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24 février 2016 3 24 /02 /février /2016 09:27
Fabius et Valls ont obéi aux injonctions d’Hillary Clinton en empêchant la libération de Georges Ibrahim Abdallah !

Des emails récemment déclassifiés émanant de Hillary Clinton, ancienne ministre étasunienne des Affaires étrangères et actuelle candidate aux élections présidentielles révèlent qu’en 2013, alors qu’elle était ministre, elle est intervenue directement avec Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, pour empêcher la libération de Georges Ibrahim Abdallah.

 

Source : Info-Palestine.fr le 29 janvier 2016

L’appel téléphonique en question entre Hillary Clinton et Laurent Fabius a eu lieu le 11 janvier 2013, c’est-à-dire le lendemain du jour où la Cour d’Appel a prononcé la libération de Georges Ibrahim Abdallah.

 

Ibrahim Abdallah, communiste révolutionnaire arabe, militant de la cause palestinienne, était détenu dans une prison française depuis 1984. En 2013, la plus haute Cour de Justice française lui a accordé sa libération conditionnelle.

 

Mais Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, s’y est opposé suite à l’intervention d’Hillary Clinton. Il a refusé d’extrader Ibrahim Abdallah au Liban et a prétendu qu’il ne lui serait pas possible de veiller à ce que celui-ci tienne parole une fois rentré dans sa patrie.

 

Georges Ibrahim Abdallah a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité en 1987 pour sa participation dans l’assassinat de Charles Ray, attaché militaire américain, et dans celui de Yakov Barsimentov, diplomate israélien, survenus à Paris en 1982, ainsi que pour l’attentat de 1984 contre le consul général américain à Strasbourg.

 

Robert Homme- Ibrahim Abdallah, autrefois leader du mouvement de guérilla marxiste-léniniste FRAL (Fractions Révolutionnaires Armées du Liban) est connu pour être l’homme qui a passé le plus de temps dans les prisons occidentales.

 

Il aurait pu être libéré en 1999, mais sept appels consécutifs ont été rejetés parce qu’il n’a fait preuve d’aucun remords pour son crime et parce qu’il y avait tout lieu de penser qu’il reprendrait son combat révolutionnaire s’il était libéré et renvoyé au Liban.

 

Bien que le gouvernement français n’ait aucune autorité juridique pour annuler la décision de la Cour d’Appel du 10 Janvier, nous espérons que les autorités françaises puissent s’appuyer sur d’autres bases pour remettre en cause la légalité de cette décision.

 

Ce n’était certes pas la première intervention étasunienne dans le cas Ibrahim Abdallah. Trente ans plus tôt, en 1986, Ronald Reagan était intervenu aux côtés de François Mitterrand pour empêcher sa libération. Des fonctionnaires du Département d’Etat ainsi que des membres du Congrès n’ont cessé d’exiger qu’il soit maintenu en prison.

 

Le communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah a entamé sa 32e année de détention à Lannemezan (Hautes-Pyrénées) -

 

 

- Mais qui est Georges Ibrahim Abdallah ?

C’est un Libanais arabe, militant de la cause palestinienne, emprisonné en France depuis 1984 et reconnu coupable d’avoir participé à des actions armées avec le mouvement FARL (Fractions Révolutionnaires Armées du Liban). Celui-ci combat les invasions sionistes et colonialistes au Liban.

 

Georges Abdallah est militant depuis son plus jeune âge. Il a d’abord travaillé avec le PSNS, Parti social nationaliste syrien, puis avec le FPLP, Front populaire de libération palestinien. Alors membre du FPLP, il a combattu et a été blessé en 1978 par les forces israéliennes qui envahissaient le Liban.

 

Communiste et internationaliste engagé, il considère la lutte arabe contre le sionisme et l’impérialisme comme partie intégrante du combat des travailleurs du monde entier contre le capitalisme.

 

Le mouvement FRAL (Fractions Révolutionnaires Armées du Liban) a été créé pour résister aux attaques impérialistes contre le Liban, menées par les États-Unis, Israël ou tout autre pays. Georges Abdallah a été accusé d’avoir participé à des attaques contre des responsables militaires américains et israéliens en France.

 

Depuis 1999, on a jugé qu’il pouvait être libéré. Pourtant, il continue à se voir refuser la libération conditionnelle bien qu’elle lui ait été plusieurs fois accordée par des juges français. Le gouvernement libanais a officiellement demandé sa libération et lui-même demande à être extradé au Liban.

 

Mais le gouvernement français est intervenu au plus haut niveau, avec les Américains et les Israéliens, pour lui refuser la liberté sur parole.

 

 

- Le mail de Hillary Clinton, ici accès au document original en pdf

 


 

  • Traduction[1] :

Adresses mail

Georges Ibrahim Abdallah a été condamné à l’emprisonnement à perpétuité en 1987 pour sa participation dans l’assassinat de Charles Ray, attaché militaire américain, et dans celui de Yakov Barsimentov, diplomate israélien, survenus à Paris en 1982, ainsi que pour l’attentat de 1984 contre le consul général américain à Strasbourg.

DECLASSIFIE -Département d’Etat américain- Cas n°------------------Date : 30/11/2015
DECLASSIFIE- Département d’Etat américain- Cas n0------------ Date : 30/11/2015

Robert Homme- Ibrahim Abdallah, autrefois leader du mouvement de guérilla marxiste-léniniste FRAL (Fractions Révolutionnaires Armées du Liban) est connu pour être l’homme qui a passé le plus de temps dans les prisons occidentales.

Il aurait pu être libéré en 1999, mais sept appels consécutifs ont été rejetés parce qu’il n’a fait preuve d’aucun remords pour son crime et parce qu’il y avait tout lieu de penser qu’il reprendrait son combat révolutionnaire s’il était libéré et renvoyé au Liban.

Bien que le gouvernement français n’ait aucune autorité juridique pour annuler la décision de la Cour d’Appel du 10 Janvier, nous espérons que les autorités françaises puissent s’appuyer sur d’autres bases pour remettre en cause la légalité de cette décision.

 

Note

[1] Traduit de l’anglais par Christine Malgorn , auteure de Syrie, mon amour. 1860, au cœur de la guerre oubliée, édition Harmattan, 2012 – Voir la vidéo (disponible sur Amazon) ; et de « Bienvenue au Shéol » paru en avril 2015 (disponible en numérique sur Amazon, et en format papier). Consultez son blog

 

Pour en savoir plus :

- Georges Ibrahim Abdallah : le plus ancien prisonnier politique en Europe - 26/10/2014

- Georges Ibrahim Abdallah une nouvelle fois victime du racisme d’État, de l’acharnement judiciaire - 4/02/2014
-
France : exigence grandissante pour la libération immédiate de Georges Ibrahim Abdallah - 26/10/2013
-
Solidarité avec Georges Abdallah : rassemblement à Lannemezan le 26 octobre - 19/10/2013
-
Georges Ibrahim Abdallah : la France et le mépris du droit - 17/07/2013
-
France : acharnement politico-judiciaire contre Georges Ibrahim Abdallah - 5/04/2013
-
Construire la solidarité avec Georges Ibrahim Abdallah - 14/02/2013
-
Le refus de libérer Georges Ibrahim Abdallah est une véritable honte ! - 31/01/2013
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Manuel Valls bloque la libération de Georges Ibrahim Abdallah - 14/01/2013
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Georges Ibrahim Abdallah : le retour d’un héros - 13/01/2013
-
Georges Ibrahim Abdallah libérable sous condition d’expulsion - 11/01/2013
-
Le gouvernement français s’acharne sur Georges Ibrahim Abdallah - 25/10/2012
-
Le cas de Georges Ibrahim Abdallah n’est pas « une question humanitaire » - 26/03/2012
-
George Ibrahim Abdallah : dénoncer la farce de la justice française - 21/01/2012
-
Yves Bonnet raconte les dessous de l’affaire Abdallah - 8/01/2012

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 09:48
Libye : La violence impérialiste n’a pas de fin ! Une seconde intervention en préparation ?

Hillary Clinton : « La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique ![1] »

 

 

La générosité de l’Empire en matière de violence est sans limites. Après que les Etats-Unis aient menti au Conseil de sécurité des Nations Unies sur la soi-disant menace que Kadhafi représentait pour les « manifestants » de Benghazi, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé l’usage de la force pour les protéger. La Russie et la Chine se sont abstenues au lieu d’opposer leur veto.

 

 

Sources : Le Grand Soir | mis à jour le 18/09/2023

Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN (dont la France) ont violé la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils ont armé les « manifestants », bombardé le pays jusqu’à le réduire en miettes, et tué les principaux officiels du gouvernement dont Mouammar Kadhafi. La secrétaire d’Etat étasunienne, le monstre Clinton, s’en est glorifiée (vidéo) dans une célèbre réplique : « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort. »

 

C’est à cause de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU que le président russe Medvedev n’a pas pu se représenter pour un second mandat. Le président Poutine, qui à l’époque était Premier ministre et n’était responsable que de la politique intérieure, a dit que, lorsqu’il avait lu la résolution du Conseil de sécurité il avait trouvé, dans son libellé, des trous permettant à toute une armée de se frayer un passage. Medvedev avait fait une énorme erreur en la laissant passer. Le fait qu’il ait été obligé de partir, est le seul résultat positif de l’attaque de l’OTAN sur la Libye.

 

 

- Maintenant, les États-Unis veulent attaquer à nouveau la Libye.

  • Le général Joseph Dunford Jr., le président du Joint Chiefs of Staff, a déclaré aux journalistes vendredi que les responsables militaires « réfléchissaient à une action militaire décisive » contre l’État islamique ou ISIS en Libye où le groupe terroriste a environ 3 000 combattants selon des responsables occidentaux.
  • Des officiels de l’Administration disent que la campagne en Libye pourrait commencer dans quelques semaines. Ils pensent qu’elle sera menée avec l’aide de quelques d’alliés européens, comme la Grande-Bretagne, la France et l’Italie.

 

Il y aura, comme d’habitude, des frappes aériennes, des forces spéciales sur le terrain, des mercenaires, formés par les forces étasuniennes ou des sociétés privées, qui se transformeront en escadrons de la mort et terroriseront la population.

 

C’est le chaos en Libye, comme c’était prévisible et a été prédit ici quand la guerre en Libye a commencé....  et reconnu récemment par Alain Juppé . Il y a beaucoup de groupes armés et deux parlements et deux gouvernements rudimentaires, un dans l’est et un dans l’ouest. L’ONU vient juste d’essayer d’en créer un troisième, un gouvernement d’union nationale, et elle a échoué :

  • Le parlement de Libye, reconnu internationalement, a voté lundi pour rejeter le gouvernement d’union proposé dans le cadre d’un plan soutenu par les Nations Unies pour résoudre la crise politique et le conflit armé dans le pays. ... Depuis 2014, la Libye a eu deux parlements et deux gouvernements concurrents, l’un basé à Tripoli et l’autre dans l’est. Les deux sont soutenus par des alliances instables de groupes armés et d’anciens rebelles qui ont aidé à renverser Mouammar Kadhafi en 2011.

 

Une grande partie des « rebelles » payés par le Qatar et d’autres pour renverser le gouvernement libyen sont islamistes. Beaucoup sont allés de Libye en Syrie pour lutter contre le gouvernement syrien, et les États-Unis ont contribué à fournir des armes de Libye à ces terroristes étrangers en Syrie.

 

Il est peu probable que l’intérêt réel des États-Unis soit maintenant de combattre les quelques combattants étrangers de l’État islamique en Libye. La plupart des partisans de l’État islamique en Libye appartiennent à des tribus qui, auparavant, faisaient partie d’un gang islamiste local ou d’un autre. Ils ne sont pas une menace et d’autres forces locales peuvent les tenir en respect.

 

 

- Les États-Unis veulent avoir tout le pays sous leur contrôle indirect, mais jusqu’ici ils n’en ont que la moitié.

  • Les forces armées alliées au gouvernement de l’est sont dirigées par le général Khalifa Haftar, un ancien allié de Kadhafi. Il a également combattu les militants islamistes dans la ville orientale de Benghazi, et il est devenu l’une des figures les plus controversées de Libye. Il bénéficie d’un grand soutien dans l’est, mais il est méprisé par les forces alliées au gouvernement de Tripoli.

 

Haftar était autrefois avec Kadhafi mais a été écarté après avoir échoué dans une guerre avec le Tchad. Autour de 1990, il a essayé sans succès de renverser Kadhafi. Il est allé aux États-Unis, est devenu un citoyen américain et a travaillé pour la CIA. En 2011, il était de retour en Libye et a tenté à nouveau de renverser Kadhafi.

 

En 2011, les États-Unis n’ont pas réussi installer leur leader par procuration en Libye. Ils vont maintenant essayer à nouveau de prendre le contrôle total du pays et de ses ressources. Une fois installés en Libye, ils pourront asservir des pays d’Afrique du Nord.

 

Il est facile de voir que cela va engendrer plus de guerres, plus de terreur, et plus de réfugiés. La violence impériale est inépuisable.

 

La France de Hollande, va-t-elle s'embarquer dans cette aventure qui ne peut que, pour les terroristes, contribuer à légitimer leurs actions contre notre territoire et nos ressortissants ?

 

Note :

[1Hillary Clinton: «La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique!»

 

Pour en savoir plus :

- Que savons-nous de ce qui s’est fait en notre nom en Libye ?

- Lybie. Les États-Unis pressés d’entrer encore en guerre

- La France mène des opérations secrètes en Libye

- Trois militaires français tués : le gouvernement libyen accuse Paris de "violation" du territoire
- Libye, 3 soldats sous uniforme français tués, à quel titre ?

- Libye Juillet 2016 : premières frappes américaines contre le principal fief de Daesh

- Un rapport le confirme: l'intervention franco-britannique en Libye a été un désastre

- Et si Sarkozy avait attaqué la Libye de Kadhafi pour sauver le franc CFA ?

- Esclavage en Libye : on savait en 2012

- au sujet de la Lybie Patrick Haimzadeh : « un processus révolutionnaire doit être endogène et rester la propriété des peuples concernés »

- Libye : le général Hiftar, la CIA et le coup d’État d’opérette

- Libye. Hillary Clinton, Nicolas Sarkozy, David Cameron et Barack Obama devraient être poursuivis pour crimes de guerre.

- Après la guerre de Sarkozy-Obama-Clinton-Cameron en Libye, des milices pratiquent la traite négrière (Vidéo) 

- Histoires françafricaines (7) : Comment l'Etat français sous Sarkozy a détruit le régime de Kadhafi et la Libye en 2011

Kadhafi avait prévenu : instabilité de la Libye = Fin de l'état de droit en Libye, immigration massive en Europe et Terrorisme (Vidéo)

- Pourquoi vos médias ne racontent pas toute l’histoire des inondations en Libye et masquent les responsabilités de la politique occidentale en Libye

 

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 09:45
Déluge de bombes sur le code du travail

Ils nous la font sur l'air de : "Donne-moi ta main et prends la mienne...

Mais oui, mais oui, le code est fini !"

 

Sources : LE MONDE diplomatique par Martine Bullard, 19 février 2016

Le patronat et Nicolas Sarkozy en rêvaient, MM. François Hollande et Manuel Valls l’ont fait : si, par hypothèse funeste, le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » (sic) devait voir le jour, le code du travail ressortirait en miettes(Le texte complet peut être téléchargé ICI) « L’objectif, précise la ministre du travail Myriam El Khomri dans un entretien aux Echos (18 février 2016), est de s’adapter aux besoins des entreprises ». On s’en doutait un peu — encore qu’il s’agisse d’une étrange vision des entreprises, réduites à leurs seules sphères dirigeantes.

 

Bien sûr, il ne s’agit que d’un projet et tout peut encore bouger. Le pouvoir excelle dans les manœuvres consistant à laisser fuiter les dispositions les plus folles pour ensuite accréditer l’idée que le pire a été évité. Ainsi il a laissé courir le bruit que les heures supplémentaires ne seraient plus rémunérées pour finalement décider un plancher obligatoire de 10 %. Tout le monde crie victoire alors que jusqu’à présent la norme était de 25 %, sauf quelques exceptions !

 

Roi de l’entourloupe, le président de la République assure ne pas toucher aux fondamentaux : contrat de travail à durée indéterminée qui reste la règle et la semaine de 35 heures qui demeure la norme légale. Mais il transforme ces deux principes en coquilles vides. Si les mots restent, la protection des salariés disparaît et avec elle l’égalité de traitement des citoyens devant la loi.

