Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 octobre 2014 2 14 /10 /octobre /2014 09:15
Constituante et tirage au sort : roulette russe contre le front du peuple.

 

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Hervé Debonrivage

- Les lois du hasard pour faire la Loi.

En raison de la crise de la représentation et même de la représentativité dans la sphère politique et notamment du fait que les assemblées parlementaires ne reflètent pas du tout la composition sociologique de la population, un certain nombre d’intellectuels dont notamment Étienne Chouard proposent le tirage au sort comme moyen de choisir les représentants du peuple pour former une assemblée constituante et écrire la constitution.

 

. Les arguments en faveur du tirage au sort sont développés sur les sites de Étienne Chouard : ICI  et  LÀ

. Pour avoir des informations sur cet auteur, on peut ICI 

. Sur le site du PG Midi-Pyrénées, un article a été publié défendant aussi cette position : Le Front de Gauche, problème de la quadrature du cercle.

. Nous reproduisons deux extraits d’articles publiés sur le site de l'Association pour une Constituante, l’un de André Bellon et l’autre de Marc Raoul Jennar qui montrent les dangers d’une telle "solution"qui, en réalité, en n’est pas une.

. Si vous voulez avoir des informations sur ces deux auteurs, cliquez ICI  et  LÀ

 

 

- Le paradis du hasard (par André Bellon)

Extrait. Le texte complet est accessible en cliquant ICI

La crise profonde de la démocratie que nous traversons génère des réactions aussi passionnées que discutables. Dans cet océan d’incertitudes et d’inquiétudes, la dernière trouvaille des réformateurs, se présentant comme une avant-garde des évolutions positives, serait d’exhumer la vieille idée du choix des représentants du peuple grâce au tirage au sort. La main de Dieu en quelque sorte ! Si l’Association pour une Constituante a mis dans ses statuts le principe et le respect du suffrage universel, ce n’est pas par fétichisme.[…]

 

[…] Prétendre, dans ce contexte, remplacer, pour la désignation des constituants, le choix des citoyens par celui du hasard est une illusion particulièrement perverse. Le tirage au sort des députés est, si on y regarde de plus près, le rêve de la classe dLe hasard irigeante. Des citoyens isolés, sans identités politiques, sans liens avec les citoyens, sans mandats et sans responsabilités devant les électeurs sont, en effet, une proie idéale pour toutes les technocraties. Il est d’ailleurs révélateur que les tenants de ce système évoquent subrepticement la nécessité de conseillers qui donneraient leurs précieux conseils aux nouveaux délégués, sortes de Robinsons politiques. La soumission heureuse en quelque sorte ! Histoire de rire un peu, observons aussi que les partisans du hasard en politique ne proposent pas de tirer au sort les membres et les présidents des conseils d’administration, des conseils de direction des entreprises, de la haute fonction publique et militaire.

 

L’entrée du hasard, par le tirage au sort, transforme la vie politique en une vie hasardeuse. De tels discours soumettent la vie publique aux aléas alors que les institutions sont censées protéger tout individu du hasard de la vie par des lois et des mécanismes redistributifs. Il en va de même de tout système politique, et des élections : si le hasard les gouverne, rien ne peut jamais être remis en cause, les critiques étant alors à adresser à la Providence. Affirmons toutefois que ce n’est pas sans raisons qu’un tel projet rencontre de l’audience et qu’on ne saurait le critiquer sans s’attaquer aux causes qui l’ont fait naître. Les partis politiques ont, pour l’essentiel, accepté la « pensée unique » qui domine aujourd’hui le monde et en mettent souvent même en œuvre les conséquences néfastes. Bien plus, leur fonctionnement disciplinaire archaïque empêche toute possibilité d’expression dissidente significative. Sanctionnant tous les écarts, ils ne sont souvent que des acteurs corrompus de la dégénérescence de la démocratie.

 

C’est donc tout le fonctionnement de la vie publique qui demande à être remis en chantier. Loin de reproduire encore l’identique, il faut trouver les moyens de désigner des constituants liés à leurs mandants dans une vraie dynamique du débat collectif.

 

On nous dira que le vote reproduira ce qui existe déjà. Répondons avec fermeté que cette affirmation pessimiste revient à dire qu’il est impossible de surmonter les forces aujourd’hui titulaires du pouvoir. Heureusement que les révolutionnaires de 1789 avaient plus d’audace. Sinon la Bastille serait toujours à sa place. Au lieu de s’en remettre au ciel pour régler les problèmes à notre place, rassemblons nous pour trouver les moyens d’une relation saine et démocratique entre les citoyens et leurs représentants. Les questions sont multiples : Sur quels critères doivent-ils être élus ? Quels rapports avec leurs mandants ? Comment donner un rôle au contrôle des élus ? Quelle place au référendum d’initiative populaire ?......................

 

C’est aujourd’hui que ce débat doit commencer, loin des futilités que nous imposent des échéances électorales imposées. La démocratie, la Constituante ne sont pas des détours de plus dans une société amorphe. Elle est le symbole et le moyen de la réaffirmation de la volonté des citoyens, de leur prise de leurs propres problèmes, de leur combat contre la soumission. André Bellon

Fin du premier article.

 

 

- Le tirage au sort : une chimère ! (Raoul Marc Jennar)

Extrait. Le texte complet est accessible en cliquant ICI

[…] Aujourd’hui, certains voient dans l’élection comme mode de désignation des représentants la source de tous les maux. Si on lit un des auteurs les plus acharnés à faire le procès de l’élection, celle-ci induirait "mécaniquement une aristocratie élective". "Avec l’élection, écrit-il, les riches gouvernent toujours, les pauvres jamais." Selon lui, "après deux siècles de pratique, on constate que l’élection pousse au mensonge, prête le flanc à la corruption, étouffe les résistances contre les abus de pouvoir et s’avère naturellement élitiste parce qu’elle verrouille l’accès au pouvoir du plus grand nombre au profit des riches." Et de proposer, en guise de remède, une chimère : le tirage au sort.

 

Je ne partage absolument pas cette approche des problèmes posés par la représentation et la solution proposée. A mon estime, ceux qui proposent le tirage au sort confondent causes et effets et fournissent ainsi une illustration de la confusion des esprits et du désarroi qui affectent bon nombre de citoyens, sincèrement attachés à la démocratie et désorientés par les dérives et les dévoiements qu’elle subit. Il y a confusion entre le principe de l’élection et celui de l’éligibilité, entre suffrage universel et modalités électorales de son application, entre mode de désignation des représentants et exercice de la représentation.

 

Renoncer à l’élection, c’est renoncer au principe du contrat social et du mandat qu’il met en place entre Le hasard le peuple et ceux qu’il choisit pour agir temporairement en son nom. On ne s’en remet pas au hasard pour choisir son représentant : on le choisit pour les valeurs qu’il défend, pour les orientations qu’il propose, pour la politique qu’il veut mettre en œuvre. On passe avec lui un contrat moral en lui confiant un mandat dont il devra rendre compte de la manière dont il l’a rempli. Le hasard n’a pas sa place dans un tel choix totalement conditionné par le débat d’idées dans lequel il s’inscrit.
 

Que déciderait aujourd’hui une telle assemblée sur le sort à réserver aux immigrés ou aux musulmans ? Quel serait le mandat d’un représentant tiré au sort ? En quoi un "élu" né du hasard serait-il plus indépendant, en particulier à l’égard des lobbies, qu’un élu issu d’un choix conscient et délibéré ? Quelle garantie aurait l’électeur d’une telle assemblée que la raison ne cède pas aux modes, aux pulsions, aux démagogies du moment ? En quoi, une assemblée issue du tirage au sort serait-elle davantage représentative qu’une assemblée élue selon la règle du scrutin proportionnel ? En quoi, un "élu" du tirage au sort serait-il davantage comptable de ses choix qu’un élu du suffrage universel ? De quelle manière le tirage au sort empêcherait-il que se constituent entre "élus" de la sorte des coalitions d’intérêts ? Les partisans du tirage au sort prétendent améliorer la démocratie en supprimant un de ses fondements : le libre choix d’un candidat par les citoyens. En fait, dans un tel système, le citoyen s’en remet au hasard en ignorant tout de celui qui le représentera. On prétend remédier aux maux qui affectent la représentation en la supprimant. On crée l’illusion d’une démocratie directe en confiant à des inconnus le sort du peuple.

 

Les maux que prétendent résoudre les partisans du tirage au sort sont réels. Leur remède n’en est pas un. C’est un placebo. Les solutions sont dans le travail que devrait effectuer une assemblée constituante pour réinventer une démocratie nouvelle, pour instaurer enfin la République. Trois maux affectent profondément le système représentatif : le mode de scrutin majoritaire, la personnalisation du débat politique et la professionnalisation de la représentation.

 

Le scrutin majoritaire, à un ou deux tours, est un véritable détournement du suffrage universel. Au motif qu’il assure des majorités stables - une affirmation qui ne se vérifie plus aussi automatiquement à mesure que les citoyens ne distinguent plus nettement ce qui différencie les projets politiques proposés - ce système refuse la présence dans une assemblée censée représenter le peuple tout entier de sensibilités certes minoritaires mais qui s’inscrivent dans la durée ou reflètent des préoccupations nouvelles. Ce système conduit progressivement au bipartisme, dont on voit, dans les pays où il est pratiqué, combien il favorise le système en place et ses conservatismes.

 

Les abus en France du mode de scrutin proportionnel, entre 1946 et 1958, ont convaincu à tort de la nocivité de ce système. Pourtant, encadré par des techniques qui ont fait leurs preuves ailleurs (taux plancher requis pour accéder à la représentation, motion de méfiance constructive indispensable au changement d’une coalition gouvernementale, etc.), la représentation proportionnelle, en permettant à tous les courants de la société réellement représentatifs de se retrouver dans les assemblées élues, conforte la confiance des citoyens dans le système représentatif, mais surtout favorise l’apport d’idées nouvelles et l’enrichissement du débat.

 

La personnalisation du débat politique remplace le choix des politiques par le choix des personnes. Elle résulte d’une part de la concentration des pouvoirs au sein d’une même personne (Président de la République, Président de région, Président de conseil général, Maire) et d’autre part de l’effondrement du politique face à l’économique. Le ralliement inconditionnel de la gauche dite de gouvernement au libre échange le plus débridé, qui conduit à la concurrence de tous contre tous, n’offre plus d’alternative crédible à la dictature des marchés. De telle sorte qu’on évolue vers un système politique où les choix se réduisent à des choix de personnalités certes porteuses d’accents différenciés, mais d’accord sur l’essentiel.

 

Entre un Valls et un Copé , quelle différence ? Quand on ne peut plus changer le cours des choses qu’à la marge, alors que les inégalités et les injustices sont criantes, alors que tout un système politico-économique est au service d’une minorité, c’est le système qu’on rejette. La démocratie représentative ne retrouvera un sens que si elle propose des alternatives et pas seulement des alternances.

 

La professionnalisation de la représentation a totalement perverti la notion de mandat. Et de ce fait remet en cause le contrat social. C’est un des maux qu’il faut combattre le plus vigoureusement. Cumuler des mandats et les indemnités qui les accompagnent, exercer pendant trois, quatre, cinq législatures le même mandat, ce n’est plus porter dans une assemblée les attentes du peuple, c’est exercer un métier. Il en résulte de nombreuses dérives conditionnées par le souci de la réélection et les habitudes nées de la pratique prolongée du mandat. Il importe de mettre fin à tout ce qui favorise cette professionnalisation.

 

Quant à la démocratie directe, après plus d’un siècle d’enseignement obligatoire, avec un niveau général d’éducation élevé, avec un accès renforcé aux informations, elle s’avère devenir un complément nécessaire de la démocratie représentative aux échelons où elle peut se pratiquer le plus facilement, celui de nos collectivités territoriales.

 

Au plan national, le référendum d’initiative populaire doit être retenu sans que le Parlement puisse y faire obstacle, pourvu qu’il écarte toute possibilité plébiscitaire et que les conditions de son application soient à l’abri d’initiatives démagogiques. Les solutions aux perversions de la démocratie représentative existent. Une assemblée constituante peut les apporter. Point n’est besoin de recourir à des remèdes qui seraient pires que les maux qu’on prétend combattre. Ce n’est pas en convoquant l’obscurantisme qu’on instaure la lumière.

Fin du second article.

 

On peut aussi se reporter à deux autres articles intéressants de ce site :

- 14 raisons pour élire une Assemblée constituante au suffrage universel direct

- Histoire des constituantes : CONSTITUANTES : Les ruptures

- On peut aussi se référer à un troisième article contre le tirage au sort par Johann Elbory (16/09/2014) : Pourquoi le tirage au sort est-il profondément antidémocratique ?

- Réaffirmer le politique : pour une Constituante élue

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

Constituante et tirage au sort : roulette russe contre le front du peuple.
Partager cet article
Repost0
12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 14:05
L'ère du peuple, par Jean-Luc Mélenchon

- L'ère du peuple....

« Que François Hollande soit menteur, fourbe, servile et que son projet soit glauque, est-ce une raison pour nous condamner à ne penser qu'à lui et au risque de la disparition de l'idée de gauche qu'il a usurpée ?

 

Je propose de voir plus loin que l'horizon désespérant du présent. Regardons le monde fascinant qui s'est constitué sous nos yeux, en quelques décennies.

 

Un monde plein d'êtres humains, couvert de villes, où l'occupation de la mer elle-même a débuté. Mais un monde engagé dans un changement climatique irr éversible et un bouleversement de la hiérarchie des puissances qui menacent l'existence même de la civilisation humaine.

 

Un monde où surgit un acteur nouveau : le peuple.

 

Les puissants se moquent de lui, le méprisent, lui bourrent le crâne et insultent tous ceux qui lui donnent la priorité.

 

Mais si les puissants n'ont plus peur de la gauche édentée par Hollande, ils ont plus peur que jamais du peuple. Sa révolution citoyenne peut tout changer, en commençant par faire entrer la France dans la 6e République. »

 

Le livre est disponible  ICI

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 13:34
Quelles forces politiques pour une VIe République ?

Bien des partis appelèrent de leurs vœux une VIe République. Aucun ne l’instaura une fois parvenu au pouvoir. Mais alors, quelles forces politiques (au pluriel) pour reconstruire sur le chaos laissé par la Ve ?

 

 

Le système des partis tel qu’il est géré dans le cadre des institutions de la Ve République aboutit de fait à une professionnalisation perverse de la représentation démocratique. Et de fait, ceux-là sont aujourd’hui beaucoup plus enclins à défendre leurs intérêts particuliers que l’intérêt général.

 

On l’a bien vu lors du déplorable dernier vote de confiance au gouvernement Valls II (le pompon aux abstentionnistes frileux, du PS à EELV), ou lors des dernières municipales avec les contorsions du PCF pour sauver ses vieux meubles.

 

Dès lors, toute velléité de rompre avec une constitution usée par des partis qui en sont la représentation ne peut aboutir qu’à un vague replâtrage sans autre souci que d’assurer leur pérennité. En même temps, attendre qu’un projet tout ficelé émane comme par miracle du "peuple" relève tout bonnement de l’inconscience hallucinatoire.

 

 

- L’exemple de Podemos

Entre le système de partis et une base populaire abandonnée à elle-même, le mouvement espagnol Podemos, issu du mouvement populaire des Indignés, tente aujourd’hui une voie intermédiaire. Rappelons que Podemos a réussi la gageure de devenir la quatrième force politique d’Espagne lors des dernières européennes, après seulement quelques mois d’existence.

 

L’originalité de Podemos est d’être organisée en "cercles", plus d’un millier actuellement réparti sur tout le territoire ibérique, ouverts aux militants, mais aussi aux citoyens-électeurs de base (plus de 100 000 "adhérents" par Internet), qui discutent d’arrache-pied à partir d’un canevas préétabli proposé par les promoteurs du mouvement.

 

Car Podemos a bien compris que le "peuple" ne pouvait discuter de façon constructive sur du vide. D’où un programme d’aujourd’hui 36 pages, déjà largement discuté, amendé et enrichi par les cercles, et qu’on peut trouver publié en espagnol et résumé en français sur la page Wikipedia du mouvement.

 

 

- L’initiative "Mouvement pour une 6e République"

C’est en s’inspirant de l’expérience Podemos que Jean-Luc Mélenchon a lancé le 11 septembre un Mouvement pour la 6e République. Son objectif : utiliser les nouvelles technologies de communication pour créer un nouveau "réseau social" à orientation résolument politique.

 

Jean-Luc Mélenchon : « La "toile" est la plus grande place publique de notre pays. Ici, place au peuple ! »

 

 

 

 

Sans être la panacée absolue (« les contacts humains n’y sont que virtuels », déplorent ses détracteurs), il est clair que les réseaux sociaux — dont on a pu mesurer l’importance lors de mouvements populaires comme les révolutions arabes — offrent infiniment plus de possibilités de rassemblement et d’organisation que du temps héroïques des bons vieux tracts et des "cellules" confinées.

 

De fait, le site dédié "Je signe pour la 6e République" annonce avoir récolté en quelques jours plus de 30 000 signatures. Et vise les 100 000. Reste le plus difficile : organiser toutes ces énergies. La "communauté m6rep" en appelle donc à l'entraide.

 

 

 

 

 

- Écueils à éviter

Mais l’objectif principal du Mouvement pour la 6e République est bien sûr d’œuvrer à l’éclosion d’une Constituante visant à élaborer les fondations d’une VIe République. Or, comme De Gaulle le démontra en son temps, mieux vaut disposer d’un projet ficelé sans attendre d’être élu.

 

Pourtant, plusieurs écueils restent à éviter :

  • être autre chose qu’un paravent commode aux ambitions d’un seul parti, fût-il "de Gauche" ;
  • ne pas rejeter les réflexions d’autres forces politiques de quelque bord qu’elles soient (Nouvelle Donne, Debout la République...), ni les travaux de ceux qui travaillent dans l’ombre à la question (Etienne Chouard, les "encyclopédistes du XXIe siècle" sur le blog de Paul Jorion...).

 

Créer une République consiste précisément à faire cohabiter des gens que rien ne rapproche a priori, sauf le sentiment commun d’appartenance à une même collectivité. Rappelons que le fameux Conseil National de la Résistance (CNR) réunissait des représentants de toutes obédiences.

