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30 octobre 2015 5 30 /10 /octobre /2015 09:04
David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l’ère de la bureaucratie totale »

Paperasse et formulaires ont envahi nos vies, et de plus en plus de gens pensent que leur travail est inutile, n’apportant aucune contribution au monde. Malgré ce que martèlent les ultralibéraux, ce n’est pas la faute de l’Etat et de ses fonctionnaires, mais celle des marchés et de leur financiarisation.

« Toute réforme pour réduire l’ingérence de l’État aura pour effet ultime d’accroître le nombre de règlementations et le volume total de paperasse », explique ainsi David Graeber, anthropologue états-unien et tête de file du mouvement Occupy Wall Street, dans son nouvel ouvrage Bureaucratie. Il appelle la gauche à renouveler sa critique de cette « bureaucratie totale » avec laquelle nous nous débattons au quotidien.

 

Sources : BASTAMAG par Rackel Knaebel et Agnès Rousseaux  le 19 octobre 2015 | mis à jour le 13/07/2020

- Basta ! : Vous dites que nous sommes désormais immergés dans une ère de « bureaucratie totale ». Quels en sont les signes ?

David Graeber  [1] : Il suffit de mesurer le temps que nous consacrons à remplir des formulaires. Quelqu’un a calculé que les citoyens états-uniens passent en moyenne six mois de leur vie à attendre que le feu passe au vert. Personne n’a calculé combien de temps nous passons à remplir des formulaires ! Peut-être une année entière… C’est la première fois dans l’histoire que nous atteignons ce niveau de bureaucratie.

 

Le nombre d’occurrences du mot « bureaucratie » augmente dans les livres jusqu’en 1974, puis diminue. Mais les mots que l’on associe généralement aux procédures bureaucratiques, comme « paperasse », « documents à fournir », ou « évaluation de rendement », augmentent de manière continue et dramatique. Nous sommes donc encerclés par des procédures bureaucratiques, mais nous ne les identifions plus comme telles. C’est ce que j’ai essayé d’analyser dans mon livre.

 

 

- Basta ! : Le sociologue Max Weber affirmait déjà que le 19e siècle avait inauguré l’ère bureaucratique. En quoi la situation est-elle nouvelle ?

David Graeber  : La différence, c’est que la bureaucratie est si totale que nous ne la voyons plus. Dans les années 1940 et 1950, les gens se plaignaient de son absurdité. Aujourd’hui, nous n’imaginons même plus une manière d’organiser nos vies qui ne soit pas bureaucratique ! Ce qui également nouveau, c’est la création de la première bureaucratie planétaire. Un système d’administration que personne n’identifie pourtant comme une bureaucratie, car il est surtout question de libre-échange. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? La création de traités internationaux et d’une classe entière d’administrateurs internationaux qui régulent les choses, tout en appelant ce processus « dérégulation ».

 

La bureaucratie n’est plus seulement une manière de gérer le capitalisme. Traditionnellement, le rôle de l’État est de garantir les rapports de propriété, de réguler pour éviter l’explosion sociale. Mais la bureaucratie est désormais devenue un moyen au service des structures d’extraction de profits : les profits sont extraits directement par des moyens bureaucratiques. Aujourd’hui, la majorité des profits n’ont rien à voir avec la production, mais avec la finance. Même une compagnie comme General Motors fait plus de profits en finançant l’achat de voitures par le crédit, que par la production de voitures. La finance n’est pas un monde irréel complètement déconnecté de l’économie réelle, où des gens spéculent et font des paris, gagnent de l’argent à partir de rien. La finance est un processus qui extrait des rentes pour certains, en se nourrissant de la dette des autres. J’ai essayé de calculer la part des revenus des familles états-uniennes directement extraite pour alimenter le secteur de la finance, des assurances et de l’immobilier. Impossible d’obtenir ces chiffres !

 

Tout cela est permis par la fusion progressive de la bureaucratie publique et privée, depuis les années 1970 et 1980. Cela s’opère par une collusion bureaucratique entre le gouvernement et la finance privée. Les 1% (les plus riches) dont parle le mouvement Occupy Wall Street, sont des gens qui accaparent les profits tout en finançant également les campagnes électorales, influençant ainsi les responsables politiques. Le contrôle du politique est aujourd’hui essentiel dans cette dynamique d’accaparement des profits. Et la bureaucratie est devenue un moyen au service de ce processus, avec la fusion de la bureaucratie publique et privée, saturée de règles et de règlements, dont l’objectif ultime est d’extraire du profit. C’est ce que j’appelle l’ère de la « bureaucratie totale ».

 

 

- Basta ! : Les gens opposent souvent bureaucratie étatique et libéralisme économique. Mais « il faut mille fois plus de paperasse pour entretenir une économie de marché libre que la monarchie absolue de Louis XIV », écrivez-vous. Le libéralisme augmente donc la bureaucratie ?

David Graeber  : C’est objectivement vrai. Regardez ce qui se passe ! La statistique la plus impressionnante concerne la Russie après la chute de l’Union soviétique. D’après la Banque mondiale, entre 1992 et 2002, le nombre de fonctionnaires a augmenté de 25 % en Russie [2]. Alors que la taille de l’économie a substantiellement diminué, et qu’il y avait donc moins à gérer. Les marchés ne s’auto-régulent pas : pour les maintenir en fonctionnement, il faut une armée d’administrateurs. Dans le monde néolibéral actuel, vous avez donc davantage d’administrateurs. Pas seulement dans le gouvernement, mais aussi dans les compagnies privées.

 

 

- Basta ! : Ce qu’on entend souvent par bureaucratie, ce sont aussi des structures sociales fiables et pérennes, qui font que le société fonctionne, comme la Sécurité sociale…

David Graeber  : Beaucoup d’institutions sociales que l’on associe aujourd’hui à l’Etat-Providence ont été créées « par le bas ». Je l’ai découvert en discutant avec des Suédois : aucun des services sociaux suédois n’a été créé par le gouvernement. Toutes les cliniques, bibliothèques publiques, assurances sociales, ont été créées par des syndicats, des communautés de travailleurs. Le gouvernement a ensuite voulu les gérer à un niveau centralisé, bureaucratique, expliquant que ce serait plus efficace. Évidemment, une fois que l’État en a pris le contrôle, il peut privatiser ces services. C’est ce qui arrive.

 

 

- Basta ! : Vous faites aussi le lien entre le développement de la bureaucratie et celui des bullshits jobs (« job à la con » ) [3] que vous avez analysés dans un précédent travail. Tous les « bureaucrates » font-ils des « jobs à la con » ?

David Graeber  : Pas tous ! Mon idée sur les bullshit jobs est de demander aux gens quelle est la valeur de leur travail. Je ne veux absolument pas dire à quelqu’un : « Ce que vous faites n’est pas utile ». Mais si une personne me dit que son travail n’apporte rien d’utile, je la crois. Qui peut mieux le savoir qu’elle-même ? Suite à mon travail sur les bullshit jobs, l’agence anglaise de statistique YouGov a fait un sondage. Résultat : 37 % des gens interrogés pensent que leur travail est inutile et n’apporte aucune contribution au monde [4].

 

J’ai été étonné d’un tel résultat ! Le plus grand nombre de personnes qui pensent que leur travail est inutile se trouve dans le secteur administratif. Peu de chauffeurs de bus, de plombiers ou d’infirmières pensent que leur travail est inutile. Beaucoup de bullshits jobs sont « bureaucratiques », autant dans le secteur privé que public. Un exemple ? Ces gens qui vont à des réunions et écrivent des compte-rendus pour d’autres gens qui vont à des réunions et écrivent des compte-rendus. Quand mon article a été publié sur le web, je n’imaginais pas que les gens feraient de telles confessions sur leur travail : « Je donne des ordres pour déplacer les photocopieuses d’un côté à l’autre », ou « Mon job est de reformater des formulaires allemands dans des formulaires anglais et tout un bâtiment fait ça »… C’est incroyable. Presque tous ces jobs se trouvaient dans le secteur privé.

 

 

- Basta ! : Comment expliquez-vous alors que nous soyons si attachés à la bureaucratie, que nous n’arrivons pas à remettre en question ce processus et que nous continuons même à alimenter son développement ?

David Graeber  : J’ai analysé cela avec l’analogie de « la peur du jeu ». Il y a quelque chose de très attirant dans le jeu, qui est une expression de la liberté de chacun, mais aussi quelque chose d’effrayant. Si les gens aiment tant les jeux, c’est parce que c’est la seule situation où vous savez exactement quelles sont les règles. Dans la vie, nous sommes constamment investis dans des jeux, dans des intrigues, au travail ou entre amis. C’est comme un jeu, mais vous n’êtes jamais sûr de savoir qui sont les joueurs, quand cela commence ou s’arrête, quelles sont les règles, qui gagne. Dans une conversation avec votre belle-mère, vous savez bien qu’il y a des règles, mais vous ne savez pas trop lesquelles, ce que vous pouvez dire ou non. Cela rend la vie difficile. Nous sommes effrayés par l’arbitraire.

 

On ne veut pas du pouvoir qu’il soit arbitraire. Une école de pensée aux États-Unis, le républicanisme civique, dit que la liberté signifie savoir quelles sont les règles : quand l’État peut vous contraindre et quand il ne peut pas. Partant de là, il faut créer toujours plus de régulations pour être plus libre. Paradoxalement, dans les sociétés qui se considèrent comme libres, beaucoup d’aspects sont régulés par la coercition, par la violence

.

- Basta ! : La bureaucratie est-elle le symptôme d’une société violente ?

David Graeber  : La bureaucratie n’est pas stupide en elle-même. Elle est le symptôme de la violence sociale, qui elle est stupide. La violence structurelle – qui inclut toutes les formes d’inégalités structurelles : patriarcat, relations de genres, relations de classes…– est stupide. Là où il y a une inégalité de pouvoir, il y a aussi une forme d’ignorance et d’aveuglement. La bureaucratie semble stupide en elle-même, mais elle ne cause pas la stupidité, elle la gère ! Même quand la bureaucratie est bienveillante, sous la forme de l’État social, elle reste basée sur une forme d’aveuglement structurel, sur des catégories qui n’ont pas grand chose à voir avec ce dont les gens font l’expérience. Quand les bureaucrates essaient de vous aider, ils ne vous comprennent pas, ils ne veulent pas vous comprendre, et ne sont pas même autorisés à vous comprendre.

 

 

- Basta ! : Vous écrivez que la critique de la bureaucratie aujourd’hui vient de la droite et pas de la gauche. Et que les populistes ont bien compris que la critique de la bureaucratie était rentable d’un point vue électoral…

David Graeber  : C’est un des problèmes qui a inspiré mon livre. Pourquoi est-ce la droite qui tire tous les avantages de l’indignation populaire contre la bureaucratie, alors que c’est la droite qui est à l’origine d’une grande partie de cette bureaucratie ? C’est ridicule ! Aux États-Unis, la droite a découvert que si vous taxez les gens d’une manière injuste, et qu’ensuite vous leur dites que vous allez baisser les impôts, ils vont voter pour vous. Il y a quelque chose de similaire avec la bureaucratie en général. La gauche est tombée dans ce piège, avec la manière dont elle défend l’idée d’un État social tout en faisant des compromis avec le néolibéralisme. Elle finit par embrasser cette combinaison des forces du marché et de la bureaucratie. Et la droite en tire tout l’avantage avec ses deux ailes – d’un côté les libertariens, qui aiment le marché mais critiquent la bureaucratie, de l’autre, l’aile fasciste, qui a une critique du marché. La droite concentre toute la rage populiste sur ce sujet. Et la gauche finit par se retrouver à défendre les deux, marché et bureaucratie. C’est un désastre politique.

 

 

- Basta ! : Comment le mouvement altermondialiste a-t-il renouvelé cette critique de gauche de la bureaucratie ?

David Graeber  : Le mouvement altermondialiste cherche à identifier les structures bureaucratiques qui n’étaient pas censées être visibles. Mais pas seulement pour les dévoiler, également pour montrer à quel point ces structures ne sont pas nécessaires, qu’il est possible de faire les choses autrement d’une manière non-bureaucratique. Pourquoi les procédures démocratiques sont-elles aussi importantes dans le mouvement altermondialiste ? Parce qu’il essaie de créer des formes de décision non-bureaucratiques. Dans ce mouvement, il n’y a pas de règle, il y a des principes. C’est une négation pure de la bureaucratie. Bien sûr, ces processus ont aussi tendance à se bureaucratiser si l’on n’y fait pas attention, mais tout est fait pour l’éviter. Mon travail sur la bureaucratie vient de mon expérience d’activiste dans le mouvement altermondialiste.

 

 

- Basta ! : Mais le mouvement altermondialiste se bat aussi pour plus de régulation, par exemple dans le secteur financier…

David Graeber  : Le mouvement altermondialiste se bat pour des régulations différentes ! Et nous ne devrions pas tomber dans le piège de croire que nos adversaires sont favorables aux dérégulations. Vous ne pouvez pas avoir une banque non-régulée, c’est absurde : les banques sont entièrement basées sur des régulations. Mais des régulations en faveur des banques ! Quand on parle de re-régulation, cela signifie mettre les consommateurs au centre plutôt que les banques. Nous devons sortir de ce langage « plus ou moins de régulation ». Le néolibéralisme crée plus de régulations que les systèmes économiques précédents.

 

 

- Basta ! : Voyez-vous la même critique de la bureaucratie dans l’expérience de démocratie directe en cours au Rojava, au Kurdistan syrien ?

David Graeber  : L’exemple syrien est vraiment intéressant. J’ai fait partie d’une délégation d’universitaires en décembre dernier, qui a observé sur place leur processus démocratique. Ils sont vraiment en train de créer une société non-bureaucratique (lire notre article). C’est le seul endroit que je connaisse où il y a une situation de pouvoir « dual » où les deux côtés ont été créés par les mêmes personnes. Avec, d’un côté, des assemblées populaires de base, et de l’autre des structures qui ressemblent à un gouvernement et à un Parlement. Des structures nécessaires, car pour coopérer avec les institutions internationales, il faut une sorte de gouvernement bureaucratique institutionnel effectif, sinon elles ne vous prennent pas au sérieux. Mais au Rojava, quiconque porte une arme doit en répondre face à la base avant d’en répondre au structures du « haut ». C’est pourquoi ils disent que ce n’est pas un État, car ils ne réclament pas le monopole de la violence coercitive.