 

Jusqu’à présent, le principe fondamental du droit du travail donnait la priorité aux lois édictées par les élus de la République à moins qu’un accord à un niveau inférieur (branche, entreprise) se révèle plus favorable au salarié. Désormais, un accord dans une entreprise prévaut sur la loi, même s’il est défavorable à ce dernier. Singulière conception de l’« égalité réelle » ! Cette disposition fondamentale permettra au prochain président de la République d’amputer ce qui restera (encore) des droits des travailleurs.

 

Quant au fameux contrat de travail à durée indéterminée (CDI) maintenu dans la loi, il pourra être rompu à tout moment en cas « de réorganisation de l’entreprise » ou de « conquête de marché ». Au delà de ces situations somme toute très fréquentes, la direction n’aura même plus à se justifier : il lui suffira de payer trois mois de salaire pour les employés embauchés depuis moins de deux ans, six pour les moins de cinq ans, etc. La notion même de licenciement abusif disparaît de fait. Le patron qui paye peut se séparer de son salarié sans risque de pénalité supplémentaire.

 

Même tour de passe-passe pour les 35 heures. Entre les dérogations, un décompte du temps de travail et le paiement au rabais des heures supplémentaires, la réforme Aubry va passer aux oubliettes…

 

Après une lecture rapide des 131 pages de ce nouveau code du travail, on peut retenir les dispositions concernant la durée du travail, la réforme des prud’hommes[1], l’élargissement du droit de licencier et de réduire autoritairement les salaires, le moindre paiement des heures supplémentaires, etc.

 

 

- Le patron décide de la durée du travail

Ce nouveau code reprend les principes édictés par M. Robert Badinter, qui a fait sienne la formule la plus libérale que l’on puisse imaginer, dès l’article 1 : « Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées (…) par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. » Lesquelles sont définies par les actionnaires et les directions d’entreprise. Tout en découle.

 

La journée de travail de 10 heures, qui était jusqu’à présent l’exception, pourra se généraliser en « période d’activité accrue » ou « pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ». Elle pourra même s’élever à 12 heures. Jusqu’alors, les dérogations exigeaient une autorisation administrative. Désormais, il suffira d’un accord d’entreprise — dont le recours sera facilité (lire plus loin).

 

Même principe pour la durée hebdomadaire, laquelle pourra grimper jusqu’à 46 heures en moyenne pendant 16 semaines par an (au lieu de 12 aujourd’hui) et même atteindre 48 heures « en cas de surcroît d’activité », sans autre précision. Un simple accord d’entreprise suffira. Le gouvernement ne renonce pas au plafond des 60 heures réclamé par les entreprises mais il l’encadre quand même d’une autorisation de l’inspection du travail.

 

Instauré lors de la loi Aubry sur la réduction du temps de travail (RTT), le forfait-jours, qui permet de s’émanciper de la durée légale quotidienne, était réservé aux grandes entreprises et principalement aux cadres (50 % d’entre eux). Le système sera étendu aux entreprises de moins de 50 salariés (sans distinction de fonction). Les charges de travail au quotidien pourront franchir toutes les barrières car, dans la pratique, elles ne seront plus contrôlables.

 

D’autant que les 11 heures de repos quotidiennes consécutives obligatoire sautent. Elles pourront être « fractionnées » !

 

De plus, « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif », sauf s’il dépasse le « temps normal ». On appréciera la précision de la formule.

 

 

- Sécuriser les licenciements

Grâce à M. Nicolas Sarkozy, il y avait déjà la « rupture conventionnelle » (2 millions depuis sa création en juin 2008), faux nez qui cache souvent un moyen de pression patronale pour se séparer d’un salarié. Grâce à quelques syndicats, comme la CFDT et la CGC, qui avaient signé l’accord national interprofessionnel (ANI), et à M. Hollande, qui a concocté la loi dite de « sécurisation de l’emploi », le patronat pouvait réduire les salaires, augmenter le temps de travail et bien sûr licencier « en cas de difficultés économiques », dont l’interprétation était laissée aux juges. Le texte désormais les définit : une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires « pendant plusieurs trimestres consécutifs » (cela peut donc être deux trimestres), des « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois ou une importante dégradation de la trésorerie ». Et ce, « au niveau de l’entreprise » (et non du groupe). Il suffit pour les grosses sociétés de présenter les comptes de leur filiale en déficit (un jeu d’enfant) pour que tout soit possible. Exit le droit au reclassement des salariés licenciés.

 

 

- En fait le patronat a obtenu ce qu’il réclamait depuis la nuit des temps : le droit de licencier sans entrave.

A ces causes dites défensives de licenciements, s’ajoute la possibilité de jeter les salariés dehors en cas « de mutations technologiques » ou de simple « réorganisation de l’entreprise ». Le travailleur qui refuse une mutation à l’autre bout de la France ou une baisse de salaire, ou encore une augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire, sera tout simplement licencié (auparavant, il avait droit au statut de licencié économique) ; il garde ses droits au chômage mais perd celui du reclassement.

 

  • En fait le patronat a obtenu ce qu’il réclamait depuis la nuit des temps : le droit de licencier sans entrave.

 

- Ligoter les prud’hommes

Le patron pourra même licencier « sans cause réelle et sérieuse », il lui suffira de payer une indemnité forfaitaire fixée à l’avance, quel que soit le dommage subi par le travailleur. Celle-ci est d’emblée fixée à 3 mois de salaire pour 2 ans d’ancienneté, 6 mois entre 2 et 4 ans, 9 mois entre 5 et 9 ans, 12 mois de 10 à 20 ans, 15 mois pour les plus de 20 ans. Ainsi, un salarié jugé plus assez productif ou trop ouvertement revendicatif peut être jeté sur le carreau à n’importe quel moment.

 

 

- Travailler plus pour gagner moins

Les heures supplémentaires pourront être majorées de 10 % — et non plus 25 % de plus pour les huit premières heures, 50 % au-delà. Il suffit d’un accord d’entreprise. Pour un salarié payé au Smic, l’employeur devra débourser moins de 1 euro par heure supplémentaire (0,96 euro contre 2,4 euros en vertu de la loi précédente). Une broutille qui le poussera à y recourir au lieu d’embaucher. Quant aux salariés, ils verront leur pouvoir d’achat baisser.

 

 

- L’entreprise au-dessus de la loi

C’est sans doute le changement le plus important. Malgré les déclarations tonitruantes à la gloire de la République et de ses principes, la loi passe au second plan même quand elle protège mieux les salariés. C’est l’accord d’entreprise qui prime. La loi Macron[2] avait déjà introduit cette disposition, mais elle restait exceptionnelle. Elle deviendra la règle.

 

Certes, cet accord devra être majoritaire, c’est-à-dire signé par des syndicats représentant plus de la moitié des salariés lors des élections professionnelles. Mais si ce n’est pas le cas, les syndicats minoritaires (au moins 30 % des voix) pourront recourir au referendum auprès des salariés. Et le pouvoir de vanter cette démocratie directe en jouant le petit peuple des travailleurs contre les élus syndicaux, forcément bornés.

 

Bien entendu, la consultation des travailleurs n’est pas en soi condamnable. Mais la question posée n’est pas définie collectivement, loin s’en faut. Si des syndicats minoritaires peuvent impulser la consultation, son contenu demeure entre les mains du patronat et prend souvent l’allure d’un chantage où les salariés ont le choix entre Charybde et Scylla : soit accepter de travailler plus et/ou gagner moins, soit perdre leur emploi… Chez Bosch, à Vénissieux, les salariés avaient accepté en 2004 de travailler 36 heures payées 35 et de renoncer à une partie des majorations pour travail de nuit ; leurs sacrifices n’ont servi qu’à rendre la société plus présentable : leur usine a été vendue en 2010, et plus de 100 emplois ont disparu. Même scénario chez General Motors à Strasbourg, Continental à Clairoix, Dunlop à Amiens…

 

Les commentateurs vantent souvent les référendums chez Smart, où 56 % des salariés ont répondu favorablement à la hausse du temps de travail (pour la même rémunération) réclamée par l’actionnaire au nom de la défense de l’investissement et de la non-délocalisation. Mais ils oublient de préciser que si 74 % des 385 cadres consultés ont approuvé l’accord, seuls 39 % des 367 ouvriers les ont imités, car ce sont eux qui ont les charges de travail les plus éprouvantes. Faut-il rappeler qu’un cadre vit six ans de plus qu’un ouvrier ? Avec la nouvelle loi, les ouvriers se verront imposer l’intensification de leurs tâches.

 

D’une entreprise à l’autre, les salariés ayant une même qualification auront des droits fort différents. On pourrait même imaginer des travailleurs aux statuts totalement divergents sur un chantier avec plusieurs sous-traitants. En fait, comme l’explique fort bien le spécialiste du travail Pascal Lokiec, « cela conduit potentiellement au dumping social et complexifie la situation du salarié qui changera de droit applicable en même temps qu’il changera d’entreprise[3] ». Quant à l’emploi, il restera à quai ou encore plus sûrement plongera. Comme le montrent toutes les études, ce n’est pas la prétendue « rigidité » du code du travail qui fait le chômage, mais le manque de débouchés.

 

 

- Les élus socialistes aux ordres

Tout comme il oppose les travailleurs aux syndicats, les juges aux technocrates (qui seraient les mieux à même de fixer les pénalités patronale aux prud’hommes ou de définir les licenciements économiques), M. Hollande cherche à opposer les élus parlementaires au peuple français. Assuré avec ces orientations ultralibérales de ne pas bénéficier des voix des députés du Front de gauche et d’une partie des Verts pour faire passer sa loi, le chef de l’Etat réclame des élus socialistes qu’ils s’inclinent (même avec des états d’âme). Il menace donc d’employer la force du 49-3 — une disposition constitutionnelle qu’il qualifiait autrefois (avec lucidité) de « brutalité » et de « déni de démocratie ». La boucle est bouclée.

 

 

- Pour Jean-Luc Mélenchon, la vie quotidienne des gens va être détruite

Note

[1] le prochain numéro du Monde diplomatique, en kiosques le 2 mars, y consacrera un article

[2] « Le choix du toujours moins », Le Monde diplomatique, avril 2015
[3] Cité par Mathilde Goanec, « La future loi El Khomri achève définitivement les 35 heures », Mediapart, 18 février 2016.

 

Pour en savoir plus :

- Le texte intégral du projet de loi [à télécharger ici]

- Le communiqué de l'Ugict CGT : "Code du travail : le gouvernement veut donner les pleins pouvoirs aux chefs d'entreprise" [à lire ici]

- Le communiqué de la CGT : "Droit du travail : Le gouvernement hors la loi" [à lire ici]

- Le communiqué du SAF : Avant projet de loi El Khomri : des salariés flexibles et insécurisés [à lire ici]

- Décryptages dans la presse : à lire ici, ici, ici, et ici

 

et aussi :

- Mon dossier Loi Khomri/Valls

- un site internet dédié à la mobiisation :  Loi Travail : non, merci ! Le projet de réforme du droit du travail présenté par Myriam El Khomri propose de revenir des années en arrière. Mobilisons-nous !

- Avant projet de loi El Khomri : des salariés flexibles et insécurisés par Le Syndicat des Avocats de France

- Fortifions le code du travail : par Clémentine Autain, (Ensemble) , Olivier Besancenot, (NPA) , Eric COQUEREL, (Parti de gauche) , Gérard Filoche, (PS) , Willy Pelletier, (Fondation Copernic) , Pierre Laurent, (PCF) , Eric Beynel, (Solidaires) , Fabrice Angei, (CGT) et Noël Daucé, (FSU)

- Un gouvernement dit « de gauche » va faire ce que des gouvernements de droite n’ont jamais osé...

- La déchéance sociale après celle de la nationalité par Jean-Luc Mélenchon

- Pourquoi la réforme du code du travail met en péril la sécurité et la santé des salariés

Déluge de bombes sur le code du travail
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19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 09:30
Pierre Laurent, directeur de casting ! ?
Ce n'est pas J. L. Mélenchon qui dérange, mais le fait qu'il refuse de s'inscrire dans une tambouille d'appareils politiques sous couvert d'une pseudo primaire !
 
Sources : le blog de Pierre Bregou le 18 février 2016 | mis à jour le 22 février 2016
Pierre Laurent continue à vouloir être le grand chef du casting de la primaire de toute la gauche. Il ne veut pas de Hollande, mouais, là il ne prend guère de risque. Aujourd'hui, il ne veut pas de Valls, mouais toujours pas de risques sauf qu'il me revient à l'esprit une belle formule toute démocratique que lui, Dartignolles et autres Chassaigne utilisent aussi à l'envie à l'encontre de JL.Mélenchon : il n'aurait pas sollicité leur avis (doit-on entendre autorisation) pour PROPOSER sa candidature à la présidentielle 2017. Car oui, nous ne le savions pas il fallait postuler au casting qu'entendent organiser le trio et quelques autres !!!
 
Mais au fait, c'est qui, qui les a "mandaté" pour décréter qu'un tel a le pedigrée et tel autre pas? pour postuler à cette primaire bourbier ? Si demain Macron est suggéré, Laurent devra-t-il immédiatement exprimer le niet définitif , et si tel est le cas le larron suivant, s'il se nomme au hazard Cazeneuve, il dit encore non ou l’accepte-t-il ?
 
En fait Pierre Laurent et sa dream time estiment qu'à gauche, pour la primaire, il faut tout le monde sauf toutes celles et tous ceux qui ne leur conviendraient pas. Ainsi donc lui, Pierre Laurent, se déclarerait le dernier pour être sûr que tous les compétiteurs auront bien reçu SON label de gauche!
 
Je vais en rester là pour aujourd'hui et attendre avec impatience qu'il règle ce premier souci avec son camarade du PS - G. Filoche - qui déclarait récemment avec toute l'emphase qu'il faut que, “pour être de gauche, il suffit de se déclarer de gauche” . Derrière le bon sens je sens une petite pique à l'attention de Pierre Laurent qui se voudrait si j'ai bien compris le seul candidat potentiel auto-proclamé ..........?
 
Pendant ce temps, les jours passant, les semaines et les mois défileraient et rien ne se passerait que la définition des règles pour composer le casting labellisé de "toute la gauche" et qui sait - pourquoi pas, tant que nous y sommes - avalisé par leur futur Congrés.
 
A ce stade mon délire n'a que peu d'importance si ce n'est qu'il me conforte, J.L.Mélenchon a bien fait de ne pas accepter de se plier à un énième spectacle qui risque d'être dévastateur dans l'opinion publique tant il va exacerber les partisans de chacune des candidatures ... pour une primaire que le PS n'entend pas voir pilotée par quiconque d'autre que Solférino.
 
 
- Les partisans de la primaire veulent rassembler large du PS à qui Besancenot.... mais pas sans le PS ?

Source : Gérard Filoche

 
Pierre Laurent, directeur de casting ! ?

- L'exemple même de rassemblement "de gauche" dont nous ne voulons plus !

 

Pierre Laurent, directeur de casting ! ?
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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 09:32
Les primaires à gauche, ou le casting de la tambouille

Sources : le blog du Huffington Post par Danielle Simonnet Conseillère de Paris, coordinatrice nationale du Parti de Gauche

- Un petit monde de responsables politiques et médiatiques s'agite sur "Le" débat des primaires pour la présidentielle.

Il faudrait à tout prix désigner un candidat commun pour toute la "gauche". Toute la "gauche", mais de quoi parlons-nous ? Le programme " l'humain d"abord " défendu en 2012 par Jean Luc Mélenchon ou le bilan anti-social, anti-écologique et anti-républicain de Hollande et du gouvernement Valls ? Dites, il n'y aurait pas comme un gouffre entre les deux ? C'est bien flou tout cela. Et comme le signalait Martine Aubry, "quand c'est flou, y'a un loup"... Et le loup se cache à peine !

 

Tiens, les tenants des primaires pour la présidentielle ne proposent pas de méthodes équivalentes pour désigner les candidat-e-s à la législatives. Étrange, non ? En début de semaine, Cécile Duflor se déclarait déjà candidate dans "sa" circonscription de belleville Ménilmontant. Mais quelle autoproclamation, devraient s'écrier certains et certaines ! Et si l'engouement pour les primaires servait à réunir celles et ceux qui aimeraient d'abord et avant tout bénéficier d'une bonne conscience pour continuer une petite tambouille de répartition des circonscriptions, histoire de se garder un siège au parlement au chaud ou d'en gagner un ? Est-ce être mauvaise langue ou vouloir briser la langue de bois que de le supputer ?