 

 

- Je veux être acteur de la VIe République :

Partager cet article
Repost0
8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 09:07
François Rebsamen : “Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie”

Un homme de gauche ? Certains y croient encore..... sauf au MEDEF !

 

Pour l’opposition, il porte le nom de “ministre du chômage”. s’est enfin installé de manière définitive dans les locaux historiques du ministère du Travail au 127 rue de Grenelle à Paris. Proche, très proche du Président de la République, il a accepté un poste clé du gouvernement de Manuel Valls, sans doute l’un des plus difficiles aussi.

 

Cet article a été initialement publiée vendredi 3 octobre 2014. Comme l’ont souligné de nombreux médias nationaux, l’interview de François Rebsamen a été retiré du site en milieu de matinée. Nous avons choisi de republier cette interview ce matin. Nous vous devons quelques explications.

Symboliquement pendu durant tout l’été par les intermittents du spectacle, il a fait une rentrée fracassante en septembre en s’attaquant aux “fraudeurs” de Pôle emploi. Désormais il revendique sa ligne libérale et reste intimement persuadé qu’il pourra être celui qui relancera durablement la croissance en France.

Quelques mois après son arrivée, nous sommes allés le rencontrer il y a quelques jours dans son ministère, à Paris.

 

Sources : Le MIROIR par Jérémie Lorand

- Le MIROIR : François Rebsamen bonjour. Depuis un mois, vous avez rejoint le siège historique du ministère du Travail, celui de la Rue de Grenelle. C’est là qu’ont été signés les fameux Accords de mai 68. C’est là que sont passés Pierre Bérégovoy et Martine Aubry. Une force pour étouffer la grogne ?

François Rebsamen : Pour la gauche, ce ministère est historique. Alors nous ne pouvons avoir qu’en référence ces grands ministres qui sont passés par là : Jean-Michel Jeanneney, en mai 68, Jean Auroux, qui a signé les accords du même nom, Pierre Bérégovoy, qui était un ami ou encore Martine Aubry, qui a marqué le monde du Travail avec la réforme des 35 heures. Lors de la passation avec Michel Sapin [l'ancien ministre du Travail, NDLR], j’ai souligné la beauté de ce ministère. Je n’en mesurais pas encore la difficulté.

 

 

- Le MIROIR : Justement, considérez-vous aussi qu’il s’agit du pire ministère du gouvernement ?

François Rebsamen : C’est surtout le ministère qui, tout au long du XXème siècle, a permis de former, d’organiser, de codifier le monde du travail, de protéger les travailleurs. C’est du ministère du Travail qu’émanent les grandes avancées sociales : Les Accords de Matignon en 1936, les seuils sociaux et la création des comités d’entreprise en 1945, sous le Général de Gaulle, la lutte contre le travail des enfants, contre le travail de nuit…

 

Désormais, nous sommes dans une autre phase : du ministère des avancées sociales, nous devenons ministère du dialogue social et des grandes protections collectives, nous devons désormais enregistrer des avancées sur les protections individuelles. C’est encore plus complexe. Il faut lutter contre le travail dissimulé, le travail illégal… C’est une forme d’esclavagisme humain et j’ai demandé aux inspecteurs du travail d’être plus vigilants sur cette question.

 

Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise
 
 
- Le MIROIR : Lorsque vous êtes arrivé au ministère, François Hollande promettait d’inverser la courbe du chômage, désormais, vous refusez de commenter les chiffres mensuels. Pourquoi ce changement de communication ?

François Rebsamen : Tout simplement parce que ce n’est pas le bon référentiel. Malgré l’amitié que je porte à Michel [Sapin], il s’est totalement trompé. On ne juge pas le chômage mois par mois, mais sur des périodes plus longues : un trimestre, un semestre. Il s’est mis des boulets aux pieds et les a laissés à son successeur.

 

Je tente de renverser la compréhension des choses : le taux de chômage est différent du nombre d’inscrits et il permet les comparaisons internationales. Le taux de chômage en France métropolitaine est de 9,7% de la population active au sens du Bureau international du travail. C’est beaucoup, mais il y a déjà eu plus. Si on ne s’y attarde pas, les citoyens seront persuadés que nous avons un taux de chômage qui a explosé. Pour parler clair : je tente de m’enlever un boulet, assez plombant, en changeant de stratégie.

 

 

- Le MIROIR : Vous vous êtes finalement réjouis que le chiffre de 150 000 emplois d’avenir ait été atteint fin septembre. Des emplois subventionnés, n’est-ce pas artificiel pour enrayer la hausse du chômage ?

François Rebsamen : Ce n’est absolument pas artificiel. C’est même le contraire. À la différence des emplois jeunes qui s’adressait à un public qualifié, les emplois d’avenir sont proposés aux jeunes des quartiers issus de la politique de la ville. Ils sont 80% à ne disposer d’aucun diplôme, à être très loin de l’emploi. Les acteurs de l’insertion demandaient du temps : le contrat peut donc durer trois ans et le taux de rupture est très faible, proche des 10%. En revanche, le taux de réussite est certain, car le contrat propose une formation. Ceux qui vont sortir du dispositif, à la fin du contrat, seront qualifiés pour décrocher un emploi. En quelque sorte, nous préparons une partie de la génération de décrocheurs à aller vers l’emploi lorsque la croissance reviendra.

 

 

- Le MIROIR : Il y a tout de même 900 000 jeunes sans diplômes. Où trouver les marges de manœuvre ?

François Rebsamen : Nous faisons beaucoup de choses pour eux. De nombreux dispositifs existent. Parlons déjà de l’apprentissage. Dans les têtes, c’est une voie de garage alors qu’il faut le voir comme une voie d’excellence, qui permet la réussite. Les chefs d’entreprise adorent l’apprentissage, mais ne prennent personne en alternance. La prime qui avait été supprimée – c’était une erreur – est désormais doublée. Il n’y a donc plus d’excuse. À partir de l’année prochaine, nous allons développer la garantie jeune. Une procédure qui concernera les jeunes qui n’ont ni emploi ni stage, ni formation ni éducation, leur permettra de suivre un parcours d’insertion sociale. Il y a en aura 50 000 l’année prochaine.

 

Nous faisons donc feu de tout bois. Mais on ne remplace pas la croissance, il faut que la machine économique reparte. Ce qui crée l’emploi, c’est l’entreprise. Dès lors, nous pouvons préparer les jeunes, les former ou empêcher qu’ils sombrent.

 

 

- Le MIROIR : Ce que vous dites c’est que la pédagogie, que vous avez appelée de vos vœux lors de la première partie du quinquennat[1], n’est peut-être pas si simple ?

François Rebsamen : J’essaye d’être pédagogue. Nous sommes dans un pays qui a du mal à accepter les choses. Si nous voulons sauver le modèle social français, il doit être irréprochable : les droits et les devoirs de chacun doivent être bien définis. Les Français sont attachés à ce modèle social, mais il faut l’adapter. Ce sont ces adaptations que nous devons expliquer, détailler.

 

 

- Le MIROIR : Mais cette pédagogie n’est-elle pas trop tardive ? Nous sommes déjà à mi-mandat.

François Rebsamen : Il n’est jamais trop tard pour faire les choses. Le parti socialiste est en pleine mue idéologique. Moi je l’ai effectuée depuis longtemps. Il faut donc l’expliquer. Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise. Franchement, c’est quoi le socialisme ? Ce n’est pas la richesse pour chacun. Ah bon, certains socialistes doutent que ce soit l’entreprise qui crée des richesses ? L’entreprise, c’est des salariés.

 

 

- Le MIROIR : Lors de la campagne des municipales, vous aviez affirmé qu’il ne fallait pas tout céder au Medef[2].

François Rebsamen : Alors le Medef c’est une chose. Ce n’est pas la vie des entreprises. J’ai trois niveaux d’interlocuteurs : le niveau interprofessionnel national, la posture, avecle Medef, la CGPME et les autres ; ensuite les branches et au bout les entreprises. Au niveau local, les entreprises et donc les salariés font vivre le territoire, le développe. Elles savent ce qu’on veut.

 

Lorsque je rencontre les branches, je leur rappelle que pendant dix ans, elles n’ont rien dit. C’est incroyable. Les entreprises ont perdu marges et compétitivité, sans rien dire. Et là, sous prétexte qu’il s’agit d’un gouvernement socialiste, elles viennent pleurer. Nous faisons un effort sans précédent pour redonner des marges aux entreprises : nous restituons 41 milliards d’euros, l’équivalent de deux points de PIB pour permettre l’investissement, la création d’emploi, l’apprentissage. En un mot nous demandons de préparer l’avenir.

 

 

- Le MIROIR : N’y avait-il pas un parasitage avec un Arnaud Montebourg parfois virulent envers les chefs d’entreprises.

François Rebsamen : Arnaud s’est investi dans sa mission. Il aime l’industrie, l’industrie lourde, l’industrie tricolore. Il préférait une entreprise allemande à une autre parce qu’elle était américaine. Arnaud Montebourg est un personnage complexe : il s’accrochait avec des patrons en arrivant puis les câlinait. Il a bien fait son boulot pour les entreprises en difficulté. Il s’est investi, mais avait une approche particulière. Un peu “olé olé” ! C’est un comédien, un avocat.

 

 

- Le MIROIR : Mais ça, François Hollande le savait lorsqu’il a nommé Arnaud Montebourg dans le gouvernement.

François Rebsamen : Oui, tout à fait. Les gens peuvent ensuite se révéler. Et je ne parle pas de ceux qui ont truandé comme Thomas Thévenoud. On ne pouvait pas laisser passer ces gamineries.

 

Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles
 
 
 
 
 
- Le MIROIR : Ces événements ont parasité la communication du gouvernement[3] dont la première promesse était d’inverser la courbe du chômage en 2017. Y croyez-vous encore ?

François Rebsamen : Les entreprises continuent de créer de l’emploi, mais pas assez pour faire face à l’afflux de nouveaux entrants sur le marché du travail comme les jeunes et les femmes. J’ai rencontré le patronat allemand lundi 29 septembre, je me suis fait un petit plaisir. Ils voulaient donner des leçons, mais oublient plusieurs choses : l’Allemagne connaît une baisse de sa démographie et a donc de moins en moins de jeunes entrant sur le marché du travail, elle n’encourage pas non plus les femmes à travailler. Notre système de protection du chômage est fort et permet d’éviter la pauvreté. Le taux de pauvreté des chômeurs français, au sens du BIT, est de 38%. Chez nos voisins allemands, il est de 62%.

 

Pôle emploi dispose de plusieurs dispositifs pour protéger les demandeurs d’emploi. Il y a donc des personnes qui ne recherchent pas d’emploi et qui sont comptabilisées dans les chiffres. Il s’agit par exemple de personnes en situation de préretraite, qui sont dispensées de recherche. Au sens du BIT, ils ne sont plus demandeurs d’emploi.

 

 

- Le MIROIR : La phrase que vous évoquez a en effet provoqué un tôlé[4], au sein même du parti socialiste. La regrettez-vous ?

François Rebsamen : Où ce fut un véritable tollé médiatique. Politique aussi. Ce qui n’a pas empêché 70% de la population d’approuver ce message. Ils ont conscience qu’il faut adapter notre système social, par ailleurs très protecteur. Les français considèrent qu’il faut renforcer les contrôles, assouplir les seuils, la législation, autoriser le travail le dimanche. Ils sont bien plus en avance que nous sur la nécessité d’un certain pragmatisme en économie.

 

Malheureusement, le parti socialiste, ou du moins son secrétariat national refuse toutes ces avancées. Il ne veut pas casser les tabous, se pose en garant de l’ordre social établi. Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles. Et c’est parfois dur. Je ne suis pas un ennemi de l’entreprise, je ne suis pas pour l’économie administrée ni pour les pays communistes. Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie, de la vie de l’entreprise. Avec des droits sociaux, avec une protection de l’individu.

 

Les citoyens des classes populaires se rendent bien compte que la droite ou la gauche ne sont pas prêtes à appliquer ces réformes alors ils se tournent vers les extrêmes. C’est ça que je veux éviter. Les socialistes ne vivent plus comme les gens : les élus ne connaissent pas le terrain. Ils ne savent pas comment la vie se déroule dans un HLM, dans le quartier de la Fontaine-d’Ouche, qui rassemble toutes les nationalités, dans sa diversité…

 

 

- Le MIROIR : Selon vous les élus sont donc totalement déconnectés du terrain ?

François Rebsamen : Ils ne l’ont surtout pas connu. Il faut être maire, conseiller municipal conseiller général pour connaître cette réalité. Valls la connaît. A Évry, il l’a vécu. Moi aussi. Beaucoup d’élus n’ont pas fait de combat politique. Dans les quartiers, ils auraient rencontré des citoyens qui touchent le Smic, qui triment et qui peuvent en voir d’autres profiter du système. Ils se disent “pourquoi eux et pas moi” ? Pourquoi c’est comme ça ? Il faut être rigoureux et proche.

 

 

- Le MIROIR : En sous-jacent vous semblez dire que ce qui peut marcher par exemple à Dijon, peut fonctionner partout.

François Rebsamen : Bien entendu. Le chômage a baissé de 8,7 à 8% à Dijon. Comment peut-il baisser dans notre ville et pas dans des endroits similaires ? Il faut se poser la question.

 

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides

 

 
 
 
- Le MIROIR : On a vu que le Conseil Constitutionnel a censuré les allégements de cotisations salariales. Elles devaient concerner 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires. Le motif du Conseil : Méconnaissance du principe d’égalité. Est-ce le cas ?

François Rebsamen : Les 41 milliards d’euros que nous avons débloqués doivent permettre de redonner des marges de compétitivité aux entreprises. Nous voulions essentiellement les réserver au secteur concurrentiel, mais le Conseil Constitutionnel en a décidé autrement : du coup, cette possibilité sera donnée à toutes les entreprises. Cette mesure va finir par porter ses fruits, le Président en est persuadé. Peut-être que ceci nous fera perdre la prochaine élection Présidentielle mais nous pensons que ceci est une nécessité pour le bien du pays. Si la droite et l’extrême droite reviennent, les entreprises se débrouilleront pour garder leur compétitivité. Quand on fait une politique de l’offre, on est obligé d’être en accord avec l’entreprise.

 

 

- Le MIROIR : Vous envisagez donc l’éventualité de perdre la Présidentielle ?

François Rebsamen : Je ne suis pas pessimiste. Je crois toujours en une victoire. S’il faut être le dernier auprès de François Hollande, je le serai, car la victoire j’y crois. Pour moi, François est le candidat idéal. Mais la réalité c’est qu’une politique de relance par l’offre est très longue à mettre en œuvre et à porter ses fruits.

 

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides : dès le premier semestre 2015 pour le CICE par exemple

 

 

- Le MIROIR : La dernière réforme que vous avez lancée est celle des seuils sociaux. Pourquoi faut-il les réformer ?

François Rebsamen : Le nombre d’entreprises de 48 ou de 51 salariés varie du simple ou double, il y a bien une raison. Il faut donc envisager un assouplissement des seuils sociaux. J’ai demandé aux partenaires sociaux de travailler ensemble pour faciliter cette réforme. 66% des entreprises de dix et vingt salariés n’ont pas de délégué du personnel alors que c’est une obligation. Et dans le tiers des entreprises qui en ont un, c’est le patron qui le choisit. Moi, ça m’interpelle.

 

Il y a des lourdeurs invraisemblables, des réunions inutiles… Le droit doit être réel et pas formel. Le dossier est désormais sur la table des partenaires sociaux. J’espère qu’ils arriveront à un accord avant la fin de l’année. Dans le cas contraire, le gouvernement prendra ses responsabilités.

 

Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine

 

 
 
 
- Le MIROIR : Parlons un peu de Dijon. Vous avez transmis le flambeau à votre ami Alain Millot. Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois ?

François Rebsamen : Il est patient, apaisant. C’est d’ailleurs ce que je lui ai dit lors du dernier conseil municipal. Je lui ai envoyé un message, ainsi qu’à Nathalie [Koenders, la première adjointe, NDLR] et Colette [Popard, adjointe au maire déléguée au logement, NDLR] : “Il est bien Alain, il est calme, il est pondéré, à l’écoute. Ça fait du bien au conseil; tout le contraire de moi, car je suis agacé par Vandriesse, Bourguignat, Bichot et je ne parle même pas de Cavin”.

 

 

- Le MIROIR : Alain Millot a surtout porté une réforme que vous aviez insufflée au Sénat : le passage en communauté urbaine du Grand Dijon[5].

François Rebsamen : Je suis très content d’avoir réussi mon coup. Ce passage en communauté urbaine va changer la dotation globale de fonctionnement (DGF) : de 34 euros par personne, nous allons désormais en toucher 60. Soit une enveloppe supplémentaire de six millions par an. 36 millions sur un mandat. Une marche est lancée vers l’unification des territoires dans le respect des uns et des autres. Il n’y a que la ville de Talant, pour des raisons politiques qui ne lui ont pas vraiment réussi d’ailleurs, qui n’a pas voté favorablement cette modification.

 

À terme, les territoires défensifs, comme Asnières-lès-Dijon, vont disparaître et nous allons poursuivre notre communauté de destin. Avec comme objectif de devenir une métropole, au cœur d’un bassin de 380 000 habitants, qui va tirer le département vers le haut.

 

 

- Le MIROIR : On attendait la sortie de votre livre sur le football pour la rentrée…

François Rebsamen : (Il pointe son bureau). Il est là. 80% de l’ouvrage était rédigé avant que je n’arrive au ministère du Travail, mais je n’ai pas eu le temps d’écrire la dernière partie, consacré à la coupe du monde de football de juin 2014. Mais il est bien là, dans un tiroir et sortira au moment de l’Euro 2016.

 

À l’origine je voulais écrire un livre sur mes “France-Brésil”, mais l’éditeur a jugé que je n’étais pas assez connu alors il s’agira toujours de football, mais à travers le prisme politique. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont critiqué cette démarche, mais la vérité c’est que l’ouvrage était en partie écrit avant d’arriver ici.

 

 

- Le MIROIR : Pour l’Euro 2016 donc. Et avec une équipe en résidence à Dijon ?