 

 

- Basta ! : Peut-on imaginer un État sans bureaucratie ?

David Graeber  : L’État est une combinaison de trois principes aux origines historiques totalement différentes : premièrement, la souveraineté, le monopole de la force dans un territoire donné. Deuxièmement, l’administration, la bureaucratie, le management rationnel des ressources. Et troisièmement, l’organisation du champ politique, avec des personnages en compétition parmi lesquels la population choisit ses dirigeants. En Mésopotamie, il y avait beaucoup de bureaucratie mais aucun principe de souveraineté. L’idée de responsables politiques en compétition vient de sociétés aristocratiques. Et le principe de souveraineté vient des Empires. Ces trois principes ont fusionné ensemble dans l’État moderne. Nous avons aujourd’hui une administration planétaire, mais elle n’a pas de principe de souveraineté et pas de champ politique. Ces principes n’ont rien à faire ensemble a priori, nous sommes juste habitués à ce qu’ils le soient.


 

- Basta ! : Comment expliquez-vous que, dans l’imaginaire social, les marchés, le libéralisme, apparaissent comme les seuls antidotes à la bureaucratie ?

David Graeber  : C’est le grand piège du 20e siècle : cette idée qu’il n’y a qu’une alternative – les marchés ou l’État – et qu’il faut opposer les deux. Pourtant historiquement, les marchés et les États ont grandi ensemble. Ils sont bien plus similaires qu’ils ne sont différents : les deux ont l’ambition de traiter les choses de la manière la plus rationnelle et efficace possible.

 

Je me souviens d’une interview d’un général sud-africain au moment où Nelson Mandela est arrivé à la présidence du pays. On lui demandait : « Vous ne trouvez pas un peu étrange de recevoir des ordres de quelqu’un que vous avez combattu pendant 20 ans ? ». Il a répondu : « C’est un honneur en tant que militaire de recevoir des ordres, quelle que soit la personne qui les donne. » En fait, ce n’est pas un comportement spécialement militaire, mais bureaucratique. Parce que ça ne se passerait pas comme ça dans une armée médiévale. Être un bureaucrate, cela signifie faire ce qu’on vous demande, et séparer les moyens et les fins. Cette séparation est devenue une base de la conscience moderne. Seules deux institutions – marché et État – opèrent de cette manière.

 

Propos recueillis par : Rachel Knaebel et Agnès Rousseaux

Photo : CC Christian Schnettelker

 

Notes :

[1Docteur en anthropologie, économiste, ancien professeur à l’Université de Yale, David Graeber est actuellement professeur à la London School of Economics. Il est selon le New York Times l’un des intellectuels les plus influents actuellement. Et est l’un des initiateurs du mouvement Occupy Wall Street.

[2De 1 million à 1,25 million.

[3Lire l’article ici (en anglais).

[4Voir les résultats de ce sondage ici.

 

Pour en savoir plus :

- Lire aussi sur Basta ! : David Graeber : « La façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes »

 David Graeber, Bureaucratie : l’utopie des règles, Éditions Les Liens qui libèrent, 2015.

David Graeber : « Le néolibéralisme nous a fait entrer dans l’ère de la bureaucratie totale »
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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 09:41
COP 21 : Un COuP de plus pour rien ? (du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris)

La montagne accouchera d'une souris.... le capitalisme industriel et agricole n'a rien craindre !

 

Alors que les changements climatiques, liés aux bouleversements dus aux « errements » humains dans son évolution s’intensifient et sont de plus en plus visibles, il est un fait que le devenir même de l’ensemble des espèces vivantes est menacé.

 

Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Georges Andrieux, PG 12

La nécessité d’une réelle transition énergétique n’est plus un voeu pieux mais une réalité incontournable que les responsables politiques, financiers et économiques devraient, doivent, s’emparer au plus vite.

 

Explications :

  • La consommation mondiale d’énergie représente 390 tonnes d’équivalent pétrole (tep) chaque seconde, soit 12,274 Millions de tonnes d’équivalent pétrole Mtep) par an (+ 2,5% en 2011). Le pétrole reste la source d’énergie numéro 1, et représente 33,1% de la consommation énergétique mondiale, mais c’est la part la plus petite depuis fort longtemps pour le pétrole tandis que la part du charbon atteint 30,3%, un record depuis 1969. Elle pourrait quintupler d’ici 2060 ! Elle a augmenté de plus de 40% entre 1990 et 2008. Les autres estimations place la consommation mondiale d’énergie à 12,2 milliards de tep.

 

  • La consommation énergétique mondiale va exploser : on estime que les besoins énergétiques mondiaux vont représenter de 570 à 600 hexajoules par an en 2020.

 

  • Selon une étude de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) la génération d’électricité provenant des renouvelables représentera 25% du mix électrique total en 2018. La croissance de la production atteindra 4% entre 2012 et 2018 à 685TW/h soit +6% par an. Elle a déjà progressé de 8.5% en 2012.

 

  • Les énergies renouvelables, l’hydroélectricité en tête de file, représentent 8% du mix électrique (contre 2% à 4% entre 2006 et 2011). L’étude de l’AIE prévoit une augmentation de cette part à 11% en 2018.

 

  • Les experts ont élaboré 3 prévisions pour estimer la croissance de la consommation énergétique mondiale. Les besoins vont au moins doubler et pourrait même quadrupler. C’est ainsi que la zone Asie-Pacifique absorbe aujourd’hui plus de 30% de la consommation mondiale contre moins de 20% au début des années soixante-dix. Corrélativement, le poids relatif des régions développées diminue (USA de 28 à 20%, Union Européenne de 19 à 15%).

 

  • Les experts tablent sur une croissance moyenne de l’ordre de 1,7% par an pour les prochaines décennies ce qui conduit à prévoir le doublement de la demande mondiale soit une consommation de 20 milliards de tep dans les années 2040 – 2050.

 

  • Dans la production mondiale d’énergie primaire, 11,2 milliards de tep/an, le pétrole est la source la plus importante avec 35,2% du total.

 

  • Le gaz et le charbon ont des poids respectifs de 25% et 21% en 2008 (30,3% en 2001). En 2004, + de 80% de la production mondiale d’énergie est basée sur ces 3 combustibles fossiles. Si l’on ajoute que l’électricité nucléaire n’utilise actuellement que la fission de l’Uranium 235, 87,4% de la production mondiale d’énergie primaire est basée sur des ressources non renouvelables (selon certaines sources : 80,4 % de cette production provenait de la combustion d’énergies fossiles. Le reste de la production d’énergie provient du nucléaire et des énergies renouvelables (bois de chauffage, hydroélectricité, éolien, agrocarburants,...).

 

  • Les ressources ou réserves énergétiques mondiales - conventionnelles et prouvées - d’énergies non renouvelables (fossiles et uranium) pouvaient être estimées en 2008 à 965 milliards de tonne d’équivalent pétrole (tep), soit 85 ans de production actuelle. Cette durée est très variable selon le type d’énergie : 44 ans pour le pétrole conventionnel, 183 ans pour le charbon.

 

 

 

Il devient vital, face à de telles perspectives dont l’échéance est variable selon l’évolution de la consommation mondiale, de prendre des initiatives fortes dans la recherche de nouvelles énergies, de nouveaux modes de production basés sur la demande et non la surenchère de l’offre destructrice de notre écosystème plus que fragile. Les « grands » de notre monde ont le pouvoir de prendre ces orientations :

 

- De mobiliser les grands laboratoires de recherche, les secteurs de pointe technologiques, les centres d’expertise et de développement en ce sens.

- D’encourager les synergies de ces pôles de compétences dans le but de permettre à l’Humanité de poursuivre son développement, nécessaire, mais basé sur un triptyque environnement protégé/production durable/arrêt de la surconsommation énergétique.

- De contraindre l’ensemble des acteurs politiques, économiques et financiers à réorienter leurs objectifs, non plus sur un unique principe « capitalistique » mais sur un concept socio-écologique répondant aux besoins de la population mondiale et ceux des autres espèces vivantes.

 

L’homme ne peut se prévaloir, du fait de sa place en haut de l’échelle de l’intelligence sur Terre, de faire tout et n’importe quoi ! La planète n’appartient pas à lui seul, et même, mais aussi aux autres règnes (animal, végétal et minéral) dont il a un indispensable besoin. Ils lui sont nécessaire à son alimentation, à son bien-être et à son enrichissement global. Par exemple, il est urgent, d’interdire la commercialisation du nouveau pesticide tueur d’abeilles qui vient d’obtenir l’accord de la Commission Européenne en violation du droit européen. Il ne peut encore se permettre de défigurer la surface de notre globe, en fouillant son sous/sol à la recherche de nouveaux gisements de pétrole (sous les calottes glaciaires, dans les zones reculées des 5 continents, …). Cette logique ne rime plus à rien si ce n’est de permettre aux lobbies pétroliers de la péninsule arabe, américains mais pas qu’eux, de maintenir leurs marges de dividendes sur le dos de l’Humanité elle-même ! Le système spéculatif boursier est tributaire des valeurs dépendant du pétrole. On voit bien là leur nécessité de maintenir la valeur financière pétrole au plus haut, bien au-delà de sa valeur énergétique pure, contestée et contestable, tout comme le nucléaire d’ailleurs.

 

Plus que jamais il est urgent de mettre en place un programme politique novateur, radicalement tourné vers la découverte d’énergies durables, non polluantes, afin de répondre aux enjeux de demain tout en refusant les lois mortifères du business et de la finance internationale. Un nouveau recul de prise de décisions hypothéquerait les chances d’offrir un avenir pérenne aux générations futures.

 

  • Les listes régionales présentées par les forces de gauche non socialistes sont porteuses de telles initiatives. Elles recueillent un écho très large, bien au-delà de ces « terres » habituelles, malgré le black-out médiatique exercé contre ses candidat-e-s.
  • Il est fort possible que les scores qu’elles obtiendront soient la surprise des scrutins des 6 et 13 décembre prochains.
  • Ce sera bon pour l’humain, bon pour notre planète et tout ce qui vit dessus.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier COP21

- Le kit pour comprendre le réchauffement climatique

- COP21 : Les peuples doivent prendre le pouvoir

COP 21 : Un COuP de plus pour rien ? (du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris)
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26 octobre 2015 1 26 /10 /octobre /2015 09:02
Raquel Garrido : Guide citoyen de la 6e République

Pourquoi et comment en finir avec la

monarchie présidentielle

 

Pour Raquel Garrido[1] nous vivons sous un régime qui relève de la monarchie élective. Mais comment passer à la 6e République ? Pour y voir plus clair, ce guide répond aux questions les plus basiques. Qui rédigera la nouvelle constitution : un comité de sages ou le peuple souverain par l’intermédiaire d’une assemblée constituante ?

 

Pourquoi instaurer le droit de révoquer les élus ? Faut-il rendre le vote obligatoire, et à partir de 16 ans ? Comment lutter contre l’influence des sondages et des médias ? Dans quelle mesure faut-il redéfinir la propriété ? Comment intégrer l’impératif écologique ? Et faut-il, finalement, conserver un président de la République ?...
 
Avec des arguments clairs, des références internationales et historiques, Raquel Garrido, avocate engagée, livre une réflexion personnelle, pour que chacun puisse se forger son opinion et participer à la nouvelle proclamation de nos grands droits et libertés.

 

- Par : Raquel Garrigo

Éditions : Fayard

Nombre de pages : 136 p.

Disponibilité : en librairie ou chez l'éditeur Fayard
Prix TTC : 10,00 €

 

Note :

[1] Avocate de Jean-Luc Mélenchon. Elle a été, de 2011 à 2015, Secrétaire Nationale et porte-parole du Parti de Gauche, parti dont elle est cofondatrice, et signataire du Mouvement pour la 6e République (iwww.m6r.fr).
 

 

Pour en savoir plus :

- le blog politique de Raquel Garrigo

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22 octobre 2015 4 22 /10 /octobre /2015 08:09
Mythes et réalité du vote FN

Les grands médias expliquent régulièrement les bons résultats du FN par une prétendue adhésion massive des jeunes et des travailleurs aux idées d’extrême-droite. La France connaîtrait une « droitisation » de sa population. Cette thèse est parfois reprise par les directions des syndicats et des partis de gauche. Par exemple, elle a été avancée par des dirigeants du Front de Gauche pour expliquer ses échecs répétés depuis la percée électorale de Mélenchon en 2012. Qu’en est-il en réalité ?

 

Source :  Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Andreas Coste, groupe Révolution le 21 octobre 2015

- L’abstention : premier parti de France

La thèse de la droitisation de la classe ouvrière s’appuie notamment sur des résultats électoraux, des sondages et des enquêtes. Nous reprendrons ici les résultats d’une longue étude Ispos réalisée au lendemain des élections européennes de juin 2014. La donnée la plus frappante, c’est le haut niveau de l’abstention – en particulier chez les jeunes (73 %), les « ouvriers » (65 %) et des « employés » (68 %) [1]. Les bons scores du FN dans ces trois catégories de l’électorat sont donc très relatifs. Si on tient compte des abstentionnistes, le score du FN passe de 40 à 13 % sur l’ensemble de la classe ouvrière ; il tombe de 30 à 8 % sur chez les 18-30 ans. On est loin d’une « adhésion massive » !

 

Les jeunes et les travailleurs sont les plus touchés par la crise et l’austérité, réclamée à grands cris par la bourgeoisie, ses médias et les partis à son service. Leur abstention prend donc un sens particulier. Selon la même enquête, l’abstention s’explique par une hostilité au gouvernement Hollande (16 %) et aux responsables politiques en général (26 %), mais surtout par la conviction que les élections « ne changeront rien » (32 %). Cette hostilité au « système » ne bénéficie qu’en partie à la démagogie du FN, qui a beau jeu de fustiger une classe politique incapable d’enrayer la régression sociale et empêtrée dans des scandales à répétition. A ce stade, l’opposition au système se traduit surtout par une passivité – provisoire – des masses, faute d’alternative radicale et crédible au capitalisme en crise. Le FN ne fait que combler les espaces vides et progresse là où il n’y a pas d’adversaire.

 

La crise ouvre certes la possibilité d’une croissance relative du vote FN, sans pour autant parler d’adhésion massive chez les ouvriers et les jeunes. Le fait qu’une minorité d’entre eux vote pour l’extrême droite n’est d’ailleurs pas un phénomène nouveau. En 1984, l’extrême droite obtenait déjà 9 % des voix des jeunes électeurs, alors que l’abstention était bien plus faible.