 

 

- Un point commun semble se dégager des plus ardents défenseurs des primaires réunis à la Bellevilloise

Hormis l'opposition importante et respectable à la Constitutionnalisation de la déchéance de la nationalité il s'agit de l'affirmation de l'enjeu de défendre une VIe République. Mais par quel miracle une primaire de toute la "gauche" permettrait donc d'aboutir à la défense de la VIe ? Surtout si ceux qui ont abusé des rouages antidémocratiques de la Ve, à coup de 49-3 et d'état d'urgence pour imposer les lois antisociales et criminaliser celles et ceux qui les contestent participent à la même primaire comme les Valls, Macron et Hollande!

 

Pourquoi ne pas défendre d'abord et avant tout un-e candidat-e qui s'engage clairement à supprimer sa fonction de Président-e une fois élu-e en convoquant une assemblée constituante pour en finir avec la monarchie présidentielle et le système oligarchique qu'elle renforce ? Je connais quelqu'un qui a rassemblé 4 millions de voix sur ce programme et a organisé des marches pour la VIe rassemblant plus de 100.000 personnes !

 

Par ailleurs, lorsque l'on défend la VIe République, même si la rupture avec les institutions de la Ve ne se limite pas à cela, on soutient a minima le renforcement du parlementarisme. L'élection des futurs député-e-s est donc centrale. Pourquoi les tenants de la primaire ne proposent-ils pas une réelle implication citoyenne dans la désignation des futur-e-s candidat-e-s ?

 

Mais voilà, lors de cette première soirée des partisans de la primaire, Yannick Jadot a annoncé que l'objectif serait ensuite de partager les investitures aux législatives sur la base des résultats de la primaire. PS, PCF et EELV main dans la main en 2017 ? Hollande en rêvait, la primaire le ferait ? L'élan de la primaire semble bien se réduire au cache-sexe d'un partage des circonscriptions à l'ancienne dans une arrière-boutique.

Pourquoi ? Les députés partisans d'une primaire ne semblent pas prêts à se soumettre aussi à une primaire dans leur circonscription. Organiser 577 primaires serait-il trop compliqué ? Parce que les partis craindraient de perdre le financement public lié aux voix obtenues aux législatives ?

 

 

- Arrêtons donc toute cette petite tambouille

Si on souhaite réellement permettre au peuple de prendre le pouvoir, commençons par assumer de trancher la question centrale :

  • Est-il possible de mener une politique qui réponde aux urgences sociales et aux impératifs écologiques ?
  • Est-il possible d'appliquer le programme pour lequel on se présente ? La crise grecque de cet été permet à celles et ceux qui avaient encore des doutes, de prendre conscience que la réponse est non si l'on reste les bons élèves soumis aux politiques libérales européennes. La présidentielle, forcément couplée à la législative, exige de trancher entre celles et ceux qui assumeront un programme de désobéissance, une stratégie du rapport de force, quitte à rompre avec l'Eurogroupe et les traités si la souveraineté du peuple est en jeu et les autres qui abdiqueront voire poursuivront l'anticipation des injonctions de réformes structurelles ordolibérales dictées par Bruxelles.

 

 

- Vouloir engager des primaires de toute la "gauche", sans même le moindre débat programmatique revient à se ranger derrière le PS

Le PS vient d'ailleurs d'assumer ce weekend qu'il n'aurait pas de programme pour ces deux élections nationales majeures ! Et le PS vient de se déclarer prêt à une primaire de Mélenchon à Macron si chaque candidat s'engage à se ranger derrière le gagnant. On imagine déjà Macron soutenant Mélenchon et inversement ! Pas de suspens, soit ces primaires n'auront pas lieu, ce qui est le plus probable, soit elles se traduiront en un affrontement de tous les lieutenants aspirant à un ministère, une circonscription pour eux-mêmes ou pour leur formation politique. Et à l'arrivée, sans hasard, le candidat le plus conforme aux intérêts du système, désigné favori des instituts de sondage sera choisi... La primaire censée éviter Hollande aboutira à la poursuite de la politique de Hollande, inévitablement.

 

 

- Et le peuple dans tout ça ?

N'en déplaise au Parisien qui manipule son opinion autant qu'il cherche à la façonner, il s'en fiche. Il s'en contre fiche ! Procédons donc de façon plus claire et assumée. Jean Luc Mélenchon a rassemblé 4 millions de voix en 2012 pour la VIe République. Initiateur du Sommet internationaliste du plan B, il ne capitulera pas comme Alexis Tsipras. Au Parti de Gauche, nous pensons qu'il serait le candidat idéal pour lancer un mouvement citoyen où chacune et chacun, encarté ou non, aurait toute sa place. Que ce mouvement élabore le projet au service de la redistribution des richesses et de la transition écologique en réactualisant le programme " l'humain d"abord " qui tout en étant une bonne base, en a grand besoin. Qu'il désigne les candidat-e-s pour les 577 circonscriptions sur la base une femme/un homme=une voix. Mais surtout, que ce mouvement agisse concrètement dans les luttes. La conscience se réveille par l'action !

 

  • Tiens, nombre de participant au débat des primaires de la Bellevilloise étaient curieusement absents jeudi dernier à Nation pour exiger la relaxe des 8 syndicalistes de Goodyear...
  • Mais si nous sommes nombreux à ne pas nous sentir concernés par des primaires avec des dirigeants qui mettent des syndicalistes en prison, peut-être que les tenants de ces primaires ne se sentent pas non plus concernés par cette bataille...
  • Le peuple tranchera, non pas dans les primaires mais dès le 1er tour de l'élection présidentielle.

 

Pour en savoir plus :
- Les primaires à gauche, un remède pire que le mal”

- Quittons le PS en 2016 pour Jean-Luc Mélenchon en 2017 !

- La primaire de gauche, une avancée démocratique ? Non. C'est un remède pire que le mal

- La primaire à gauche est un leurre par Paul Quilès

- C'est le peuple qui remettra la Gauche en mouvement, pas l'inverse

- C’est parce que l’heure est grave qu’il faut se mettre en mouvement de Manuel Bompard

- Mise au point sur les chances à "gauche" pour 2022 et la mauvaise idée d'une primaire

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 09:34
Photo: PABvision.com.

Photo: PABvision.com.

Tandis que les tracteurs sont à nouveau de sortie aujourd’hui dans plusieurs régions de France pour crier la détresse paysanne, Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine, dénonçait hier la manière dont on ruine les éleveurs en France pour augmenter les marges de l’aval.

 

Source : l'Humanité du 27 janvier 2016 par Gérard Le Puill

Le 26 janvier, au moment où Stéphane Le Foll annonçait un rajout de 290 millions d’euros pour venir en aide aux éleveurs de bovins à viande, de porcs mais aussi de palmipèdes gras sans oublier les producteurs laitiers, Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine (FNB) de la FNSEA tenait une conférence de presse. Cette rencontre était prévue depuis trois semaines dans le cadre de la préparation du congrès annuel de la FNB qui se tiendra à Bourg-en-Bresse le 3 et le 4 février. 

 
Elle fut l’occasion pour l’éleveur bourguignon de rappeler que le plan d’aide de l’été dernier devait réduire pour éleveurs le coût financier des conséquences de la sécheresse dans certaines régions d’élevage ; réduire aussi les pertes de revenu induites par le blocage des bovins prêts à la vente dans les élevages suite à la fièvre catarrhale ovine (FCO) qui touche aussi les bovins. Enfin, une partie de ces aides sert à prendre en charge de cotisations sociales d’éleveurs incapables de tirer un revenu de leur métier. Non par incompétence, mais en raison d’un marché de la viande bovine où l’offre est légèrement supérieure à la demande. Du coup les prix baissent, ce qui est également vrai pour la viande porcine et pour la production laitière.
 
En juin 2015, les paysans affiliés à la FNB avaient bloqué des abattoirs pendant plusieurs jours dans le but d’obtenir une négociation avec les abatteurs et les distributeurs. Ils voulaient que le prix du kilo de viande bovine non désossée augmente de 40 centimes par kilo, somme nécessaire pour dégager un peu de revenu. Dans un premier temps, les enseignes de la distribution jouant le jeu, les prix augmentèrent de 13 centimes en quelques semaines. Mais, dès la fin du mois d’août, « cette dynamique globale de filière a été torpillée par des entreprises d’aval, en particulier le groupe Bigard, qui a délibérément joué la baisse brutale des prix, y compris sur des segments où rien ne perturbait fondamentalement le maintien d’une revalorisation sur les viandes destinées aux circuits de la grande distribution et de la boucherie artisanale. Les cours ont alors dévissé, entrainés dans une spirale de baisse qui a conduit à tomber même en dessous des cours moyens précédant les engagements pris en juin », constate Jean-Pierre Fleury huit mois plus tard.
 
Selon lui, le groupe privé Bigard, qui abat 40% des bovins en France- contre seulement 12% pour la seconde entreprise d’abattage-, a fait le choix d’augmenter ses marges sur le dos des éleveurs et notamment ceux qui sont spécialisés dans les races à viande. Il faut savoir ici que ce secteur compte en France plus 4,2 millions de vaches, à quoi s’ajoutent les jeunes bovins. Les vaches du troupeau allaitant sont plus nombreuses en France que celles du troupeau laitier qui sont environ 3,7 millions. Mais, du fait de sa géographie constituée de vastes zones herbagères, la France est le seul pays européen dans cette situation. Du coup, les éleveurs de bovins à viande sont dépendants des achats de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce, de la Turquie, voire de quelques pays du Maghreb pour vendre leurs « broutards ». Ces animaux maigres vendus à dix mois sont souvent engraissés dans les pays qui les consomment.
 
De son côté, le marché français consomme surtout des vaches de réforme et des génisses de deux à trois ans. Mais le marché de la vache de réforme est souvent encombré par les vaches laitières à courte durée de vie en raison même des dégâts du productivisme laitier sur leur organisme. Plus fâcheux encore, le nombre de laitières à augmenté en Europe avec la sortie des quotas laitiers. Ce qui se traduit aussi par plus d’abattage de laitières de réforme, surtout quand le prix du lait baisse sensiblement pour cause de surproduction, ce qui est le cas en Europe depuis plusieurs mois.
 
Facteur aggravant, les carcasses de vaches laitières sont de plus en plus transformées en viande hachée, ce qui permet de faire du steak haché avec de la viande à bouillir en y intégrant pas mal de graisse. La graisse lui donne plus de goût et diminue le prix de revient au détriment de la diététique. Mais son prix est attractif car la matière première ne coûte pas cher. La viande hachée sous toutes ses formes représente désormais près de 50% des volumes de viande bovine vendus en grande surface. Du coup, la viande de qualité et notamment les pièces nobles issues des races prestigieuses comme la charolaise, la limousine, la blonde d’Aquitaine, la salers, l’Aubrac et quelques autres peine à trouver sa place dans les rayons de la distribution.
 
On en est là aujourd’hui et il est difficile de savoir s’il y aura une sortie de crise dans les mois qui viennent. Ce n’est donc pas le moment d’ouvrir le marché européen aux viandes d’outre Atlantique. Jean-Pierre Fleury est allé le dire récemment à la Commission européenne qui négocie actuellement des baisses de tarifs douaniers avec les Etats Unis sur les exportations de viandes bovines et veut faire la même chose avec les pays du Mercosur. Au pays du Hamburger, 100% des vaches laitières de réforme sont transformées en viande hachée. Mais les Etats Unis engraissent aussi pour l’exportation beaucoup de bovins de races à viande dans leurs « feedlots », ces parcs d’engraissement conçus comme des camps de concentration pour bétail où l’alimentation granivore destinées aux herbivores arrive en trains entiers tandis que les hormones de croissance et les antibiotiques entrent régulièrement dans la ration alimentaire.
 
Selon Jean-Pierre Fleury, la commissaire européenne en charge du Commerce a repris une offre européenne faite des 2003 aux Etats Unis dans le cadre d’une négociation non aboutie depuis. Il s’agit d’importer annuellement sans droits de douanes 300.000 tonnes de pièces nobles des Etats Unis alors que ces mêmes pièces issues de nos races à viande peinent à trouver leur place sur le marché. En oubliant que la consommation de viande bovine a diminué de 27% en Europe depuis 2003 tandis que l’offre de viande qualité au augmenté en France.
 
Plus grave encore, cette viande trouve de moins en moins sa place dans la politique de l’offre dans notre pays avec la fermeture des boucheries traditionnelles et l’augmentation des ventes dans la grande distribution où le client n’est pratiquement pas conseillé.
 
Décidément, des usines aux exploitations agricoles, la politique commerciale de l’Europe n’en finit pas de provoquer des crises et d’en faire payer l’addition par les hommes et les femmes qui n’en sont pas responsables. Et la France du président Hollande accompagne cette politique sans prendre la moindre initiative pour tenter de la corriger. Du coup les tracteurs sont encore de sortie aujourd’hui à l’initiative de milliers de paysans au bord de la ruine tandis que l’Europe des marchands brade aussi notre souveraineté alimentaire. 
 
Pour en savoir plus :
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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 09:32
Réflexions sur le confusionnisme et le néofascisme

Au lendemain d’élections régionales dont le résultat a pu provoquer chez certains un sentiment momentané de soulagement malgré un taux d’abstention supérieur à 40 % et des niveaux inhabituels de votes blancs et nuls , il n’est pas inutile de rappeler que l’économie française, entrainée dans la politique déflationniste de l’Union européenne et de l’Euro, reste installée depuis la crise de 2008 dans une quasi stagnation , que le chômage continue à s’élever à des niveaux record , que le commerce extérieur reste durablement déficitaire.

Le gouvernement , enfermé désormais dans la forteresse autocratique de l’état d’urgence , continue à s’impliquer, dans ou hors OTAN, dans de multiples opérations guerrières contribuant à accroitre des tensions internationales dangereuses et qu’il affiche systématiquement une préférence marquée pour les gouvernements les plus réactionnaires : Ukraine, Arabie Saoudite, Qatar, Israël, Turquie en même temps qu’un soutien constant aux bourgeoises compradores africaines.

 

Sources : Le Grand Soir par Robert Charvin[1] | mis à jour le 23/08/2022

- Confusionnisme et neofascisme

S’il est une idéologie dominante aujourd’hui en France et dans de nombreuses régions du monde, c’est le « confusionnisme ». Les questions majeures qui déterminent l’essentiel des comportements sont noyées dans un fatras de références pseudo-morales, religieuses, instrumentalisées pour gommer les inégalités sociales, la précarité en voie de généralisation dans les pays développés, la fracture nord-sud et l’incapacité du système économique à avoir une quelconque efficacité contre la destruction de l’environnement.

 

Ce n’est pas encore un monde nouveau qui se profile à l’horizon, c’est le vieux monde poursuivant sa logique qui se dégrade à grande vitesse et accentue toutes ses perversions. La richesse se concentre entre quelques mains de moins en moins nombreuses dans un monde où les difficultés sociales et la crise environnementale s’aggravent, sans que le système dominant n’ouvre aucune issue.

 

En Amérique du Sud, après une dizaine d’années de victoires progressistes permettant d’affirmer pour la première fois l’indépendance vis-à-vis des États-Unis de plusieurs États et le recul de la pauvreté, la contre-révolution reprend le dessus, grâce à des alliances confuses extrême-droite – conservateurs et social-démocratie ! La Bolivie d’Evo Morales résiste, mais le Venezuela chaviste s’affaiblit tandis que l’Argentine change de camp : le retour des États-Unis et des grandes firmes privées s’annonce !

 

En Afrique, le désordre et la misère atteignent des sommets particulièrement depuis la destruction de la Libye par la France et les États-Unis qui a déstabilisé une large partie des États africains voisins. Les inégalités, la mal-gouvernance et les interventions extérieures renforcent le chaos qui se répand sous couleur de conflits religieux. Le développement n’a pas de réalité pour le plus grand nombre.

 

En Asie, la Chine qui a pour priorité l’édification d’une économie nationale puissante, n’a pas encore une stratégie lisible à l’échelle planétaire. Sa tradition exclut toute « précipitation » dans le domaine politique. Il est difficile de savoir ce qu’il en sera demain.