François Rebsamen : La France accueillera en effet la compétition et la ville a postulé pour accueillir une équipe. Le Président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, m’a confirmé que nous avions de grandes chances d’être retenus. D’ici là nous aurons avancé sur la construction de la tribune et sur tant d’autres projets comme la Cité de la gastronomie, la rénovation du Musée des Beaux-Arts, du chauffage urbain, sur la classification des climats au patrimoine mondial de l’Unesco. Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine.

 

Notes

|1] François Rebsamen (PS) : Nous sommes la gauche et nous ne pouvons pas oublier de parler aux gens qui souffrent”

[2] François Rebsamen, résolument à gauche

|3] Thomas Thévenoud, kamikaze de la transparence

[4] Invité de Bruce Toussaint mardi matin, le ministre du Travail a fait part de son souhait que Pôle Emploi accentue ses contrôles, de façon à s'assurer que les chômeurs "recherchent bien un emploi".

[5] Communauté urbaine de Dijon : la machine est lancée

Partager cet article
Repost0
4 octobre 2014 6 04 /10 /octobre /2014 09:15
C’est pas facile de ne pas mépriser le peuple

Sources : Le Grand Soir parJean ORTIZ

  • C’est pas facile de vivre avec le Smic
  • c’est pas facile d’être ouvrière et mère célibataire
  • c’est pas facile de dormir sous des cartons
  • c’est pas facile d’être chômeur en fin de droits
  • c’est pas facile de basculer dans la misère
  • c’est pas facile de survivre en dessous du seuil de pauvreté
  • c’est pas facile d’accumuler les impayés
  • c’est pas facile d’être paysan chassé de sa terre
  • c’est pas facile de finir le mois à découvert
  • c’est pas facile d’être diplômé et précaire
  • c’est pas facile de rogner sur le chauffage l’hiver
  • c’est pas facile de n’avoir jamais vu la mer
  • c’est pas facile de regarder les autres partir en vacances
  • c’est pas facile d’inspirer la pitié
  • c’est pas facile de rester digne dans la dèche
  • c’est pas facile de renoncer au dentiste
  • c’est pas facile d’éviter l’ophtalmo
  • c’est pas facile de se nourrir low-cost
  • c’est pas facile de s’habiller chez Emmaüs
  • c’est pas facile de faire durer les chaussures
  • c’est pas facile de subir l’humiliation
  • c’est pas facile de rester calme quand un président se fout de ta poire
  • c’est pas facile de se taire lorsqu’il faudrait crier
  • c’est pas facile d’être caissière et de se syndiquer
  • c’est pas facile de manger de la viande une fois par mois
  • c’est pas facile d’assister au festin des nantis
  • c’est pas facile de sortir de la pensée unique
  • c’est pas facile d’échapper à TF1
  • c’est pas facile d’être « de gauche » sans relever de l’impôt sur les grandes fortunes
  • c’est pas facile de tenir ses promesses
  • c’est pas facile de ne pas trahir le peuple pour le Cac 40

......c’est pas facile de gouverner « à gauche » sous les ovations du Medef.

Partager cet article
Repost0
3 octobre 2014 5 03 /10 /octobre /2014 09:30
CETA-TAFTA, des traités jumeaux pour détruire la souveraineté des peuples

Source : Blog de Raoul Marc Jennar[1]

Le 18 octobre 2013, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le premier ministre canadien, Stephen Harper, ont conclu ce que la Commission appelle un « accord politique » sur les éléments essentiels d’un accord économique et commercial global (AÉCG) entre l’Union européenne et le Canada.

 

Les négociations avaient commencé commencé en 2009. Avec la complicité des gouvernements de l'Union Européenne, elles se sont tenues dans le plus grand secret. Jamais, les gouvernements qui ont donné le feu vert à la Commission européenne pour conduire ces négociations et signer cet « accord politique » n’ont informé leur Parlement et encore moins sollicité l’accord de celui-ci pour mener de telles négociations qui, pourtant, remettent en cause des choix de société fondamentaux

 

Si on a peu parlé jusqu’ici de ce projet de traité, c’est qu’il a fallu longtemps avant que des fuites permettent d’en connaître le contenu. Ce n’est que depuis début août qu’on dispose d’une version du document qui peut être considérée comme définitive (document de la Commission européenne du 5 août 2014 : CETA Consolidated text accompagné de la mention : This document is Limited and should hence not be distributed outside the EU institutions).

 

Demain, 25 septembre, à Ottawa, se tiendra un Sommet Canada-Union européenne où l’élite économique et politique va célébrer la conclusion de cet accord de libre-échange Canada-UE (AÉCG ou, en anglais, CETA pour Canada-EU Trade Agreement). Un accord qui va beaucoup plus loin que les accords de l'OMC dans le démantèlement des souverainetés démocratiques.

 

A l’instar du GMT/TAFTA, le CETA appartient à cette nouvelle génération de traités internationaux qui, sous couvert de commerce et de libre-échange, s’attaquent violemment à la Constitution, aux législations et aux réglementations des Etats chaque fois qu’elles constituent des « obstacles » à la libre concurrence, ces obstacles n’étant plus seulement les droits de douane et les réglementations douanières, mais aussi et bien plus, les normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, culturelles ou techniques en vigueur dans chacun de nos pays.

 

L’accord auquel ont abouti les négociateurs européens et canadiens se présente sous la forme d’un document de 521 pages complétées par 1000 pages d’annexes. A ce jour, ni la Commission européenne, ni le gouvernement français n’ont publié ce texte qui compte 46 chapitres.

 

 

 

 

 

 

On retrouve, dans ce CETA, une volonté générale inscrite comme objectif majeur de toutes les négociations en faveur du libre-échange depuis qu’existent les accords de l’Organisation Mondiale du Commerce : déréguler.

 

Et ce n’est pas le préambule de l’accord qui doit faire illusion. Si on y lit, avec beaucoup de solennité, le droit des parties de réguler sur leur territoire, on ne le lira plus par la suite. Or, en droit international, le préambule d’un accord n’a aucune force contraignante. C’est la suite du texte qui compte et on y trouve une foule de dispositions qui organisent très concrètement la limitation des Etats à réguler, l’interdiction d’introduire de nouvelles régulations et le droit des entreprises multinationales à imposer leurs volontés.

 

On reconnaît, dans ce CETA, les mêmes chapitres qui jalonnent le projet de grand marché transatlantique popularisé sous le sigle TAFTA.

 

 

 

 

On trouve donc la même volonté d’appliquer les principes et obligations de l’OMC comme le traitement national (accorder en France aux entreprises étrangères le même traitement que celui accordé  aux entreprises françaises, y compris dans les activités de service) et le traitement de la nation la plus favorisée (le traitement favorable accordé à un fournisseur d’un Etat doit être octroyé à tous les fournisseurs de tous les Etats membres de l’OMC : 0% de droit de douane sur un produit agricole en provenance d’un pays entraîne l’obligation d’appliquer 0% de droit de douane sur ce produit en provenance de tous les autres pays).

 

  • Comme le TAFTA, le CETA prévoit de réduire voire de supprimer les droits de douane en particulier dans le secteur agricole avec des conséquences très dommageables pour l’emploi dans l’agriculture européenne et pour la qualité des produits agricoles.

 

  • De nombreux articles traitent des droits des investisseurs (les multinationales), de la libéralisation et de la protection des investissements. Des listes de mesures que ne pourront plus prendre les Etats figurent dans le texte. Ainsi, par exemple, il ne sera plus possible de réguler l’usage des terres, de limiter la consommation des ressources naturelles, d’imposer des restrictions protégeant l’environnement, de limiter les autorisations en matière de télécommunication.

 

  • De même que dans le TAFTA, les dispositions de l’accord avec le Canada s’appliqueront non seulement aux Etats, mais aussi aux collectivités territoriales. Celles-ci n’auront plus le droit d’imposer des exigences de localisation ou de production locale à un investisseur canadien et elles ne pourront plus, dans les commandes publiques, donner la préférence à des produits ou des fournisseurs locaux.

 

  • Les investisseurs seront protégés contre toute forme d’expropriation directe ou indirecte car, désormais, la rentabilité de l’investissement sera fondée sur la stabilité réglementaire ou normative. Ce qui signifie que toute modification législative ou réglementaire en France dépendra désormais de l’accord des firmes canadiennes. C’est le droit des Etats à réguler qui est ainsi directement remis en question.

 

  • Le CETA, comme le TAFTA, crée la possibilité pour les firmes canadiennes de contester les lois et les réglementations et toute décision des pouvoirs publics au-travers d’un mécanisme de règlement des différends transférant ainsi des tribunaux nationaux vers une structure d’arbitrage privée le pouvoir de trancher un conflit entre une firme et une autorité publique. C’est la privatisation de l’exercice de la Justice qui est ainsi organisée.

 

  • Comme dans le TAFTA, le CETA a pour objectif de rendre compatibles les normes sociales, sanitaires, environnementales ou techniques en vigueur dans les Etats de l’UE et au Canada. En matière de normes sociales, on a appris que, pendant la négociation, le Canada avait proposé d’inclure une référence aux droits du travail tels qu’ils sont inscrits dans les conventions sociales de l’Organisation internationale du Travail, mais que la Commission européenne, soutenue par les 28 gouvernements, a refusé.

 

  • Comme dans le TAFTA, les activités de service sont directement visées. On y trouve la même volonté d’assimiler les fournisseurs de services publics aux fournisseurs privés et d’appliquer intégralement l’Accord général sur le Commerce des Services (AGCS), avec la volonté d’aller au-delà. A la différence du TAFTA, le CETA prévoit d’appliquer le mécanisme de règlement des différends également aux activités culturelles.

 

  • Comme dans le TAFTA, il est fait explicitement référence à l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle avec cette circonstance aggravante qu’on retrouve dans le CETA des dispositions de l’Accord Commercial sur les Contrefaçons (ACTA) qui fut rejeté en 2012 par le Parlement européen. En la matière, les dispositions en vue de protéger ces droits de propriété intellectuelle menacent directement les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques des citoyens.

 

A cet égard, il faut observer que dans ces deux traités de libre-échange, il n’est jamais fait référence au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ni au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tous deux de 1976, dont les principes sont très largement bafoués.

 

  • Comme dans le TAFTA, on crée dans le CETA une institution supranationale législative contraignante, dotée du double pouvoir de veiller au respect de l’accord et de poursuivre, après l’accord, le travail de dérégulation sans le moindre contrôle ultérieur des Etats. Ce qui réduit à néant toute utilité d’amender le texte comme certains le proposent.

 

Avec le CETA, comme avec le TAFTA, il s’agit de dépouiller les peuples de toute capacité de réguler et d’encadrer les activités du secteur privé, non seulement dans des domaines strictement industriels ou économiques, mais également dans des secteurs comme la politique sociale, la santé ou l’éducation. Plus aucune activité humaine ne doit échapper à la marchandisation. Et c’est à cela que souscrit le gouvernement français.

 

 

 

 

 

 

 

 

Il reste à espérer que le Parlement européen rejettera le CETA et le TAFTA, comme il en a le pouvoir. Si par malheur, il devait ratifier ces accords, alors les Parlements nationaux seront placés devant la responsabilité de refuser leur ratification. En effet, contrairement au point de vue exprimé par la Commission européenne, CETA comme TAFTA sont des « traités mixtes », c’est-à-dire des traités qui contiennent à la fois des matières qui relèvent de la compétence exclusive de l’UE et des matières sur lesquelles les Etats membres de l’UE gardent une pleine compétence. Dès lors, les Parlements nationaux sont fondés à s’exprimer. Et les peuples à faire pression sur leurs élus pour que soient rejetés ces dénis de souveraineté populaire. Comme ces matières requièrent l’unanimité des Etats membres, il suffit d’un Parlement pour mettre fin à ces nuisances majeures que sont le CETA et le TAFTA.

Raoul Marc JENNAR

 

Note :
[1] Membre du Parti de Gauche - Auteur de « Le grand marché transatlantique. La menace sur les peuples d’Europe », Perpignan.

 

La vérité sur le CETA ou AECG, Traité signé entre le Canada et l'Union européenne

 

ICI le texte du CETA ou AECG signé le 18 octobre 2014 à Ottawa entre le Canada et l'Union européenne signé, rendu public APRÉS sa signature et élaboration secrète !!!.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier TAFTA/TISA

- Un traité.... en cache un autre : vous avez aimé TAFTA ? Vous adorerez TISA !

- L’Europe et le Canada disent « oui » à la justice privée

Partager cet article
Repost0
2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 21:36
Portrait  : Elections en Uruguay... On l'appelle "PEPE"

On l’appelle familièrement « Pepe », diminutif espagnol de José. Imagine-t-on en France le peuple appeler un président « Pépé » ? La connotation « parrain », maffieuse du terme, l’interdit, même si l’éthique prend l’eau de toutes parts... Et même même... Nul n’oserait taxer de « pépé » Cahuzac, Thévenoud et consort... Cela tomberait sous le coup de la loi. En France, un homme politique peut souffrir de « phobie administrative » tout en restant député.

 

Sources : L'Humanité le blog de Jean Ortiz  15.09.2014

On l’appelle familièrement « Pepe », diminutif espagnol de José. Imagine-t-on en France le peuple appeler un président « Pépé » ? La connotation « parrain », maffieuse du terme, l’interdit, même si l’éthique prend l’eau de toutes parts... Et même même... Nul n’oserait taxer de « pépé » Cahuzac, Thévenoud et consort... Cela tomberait sous le coup de la loi. En France, un homme politique peut souffrir de « phobie administrative » tout en restant député.

Les URUGUAYENS l’appellent familièrement « Pepe », José Mugica. Le second président de gauche (2010-2014) de l’histoire du pays est devenu une curiosité alors que lui, vraiment, est tout à fait « normal», pas people pour deux sous, pas « différent » du tout de « l’Uruguayen moyen », du paysan, de l’ouvrier...

Elu président le 29 novembre 2009, le militant José Mugica a continué à vivre dans sa « chacra » (ferme) en compagnie de sa sénatrice d’épouse, et à produire des roses. Il va au turbin avec une voiture modeste de la présidence et un garde du corps (sa vieille coccinelle Wolkswagen de 1987 reste rangée au garage) ; il a refusé 90% du salaire présidentiel (9 400 euros). Il lui reste l’équivalent de 900 euros, le revenu moyen des Uruguayens. Bref, il vit comme avant de devenir président. Il ne fait pas semblant, s’habille modestement, n’a pas changé d’apparence pour la com., ne veut pas vivre dans la luxueuse résidence présidentielle. La fonction ne l’a pas changé. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Et alors ? Ce n’est pas si fréquent ; est-ce anormal pour autant ?

Dans les années 1960-1970, il fut guérillero « tupamaro », ce qui implique encore aujourd’hui jusque dans sa fonction, une cohérence entre un mode de vie et l’horizon recherché. Blessé de six balles, il fut arrêté et purgea 14 ans de prison, avec les traitements spéciaux propres aux militaires du cône sud, sans renier. Libéré en 1985, il rejoint le « Frente Amplio ». La coalition « Front large » de 21 partis, créée en 1971, va du centre-gauche à la gauche radicale, en passant par les communistes, le parti socialiste, le Mouvement de participation populaire de « Pepe »

Le Front brise le bipartisme et gagne pour la première fois les élections en 2004, et le maire de Montevideo, Tabaré Vasquez (centre-gauche) devient président.

Jusqu’en 2004 le pays avait subi la « dictamolle » du bipartisme, l’alternance au pouvoir de deux partis bourgeois créés en 1836 : les « colorados » (libéraux ) et les « blancos » (conservateurs), avec une terrible parenthèse (1973-1985) de dicta-dure civico militaire « gorille » et ultralibérale, made in USA.

La politique du Front large  n’est certes pas « la révolution », mais elle assure une « redistribution » plus équitable, développe des plans sociaux d’aide aux plus pauvres ; le taux pauvreté est passée de 40% en 2005 à 11,5% en 2013. Le taux de croissance atteint 4,4%, l’espérance de vie est de 76,4 ans, le taux d’alphabétisation de 98% chaque écolier a reçu un ordinateur.

Les bons indicateurs sociaux, la diversification de l’économie , la priorité à l’éducation (tous les enfants sont scolarisés), à la recherche, ne font pas oublier une inflation de 8,5%, un taux de chômage de 6,6% et une insécurité résiduelle.

Les réformes sociétales ont placé l’Uruguay au niveau des pays les plus avancés :

  • En avril 2013 : mariage homosexuel, dépénalisation de l’avortement en octobre 2012 et de la consommation de cannabis en décembre 2013
  • Une politique extérieure de « multilatéralisme », proche du Venezuela, de la Chine, de priorité à la coopération avec les pays du continent ; a rendu au pays sa souveraineté.

Cette politique et ce bilan, teintés cependant de concessions au néolibéralisme, sont vivement débattus à l’intérieur du Front Large ; il semble regagner peu à peu le terrain perdu en reculant devant des réformes de structure. L’extrême gauche ironise sur la « pseudo gauche »: on peut ne pas toucher son salaire et être « une canaille envers son peuple » (sur « Rebelion », Nora Fernandez, 27 mai 2014). Le propos est excessif, outré.

Les élections présidentielles et législatives du 26 octobre 2014 donnent pour l’heure l’avantage dans les sondages (40%) au « vieux » candidat du Frente Amplio, l’ex-président Tabaré Vasquez (2005-20010). Raul Sendic, fils du fondateur des « Tupamaros », a été désigné candidat à la vice-présidence pour le Front. Le symbole a du poids, du sens, et fait grincer beaucoup de dents.

Les deux candidats de la droite et de l’ultra-droite sont deux héritiers, deux jeunes-vieux réactionnaires.

Juan Luis Lacalle (41 ans) du parti « Blanco » et Pedro Bordaverry (« Colorado »), tous deux candidats de l’oligo-bourgeoisie, tous deux fils d’anciens présidents de triste mémoire, pourraient s’allier au deuxième tour si Tabaré Vasquez ne l’emporte pas au premier.

L’Uruguay a beau être un petit pays, l’enjeu n’échappe à personne. Washington est désormais engagé dans une stratégie de reconquête et voudrait, à l’occasion des prochains processus électoraux (Brésil, Bolivie, Uruguay), donner un coup d’arrêt aux nouveaux mouvements de libération en Amérique latine, isoler et déstabiliser les révolutions au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, à Cuba... Une stratégie en apparence plus « soft » qu’avec les dictatures militaires, mais le but ultime reste le même. Alors : Yankees : no, pueblos : si !!

