le faire.

Mais Hitler faisait aussi l’objet de moqueries satiriques dans les clubs du Berlin de la République de Weimar. Cela ne l’a pas arrêté. Nous devons comprendre ce qui se passe, nous y opposer physiquement et, à travers cette lutte, construire une politique alternative à même de reconquérir de vastes pans de la population active. Par-dessus tout, tirons une leçon clé de l’échec de la gauche allemande dans les années 1930.

 

Nous ne pouvons pas supposer que le « trumpisme » échouera et qu’il sera suivi d’un « après, c’est à notre tour ». M. Duterte a un taux de popularité d’environ 80 %. La victoire de M. Modi aux élections indiennes a été écrasante. M. Trump et M. Bolsonaro, malgré leur popularité moindre, ne peuvent être ignorés et pourraient potentiellement décrocher un deuxième mandat. La gauche doit mettre fin à son sectarisme. Il est urgent de nouer de vastes alliances et d’adopter des politiques radicales.

Nous pouvons gagner la lutte contre le changement climatique, utiliser l’intelligence artificielle pour construire un monde meilleur et limiter le pouvoir des entreprises, mais la seule façon d’y parvenir est de créer des réseaux ; aux niveaux local, national et international. Nous nous retrouvons dans une position plus fragile que ne l’était la gauche dans les années 1930. Mais nous avons fait quelques avancées, nous avons obtenu des réformes modérées pour lutter contre les changements climatiques, nous avons obtenu des droits civils tant attendus.

 

Il est possible que les années 1930 ne se reproduisent pas. Mais ce ne sera pas facile.

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19 août 2019 1 19 /08 /août /2019 13:27
Le shopping territorial des Etats-Unis, une vieille habitude

Le président Donald Trump aurait évoqué avec ses conseillers une proposition de rachat du Groenland au Royaume du Danemark, affirme le "Wall Street Journal". Une idée saugrenue ? Non, une habitude américaine en matière d’expansion territoriale.

 

Sources : France Culture

Le 4 juillet 1776, les treize colonies d'Amérique du Nord proclament leur indépendance, qui sera reconnue, à l’issue d’une guerre de sept ans contre la couronne britannique, par le traité de Paris, en 1783. Un pays est né, mais il est loin de ressembler à ce qu’il deviendra au fil des siècles.

 

Les Etats-Unis de 1783, ce sont treize Etats ancrés sur la façade atlantique et coincés entre le Canada britannique, l'Atlantique et la Louisiane espagnole. En moins d’un siècle, le pays contrôle un territoire continu entre les deux océans : Atlantique et Pacifique. Une expansion rendue possible par la colonisation, la conquête, parfois brutale, ou l’achat de territoires.

arte de 1898 illustrant le développement territorial des Etats-Unis• Crédits : Universal History Archive/Universal Images Group - Getty

arte de 1898 illustrant le développement territorial des Etats-Unis• Crédits : Universal History Archive/Universal Images Group - Getty

 

-1. La conquête du Midwest
La première acquisition est une opération majeure, puisqu’elle double dès 1803 le territoire des Etats-Unis. C’est Robert Livingston[1] qui, sous la présidence de Thomas Jefferson, négocie l’achat de la Louisiane à la France pour 15 millions de dollars. Un gros sacrifice territorial pour Bonaparte, acquis de haute lutte au détriment des Espagnols. Mais c’est le prix d’un affaiblissement des Anglais : en renforçant la puissance des Etats-Unis, le premier consul français entendait contrarier les ambitions britanniques dans le Nouveau Monde. Car quand on parle de la Louisiane, on ne parle pas de l’Etat du même nom. C’est d’un territoire qui couvre l’ensemble du Midwest actuel qu’il s’agit : de l’embouchure du Mississippi au Dakota du Nord et au Montana actuels.