 

Les États-Unis, divisés entre conservateurs de plus en plus ultras et démocrates très modérés et dont les positions varient d’un État à l’autre au sein de la Fédération, poursuivent cependant quelle que soit la présidence une politique à visée hégémonique, usant du recours à la force ou de l’ingérence « soft » pour maintenir des intérêts économiques et stratégiques, sous couvert d’un humanitarisme frelaté. Son « exceptionnalisme » affirmé exclut tout respect de la légalité internationale.

 

Les États européens qui se sont ligotés dans le cadre de l’Union Européenne, qui n’a créé qu’une structure affairiste au service des lobbies les plus riches, est politiquement malade. Malgré des dispositions « constitutionnelles » pro-démocratiques, l’Union Européenne accepte sans réaction des gouvernements qui associent diverses droites et des mouvements fascisants (comme en Hongrie ou en Lettonie, par exemple). Elle se propose même d’accepter l’adhésion de la Turquie autoritaire, islamiste et opportuniste de l’A.K.P, tandis qu’elle n’a pas hésité à détruire la gauche grecque qui avait remporté les élections, avec un parfait mépris de la démocratie électorale. La social-démocratie qui, dans une période récente, était presque partout au pouvoir en Europe, n’a rien modifié à la situation sociale détériorée. Aujourd’hui, elle est souvent associée à la droite conservatrice, comme en Allemagne qui devient le modèle politique de la France et d’autres pays européens.

 

La France, quant à elle, a perdu tous ses repères. Il n’y a pas « modernisation » de la vie politique malgré la prétention de certains « socialistes » qui en réalité ne le sont pas. Il y a au contraire pourrissement de toutes les valeurs, effacement de tous les principes, sous l’égide d’un « tripartisme » dont les composantes FN, PS, ex-UMP sont dotées d’un programme quasi identique, chacune ayant fait les poubelles des deux autres. Le PS et l’ex-UMP ont intégré par exemple la ligne anti-immigration et les revendications autoritaristes du FN, tandis que le FN a récupéré des éléments du programme économique et social de la gauche. Au P.S, comme à l’ex-UMP, on ne combat pas le F.N, on l’évite au maximum, dans l’espoir du ralliement de ses électeurs et d’alliances (y compris contre-nature) éventuelles ultérieures. Le fascisme imbécile de Daesh conforte l’influence des pires ennemis de l’Islam en France et en Europe, qui cultivent surtout (c’est plus facile) le racisme anti-arabe, substitut au vieil antisémitisme, sous couleur de laïcité ou de défense de la civilisation.

 

Plus personne ne s’y retrouve clairement, y compris dans l’intelligentsia, malade d’un pseudo humanitarisme et d’un droitdel’hommisme obsessionnels et inefficaces pour les droits de l’homme eux-mêmes. Cette pseudo-idéologie se voulant consensuelle contribue à tuer le politique de plus en plus discrédité, conduisant les citoyens au repli sur la vie privée et à l’indifférence vis-à-vis des luttes sociales. Le travail de mémoire de cette intelligentsia est discriminatoire. Complexée vis-à-vis de la Shoah, l’intelligentsia est devenue muette sur les massacres anticommunistes en Indonésie, au Vietnam, au Chili, etc. et oublie les massacres de la décolonisation. Cette intelligentsia-mode est aussi coupable d’un travail d’opacification des réalités socio-économiques et de la lutte des classes (concept devenu obscène), qui pourtant sous des formes complexes, avec des drapeaux renouvelés, se poursuit, malgré le sociétal médiatisé à outrance.

 

 

- Ce confusionnisme contribue fortement à préparer un avenir, sans que le pire soit certain, de type néo-fasciste

L’Histoire ne se répète pas, mais elle peut produire des phénomènes de même nature, par-delà les décennies, que l’on ne reconnaît pas. Les drapeaux n’ont pas la même couleur, le discours présente des différences, et surtout le style est différent.

 

Dans une société « américanisée », comme l’est la société françaises, dont plusieurs générations ont connu les « 30 Glorieuses », Mein Kampf (malgré sa réédition) est illisible, même si l’arabe a remplacé le juif et le bolchevik ! La pitoyable « pensée » d’un Zemour suffit !

 

Les Ligues et les milices n’ont plus guère d’intérêts en raison des réseaux et plus généralement des moyens offerts par les nouvelles techniques de communication. La propagande n’a plus besoin de grands meetings avec des « chefs » charismatiques : n’importe qui grâce à sa médiatisation répétitive peut passer pour un « superman » ou une « superwoman », malgré son inculture ou sa médiocrité banale.

 

L’apathie politique est entretenue par une inculture de masse, des spectacles simplistes et des jeux stupides. L’émotivité remplace le rationnel. Le contrôle social, par un formatage conservateur, remplace la répression, rendue néanmoins facile par la transparence des citoyens (grâce au net et aux services de type NSA), alors que les pouvoirs restent opaques. Tout est entrepris pour effacer les contre-pouvoirs : les juges, les forces politiques et syndicats revendicatifs, les intellectuels critiques.

 

D’authentiques leaders ne sont plus nécessaires pour rallier les foules : une « belle gueule » ou l’image d’un « père tranquille » suffisent pourvu qu’ils sachent manipuler avec efficacité les gens, comme des VRP du néo conservatisme, pour ajuster l’État et la société aux seuls intérêts des pouvoirs privés dominants qu’il ne faut surtout pas « déranger » !

 

 

- La manipulation la plus classique est l’instrumentalisation de la peur, toujours au service des dominants

Cette intoxication à la peur est entretenue plus ou moins subtilement, y compris en la dénonçant et en assimilant le courage au fait de rester aux terrasses des bistrots ! Le chômage, la précarité généralisée et organisée, la répression antisyndicale sélective (comme celle des agents d’Air France), le recrutement préférentiel à tous les niveaux de conformistes (par exemple, pour les professeurs d’économie), la valorisation constante de l’armée et de la police dont tous les actes sont applaudis, assurent l’entretien de la crainte chez les individus de plus en plus isolés les uns des autres.

 

Les actes terroristes aveugles sont encore plus déterminants : ils imposent la recherche de protecteurs, c’est-à-dire des plus puissants. Pourtant, Daesh et ses complices sont combattus dans l’ambiguïté des alliances contre nature avec l’Arabie Saoudite et le Qatar qui nourrissent le salafisme et par des « états d’urgence », pouvant devenir permanents.

 

Les « experts » choisis parmi les courtisans du pouvoir passent en boucle sur tous les médias, imposant l’idée que le désordre établi est « naturel », même s’il est douloureux et que tout ordre différent serait pire ou irréaliste.

 

Les programmes des partis eux-mêmes peuvent être aujourd’hui ni sophistiqués ni réalistes : la V° République française notamment, avec son présidentialisme outrancier, a habitué les citoyens à un combat politique de « têtes » et non de projets. A partir des sondages et des revendications, les « programmes » sont édifiés pour plaire, et peu importe qu’il ne soit pas question de les mettre en œuvre ou qu’ils restent inconnus du plus grand nombre. Le Parti nazi avait, par exemple, un programme social avancé avant 1933 et qui n’a vu le jour que très partiellement, la « gauche » nazie, qui souhaitait une « révolution » nationale et socialiste, ayant été rapidement éliminée. Le monde des affaires avait décidé ! Rien d’étonnant à ce que tous les partis proposent des programmes sociaux avancés, y compris le FN : la logique du système les rend impraticables ! Néanmoins, une large partie de la classe ouvrière a été séduite. Il est vrai qu’en 1936, le chômage avait été résorbé par l’économie de guerre. La seule dénonciation des « profits abusifs », l’idée d’ « unité nationale » associant partis et ouvriers et rendant « la dignité » aux salariés, l’antisémitisme et l’antibolchevisme (les deux n’étant pas dissociés à l’époque) fabriquant le bouc-émissaire nécessaire, l’origine populaire des dirigeants et leur style inédit, « antiélitiste », ont parfaitement fonctionné : le peuple allemand avait été profondément déçu de la Ière République née en 1919, non remis de la défaite, il avait subi de plein fouet la crise de 1929-1930. Le parti nazi a pu ainsi se composer pour un tiers d’ouvriers ! L’idée dominante, pour la grande majorité, était qu’il valait mieux être encaserné dans le nazisme que supporter la misère et l’insécurité avec les siens !

 

En France, à la veille de la guerre de 1939-40, les mots d’ordre des droites étaient simples : « La France aux Français », « honneur, ordre et propriété ». S’ajoutait l’hostilité venue de loin aux « judéo-marxistes », « ferment de la décomposition nationale » ! Aujourd’hui, à la crise économique et sociale, s’additionnent le souvenir de la guerre d’Algérie, source d’un racisme anti-arabe chronique et nourrissant l’anti-immigration, le simplisme venu de Bush et des États-Unis enseignant doctement le « Bien » et le « Mal » dans le monde, distinguant les « États voyous » du monde « civilisé » : dans « l’air du temps », la Russie, la Chine, l’Iran, le monde arabe, l’Islam sont les « méchants » étrangers d’aujourd’hui. Le dérivatif au mécontentement social est efficace : les antagonismes sociaux sont transformés en haine raciale, en xénophobie, en crainte généralisée des « pauvres » : le « réfugié », par exemple, devient « l’étranger type », venu d’on ne sait où, voler notre pain et notre travail, dangereux par nature. Les sommets sont atteints lorsque tous les conflits sont délibérément transformés en affrontements de type religieux !

 

Dans la plupart des pays européens, les droites extrêmes (y compris de type nazi, en Grèce, en Ukraine, dans les pays baltes), et le FN en France « surfent » sur ce climat sociopolitique confus mais pénétrant. Le FN, par exemple, est à la fois porteur de revendications populaires (qui ne l’engagent pas pour la suite) et reprend à son compte les réactions populaires les plus instinctives et les plus primitives, avec la complaisance des grands médias et des partis de gouvernement qui se dispensent à son égard de toute mesure répressive, en espérant au contraire pouvoir s’en servir. Les forces de droite extrême qui travaillent l’Europe et contaminent toute la société ont donc des origines précises.

 

De même, Daesh n’est pas de génération spontanée. Les puissances occidentales ont détruit dans le monde arabe toutes les forces qui les contestaient. L’Islam unifiant l’Empire Ottoman allié de l’Allemagne a été contourné par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale par l’utilisation des nationalismes locaux permettant le démembrement de l’adversaire turc. La France, la Grande Bretagne ont « fabriqué » les « États » du Moyen Orient, dans des cadres plus ou moins artificiels, en instrumentalisant les minorités et en accentuant les différents clivages ethniques ou religieux : le résultat a été une mosaïque ingouvernable et surtout sans contenu démocratique. Les États-Unis, après 1945, ont pris le relais des interventionnismes en tout genre, pétrole oblige. Les Occidentaux ont éliminé toutes les forces qui les dérangeaient : les communistes et progressistes, puis les nationalistes nassériens ou autres, pour ne soutenir que l’armée (comme en Égypte, financée directement par les États-Unis) ou des noyaux de privilégiés corrompus et de pratique dictatoriale. L’inévitable a suivi : une montée des Islamistes (en commençant par les Frères Musulmans, longtemps soutenus aussi par les Américains) a été la réponse de peuples brimés qui rêvent de leur ancien Califat et de sociétés moins misérables et moins soumises à l’étranger.

 

Les succès électoraux du FN en France et de la droite extrême en Europe résultent de même des essais infructueux des partis de gouvernements (de droite ou de gauche), dont les pratiques sont identiques et dont les dirigeants professionnalisés (quelle que soit la sincérité de leurs électeurs) n’ont que des plans de carrière, liés qu’ils sont aux milieux d’affaires qui comptent sur eux pour faire à tout prix leur politique, sous couvert de ce qu’ils appellent « l’Entreprise » parée de toutes les vertus ! La vulgarité de pensée des Sarkozistes et les trahisons « socialistes » ont accoutumé les Français, notamment les jeunes, à la « pensée » de la droite extrême, accessible aux plus incultes et aux plus défavorisés, lassés d’attendre.

 

Pour seule perspective, la droite et la social-démocratie en France ont l’arrière-pensée de gouverner ensemble, avant ou après 2017. La seule question qui les sensibilise est le rapport de forces entre elles qui déterminera le rôle de l’une et de l’autre : comme en Allemagne ! Cette collaboration, qui se généralise en Europe, est l’aboutissement d’un long chemin parallèle, toujours profondément « respectueux » du système capitaliste, quels que soient les dommages qu’il provoque.

 

Mais rien n’exclut, si nécessaire, une alliance de toutes les droites, si par hasard, la complicité PS-ex-UMP buttait sur certains obstacles. Un fort courant néo-sarkoziste est tout disposé à cette autre collaboration, excluant éventuellement même la « gauche » la moins à gauche ! De son côté, un fort courant social-démocrate est prêt à toutes les alliances avec les droites, y compris en cassant le parti qui les abrite encore. Mais cette collaboration est plus dangereuse pour la suite : elle est donc source d’hésitations.

 

 

- En tout état de cause, la démocratie, qui se porte mal, s’en portera encore plus mal

Peut s’installer ainsi en France (mais pas seulement) dans un climat d’ « état d’urgence » permanent (voir les lois successives de 1996, 2001, 2003, 2004, 2006, 2014, 2015) sur le renseignement et la prorogation de l’état d’urgence pour 3 mois, reconductible) un régime ultra-présidentialiste, sans contestation réelle possible, se voulant acteur d’une « fin de l’histoire », celle des libertés (relatives) et des acquis sociaux qui survivent.

 

Les milieux d’affaires, dont les positions sont de plus en plus décisives, quant à eux sont en réflexion. Aujourd’hui le MEDEF de France condamne le FN, exclusivement pour son programme économique et social, dénoncé comme étant « d’extrême-gauche » ! Il est indifférent à son programme sociétal de type néofasciste. Cela peut « s’arranger » dans le futur, tout comme l’industrie lourde s’est en définitive associée au nazisme, comme l’aristocratie italienne s’est aussi ralliée au fascisme mussolinien, malgré son mépris de classe. Durant les affrontements politiques, en effet, les « affaires continuent », de même que Daesh sait conclure des contrats pétroliers avec différents trafiquants et diverses compagnies occidentales, tout en prônant la « pureté » de l’Islam ! Les milieux d’affaires ne sont pas dogmatiques : ils peuvent soutenir indifféremment les droites ou la fausse gauche, ou toutes les forces politiques simultanément, et si cela leur apparaît utile, ils n’ont pas d’hostilité de principe à l’instauration d’un régime autoritaire. Pour les affairistes, qui se prennent pour une nouvelle aristocratie, « la démocratie submerge les élites sous le flot des médiocres et des incompétents ». Ils sont pour « une société stable et efficace qui a besoin de l’autorité allant de haut en bas et de la responsabilité qui monte de bas en haut. Il faut favoriser et non entraver l’élévation des meilleurs, c’est la loi de la nature » On croirait entendre le MEDEF ou BFM ! Mais non, c’est l’auteur de Mein Kampf qui s’exprime !!

 

Il y a au sein du patronat le culte de la « libre » concurrence : elle en fait toujours faussée ! Par contre, elle est de plus en plus vive entre les individus : c’est la guerre de chacun contre tous pour parvenir à survivre, créant l’hostilité à l’égard des autres. Toutes les structures collectives craquent pour le plus grand profit des puissants. La conscience d’appartenir à une caste cohérente est vivante chez les privilégiés. Elle implose chez les démunis.

 

Les attentats islamistes de Daesh, financés par des alliés de la France (350 victimes en France en 30 ans) qualifiés trop souvent de « guerre », relèguent la crise sociale au second plan des préoccupations. Les éloges permanents aux « forces de l’ordre » et les méthodes de répression aident au développement d’un climat sécuritaire, dans lequel on met la justice à l’écart tandis que l’éducation nationale et tous les services publics font l’objet au contraire des critiques les plus systématiques. Les grands médias entre les mains des groupes financiers loin d’être un quatrième pouvoir, sont le relais des idées dans « l’air du temps ».