- See more at: http://www.humanite.fr/blogs/elections-en-uruguay-lappelle-pepe-551696#sthash.Yluualsb.dpuf

On l’appelle familièrement « Pepe », diminutif espagnol de José. Imagine-t-on en France le peuple appeler un président « Pépé » ? La connotation « parrain », maffieuse du terme, l’interdit, même si l’éthique prend l’eau de toutes parts... Et même même... Nul n’oserait taxer de « pépé » Cahuzac, Thévenoud et consort... Cela tomberait sous le coup de la loi. En France, un homme politique peut souffrir de « phobie administrative » tout en restant député.

Les URUGUAYENS l’appellent familièrement « Pepe », José Mugica. Le second président de gauche (2010-2014) de l’histoire du pays est devenu une curiosité alors que lui, vraiment, est tout à fait « normal», pas people pour deux sous, pas « différent » du tout de « l’Uruguayen moyen », du paysan, de l’ouvrier...

Elu président le 29 novembre 2009, le militant José Mugica a continué à vivre dans sa « chacra » (ferme) en compagnie de sa sénatrice d’épouse, et à produire des roses. Il va au turbin avec une voiture modeste de la présidence et un garde du corps (sa vieille coccinelle Wolkswagen de 1987 reste rangée au garage) ; il a refusé 90% du salaire présidentiel (9 400 euros). Il lui reste l’équivalent de 900 euros, le revenu moyen des Uruguayens. Bref, il vit comme avant de devenir président. Il ne fait pas semblant, s’habille modestement, n’a pas changé d’apparence pour la com., ne veut pas vivre dans la luxueuse résidence présidentielle. La fonction ne l’a pas changé. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Et alors ? Ce n’est pas si fréquent ; est-ce anormal pour autant ?

Dans les années 1960-1970, il fut guérillero « tupamaro », ce qui implique encore aujourd’hui jusque dans sa fonction, une cohérence entre un mode de vie et l’horizon recherché. Blessé de six balles, il fut arrêté et purgea 14 ans de prison, avec les traitements spéciaux propres aux militaires du cône sud, sans renier. Libéré en 1985, il rejoint le « Frente Amplio ». La coalition « Front large » de 21 partis, créée en 1971, va du centre-gauche à la gauche radicale, en passant par les communistes, le parti socialiste, le Mouvement de participation populaire de « Pepe »

Le Front brise le bipartisme et gagne pour la première fois les élections en 2004, et le maire de Montevideo, Tabaré Vasquez (centre-gauche) devient président.

Jusqu’en 2004 le pays avait subi la « dictamolle » du bipartisme, l’alternance au pouvoir de deux partis bourgeois créés en 1836 : les « colorados » (libéraux ) et les « blancos » (conservateurs), avec une terrible parenthèse (1973-1985) de dicta-dure civico militaire « gorille » et ultralibérale, made in USA.

La politique du Front large  n’est certes pas « la révolution », mais elle assure une « redistribution » plus équitable, développe des plans sociaux d’aide aux plus pauvres ; le taux pauvreté est passée de 40% en 2005 à 11,5% en 2013. Le taux de croissance atteint 4,4%, l’espérance de vie est de 76,4 ans, le taux d’alphabétisation de 98% chaque écolier a reçu un ordinateur.

Les bons indicateurs sociaux, la diversification de l’économie , la priorité à l’éducation (tous les enfants sont scolarisés), à la recherche, ne font pas oublier une inflation de 8,5%, un taux de chômage de 6,6% et une insécurité résiduelle.

Les réformes sociétales ont placé l’Uruguay au niveau des pays les plus avancés :

  • En avril 2013 : mariage homosexuel, dépénalisation de l’avortement en octobre 2012 et de la consommation de cannabis en décembre 2013

  • Une politique extérieure de « multilatéralisme », proche du Venezuela, de la Chine, de priorité à la coopération avec les pays du continent ; a rendu au pays sa souveraineté.

Cette politique et ce bilan, teintés cependant de concessions au néolibéralisme, sont vivement débattus à l’intérieur du Front Large ; il semble regagner peu à peu le terrain perdu en reculant devant des réformes de structure. L’extrême gauche ironise sur la « pseudo gauche »: on peut ne pas toucher son salaire et être « une canaille envers son peuple » (sur « Rebelion », Nora Fernandez, 27 mai 2014). Le propos est excessif, outré.

Les élections présidentielles et législatives du 26 octobre 2014 donnent pour l’heure l’avantage dans les sondages (40%) au « vieux » candidat du Frente Amplio, l’ex-président Tabaré Vasquez (2005-20010). Raul Sendic, fils du fondateur des « Tupamaros », a été désigné candidat à la vice-présidence pour le Front. Le symbole a du poids, du sens, et fait grincer beaucoup de dents.

Les deux candidats de la droite et de l’ultra-droite sont deux héritiers, deux jeunes-vieux réactionnaires.

Juan Luis Lacalle (41 ans) du parti « Blanco » et Pedro Bordaverry (« Colorado »), tous deux candidats de l’oligo-bourgeoisie, tous deux fils d’anciens présidents de triste mémoire, pourraient s’allier au deuxième tour si Tabaré Vasquez ne l’emporte pas au premier.

L’Uruguay a beau être un petit pays, l’enjeu n’échappe à personne. Washington est désormais engagé dans une stratégie de reconquête et voudrait, à l’occasion des prochains processus électoraux (Brésil, Bolivie, Uruguay), donner un coup d’arrêt aux nouveaux mouvements de libération en Amérique latine, isoler et déstabiliser les révolutions au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, à Cuba... Une stratégie en apparence plus « soft » qu’avec les dictatures militaires, mais le but ultime reste le même. Alors : Yankees : no, pueblos : si !!

- See more at: http://www.humanite.fr/blogs/elections-en-uruguay-lappelle-pepe-551696#sthash.Yluualsb.dpuf

 

On l’appelle familièrement « Pepe », diminutif espagnol de José. Imagine-t-on en France le peuple appeler un président « Pépé » ? La connotation « parrain », maffieuse du terme, l’interdit, même si l’éthique prend l’eau de toutes parts... Et même même... Nul n’oserait taxer de « pépé » Cahuzac, Thévenoud et consort... Cela tomberait sous le coup de la loi. En France, un homme politique peut souffrir de « phobie administrative » tout en restant député.

Les URUGUAYENS l’appellent familièrement « Pepe », José Mugica. Le second président de gauche (2010-2014) de l’histoire du pays est devenu une curiosité alors que lui, vraiment, est tout à fait « normal», pas people pour deux sous, pas « différent » du tout de « l’Uruguayen moyen », du paysan, de l’ouvrier...

Elu président le 29 novembre 2009, le militant José Mugica a continué à vivre dans sa « chacra » (ferme) en compagnie de sa sénatrice d’épouse, et à produire des roses. Il va au turbin avec une voiture modeste de la présidence et un garde du corps (sa vieille coccinelle Wolkswagen de 1987 reste rangée au garage) ; il a refusé 90% du salaire présidentiel (9 400 euros). Il lui reste l’équivalent de 900 euros, le revenu moyen des Uruguayens. Bref, il vit comme avant de devenir président. Il ne fait pas semblant, s’habille modestement, n’a pas changé d’apparence pour la com., ne veut pas vivre dans la luxueuse résidence présidentielle. La fonction ne l’a pas changé. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Et alors ? Ce n’est pas si fréquent ; est-ce anormal pour autant ?

Dans les années 1960-1970, il fut guérillero « tupamaro », ce qui implique encore aujourd’hui jusque dans sa fonction, une cohérence entre un mode de vie et l’horizon recherché. Blessé de six balles, il fut arrêté et purgea 14 ans de prison, avec les traitements spéciaux propres aux militaires du cône sud, sans renier. Libéré en 1985, il rejoint le « Frente Amplio ». La coalition « Front large » de 21 partis, créée en 1971, va du centre-gauche à la gauche radicale, en passant par les communistes, le parti socialiste, le Mouvement de participation populaire de « Pepe »

Le Front brise le bipartisme et gagne pour la première fois les élections en 2004, et le maire de Montevideo, Tabaré Vasquez (centre-gauche) devient président.

Jusqu’en 2004 le pays avait subi la « dictamolle » du bipartisme, l’alternance au pouvoir de deux partis bourgeois créés en 1836 : les « colorados » (libéraux ) et les « blancos » (conservateurs), avec une terrible parenthèse (1973-1985) de dicta-dure civico militaire « gorille » et ultralibérale, made in USA.

La politique du Front large  n’est certes pas « la révolution », mais elle assure une « redistribution » plus équitable, développe des plans sociaux d’aide aux plus pauvres ; le taux pauvreté est passée de 40% en 2005 à 11,5% en 2013. Le taux de croissance atteint 4,4%, l’espérance de vie est de 76,4 ans, le taux d’alphabétisation de 98% chaque écolier a reçu un ordinateur.

Les bons indicateurs sociaux, la diversification de l’économie , la priorité à l’éducation (tous les enfants sont scolarisés), à la recherche, ne font pas oublier une inflation de 8,5%, un taux de chômage de 6,6% et une insécurité résiduelle.

Les réformes sociétales ont placé l’Uruguay au niveau des pays les plus avancés :

  • En avril 2013 : mariage homosexuel, dépénalisation de l’avortement en octobre 2012 et de la consommation de cannabis en décembre 2013
  • Une politique extérieure de « multilatéralisme », proche du Venezuela, de la Chine, de priorité à la coopération avec les pays du continent ; a rendu au pays sa souveraineté.

Cette politique et ce bilan, teintés cependant de concessions au néolibéralisme, sont vivement débattus à l’intérieur du Front Large ; il semble regagner peu à peu le terrain perdu en reculant devant des réformes de structure. L’extrême gauche ironise sur la « pseudo gauche »: on peut ne pas toucher son salaire et être « une canaille envers son peuple » (sur « Rebelion », Nora Fernandez, 27 mai 2014). Le propos est excessif, outré.

Les élections présidentielles et législatives du 26 octobre 2014 donnent pour l’heure l’avantage dans les sondages (40%) au « vieux » candidat du Frente Amplio, l’ex-président Tabaré Vasquez (2005-20010). Raul Sendic, fils du fondateur des « Tupamaros », a été désigné candidat à la vice-présidence pour le Front. Le symbole a du poids, du sens, et fait grincer beaucoup de dents.

Les deux candidats de la droite et de l’ultra-droite sont deux héritiers, deux jeunes-vieux réactionnaires.

Juan Luis Lacalle (41 ans) du parti « Blanco » et Pedro Bordaverry (« Colorado »), tous deux candidats de l’oligo-bourgeoisie, tous deux fils d’anciens présidents de triste mémoire, pourraient s’allier au deuxième tour si Tabaré Vasquez ne l’emporte pas au premier.

L’Uruguay a beau être un petit pays, l’enjeu n’échappe à personne. Washington est désormais engagé dans une stratégie de reconquête et voudrait, à l’occasion des prochains processus électoraux (Brésil, Bolivie, Uruguay), donner un coup d’arrêt aux nouveaux mouvements de libération en Amérique latine, isoler et déstabiliser les révolutions au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, à Cuba... Une stratégie en apparence plus « soft » qu’avec les dictatures militaires, mais le but ultime reste le même. Alors : Yankees : no, pueblos : si !!

- See more at: http://www.humanite.fr/blogs/elections-en-uruguay-lappelle-pepe-551696#sthash.Yluualsb.dpuf

Les URUGUAYENS l’appellent familièrement « Pepe », José Mugica. Le second président de gauche (2010-2014) de l’histoire du pays est devenu une curiosité alors que lui, vraiment, est tout à fait « normal», pas people pour deux sous, pas « différent » du tout de « l’Uruguayen moyen », du paysan, de l’ouvrier...

 

Elu président le 29 novembre 2009, le militant José Mugica a continué à vivre dans sa « chacra » (ferme) en compagnie de sa sénatrice d’épouse, et à produire des roses. Il va au turbin avec une voiture modeste de la présidence et un garde du corps (sa vieille coccinelle Wolkswagen de 1987 reste rangée au garage) ; il a refusé 90% du salaire présidentiel (9 400 euros). Il lui reste l’équivalent de 900 euros, le revenu moyen des Uruguayens. Bref, il vit comme avant de devenir président. Il ne fait pas semblant, s’habille modestement, n’a pas changé d’apparence pour la com., ne veut pas vivre dans la luxueuse résidence présidentielle. La fonction ne l’a pas changé. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Et alors ? Ce n’est pas si fréquent ; est-ce anormal pour autant ?

 

Dans les années 1960-1970, il fut guérillero « tupamaro », ce qui implique encore aujourd’hui jusque dans sa fonction, une cohérence entre un mode de vie et l’horizon recherché. Blessé de six balles, il fut arrêté et purgea 14 ans de prison, avec les traitements spéciaux propres aux militaires du cône sud, sans renier. Libéré en 1985, il rejoint le « Frente Amplio ». La coalition « Front large » de 21 partis, créée en 1971, va du centre-gauche à la gauche radicale, en passant par les communistes, le parti socialiste, le Mouvement de participation populaire de « Pepe »

 

Le Front brise le bipartisme et gagne pour la première fois les élections en 2004, et le maire de Montevideo, Tabaré Vasquez (centre-gauche) devient président.

 

Jusqu’en 2004 le pays avait subi la « dictamolle » du bipartisme, l’alternance au pouvoir de deux partis bourgeois créés en 1836 : les « colorados » (libéraux ) et les « blancos » (conservateurs), avec une terrible parenthèse (1973-1985) de dicta-dure civico militaire « gorille » et ultralibérale, made in USA.

 

La politique du Front large  n’est certes pas « la révolution », mais elle assure une « redistribution » plus équitable, développe des plans sociaux d’aide aux plus pauvres ; le taux pauvreté est passée de 40% en 2005 à 11,5% en 2013. Le taux de croissance atteint 4,4%, l’espérance de vie est de 76,4 ans, le taux d’alphabétisation de 98% chaque écolier a reçu un ordinateur.

 

Les bons indicateurs sociaux, la diversification de l’économie , la priorité à l’éducation (tous les enfants sont scolarisés), à la recherche, ne font pas oublier une inflation de 8,5%, un taux de chômage de 6,6% et une insécurité résiduelle.

 

 

- Les réformes sociétales ont placé l’Uruguay au niveau des pays les plus avancés :

  • En avril 2013 : mariage homosexuel, dépénalisation de l’avortement en octobre 2012 et de la consommation de cannabis en décembre 2013

  • Une politique extérieure de « multilatéralisme », proche du Venezuela, de la Chine, de priorité à la coopération avec les pays du continent ; a rendu au pays sa souveraineté.

 

Cette politique et ce bilan, teintés cependant de concessions au néolibéralisme, sont vivement débattus à l’intérieur du Front Large ; il semble regagner peu à peu le terrain perdu en reculant devant des réformes de structure. L’extrême gauche ironise sur la « pseudo gauche »: on peut ne pas toucher son salaire et être « une canaille envers son peuple » (sur « Rebelion », Nora Fernandez, 27 mai 2014). Le propos est excessif, outré.

 

Les élections présidentielles et législatives du 26 octobre 2014 donnent pour l’heure l’avantage dans les sondages (40%) au « vieux » candidat du Frente Amplio, l’ex-président Tabaré Vasquez (2005-20010). Raul Sendic, fils du fondateur des « Tupamaros », a été désigné candidat à la vice-présidence pour le Front. Le symbole a du poids, du sens, et fait grincer beaucoup de dents.

 

 

- Les deux candidats de la droite et de l’ultra-droite sont deux héritiers, deux jeunes-vieux réactionnaires.

Juan Luis Lacalle (41 ans) du parti « Blanco » et Pedro Bordaverry (« Colorado »), tous deux candidats de l’oligo-bourgeoisie, tous deux fils d’anciens présidents de triste mémoire, pourraient s’allier au deuxième tour si Tabaré Vasquez ne l’emporte pas au premier.

 

L’Uruguay a beau être un petit pays, l’enjeu n’échappe à personne. Washington est désormais engagé dans une stratégie de reconquête et voudrait, à l’occasion des prochains processus électoraux (Brésil, Bolivie, Uruguay), donner un coup d’arrêt aux nouveaux mouvements de libération en Amérique latine, isoler et déstabiliser les révolutions au Venezuela, en Bolivie, en Equateur, à Cuba... Une stratégie en apparence plus « soft » qu’avec les dictatures militaires, mais le but ultime reste le même. Alors : Yankees : no, pueblos : si !!

 

Pour en savoir plus :

- Biografía de José Mujica

Partager cet article
Repost0
1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 09:30
Une VIème République pour un nouvel ordre social favorable aux travailleurs

Institutions et les réalités socio-économiques sont interdépendantes.

Les arguments invoqués par Jean-Luc Mélenchon pour changer de constitution et proposer une sixième république sont souvent les suivants :

– le caractère monarchique et archaïque des institutions de la Ve République

– la déresponsabilisation politique et morale des élus pouvant conduire au non-respect des engagements tenus et à la corruption.

– La possibilité d’avoir recours à un référendum dérogatoire cernons tous les élus

– La nécessité d’introduire la règle verte dans la constitution

– faire inscrire dans la constitution des nouveaux droits des personnes

– « un mot d’ordre social », constitutionnalisant « la démocratie dans les entreprises »,

Un certain nombre de journalistes font remarquer, à juste titre, que bon nombre de français considérent comme prioritaires les problèmes d’emploi, de salaire, de logement, de santé, d’éducation et voient mal en quoi une sixième république, notion qui peut paraître abstraite, pourrait les résoudre. Et en effet, le lien pouvant exister entre la nature juridique des institutions et les conditions concrètes de vie des citoyens, n’est pas forcément évident à saisir.

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-PyrénéesHervé Debonrivage le

- Nous allons donc examiner un exemple concret d’une telle articulation entre cadre institutionnel et conditions de vie réelle des citoyens .

Il s’agit des possibilités de licenciement des salariés et notamment de la question des licenciements dits boursiers.

 

Nous allons voir, à la lumière d’une décision du conseil constitutionnel, en quoi l’interdiction des licenciements boursiers est impossible dans le cadre de la Ve République et même dans le cadre de dispositions datant de la révolution française de 1789.