 

 

- Qui vote FN ?

Le FN exprime la ligne la plus dure de la bourgeoisie. Il lui permet de diviser la classe ouvrière suivant des lignes ethniques, religieuses, etc. Mais la capacité du FN à capter la colère populaire a des limites. Du fait de ses liens historiques avec le fascisme, le FN est perçu à juste titre par une majorité de jeunes comme un danger et un ennemi à combattre – comme l’ont démontré les manifestations de masse qui ont ponctué chacune de ses ascensions, ces dernières décennies.

 

L’électorat de base du FN, comme sa base militante, reste majoritairement composé des classes intermédiaires, des petits-bourgeois et commerçants frappés par la crise – ou craignant de l’être bientôt. Son électorat est essentiellement vieux. Par exemple, 40 % des électeurs du FN aux élections européennes de 2014 avaient plus de 60 ans. Le vote pour le FN est d’abord un vote contestataire et de dépit : 69 % des électeurs FN l’ont fait « pour s’opposer au gouvernement » – et non pour soutenir son programme. Ceci se reflète dans les scores très volatiles du FN ces deux dernières décennies.

 

 

- Danger fasciste ?

Le FN est un danger qu’il faut combattre énergiquement. S’agit-il pour autant d’un danger fasciste ? Nous ne le pensons pas. La base de masse du fascisme est la petite-bourgeoisie. Jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la petite-bourgoisie – petits paysans, artisans, commerçants, etc. – constituait encore une nette majorité de la population active en France. Ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui : le salariat (la classe ouvrière) représente 90 % de la population active. La petite paysannerie, en particulier, a été pratiquement liquidée, réduite à moins de 5 % de la population active. Autrement dit, le fascisme n’a plus de base de masse ; il n’existe aucune force sociale massive pour mener une politique de guerre civile contre la classe ouvrière – la définition marxiste du fascisme.

 

Marine Le Pen et ses sbires en sont bien conscients. Or ils veulent le pouvoir, ils veulent entrer à l’Assemblée nationale et dans les ministères. C’est pour cela qu’ils insistent sur la « dédiabolisation » du FN. C’est pour cela que la fille a récemment exclu le père. Si à l’avenir le FN participe à un gouvernement de coalition avec la droite « traditionnelle », il mènera une politique pro-capitaliste classique (coupes, contre-réformes, cadeaux au grand patronat), sous le masque de la démocratie bourgeoise. Mais cela provoquera une explosion de la lutte de classe – et, au passage, un effondrement de la base électorale du FN, dont le caractère pro-capitaliste et pro-austérité apparaîtrait au grand jour.

 

Cette perspective, cependant, n’a rien d’inéluctable. La période actuelle se caractérise par une extrême volatilité politique. On doit s’attendre à de brusques oscillations politiques vers la droite et vers la gauche. Nul doute que le FN a encore un potentiel de croissance électorale chez les électeurs de la droite traditionnelle (UDI-Républicains) et dans la masse des abstentionnistes. Mais le potentiel est nettement plus important de l’autre côté de l’échiquier politique, c’est-à-dire pour une force de gauche s’opposant fermement aux politiques d’austérité. Au Front de Gauche d’incarner cette alternative et, ainsi, d’enrayer la progression du FN.

 

Note

[1] Cette distinction entre « ouvriers » et « employés » n’a aucune pertinence, à notre avis, ces deux catégories constituant, ensemble, ce que nous appelons la classe ouvrière (le salariat). Mais cela ne change pas grand-chose aux résultats de l’étude.

 

Pour en savoir plus :

- Gendarmes mobiles : un danger pour la république ?

- Pourquoi le Front national est-il l’ennemi du monde du travail ?

- Valérie Igounet, historienne : “Il faut attaquer politiquement le FN en déconstruisant calmement son discours”

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16 octobre 2015 5 16 /10 /octobre /2015 08:25
Grèce : quel bilan ? quelles perspectives ? Entretien avec Panayotis Lafazanis, dirigeant d’Unité Populaire, ex-ministre

« Unité populaire a allumé un feu souterrain »

 

La formation dissidente de Syriza a essuyé un revers électoral en échouant à entrer au Parlement. Mais son chef de file Panayotis Lafazanis veut croire en la constitution d’un "front de gauche" capable de porter le débat sur la sortie de l’euro.

 

Sources : Regards propos recueillis par Fabien Perrier 23 septembre 2015

Le 21 août, l’annonce avait fait du bruit : un pan important de Syriza quittait le parti pour former Unité populaire. Peu à peu, le mouvement a rassemblé des figures emblématiques de la gauche grecque : Panayotis Lafazanis, Kosas Isychos, Dimitris Stratoulis, Manolis Glezos ou encore Zoe Konstantopoulou. Même Yanis Varoufakis avait indiqué l’avant-veille du scrutin qu’il voterait pour deux candidats d’Unité populaire en lesquels il avait confiance pour avoir travaillé avec eux. Un appel au vote indirect. Rien n’y aura fait : UP n’obtient que 2,87% des voix, et ne peut donc entrer au Parlement (le seuil étant de 3%). Entretien avec Panayotis Lafazanis, chef de file d’Unité populaire.

 

 

- Regards : Comment expliquez-vous l’échec d’Unité Populaire (UP) qui n’entre pas au Parlement ?

Panayotis Lafazanis : Dès l’annonce des élections, UP a annoncé sa constitution et s’est lancé dans une bataille difficile. Mais il aurait fallu que nous affrontions ces bêtes sauvages en trois semaines ! Nous avions comme adversaire les forces européennes et celles de l’intérieur qui s’opposent à tout changement. Il nous manque malheureusement 7.000 voix pour entrer au Parlement car nous avons eu du mal à communiquer avec le peuple grec et à lui transmettre notre message. Jusqu’à la dernière minute, nous avons dû nous faire connaître en tant qu’Unité populaire. Nous rencontré des difficultés pour exprimer notre vision de la sortie de l’euro. Mais ce débat a été ouvert dès l’annonce de la tenue d’élections. De surcroît, nous avons été victimes d’attaques qui terrorisaient les électeurs.

 

 

- Regards : L’abstention vous a-t-elle pénalisés ?

Panayotis Lafazanis : Elle a été très forte, augmentant de sept points par rapport à janvier. Elle a sauvé Tsipras. Ces électeurs n’étaient pas avec Alexis Tsipras, avec les mémorandums. Ce sont des gens déçus. Ils considèrent que nous ne pouvons plus rien faire à partir du moment où Tsipras est là et a trahi leurs aspirations. Si ces électeurs avaient voté, le scrutin aurait été très différent pour notre parti.

 

 

- Regards : En restant dans le gouvernement d’Alexis Tsipras, vous l’avez aussi cautionné. Ne l’avez-vous pas quitté trop tard ?

Panayotis Lafazanis : Certains nous font ce reproche. Mais personne n’aurait compris que nous partions plus tôt du gouvernement. Nous aurions été accusés de lui retirer le tapis sous les pieds, alors qu’il était en pleine négociation, et de le faire chuter. Nous nous sommes inscrits dans Syriza pour que ne soit pas signé un nouveau mémorandum appliqué à la Grèce. Après la signature du troisième mémorandum, le 13 juillet, la division était la suite logique.

 

 

- Regards : Vous prônez la sortie de l’euro. La population n’a-t-elle pas peur d’une catastrophe en cas de retour à une monnaie nationale ?

Panayotis Lafazanis : L’euro, c’est la catastrophe assurée ! Bien sûr, le peuple grec n’a pas encore tous les éléments pour comprendre le sens d’une sortie de l’euro. Le débat sur cette sortie et ses conséquences vient juste d’être lancé, grâce à Unité populaire. Bien que tous les autres partis invoquent des arguments différents, tous préfèrent l’euro. Désormais, la discussion commencée en pleine campagne électorale ne peut être arrêtée. Comme nous avons remis cette question au centre des débats, notre image sera donc très vite différente dans l’espace politique et la société. Le résultat électoral a allumé un feu, même si ce n’est pour l’instant qu’un feu souterrain.

 

 

- Regards : Mais comment porter ce débat sur l’euro ? Vous n’êtes plus représenté à la Vouli...

Panayotis Lafazanis : Il existe d’autres lieux de débat. Cette discussion se fera dans les quartiers, dans les entreprises, dans les usines, dans tous les endroits de la vie quotidienne. Et bien sûr, nous la mènerons aussi sur Internet et dans tous les espaces permettant une discussion objective sur le sujet. Comme le sujet est désormais sur la table, plus personne ne peut bâillonner la discussion. Le dilemme de ce pays n’est pas de choisir entre Syriza, les Grecs indépendants, le Pasok... – bref, entre les membres d’une grande famille politique avec ses petits différends intrafamiliaux – mais de suivre le mémorandum ou d’emprunter une voie anti-mémorandaire, directement reliée à l’euro ou à la monnaie nationale.

 

 

- Regards : Sur cette question, Unité populaire semble divisé. Manolis Glezos ou Zoe Konstantopoulou ne prônent pas la sortie...

Panayotis Lafazanis : Évidemment, nous avons des avis parfois différents. Unité populaire n’est pas un parti monolithique : c’est un front de gauche, avec des personnalités progressistes ; c’est un front radical, anti-austérité, à horizon socialiste. Le principal courant d’Unité populaire considère que ce programme ne peut être appliqué dans l’eurozone. La monnaie n’est pas un fétiche, ni une fin en soi. Mais pour appliquer cette politique radicale, il nous faut notre propre monnaie.

 

 

- Regards : La société grecque vient toutefois de reconduire Alexis Tsipras à la tête du pays. La politique que vous défendez a-t-elle un espace ?

Panayotis Lafazanis : Bien sûr ! Avant la signature du troisième mémorandum, Syriza avait d’ailleurs un programme de ce type. C’est en proposant une opposition radicale et en défendant un programme de changements radicaux que Syriza s’est implanté sur la scène politique. Cette orientation n’est pas étrangère à la société grecque. Il n’y a d’ailleurs aucune autre voie de sortie de crise. Le libéralisme a échoué dans l’Europe tout entière. L’alternative ne peut être ni le fascisme, ni l’extrême droite.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

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13 octobre 2015 2 13 /10 /octobre /2015 08:15
PHOTO/Photo A. M. Charente Libre

PHOTO/Photo A. M. Charente Libre

FOUNTAINE nous mène en bateau !

 

Sources : blog du Syndicat CGT personnels de la ville, de la CDA, du CCAS de la Rochelle le 12 octobre 2015 | modifié le 17 octobre 2015

Extraits :

La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !
La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !
La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !

 

- Ainsi, 1 an et demi après son élection, le Maire-Président de nos trois collectivités a déjà fortement mis à mal les conditions de travail des agents et ne compte pas en rester là.

Les pistes d'ores et déjà  travaillées par nos élus et fortement inspirées par le rapport de la cour des comptes rendu fin juin, se donnent pour unique objectif d'effectuer des économies budgétaires sur le dos du personnel. Ce sont les fruits de l'austérité qui s'amplifie à La Rochelle comme dans toutes les collectivités locales et dont ici les personnels et nos concitoyens sont les victimes.

 

Projet paradoxal puisque ce même rapport de la cour des comptes décrit la situation financière de nos collectivités comme étant "saine et apaisée".

 

Il n'existe aucune obligation d'appliquer les préconisations du rapport de la chambre régionale des comptes !

La responsabilité du moindre recul social incombera donc entièrement à l'équipe municipale en place.

 

Pour toutes ces raisons les syndicats CGT, SUD solidaires et CFDT de la CDA de La Rochelle ont organisé une réunion d'information syndicale le 15 septembre dernier.

 

L'élan de colère et d'inquiétude a poussé les 500 agents jusque devant le bureau du Maire-Président ou une délégation a été reçu.

 

La tentative de prise de parole de Jean-François FOUNTAINE, c'est faite sous les huées du personnel en colère. Les conclusions du rendez-vous ... "il y aura des négociations d'engagées à la mi-octobre". Preuve en est que le Maire-Président et son équipe ont bel et bien dans l'idée de remettre en cause notre temps de travail. Lui qui se réclame de l'héritage de Michel CREPEAU s'attache aujourd'hui à détricoter tout ce qu'il a pu mettre en place sur nos collectivités.

 

Soyons clair, les agents et le service public ne doivent pas faire les frais des politiques d'austérité !

 

 

 

 

 

- Face à la volonté du maire de remettre en cause leur "conquis sociaux" au nom de l'austérité, les personnels se sont invités au conseil municipal du 29 septembre

Le maire de La Rochelle et son équipe, défenseurs de la mise en oeuvre des politiques d'austérité veulent gérer les collectivités locales comme une entreprise ! Ça ne marchera pas !

 

Ainsi, avant même que la séance de conseil ne débute, un public compact se pressait autour des tables des conseillers, des agents de la Ville, de l’agglomération et du CCAS visiblement très remontés contre le maire et son équipe.

 

Certains portaient des masques blancs "signe de l’anonymat dans lequel nous nous sentons relégués", signalait le tract SUD et CGT donné aux conseillers. D’autres jetaient à travers la salle des avions en papier faits avec la lettre que Jean-François Fountaine avait récemment adressé au personnel.

  • Quand le dialogue social ne marche pas, que l'on n'est ni écouté, ni entendu.... ça donne ça... 1er épisode !

La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !
La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !

- Conseil municipal du 12 octobre, la colère s'exprime à nouveau...

Le comportement du maire de la Rochelle et président de la CDA est révélateur de son attitude vis à vis des salariés et des représentants du personnel. J.F. Fountaine n'aime pas les contestataires ! Au fait, quelle vie syndicale y avait-il chez Fountaine-Pajot quand il en assurait la direction ?

 

Quand on veut gèrer une ville, comme on gère une fabrique de bateau, en méprisant le personnel, le résultat est prévisible ! Le Maire a peur pour sa chemise, fuit le conseil, les personnels municipaux et leurs syndicats assurent ! Le Conseil municipal du 12 octobre a été reporté à une date ultérieure.

  • Quand le dialogue social ne marche pas, que l'on n'est ni écouté, ni entendu.... ça donne ça... 2éme épisode !

 

La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !
La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !

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- Personnels territoriaux de La Rochelle : les raisons de la colère vues par Canal+

La Rochelle : personnels territoriaux, les raisons de la colère !
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9 octobre 2015 5 09 /10 /octobre /2015 08:06

Le Front de gauche uni et ouvert : comme en région parisienne, EELV n’a pas voulu d’un accord avec le Front de Gauche qui assume en conséquence de porter seul une campagne citoyenne et anti-austéritaire.

 

Accord Politique en vue des régionales 2015 dans la région (ALPC) Aquitaine - Limousin - Poitou/Charentes

Accord Politique en vue des régionales 2015
dans la région ALPC

 

Les formations signataires (Ensemble, Parti Communiste Français, Parti de gauche)  s’engagent à impulser ensemble une liste commune en vue des élections régionales de décembre 2015.

 

Les élections régionales de décembre 2015 vont se tenir dans un contexte économique et social extrêmement dégradé et préoccupant. Le discrédit de la politique Hollande-Valls, déclinée par le parti socialiste dans l’ensemble des régions, fait le lit de la droite et de l’extrême droite. Comme partout en Europe, la doctrine libérale est à l’œuvre au service des intérêts de la finance. Les phénomènes climatiques inhabituels, ni passagers ni naturels, sont bien une conséquence du système dans lequel nous vivons. Cela rend plus que jamais nécessaire de construire un projet politique en rupture avec les logiques libérales mises en œuvre dans le pays. Ces élections doivent donc être une nouvelle étape de ce rassemblement d’une gauche qui combat l’austérité et veut construire une véritable alternative politique. L’enjeu est d’autant plus important que ces élections se dérouleront dans le cadre d’une « réforme » territoriale imposée sans concertation qui va accentuer les logiques de métropolisation et de concurrence entre les territoires, entre les salariés, au service de la guerre économique, au détriment des plus défavorisés.

 

  • Nous voulons mettre en œuvre des politiques régionales alternatives à celles qui sont menées aujourd’hui, en rupture avec les politiques d’austérité et de compétitivité. Pour cela nous voulons battre la droite et l’extrême droite mais aussi tous ceux qui mènent une politique de droite. En effet, la population de notre grande région n’a rien à gagner aux politiques libérales ou à voir s’implanter un parti d’extrême droite porteur d’une idéologie raciste et antisociale.
  • Nous voulons modifier les rapports de force à gauche de sorte que la volonté inflexible de résister à la finance devienne majoritaire à gauche. Parce que pour nous être de gauche c’est être pour la satisfaction des besoins sociaux, pour la planification écologique, pour la démocratie des lieux de travail aux institutions. En un mot, parce que nous sommes pour l’humain, d’abord.

 

Nos candidats auront pour objectif de rendre visible et crédible une alternative sociale, écologique et démocratique de gauche. Cela nécessite de rassembler une gauche anti-austérité unitaire et large dans son périmètre et en même temps exigeante sur son contenu et sans ambiguïté sur son projet politique.


Dans la région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes les politiques libérales sont mises en oeuvre par le président de l’Association des Régions de France Alain Rousset et à ce titre chantre de la compétitivité et de l’austérité. Si notre liste s’oppose radicalement aux programmes de la droite et de d’extrême-droite, elle s’affrontera à la politique du candidat Alain Rousset sur nombre d’axes majeurs de son programme.

 

Nous proposons de nouvelles pratiques politiques, une autre conception du rassemblement, de l’action politique elle même. Nous voulons redonner du sens à l’action collective, porter jusque dans l’assemblée les aspirations populaires à vivre mieux. Nous refusons le scenario annoncé  d’une droite revancharde, ultra libérale face à un Parti socialiste cherchant à aménager la cure d’austérité imposée à notre peuple, avec en arbitre un Front National préparant l’élection présidentielle.

 

Alors que nombre de nos concitoyens se réfugient dans l’abstention ou dans un vote de colère, il s’agit, dans notre démarche, de rassembler et de mener campagne avec tous ceux qui, au-delà des partis, se reconnaissent dans cette gauche anti-austérité et écologiste  en favorisant une co-élaboration du programme, des listes et de la campagne, dans le cadre d’assemblées citoyennes représentatives.

 

Pour ces raisons, Ensemble!, le PCF et le Parti de gauche. présentent des candidats sous l’appellation commune « Xxxxxxxxxxxx » qui porteront en toute indépendance aux deux tours de scrutin d’autres choix de développement pour notre pays et notre région, sur la base d’orientations fortes en rupture avec les logiques libérales actuelles. La lutte contre les inégalités, les réponses aux urgences  sociales et écologiques, l’exigence démocratique et donc le combat pour l’instauration d’une constituante pour une Sixième République qui permette par ses institutions l’expression et la mise en œuvre de la volonté du peuple souverain, seront au centre de leurs préoccupations.


Les candidat-e-s présentés sur notre liste signeront une  charte éthique qui montrera notre volonté de renouveler les pratiques politiques (respect des engagements de campagne et implication citoyenne, signature de la charte anticor, non cumul des mandats…)

 

 

- Les points clefs  de notre programme

1 - Rompre avec l’austérité et développer les solidarités

  • défendre et renforcer les services publics sur l’ensemble du territoire.
  • défendre un enseignement public général, technique, professionnel et agricole de qualité non soumis aux intérêts économiques immédiats : soutenir l’enseignement public professionnel et limiter l’apprentissage, qui doit rester un dispositif secondaire ;
  • ne pas financer les établissements privés au-delà de ce que nous impose aujourd’hui la loi
  • engager la reconquête par le service public de la formation professionnelle…

 

2 - Agir pour l’égalité territoriale et contre la métropolisation

  • engager un réaménagement du territoire en s’opposant à tout ce qui renforce la métropolisation  ou la compétition entre les territoires.
  • favoriser le transport pour tous, par le développement des trains du quotidien (TER, trains d’équilibre du territoire) la mobilisation contre la fermeture de dessertes et de gares, la gratuité des transports, que nous opposons au tout LGV et aux bus Macron.
  • Nous voulons travailler les alternatives aux LGV et nous refuserons leur financement par les collectivités.

 

3 - Pour l’emploi : une économie répondant aux besoins sociaux et engageant la transition écologique

  • relocaliser les productions en favorisant les circuits courts et la coopération pour permettre un emploi de qualité
  • planifier la transition écologique pour une activité humaine respectueuse de l’environnement, par la défense des terres agricoles et le soutien à une agriculture paysanne de proximité et en empêchant les fermes-usines ; par le développement des transports publics partout et pour toutes et tous, par le développement du fret public, par la baisse de la consommation de ressources énergétiques importées (pétrole, gaz, uranium) et la promotion de la production d’énergies renouvelables.
  • favoriser l’appropriation sociale collective des entreprises par les salariés et soutenir l’ESS
  • conditionner les aides économiques à leur utilité sociale, démocratique ou environnementale dès le premier euro.
  • Pas d’aides économiques aux multinationales, qui distribuent des dividendes à leurs actionnaires, ni à leurs filiales présentes sur le territoire régional.
  • Aider les sous traitants à ne plus dépendre d’un unique donneur d’ordre.

 

4 - Pour la démocratie, des lieux de travail aux institutions

  • nous nous opposons à la loi NOTRe qui casse le principe de l’égalité républicaine, les territoires  et la démocratie locale en éloignant les citoyens des lieux de décision.
  • apporter un soutien actif aux luttes sociales, démocratiques et environnementales : nous refusons toute neutralité de la collectivité en la matière. Nous mettrons en place de véritables consultations publiques pour tous les grands projets d’aménagement du territoire.
  • Créer à l’échelle des bassins d’emploi des structures associant les salariés, leur représentants les élus, aux critères d’attribution, au suivi et au contrôle des aides publiques.
  •  Redonner du sens à la fonction élective.
  • engager des pratiques financières honnêtes.
  • rendre compte en continu du mandat
  • impliquer les citoyens.
  • réinventer la démocratie dans l’Assemblée.

 

 

- La constitution des listes

Elle permettra :

  • - une démarche d’élaboration collective des listes, permettant une représentation large et ouverte sur le mouvement social, associatif et citoyen
  • - une répartition équitable et respectueuse de l’influence de chacun et de la nécessaire visibilité du pluralisme des composantes signataires sur l’ensemble des 3 régions actuelles

 

 

- Sur une éventuelle fusion

Nous voulons créer les conditions d’une majorité pour une alternative à l’austérité. Pour cela nous voulons changer les rapports de force politiques en donnant plus de poids au rassemblement de toutes celles et ceux qui refusent les politiques d’austérité.

 

La liste du FDG a pour ambition de diriger la future grande région pour la mise en œuvre de politiques pour et avec les citoyens.

Nous voulons faire du neuf.  Il ne s’agit pas de recommencer une union de la gauche, alors que l’orientation que nous portons est contradictoire à celle portée par le parti socialiste. Une fusion au second tour n’a rien d’automatique. Nous envisageons la possibilité de nous maintenir si les conditions du premier tour nous le permettent. Mais le mode de scrutin peut nous conduire à une fusion qui permette une juste représentation du vote de nos électeurs, conforme au résultat du premier tour, pour porter notre projet dans l’assemblée.


Le principe qui guidera nos discussions sera dans tous les cas l’indépendance des élus de notre liste qui n’est pas négociable pour tous les votes dans l’assemblée y compris le vote du budget.
Par ailleurs, nous assurons qu’il n’y aura pas de tri de la part de la liste arrivée en tête entre les candidats de la liste qui fusionne. De même l’exigence de la parité doit être assumée par les deux listes qui fusionnent et il doit y avoir un strict respect des résultats du premier tour.

 

Par ailleurs, les conditions et les modalités d’une éventuelle fusion doivent être discutées publiquement :

  • même si la loi prévoit que c’est la tête de liste régionale qui décide de la fusion, cette décision sera prise en toute clarté collectivement avec l’accord de l’ensemble des forces composant notre liste selon des conditions discutées préalablement
  • tous les débats avec les listes susceptibles de fusionner avec nous seront menés publiquement, pour que cela n’apparaisse pas comme des arrangements entre amis.

 

 

- La question des exécutifs

Dans cette élection, notre volonté est de porter des projets de transformation sociale, écologique et  démocratique réelle dans les régions. Si les conditions en sont créées, nous pourrons travailler à leur mise en œuvre jusque dans les exécutifs régionaux. Notre participation est donc absolument liée aux conditions qui la rendent possible. Il s’agit de la capacité à mettre en œuvre les points essentiels de notre programme. Que les choses soient claires : nos élus ne participerons pas à un exécutif régional qui continuerait les politiques actuellement mises en œuvre (austérité, métropolisation, compétition et concurrence entre les territoires). L’examen de ces conditions nécessitera une discussion collective des différentes composantes signataires avant toute discussion avec d’autres partis se réclamant de la gauche.

 

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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 08:04
Syriza : une victoire de la soumission ou de la résistance ?

L’interprétation du scrutin grec du 20 septembre 2015 est difficile, et reste suspendue à ce qu’Alexis Tsipras fera de ce succès électoral. Mais ce dernier comporte des enseignements importants et immédiats pour toute la gauche d’alternative en Europe.

 

Source : Regards.fr par Clémentine Autain | 23 septembre 2015

Le pari d’Alexis Tsipras est gagné. En initiant de nouvelles élections législatives, le leader grec appelait les électrices et électeurs à réaffirmer leur soutien au gouvernement. Alors que Syriza avait été élu pour tenir deux objectifs qui se sont révélés inconciliables – ne pas accepter un nouveau mémorandum ET ne pas sortir de la zone euro –, le peuple grec a validé l’option choisie par Tsipras. Il l’a fait sans l’enthousiasme des précédentes élections et avec une abstention croissante, 56,57 % de participation contre 63,87 % en janvier 2015, soit sept points de moins. Mais il l’a fait, évitant le grand bond en arrière qu’auraient constitué une victoire de la droite et une forte percée d’Aube dorée (lire aussi "Soirée de victoire douce-amère pour Syriza à Athènes"[1]).

 

Union populaire, dissidence de Syriza, pour qui la signature d’un troisième mémorandum était évitable à condition d’assumer la sortie de la zone euro, n’a pas convaincu. L’implication à ses côtés de personnalités telles que Yannis Varoufakis, Zoe Kostantopoulou ou Manolis Glezos n’y a rien fait. Pour UP, la barre des 3% qui permet d’être représenté au Parlement n’a même pas été franchie. Fort de ses 35% des voix, Syriza peut néanmoins écarter l’hypothèse d’une alliance avec le Pasok.

 

 

- Pas de sortie de l’euro sans soutien populaire.

Ce vote des Grecs est-il un vote de résistance ou de soumission ? Il n’est pas simple de répondre à cette question, d’autant que le sens d’un vote n’est jamais univoque. Mais la résistance opposée par Alexis Tsipras à la Troïka constitue sans aucun doute l’une des raisons de sa victoire. Négociant avec un pistolet sur la tempe, héritant d’une situation économique, sociale et financière exsangue dans un pays qui ne pèse que 2% du PIB européen, Alexis Tsipras a tenté. Il a affirmé un autre point de vue sur les solutions à même de redresser le pays et d’endiguer les inégalités. Il a impliqué son peuple par un référendum pour mener le rapport de force.

 

Bien seul, sans État partenaire et sans mobilisation européenne digne de ce nom, il a tenu tête là où tous les autres gouvernements de la zone euro se moulent les uns après les autres, sans broncher, dans les normes libérales des traités et de l’austérité. Cette attitude a donné de la fierté au peuple grec : c’est sans doute l’une des clés de réussite de Tsipras. S’il a perdu le bras de fer face à l’Eurogroupe, il est allé au combat.

 

L’alternative proposée par Unité populaire, le saut dans l’inconnu d’une sortie de l’euro, les Grecs n’en ont pas voulu. Tsipras avait donc raison de penser que son peuple n’était pas prêt à cette ultime confrontation. Or, qu’elle soit juste ou non sur le fond économique et politique, cette sortie ne peut se faire qu’à la condition que le peuple soit pleinement impliqué dans ce choix, qu’il soit convaincu qu’une telle voie est la bonne. L’une des leçons de ce scrutin est qu’il est inopérant politiquement de penser que l’on peut avoir raison contre le point de vue des masses populaires. On peut donc s’interroger : les dirigeants de l’UP n’ont-ils pas quitté Syriza sur la base d’une analyse fausse de l’état de conscience du pays ? En focalisant sur la sortie l’euro, ils n’ont pas convaincu. Ils ont ainsi couru le risque de la marginalisation de leur courant politique (lire aussi "Panayotis Lafazanis : « Unité populaire a allumé un feu souterrain »[2]").