 

Tous les ingrédients du fascisme, mouture des années 2000, sont donc réunis. Le « capitalisme de la séduction », rendu possible par les « 30 Glorieuses » avec sa consommation de masse, ne fonctionne plus : la caste dominante estime ne plus avoir les moyens d’offrir aujourd’hui ce qu’elle fournissait hier. Un « capitalisme de l’oppression », plus ou moins délicate, tend à lui succéder. Pour faire avaliser cet autoritarisme, on renforce le « faste » entourant les « chefs » de l’État, pourtant plus mussolinien que républicain. On met en exergue les « valeurs » démocratiques mais on annihile les citoyens en les empêchant d’être des centres d’initiative. Le degré de « délicatesse » de l’oppression dépendra des réactions plus ou moins fortes qu’il suscitera nécessairement : en attendant, le système se sert de tous les événements et de tous les prétextes pour prévoir le pire, en discréditant les juges qui font leur métier. Le système ne manque pas d’ores et déjà de traiter avec une condescendance méprisante l’authentique opposition de gauche très affaiblie, tout comme la Commission Européenne a réduit à l’impuissance, avec arrogance, hier Syriza et demain sans doute Podemos ou le nouveau parti travailliste britannique !

 

Aucune perspective de progrès (ni même de croissance à retombée sociale) n’est réaliste dans le cadre du capitalisme financier. Il ne peut qu’essayer de produire des fictions manipulatrices ou frapper.

 

Beaucoup ne croient pas encore, surtout dans la « Patrie des Droits de l’Homme » à une telle régression, comme si les dictatures et les autoritarismes c’était toujours pour les autres ! Il y a amnésie sur l’Europe des années 1930-1940 ; il y a ignorance de certaines réalités en Europe de l’Est. Il y a volonté de ne pas savoir ce que vivent réellement les peuples du Sud. Il n’y a qu’une crainte stupide vis-à-vis des progrès de la Chine et de la volonté de la Russie de reprendre sa place dans le concert des Nations, traitées comme des ennemies.

 

Tout est en place pour que les archaïsmes politiques et économiques les plus frelatés apparaissent comme le comble de la modernité.

Un seul obstacle, heureusement de taille : l’intelligence et la mobilisation des citoyens.

 

Note :

[1] Par Robert Charvin, professeur émérite de droit à l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Il était doyen honoraire de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Nice. Consultant Droit International, droit des relations internationales

 

Pour en savoir plus :

Dossier : Le FN/RN de Marine Le Pen, un néofascisme à la française

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 09:51
Refonder notre démocratie, c’est rompre avec la 5ème République !

et pas à faire une primaire à gauche !

 

Source :  le blog de Manuel Bompard le 22 janvier 2016

Une initiative « pour une primaire à gauche » a été lancée par plusieurs personnalités dans le journal Libération. Pour les initiateurs de cette démarche, il s’agit de « faire de la prochaine élection présidentielle la conclusion d’un débat approfondi ». Ils en appellent à « du contenu, des idées, des échanges exigeants » et présentent leur initiative comme « l’opportunité de refonder notre démocratie ». Louables objectifs, que nous sommes nombreux à partager, et qui s’accompagnent d’un constat lucide sur la gravité de la situation politique de notre pays et sur l’impasse totale de la politique gouvernementale. Dans la période trouble que nous vivons, il est toujours salutaire de voir des intellectuels et des personnalités politiques préoccupés par l’avenir du pays prendre des initiatives pour ouvrir un autre chemin.

 

Il serait donc bien malvenu de remettre en cause la sincérité de leur démarche et de ne pas voir qu’elle pose des questions indispensables : comment faire de la campagne présidentielle de 2017 un vrai débat sur l’avenir de notre pays ? Comment permettre une véritable confrontation des projets, et non pas une course de chevaux gonflés aux sondages et autres produits dopants ? Comment empêcher que ce débat nous soit à nouveau confisqué par une polarisation médiatique sur des thématiques bien loin des difficultés que rencontrent les Français ? Ce sont ici des interrogations essentielles et on ne peut que se réjouir de les voir bousculer un peu les abjectes propositions sur la déchéance de nationalité et les nouvelles provocations du sinistre Macron.

 

 

- Mais comment ne pas distinguer parmi les signataires et les personnes ayant répondu favorablement à cet appel des motivations diverses ?

Ainsi, il faudrait être aveugle pour ne pas voir les gros sabots des dirigeants du Parti Socialiste qui ont bien compris les intérêts qu’ils pourraient retirer d’une telle initiative. N’est-ce pas ici l’occasion rêvée de faire taire toute alternative à la politique gouvernementale, en transformant cette initiative en choix d’un candidat unique de la gauche, expulsant par là même toute discussion sur les désaccords majeurs vis-à-vis de la politique gouvernementale ? Ainsi construite, cette initiative se retournerait contre les objectifs fixés par ces initiateurs. Plutôt que d’aider à déverrouiller la scène politique, elle lui donnerait au contraire un nouveau tour de vis. On ne peut donc que regretter que l’appel publié ne contienne pas de remise en cause et d’explications en profondeur des choix gouvernementaux, ce qui aurait permis d’inscrire cette initiative clairement en rupture avec les politiques mises en place ces dernières années. Et à tous ceux qui pensent qu’il y aurait là une occasion historique pour rompre enfin avec les orientations sociales-libérales, il convient de souligner comment un tel processus serait dominé par l’influence des instituts de sondage et comment il expulserait celles et ceux qui se détournent aujourd’hui des urnes (lire à ce sujet le blog d'Alexis Corbière).

 

Dans le même registre des interrogations, il est triste de lire parmi certaines réactions ou prises de position autour de cette initiative des intentions bien éloignées de celles affichées dans le texte de l’appel. Ainsi, comment peut-on affirmer la nécessité d’un grand débat et exclure dans le même temps toute discussion sur notre rapport à l’Union Européenne, comme le fait Julien Bayou d'EELV en affirmant que le résultat pourrait « poser problème, s’il y’avait des positions anti-européennes », ajoutant la caricature à la fermeture du débat ? Voilà ici une curieuse conception des « échanges » si un seul résultat ne peut en fait être admis et accepté, conception bien contradictoire avec la nécessité de « débattre des défis extraordinaires auxquels notre société est confrontée ». La question de la relation de la France vis-à-vis d’une construction européenne toujours plus austéritaire ne fait-elle pas partie de ces défis ?

 

 

- Mais tel n’est sans doute malheureusement pas le sujet.

Car ne nous y trompons pas : par-delà la sincérité évidente de certains de ces initiateurs ou soutiens, se retrouvent aussi autour de cette initiative tous ceux qui pensent y avoir trouvé l’opportunité de se forger une place sur la ligne de départ. Comment interpréter autrement les déclarations de David Cormand d'EELV expliquant que cette initiative aurait pour ambition de bousculer « un casting qui a déjà été décidé sans nous ». C’est là aussi une ambition bien différente de la volonté affichée de « réanimer le débat politique » et d’incarner « le projet positif dont la France a besoin pour sortir de l’impasse ». Sauf à considérer que personne parmi « ce casting » (selon David Cormand toujours, « le trio promis étant Hollande, Sarkozy, Le Pen […] avec comme challengers potentiels Juppé, Bayrou et Mélenchon ») ne pourrait porter un tel projet, ce qui mériterait alors d’être argumenté. Difficile donc de lire dans ces déclarations autre chose qu’une volonté d’utiliser cette initiative pour légitimer une nouvelle candidature. Ce serait grave, car masquer sous des mots d’ordre de renouvellement et des appels aux nouvelles pratiques politiques des ambitions par ailleurs tout à fait légitimes, ne fera que contribuer à amplifier encore la crise démocratique du pays.

 

Une fois passées ces quelques remarques, il faut venir au fond du sujet. Oui « les inégalités sociales » et « la dégradation environnementale » sont insupportables. Oui, notre système politique est verrouillé, son personnel fait office « de caste, d’oligarchie ». Oui, il est plus que jamais nécessaire de « refonder notre démocratie ». Oui, notre pays est « riche de son énergie vitale et de ses talents qui aspirent à forger un avenir bienveillant ». Mais ces indignations ont des causes et des responsables qu’il faut nommer : c’est d’abord un capitalisme aveugle qui détruit les êtres humains et la planète; c’est aussi un système politique inique – la 5ème République – qui expulse le peuple de la vie politique.

 

 

- Pour s’attaquer aux effets, il faut s’attaquer aux causes : il n’y aura donc pas de refondation démocratique possible sans rupture avec la 5ème République

L’objectif de réoxygéner enfin notre vie politique ne sera donc pas accompli en choisissant mieux le monarque présidentiel (en partant du principe que la primaire permettrait un meilleur choix, ce qui est plus que contestable comme l’a très bien démontré Alexis Corbière sur son blog). Il ne pourra l’être qu’en brisant enfin la 5ème République et en engageant tout le peuple français sur la voie d’une reconstruction démocratique.

 

Pour cela, une démarche claire et transparente pour une nouvelle République, précisant les modalités et le calendrier de sa mise en œuvre, est indispensable. Il ne peut s’agir d’une simple mise à jour du système périmé de la 5ème République, même sous un nouveau nom, par un groupe d’experts en droits constitutionnel. Cette réponse serait bien loin de la gravité de la situation. En ne permettant pas l’intervention populaire permanente dans la rédaction constitutionnelle, elle inscrirait dans le marbre un péché originel : la confiscation du pouvoir par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Seule la convocation d’une Assemblée Constituante, proposée par référendum dès l’élection à la présidence de la République (en utilisant l’article 11 de la Constitution), permettrait de renouveler en profondeur notre vie démocratique et de libérer les énergies du pays.

 

Une telle revendication n’est malheureusement pas inscrite dans les objectifs de « la primaire à gauche ». Ces initiateurs semblent penser qu’un choix plus large et plus démocratique (ici aussi, ces adjectifs sont plus que contestables, mais cela semble être l’avis des signataires) d’un candidat à l’élection présidentielle permettra, comme par magie, une refondation démocratique. Aucun ne semble se souvenir que François Hollande fut bien désigné par une primaire et que cela ne l’empêcha nullement d’oublier le lendemain de l’élection ses promesses de campagne, ou d’avoir recours à l’article 49-3 de la Constitution.

 

 

- Pourtant, et les signataires de l’appel publié dans Libération le pointent également, il y a urgence.

La trahison que représente le mandat de François Hollande pour une partie grandissante de la population, l’absence de résultat de sa politique et le contexte lourd de l’année 2015 ont fait grandir la résignation et la tentation du repli sur soi. De plus en plus nombreux sont les français qui ont renoncé à se déplacer aux urnes, ou qui semblent tentés par une extrême-droite incarnant, à tort, la seule remise en cause des politiques mises en place ces dernières années.

 

Le temps n’est donc pas, selon moi, au repli sur soi et aux processus paralysants. La gravité du moment impose que soient lisibles rapidement les différents projets politiques qui s’offrent au pays. La mise en route pour les prochaines élections présidentielles d’une démarche claire de rupture avec la 5ème République est désormais urgente. A 15 mois de l’élection présidentielle, il convient dès lors de soutenir sans attendre le candidat le mieux placé pour engager immédiatement cette bataille, en adossant à cette campagne le lancement d’un nouveau mouvement ouvert à toutes celles et tous ceux qui veulent y participer. Un candidat qui sera en capacité de prendre le pouvoir, non pour lui-même, mais pour le rendre au peuple. Un candidat qui, par la clarté de son positionnement, la cohérence de ses engagements et la force de ses idées, portera de manière crédible cette ambition. Un candidat qui maitrise avec brio les rouages du jeu médiatique et qui pourra ainsi retourner contre le système ses propres contradictions. Un candidat qui saura garder la tête froide face à la violence des temps qui viennent.

 

Ainsi, nous pourrons faire mentir les scénarios noirs écrits par avance.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : Primaires - Elections présidentielles 2017

- Jean-Luc Mélenchon: «La primaire est une machine à enterrer les questions de fond»

- Sondages primaires par Francois Cocq   

- Présidentielles 2017 Le poker menteur des primaires

- Les primaires, ou le casting de la tambouille

- Chronique d'une gauche auto proclamée

Refonder notre démocratie, c’est rompre avec la 5ème République !
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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 23:22
Présidentielle 2017 : Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature dans le 20 heures de TF1

Jean-Luc Mélenchon a annoncé ce mercredi soir 10 février 2016 sa candidature pour la présidentielle de 2017. "Le rythme s’est accéléré, après MM. Juppé, Fillon, Sarkozy, Mme Le Pen sur votre plateau a annoncé sa candidature, a expliqué le fondateur du Parti de gauche dans le 20 heures de TF1. Dans ces conditions, il faut passer à l’action, on ne peut pas rester sans voix et oui, je propose ma candidature pour l’élection présidentielle de 2017."

 

Mis à jour le 13 février 2016

"Je n’aimerai pas que ce soit une espèce de jeu de pronostic cette élection, au contraire c’est une occasion formidable de dénouer les liens qui nous paralysent aujourd’hui grâce à nos bulletins de vote, pacifiquement, tranquillement démocratiquement", a-t-il expliqué.

 

Jean-Luc Mélenchon explique son mot d’ordre : "c’est l’intérêt général humain qui doit prévaloir aujourd’hui". Pour exemple, il cite "le changement climatique", "c’est maintenant qu’il faut changer la manière de produire, d’échanger, de consommer". Le nucléaire ? "C’est le moment de sortir", assure le député européen.

 

 

- Bernie Sanders pour inspiration

Confirmant qu’il ne participera pas à une potentielle primaire à gauche, Jean-Luc Mélenchon explique que son parti ce sera ses "convictions". "J’ai des convictions et c’est le plus important et peut-être le peuple français", martèle-t-il. Rejetant le fait que la multiplication des candidatures à gauche pourrait faire perdre la gauche en 2017, il assure ne demander "la permission à personne".

 

"Je le fais hors-cadre de parti, je suis ouvert à tout le monde", insiste l’eurodéputé.

 

Pour se préparer à cette nouvelle campagne Jean-Luc Mélenchon dit s’être inspiré de l’homme politique à la mode ces derniers temps, Bernie Sanders, candidat démocrate aux Etats-Unis devenu la coqueluche des jeunes. "Je m’inspire à ma manière de la méthode qui a été celle de M. Bernie Sanders", détaille-t-il, en ayant notamment loué "la même plateforme internet" que lui. Sur celle-ci, chaque citoyen pourra participer au débat et à l’élaboration d’un programme.

 

"Tout le monde peut se joindre à moi pour travailler sur le programme et agir voilà comment on traite une élection", conclut Jean-Luc Mélenchon.

 

 

- Jean-Luc Mélenchon annonce sa candidature

 

- J'appuie la candidature de Jean-Luc Mélenchon ICI

 

Présidentielle 2017 : Jean-Luc Mélenchon a annoncé sa candidature dans le 20 heures de TF1
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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 09:11
Les Primaires contre la Gauche

Selon moi, on ne peut pas dissocier l’instauration des primaires à gauche du projet politique que visent ceux qui ont poussé cette idée. Il ne manque pas d’esprits avisés qui savent à quel point ce système des primaires induit tout un large ensemble de conséquences sur lequel je m'exprime depuis 20007[1].

 

Sources : le blog de Jean-Luc Mélenchon le (extrait de son livre "L'autre gauche" paru en sept. 2009)

Il n’en n’est pourtant pas débattu. La scène politique semble subjuguée davantage que convaincue. Mais a la vérité, je ne crois pas que cette idée puisse s’imposer autrement que par cette sorte de passage en force tant elle bouscule jusqu’au fondement l’édifice sur lequel est construit la gauche. Il aura peut-être raison de la gauche elle-même. Je veux rappeler que ce ne sera pas la première fois.

 

 

- Les mauvais exemples américains et italiens

Je signale que les innombrables références au système américain s’accompagnent toutes d’un voile d’ignorance volontaire très troublant. Aux Etats Unis le système des primaires commence par la marginalisation des partis de gauche. Mais combien savent qu’il n’y a pas que deux candidats aux USA. Tous les autres sont effacés du tableau du fait même des primaires. A commencer par le candidat socialiste. Ces primaires fonctionnent de plus comme l’antichambre obligée où se bousculent tous les lobbies, carnet de chèques en main. Ils se remboursent ensuite sur la bête victorieuse, corrompant en profondeur l’esprit public nord américain et davantage encore celui de ses élites dirigeantes. Bonjour la modernité !