 

 

 

 

 

 

Venons au fait. Nous nous référons à la loi de modernisation sociale votée le 17 janvier 2002 sous le gouvernement Jospin.

 

Cette loi comporte plusieurs volets :

  • Le titre I traite de la santé, de la solidarité, de la sécurité sociale.
  • Le titre II traite du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle.

 

- Le problème du licenciement est abordé dans ce titre II.

Le travail parlementaire concernant ce texte commence en mai 2000. Le Projet de loi de modernisation sociale, n° 2415 (rectifié) est déposé le 24 mai 2000 (urgence déclarée). Après multiples lectures et corrections des deux assemblées, le Projet de loi (T.A. 753)  est adopté par l’Assemblée nationale en lecture définitive le 19 décembre 2001 (T.A. 753).

 

Mais l’article 107 concernant la définition des critères de licenciement est contestée par plusieurs dizaines de parlementaires de droite. Ainsi a lieu une saisine du Conseil constitutionnel, en application de l'article 61 alinéa 2 de la constitution, par plus de soixante sénateurs, d’une part, et par plus de soixante députés, d’autre part, le 20 décembre 2001.

 

D’autres articles ont été contestés mais nous n’examinerons pas l’ensemble des décisions du conseil constitutionnel concernant ces protestations des parlementaires de droite. Nous centrons uniquement notre attention sur celui de l’article 107 concernant les licenciements boursiers.

 

- Cet article 107, qui avait été introduit sous la pression du groupe communiste, modifiait l’article L. 321– 1 du code du travail. Voici le texte de cet article 107.

"L’article L. 321-1 du code du travail est ainsi rédigé : « Art. L. 321-1. - Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise. « Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des trois causes énoncées à l’alinéa précédent. »"

 

Or cet article a été déclaré non conforme à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, juste avant la publication finale du 17 janvier 2002 où ne figure donc plus cet article.

 

 

 

 

 

Les arguments invoqués par le conseil constitutionnel sont : une atteinte à la liberté d’entreprendre du fait du " cumul des contraintes" et que cette nouvelle disposition "…va permettre au juge de s’immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l’entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d’entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d’entreprise ;…".

 

Le conseil constitutionnel va jusqu’à faire référence à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Remarquons aussi que la constitution de 1946, figurant en préambule de la constitution de 1958 est aussi invoquée.

 

La lecture du texte complet de cet arrêté est particulièrement instructive car elle montre en quoi les structures institutionnelles d’une république exercent une forte contrainte sur le droit social, notamment sur le droit des salariés.

 

- Nous reproduisons en annexe [1]  l’analyse de l’article 107 par le conseil constitutionnel que l’on peut consulter  en cliquant ici... (Lire l’arrêté à partir du numéro 43 SUR LE GRIEF TIRÉ DE L’ATTEINTE PORTÉE A LA LIBERTÉ D’ENTREPRENDRE PAR L’ARTICLE 107 ET PAR LE CHAPITRE 1ER DU TITRE II - En ce qui concerne l’article 107).

 

Mais l’on peut consulter aussi avec profit un commentaire détaillé de cet arrêté qui met bien en lumière le caractère libéral des institutions sur lesquelles repose notre république. Ainsi il est rappelé que la liberté d’entreprendre n’est autre chose que "l’ombre portée du droit de propriété", qui rappelons-le est considéré dans la déclaration des droits de l'Homme de 1789 déclaration des droits de l'Homme de 1789 comme un droit naturel (Article2), inaliénable et sacré (Article 17).

 

Il est donc facile de clamer lors des manifestations : "Halte aux licenciements boursiers ! " Mais il est beaucoup plus difficile de faire passer dans les faits cette légitime revendication car cela impose la mise en œuvre d’une VIème république susceptible de modifier certains principes issus de la révolution française, qui rappelons-le encore, était une révolution libérale. (Voir notre article sur le libéralisme ici...

 

 

 

 

 

 

 

 

La conception de l’entreprise rappelé par le conseil constitutionnel pourrait être toute autre dans le cadre d’une sixième république où le pouvoir et le droit des travailleurs seraient affirmés avec plus de force.

 

L’exemple précédent montre que la question d’une sixième république n’est pas hors-sol mais peut avoir une incidence importante sur le droit du travail contenu dans le code du travail.

 

 

 

 

 

Rappelons que le droit de grève est un droit constitutionnel affirmé dans l’article 7 du préambule de la constitution de 1946, préambule rappelé en préambule dans la constitution de 1958.

 

 

- On peut aussi se référer à un cas plus récent

C'est celui de la loi Duflot sur le logement et l’encadrement des loyers. Le 24 février 2014 des sénateurs et députés UMP avaient saisi (toujours vigilants pour défendre les intérêts des chefs d’entreprise et des propriétaires) le Conseil constitutionnel pour contester plusieurs points-clés de ce texte adopté par le Parlement le 20 février. L’essentiel des mesures ont été avalisées par le conseil constitutionnel mais certaines ont été remaniées créant ainsi un certain mécontentement de l’association Droit au logement. Pour en savoir plus, Cliquez ICI...

 

Dans le cadre d’une VIème république, moins favorable aux propriétaires, le texte aurait très bien pu ne pas être remanié.

On constate donc, à la lumière de ces exemples, que l’exigence d’une VIème République, plus démocratique et plus sociale que la Vème, pourrait avoir des effets très concrets sur la vie réelle des gens tels des questions vitales comme l’emploi et le logement.

 

 

 

 

 

 

 

 

Annexe [1]  : décision du conseil constitutionnel

43. Considérant que l’article 107 de la loi déférée modifie l’article L 321-1 du code du travail en remplaçant la définition du licenciement économique issue de la loi no 89-549 du 2 août 1989 par une nouvelle définition ainsi rédigée : « Constitue unlicenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pourun ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification du contrat de travail, consécutives soit à des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles s’appliquent non seulement dans l’hypothèse d’une suppression ou transformation d’emploi mais également en cas de refus par un salarié d’une modification de son contrat de travail ; qu’en vertu de l’article L 122-14-4 du même code, la méconnaissance de ces dispositions ouvre droit, en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois ;

 

44. Considérant que les requérants soutiennent que cette nouvelle définition porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ; qu’en limitant, par la suppression de l’adverbe « notamment », la liste des situations économiques permettant de licencier, « le législateur écarte des solutions imposées par le bon sens comme la cessation d’activité » ; que la notion de « difficultés sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen » va permettre au juge de s’immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l’entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d’entreprendre,du pouvoir de gestion du seul chef d’entreprise ; que les notions de « mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l’entreprise » ou de « nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » constituent des « formules vagues » dont la méconnaissance sera néanmoins sanctionnée par les indemnités dues en l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;

 

45. Considérant que le Préambule de la Constitution réaffirme les principes posés tant pas la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que par le Préambule de la Constitution de 1946 ; qu’au nombre de ceux-ci, il y a lieu de ranger la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ainsi que les principes économiques et sociaux énumérés par le texte du Préambule de 1946, parmi lesquels figurent, selon son cinquième aliéna, le droit de chacun d’obtenir un emploi et, en vertu de son huitième alinéa, le droit pour tout travailleur de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ;

 

46. Considérant qu’il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de la Constitution de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit pour chacun d’obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;

 

47. Considérant, en premier lieu, que la nouvelle définition du licenciement économique résultant de l’article 107 de la loi déférée limite aux trois cas qu’elle énonce les possibilités de licenciement pour motif économique à l’exclusion de toute autre hypothèse comme, par exemple, la cessation d’activité de l’entreprise ;

 

48. Considérant, en deuxième lieu, qu’en ne permettant des licenciements économiques pour réorganisation de l’entreprise que si cette réorganisation est « indispensable à la sauvegarde de l’activité de l’entreprise » et non plus, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise, cette définition interdit à l’entreprise d’anticiper des diffi cultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants ;

 

49. Considérant, en troisième lieu, qu’en subordonnant les licenciements économiques à « des difficultés économiques sérieuses n’ayant pu être surmontées par tout autre moyen », la loi conduit le juge non seulement à contrôler, comme c’est le cas sous l’empire de l’actuelle législation, la cause économique des licenciements décidés par le chef d’entreprise à l’issue des procédures prévues par le livre IV et le livre III du code du travail, mais encore à substituer son appréciation à celle du chef d’entreprise quant aux choix entre les différentes solutions possibles ;

 

50. Considérant que le cumul des contraintes que cette définition fait ainsi peser sur la gestion de l’entreprise a pour effet de ne permettre à l’entreprise de licencier que si sa pérennité est en cause ; qu’en édictant ces dispositions, le législateur a porté à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi du maintien de l’emploi ; que, dès lors, les dispositions de l’article 107 doivent être déclarées non conformes à la Constitution ;

 

– En ce qui concerne l’ensemble du chapitre 1er du titre II

51. Considérant que l’article 99 de la loi déférée modifie l’article L 321-3 du code du travail pour préciser que la procédure de consultation du comité d’entreprise prévuepar le chapitre premier du titre II du livre III ne peut être engagée qu’après l’achèvement de la procédure de consultation prévue par les premier et deuxième chapitres du titre III du livre IV du code du travail ; que l’article 101 remplace le deuxième alinéa de l’article L 432-1 du même code par six alinéas qui disposent que la consultation du comité d’entreprise au titre du livre IV comporte deux réunions et que le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert-comptable ; que l’article 106 insère dans le même code un article L 432-1-1 qui prévoit qu’en cas de projet de cessation totale ou partielle d’activité d’un établissement ou d’une entité économique autonome ayant pour conséquence la suppression d’au moins cent emplois, les parties peuvent faire appel, en cas de divergence importante, à un médiateur ; qu’enfin, l’article 116 modifie les deux derniers alinéas de l’article L 321-7 du même code pour prévoir qu’à l’issue de la procédure de consultation au titre du livre III, le plan de sauvegarde de l’emploi définitivement arrêté est transmis par l’employeur à l’autorité administrative compétente qui peut en constater la carence éventuelle ; que, dans cette hypothèse, l’employeur est tenu d’organiser une réunion supplémentaire du comité d’entreprise en vue d’un nouvel examen du plan de sauvegarde de l’emploi ;

 

52. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions conduiraient à un allongement excessif des procédures de licenciement collectif pour motif économique, qui constituerait une atteinte manifeste à la liberté d’entreprendre ;

 

53. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il incombe au législateur, dans le cadre de la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, d’assurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de la Constitution de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour définir les conditions et garanties de mise en oeuvre du droit pour tout travailleur de participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises, il peut apporter à la liberté d’entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ;

 

54. Considérant que le législateur a encadré de façon précise les différentes phases de la procédure de licenciement collectif pour motif économique dans laquelle on ne saurait inclure, comme le soutiennent les requérants, la durée du congé de reclassement prévu à l’article L 321-4-3 du code du travail dans sa rédaction résultant de l’article 119 de la loi déférée ; qu’ainsi, les deux réunions du comité d’entreprise prévues par l’article L 432-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 101 de la loi déférée, sont séparées par un délai d’au moins quinze jours et d’au plus vingt et un jours lorsque le comité d’entreprise a désigné un expert-comptable ; que, de même, dans l’hypothèse résultant de l’article 106 de la loi déférée, le médiateur doit être saisi au plus tard dans les huit jours suivant l’issue de la procédure d’information et de consultation prévue au livre IV du code du travail ; que la durée de sa mission ne peut, à défaut d’accord entre les parties, excéder un mois ; que les parties disposent d’un délai de cinq jours pour lui faire connaître par écrit leur acceptation ou leur refus de sa recommandation ; qu’en vertu de l’article L 321-7, dans sa rédaction résultant de l’article 116 de la loi déférée, l’autorité administrative compétente dispose d’un délai de huit jours pour constater la carence éventuelle du plan de sauvegarde de l’emploi ; que, dans cette hypothèse, le comité d’entreprise disposed’un délai de deux jours ouvrables suivant la notification du constat de carence pour demander une réunion supplémentaire ; qu’en aménageant ainsi les délais des procédures de consultation du comité d’entreprise, le législateur n’a pas porté à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l’objectif poursuivi ;

Décide Article premier — l’article 107 est déclaré contraire à la Constitution Source ICI...

 

Hervé Debonrivage

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

- Dans une VIème République si on passait de la "réparation financière" du licenciement.... au droit à l'emploi !

Partager cet article
Repost0
26 septembre 2014 5 26 /09 /septembre /2014 09:00
Pour « Une VIe République sociale, écologique et démocratique »

Membre du Parti de gauche, animateur de la commission "pour la constituante et la VIe République", Clément Sénéchal explique la nécessité d’une nouvelle constitution pour restaurer la démocratie autant que pour repolitiser la société.

 

Sources :  Regard.fr

- Regards. Le Parti de gauche lance un appel à faire élire une assemblée constituante pour passer à une VIe République. Le contexte politique turbulent actuel semble propice, les médias évoquent même une "crise de régime"…

Clément Sénéchal : On peut en effet parler de crise de régime : l’abstention est à 56% et progresse tendanciellement d’année en année, l’extrême droite à 25% loin devant les autres partis. Le parti au pouvoir est en capilotade générale : il a trahi aussi bien son aspiration historique que son programme politique. Par ailleurs, alors qu’on nous avait promis une "présidence normale", des affaires sortent tous les jours… On a un député qui ne paie pas ses propres impôts alors qu’il est chargé de voter ceux des Français – et qu’il est de surcroît membre de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et de la Commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac – et nous ne disposons d’aucun moyen institutionnel pour le dégager ! Pour continuer dans le grotesque, Valls annonce qu’il n’acceptera pas sa voix lors du vote de confiance, au mépris le plus complet des droits et prérogatives du Parlement, de la séparation entre l’exécutif et le législatif. Les gars planent complètement. Quant au président François Hollande, il apparaît aujourd’hui comme ultra minoritaire dans l’opinion publique et sa légitimité est en lambeaux : or la dimension césariste et plébiscitaire du pouvoir présidentiel est la clé de voute de la Ve République.

 

 

- Regards. Le FN de Marine Le Pen affirme qu’il faudrait simplement améliorer la Ve, notamment en introduisant davantage de proportionnelle dans les élections législatives ou en instituant un référendum révocatoire. Pourquoi cela ne suffirait-il pas ?

Clément Sénéchal : Le FN ne parle plus de référendum révocatoire et veut juste la proportionnelle pour accéder au parlement. Mais la proportionnelle ne changerait rien au fait que les députés sont impuissants face à la prééminence législative de l’exécutif, c’est-à-dire en réalité de l’Élysée : aujourd’hui, plus de 90% des lois adoptées émanent du gouvernement. Nous avons besoin d’un changement plus global. Le régime actuel n’est pas républicain, mais présidentiel-monarchique. « J’ai essayé d’opérer la synthèse entre la République et la monarchie », avouait De Gaulle lui-même. De fait, la Constitution de 1958 a été adossée à un putsch (les parachutistes ont pris la Corse) du Général, qui a utilisé l’armée pour mettre la pression sur le peuple et les instances politiques en place. Il a dessiné une Constitution à sa main qui instaure un pouvoir personnel, fondamentalement séparé du peuple : la délibération collective et l’expression populaire se trouve violemment expulsés de l’institution publique. Je signale d’ailleurs que cette Constitution est la seule de notre histoire à ne pas avoir été rédigée par une Constituante.

 

« Faire de cette constituante un grand moment de repolitisation de la société »

 

 

 

- Regards. De quoi cette constitution est-elle l’infrastructure politique ?

Clément Sénéchal : En réalité la Ve est taillée pour maintenir l’ordre capitaliste. Remarquons comme Marx que même la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité), célèbre « l’homme égoïste » et garantit la continuité du capitalisme en sacralisant la propriété privée d’une part, en consacrant les « distinctions sociales » dès son article 2, d’autre part. C’est en définitive un projet profondément inégalitaire, corrélé aux intérêts particuliers de la bourgeoisie naissante. Pour en revenir à notre époque, je pense qu’en distillant dans le corps social l’habitude de ne pas s’occuper des affaires publiques, c’est-à-dire en anesthésiant dans chaque être humain l’être politique, la Ve République instaure l’indolence et la domestication nécessaires à la continuité du travail productif capitaliste. Dépossession politique et dépossession économique sont les deux faces d’une même médaille, celle d’une tyrannie douce et silencieuse. Le capitalisme est tout autant un ordre juridique qu’un ordre économique. Il faut donc s’intéresser à la manière dont sont fabriquées et promulguées les lois. Ajoutons qu’aujourd’hui, le capital débridé par la néolibéralisation du monde occidental détient les grands groupes médiatiques et se trouve donc en position de faire et défaire les élections, en surexposant ses commis et en discréditant constamment les forces révolutionnaires.

 

 

- Regards. Mais même si l’on élit une assemblée constituante, il paraît peu probable qu’elle décide d’abolir la propriété privée… En Tunisie, où le processus a plutôt été positif par ailleurs, la nouvelle constitution n’est pas franchement socialiste.

Clément Sénéchal : Nous ne sommes jamais sûr de rien en démocratie, c’est toute sa noblesse. Ce sera bien sûr aux élus de l’assemblée constituante de décider. Mais ce que l’on cherche au Parti de gauche, c’est d’abord de faire de cette constituante un grand moment de repolitisation de la société. Le mal du siècle, c’est la dispersion, l’atomisation, la pensée réduite au petit périmètre de sa propre vie parce que la vie est précaire et que la concurrence comme mode de gouvernement généralise la guerre de tous contre tous : d’où la difficulté de retrouver des signifiants communs pour se constituer en puissance collective. L’infrastructure néolibérale fait que chacun reste dans son coin, entre amertume, mépris et nihilisme. Les passions tristes dominent. Or je crois que ceci est en grande partie lié au fait que le système institutionnel est verrouillé. Créer une grande campagne autour de la constituante peut donc être un moyen de recréer du jeu démocratique, de réimpliquer la multitude pour la constituer en peuple. De son côté, le PG fera évidemment tout pour défendre sa conception d’une VIe République véritablement sociale, écologique et démocratique. Et nous avons bien vu lors du référendum pour le TCE en 2005 que lorsque l’on pose des vraies questions politiques et institutionnelles aux gens et qu’on leur donne le temps de s’informer, de se réunir et de débattre, cela peut donner des résultats étonnants.