 

 

- Point de départ ?

Une chose est sûre : l’histoire n’est pas finie. Et l’enjeu d’interprétation de cette séquence ne concerne pas que les Grecs. Il en va de l’ensemble des courants de la gauche d’alternative en Europe. François Hollande ou Martin Schulz ont eu tôt fait de souhaiter à Tsipras la bienvenue dans la social-démocratie. Tsipras ayant finalement accepté un troisième mémorandum doit se retrouver classé de leur côté, espèrent-ils. Le bras de fer gagné par l’Eurogroupe doit faire tâche d’huile et rappeler qu’il n’y a pas d’alternative aux politiques d’austérité. Or, non seulement ce n’est pas sa famille politique mais la bataille qu’il a menée, aucun dirigeant de la social-démocratie européenne ne l’a menée.

 

Ce qu’a réussi Tsipras, c’est une démonstration politique. Elle peut être interprétée comme désespérante parce qu’il a échoué à éviter un nouveau mémorandum. Elle peut aussi être vue comme un point de départ, celui d’une prise de conscience nouvelle à l’échelle européenne sur la nature actuelle de l’Union européenne, la dureté et la détermination de ses dirigeants.

 

Cette prise de conscience a eu le mérite d’ouvrir une période de grande agitation intellectuelle et politique : des voies nouvelles se cherchent pour sortir du carcan des traités européens, du néolibéralisme et de l’austérité. Dans toute la gauche radicale européenne, on discute de mesures unilatérales, des façons de se protéger, des moyens d’organiser la confrontation sociale et politique avec la Troïka, de la non application de tout ou partie des traités, des formes accrues de coopération nécessaire entre les pays et les forces politiques qui refusent la logique imposée. Il s’agit de ce point de vue d’un tournant historique.

 

 

- Une solution politique

La suite n’est pas écrite : Alexis Tsipras, qui a aussi gagné parce qu’il est un homme neuf en politique, non corrompu, apparaissant comme sincère et honnête dans ses choix, avec une méthode, la consultation de son peuple, là où les autres dirigeants leur écrasent la tête, continuera-t-il à se battre comme il le promet ? Réussira-t-il à dégager quelques marges de manœuvre pour appliquer une politique différente de ses prédécesseurs, à combattre la corruption ou l’emprise de l’Église, à bâtir d’un État digne de ce nom, à s’emparer pleinement d’autres enjeux, sur le contenu de l’éducation, la démocratie sociale, la lutte contre le sexisme, etc. ? Ou se moulera-t-il dans les normes dominantes, laissant périr l’espoir déjà entamé et quittant les rives de la gauche d’alternative ?

 

Nul ne le sait. Nous n’avons aucun intérêt à présager du pire par anticipation. S’il faut être lucide sur les difficultés qui vont être les siennes, notamment parce qu’il va devoir concrètement privatiser le port du Pirée ou baisser les pensions, il serait dramatique de dilapider plus encore tout espoir et de rejeter Tsipras dans les bras d’une gauche qui ne l’est plus.

 

La gauche radicale française a pris sa part dans la campagne électorale grecque. Sans doute imprudemment. Elle est en tout cas apparue divisée. Jean-Luc Mélenchon avec le Parti de gauche a soutenu avec vigueur Unité populaire, et a enthousiasmé les foules au stand de la fête de L’Humanité en invitant Yannis Varoufakis. Pierre Laurent avec le PCF a, de son côté, soutenu sans sourciller Alexis Tsipras. Une position unifiée se cherche. Elle doit éviter un double écueil : d’une part, celui du repli national et de la focalisation sur la sortie de la zone euro ; d’autre part, la continuité des slogans et de la stratégie, comme si l’expérience grecque n’invitait pas à muscler les discours et les propositions. La solution n’est pas institutionnelle, mais politique. Et elle suppose de savoir articuler un rapport de forces national et européen. La ligne de crête est étroite. Mais pour réussir, elle doit être tenue.

 

Notes :

[1Soirée de victoire douce-amère pour Syriza à Athènes

[2] Panayotis Lafazanis : « Unité populaire a allumé un feu souterrain »

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

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5 octobre 2015 1 05 /10 /octobre /2015 08:05
Crédit photo photosdegauche.fr (Rémy Blang)

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La dialectique entre intérêt général et intérêts particuliers doit être retravaillée pour refonder la République[1] !

 

La question du droit de propriété revient sans cesse quand il s’agit de répondre aux urgences économiques et sociales.

- Peut-on interdire les licenciements boursiers ?

- Faire baisser les loyers ?

- Rendre gratuitement accessibles des biens communs comme l’eau ?

- Réquisitionner des productions ou équipements stratégiques pour la souveraineté du pays ?

- Permettre aux salariés d’être prioritaires face à d’autres investisseurs pour reprendre leur entreprise ?

Dans tous les cas, ces propositions du Front de Gauche mettent en cause la propriété privée : celle des entreprises, des logements, des ressources naturelles.

 

Source : le site du Parti de Gauche le 17 octobre 2014 par Laurent Maffeïs

- Ordre constitutionnel bien gardé
Or celle-ci est aujourd’hui garantie par un ordre juridique et institutionnel très puissant. Pas seulement par les lois votées au Parlement. Mais surtout par l’ordre constitutionnel de la 5ème République. La propriété privée y est installée tout en haut de la hiérarchie des normes. Cet ordre n’est pas seulement théorique. Il a ses gardiens et ses sanctions. Le Conseil constitutionnel et l’ensemble des juges sont ainsi chargés de faire respecter cette hiérarchie. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a même étendu les droits des propriétaires privés en donnant une valeur constitutionnelle à des concepts aussi discutables que la liberté d’entreprendre ou la liberté du commerce. Ceux-ci s’imposent le plus souvent à des droits fondamentaux comme le droit au logement ou au travail. On ne compte plus les dispositions, même bien plus modérées que nos propositions précitées, qui sont annulées par ces gardiens. Ainsi a été liquidé l’été dernier le timide et complexe encadrement des loyers prévu dans la loi Duflot.

 

 

- Propriété privée, droit d’usage
Pour réaliser notre programme économique et social, un changement de la loi suprême elle-même est donc indispensable. Il est d’autant plus nécessaire dans le contexte de financiarisation extrême de l’économie qui a encore démultiplié le pouvoir des propriétaires du capital dans la société. Dans une tribune publiée par Le Monde le 19 septembre 2014, Jean-Luc Mélenchon a souligné cette importance de la propriété dans le débat constituant de la 6ème République. « La définition des droits constitutionnels de la propriété privée du capital devrait changer. D’un droit sacré inaliénable, il doit devenir un simple droit d’usage, encadré par les servitudes de l’intérêt général. Sans cela, comment accroître la rémunération du travail qualifié et réduire le coût du capital dans la production ? »

 

 

- Qui fixe les valeurs dominantes ?
Définir la norme dominante dans l’ordre constitutionnel n’est pas seulement institutionnel. C’est en réalité un débat philosophique sur les valeurs qu’un peuple décide de mettre aux commandes de la société. La propriété privée n’est pas naturelle dans l’ordre social. C’est une convention, fluctuante selon les lieux et les époques. Par exemple, certains pays, comme l’Allemagne, ne reconnaissent pas de réelle propriété privée des terrains mais uniquement des constructions.

 

L’absence de propriété privée a même pu être la norme dans certaines sociétés où le souci d’égalité était très poussé. Le fait que la propriété privée domine dans un ordre juridique signifie que la classe des propriétaires a confisqué le débat constituant. Généralement sans véritable discussion démocratique comme lors de la création de la 5ème République en 1958. Dans la 6ème République c’est le peuple lui-même qui délibérera sur les principes qui inspireront tout l’ordre juridique.

 

 

- Débat aussi vieux que la République
Le débat constituant sur la propriété est aussi vieux que la République elle-même. A l’initiative de Robespierre et des Jacobins, il a agité de 1792 à 1794 la première assemblée constituante élue au suffrage universel en France, la Convention. Voici comment Robespierre interpellait les constituants à ce sujet : « Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté à l’exercice de la propriété, et vous n’avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime de manière que votre déclaration paraît faite, non pour les hommes, mais pour les riches. »


Face aux libéraux qui veulent maintenir la propriété privée comme droit inaliénable et sacré, Robespierre proposait une autre hiérarchie des normes. Pour lui, « la première loi sociale est celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés » Pour permettre une certaine stabilité du droit des petites propriétés d’usage, on pourrait ne garantir la propriété privée que dans le respect des droits fondamentaux d’autrui et de l’intérêt général. Restera pour cela à définir quels sont ces droits fondamentaux. Mais c’est là une autre facette de l’immense chantier constituant.

 

 

- Subordonner la propriété aux droits fondamentaux
Cette « subordination » de la propriété privée à d’autres impératifs existe déjà à la marge dans le régime actuel. Ainsi peut-on exproprier des propriétaires immobiliers quand un projet est déclaré d’utilité publique. Mais la constitution actuelle empêche d’aller beaucoup plus loin.
Les droits liés à la propriété privée pourraient être limités dans le temps et l’espace, par exemple pour garantir effectivement le droit au logement. Là où les loyers sont trop élevés, une baisse pourrait être imposée aux propriétaires. L’objectif étant bien sûr d’atteindre l’égalité dans la garantie des droits fondamentaux humains.


Afin de protéger l’économie de la spéculation et du pillage, les droits des actionnaires sur les entreprises pourraient aussi être modulés en fonction de la durée de leur investissement. De même le droit d’héritage pourrait-il être supprimé ou fortement limité au nom de l’égalité de chaque individu devant la propriété privée.

 

 

- Permettre la souveraineté économique du peuple
Une nouvelle définition constitutionnelle de la propriété permettrait aussi de donner au peuple de nouveaux pouvoirs économiques. L’indépendance technologique et industrielle du pays en dépend. Certes « l’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » est théoriquement punie par la loi (article L 411-5 du code pénal). Et les « éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique », font partie de ces intérêts fondamentaux (article L 410-1 du code pénal). Mais dans le régime actuel, ces dispositions ne sont en réalité applicables qu’en cas de guerre ou de terrorisme. Pourtant les banquiers voyous, les agences de notation et les fonds spéculatifs peuvent faire plus de dégâts sur le pays que des attentats.

 

La 6ème République pourrait permettre au peuple de se protéger face à ces pillages. En créant par exemple une procédure de réquisition publique de productions, de technologies (brevets) ou d’équipements en cas d’« atteinte grave et irréversible à un élément essentiel du potentiel économique de la nation ». Ainsi serait établie une véritable souveraineté économique du peuple.
 

Note :

[1] Intérêt général et intérêts particuliers par

 

Pour en savoir plus :

- Pour la 6e République ! [ch.4] Des droits nouveaux

- Stupéfiant rapport de la fondation Abbé Pierre

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 10:07
huffingtonpost.fr

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Sources : Nicolas Huguenin dimanche 27 septembre 2015
Madame,
 
Je n'ai pas regardé votre prestation télévisuelle hier soir. Je sortais d'un concert où de magnifiques artistes avaient interprété des œuvres de Liszt, de Brahms et de Chopin, et, après tant de beauté sonore, l'idée de vous entendre débiter vos âneries avec une voix de poissonnière lepénisée me répugnait légèrement. Non, complètement, en fait. Mais ce matin, j'ai quand même pris sur moi et j'ai regardé huit (longues) minutes de votre intervention. Et permettez-moi de vous dire, madame, que la maladie dont vous souffrez – dite « maladie de la bouillie de la tête » – vous fait dire n'importe quoi.
 
Vous parlez de « race blanche » et de religion, en associant l'une et l'autre. Passons sur le fait que la « race blanche » n'existe pas, et que plus personne n'en parle depuis que les derniers théoriciens nationaux-socialistes ont été pendus à Nuremberg. Mais associer une religion à une couleur de peau, là, il fallait le faire ! Les Albanais sont blancs et musulmans. Desmond Tutu est noir et chrétien. Le pays musulman le plus peuplé du monde est l'Indonésie, habitée par... des jaunes. Ah, c’est compliqué, hein ! D'ailleurs, si on ne peut pas changer de couleur de peau, à part Mickael Jackson, on peut toujours sans modifier son teint abandonner une religion ou en changer. Tenez, moi j'ai renoncé à la mienne et je ne suis pas devenu transparent pour autant – sauf quand j'essaie de draguer un grand brun aux yeux bleus dans un bar gay, mais ceci est une autre histoire. Et, au passage, en affirmant que la France est « de race blanche », vous laissez entendre que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte, ce n'est pas la France. C'est bien les patriotes en peau de lapin d'extrême-droite, ça ! Ça nous rebat les oreilles avec la France, mais ça raye de la carte cinq départements d'un coup.
 
Vous expliquez ensuite que la France a une identité judéo-chrétienne. Et là, pour une fois, vous n'êtes pas allée assez loin – sans doute parce que vous ne connaissez pas mieux l'histoire de la France que sa géographie. Non, madame, la France n'est pas judéo-chrétienne. Elle est catholique. Et elle l'est parce que, pendant mille trois cents ans, on n'a pas permis aux Français d'être autre chose. Juifs, cathares, vaudois et protestants le savent bien. Entre 496, date à laquelle Clovis a (selon la formule célèbre) embrassé le culte de son épouse, et 1790-1791, date à laquelle on s'est résolu à considérer les juifs et les protestants comme des citoyens à part entière, la religion n'a pas été une affaire de choix personnel. Ni même collectif. Les Français n'ont pas voulu être catholiques. Ils ont été contraints de l'être. Ce que les libéraux appellent « la concurrence libre et non faussée » n'est appliquée, en matière de religion, que depuis deux siècles. Le chevalier de la Barre était déjà mort. Jean Calas aussi. Et tous ceux qu'on avait massacrés au nom de Dieu, avant eux ; rançonnés par Philippe Auguste, marqués de la rouelle par Saint Louis, expulsés du royaume par Philippe le Bel, massacrés par toutes sortes de croisés, immolés par l'Inquisition, trucidés par Charles IX, pourchassés par les dragons de Louis XIV... Au passage, je trouve parfaitement dégueulasse votre tentative minable de récupérer les Juifs et les protestants pour alimenter votre petit commerce de la haine. Quand on sait ce qu'ils ont subi en France pendant des siècles... Il fallait une sacrée persévérance pour ne pas être catholique en France, alors. Heureusement, ce n'est plus le cas. Et moi, contrairement à vous, je m'en réjouis. En laissant les Français librement choisir leur religion, ou choisir de ne pas en avoir, on a des surprises. Et alors ? Cela porte un beau nom, madame Morano. Cela s'appelle la liberté de conscience.
 