 

Un exemple plus proche peut-être également plus facilement analysé. C’est celui de l’Italie. Un concentré de désastre. Les primaires ont conduit à la fois à la liquidation de la gauche, dissoute dans un « parti démocrate » récusant l’étiquette de gauche, et à la plus lamentable défaite électorale de la gauche contre Berlusconi. Pour ne dire que cela. Pourquoi en irait-il autrement en France ? Déjà bien des analystes ont largement démontré que les primaires invalident l’existence même d’une structure de Parti. A quoi bon en effet un parti quand un club d’affidés et un bon budget de communication suffisent pour mener la partie décisive. Au contraire, un parti, avec ses rythmes lents de décisions, ses structure collectives, ses obligations de mémoire, ses liens aux syndicats et associations, est un handicap majeur pour mener la guerre de guérilla médiatique, la course aux effets émotifs et tout ce qui va avec l’ultra personnalisation de la politique qu’implique une primaire. Je n’en évoque pas davantage à ce propos parce que le cœur de mon raisonnement à cet instant vise seulement à montrer comment le moyen choisi pour régler les problèmes que ce système prétend affronter les aggrave au contraire.

 

 

- Le règne de l’égocratie

Voyons cela. On entend dire par exemple que les primaires seront le moyen de surmonter les conflits de personnes qui minent les états major politiques. Ce sera le contraire. Il les envenimera. L’égocratie va en effet se déployer sans retenue. Chacun devra en effet se rendre « intéressant » pour capter de la sympathie et de l’appétit médiatique. Plus intéressant et appétissant que le voisin. Dès lors la défaite équivaudra à une disqualification personnelle plus offensante et meurtrissante que ne le sera jamais aucune défaite des idées ou du programme qu’un candidat peut porter. La pipolisation pourtant battra son plein quoique veuille les protagonistes. Elle sera une arme de combat. Qu’on se souvienne des conditions et des mots avec lesquels Ségolène Royal annonça en plein milieu de la soirée électorale des législatives de 2007 sa décision de divorcer d’avec François Hollande. Cette pente sera amplifiée par l’environnement idéologique que construit ce type de consultation. Cela d’abord parce que les contenus politiques iront au rabais. En effet dans cette sorte de compétition celui qui l’emporte est celui qui provoque le moins de rejet. Le devoir de chacun des candidats sera donc de rogner soigneusement toute aspérité du propos qui lui aliène un secteur de l’opinion. Dès lors l’idéologie dominante a de beaux jours devant elle. La pipolisation et la dépolitisation iront de concert comme c’est la règle en la matière.

 

 

- La course au moins disant politique

Machine à égotiser, le système des primaires est de ce fait en même temps une machine à niveler. Mécaniquement le centre de gravité d’une telle compétition se déplace vers le moins disant, le plus central c’est-à-dire le plus centriste. La norme de sélection fonctionne à l’inverse de la compétition qu’elle est censée préparer. Car, le moment venu, dans la campagne électorale, face au candidat de droite ce n’est plus le moins disant le mieux placé. C’est au contraire la candidature ouvrant le plus de propositions offensives qui concentre l’attention, créé le débat et fait le succès. On voudra bien se souvenir en effet que les victoires électorales de la gauche, celles de François Mitterrand en 1981, comme celle de Lionel Jospin en 1997 se sont faites avec des programmes clivant et non sur des propositions consensuelles. De plus, l’un contre la peine de mort, en plus du programme commun avec les communistes et l’autre avec les trente cinq heures ajoutèrent des angles aux angles. Ici se touche un point essentiel. Une élection ne se réduit pas au marketing qui l’anime. Ce sont les programmes d’une part et la volonté de les accomplir des personnes qui les portent qui, en définitive, mettent en mouvement le grand nombre d’un côté ou de l’autre. Je parle là de l’élection, la vraie. Car à l’occasion des primaires il en va tout autrement. Là, les votants sont abusés par la proximité idéologique des candidats. Tous sont censés être de gauche, je le rappelle. Leurs positions communes sont alors nombreuses. Les électeurs des primaires se disent alors que le vainqueur aura la sagesse de faire son miel de tout ce qui aura été dit et qui aura plu. Du coup les braves gens concluent qu’ils doivent choisir la personne qui a le plus de chance de l’emporter dans les urnes contre la droite. Comment peuvent-ils savoir duquel il s’agit ? C’est bien leur problème. Ils s’en réfèrent donc à ce que leur dit une autorité qui semble supérieure à tout à priori et à toute idéologie. C’est-à-dire l’opinion majoritaire des électeurs en général. C’est l’effet Panurge appliqué avec bonne volonté et assumé comme tel. Les participants aux primaires suivent donc le verdict des sondages. On se souvient du harcèlement sondagier qui accabla ainsi les socialistes dans la primaire que remporta Ségolène Royal. Elle était alors donnée gagnante contre Sarkozy avec 53 % des voix contre 47% au candidat de droite. Notons que le résultat final fut exactement l’inverse.

 

 

- Une machine à diviser la gauche

Cet effet de nivellement n’empêchera pas pour autant un autre renversement de la dynamique électorale entre le processus des primaires et celui des élections elles-mêmes. Dans l’élection, quand plusieurs candidats sont présents à gauche, ils sont en compétition implicite. Mais leur discours est positionné contre la droite davantage que les uns contre les autres. Ceux qui se risquent à du démolissage dans leur camp, comme toute transgression de celui-ci en général, le paient souvent très cher. Ainsi Jean-Pierre Chevènement passa-t-il en 2002 de 14% des intentions de vote à 5% en quelques jours pour prix de son harcèlement contre celui qu’il appelait « chirospin » et pour s’être rapproché de l’extrême droite villièriste.

 

 

- L’outil du glissement au centre

Après ce tour d’horizon général j’en viens à quelques remarques à propos de la dynamique d’une élection. Si cette primaire est proposée à toute la gauche c’est un tableau singulier qui est mis en place. Passons sur le fait qu’il aurait été de meilleure pratique de consulter les partenaires avant de les mettre au pied du mur. Voyons plutôt le présupposé de l’affaire. Il y en a un. De taille. C’est que le candidat issu des primaires doit ensuite gagner l’élection dès le premier tour. Car pour le second tour il ne dispose plus de réserve de voix puisque toute la gauche est censée avoir été mobilisé et s’être déjà regroupée sur son nom. Comment peut-on imaginer cela ? Ce n’est pas possible. Alors ? La réponse est évidente. Le deuxième tour ne peut alors être gagnant qu’avec une nouvelle alliance. Du coup le premier tour de l’élection présidentielle se transforme en réalité en une primaire avec les centristes. Celui des deux qui arrive en tête s’accorde avec le suivant « contre la droite ». Démontrez le contraire !

 

Ainsi de toutes les façons et par tous les bouts, tant sur la forme, le contenu et la dynamique électorale, le système des primaires est une machine à se donner des claques. Elle égotise, pipolise, nivèle et divise la gauche au profit d’un glissement centriste. Et celui-ci pour finir est incapable de répondre aux attentes actuelles d’une société mise en tension par la crise et en demande de changements sociaux et écologiques radicaux dans la vie diminuée que mène le commun des mortels.

 

Note :

[1] Source : « L’urgence écologique doit être au point de départ de ma campagne »

" Vous avez refusé de participer aux processus des primaires à gauche. Pourquoi ?

Ma candidature est un raisonnement politique, ce n’est pas le résultat d’un hubris personnel. Je refuse le mécanisme des primaires depuis longtemps, Cela ne me prend pas maintenant comme un argument de circonstance, j’ai expliqué ça longuement dès 2007 : les primaires sont un tamis social et un tamis idéologique qui se termine à la fin pour unique référence sur « Qui va être présent au deuxième tour ? » et, donc, on essaye de le savoir en lisant les sondages… Une primaire est un exercice d’amnistie pour dirigeants socialistes, cela ne peut pas être autre chose.

Ce n’est pas pour rien que j’ai dit que je proposais ma candidature, et non que je la déposais. Ceux qui ont cru habile de m’imputer une décision solitaire se retrouvent maintenant pris dans leur piège ! Parce qu’ils ont transformé en décision ce qui était une proposition. Et, volens, nolens [qu’on le veuille ou non, NDLR], ils ont accéléré la prise de conscience de tous ceux qui se sont trouvés confrontés à cette alternative : est-ce la primaire qui a raison ou est-ce Mélenchon qui a raison de la refuser ?

Je la propose aux citoyens, aux organisations. Et la réponse m’est venue de cent dix mille personnes. C’est un chiffre raisonnable. Après quoi arrivent cent cinquante maires qui – un an à l’avance – acceptent de parrainer ma candidature. Qui a décidé que j’étais seul ? Deux mille syndicalistes ne comptent-ils pour rien par rapport à quarante belles personnes qui ont signé un appel à une primaire dans laquelle il n’y en a pas deux qui ont la même idée sur ce qu’il y a lieu de faire ? "

 

Pour en savoir plus :

- Soyons primaires par Jean Ortiz

- Gauche : Gare au prix amer de la primaire !

- Martine Billard : « Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés »

- Quand le PS investit l’idée de « Primaire à gauche » par Jean-Luc Mélenchon

- Primaire : ma réponse à Caroline De Haas

- Primaires : et si on arrêtait de faire semblant ?

- Une primaire de Hollande à Juppé : tout sauf Mélenchon

-

- Jean-Luc Mélenchon : Les primaires, la loi du mensonge et de la triche

- Mise au point sur les chances à "gauche" pour 2022 et la mauvaise idée d'une primaire

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3 février 2016 3 03 /02 /février /2016 09:27
21ème rapport du mal–logement en France : la dégradation se poursuit

Une forme de violence économique, sociale et psychologique.

 

Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées

"Comme chaque année, ce rapport dresse le tableau de bord du mal-logement à partir de chiffres actualisés, notamment grâce à une exploitation inédite de l’enquête Logement 2013 de l’Insee fortement attendue, et du suivi des politiques du logement de l’année écoulée. Il montre la dégradation alarmante de nombreux indicateurs, qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile, en précarité énergétique, en effort financier excessif ou en hébergement contraint chez des tiers."

Vous pouvez accéder à tous les éléments du rapport en cliquant ici

 

 

-  Quelques chiffres essentiels

  • Près de 900 000 personnes sont privées de logement personnel, selon la Fondation. Parmi elles, 141 500 sont sans domicile et 85 000 vivent dans des habitations de fortune.
  • Près de 2,9 millions de personnes vivent dans des conditions de logement « très difficiles » (privation de confort, surpeuplement « accentué »).1 % des logements sans eau courante, douche ni WC
  • En 2013, 204 000 logements en France ne disposaient pas d’eau courante, d’une installation sanitaire – baignoire ou douche – ou de WC intérieurs.
  • Plus d’1,9 million de logements « étaient dépourvus de chauffage central en 2013.
  • Les ménages les plus pauvres (1er décile de la population) consacrent plus de la moitié de leur revenu à leur logement, contre 17,4 % en moyenne chez les Français, et 12,5 % pour les plus aisés.
  • Les 10 % les plus pauvres (1er décile) ayant un revenu mensuel moyen de 678 euros selon l’Insee, le logement leur coûte ainsi 379 euros en moyenne par mois, ne laissant que 299 euros pour tout le reste.582 bidonvilles
  • Fin 2015, 17 929 personnes vivaient dans l’un des 582 bidonvilles référencés en France par la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal). 37 % de ces personnes « très marginalisées » habitent dans un campement illicite situé en Ile-de-France, et 21 % sont regroupés en Nord-Pas-de-Calais.

« À lui seul, le département de Seine-Saint-Denis abrite 12 % des personnes recensées et 7 % des bidonvilles à l’échelle nationale », souligne le rapport de la fondation Abbé Pierre.Un sur trois

  • Près d’un tiers des enfants vivant dans des logements précaires présentent des sifflements respiratoires, contre 7,1 % en moyenne dans les autres foyers. Près de la moitié des adultes dans des logements précaires souffrent de migraines (47,7 % contre 31,6 % des autres ménages) et de dépression ou d’anxiété (40,8 % contre 28,7 %).450 000 personnes contraintes à revenir vivre chez leurs parents
  • Près de 450 000 personnes sont revenues au domicile parental en 2013 en raison d’une situation personnelle difficile (perte d’emploi, problèmes financiers, mauvaise santé ou problèmes de logement). Chez les plus de 25 ans (hors étudiants), le nombre est en augmentation de 20 % entre 2002 et 2013, passant de 282 000 à 338 000 en 11 ans. Plus impressionnante, l’augmentation est de 66 % entre ces deux années pour les personnes âgées de plus de 60 ans contraintes d’habiter chez un tiers avec lequel elles n’ont pas de lien de parenté direct (de 50 000 à 83 000).

 

Résumé réalisé par "Les décodeurs" Blog journal Le Monde accessible en en cliquant ici

 

 

-  La crise du logement expliquée en quatre minutes

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 09:24
Françoise Verchère : Notre-Dame des Landes "la fabrication d'un mensonge d'Etat"

Ancien maire de Bouguenais, ancienne élue départementale, militante du Parti de Gauche, opposante de longue date au projet Notre-Dame-des-Landes, Françoise Verchère connaît le dossier jusque dans la dernière virgule de la dernière annexe.

Elle a écrit un livre, court, et accusateur.  Elle n'y raconte pas l'histoire de la lutte anti-aéroport, n'y construit pas un argumentaire, laissant cela aux autres opposants. Françoise Verchère préfère décrypter les mécanismes de ce qu'elle appelle "La fabrication d'un mensonge d'État".

En trois chapitres, elle met à nu une mécanique que rien ne peut plus arrêter une fois prise la décision par l'État.

 

- A souligner : Françoise Verchère était en contact avec un éditeur classique.

L'évolution de la situation, "l'urgence", dit-elle, la conduit à publier sur internet. Le texte peut être lu sur le blog du Nantais Eric Chalmel (Les Etats et Empires de la Lune).

  • Je le reproduis ci dessous.
  • il est également à votre disposition, pour téléchargement en bas de page [1].

 

Sources : Les Etats et Empires de la Lune

- Préface

Le dernier verdict du tribunal de Nantes met le gouvernement au pied du mur : soit expulser manu militari les zadistes du site de Notre-Dame des Landes, soit renoncer au projet d’aéroport du grand ouest. Avec la présidentielle à l’horizon, sa décision est à la fois très attendue et à très haut risque. Le conflit n’a que trop duré : il s’est enlisé et plus personne ne voit comment en sortir. La fenêtre de tir politique se restreint de jour en jour. À l’évidence, nous sommes à la veille d’un tournant décisif.

 

Beaucoup de citoyens (certains n’étaient pas nés lorsqu’il a commencé) ont une vision embrouillée du conflit. Des arguments techniques complexes de part et d’autre, des enjeux économique, écologique et sociétal qui s’opposent, une image de plus en plus négative des zadistes face à l’état de droit, des violences policières qui ont grièvement blessé de jeunes manifestants, des politiques qui s’invectivent ou qui s’observent… Il n’y a pas eu de mort comme à Sivens (et espérons qu’il n’y en ait pas !), toutefois le clivage laissera des traces douloureuses.

 

Si nous n’en sommes pas encore aux travaux d’historiens, Notre-Dame des Landes est déjà un cas d’école qui commence à susciter des témoignages. Celui de Françoise Verchère fera date. Parce que c’est la vision d’une opposante historique et déterminée, d’une figure emblématique, parce qu’elle connaît le dossier à la virgule près, mais pas seulement. Son livre, publié sur ce blog, est évidemment partisan. Mais il est brillant, comme à chaque fois qu’elle prend la plume. Surtout, au-delà des arguments qu’elle déroule inexorablement, des « mensonges » qu’elle dénonce un par un, il nous donne une vision complète et intelligible du conflit. Pour la première fois, un document nous permet d’y voir plus clair, qu’on soit d’accord ou pas avec son auteur.

 

J’imagine que ce texte appellera une réponse tout aussi circonstanciée et brillante des partisans du projet. Il va de soi que je me ferais un devoir de la publier à son tour s’ils le souhaitent.

 

En attendant, bonne lecture… E.C.

 

***

Vous trouverez à la fin du texte un index des principaux sigles cités.