Carte de la Nouvelle France et de la Louisiane nouvellement découverte, par le révérend père Louis Hennepin.• Crédits : Gallica, Bibliothèque nationale de France

Carte de la Nouvelle France et de la Louisiane nouvellement découverte, par le révérend père Louis Hennepin.• Crédits : Gallica, Bibliothèque nationale de France

 

-2. La Floride
En 1819, le traité d'Adams-Onís, dit « Traité d'amitié, de colonisation et de limite entre les États-Unis d'Amérique et sa Majesté catholique », définit la frontière avec la « Nouvelle Espagne », notamment au Texas. Il scelle aussi la cession par l'Espagne de la Floride orientale et de l'État libre de Sabine. Les Etats-Unis, qui avaient planté leur drapeau en 1810 en Floride occidentale, exercent désormais leur autorité du Canada aux Caraïbes.

 

 

-3. Les « cessions » mexicaines
Depuis le début de leur guerre d'indépendance, les Mexicains ont autorisé des Américains à s'installer au Texas, sous réserve qu’ils se convertissent au catholicisme et deviennent mexicains. Las, ce seront des protestants qui coloniseront la région, qui sera finalement annexée par les États-Unis en 1845. Un casus belli : la guerre avec le Mexique est déclarée. Elle durera dix-sept mois et s’achèvera sur une victoire des États-Unis et le traité de Guadalupe-Hidalgo, en 1848. Moyennant une « compensation » de 18 millions de dollars, le Mexique abandonnera à Washington les territoires correspondant au Texas, à la Californie, à l’Utah, au Nevada, à l’Arizona et au Nouveau Mexique. 

Les troupes du général Winfield attaquent le château de Chapultepec, au Mexique, le 13 septembre 1847.• Crédits : Getty

Les troupes du général Winfield attaquent le château de Chapultepec, au Mexique, le 13 septembre 1847.• Crédits : Getty

Cette conquête militaire sera complétée par l’achat dit « Gadsden[3] », en 1853, d’une bande de terre le long de la frontière avec le Mexique, entre les actuels Nouveau Mexique et Arizona, pour 10 millions de dollars.

 

1953 3c Gadsden Purchase Mint Single

1953 3c Gadsden Purchase Mint Single

 

-4. L'« Amérique russe »
Face aux visées expansionnistes de l’empire britannique, comment garder le contrôle sur des territoires éloignés ? C’est la question qui taraude le tsar Alexandre II lorsqu’il évoque l’Alaska, une vaste étendue glacée et quasi inoccupée, réputée impossible à coloniser et voisine du Canada britannique. Pour l’empire russe, en difficultés, financières, vendre ce territoire de 1,7 million de kilomètres carrés aux États-Unis est peut-être la solution. Et Washington, même si l’opinion publique s’y oppose[4], y voit une belle opportunité de s’étoffer de 20 % de terres (et de ressources) supplémentaires. L’achat sera signé le 30 mars 1867 et le transfert effectif le 18 octobre 1867.

 

 

 

-5. Les derniers trésors espagnols
En 1898, le traité de Paris marque la fin du « Desastre del 98 », la guerre qui aura opposé, cinq mois durant, l’empire espagnol déclinant aux Etats-Unis. Il confirme la cession de Porto Rico, Guam, de Cuba (qui accèdera à l’indépendance en 1902) et des Philippines (indépendantes en 1946) aux États-Unis, moyennant une compensation de 20 millions de dollars versée à l'Espagne.

 

-6. Les « confettis » pacifiques
En 1900, les îles Tutuila et Aunuu, vendues par leurs chefs, viennent compléter le territoire des Samoa américaines, annexées par les Etats-Unis l’année précédente. Pour Washington, la Première Guerre mondiale est aussi l’occasion de mettre la main sur des possessions européennes délaissées. Ainsi, en 1917, les îles Vierges danoises deviennent américaines pour 25 millions de dollars.

 

Notes :

[1Robert Livingston

[2] le traité d'Adams-Onís

[3] achat dit « Gadsden », en 1853

[4] l’opinion publique s’y oppose

 

Pour en savoir plus :

- Rachat du Groenland : Donald Trump persiste et signe

Histoire sociolinguistique des États-Unis

- Chronologie des interventions américaines dans le monde

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13 octobre 2018 6 13 /10 /octobre /2018 13:01
Brésil : la stratégie de l’empire US pour reprendre la main en Amérique du sud

Sources : Chroniques du Yeti par Pierrick Tillet le 8 octobre 2018

- Le déroulement de la présidentielle brésilienne illustre jusqu’à la caricature la tentative de l’empire US pour reprendre la main en Amérique du sud.