Et c'est enfin la troisième et dernière remarque que je voulais vous faire, madame. Vous vous plaignez que, dans certains quartiers, on ne célèbre plus que 5 baptêmes, là où il s'en célébrait 250 il y a encore quelques décennies. Mais la faute à qui ? Aux musulmans, qui « envahissent » nos villes, ou aux catholiques, qui renoncent à l'être et n'obligent plus leurs enfants à fréquenter le catéchisme ? Et vous ne vous demandez pas pourquoi l'Église faisait fuir les fidèles ? Non ? Vraiment, vous n'avez pas une petite idée ? Ne serait-ce pas, je ne sais pas, moi, par exemple, parce qu'elle condamne encore les femmes qui prennent la pilule, et les hommes qui emploient un préservatif ? Ou parce qu'il est devenu insupportable d'affirmer, comme le font certains évêques, qu'une femme violée qui avorte est plus coupable que son violeur ? Ou parce que ça commence à se savoir, que certains curés tripotent les enfants de choeur dans les sacristies ? Ou parce que répéter que le mariage est un sacrement indissoluble, dans un pays où un tiers des couples divorcent, ça fait un peu “ringard” ? Ou parce que le double discours d'une Église riche à milliards en faveur des pauvres n'est plus tout à fait pris au sérieux ? Ou, tout simplement, parce que la foi, dans notre monde moderne, n'apporte plus de réponses suffisantes aux masses ? Et d'ailleurs, rassurez-vous, les catholiques ne sont pas les seuls concernés. Tenez, je vous parie que, dans deux ou trois générations, les musulmans de France ne mettront pas plus souvent les pieds dans une mosquée que moi dans une église... ou que vous dans une bibliothèque. C’est dire... Déjà, un tiers d'entre eux ne fait plus le ramadan.
 
Tout cela pour vous dire, madame, que votre vision d'une France réduite à ses seuls habitants « de souche » est non seulement insupportable moralement, mais aussi sacrément dépassée. Et que votre peur panique de tout changement, de toute modernité, est pathétique. Et presque risible. « Nous avons éteint dans le ciel des lumières qu'on ne rallumera plus », disait le député René Viviani en 1906. Et ce n'est pas en allumant les feux d'une guerre civile que vous ferez croire aux électeurs que vous brillez, madame. Tout le monde le sait : vous n'êtes pas une lumière.
 
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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 08:03
Le grand basculement réactionnaire

Texte extrait du numéro d’hiver de Regards, rubrique "Enquête intellectuelle".

L’espace public, intellectuel et médiatique connaît un basculement, sans précédent depuis les années 50, vers la pensée d’extrême droite. Amorcée avec le tournant libéral et conservateur des années 80, la dérive idéologique actuelle est d’une autre gravité.

 

Source : regards.fr par Gildas Le Dem | 9 août 2015

Journal pourtant réputé sérieux, le quotidien Le Monde titrait, il y a peu, sur une "polémique" entre Eric Zemmour et Robert Paxton. Maladresse éditoriale ou faute intellectuelle et politique, peu importe : comment n’être pas stupéfait que l’on puisse mettre sur un même plan, voire sur un pied d’égalité, la figure d’un historien internationalement reconnu et celle d’un éditorialiste, reconnu, au mieux, des lecteurs du Figaro et de quelques spectateurs d’i>Télé ? Et, donc, que l’on puisse accorder à Éric Zemmour tout ce dont il rêve, être considéré comme un intellectuel ? Le succès éditorial du Suicide français doit-il valoir argument, et reconnaissance intellectuelle ?

 

Depuis les Lumières, un intellectuel se définit par sa résolution à mettre en œuvre un savoir rationnel, mais autonome à l’égard de la raison d’État. Et à adresser au public des propositions critiques qui prétendent tout, sauf parler au nom de l’opinion ou du peuple. À cette aune, Éric Zemmour n’est pas un intellectuel. Mais c’est justement contre cette tradition des Lumières que Zemmour s’inscrit. Tout au contraire, Robert Paxton avait su, en son temps, s’adresser au public pour lever le voile sur ce refoulé socio-historique que représentait l’histoire de la collaboration de l’État français avec le régime nazi. Il mettait au défi une opinion encore réticente à s’approprier la face la plus obscure de sa propre histoire. Et contestait l’autorité de la raison d’État qui effaçait, raturait, réécrivait tout ce qui troublait ou entachait une prétendue "identité française", réputée homogène et pure dans sa version républicaine.

 

 

- Un deuxième temps de la révolution conservatrice

Tout ceci serait de peu d’importance, si ce conflit n’était l’exemple le plus frappant d’une lente érosion structurelle de l’espace public et intellectuel. L’apparition d’idéologues réactionnaires au premier plan de la scène publique n’est pensable que sur fond de révolution conservatrice, telle que décrite par Pierre Bourdieu, puis par Didier Eribon [1]. Les dispositifs idéologiques du tournant réactionnaire des années 2000-2010 prolongent la révolution néo-libérale des années 1980-1990. Aux "intellectuels médiatiques" d’alors succèdent les éditorialistes d’aujourd’hui. Les François Furet, Marcel Gauchet, Luc Ferry, Pierre Rosanvallon ont laissé la place aux figures d’Élisabeth Lévy, Henri Guaino, Philippe Cohen. Les premiers se regroupaient autour de la Fondation Saint-Simon, véritable "think tank" visant à inspirer une politique néolibérale à la gauche de gouvernement. Et prenaient leurs références intellectuelles chez les plus conservateurs et les plus académiques des universitaires, comme Raymond Aron. Les seconds, auxquels on peut agréger Éric Zemmour, Natacha Polony, se sont d’abord retrouvés autour de la Fondation Marc Bloch, en visant à inspirer, à la gauche comme à la droite, une politique souverainiste-républicaine.

 

Le déplacement idéologique n’est pas neutre : l’idéologie nationale-républicaine se construit contre l’idéologie néolibérale. Mais l’une et l’autre ont en commun leur opposition à la pensée critique, qu’elle se réfère à la lutte des classes, ou encore aux conflictualités entre dominants et dominés, gouvernants et gouvernés. Toutes deux s’entendent à récuser le clivage gauche / droite. L’idéologie néolibérale tend à nier la pertinence du clivage de classes, l’idéologie nationale-républicaine, elle, tend désormais à lui substituer le clivage nationaux / non-nationaux Or, on le sait depuis les travaux de l’historien Zeev Sternhell, cette négation est une prémisse fondatrice d’une pensée fascistoïde [2]. Enfin, il faut ajouter que c’est ce glissement qui affecte le vote d’une partie des classes populaires, comme l’a montré Didier Eribon dans Retour à Reims. L’abandon, par la gauche de gouvernement, des classes populaires et du discours de classe qui structurait leur imaginaire politique a contribué à reformer un vote de classe qui se portait autrefois vers le Parti communiste, et cette fois en faveur du Front national. Ce vote est désormais ancré dans une cohérence culturelle, qui agrège humiliation de classe, ressentiment contre la gauche socialiste, hostilité envers les populations immigrées [3].

 

C’est sur ce terrain que prospèrent les analyses de Christophe Guilluy. Le géographe médiatique n’hésite pas à opposer, à la manière de Maurras, deux France, l’une périphérique et « réelle », l’autre centrale et « privilégiée ». Variante moderne du "eux" et du "nous" qui brouille plus que jamais les pistes. Au lieu de rassembler les couches populaires, ce "nous" les divise : les immigrés de la banlieue sont classés du côté des "favorisés" de la France métropolitaine, quand les ouvriers "natifs" de la périphérie sont renvoyés du côté des défavorisés. Dans ces analyses, l’exploitation et la domination s’effacent. Reste le ressentiment des seconds à l’encontre des premiers.

 

 

- La libération d’une parole essentialiste et raciste

Ainsi, la question de l’identité, et notamment de l’identité nationale, occupe une place organisatrice dans le débat aujourd’hui, dominé par les idéologues réactionnaires. Avec, en son coeur, la tentative de suturer trois grandes blessures narcissiques, qui constituent autant de refoulés historiques de la société française : la Collaboration (et notamment le rapport aux Juifs), la Guerre d’Algérie (et notamment le rapport aux populations maghrébines immigrées), Mai 68 enfin (qui allia grèves ouvrières et débuts de la révolution sexuelle pour les femmes et les homosexuels). Comme tout refoulé, ces blessures ressurgissent au travers de compromis linguistiques euphémisés, donnant lieu, par la suite, à une libération progressive d’une parole violemment essentialiste et raciste (qu’il s’agisse d’antisémitisme, de misogynie, d’homophobie, de racisme de classe). Il est significatif que l’on emploie aujourd’hui le terme de « citoyens musulmans » pour parler des populations immigrées, expression dont il faut rappeler qu’elle provient du vocabulaire officiel de l’administration coloniale en Algérie [4].

 

Il est utile, pour expliquer ce basculement dans une idéologie d’extrême droite, de faire un détour par l’histoire intellectuelle européenne des années 30. Et de revenir à l’exemple du philosophe allemand Martin Heidegger. Pierre Bourdieu a mis à jour la manière dont Heidegger pratiquait un discours antisémite et contre-révolutionnaire dans les termes les plus sophistiqués de la philosophie la plus pure [5]. Tout en puisant, d’une autre main, au creuset du discours le plus populiste (contre les Juifs, la Sécurité sociale, la politique du logement, etc.). Pour finir par exprimer ouvertement ses pulsions réactionnaires dans son adhésion politique au national-socialisme [6]. Jacques Derrida ou Marlène Zarader avaient déjà montré, dans Heidegger et la question ou La dette impensée, combien les questions de l’histoire, du destin de la nation allemande, d’une identité intellectuelle européenne homogène à elle-même, jouaient un rôle organisateur dans la pensée heideggerienne. Poursuivant cette logique d’exclusion de toute forme d’hétérogénéité, qui voudrait que l’identité européenne n’ait pour seules racines que l’héritage grec et chrétien, Heidegger se voyait contraint, pour ainsi dire, de biffer, raturer l’héritage intellectuel du judaïsme dans l’histoire de l’Occident.

 

On pourrait ajouter, avec le médiéviste Alain de Libéra, qu’Heidegger a, comme tant d’autres, également passé sous silence l’héritage des traducteurs et des intellectuels musulmans formés à la lecture du Coran, et dont on il faut réaffirmer l’importance dans la transmission de l’héritage grec en Europe [7]. Ce sont ces mêmes biffures, ces mêmes ratures qui structurent à nouveau le discours réactionnaire, sur un mode évidemment moins sophistiqué que chez Heidegger. Les vaticinations hebdomadaires de Finkielkraut et Zemmour sur l’identité, l’histoire et la civilisation française et européenne, inspirées par Renaud Camus, n’en sont jamais qu’une pâle copie.

 

 

- L’étrange coalition des réactionnaires

On sait combien Renaud Camus imprègne aujourd’hui la rhétorique d’un Zemmour sur le "Grand remplacement", euphémisation d’un racisme ordinaire qui dévoilerait le grand complot visant à effacer la race blanche par les indigènes. Renaud Camus joue, dans la constitution de cet espace de pensée réactionnaire, un rôle déterminant et central. En 2000, alors que la publication de son journal, La Campagne de France, révélait des propos antisémites à peine voilés (sur le nombre de journalistes juifs à France Culture notamment), on vit les réseaux éditoriaux et médiatiques de la pensée libérale et réactionnaire se mobiliser, au nom du libéralisme et du pluralisme, pour défendre l’indéfendable.

 

De la même façon, Élisabeth Lévy défendra les spectacles de Dieudonné au nom de la lutte contre l’anti-politiquement correct [8]. Étranges alliances, où au nom de l’identité culturelle française et de l’amour de la République, des "intellectuels" juifs, mais homophobes ou islamophobes, se solidarisent d’ "écrivains" ou d’ "artistes" homosexuels ou musulmans, mais antisémites. Il ne s’agit évidemment pas de réassigner chacun à ses appartenances sociales, culturelles, religieuses ou sexuelles, mais de relever l’instrumentalisation de ces appartenances pour renvoyer chacun au devoir de les sacrifier sur l’autel d’une identité nationale ou républicaine. C’était pourtant l’une des dernières leçons politiques d’Hannah Arendt, dont il arrive à ces "intellectuels" réactionnaires de se réclamer : ne jamais s’attacher à ses propres appartenances, mais ne rien en renier, s’il s’agit de les sacrifier au nom de l’identité nationale et de récuser les valeurs d’égalité et de justice sociale [8].

 

Il est grand temps de réaffirmer, de manière offensive, les valeurs d’une pensée authentiquement critique et de gauche. Bref, d’appeler de ses vœux, en théorie et en pratique, la venue de ce que Jacques Derrida nommait des termes énigmatiques de « nouvelles Lumières », de « démocratie à venir » ou de « nouvelle Internationale ».

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

[1] Contre-feux, tomes 1 et 2, de Pierre Bourdieu, Liber-Raisons d’agir. Et D’une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française, de Didier Eribon, Éd. Léo Scheer.

[2] Ni droite ni gauche. L’idéologie fasciste en France, de Zeev Sternhell, Folio-Gallimard.

[3] Il faut noter que, si Didier Eribon évoque évidemment l’homophobie ordinaire des classes populaires, il se garde d’ y rapporter le vote en faveur de l’extrême-droite ; si cette homophobie culturelle reste prégnante, elle ne se traduit pas en terme de mobilisation comme on l’a vu avec la Manif pour Tous, dont les rangs étaient, de manière écrasante, constitués d’une population blanche, bourgeoise et catholique.

[4] Cf. 1962, Comment l’indépendance algérienne a transformé la France (Payot) de Todd Shepard. Todd Shepard prépare actuellement un livre, qui montre combien la question algérienne a, par ailleurs, continué de travailler l’inconscient de la société française après l’indépendance algérienne, notamment au travers du prisme de la question sexuelle (La France le sexe et "les arabes", de 1962 à 1979, à paraître chez Payot). On ne s’étonnera pas, dès lors, que la figure sexuelle du "garçon arabe", occupe obsessionnellement les discours comme ceux d’Eric Zemmour, Pascal Bruckner ou Renaud Camus, qui ne cessent de dénoncer, par exemple, une dévirilisation du mâle blanc français ou, plus généralement, occidental. Et l’on pourrait bien évidemment comparer cette panique sexuelle et morale à celle qui s’empare des hommes blancs américains, lorsqu’il s’agit d’évoquer la place et la visibilité des hommes afro-américains dans la société étasunienne.