« Je vois, j'entends, j'observe, je parle et de cette façon je témoigne, un vilain mot mais qui a encore un sens quand il murmure « c'est faux » à l'oreille de ceux qui se laissent bercer par la ritournelle du pouvoir. » Roberto Saviano (Gomorra)

 
 

- Notre Dame des Landes : la fabrication d'un mensonge d’État

           Depuis l'automne 2013, la stratégie du gouvernement dans le dossier de Notre Dame des Landes est claire. Silence total sur les arguments que les opposants continuent inlassablement d'avancer mais poursuite sans faille du rouleau compresseur décisionnel et administratif : préparation des derniers arrêtés préfectoraux, réalisation d'une étude « globale » censée répondre aux critiques de l'Europe, nomination d'un nouveau sous-préfet en charge du dossier, recrutement de juristes, annonce de la volonté gouvernementale de vider la ZAD ... Le gouvernement mise de toute évidence sur le temps qui passe comme ferment de « pourrissement » ou de démobilisation de la lutte, sur la fatigue des citoyens et des media pour un sujet certes emblématique mais qui finit par sembler trop compliqué, et sur une propagande bien huilée qui présente un grand chantier comme une chance pour l'emploi et le développement de la région et ses opposants comme de « dangereux extrémistes marginaux de l'ultra-gauche ». La phrase lapidaire « Pour que la France reste la France, il faut continuer à y construire des routes, des ponts et des aéroports » ou son autre version, tout aussi stupide « si on ne peut plus construire cet aéroport, alors on ne pourra plus rien construire » pourrait faire lentement son travail de sape dans l'esprit de français inquiets pour l'avenir et croyant encore, hélas , en la parole politique d'hier ou d'avant hier…

 

           Ajoutez à ce tableau l'incantation au « nécessaire respect de l’État de droit », un premier ministre à la fibre autoritaire et la forte probabilité qu'au bout du compte le Conseil d’État rejette les derniers recours des opposants, vous aurez tous les ingrédients pour enclencher au moment opportun, c'est à dire après les régionales et la COP 21 de 2015 (avant cela aurait fait un peu désordre tout de même... ), une nouvelle opération de force pour en finir avec « le kyste » de Notre Dame qui n'a que trop duré aux yeux du pouvoir politique et économique.

 

          Évidemment, les justifications sont prêtes. On peut déjà écrire le communiqué de presse et donner les éléments de langage qui seront utilisés à l'envi par le premier ministre, les ministres des Transports, de l’Écologie, le Préfet de Région, les Grands élus locaux, du Parti Socialiste aux « Républicains » : « le gouvernement a été à l'écoute des opposants, il a mis en place une commission du dialogue, fait réaliser des études complémentaires, organisé de nouvelles réunions. Il a accepté que le projet prenne du retard pour être amélioré et mieux admis. La justice a dit le droit. Il est temps désormais de passer à l'action. Ceux qui voudraient continuer à s'opposer à la réalisation de cet équipement indispensable sont de dangereux individus, violents et anarchistes. La violence est inacceptable lorsque toutes les procédures ont été respectées comme cela a été le cas pour cet aéroport qui sera exemplaire du point de vue du développement durable auquel la France, vous le savez, est attachée ! Force doit maintenant rester à l’État de droit ! » L'inénarrable association «  Les Ailes pour l'ouest », composée d'une partie du milieu patronal local (BTP, immobilier et compagnie…) sabrera le champagne et donnera un coup de main pour sécuriser la zone s'il le faut ; admirative des milices privées mises en place à Sivens pour défendre le projet de barrage, elle avait invité avant l'été à son assemblée générale un représentant de la Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles du Tarn pour avoir des conseils pratiques sur la manière de s'occuper manu militari des zadistes, elle a dû faire marche arrière devant le tollé suscité et la mise au point de la FDSEA 44 ; elle fera donc les choses plus discrètement mais le gouvernement peut compter sur elle.

 

          Que se passera-t-il alors ? Une évacuation rapide, sans grande résistance ou avec une résistance trop faible pour arrêter les travaux et empêcher l'irréversible? Ou au contraire une nouvelle page de la lutte avec militarisation durable de la zone ? La guerre pendant des mois avec des blessés ? Un ou des morts ? Personne ne peut le dire… Le risque est grand pour les deux camps mais la répression est sûre. Elle a déjà commencé, elle montera en puissance, et bénéficiera en plus des nouvelles mesures sur la « sécurité intérieure ». On prépare d'ailleurs l'opinion par une rhétorique bien huilée sur la minorité d'ultra-violents, chargés de tous les maux et terrorisant la population locale. Le pire peut arriver.

 

          Comment peut-on se retrouver dans une telle impasse, dans un pays déjà très « aménagé et développé », où l'on aurait mieux à faire qu'un nouvel aéroport ? Pour ceux qui l'ignoreraient encore, en effet, Nantes-Atlantique n'a pas une piste en herbe au centre-ville mais un aéroport international, hors périphérique, tout à fait fonctionnel et qui peut être optimisé sur place.

 

          On a déjà beaucoup écrit sur cet aéroport dont l'idée est née dans les années 70. L'objet de ce texte n'est pas de raconter à nouveau l'historique de la lutte ni d'en présenter sous un angle particulier tel ou tel groupe d'acteurs même si certains épisodes devront à nouveau être racontés pour la compréhension. Ce n'est pas non plus un argumentaire exhaustif contre le projet. Pour cela, il faut se référer aux travaux des opposants et prendre le temps de lire leur abondante production( les fiches argumentaires sur les sites de l'Acipa*, du CéDpa*, et les récents cahiers techniques de l'Atelier citoyen*). Ce n'est pas enfin un débat sur les modèles de développement sous-tendus par ce projet.

 

          C'est plutôt un essai de décryptage des mécanismes qui aboutissent à ce que l'on peut sans crainte désormais appeler « la fabrication d'un mensonge d’État » et une tentative pour en comprendre les raisons.

 

 

- Chapitre 1 : les procédures, démocratiques vraiment ?

          Au commencement, il y a bien sûr le mode de décision « historique » de notre pays. Un État centralisateur avec ses hauts fonctionnaires qui savent, et ses élus qui veulent. Un État qui en lançant la décentralisation a ajouté aux défauts de la centralisation ceux de la féodalité. Volontairement ou non, difficile à dire, les historiens nous expliqueront cela un jour. Le fait est que les Grands Élus locaux ont reproduit avec délices les tares de l'Ancien Régime : liens de vassalité, qui font obéir quantité d'élus, liés par la reconnaissance qu'ils doivent au suzerain pour leur place ou pour les subventions obtenues, cumul des fonctions pour « tenir » un territoire, ce qui empêche évidemment d'ouvrir nombre de dossiers au fond pour se contenter de répéter la vulgate en cours ( désenclavement, compétitivité, attractivité ) et volonté de marquer son passage par des réalisations spectaculaires et évidemment inaugurables.L'acte de naissance du projet de Notre Dame des Landes n'est pas fondé sur un mensonge – cela viendra plus tard – mais d'abord sur une croyance. Celle qui a baigné les Trente Glorieuses.

 

          Lorsque le projet d'un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes naît en 1970, ce sont les hauts fonctionnaires d’État qui le lancent. On rêve de Concorde traversant l'Atlantique chaque jour, l'Organisme Régional d’Étude et d'Aménagement de l'Aire Métropolitaine de Nantes-St.Nazaire (Oream) évoque une croissance merveilleuse en terme d'habitants et de transport aérien : « Vers 1985, la clientèle de Loire-Atlantique pourrait permettre des escales à Nantes sur les lignes de l'Amérique du nord et de l'Amérique du sud. A l'horizon 2000, il est probable que pour la seule clientèle régionale, plusieurs lignes intercontinentales puissent  être mises en service. » Le futur aéroport intercontinental doit être localisé près de la mer  ce qui « permettrait de limiter la durée du trajet au-dessus des terres et donc d'utiliser de jour et de nuit des avions à fortes nuisances, tels que les supersoniques ou les avions-cargos traversant l'Atlantique ». Les élus locaux de cette époque pensent pour certains à remblayer une partie des marais salants de Guérande, ce joyau actuellement vanté par tous, à commencer par les élus d'aujourd'hui, pour y faire un aérodrome et une marina ! C'est dire l'importance qu'on donne à l'époque aux zones humides, et à la terre en général. Il n'est donc pas étonnant que le bout de campagne de Notre Dame des Landes soit choisi ( « pour des raisons qui seraient trop longues à expliquer ici » comme le dit joliment à la télévision en 1974 un « ingénieux ingénieur » de l'époque). Et qu'on ne voie aucun problème à dessiner dans un bureau ministériel un avenir radieux pour la population sans autre forme de débat.

 

          Et à dire vrai, on aurait tort d'en vouloir vraiment aux responsables de l'époque sur la localisation choisie. Même si leurs rêves de grandeur paraissent aujourd'hui décalés, on peut admettre que la prise de conscience des limites de la planète et de la folie du modèle n'était pas ce qu'elle est censée être aujourd'hui. Le bocage de Notre Dame des Landes paraissait un bout de campagne ordinaire, le remembrement n'avait pas encore fait ses ravages, la qualité des eaux des rivières dans lesquelles on n' avait pas encore déversé toutes les molécules chimiques qu'on y trouve aujourd'hui n'était pas un souci, les zones humides  n’étaient dans aucun document de prospective !

 

          Notre Dame des Landes est donc inscrit  dans un bureau de la Direction Générale de l'Aviation Civile comme le site du futur aéroport de Nantes-Atlantique. Dans l'attente de l'avenir – radieux – promis à l'équipement, on gardera l'aéroport existant, le bon vieux « Château-Bougon », en limitant les investissements et sans aucune perspective cohérente de développement. Château-Bougon, victime du « syndrome de Notre Dame des Landes » : à quoi bon penser intelligemment son développement, puisqu'on va en partir tôt ou tard ?

 

          C'est donc de ce choix initial fait en 70, et conforté par une réserve foncière que l'on reste prisonnier 45 ans plus tard. Et c'est pour ne pas savoir en sortir que l'on se mettra à mentir.

 

          Il le faut bien car les citoyens ont appris à lire, écrire et compter depuis quelques siècles. Ils prétendent même comprendre les dossiers et demandent des comptes. Entre les années 70 et aujourd'hui, l'idée de « démocratie participative » pour utiliser une expression désormais connue et commode a fait son chemin, en tout cas sur le papier. Il est devenu politiquement incorrect dans nos prétendues démocraties de ne pas demander son avis à la population. On le fera donc mais évidemment en pipant les dés. Il ne manquerait plus que les citoyens aient des idées qui remettent en cause les beaux projets de ceux qui pensent pour eux…

 

          Les décideurs organisent donc une démocratie participative « canada dry », qui comme le disait la publicité de cette boisson que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, a la couleur, la saveur, l'odeur de la démocratie mais qui n'en est pas.

 

  • Première étape : mettre en place des procédures de débat et affirmer régulièrement la transparence nécessaire et l'objectivité de la décision.
  • Deuxième étape : donner l'impression que l'on suit ces beaux principes mais ne pas bouger d'un iota sur le fond.
  • Troisième étape : affirmer ensuite que les préoccupations des citoyens ont été entendues, que le projet a été substantiellement amélioré, et que la démocratie participative a bien fonctionné. Si l'opposition persistait, elle serait alors celle d'une minorité agissante, au mieux « nimbyste »*, c'est à dire motivée par son seul intérêt personnel, au pire anarchiste donc dangereuse.

 

- Des procédures pleines de  défauts

 

          « Toutes les procédures ont été respectées. » C'est le leitmotiv qui est régulièrement asséné pour faire taire l'opposition et convaincre l'opinion publique du bien fondé du projet. D'ailleurs, beaucoup de citoyens sont persuadés que les nombreuses concertations, consultations, enquêtes publiques qui jalonnent de fait le processus d'élaboration d'un projet sont le gage du bon droit final de la décision... Est-ce si sûr ? Et si les procédures avaient en réalité des défauts structurels, que personne ne veut reconnaître ? Car l'on peut avoir des procédures de démocratie « formelle » qui par leurs défauts internes ou l'esprit dans lequel elles sont menées ne permettent pas un dialogue réellement constructif mais font naître une véritable exaspération quand ceux qui y participent loyalement constatent qu'en réalité « les jeux sont faits » et que « la démocratie participative » n'est qu'un simulacre...

 

          C'est ce qu'ont tenté de montrer devant la commission spécialisée mise en place après la mort de Rémi Fraisse sur la ZAD de Sivens le 24 octobre 2014 pour réfléchir à une « rénovation du débat public », douze mouvements citoyens opposés à des projets inutiles et imposés dont celui de Notre Dame. Pour cette audition, nous avons  rédigé une plate-forme commune*, comprenant une analyse précise et étayée par des exemples concrets et vérifiables et des propositions de modifications réglementaires ou législatives. Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'à Notre Dame des Landes, aux Chambarans, à Sivens ou ailleurs il a fallu s'opposer au démarrage des travaux par une occupation du terrain. Ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on va démonter une usine à vaches, que l'on s'enchaîne devant les grilles d'une préfecture, que l'on monte des barricades. Tous les résistants à ces projets ne rêvent pas d'anarchie ou de révolution comme certains voudraient le faire croire. Et beaucoup d'entre eux ont loyalement participé aux nombreuses étapes de la « démocratie participative ». Pour comprendre à la fin la boutade du regretté Coluche : la dictature, c'est « ferme ta gueule », la démocratie, c'est « cause toujours »

 

          Une analyse comparative des dossiers conflictuels montre clairement que l'on retrouve les mêmes ingrédients et les mêmes défauts. Les voici, résumés abruptement :

  • une confiscation de la définition même de l'intérêt général,
  • l'absence d'étude correcte des alternatives,
  • un « saucissonnage » des dossiers,
  • le peu de valeur donné à la destruction environnementale,
  • la non-indépendance des études environnementales,
  • le fait que les recours juridiques  ne soient pas suspensifs et ne puissent donc empêcher le démarrage des travaux quand bien même le dossier serait au bout du compte retoqué par la justice.

 

          Quand viennent s'ajouter à ces défauts des manquements à l'éthique : conflits d'intérêts, manipulations, mensonges, rétention d'informations ou une forme de paresse et d'irresponsabilité qui amène des élus à voter sans connaître le dossier au fond ni en mesurer toutes les conséquences, comment la démocratie pourrait-elle correctement fonctionner ? A moins que ne soit vrai le très joli  aphorisme qui circule dans le monde de l'aménagement français :  « une enquête publique qui dysfonctionne, c'est quand les habitants participent ». Et pourrait-on ajouter quand ils cherchent à comprendre.

 

          Expliquons pour ceux qui ne se sont jamais plongés dans les délices des « procédures ». Et passons sur le fait qu'y  participer  ressemble à un véritable parcours du combattant pour qui tente d'assimiler des dossiers de centaines ou de milliers de pages. Si vous voulez avoir votre mot à dire, eh bien au travail ! Et si vous  ne vous contentez pas des présentations faites par le maître d'ouvrage, il faut une farouche détermination pour ne pas tout avaler benoîtement…

 

          Passons aussi sur les dates souvent judicieusement choisies pour les enquêtes, sur les arguments d'autorité employés ou sur des arguments si techniques qu'ils laissent cois. Et pas seulement les citoyens d'ailleurs.

 

          Le premier défaut  est fondamental :  la définition de l'utilité publique est en effet le cœur du problème. C'est l'utilité publique décidée par le Préfet ou le Ministre après enquête qui donne au porteur du projet le droit capital d'expropriation puis justifie les transformations du site retenu (destruction de zones humides, d'espèces protégées ou non, modification des écoulements, perte de terres agricoles, artificialisation, etc.) au nom de « l'intérêt général ». Tout le monde peut s'accorder assez facilement sur l'intérêt général que représente la construction d'un nouveau collège ou d'une nouvelle école : le besoin se prouve par le nombre d'enfants à scolariser et l'état des lieux de l'existant ; seule la localisation du nouvel équipement voire sa taille peuvent prêter à discussion.

 

          En revanche, pour beaucoup de projets, ceux dont se saisit la Commission Nationale du Débat Public compte tenu de leur coût (ligne grande vitesse, aéroport, parc de loisirs, barrage, voie routière, stockage de déchets etc.) ou d'autres plus petits dont elle ne se saisit pas, il est beaucoup plus compliqué d'établir ce qu'est l'intérêt général. En fait, la plupart du temps, l'essentiel de la concertation porte sur les modalités de réalisation du projet et non sur l'utilité sociale du projet. Comme si le fait que ce projet soit désiré par des élus, par l’État ou par une entreprise privée soutenue par des élus suffisait à le justifier.