 

« Les députés ne se penseraient pas comme les représentants, mais comme les subordonnés du peuple »

 

 

 

 

- Regards. Pour le Parti de gauche, à quoi ressemblerait la VIe République idéale ?

Clément Sénéchal : C’est en discussion. Nous voulons un régime parlementaire avec une ventilation régulière des élus, une limitation du cumul et du renouvellement des mandats et la généralisation de la proportionnelle, seul système qui permette la parité. Le Parlement serait à l’origine des lois car lui seul représente les citoyens dans leur diversité. Les députés ne se penseraient pas comme les représentants, mais comme les subordonnés du peuple. L’exécutif serait désigné par le parlement : il faut en finir avec cette absurdité qu’est l’élection d’un chef suprême au suffrage universel, qui confère au monarque l’illusion d’une légitimité divine et le sentiment d’un pouvoir absolu, face auquel aucun contre-pouvoir ne peut se soutenir véritablement. Et puis croire que l’on peut diriger un pays seul, doué d’une omniscience totale, est une fable aussi absurde que dangereuse.

 

 

- Regards. Comment repenser le fonctionnement démocratique ?

Clément Sénéchal : On peut imaginer de combiner la démocratie représentative avec des éléments de démocratie directe, en ayant recours par exemple aux pétitions législatives et aux référendums d’initiative populaire, tel que le référendum révocatoire, qui aurait l’effet vertueux d’instaurer une culture du mandat impératif, afin d’en finir avec des "promesses" qui ne dupent plus personne, tout en réaffirmant la supériorité des programmes sur les hommes particuliers. Enfin, il est indispensable d’instituer des formes de démocratie au-delà de la sphère politique, en particulier dans l’entreprise : aujourd’hui les travailleurs n’ont pas leur mot à dire sur le travail ni sur le fruit de leur travail, leur destin dépend des mouvements d’humeur de fonds de pension planqués aux quatre coins de la planète, c’est-à-dire de la cupidité d’individus avec lesquels ils n’ont aucun lien humain. C’est d’une violence inouïe. Au moins l’esclave savait qui était son oppresseur.

 

 

- Regards. Les partisans du régime présidentiel actuel aiment à rappeler que le régime parlementaire des IIIe et IVe Républiques était marqué par une forte instabilité ministérielle...

Clément Sénéchal : La situation actuelle prouve l’inanité de cette critique. C’est bien l’absence de représentativité qui créé actuellement de l’instabilité. Représentativité, légitimité populaire et stabilité ne sont pas ennemis, bien au contraire. Les tenants de l’ordre illégitime devront admettre que l’instabilité c’est la démocratie. Et puis il faut arrêter de diaboliser la IIIe et la IVe République : le CNR et le Front populaire ont obtenu des réalisations sociales à faire pâlir d’envie la Ve République. De plus, il suffit de voir ce qui se passe en Allemagne pour sav.

 

« Le FN n’est pas favorable à une VIe République : il peut très bien s’emparer des institutions de la Ve »

 

 

 

 

- Regards. Jean-Luc Mélenchon a insisté sur la possibilité pour les citoyens de révoquer les élus, y compris le président, par référendum. Il suffirait par exemple que 5% des inscrits sur la liste signent une demande pour que soit organisé un référendum révocatoire. Il y a un an, ce sont les militants de la Manif pour tous qui se seraient saisis de ce recours. Ce genre de dispositif ne risque-t-il pas de profiter surtout aux forces réactionnaires ?

Clément Sénéchal : Pas sûr : je pense qu’une large frange de la Manif pour tous est légitimiste vis-à-vis des institutions de la Ve. Je remarque ensuite que cet argument est le même que celui qu’utilisent PS et UMP depuis des années pour justifier le "vote utile" : surtout ne changeons rien sinon ce sont les "extrêmes" qui remporteront la mise… En plus de miner profondément l’idée-même de démocratie, l’argument semble aujourd’hui de toute façon caduque. Il faut bien comprendre que même sans rien changer au système, il y a des chances que le FN arrive au pouvoir en 2017. Il y a une désaffection telle que l’argument du "vote utile" ne fonctionne plus, et l’abstention a toutes les chances de remporter la mise. Ainsi, même sans nécessairement accroître son poids électoral, le FN peut prendre le pouvoir. En effet, comme la Ve ne reconnaît pas le vote blanc, une force minoritaire dans le pays peut très bien s’imposer : il lui suffit d’obtenir le plus fort pourcentage des votants, quand bien même la part de ces votants représenterait 0,1% des inscrits. Aux européennes, le FN n’a pas élargi sa base électorale, il n’a fait que récupérer ses voix de la présidentielle. Il doit donc ses sièges à l’abstention de ceux qui votaient d’habitude pour ses adversaires. C’est d’ailleurs pour cette raison que le FN n’est pas favorable à une VIe République : il peut très bien s’emparer des institutions de la Ve ! D’autant qu’elles sont parfaites pour gouverner de manière autoritaire.

 

 

- Regards. Le militant Étienne Chouard souhaite que l’assemblée constituante soit tirée au sort, notamment pour écarter les professionnels de la politique et ceux qui désirent trop le pouvoir…Qu’en pensez-vous ?

Clément Sénéchal : Ce n’est pas forcément un problème de vouloir ou d’avoir le pouvoir. Les hommes dignes veulent du pouvoir sur leur vie, sur leur destin : c’est une aspiration tout à fait noble. Le problème, c’est de savoir ce que l’on en fait. Les partisans du tirage au sort font le bon diagnostic : le système actuel est vicié. Mais ils apportent la mauvaise solution. D’abord le pouvoir des lois tient à leur légitimité : or je ne crois pas que la légitimité se décrète facilement. Ainsi, je ne suis pas sûr que les gens se soumettront à des lois ou des décisions prises par des gens qui procèdent de l’arbitraire et du hasard, des inconnus sans histoire ni programme. Pas moi, en tout cas. De fait, le tirage au sort signe la fin des campagnes (qui peuvent, à moins qu’on en change les règles, être de grands moments d’éducation populaire), de l’élaboration collective de programmes, de la responsabilité vis-à-vis des citoyens (qui ne sont plus électeurs) et donc risque bien d’accentuer la dépolitisation de la société

.

« Si l’on change le jeu institutionnel, on pourra espérer recréer de l’élan
collectif »

 

 

 

 

- Regards. On ne peut pas imaginer que le tirage au sort produise de la mobilisation politique ?

Clément Sénéchal : Aujourd’hui, nous avons au moins le droit de voter, de temps à autres, bien trop rarement tout le monde est d’accord : avec le tirage au sort nous n’aurons même plus à nous déplacer aux urnes. La passivité serait complète. La constituante doit être un moment de délibération qui engage tout le pays : pas un coup de dé prononcé par un ordinateur qui ne concerne que quelques-uns. La République c’est la raison, pas le sort. Et puis cela dénote une méfiance insupportable vis-à-vis de la figure du militant, qui est d’abord un citoyen engagé : autrement dit une forme de méfiance envers l’engagement, concret, matérialisé par une constance au sein d’un collectif. Je crois que la société souffre plutôt du désengagement. Pour éviter les conflits d’intérêts, il y a une solution simple : les délégués à la Constituante ne pourront être désignés parmi les parlementaires sortants, ni candidater à des mandats ultérieurs.

 

 

- Regards. Les partisans du tirage au sort rêvent peut-être d’un processus constituant qui ne se fasse pas sous la houlette d’un parti classique à l’ancienne comme le Parti de gauche…

Clément Sénéchal : Je suis convaincu que le parti reste un vecteur de politisation incontournable. Certes, le parti de masse va mal. Mais si l’on change le jeu institutionnel, on pourra espérer recréer de l’élan collectif. Les indignés espagnols se sont bien constitués en parti avec Podemos. Quant au mouvement Occupy Wall Street, il a précisément souffert de l’absence de structuration et de débouchés politiques. Sans règle de fonctionnement, le collectif meurt. Mais, par ailleurs, cette aspiration sera aussi portée par un mouvement large et ouvert, avec l’appui de Jean-Luc Mélenchon (voir m6r.fr), qui reste viscéralement radical et inventif. Par ailleurs, les partisans de gauche du tirage au sort commettent une erreur classique : croire que les classes dominées ont une conscience de classe spontanée. La classe en soi ne devient pas une classe pour soi subitement, surtout aujourd’hui où la tertiarisation de l’économie, la flexibilisation du travail et la financiarisation des capitaux tend à dissoudre les solidarités professionnelles. Il faut donc nécessairement des médiations collectives et instituées. D’ailleurs, à chaque fois, dans l’histoire, qu’il y a eu des avancées sociales importantes, cela s’est justement produit via des collectifs organisés, des syndicats, des partis.

 

 

- Regards. On ne peut pas espérer que, dans un tel processus constituant, le citoyen émerge de l’individu pour défendre un intérêt collectif ?

Clément Sénéchal : Pour un salarié précaire et isolé, le capitalisme est un environnement naturel. Tiré au sort, je ne suis pas sûr qu’il devienne d’un seul coup un héraut du socialisme et du partage des richesses, c’est-à-dire qu’il ait automatiquement la faculté de transcender son intérêt personnel vers l’intérêt général. Et puis tout porte à croire qu’un individu qui ne bénéficie pas de l’assise, du soutien et de la protection d’un collectif humain sera exposé aux sirènes vertigineuses des lobbies capitalistes, qui ne s’avoueront pas vaincus, loin de là. En fait, les adeptes du tirage au sort réhabilitent le mythe naïf d’une nature humaine ontologiquement bonne. Moi je pense qu’il ne faut faire confiance à personne. Il faut revenir à la question posée par Bourdieu dans Raisons pratiques : un acte désintéressé est-il possible ? Non, répond Bourdieu. Et il n’est peut-être même pas souhaitable qu’un individu engagé dans la société fasse sienne une telle maxime. Ce qui compte, c’est plutôt de faire en sorte que le dispositif institutionnel, c’est-à-dire la règle du jeu matérialisée, contraigne l’intérêt individuel à s’aligner sur l’intérêt général et parvienne donc à combiner les deux. Pour le dire autrement, il faut trouver un régime qui demeure vertueux quand bien même il ne serait peuplé que d’ignobles.

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

Pour « Une VIe République sociale, écologique et démocratique »
Partager cet article
Repost0
21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 09:10
La région arabophone, entre changement progressiste et barbarie. Entretien avec Gilbert Achcar

Dans cet entretien, Gilbert Achcar[1] revient sur son dernier ouvrage publié en français, Le Peuple veut, et fournit un bilan provisoire, un bilan d’étape des processus révolutionnaires dans la région arabophone.

 

Sources :  Contretemps - entretien réalisé par Félix Boggio Ewanjé-Epée le 09/03/2014

- Contretemps : Dans votre dernier livre, vous donnez une place très importante à la nature du capitalisme dans la région qui s’étend de l’Afrique du Nord au Moyen Orient. Pouvez-vous définir en quelques mots ce que vous entendez par « capitalisme patrimonial et rentier » ? Comment se fait-il que cette forme de capitalisme ait pris racine dans l’ensemble de la région Afrique du Nord / Moyen Orient ? 

Gilbert Achcar : Je parle d’Etats patrimoniaux et rentiers, et non de « capital patrimonial et rentier ». La région arabe, que j’appelle également « espace arabophone » pour éviter toute confusion avec une description « ethnique », est une concentration unique au monde d’Etats à la fois patrimoniaux et rentiers, ces deux caractéristiques étant ici étroitement liées. Il s’agit bien, dans leur majorité, d’Etats patrimoniaux au sens classique de la catégorie wébérienne, avec une minorité d’Etats néo-patrimoniaux. La différence, c’est que dans le patrimonialisme classique, les familles régnantes (formule qui s’applique aussi bien aux monarchies qu’aux soi-disant républiques dans la région) possèdent littéralement l’Etat et ne se contentent pas de l’exploiter à la manière des pratiques néo-patrimoniales. Les dirigeants patrimoniaux peuvent tous dire « l’Etat, c’est moi » à l’instar de la formule attribuée à Louis XIV.

 

Il s’agit également d’Etats rentiers, au sens où une partie importante, sinon prédominante, des revenus étatiques provient de rentes diverses – d’abord et avant tout la rente liée aux hydrocarbures, bien entendu, mais aussi d’autres formes de rentes, dont la plupart sont dérivées de la première, tels que les rentes dites « stratégiques » que versent les Etats pétroliers à certains Etats prédateurs dans la région (l’Irak et la Syrie baassistes en constituaient un bon exemple). Les financements occidentaux octroyés à certains régimes, comme ceux que versent les Etats-Unis à l’Egypte et à la Jordanie, relèvent également de cette dernière catégorie.

 

Ces deux caractéristiques dominantes des Etats de la région – étroitement liées à sa richesse en hydrocarbures, qui apparaît dès lors comme une « malédiction du pétrole » – déterminent un type particulier de capitalisme, ce que j’ai décrit comme étant une modalité régionale particulière du mode de production capitaliste. Le capitalisme régional est de manière fortement prépondérante un capitalisme « politiquement déterminé » (encore un concept que j’emprunte à Weber), c’est-à-dire un capitalisme dont le sort ne dépend pas du marché, mais de ses relations avec le pouvoir étatique. En outre, le caractère despotique des régimes régionaux crée un contexte d’arbitraire et d’imprévisibilité qui est aux antipodes des conditions d’épanouissement d’un capitalisme idéal-typique, agent de développement économique et social.

 

 

- Contretemps : Si l’on suit votre raisonnement, il semblerait que la synchronisation des processus révolutionnaires arabes soit fortement corrélée à une économie politique commune. Comment expliquer cette corrélation ?

Gilbert Achcar : Oui, c’est bien cette économie politique commune, comme vous dites, qui explique l’extension fulgurante du soulèvement, parti de Tunisie, à l’ensemble des pays de l’espace arabophone, de la Mauritanie jusqu’à la Syrie et à l’Irak. Il y a certes un ensemble de facteurs – linguistique, culturel et historique – qui sous-tend le fait que ces pays constituent une entité géopolitique commune. Et certes encore, ces facteurs ont été considérablement renforcés par l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le rôle de la télévision satellitaire dans la création d’un « espace public » arabophone bien plus pluraliste que ce qui existait auparavant dans la plupart des pays de la région a été largement souligné, et il est indéniablement important. De même les réseaux de communication rendus possible par l’Internet, et notamment les réseaux sociaux, ont été de puissants facteurs de synchronisation. Toutefois, les soulèvements ne se transmettent pas par simple contagion en l’absence d’un terrain favorable.

 

Afin qu’il y ait contagion révolutionnaire, il faut que les conditions de l’embrasement soient réunies. C’est ici qu’intervient cette économie politique commune, cette modalité particulière du mode de production capitaliste qui fait que le développement de la région est bloqué depuis des décennies, même en comparaison des autres ensembles géopolitiques afro-asiatiques. Le blocage de la croissance a produit très naturellement un chômage massif, les Etats arabes détenant le record mondial des taux de chômage, depuis plusieurs décennies également. Ce chômage est aggravé paradoxalement par la richesse relative de la région qui fait que celles et ceux qui sont disposés à se contenter des palliatifs de « l’économie informelle » sont proportionnellement moins nombreux ici que dans les régions comparables. Il s’agit très majoritairement d’un chômage de jeunes, avec une proportion élevée de jeunes diplômé/es. C’est là, dans cette source majeure de frustration de la jeunesse, que réside la médiation la plus directe entre le blocage économique et le soulèvement.

 

 

- Contretemps : Pour approfondir un peu plus cette question, est-ce que l’on peut tracer un lien entre le capitalisme patrimonial d’une part, et d’autre part les aspects et revendications démocratiques des soulèvements arabes ?

Gilbert Achcar : Tout mécontentement qui plonge ses racines dans une condition socio-économique finit par se politiser au contact de la répression étatique, encore plus lorsqu’il se traduit en protestation de masse. C’est ainsi que ce qui a démarré avec des revendications portant sur l’emploi et le revenu a très vite évolué en volonté de renversement des régimes : « le peuple veut renverser le régime » dit le slogan le plus répandu du soulèvement régional, auquel j’ai emprunté le titre de mon ouvrage. La politisation et la radicalisation révolutionnaire sont d’autant plus rapides que le régime est oppressif et que son caractère corrompu saute aux yeux. Le rejet d’un régime perçu à juste titre comme une entreprise de pillage des ressources du pays par une minorité de malfrats débouche sur la revendication démocratique d’autant plus naturellement qu’il n’y a pas de direction « charismatique » capable de s’ériger en prétendant naturel au pouvoir. La chance du soulèvement arabe est l’absence d’équivalents arabes de Khomeiny : c’est toute la différence entre un Morsi et un Khomeiny, comme je l’explique dans l’ouvrage.

 

 

- Contretemps : Abordons maintenant la variété au sein de la révolution arabe. On sait désormais que la concaténation des aspects que vous avez abordés (crise/échec du néolibéralisme, crise de légitimité au sommet, dynamique révolutionnaire à l’échelle de la région) a donné lieu à des issues très différentes. Comment comprendre que les révolutions en Tunisie et en Égypte aient pu, d’une certaine manière, triompher – en renversant les deux grands chefs d’États et en engageant une refonte constitutionnelle ?

Gilbert Achcar : Si les soulèvements en Tunisie et en Egypte ont pu « triompher » si aisément (en termes relatifs, bien sûr) et si rapidement, c’est précisément parce qu’ils n’ont pas été des révolutions accomplies. Ce qui s’est passé dans ces deux pays, c’est le renversement du sommet de l’iceberg – l’autocrate et ses proches – et le remaniement plus ou moins important des institutions politiques, sans que « l’Etat profond », en particulier son noyau dur constitué par les forces armées, ainsi que la structure socio-économique typique du capitalisme spécifique qui dominait dans la région ne soient sérieusement affectés. Ce « scénario » a été rendu possible par le fait que le pouvoir n’était que néo-patrimonial dans les deux pays. Ni Ben Ali, ni Moubarak ne « possédaient » l’Etat à la manière d’un Mohammed VI ou d’un Kadhafi. Ils ont pris le contrôle d’un Etat qui leur préexistait et qui a préservé une certaine autonomie institutionnelle avec un minimum de fonctionnement « légal-bureaucratique ».