[5] L’Ontologie politique de Martin Heidegger, de Pierre Bourdieu, Minuit.

[6] On peut consulter aujourd’hui le livre de Peter Trawny, Heidegger et l’antisémitisme, Sur les "Cahiers noirs", qui revient sur les expressions d’antisémitisme les plus effarantes qui peuplent les écrits intimes d’Heidegger.

[7] Alain de Libera : Le don de l’Islam à l’Occident (Maisonneuve et Larose), ainsi que Les Grecs, les Arabes et nous : Enquête sur l’islamophobie savante (Fayard).

[8] Dans son journal en ligne, Renaud Camus (aux entrées en date du mois de mai 2013) relate l’existence de soirées réunissant Alain Finkielkraut, Elisabeth Lévy, Paul-Marie Couteaux, Richard Millet, Charles Consigny, ou encore Robert Ménard. Tous ces individus, pris à l’état isolés, partagent, outre leur détestation de l’Islam, une prétention commune à l’originalité, la provocation vaguement esthète ou distinguée qui feraient d’eux de nouveaux dandys, quand ils n’ont évidemment pas le début de génie d’un Baudelaire ou même d’un Godard. Godard qui, aujourd’hui, dans une sorte de surenchère ou de provocation esthète qui s’emballe, en vient à "espérer" une victoire du Front national.

 

Pour en savoir plus :

- Pharmacologie du Front national, de Bernard Stiegler, Flammarion.

- Démocratie précaire. Chroniques de la déraison d’État, d’Éric Fassin, La Découverte.

- Les mots sont importants, de Sylvie Tissot, Libertalia, ainsi que le site du collectif "Les mots sont importants" : lmsi.net.

- Vers l’extrême. Extension des domaines de la droite, Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, éditions Dehors.

- Pour les musulmans, d’Edwy Plenel, La Découverte.

- Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard, de Philippe Corcuff, Textuel.

- "La gauche dans le piège de Guilluy", Roger Martelli.

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 08:33
Grèce : le stupéfiant aveu de la BCE

Le vice-président de la BCE a reconnu que la menace de Grexit n'avait "jamais été lancée pour de vrai". Un aveu étonnant qui jette une nouvelle lumière sur les événements de l'été dernier.

 

Sources :  LA TRIBUNE par Romaric Godin le 16/09/2015

C'est un aveu qui passera sans doute inaperçu, mais qui lève un voile sur la réalité brute de la stratégie des créanciers de la Grèce en juillet dernier. Dans une interview accordée à Reuters le 16 septembre, le vice-président de la BCE, Vitor Constâncio, affirme, sans sourciller, que la menace d'expulsion de la Grèce de la zone euro, le fameux « Grexit », « n'a jamais été lancée pour de vrai parce que ce ne serait pas légal. » Et le Portugais de regretter que, du coup, il est désormais nécessaire de « supprimer les doutes qui demeurent sur la viabilité du bloc monétaire. »

 

- La menace de Benoît Cœuré

Tout ceci n'était donc qu'une farce ? Rien de vrai ? Pourtant, la menace de Grexit a bel et bien été agitée, non seulement par Wolfgang Schäuble, mais aussi par la BCE. Mardi 30 juin, par exemple, trois jours après l'annonce par Alexis Tsipras de l'organisation d'un référendum sur les propositions des créanciers, Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE affirmait dans une interview accordée aux Echos que « la sortie de la Grèce de la zone euro, qui était un objet théorique, ne peut malheureusement plus être exclue. » Et il allait encore plus loin, en se projetant dans l'hypothèse d'un Grexit : « ce serait un défi pour l'Europe qu'elle devrait relever au plus vite, en renforçant sérieusement son cadre institutionnel. » Avec ces mots très forts, le Français laissait entendre que la BCE était préparée à faire face à cette option. Ces déclarations étaient lourdes de conséquences, car seule la BCE pouvait, en privant la Grèce de liquidités, contraindre Athènes à sortir de l'Union monétaire.

 

 

- Les déclarations du 3 juillet de Vitor Constâncio

Cette interview était donc une véritable menace sur le gouvernement, mais aussi sur le peuple grec qui s'apprêtait à se prononcer dans le référendum. Mais Vitor Constâncio affirme aujourd'hui que ce n'était pas « pour de vrai. » Pourtant, lui-même, quatre jours plus tard, le 3 juillet, déclarait que la BCE ne couperait pas le robinet de l'ELA, sauf s'il avait le soutien des dirigeants de la zone euro. Autrement dit, il mettait en place un processus d'exclusion de la zone euro : l'Eurogroupe estime qu'un pays n'est plus digne d'être membre de la zone euro et la BCE met la menace à exécution. Ceci n'était pas une parole en l'air. Dans la semaine qui a suivi le référendum, c'est ce qui a fait basculer le gouvernement grec.

 

 

- Menaces supplétives de la stratégie de Wolfgang Schäuble

En effet, le 11 juillet, lorsque Wolfgang Schäuble a présenté son plan d'exclusion « temporaire » de 5 ans de la Grèce, Alexis Tsipras a pu croire que c'était « pour de vrai », puisque Vitor Constâncio avait indiqué qu'un feu vert pour le Grexit de l'Eurogroupe entraînerait la BCE à réaliser ce Grexit. Il a donc pris peur et cru qu'en effet, la Grèce était au bord de l'exclusion. Il a alors accepté le 13 juillet le principe d'un troisième mémorandum qu'il a signé le 19 août. C'est dire si la BCE a parfaitement servi la stratégie de Wolfgang Schäuble qui, in fine, a permis le triomphe d'Angela Merkel. La chancelière a pu ainsi, comme son alliée François Hollande, se présenter comme « sauveur de l'euro. »

 

 

- La BCE avait un objectif politique

Ces déclarations de Vitor Constâncio mettent donc à jour le plan des créanciers : menacer de Grexit un gouvernement grec qui, il est vrai, était prompt à bien vouloir l'être, afin de remporter la victoire politique que les créanciers cherchaient depuis les élections du 25 janvier. Ces créanciers n'avaient, en réalité, aucunement l'intention de procéder à un Grexit qui les aurait tout autant fragilisés que la Grèce. Ils ont utilisé toute la force des institutions pour obtenir une victoire complète contre un gouvernement qui ne leur convenait pas afin de détruire la base politique de ce gouvernement.

 

 

- Une pierre dans le jardin d'Alexis Tsipras

Cette déclaration de Vitor Constâncio induit trois conséquences. La première concerne Alexis Tsipras. L'aveu du Portugais détruit le storytelling de l'ancien premier ministre grec selon lequel il «n'avait pas le choix » et que s'il refusait de signer l'accord du 13 juillet, la Grèce était exclue de la zone euro. En réalité, on peut désormais affirmer que si Alexis Tsipras n'avait pas cédé, que s'il avait introduit un projet de monnaie parallèle, la balance des peurs auraient changé de camp. Si les créanciers craignaient réellement le Grexit, il aurait alors pu espérer obtenir un compromis plus favorable, sur la base de ses propositions du 22 juin. Alexis Tsipras s'est donc bien trop empressé de croire un Wolfgang Schäuble qui n'avait pas les moyens de ses menaces. C'est une mauvaise nouvelle pour le leader de Syriza à quatre jours de l'élection de dimanche.

 

 

- La crédibilité de la BCE en question

Deuxième conséquence : la crédibilité de la BCE devrait être fortement atteinte par cet aveu. Voilà une banque centrale, une des trois ou quatre plus puissantes du monde, qui s'amuse à lancer des menaces sur l'avenir et la structure de sa propre monnaie « pour de faux » ! Son vice-président peut, sans rire, affirmer tranquillement qu'il a menti en pleine crise. Il y a là de quoi s'interroger sur la gestion de l'euro et sur l'indépendance de la BCE. L'institution de Francfort a donc bel et bien joué les supplétifs de la stratégie de Wolfgang Schäuble et de l'objectif politique des créanciers. Vitor Constâncio confirme que la BCE n'est pas une puissance indépendante dans la zone euro. Ceci permet sans doute mieux d'apprécier ses prises de décision. Si la menace du Grexit n'était pas pour de vrai, alors le mythe selon lequel les décisions de la BCE sur la liquidité d'urgence ou sur l'acceptation des bons grecs à son guichet était également une farce.

 

 

- L'irresponsabilité des dirigeants de la BCE

Troisième conséquence : une fois encore, donc, la BCE a pratiqué une forme de « chantage » sur un pouvoir démocratiquement élu d'un pays membre. Ce chantage devient presque un mode de gestion de l'euro. Il a déjà été pratiqué sur l'Irlande en 2010 et sur Chypre en 2013. Mais, ce qui est frappant, c'est qu'à chaque fois, les dirigeants de la BCE ne sont aucunement rendus responsables de ces actes. Aucune poursuite, aucune enquête sur ces méthodes n'est possible. On a même vu dans le cas irlandais avec Jean-Claude Trichet que, une fois le mandat des dirigeants achevé, ils n'ont pas davantage de comptes à rendre. L'indépendance de la BCE est à géométrie variable : elle est utile pour protéger les banquiers centraux, mais négligeable pour mettre au pas des gouvernements indisciplinés. Cette irresponsabilité est une faille démocratique désormais béante dans la construction de la zone euro, mais on voit bien que, dans les projets de réforme de la zone euro, il n'est pas question de revenir sur ce fonctionnement. Tant qu'il en sera ainsi, le désaveu populaire vis-à-vis de l'euro ne pourra que croître.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

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25 septembre 2015 5 25 /09 /septembre /2015 08:15
Régionales 2015 : Appel du FDG Aquitaine - Limousin - Poitou/Charentes à EELV

Lundi 14 septembre 2015,

 

A l’attention d’Europe-Ecologie-Les Verts
Région Aquitaine – Limousin – Poitou Charentes

 

Chers amis,

Les élections régionales de décembre 2015 vont se tenir dans un contexte économique et social extrêmement dégradé et préoccupant. Le discrédit de la politique Hollande-Valls, déclinée par le parti socialiste dans l’ensemble des régions, fait le lit de la droite et de l’extrême droite. Comme partout en Europe, la doctrine libérale est à l'oeuvre au service des intérêts de la finance. La crise climatique et écologique s'amplifie sans que les gouvernements prennent la mesure de l'urgence qu'il y a à agir. Cela rend plus que jamais nécessaire de construire un projet politique en rupture avec les logiques libérales mises en oeuvre dans le pays.

 

Nous pensons que ces élections régionales doivent donc être une nouvelle étape du rassemblement d'une gauche qui combat l’austérité et veut construire une véritable alternative politique pour engager la transition écologique et répondre aux besoins sociaux de nos concitoyens. L’enjeu est d’autant plus important que ces élections se dérouleront dans le cadre d’une « réforme » territoriale imposée sans concertation qui va accentuer les logiques de métropolisation et de concurrence entre les territoires, entre les salariés, au service de la guerre économique, au détriment des plus défavorisés.

 

Dans ce contexte, nous appelons de nos voeux le rassemblement le plus large possible des forces politiques opposées à la politique gouvernementale et engagées dans des démarches citoyennes. Déjà dans un certain nombre de régions, des discussions sont engagées, et des accords FDG-EELV sont en passe d'être conclus.


Cette dynamique est positive et nous souhaitons l'amplifer. Afn de peser pour affrmer une voie alternative, une seule solution : nous rassembler !"

 

C'est pourquoi nous faisons la proposition d'une rencontre entre le FdG et EELV à l'échelle de la future grande région.


Fraternelles salutations,


Pour le Front de Gauche,
Sebastien Laborde Parti Communiste Français
Laurence Pache Parti de Gauche
Stéphane Lajaumont Ensemble

 

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- La réponse d'EELV

Pour en savoir plus :

- Mon dossier élections régionales 2015

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24 septembre 2015 4 24 /09 /septembre /2015 08:17
Le front populaire..... HORIZONS !

Sources : Le front populaire mis à jour le 16 avril 2016

- Présentation

A la veille de son XXIXème congrès, des positions de la C.G.T. et de sa place dans l'histoire sociale, à partir de reconstitutions fictionnelles et de nombreux documents animés. Après une évocation des oppositions existant entre, d'une part, la peine et le labeur des travailleurs, des travailleuses et des ménagères et, d'autre part, les loisirs et les gâchis des « oisifs » et des milliardaires (ski nautique, golf, roulette...), Horizons dresse un rapide panégyrique de l'URSS puis consacre une longue séquence fictionnelle où est rejouée l'occupation d'une usine en 1936. Cette séquence est introduite par le récit d'un vieil ouvrier d'une petite usine de la région parisienne désirant évoquer le thème de l'unité. C'est aussi le prétexte pour présenter, via le discours des orateurs situés en 1936 ou via la chanson, certaines des pages de l'histoire ouvrière : les Canuts, la Commune, la création de la C.G.T., 1906, 1934, 1935 (banderoles contre les décrets-lois), 1936... Les accords de Matignon sont entièrement rejoués par des acteurs de la Fédération du spectacle et par Benoît Frachon dans son propre rôle, avec de plus un plan insert de Léon Blum. Après une brève partie consacrée à la seconde guerre mondiale et aux luttes de l'après guerre, la dernière séquence, contemporaine, montre à nouveau une discussion entre les ouvriers et leur délégué et celui-ci présente, craie à la main, la politique de la C.G.T.. Selon lui, une politique de paix permettrait la réalisation de nombreux équipements collectifs qui font défaut à la population (HLM, crèches, groupes scolaires, hôpitaux...). Le film s'achève par les vues de la jonction de deux cortèges ouvriers où se mêlent drapeaux rouges et drapeaux tricolores et par le plan d'une affiche revendicative de la C.G.T. et le plan d'un bulletin d'adhésion.

 

Savamment écrit et rythmé, bien monté et interprété par des acteurs professionnels, "Horizons..." utilise des sources particulièrement diverses (photos, films, chansons...) ainsi que d'ingénieux procédés narratifs : flash-back, discours illustrés, reconstitutions, plongée en abîme, liens sonores et musicaux (rôle important de l'accordéon). Cette fiction syndicale dresse le portrait d'une C.G.T. ouvriériste, « classe contre classe », anti-américaine et fortement engagée dans la « bataille de la paix », si déterminante durant la guerre froide. La longue évocation de 1936 relève toutefois des intentions unitaires.