Dimanche au Brésil, le candidat de la droite pro US, Jair Bolsonaro [photo], est largement arrivé en tête (46,06%) devant le candidat de gauche par défaut (de Lula), Fernando Haddad, Parti des travailleurs (PT, 29,24%). Les commentateurs de gauche tentent de se rassurer en évaluant les chances de leur poulain de refaire son retard au second tour en réunissant la totalité des voix “progressistes” éparpillées.

 

Mais c’est un peu vite oublier la volonté de l’Oncle Sam voisin d’empêcher par tous les moyens toute élection démocratique d’un prétendant qui contrecarrerait les ambitions de l’empire US sur le continent sud-américain. La stratégie est des plus simplistes : ou vous votez démocratiquement pour des candidats qui nous sont favorables, ou on arrangera votre démocratie à notre sauce.

 

L’usure de certains candidats sortants de gauche favorise bien évidemment la première option US. Ce fut le cas avec l’élection à la régulière de Mauricio Macri en Argentine après le départ de Cristina Kirchner en 2015. ET il faut bien dire qu’en 13 années de pouvoir au Brésil, le PT avait accumulé bien des déceptions et rancœurs contre lui (au point que ce même même dimanche, l’ancienne présidente Dilma Rousseff a échoué dans sa tentative d’être élue sénatrice dans l’État de Minas Gerais.

 


- Trois méthodes radicales US pour “arranger” la démocratie

Les méthodes d'”arrangement démocratique” brillent par leur radicalisme très primaire :

  • la corruption d’élus au départ défavorables en principe au système : c’est d’évidence le cas en Équateur avec le président Lenin Moreno, successeur du trublion Correa en mai 2017 ; la tentative d’amadouer le président de Cuba, Raul Castro par un assouplissement de l’embargo semble elle avoir échoué ;
  • la destitution d’élus ou la disqualification de candidats défavorables, via des juges complaisants et sous de vagues prétextes de corruption avérée ou plus souvent supposée : Dilma Roussef, présidente destituée au Brésil en 2016, Lula, ex-président PT et grand favori de la présidentielle 2018, emprisonné pour douze ans en avril 2018 ; notez également les poursuites judiciaires envisagées ou même entamées pour empêcher les retours de Cristina Kirchner en Argentine ou de Rafael Correa en Équateur ;
  • enfin, au cas ou les deux solutions précédentes ne marcheraient pas, reste l’hypothèse du coup d’État bête et brutal  ouvertement envisagé par des responsables étatsuniens[1] contre le “régime” de Nicolás Maduro au Venezuela.

 

La détermination des États-Unis à reprendre la main sur sa chasse-gardée sud-américaine s’explique par le contexte géopolitique international. Marginalisé au Moyent-Orient et en Eurasie par l’axe constitué de la Russie, de la Chine et de l’Iran (sans oublier l’Inde et quelques autres pays émergents), l’empire US ne pouvait pas non plus se laisser manger la laine sur le dos aussi près de ses frontières.

 

L’urgence de réagir était d’autant plus vive que la fronde avait été amplement initiée par le Cuba de Castro, le Venezuela de Chavez, la Bolivie de Morales, l’Équateur de Correa, l’Argentine de Kirchner, le Brésil de Lula, l’Uruguay de José Mujica et maintenant le Mexique d’AMLO (Andrés Manuel Lôpez Obrador), “dangereux” président de gauche passé entre les mailles du filet de la CIA en juillet 2018 et dont vous pouvez être persuadé qu’il est sous étroite surveillance[2].

 

Note :

[1] Venezuela : des responsables américains ont envisagé de renverser Maduro

|2] Le président Lopez Obrador peut-il tirer le Mexique de son marasme ?

 

Pour en savoir plus :

- Chronologie des interventions américaines dans le monde

- Que cache la militarisation de l’Amérique Latine ?

- 11 septembre 73 : Salvador Allende était renversé par un coup d'Etat avec l'aide des Etats-Unis...

- AU BRÉSIL COMME AILLEURS, LES RICHES TOURNENT BRUNS

- Entretien avec Rafael CORREA, ancien président de l'Équateur : « Ils veulent exterminer la gauche »

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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