 

Dans les deux pays, en réalité, le départ de l’autocrate a été déterminé par son abandon par les militaires. En Egypte, cela a même pris la forme d’un coup d’Etat des plus classiques : communiqués militaires et prise du pouvoir par une junte, le Conseil suprême des forces armées. Toutefois, en Egypte et bien plus évidemment encore en Tunisie, la fraction de l’Etat qui a cherché à accompagner le mouvement pour mieux l’endiguer et le canaliser a dû céder à la pression d’un mouvement en ébullition permanente. Le processus révolutionnaire régional ne sera pas achevé par une simple refonte constitutionnelle, quelle qu’elle soit. Il ne pourra l’être que par une profonde refonte socio-politique débouchant sur un changement radical de politiques économiques.

 

 

- Contretemps : Comment caractériser la « transition politique » au Yémen à cet égard ? Peut-on parler du succès d’une révolution politique ? Ou s’agit-il d’une tentative de prévenir la montée en puissance d’une révolution politique et des désordres sociaux qui en découlent ?

Gilbert Achcar : Le Yémen a connu une « transition dans l’ordre » selon la formule par laquelle on a exprimé à Washington l’issue considérée comme souhaitable, du point de vue des Etats-Unis, pour ceux des soulèvements régionaux qui affectaient des autocrates jugés remplaçables. Notez que cela ne s’applique pas, par exemple, aux monarques du Conseil de coopération du Golfe, et notamment celui du Bahreïn rejeté par la majorité de sa population. Avec l’appui de Washington, le royaume saoudien a obtenu le désistement (grassement récompensé) du président yéménite en faveur de son vice-président, le président démissionnaire étant resté dans le pays en tant que chef de la majorité parlementaire avec ses proches maintenus à des postes-clés dans l’appareil d’Etat. Ce qui a été imposé aux Yéménites est un avortement de la révolution déguisé en « transition démocratique ». C’est pourquoi rien n’y est réglé : le pays est en ébullition permanente et le mouvement se poursuit, notamment dans le Sud du pays aux structures sociales et aux traditions politiques plus avancées.

 

 

- Contretemps : La Lybie est un cas très difficile à aborder. Comme vous le notez dans votre livre, l’État libyen a été beaucoup plus profondément affecté, sinon mis en pièces, par le processus révolutionnaire. Pour autant, cette transformation ne correspond pas aux hypothèses stratégiques de la gauche révolutionnaire – grève générale insurrectionnelle, dualité du pouvoir, etc. En outre, la victoire décisive sur Kadhafi a été obtenue grâce à l’aide aérienne et aux services de renseignements des grandes puissances impérialistes. Comment comprendre cette victoire paradoxale du point de vue d’un agenda progressiste ?

Gilbert Achcar : De tous les pays affectés par le soulèvement régional, la Libye est, en effet, celui où le processus révolutionnaire est allé le plus loin, et pour cause, dans le démantèlement de l’Etat d’ancien régime. Le fait que la révolution libyenne ait emprunté la voie de la guerre civile n’est pas une question de « choix » des insurgés, mais une conséquence directe du caractère patrimonial de l’Etat libyen avec des troupes d’élite constituées en garde prétorienne de la famille régnante sur une base de tribalisme et de mercenariat. Dans pareil cas, comme en Syrie ou dans les monarchies régionales, il est illusoire d’espérer provoquer le renversement du despote par de simples manifestations. La famille régnante est disposée à exterminer massivement la population et à détruire le pays afin de s’accrocher au pouvoir. Elle ne peut être renversée que par les armes.

 

Mais qui a dit que la « gauche révolutionnaire » n’a pour « hypothèse stratégique » que la grève générale et le pouvoir des conseils ouvriers ? C’est peut-être vrai de la gauche occidentale, mais certainement pas des mouvements révolutionnaires du tiers-monde dont les hypothèses stratégiques ont plus souvent relevé de la « guerre du peuple » et des « zones libérées » que de la « grève générale insurrectionnelle » et de la dualité du pouvoir sur un même territoire. Même dans le cas de la Révolution russe de 1917, typique de ce dernier cas de figure, la révolution a vite débouché sur une partition du territoire dans le cadre d’une guerre civile. Une révolution qui l’emporte au moyen d’une insurrection populaire armée débouchant sur une guerre civile avec formation de zones libérées qui s’étendent progressivement jusqu’à la victoire finale et au balayage des restes de l’ancien régime, cela n’a rien d’exceptionnel. 

 

Ce qui certes l’est bien plus, à première vue, c’est que l’impérialisme occidental (mais pas l’impérialisme russe, bien entendu) a directement et décisivement contribué à la défaite de Kadhafi. On pourrait, bien sûr, faire observer que les Etats-Unis ont soutenu les communistes chinois dans leur combat contre le Japon et ont ainsi contribué à leur victoire, de même qu’ils ont de fait contribué à la survie de l’URSS et à l’extension de son système à l’Europe centrale et orientale. Mais si l’on y regarde de plus près, on s’apercevra – comme j’ai essayé de le démontrer dans un article publié avant le renversement de Kadhafi – que l’intervention de l’OTAN ne visait pas au renversement du régime libyen. Elle visait en réalité à endiguer l’insurrection libyenne et à la canaliser vers une « transition dans l’ordre » à la Yéménite, avec désistement de Mouammar Kadhafi au profit de son fils Saïf al-Islam, favori des gouvernements occidentaux. En réalité, l’intervention de l’OTAN et de Washington en Libye a été un fiasco sur toute la ligne, malgré les rodomontades d’un Sarkozy. La Libye leur a complètement échappé des mains, et il est indéniable que la Libye d’aujourd’hui est beaucoup moins rassurante pour les gouvernements occidentaux que ne l’était le régime de Kadhafi depuis son virage de 2003, fortement applaudi par l’administration Bush.

 

 

- Contretemps : La Syrie constitue l’une des situations les plus polémiques du point de vue de la gauche internationale. Vous avez pris le parti de soutenir l’hypothèse d’une révolution syrienne « jusqu’au bout » d’une certaine manière, quand d’autres parlent plus volontiers de « guerre civile » et « d’intervention étrangère ». Quel est l’enjeu politique derrière ces conflits de caractérisation ? Comment expliquez-vous l’intense polarisation de la gauche internationale sur la question et comment qualifieriez-vous les positions des gauches arabes ?

Gilbert Achcar : Vous me prêtez des propos jusqu’au-boutistes que je n’ai jamais tenus. Je n’ai jamais parlé de révolution « jusqu’au bout ». J’ai été, par ailleurs, un des tout premiers à avoir soutenu, dès les premiers mois en 2011, que la révolution syrienne ne pourra se développer qu’en se transformant en « guerre civile ». La raison en est, comme en Libye, le caractère patrimonial du régime, avec des forces d’élite constituées en garde prétorienne de la famille régnante sur une base tribale et surtout confessionnelle. J’ai par ailleurs mis en garde dès le tout début contre toute illusion quant à une intervention occidentale qui viendrait au secours de la population syrienne. Autant on ne pouvait décemment s’opposer à la demande de protection aérienne formulée par la population de Benghazi au moment où les troupes de Kadhafi étaient aux portes de la ville, menaçant de l’écraser dans le sang, autant on pouvait et on devait combattre toute illusion parmi les révolutionnaires syriens quant à une protection occidentale. Les dirigeants occidentaux savaient pertinemment que, dans le cas syrien, toute tentative de prendre le contrôle de l’insurrection à la manière de l’opération libyenne était extrêmement risquée, sinon vouée à l’échec, ne serait-ce qu’en raison des différences majeures d’ordre géographique et géopolitique entre les deux pays – à plus forte raison, lorsqu’il devint patent que la tentative libyenne elle-même s’est soldée par un échec.

 

La grande faillite des démocrates et progressistes de l’opposition syrienne, c’est qu’ils n’ont pas saisi d’emblée l’inéluctabilité de la guerre civile, pourtant évidente à mon sens, et ne se sont pas constitués en pôle indépendant, engagé en tant que tel dans la résistance armée au régime tout en menant un combat idéologique contre les forces islamiques réactionnaires qui ont tenté d’accaparer cette résistance. C’est ainsi que la révolution syrienne s’est retrouvée prise entre deux contre-révolutions : celle que représente le régime, soutenu par Moscou ainsi que par l’Iran et ses alliés régionaux, dont le Hezbollah libanais, et celle que constituent les factions islamiques intégristes financées par les monarchies pétrolières arabes.

 

La polarisation de la gauche internationale sur la Syrie, comme hier sur la Libye, est déterminée par une différence de valeurs : il y a, d’une part, celles et ceux pour qui l’engagement à gauche est fondamentalement motivé par la défense du droit des peuples à l’autodétermination dans une perspective démocratique radicale, et, d’autre part, celles et ceux pour qui l’engagement à gauche est prioritairement déterminé par un anti-impérialisme (occidental) primaire, dont la devise est « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». Poutine, Khamenei, Kadhafi ou Assad se voient parés par ces derniers des vertus de « l’anti-impérialisme », même s’il s’agit de gouvernements abominables selon les critères les plus élémentaires de la démocratie et de l’égalité sociale.

 

 

- Contretemps : La victoire électorale de forces dites de « l’islam politique » en Tunisie et en Égypte a été suivie par d’intenses polarisations entre forces attachées au sécularisme et les forces qui ont soutenu les partis islamistes. Il faut en même temps reconnaître que ni Ennahda ni les Frères musulmans n’ont, au cours de leurs mandats, transformé de façon significative les structures qui ont conduit aux soulèvements. Comment caractériser cette concaténation entre le mécontentement social et la polarisation « confessionnelle » ? N’y a-t-il pas un certain paradoxe à ce que la mobilisation gigantesque de l’été 2013 en Égypte ait eu pour conséquence ce qui semble être une reprise en main directe du pouvoir par l’armée et les forces apparentées à « l’ancien régime » ?

Gilbert Achcar : D’abord, il faut bien distinguer les catégories : une polarisation « confessionnelle » est celle qui oppose des groupements appartenant à deux ou plusieurs communautés confessionnelles, comme c’est en partie le cas en Syrie, en Irak et au Liban. Les Frères musulmans égyptiens s’inscrivent en partie dans une orientation « confessionnelle » en exploitant la haine de certains milieux musulmans rétrogrades contre les chrétiens coptes. Mais la polarisation à laquelle vous faites référence, qui est censé opposer les Frères musulmans et Ennahda aux forces dites « laïques », est plus compliquée qu’il n’y paraît à première vue. Dans le cas égyptien, les salafistes, qui ne le cèdent en rien aux Frères musulmans sur le terrain de l’intégrisme, s’ils ne sont pas plus intégristes qu’eux, se sont ralliés à l’armée. Ils pèsent sur le processus de rédaction d’une nouvelle constitution mis en place par les militaires. En Tunisie, il est vrai, le clivage est plus net entre forces à référent religieux et « laïques ».

 

Mais dans un cas comme dans l’autre, ce qui a retourné contre les Frères musulmans et Ennahda les majorités populaires, ce n’est pas, principalement, le rejet de l’intégrisme, mais bien plutôt la faillite des deux gouvernements dans la résolution de la crise socio-économique. Le gouvernement Morsi comme celui d’Ennahda se sont tous deux comportés en champions des recettes néolibérales, autant sinon plus que les anciens régimes. Ils ont présidé à une détérioration des conditions sociales, avec augmentation du coût de la vie et aggravation du chômage, qui leur a aliéné les populations bien plus efficacement que les questions culturelles ou constitutionnelles, même si celles-ci ont été déterminantes pour une minorité.

 

Si ces forces à référent religieux ont pu remporter les premières élections libres dans les deux pays, c’est parce qu’elles disposaient et disposent toujours de moyens beaucoup plus importants que les autres courants de l’opposition aux anciens régimes. Le régime Moubarak a laissé les Frères musulmans égyptiens bâtir une machine organisationnelle gigantesque, dans la continuité du calcul d’un Sadate qui les avait libérés de prison afin qu’ils constituent un contrepoids aux oppositions libérale et de gauche. Ennahda a bénéficié du même traitement de faveur jusqu’à sa répression au début des années 1990. Bien que durement réprimé depuis lors, le mouvement est parvenu à maintenir un réseau organisationnel clandestin, avec le privilège d’apparaître comme l’opposition la plus radicale au régime Ben Ali. Les deux mouvements ont bénéficié, en outre, de l’appui télévisuel d’Al-Jazeera depuis sa création dans les années 1990 ainsi que d’un financement massif par le propriétaire de la chaîne, l’émir du Qatar. Ils étaient ainsi en position très privilégiée pour remporter les premières élections face à la faiblesse et à la division des autres forces d’opposition, d’autant plus qu’ils se sont ralliés au soulèvement quelques jours après son début dans les deux pays.

 

Pour les renverser, les oppositions, libérale et de gauche, en Egypte n’avaient pas de moyens organisationnels propres. Quelle qu’ait pu être l’ampleur de la manifestation du 30 juin, une manifestation ne suffit pas en soi à renverser un régime. Ils s’en sont remis à l’armée, en nourrissant des illusions sur l’abnégation de celle-ci au « service » du peuple. Mais ce n’est pas la première fois que cela se produit. J’ai rappelé qu’il y a déjà eu un coup d’Etat en Egypte, encore plus direct dans ses formes que celui du 3 juillet 2013 : le 11 février 2011, en effet, les militaires ont récupéré et confisqué le mouvement populaire et se sont installés directement au pouvoir. Le 3 juillet 2013, la récupération et la confiscation du mouvement populaire ont débouché sur un pouvoir de coalition entre les forces impliquées dans la protestation et les militaires. Cette entente ne saurait durer, comme elle n’a pas duré en 2011 et comme ne durera pas l’entente conjoncturelle nouée en Tunisie entre, d’une part, la gauche et le mouvement ouvrier, et d’autre part, la coalition des libéraux et des hommes de l’ancien régime, soutenus par le syndicat patronal.

 

 

- Contretemps : Pour conclure cet entretien, votre approche générale rappelle à bien des égards l’originalité de la figure de Léon Trotsky parmi les marxistes « classiques », pour son attention soutenue vis-à-vis des processus à grande échelle, l’économie politique internationale et la manière dont les contradictions de chaque formation sociale est reliée aux évolutions et aux tournants de l’économie mondiale. En même temps, votre analyse évoque aussi les hypothèses stratégiques anciennes de la « révolution arabe ». Quelle est l’actualité de la révolution arabe dans la « grande récession » qui devrait continuer à frapper l’économie mondiale dans les prochaines années ?

Gilbert Achcar : Mon modèle d’inspiration méthodologique n’est pas Trotsky, mais Marx – comme pour Trotsky lui-même d’ailleurs, et pour les marxistes en général. Si par « hypothèses stratégiques anciennes » de la « révolution arabe », vous entendez l’idée d’une révolution régionale dirigée par un mouvement panarabe comme ont pu l’être jadis le Baas ou les nassériens, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit dans mon analyse qui évoque cette vision tout à fait obsolète. J’ai souligné, bien au contraire, l’originalité du processus en cours caractérisé par le caractère horizontal de ses réseaux d’organisation et la nature pluraliste des mouvements et coalitions qui l’animent. On peut parler de « révolution arabe » au sens régional de l’ensemble géopolitique constitué par les pays membres de la Ligue des Etats arabes, comme on parlerait de révolution « européenne » ou « africaine ». Mais la conception bismarckienne d’une unification nationale arabe à la manière de l’unification allemande conduite par la Prusse de même que la conception marxienne (du Marx de 1848) d’une unification allemande conduite par un parti prolétarien ne sont plus d’actualité pour l’espace arabophone. Son unification ne saurait être envisagée à présent que comme processus démocratique à la manière de l’intégration européenne – mais sans l’accompagnement néolibéral de cette dernière, bien entendu.

 

Le processus révolutionnaire de longue durée qui s’est enclenché dans l’espace arabophone en 2011 répond à la crise spécifique que j’ai déjà évoquée. Il n’empêche qu’il se conjugue avec la « grande récession » qui frappe l’économie mondiale depuis 2007. Celle-ci a exacerbé les tensions socio-économiques dans les pays arabes. En retour, le soulèvement arabe a catalysé les résistances dans les autres pays en leur fournissant une inspiration et un modèle d’action. Cela dit, personne ne saurait soutenir, arguments sérieux à l’appui, que la « grande récession » est la crise terminale du capitalisme mondial. Rien ne permet d’émettre pareil verdict, pour le moment du moins. Par contre, je peux affirmer catégoriquement que le processus révolutionnaire enclenché en 2011 est la crise terminale de l’ordre socio-politique qui a dominé la région arabe depuis des décennies. Cela ne veut pas dire que ce processus trouvera nécessairement une issue positive progressiste. Cela veut plutôt dire que la région est placée devant l’alternative : changement progressiste radical ou effondrement dans la barbarie. L’issue dépendra en définitive de la capacité des forces progressistes, du mouvement ouvrier et des mouvements de jeunes à concevoir et mettre en pratique une stratégie lucide de conquête de l’hégémonie.

 

Note :

[1] Gilbert Achcar est professeur à l'Ecole des études orientales et africaines (SOAS) de l'Université de Londres après avoir enseigné à l'Université de Paris-8. Il est l'auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits (Sindbad/Actes Sud, 2009) et Le peuple veut : une exploration radicale du soulèvement arabe (Sindbad/Actes Sud, 2013).

 

 

Pour en savoir plus :

- Poursuite et difficultés des processus révolutionnaires au Maghreb et au Machrek

Partager cet article
Repost0
20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 09:10
Ce que pourrait être la 6e République

Paradoxe, le débat confisqué de la dernière présidentielle, dissimulé sous les habiletés du discours du Bourget[1], étouffé par l’arnaque du « vote utile », ne surgira que dans la mort de ce régime présidentiel.

En nous battant pour la Sixième République et la Constituante, nous ne faisons en sorte que poursuivre le travail. En concentrant nos efforts sur le verrou qui enferme l’initiative populaire par l’escamotage des débats essentiels.

Les Français ne sont pas condamnés à disserter sur la fraude aux allocations chômage au moment où un ministre se fait pincer pour non déclaration récurrente au fisc de son pays.