 

 

- La vidéo

Le front populaire..... HORIZONS !

Pour visionner la vidéo, cliquez ICI

 

 

- Sur le document

  • Réalisation collective : Paula et Faby Neurisse, Robert Ménégoz, Henri Aisner, Marc Maurette...
  • Générique : «La Confédération Générale du Travail présente Horizons... Ce film a été réalisé pour le XXIXème congrès de la C.G.T. avec le concours de la Fédération du Spectacle et la participation d'écrivains, d'artistes, de musiciens, de techniciens, d'ouvriers du cinéma et de travailleurs dévoués à cause de la classe ouvrière. Chœurs de la Chorale Populaire de l'Union des Syndicats de la Région de la Seine».
  • Acteurs : Pierre Asso (dans le rôle de Lambert-Ribot, du comité des Forges), Paul Frankeur (le délégué ouvrier de 1953), Michel Piccoli (un ouvrier), Benoît Frachon dans son propre rôle, Pierre Trabaud, Jean Vigneron....
  • Commentaire écrit et lu par Louis Aragon.
  • Opérateurs : André Dumaître et de nombreux techniciens C.G.T..Personnalités : Maurice Thorez, Ambroise Croizat, Boussac, Aga Khan, Alain Le Léap, Lénine, Staline, Benoît Frachon, Paul Reynaud, Philippe Pétain, Georges Bonnet, Léon Blum, François De La Rocque, Bénito Mussolini, Adolf Hitler...
  • Événements, lieux et personnes cités : les Canuts, la Commune, création de la C.G.T., 1906, 1917, crise de 1929, montée du fascisme, 1934, 1935, 1936, défaite de 1940, Montoire, grève de 1941, conquêtes sociales de la Libération, grèves de 1947, 1948 et 1951

 

Pour en savoir plus :

- Les 80 ans du Front Populaire… Et maintenant ?

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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 08:25
Jean-Luc Mélenchon : « La clarification politique n’a jamais été aussi avancée »

L'eurodéputé appelle à l'union avec les communistes aux régionales en Île-de-France, ainsi que dans les régions où le Parti de gauche est déjà allié aux écologistes. « On est en train d’atteindre notre but et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés », déplore-t-il. Il se prononce également pour la création de groupes parlementaires communs, en espérant qu'ils soient rejoints par des socialistes.

 

Sources : Médiapart le 16/09/2015 par Stéphane Alliès

A sa façon, Jean-Luc Mélenchon met les mains dans le cambouis de l'unité de la gauche de gauche. Alors que la préparation des élections régionales laisse entrevoir de fortes crispations entre le PCF et le reste du Front de gauche (Parti de gauche et Ensemble!), en Île-de-France et dans les régions où une alliance avec les écologistes d'EELV laisse de côté les communistes (en Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA), le fondateur du Parti de gauche (PG) appelle à « colmater les brèches » et à « arrêter de tergiverser ». Aux yeux de l'ancien candidat à la présidentielle, « pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau ». Dans un entretien à Mediapart, Mélenchon demande que soient mises en œuvre des « missions de conciliation », sorte de « cabine de pilotage nationale », pour lever les divergences locales.

 

L'eurodéputé estime que « les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes » peuvent se « transcender » par un « sigle commun déposé au ministère de l’intérieur ». Et il propose que le Front de gauche se range derrière Pierre Laurent en région parisienne, en échange d'un rapprochement des communistes avec les listes EELV-PG existant ailleurs. « L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche », dit-il. Enfin, Mélenchon plaide également pour la création de groupes parlementaires communs réunissant les élus du PCF, les proches de Cécile Duflot à EELV et espère voir s'y joindre des socialistes qui tireraient « les leçons de ce qui se passe en Angleterre » avec l'élection de Jeremy Corbyn.

 

 

- Médiapart : À la sortie de la fête de l’Humanité et à la veille des régionales, la situation est paradoxale pour vous. Communistes et écologistes sont autonomes du PS partout au premier tour, mais il n’y a pourtant pour l’heure qu’une seule région où vous êtes alliés tous ensemble. Et en l’état, il pourrait y avoir plus de régions où le Front de gauche est divisé qu’uni…

Jean-Luc Mélenchon : La droite et l’extrême droite semblent parties pour remporter une victoire écrasante. C’est ce qu’il faut empêcher en ouvrant un autre chemin. Où en sommes-nous ? D’abord soulignons que la clarification politique à laquelle on a travaillé depuis 2012 n’a jamais été aussi avancée : tout le Front de gauche est dans l’opposition de gauche, les Verts sont sortis du gouvernement, le PS n’a plus d’allié hormis le PRG, puisque même le MRC est aujourd’hui plus proche de nous que des socialistes. Sur le terrain il y a aussi pas mal d’endroits où nous sommes en passe de réussir l’union de tout le Front de gauche et des écologistes sur un nouveau sigle de rassemblement. Le point négatif, c’est qu’il n’y a pas de cabine de pilotage nationale. Je ne participe pas aux négociations ni à aucune composition de liste. Mais je suis un observateur vigilant et je me sens garant du désir d’union de l’autre gauche qui s’exprime partout. Mon rôle est moral, rien de plus, mais c’est important dans le moment historique que nous vivons.

 

Sur le terrain, les difficultés s’additionnent. Outre celles qui viennent de l’ambiance confuse du Front de gauche, s’ajoute que les statuts de tous les partis font que les décisions se prennent localement. Une aberration fédéraliste, qui nous met dans une faiblesse lamentable avant une élection qui a plus que jamais une signification nationale. Partout, les militants du PG ont travaillé à l’union avec les écologistes avec la meilleure volonté du monde. Tellement bien, qu’ils sont parvenus à des listes d’union dans la moitié des régions, alors qu’au départ EELV avait choisi l’autonomie. Je les félicite. Pour y parvenir, mes amis ont mis partout de côté toute ambition de tête de liste. Cela, alors même que l’image des Verts est considérablement dégradée. J’ai dû réagir et un peu élever la voix pour dire que ce n’était pas acceptable. Une annexion ! EELV a joué de la bonne foi et de l’esprit unitaire de ses partenaires. Je crois que les électeurs non plus n’ont pas envie d’être récupérés par un parti. La situation s’est débloquée lors des universités d’été d’EELV, et une première réunion inter-régionale a eu lieu. J’en suis content. Mais nous ne sommes pas quittes. Il faut encore donner aux communistes leur juste place.

 

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, sur le stand du PG à la fête de l'Huma (avec Danielle Simonnet et Eric Coquerel)

Ensuite, puisque les 13 nouvelles régions ne correspondent à aucune structure de nos organisations, cela a complexifié d’autant les rythmes de négociation. Et cela explique que dans certains endroits les communistes sont en dehors de plusieurs rassemblements. Je ne l’accepte pas. C’est une question de fond. L’union de l’opposition de gauche, ce doit être une addition pas des soustractions. Je n’accepte pas qu’on veuille marginaliser les communistes.

 

En disant cela, je ne suis pas un bisounours du Front de gauche : j’ai en mémoire les offenses présentes, passées et même futures des dirigeants communistes à mon endroit. Mais les jalousies dont je fais l’objet, et les problèmes d’égo qui m’entourent ne me détournent pas du but historique : construire la relève de gauche à la faillite du PS, face à l’extrême droite. Je demande donc qu’on se remette autour d’une table pour trouver une issue, en particulier dans les deux régions stratégiques où la défaite du PS est assurée d’avance et où il faut avoir une parole politique forte et de gauche pour incarner la relève : la grande région Nord et PACA.

 

Désormais le temps presse, il faut colmater les brèches et arrêter de tergiverser. Pour cela, il faut rétablir un cadre national de prise de décision. Tout le monde a des grandes paroles sur la nécessité de l’union et personne ne fait rien. On ne peut pas laisser les choses en l’état. S’il le faut, je suis prêt à mener sur place, avec d’autres dirigeants communistes et écologistes nationaux, une mission de bons offices pour qu’on trouve les convergences nécessaires. Mais avec ou sans moi, toute mission de conciliation me conviendra.

 

 

- Médiapart : Vous n’avez pas peur qu’en tentant d’imposer des décisions d’appareils nationaux, on entrave des dynamiques locales et citoyennes ?

Jean-Luc Mélenchon : C’est toute la difficulté de la situation. Épargnons-nous les méfiances envers des appareils nationaux. Des appareils, il en existe aussi localement et ils ne sont pas plus tendres. Il s’agit souvent de reconduire beaucoup de sortants. Mais il est vrai qu’il existe des dynamiques locales, avec des assemblées citoyennes qui préparent le futur de la gauche. J’y suis très attaché. Je propose de leur donner le plus de pouvoir possible, sans pour autant jeter à la poubelle nos partis qui sont indispensables à l’action.

 

Il persiste des problèmes ? Et alors ? Trouvons les solutions ! Il suffit de le vouloir. Pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau. Ne rien faire serait une faute de notre part. Il faut qu’il y ait des missions de conciliations qui se mettent en place. J’insiste pour qu’on le fasse en priorité dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Tout de même, face au FN, à la droite et aux socialistes en déroute, le devoir commande ! Il faut à tout prix trouver les moyens de proposer une alternative crédible !

 

Ces moyens existent, on peut régler une par une toutes les difficultés. Les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes ? Elles se transcendent par un sigle commun déposé au ministère de l’intérieur. À partir de là, on peut présenter des binômes ou des trinômes en tête de liste, l’essentiel étant que le résultat ne soit approprié par personne. Sinon les électeurs ne se déplaceront pas. Ils ne veulent pas être récupérés !

 

Ensuite, pour arbitrer les divergences, il est clair que nous n’y arriverons pas du sommet. Donc il faut des assemblées représentatives régionales, de nos partis et des citoyens, qui s’engagent à nos côtés. J’en ai parlé en janvier dernier, on m’a dit que c’était une usine à gaz. Nous l’avons expérimenté au Mouvement pour la 6e République (M6r) et cela a fonctionné. On est au XXIe siècle et il faut s’y adapter… les réseaux sociaux le permettent.

 

 

- Médiapart : Concrètement, ça fonctionnerait comment ?

Jean-Luc Mélenchon : Les gens signent un texte, une volonté d’engagement ou de soutien, ils peuvent le faire en ligne, puis ils élisent des représentants, on peut aussi en tirer au sort une partie. Et on fixe une représentation pour les partis. Je ne dis pas que c’est la seule formule possible, mais c’est possible et c’est jouable dans le délai qu’il nous reste. On ne peut plus traîner, sinon on donne une image répulsive à notre peuple qui est déjà dans un état d’insurrection froide contre les politiques et les institutions du pays, qui risque de se traduire par un niveau d’abstention extrêmement élevé.

 

« Si on met ses utopies en avant comme condition de l’union, c’est le règne du sectarisme »

 

 

- Médiapart : En Île-de-France, la situation est particulièrement ubuesque. Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, refuse votre proposition de se ranger derrière elle, et le Front de gauche ne parvient pas à se mettre d’accord entre trois de ses dirigeants nationaux (Pierre Laurent – PCF ; Éric Coquerel – PG et Clémentine Autain – Ensemble !). C’est “l’autre gauche” la plus bête du monde ?

Jean-Luc Mélenchon : Vous n’avez pas tort. Maintenant, l’art de la politique c’est aussi de partir des réalités qui parfois s’imposent à vous. On aurait pu rêver autre chose. Que Pierre Laurent reste sur son analyse initiale de ne pas se présenter pour cause de non-cumul des mandats. Que lui qui dénonce sans cesse les « castings présidentiels » ne se crispe pas sur sa tête de liste, alors qu’on pourrait se mettre d’accord sur une personnalité de la société civile, on n’en manque pas en région parisienne. Qu’Emmanuelle Cosse ne nous éconduise pas aussi grossièrement. Et qu’elle ne préfère pas un groupuscule de centre-droit, Cap 21, à l’alliance avec le Front de gauche, au nom de l’unité de son parti qui explose chaque jour un peu plus. Mais c’est comme ça. À deux mois du scrutin il faut assumer la difficulté et débloquer ce qui peut l’être.

 

Pour autant, je ne me résigne pas. Je suis sûr que si Emmanuelle Cosse acceptait l’unité avec le Front de gauche, Pierre Laurent en serait le premier partisan. Mais il y a peu de chance qu’elle abandonne l’arrogance de sa posture. Elle a multiplié les obstacles : introduire comme préalable l’adhésion à l’idée d’une France fédérale et au droit de faire des lois régionales est une provocation. D’ailleurs, rien de tout cela n’est possible avec les élections régionales.

 

Donc, j’ai bien compris que Pierre Laurent fait de sa présence comme tête de liste « virtuelle » une question identitaire. Mes amis doivent entendre cela, même si je sais que ce n’est pas facile à admettre. De leur côté, les communistes doivent comprendre que si un effort est fait en Île-de-France pour apaiser les esprits, il faut qu’ils en fassent eux aussi ailleurs. Certes le PCF est très décentralisé, mais il a aussi une orientation nationale. Pierre Laurent a déjà été tête de liste en Île-de-France. N’exagérons pas le problème. Il l’a dit : il ne siégera que s’il est élu président de région. Si tel est le cas, qui s’en plaindrait ?

 

Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot

L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche. Il faut à tout prix parvenir à se présenter tous ensemble, avec les communistes, là où nous sommes déjà en alliances avec les écologistes. Il faut faire des additions partout ! Je recommande au PG de ne pas mettre de préalable sur les têtes de liste si cela doit conduire à la division. Inscrivons notre lutte pour l’éthique et la répartition des tâches dans la durée, n’en faisons pas un ultimatum destructeur. Soyons unitaires pour deux : les électeurs nous en seront reconnaissants.  

 

Je suis consterné par cette situation : on est en train d’atteindre notre but, nous avons isolé le PS et prouvé qu’on pouvait se rassembler et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés. Les alliances à la carte, sous couleur de baratin localiste, vont nous tuer plus sûrement que n’importe quelle querelle doctrinale ! Et que les choses soient claires, ces élections n’ont rien à voir avec la présidentielle. Je demande juste que tout le monde se confronte à la réalité pour les régionales, et qu’on arrête de se braquer pour des histoires de têtes de liste ! Tout ça est dérisoire…

 

 

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