Connaissez-vous un gouvernement européen capable de vous présenter un bilan solide après une seule semaine d’activité ?
C’est à la hussarde que le gouvernement Tsipras est entré dans le vif du sujet.
Sources : par et le site d’Olivier Drot,
Jugez du peu :
- augmentation du SMIC grec de 10 % avec effet immédiat ;
- réintégration de milliers de fonctionnaires licenciés abusivement sur injonctions de la Troïka ;
- retrait des barrières autour du Parlement au motif que des représentants du peuple qui se respectent n’ont pas à se protéger du peuple ;
- gel de toutes les privatisations en cours (électricité, port du Pirée, aéroports régionaux) et demande de démission de la Direction de l’agence grecque chargée de cette base besogne sous le régime précédent ;
- coup de poing sur la table dans l’affaire de nouvelles sanctions européennes à l’égard de la Russie ;
- fin de non-recevoir adressée par le nouveau ministre des finances, Yanis Varoufakis, à son homologue néerlandais et chef de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem :
« Nous ne voulons pas de vos 7 milliards. Nous voulons TOUT renégocier ! Et pas avec votre Troïka ! »
Les « erreurs toxiques », ça commence à bien faire !
Cette dernière décision est sans doute la plus symbolique, et la plus sujette à futur conflit avec l’Union européenne, de cette première semaine folle. D’autant que ces 7 milliards d’"aide", qui servaient de carotte aux représentants européens pour essayer d’amadouer les trublions de Syriza, n’étaient en réalité pas du tout destinés à finir au fond des caisses grecques. Mais juste proposée pour permettre au gouvernement d’Athènes d’honorer 10 milliards d’échéances d’ici la fin février.
Un tour de passe-passe que Varoufakis, spécialiste de la théorie des jeux à somme nulle [1], ne pouvait manquer de relever et qu’il qualifie crûment d’« erreur toxique », comme toutes les "aides" qui valurent précédemment à son pays de passer de 110 % d’endettement à plus de 175 %. Il est clair qu’en déclarant vouloir se passer des 7 milliards de l’UE, Varoufakis signifiait son intention résolu d’aller jusqu’au défaut de paiement.
Peu probable en effet que la Grèce puisse honorer des échéances de quelques 10 milliards d’ici fin février sans secours extérieurs. Or, lors de sa rencontre de dimanche avec le ministre français Sapin, Varoufakis a réitéré sa volonté de ne pas demander d’aide, mais de (ce qui est une autre manière d’annoncer à l’avance l’impasse sur l’échéance cruciale de fin février). La partie de bras de fer bat son plein.
Vers une "islandisation"[2] de la Grèce ?
Plusieurs autres signes de rupture sont apparus lors de cette si première semaine d’exercice du pouvoir :
- Le choix d’une alliance en apparence contre nature avec les Grecs indépendants souverainistes (ANEL). Mais n’est-ce pas une autre manière, plus pragmatique, programmatique, de faire de la politique ? On rappellera que notre bon vieux Conseil national de la Résistance (CNR) était lui aussi composé de membres venant de tous horizons politiques et que cela n’affecta en rien, bien au contraire, la qualité reconnue de ses ordonnances d’alors.
- Une volonté pas vraiment affirmée de vouloir voler aux secours des banques grecques privées qui virent s’envoler près de 25 % de leurs valeurs boursières au lendemain de l’élection.
Comme si le gouvernement Tsipras se dirigeait tout droit vers une sortie de type islandaise. On arrête les frais, on ne ramasse pas les fruits pourris, on reconstruit tranquillement sur du sain, avec vous (l’UE) ou avec d’autres (la Russie ? les ?).
Une poignée de mains ratée
L’épilogue de cette semaine folle tient dans un final ahurissant qui, à l’issue de la déclaration de Yanis Varoufakis, vendredi, vit le chef de l’Eurogroupe se lever brusquement plutôt que de répondre à l’impertinent, et s’éclipser prestement après une poignée de main totalement ratée.
Lors de ce départ un brin pathétique, Jeroen Dijsselbloem glissera cependant quelques mots furtifs à l’oreille de Yanis Varoufakis. Le site Zero Hedge en révélera :
Jeroen Dijsselbloem : « You just killed the Troika ("vous venez juste de tuer la Troïka") ! »... Yanis Varoufakis (hilare) : « Wow ! »
Et la seconde semaine s'annonce aussi porteuse de décisions que la première en rupture avec les politiques passées de nature à ce que, pour le peuple grec le changement c'est maintenant
Ainsi, après leur folle première semaine, Alexis Tsipras et les siens, loin de calmer le jeu, en rajoutent une bonne couche selon l’excellent principe que la meilleure défense, c’est l’attaque.
Démonstration :
- le refus de ratifier le TTIP annoncé par Georgios Katrougkalos, ministre adjoint à la réforme administrative ; rappelons que le TTIP est un accord commercial très controversé conclu dans l’ombre entre les États-Unis et la Commission européenne ; rappelons que l’unanimité des pays membres de l’UE est exigée pour qu’une telle mesure entre en application ;
- la remise en cause des contrats d’armement liant la Grèce aux fabricants allemands et français annoncé par Panos Kammenos, ministre de la Défense ; rappelons que le "plan de sauvetage" imposé par l’UE à la Grèce excluait catégoriquement la remise en cause de ces contrats aussi juteux pour les marchands de canons qu’excessifs en période d’austérité généralisée [4] ;
- la fin de l’usage des gaz lacrymogènes lors des manifestations décidée par Giannis Panousis, ministre de la protection du citoyen :
« Si on arrive à se servir de gaz lacrymogènes, ça veut dire que les choses en sont à un point extrême où l’autre partie utilise également divers types d’armes, des pavés en marbre ou autre. Alors, oui, on peut considérer la possibilité. Mais, les gaz ne peuvent pas servir à pourchasser des retraités ou des enseignants » (Giannis Panoussis).
Vous avez dit « volonté politique » ?
Au fait, que pense les Grecs de cette entrée en matière pour le moins tonitruante de leurs nouveaux gouvernants. Ils approuvent en majorité [3] :
- 56 % des personnes interrogées se déclarent satisfaites du résultat électoral ;
- 70 % font confiance à Alexis Tsipras comme Premier ministre ;
- 60 % approuvent la nomination de Yanis Varoufakis comme ministre des Finances ;
- 56% se déclarent favorables à la collaboration entre Syriza et les Grecs Indépendants (ANEL) et 51 % approuvent la nomination de Georges Kammenos (ANEL) au ministère de la Défense.
Les résultats publiés ci-dessus proviennent de deux sondages, l’un mené par Metron Analysis pour le journal Parapolitika, l’autre réalisé par Public Issue pour le journal Aygi.
[4] Armement et corruption : le ministre de la défense souhaite rouvrir tous les dossiers
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