Le moment monte où l’on discutera enfin les choix essentiels. Mais c’est à nous d’en fixer le mode d’emploi. C’est ce que nous faisons en précisant le périmètre et le mode opératoire de la Constituante. Non pas dans le souci de regrouper des réponses identiques mais de nous accorder sur les questions qui se posent. L’essentiel étant que le peuple s’en rende maître.[2]

 

Sources : extraits du blog de François Delapierre   le 12 avril 2013 

- La 6e République, on va la faire ! Pour de bon.

Une fois de plus, les importants qui nous regardent de haut sont victimes de leurs œillères. Lorsque nous avons fait du changement de République le thème de nos trois grands rassemblements de la campagne présidentielle de 2012, ils ont « décrypté » ce qu’ils prenaient pour un « coup de com’ » et l’ont rangé au rayon des bonnes trouvailles à côté de la cravate rouge du candidat. Ils ont confié nos discours à des linguistes spécialistes du populisme et en ont tiré de beaux nuages de mots. Mais ils n’ont rien entendu de ce que nous disions. Ils n’ont pas compris ce que déclarait Jean-Luc devant la foule du Capitole à Toulouse[3]. « Voyez, vous tous qui vous demandez ce qu’est ce phénomène : ce phénomène qui remplit cette place, les rues avoisinantes et les places avoisinantes, cela s’appelle la révolution citoyenne, qui est commencée ! Nous avons, nous, appelé à cette mobilisation comme nous l’avions fait avant à la Bastille, et comme nous le ferons encore à Marseille dans quelques jours. C’est une même marche, et nous vérifions, ici, là, qu’à notre appel vous répondez. Car nous savons que demain vous aurez déjà fait cette répétition générale, et que si c’est moi qui suis élu, lorsque je vous appellerai, vous y serez ! Et qui que ce soit qui soit élu en définitive, rien ne fera rentrer dans son lit le fleuve qui est en train de déborder ! (…) Nous voulons que soit élue une Assemblée constituante, dont le premier rôle sera de redéfinir la règle de vie commune. »

 

 

- Notre force, c’est que nous ne lisons pas les textes écrits par d’autres.

Dans les années 30, Orwell disait des intellectuels qui accompagnèrent majoritairement l’essor des totalitarismes qu’ils avaient « l’esprit réduit à un gramophone ». Cette formule s’applique à merveille aux crânes d’œufs qui recrachent les exigences des financiers, récitant les traités européens et autres éléments de langage vendus par Stéphane Fouks et ses communicants. Orwell s’étonnait de leur indécence, rendue possible par leur totale insensibilité à la part de bonheur et d’humanité que recèle la vie des petites gens, aussi dure soit-elle, et par leur ignorance presque complète des vies concrètes que leurs raisonnements abstraits venaient à briser. Les gramophones de notre époque ajoutent à l’intransigeance à laquelle peut conduire l’abstraction de leur pensée le cynisme caractéristique de l’idéologie libérale. Pour eux les discours ne sont jamais vrais. Ils ne font qu’habiller les égoïsmes individuels qui sont pour eux le seul fondement de la vie en société. C’est pourquoi, non content de s’écouter parler, ils n’entendent pas ce que nous disons.

 

Mais nous, nous prenons au sérieux ce que nous disons. Nous pesons souvent nos mots. Nous les pensons toujours. Plus important encore, le grand nombre de ceux qui sont là les entendent et les comprennent. Des milliers de consciences libres ont donc adhéré à cette idée que la présidentielle était une répétition générale de la révolution citoyenne pour une Sixième République. Ces gens n’ont pas disparu le 6 mai 2012. A la différence du système médiatique, ils n’ont pas une mémoire de poisson rouge. Ils comprendront donc qu’en appelant a la manifestation du 5 mai 2013 nous tenions la promesse que nous leur avions faite à la présidentielle.

 

 

- Les puissants voudraient tellement que cette campagne n’ait été qu’une parenthèse !

Pour eux les élections sont une procédure de recrutement un peu particulière. Une fois le poste pourvu, on peut jeter les CV à la poubelle. Le débat est clos puisque le résultat donne raison à l’élu et tort au battu. Ce dernier doit attendre la prochaine fois (il peut s’opposer pour la forme) ou se rallier. Mais avions-nous tort de vouloir la 6e parce que nous n’avons pas été élus ? Rappelons le contexte. Cahuzac n’était même pas ministre.

 

Pourtant le candidat Hollande lui-même admettait que le système ne fonctionnait pas correctement. Ségolène Royal appelait déjà à un coup de balai. Comment Hollande le traduisit-il ? Il proposa de balayer Sarkozy (c’est un « salopard » répétait-il à son sujet selon le livre de Laurent Binet). Un coup de balayette en quelque sorte. Il prétendit qu’en élisant un « président normal », le pays retrouverait un régime normal. On l’entendit même sur le plateau de « Des paroles et des actes » vanter la « mystique » de l’élection présidentielle qui devait le transfigurer. En quoi, il ne l’a pas dit. Sans doute pas en Pépère. Mais la mystique n’a pas marché. L’alternance n’a rien réglé. Avant que n’éclate l’affaire Cahuzac, le divorce entre le peuple et le pouvoir solférinien était déjà profond. C’est que le problème n’est pas celui d’un ni même de deux hommes, Sarkozy et Cahuzac.

 

C’est le système qui est en cause. Nous avions donc raison de vouloir la 6e République. Nous avons raison de la vouloir encore.

 

 

 

 

Et disons-le aussi, les Verts avaient raison l’an dernier (en 2012) de nous appeler à la lutte contre la corruption. S’ils ont choisi une magistrate anti-corruption comme candidate à la présidentielle plutôt qu’une personnalité connue pour son engagement sur les questions environnementales, n’était-ce pas qu’ils pensaient nécessaire de donner un coup de balai ?

 

 

- Il faut donc reprendre notre marche vers la Sixième République. C’est la seule solution réaliste.

On s’est cruellement moqué de Hollande, Monsieur Bricolage avec sa boite à outils. Mais tous ceux qui proposent de rafistoler une 25e fois la Cinquième République sont autant de Messieurs Bricolage. Rien de ce qu’ils proposent ne peut empêcher l’édifice de s’effondrer. Et les égouts de remonter alors à la surface. Il est urgent d’en finir, d’assainir l’atmosphère !

 

 

- Que sera la Sixième République ? Nul ne peut le dire.

- Il ne faut pas avoir peur de cette incertitude. C’est celle de la démocratie.

  • La nouvelle constitution sera l’œuvre du peuple. Le but d’une constitution est justement d’en assurer la souveraineté. C’est en son nom que des décisions légitimes – enfin ! - peuvent être prises. C’est donc le peuple seul qui peut édicter la règle du jeu.
  • Il le fera en élisant une Assemblée Constituante. C’est une procédure logique et simple. Une telle Assemblée comprend des élus de droite, de gauche, de toutes sensibilités, chacun ayant présenté devant les électeurs ses options institutionnelles. Puis la Constituante rédige un projet de constitution qui est soumis au peuple par referendum. C’est son seul objet. L’Assemblée nationale actuelle pourra donc continuer à légiférer. Ainsi les citoyens éliront leurs représentants à la Constituante sur la seule base de leurs propositions pour la Sixième République. Bien sûr les parlementaires actuels ne pourront en être membres. On ne peut siéger dans deux assemblées en même temps. J’en signale une conséquence pour Xavier Bertrand qui présente Jean-Luc Mélenchon comme un être « assoiffé de pouvoir » : Jean-Luc ne pourra pas être élu à la Constituante. Mais Xavier Bertrand non plus. Je suppose que l’image du balai devient ainsi plus concrète.

 

 

- Comment le peuple exerce-t-il la souveraineté ?

- Le plus souvent par l’intermédiaire de ses représentants.

La Constitution doit donc garantir leur responsabilité devant le peuple. La Sixième marquera là une rupture majeure avec la Cinquième. Celle-ci a voulu un président politiquement irresponsable. Cet esprit d’irresponsabilité s’est ensuite diffusé dans tout l’édifice institutionnel dont le président est la clé de voûte. De plus, le temps politique s’est accéléré depuis 1958. Le raccourcissement du mandat présidentiel en tient compte. Mais cela ne suffit pas de voter tous les cinq ans quand le contexte politique peut changer tous les ans. Heureusement des instruments pratiques et concrets existent aujourd’hui pour permettre une souveraineté populaire continue. La créativité démocratique des peuples ne s’est pas arrêtée en 1958.

 

- Je pense notamment au referendum révocatoire qui est en vigueur dans plusieurs Etats des Etats-Unis d’Amérique, en Equateur ou au Venezuela.

Ce referendum permet la révocation d’un responsable politique par ceux qui l’ont élu. Qu’il s’agisse d’un président, d’un maire ou d’un parlementaire. On voit son utilité immédiate dans l’affaire Cahuzac. Désir, Hollande, Bartolone ne cessent de dire que le retour de Cahuzac à l’Assemblée est inconcevable, que le Parlement en serait souillé et la France humiliée. Mais ils ne peuvent empêcher ce qu’ils présentent eux-mêmes comme un désastre démocratique et moral. Nous sommes dans un état de droit. La loi s’applique à tous de la même manière, Cahuzac compris. Ils ne vont tout de même pas donner son nom et son adresse en espérant que quelques excités règlent le problème en lui cassant la gueule ! Il paraît déjà qu’un pharmacien aurait refusé de lui délivrer des médicaments. Je réprouve ces méthodes de salopard dignes du blocus monétaire décrété contre le peuple chypriote par le gouverneur de la Banque Centrale européenne. J’y oppose la méthode démocratique et pacifique du référendum révocatoire. Dès lors qu’un seuil donné de l’électorat le demande, une majorité des votants peut décider la révocation. Il faudrait 10 ou 20% des inscrits pour le déclencher. Pas au bout de quinze jours bien sûr. Les Vénézuéliens ont estimé qu’un tel référendum ne devait être possible qu’à partir de la mi-mandat. Ils voulaient laisser ainsi le temps à l’élu de faire ses preuves et ne pas encourager l’instabilité institutionnelle. Cela se discute. J’en étais jusqu’ici convaincu. Mais l’expérience de Cahuzac pourrait me faire préférer un délai plus court. Parfois un an suffit pour réaliser que la personne élue ne fait pas l’affaire. Quoi qu’il en soit, ce sera à la Constituante d’en décider.

 

 

- Face à cette idée, que proposent les tenants de la Cinquième République ?

De pleurer ou de montrer les poings si Cahuzac revient à l’Assemblée, nous l’avons vu. Mais aussi de transformer les élections locales en référendums intermédiaires. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est la porte-parole du gouvernement elle-même sur le plateau de Mots Croisés. Elle me répond quand je défends le référendum révocatoire que les Français pourront dire leur mécontentement par rapport à Hollande à l’occasion des élections municipales (de 2014). Tel quel ! J’imagine la tête des maires PS qui entendent cela en même temps que moi. Ils ont dû la maudire. Mais cette imprudence est très révélatrice. Elle rappelle qu’aucun régime ne peut contenir l’expression du peuple. Les élections locales sont donc la soupape de sécurité de celui que nous subissons. Il faut bien que le désaveu tombe sur quelqu’un ! Au final, l’irresponsabilité du président prend tous les élus en otage. Voilà le parti solférinien pris en tenaille entre un président issu de ses rangs et la floppée d’élus locaux qui constitue sa seule trame réelle dans la société. L’échec de l’un, c’est la mort de tous les autres. Quand ça tient, la dissuasion est efficace. C’est marche ou crève : tout le monde rame dans la galère. Mais quand ça craque ? Cette contradiction a miné l’UMP, elle fera demain voler le PS en éclats. Mieux vaudrait que chaque élu soit responsable de son mandat et de lui seul. Ce serait plus démocratique et rationnel.

 

Pour cela, il faut le référendum révocatoire.

 

 

 

- Dans la Sixième république, le principe de responsabilité devra s’appliquer partout, à tous les responsables publics, au-delà des élus.

  • Je pense par exemple au gouverneur de la Banque de France. Il est insupportable de l’entendre se présenter comme un « chef d’entreprise » alors qu’il gère un bien public des Français. Par ailleurs, c’est à lui que revient une grande part du contrôle de la finance. C’est la Banque de France qui a accordé une licence bancaire au groupe Reyl, chargé de l’évasion fiscale de Cahuzac. Devant qui en rend-il compte ? Si ces personnages ne sont pas sous le contrôle des parlementaires eux-mêmes contrôlés par le peuple, il ne faut pas s’étonner qu’ils finissent sous la coupe de la finance. A tous les niveaux, le contrôle populaire est bien la condition du rétablissement de la souveraineté. Cela conduira aussi à mettre un terme à l’inflation des autorités indépendantes à laquelle nous avons assistée sous la Cinquième République.

 

- Le code génétique d’une Constitution ne se trouve pas dans des livres de droit constitutionnel mais dans la situation historique où elle a vu le jour.

C’est parce qu’elle répond à leurs objectifs concrets que les citoyens peuvent consentir à une loi commune. En 1958, De Gaulle instrumentalisa le sentiment qu’un régime fort était nécessaire face à la crise algérienne. En 2013, l’intérêt général le plus impérieux et le plus évident aux yeux de tous est la réponse à l’urgence écologique. Notre loi commune doit être compatible avec les équilibres de l’écosystème. C’est simple, c’est une question de vie ou de mort. Mais comment y arriver ? Bien sûr il faudra se doter de normes environnementales et les faire appliquer par des inspecteurs adaptés. Mais la 6e République ne doit pas être 1984. Nous ne sommes pas de ceux qui veulent faire prospérer d’innombrables bureaucraties chargées de contrôler les élus plutôt que de confier cette tâche au peuple. Il en est de même pour la transformation de notre modèle de production. Nous ne pouvons pas mettre un inspecteur à la relocalisation derrière chaque carcasse de quadrupède. Ce sera aux salariés eux-mêmes de s’assurer que la production est bien écologiquement soutenable. Cela implique qu’ils soient convaincus que tel est l’intérêt général, qu’ils soient formés et éduqués à tous les niveaux du système scolaire à la prise en compte des interactions avec la nature.

  • La Sixième République aura donc son projet scolaire comme la Troisième qui confia à son école la mission de produire des citoyens capables de voter et des hommes capables de se battre sous le drapeau. Cette responsabilité nouvelle des travailleurs implique aussi les droits qui vont avec. Vous souvenez-vous des prothèses mammaires PIP ? Les travailleurs de l’entreprise se doutaient que les produits utilisés étaient dangereux. Mais ils ne pouvaient rien dire de peur de perdre leur emploi ou briser leur carrière.
  • La Sixième République donnera donc des droits aux citoyens dans l’entreprise : avis conforme sur toutes les décisions stratégiques de l’entreprise, protection face aux licenciements… Autre raison pour laquelle les droits des salariés sont devenus essentiels en 2013 : aujourd’hui 90% de la population du pays est salariée.

 

- La Constitution de la Sixième république doit ensuite garantir la souveraineté du peuple face à toutes les menaces.

En 1958, il s’agissait principalement du risque d’invasion étrangère. Le président de la République fut fait chef des armées, et son élection au suffrage universel lui donna la légitimité d’appuyer sur le bouton nucléaire. Mais aujourd’hui, il faut aussi faire face à des menaces nouvelles. Le poids du secteur bancaire en est une. On a beaucoup glosé sur Chypre et ses actifs bancaires huit fois supérieurs à la richesse du pays. Mais en France les banques pèsent quatre fois le PIB. Une défaillance bancaire emporterait le budget de l’Etat.

  • Il faut donc un chapitre de la Constitution chargé de protéger la société et organiser ses relations avec les banques : rôle d’une Banque de France replacée sous contrôle démocratique, séparation des activités bancaires (contrairement à la loi Moscovici qui porte frauduleusement ce nom), mécanismes démocratiques et transparents de garantie bancaire et de faillite ordonnée…

 

- Faut-il faire la liste de tout ce qui a changé depuis 1958 ? Le paysage médiatique par exemple.

Il y avait alors sur le sol national trois chaînes de radio et une chaîne de télévision, toutes publiques. C’est trois fois moins qu’en Corée du Nord aujourd’hui. Un ministère assurait le contrôle de ces chaînes. Aujourd’hui le monde médiatique français n’a plus rien à voir. Comment faire en sorte qu’il assure le droit à une information la plus complète, pluraliste et sérieuse possible des citoyens ? C’est un enjeu démocratique essentiel que la Constitution nouvelle doit prendre en charge. En 1958, il n’y avait pas Internet.

  • La Sixième République innovera en étant la première à inscrire la neutralité des réseaux comme un principe constitutionnel. En 1958, il n’y avait pas comme aujourd’hui une majorité de femmes qui travaillent et ont aussi gagné la maîtrise de leur corps. La Sixième République sera donc intégralement paritaire.

 

- En 1958, il n’y avait pas non plus l’Union Européenne.

Le lien de notre Constitution avec les textes de l’UE a fait l’objet de nombreux bricolages sous l’égide du Conseil Constitutionnel.

  • Je propose d’adopter une règle simple tirée de la Constitution irlandaise : tout transfert de souveraineté ne pourra être décidé que par referendum. Ainsi, nous éviterons la forfaiture du traité de Lisbonne, qui donna à l’oligarchie ce goût de revanche proportionnel à la frousse subie au soir de la victoire du « non » en 2005. Cette disposition constitutionnelle aura aussi l’avantage de renforcer la place de la France en Europe. Aucun traité ne pourra méconnaître les exigences du peuple français. Regardez comment les Allemands imposent plus facilement leurs vues du fait que tous les plans de sauvegarde doivent passer devant le Bundestag. C’est comme cela aussi que le plan chypriote est devenu un plan allemand : le Parlement chypriote n’a pas eu le droit de le voter tandis que le Parlement allemand aura à le faire.

 

- Oui bien sûr la Sixième République doit aussi être parlementaire.

Car nous savons qu’un collectif est plus intelligent qu’une personne seule et que seule la publicité des débats permet d’impliquer le peuple.

 

Mais ne cherchez pas cette Constitution dans un livre. Elle n’a pas de modèle car elle répond à des défis nouveaux. Elle sera aussi innovante que la constitution de Bolivie ou d’Equateur. C’est nous tous qui l’écrirons.

 

 

 

 

 

Notes :

[1] 22 janvier 2012

[2] Extrait de Choisir son maître par François Delapierre

[3] le 5 avril 2012

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

- Amis, ne vous trompez pas de constituante

Ce que pourrait être la 6e République
Partager cet article
Repost0