 

          En théorie pourtant, le débat public qui est mené en amont d'un projet ou l'enquête publique qui doit valider ou non son utilité publique permettent de discuter de l'opportunité du dit projet et pas seulement des modalités de sa réalisation. Ce premier moment de débat devrait donc en bonne logique permettre à la population concernée de discuter du projet au fond : cette ligne Grande Vitesse est-elle utile ? A qui ? Quel est le besoin ? Comment a-t-il été détecté et mesuré ? Vaut-il mieux une LGV ou une amélioration des trains du quotidien ? Quel serait le coût pour l'usager, pour le contribuable de tel ou tel choix ? (cf. site de la Commission Nationale du Débat Public). Sur le papier du journal officiel, tout semble presque pour le mieux dans le meilleur des mondes :

 

          . De la circulaire Bianco du 15 décembre 1992 ? (JORF n°48 du 26 février 1993 page 3039) à l'instruction-cadre De Robien en 2004 et 2005, en passant par la loi Barnier de 1995 et la loi Vaillant de 2002, les textes se suivent et se ressemblent sur la nécessaire transparence et la place à donner au public dans les projets d'infrastructures :

« Les grands projets nationaux d’infrastructures sont nécessaires au développement économique et social de notre pays. Ils constituent des éléments essentiels d’une politique d’aménagement du territoire.

Dans une démocratie moderne, ils ne peuvent être réalisés qu’après un large débat auquel doivent participer tous les partenaires concernés.

La pratique actuelle est orientée principalement vers la recherche du meilleur tracé dans le cadre de la procédure d’utilité publique.

Ces insuffisances conduisent souvent à la mise en cause de la légitimité des projets et de toute décision de réalisation quelle qu’elle soit.

C’est pourquoi j’ai décidé de préciser les conditions d’un débat transparent et démocratique pour la conception et la réalisation des grandes infrastructures décidées par l’Etat. » circulaire signée Jean-Louis Bianco.

 

          . L'instruction-cadre De Robien du 25 mars 2004 mise à jour le 27 mai 2005 reprend les mêmes idées :

« Il n’est plus de projet qui ne provoque des débats, voire des controverses, souvent longs, auxquels participent les élus, les associations et les citoyens. Ils ont parfois tendance à occulter le travail d’évaluation, au point de donner l’impression que celui-ci n’est qu’un exercice de style interne à l’administration, alors que la décision se fait ailleurs.

La loi a cherché à canaliser, mais a aussi consacré cette réalité en commençant dès 1995 à codifier le débat public en amont des grands projets. La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité en a renforcé l’exercice en le rendant obligatoire pour tous les projets d’importance et en plaçant sa réalisation sous la garantie de la commission nationale du débat public constituée en autorité administrative indépendante.

(...)      

Sur la communication : L’application des principes suivants devrait être généralisée :

(...)

apporter des réponses motivées, explicatives et didactiques aux questions que tout citoyen ou groupe représentatif est en droit de poser notamment sur la portée des quantifications ;

(...)

• assurer la transparence de bout en bout, en donnant à tout moment accès aux documents techniques et aux calculs à tous ceux qui le souhaitent, et se prêter aux contre-expertises »

 

          Opportunité, transparence et contre-expertise, trois jolis mots à retenir. Qui devraient permettre éventuellement qu'un mauvais projet soit abandonné. Ce qui n'arrive jamais pour les projets d’État, nous le verrons.

 

          Un des opposants français au Lyon-Turin, Daniel Ibanez, dont le livre «  Trafics en tous genres » démonte les manipulations de ce projet mégalomaniaque, utilise souvent l'image très concrète et parlante du lave-linge et de la blanchisserie. La première question qui devrait être posée aux citoyens est celle du besoin réel. A-t-on besoin d'un lave-linge, et si oui de quelle capacité, ou d'une blanchisserie ? Mais le plus souvent, le débat public passe en réalité assez vite sur la question du besoin, parce que la blanchisserie a déjà été choisie, et se concentre donc longuement sur sa localisation, voire la couleur de sa devanture.

 

          « C'était hier ! Aujourd'hui, ce n'est plus vrai, la parole citoyenne est vraiment reconnue !  » diront ceux qui voudraient nous faire prendre des vessies pour deslanternes et nous faire croire que la démocratie n'est pas sous contrôle.

 

          Un des tout derniers exemples de débat public prouve pourtant le contraire.

 

           De septembre 2014 à janvier 2015, s'est tenu, sous la houlette de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), un débat  sur les Liaisons ferroviaires Nouvelles pour l'Ouest de la Bretagne et les Pays de Loire (LNOBPL pour les amateurs de sigles). Le bilan quantitatif est impressionnant : 16 réunions publiques et un atelier, 22 000 participants, 7 rencontres avec le public, 43 cahiers d'acteurs, 30 contributions, 155 questions, 101 avis, 16 114 visiteurs sur le site internet, 954 abonnés Facebook, 272 sur Twitter, 2000 exemplaires du dossier diffusés, 3400 exemplaires de sa synthèse ! Seul le coût du débat n'est pas sur le site de la Commission Nationale du Débat Public. « Vous voyez bien que vous avez eu la parole ! » Certes. Mais derrière ces chiffres impressionnants, derrière le compte rendu fidèle des discussions dans le rapport de la Commission qui reconnaît que les citoyens ont vivement contesté le fond du dossier, il y a la dure réalité : même si les débats montrent le doute des participants sur la nécessité d' une blanchisserie (en l'occurrence ici, une liaison ferroviaire mettant Brest à 3 heures de Paris et une ligne Nantes-Rennes passant par l'aéroport de Notre Dame des Landes), même s'ils ont demandé qu'on regarde plutôt si deux ou trois lave-linge ne feraient pas l'affaire, par exemple plus de lignes intérieures à la Bretagne, cadencées et d'usage quotidien ou bien une optimisation de lignes existantes, une grande partie du Débat a été consacré à l'examen des scénarios possibles pour la construction... de la blanchisserie ! Et au bout du compte, en juin 2015, sans surprise  Réseau Ferré de France a annoncé poursuivre les études du projet (journal officiel du 6 juin 2015). Braves gens, vous avez participé et nous vous avons écoutés mais nous continuons « notre » projet.

 

          Il suffit de reprendre les propos tenus lors des réunions publiques, notamment par le maître d'ouvrage  Réseau Ferré de France et les porteurs politiques présents pour comprendre la supercherie. En fait le projet a préalablement à sa mise en débat été longuement discuté, négocié (?) en interne entre Réseau Ferré de France, l’État et les collectivités locales. Réseau Ferré de France théoriquement porteur n'est pas indépendant de ce que veulent les « partenaires » qui contribueront financièrement ; quant aux élus qui ont suivi le dossier, une toute petite minorité, ils ne peuvent même pas imaginer qu'on remette en cause leur beau projet. Il est illusoire de penser que le débat public pourrait aboutir à une remise à plat, c'est trop tard. Le cri du cœur de Gilles Bontemps, vice président communiste du Conseil régional des Pays de Loire, et de son collègue de la Région Bretagne Gérard Lahellec, communiste également, un peu énervés par la tournure d'une des réunions publiques en témoigne : « Enfin, on a travaillé des mois, des années, on a fait plein de réunions, on ne va pas maintenant mettre tout au panier ! ». La blanchisserie, c'est ce qu'il faut pour votre bien, l'avenir de vos enfants, les emplois de demain… Mais on peut discuter de la couleur de la devanture. Vous avez le choix théorique entre une bleue, une mauve ou une verte. Choix théorique car on vous le dit gentiment, le mauve et le vert sont certes possibles mais pas très seyants, comte tenu de l'environnement local : en fait le bleu c'est vraiment ce qui ira le mieux dans le quartier, on vous l'assure. D'ailleurs, avant même que vous ayez été entendus, vous citoyens qui croyez à la démocratie participative, tout le monde a donné son avis : le monde patronal, les conseils généraux, les conseils départementaux, les métropoles, c'est à dire vos élus, ceux qui vous représentent et qui savent déjà ce qui est bon pour vous. Le petit monde politique, toujours d'accord pour les Grands Travaux. Et figurez-vous, comme c'est curieux, comme c'est étrange, ils préfèrent tous la devanture bleue ! D’ailleurs si vous avez bien lu le document de présentation de Réseau Ferré de France, vous aussi vous choisirez le scénario bleu, car les autres sont vraiment beaucoup moins intéressants...

 

          La vérité, c'est qu'il n'est pas possible d'arrêter un projet de ce type- là. La vérité, c'est que l'étape du « débat démocratique » est un passage obligé, une sorte de concession politiquement correcte. La vérité c'est qu'il n'y a pas d'alternatives réelles pour le porteur du projet. Celles qui sont présentées le sont pour la forme, pour faire croire au choix possible. Tout le monde le sait bien, qui a un jour été dans un endroit de décision où l'on présente trois scénarios. Trois pour amuser la galerie, le bon scénario a déjà été choisi mais évidemment si le groupe le choisit de son plein gré, c'est encore mieux ! Menée avec talent, la consultation du public aboutira non pas à modifier substantiellement un projet ou à l'abandonner mais à le rendre plus acceptable car doté d'un vernis démocratique. Au mieux à l'amender à la marge.

 

- En tranches, ça passe mieux

 

          En France, on aime le saucisson, c'est un fait. Mais pas qu'à table. Dans les procédures aussi. Découpé en rondelles, un gros dossier devient sans doute plus digeste. En tout cas plus facile à faire avaler...

 

          Bien qu'en infraction avec la directive européenne dite « plan/ programmes 2001/42» qui exige que l'impact global d'un projet soit estimé dès le début du processus, la France continue à faire le contraire : on s'occupe d'abord de la plate-forme aéroportuaire et de sa route. Plus tard, après le démarrage de ce premier morceau, on regardera l'impact de l'éventuelle ligne ferroviaire qui desservira l'équipement. L'intérêt est évident : une fois la première pièce du puzzle posée, on continue quoi qu'il arrive, et l'on a de bonnes chances de minimiser l'impact global. Pour comprendre ce processus pervers, on peut dans un autre domaine regarder par exemple l'application de la loi littoral. En théorie, cette loi empêche une urbanisation massive dans des zones particulièrement fragiles. Mais le gel n'est pas total. Et pour qui a siégé en Commission des Sites*, chargée de donner un feu vert aux projets publics ou privés concernés par la loi, le constat est frappant : de petits lotissements en petits lotissements, acceptés du fait de leur taille modeste, de la pression des élus et/ou des promoteurs, on finit tout de même par beaucoup artificialiser pour ne pas dire trop. Ce qui n'empêchera pas de s'étonner et de crier à la catastrophe lorsque la nature reprendra ses droits…

 

          Saucissonnage du dossier en tranches, saucissonnage dans le temps, un bon moyen d'arriver au but, l'air de rien.

 

 

- « L'environnement ça commence à bien faire ! »

Nicolas Sarkozy

 

         Drôle de phrase, quand on y réfléchit car  l'environnement n'a jamais rien pesé fondamentalement. La question de la destruction environnementale n'entre même pas en effet dans le fameux calcul de rentabilité d'un équipement, calcul obligatoire pour justifier la poursuite d'un projet. Ni au moment du débat public, ni au moment de l'enquête publique. On remet à plus tard, après la Déclaration d'Utilité Publique, l'étude complète environnementale, au moment des arrêtés au titre de la loi sur l'eau et éventuellement au titre des espèces protégées dont on va autoriser la destruction. Le coût des terres agricoles disparues, la perte de la biodiversité, les impacts possibles sur l'eau tout cela ne sera pas monétisé et mis dans la balance. Même entre deux scénarios présentés en débat public. Dans ces conditions, ce n'est pas la découverte tardive de la grande qualité d'un site déjà choisi qui va empêcher quoi que ce soit. La loi sur l'eau dit pourtant : Éviter, Réduire, Compenser. On peut déjà oublier son premier terme. Pour les autres, nous en reparlerons.

 

          Au fait, qui est en charge de cette fameuse étude d'incidence environnementale ? Le porteur de projet. S'il est normal qu'il la paye, est-il normal qu'il soit le donneur d'ordre direct du bureau d'études qu'il choisit ? Le lien de dépendance financière ne fait pas bon ménage avec l'indépendance de pensée et l'objectivité…

 

          Exemple caricatural mais réel : pour la désormais célèbre ferme des mille vaches, le bureau d'études environnemental s'appelle Ramery Environnement, le maître d'ouvrage étant Ramery BTP. M. Ramery, le fermier tendance industriel de ce début de 21ème siècle l'a bien compris, on n'est jamais mieux servi que par soi-même ! Il n'est donc pas très étonnant que l'état des lieux initial sur l'environnement et les espèces protégées soit incomplet, dans la Somme pour la Ferme, en Loire-Atlantique pour l'aéroport de Notre Dame des Landes ou en Isère pour le Center Parc de Roybon.

 

- Des avis qui gênent ?

 

          On consulte beaucoup pour respecter les procédures. Trop, disent beaucoup de porteurs de projet. Ils ont raison sur la durée du processus et les délais qui en découlent. Mais à quoi servent au fond ces avis éclairés ? L'avis des commissions d'enquête, lieu par excellence de la «  démocratie participative » d'après ses thuriféraires est en réalité seulement consultatif. Autrement dit, même si une commission donne un avis négatif (ce qui est encore exceptionnel, compte tenu de la culture professionnelle des commissaires enquêteurs, souvent anciens ingénieurs, techniciens, bref de culture bâtisseuse), cela n'empêche rien. Le Préfet, ou le Ministre, peut tout à fait passer outre un avis défavorable. Il lui suffira de dire qu'il prend sa décision « au regard de tous les enjeux ». Le pouvoir reste donc bien là où il est depuis toujours. Deux exemples récents aussi scandaleux l'un que l'autre : les lignes LGV Limoges-Poitiers et Bordeaux-Toulouse viennent d'être déclarées d'Utilité Publique malgré les avis négatifs des commissions d'enquête. Et ne parlons même pas d'autres instances consultées, comme le Conseil National de Protection de la Nature, composé de scientifiques par exemple ou l'ONEMA, organisme d’État chargé de la protection de la qualité de l'eau. On comprend bien qu'il ne puisse y avoir obligation de conformité de tous les avis mais tout de même... Parfois, quand une commission s'est montrée particulièrement rétive, c'est à dire quand elle a bien fait son travail (étudier le dossier impartialement, écouter les opposants, s'apercevoir qu'ils ont raison) et donné un avis défavorable ou assorti de si fortes réserves que cela rendrait caduc le beau projet, on recommence jusqu'à ce qu'une nouvelle commission, plus compréhensive, donne un avis favorable. C'est ainsi que pour le Grand Stade de Lyon, il aura fallu s'y reprendre à trois fois avant d'obtenir un bel avis favorable. Refaire voter quand le vote ne correspond pas à ce que l'on attend est aussi une bonne technique. Il faut bien donner l'impression que tout le monde est d'accord n'est-ce pas ? …

 
- La justice inutile

 

          Pour le citoyen de base, le fonctionnement de la justice administrative reste un grand mystère. Possibilités de recours, nature de la juridiction, intérêt à agir, délais d'instruction, tout est opaque pour le citoyen qui ne s'est jamais frotté au droit. Mais une chose est claire sur les sujets qui nous occupent. Aussi surprenant que cela paraisse en effet à un esprit de bon sens, les recours ne sont pas suspensifs. Les bulldozers allant plus vite que les procédures contentieuses, des projets ont ainsi été annulés par la justice après leur inauguration… L'exemple de l'Université Paris-Diderot  en est un des exemples les plus récents, avec l'annulation en première instance et en appel du permis de construire de deux de ses bâtiments construits en Partenariat Public Privé avec ...Vinci.

 

          Évidemment, il existe des procédures d'urgence, en référé. Mais l'urgence est apparemment une notion variable. Quant il s'agit de déboiser, de remblayer, peut-on attendre une semaine, ou plus ? Le bon sens voudrait que les recours soient suspensifs lorsqu'il s'agit de transformer un site de manière irréversible, mais le bon sens n'est pas aux manettes. Comment s'étonner qu'il faille dès lors s'opposer physiquement au démarrage des travaux ? On reconnaîtra qu'il y a là une vraie question, quand il s'agit de destruction irréversible ! Ce « dysfonctionnement » fait de la justice un acteur impuissant dans les faits et mine la confiance des citoyens dans un véritable État de droit. A Notre Dame des Landes, s'il n'y avait pas eu occupation du terrain, résistance farouche lors de l’automne 2012, et accord politique obtenu par une grève de la faim de 28 jours, la zone aurait déjà été vidée de tous ses habitants, humains ou tritons, et l'aéroport serait déjà en construction.

 

- Contre-expertise : attention danger !

 

          Les textes officiels la prévoient si nécessaire. Et l'encadrent par sûreté ! C'est ainsi que dans le débat LNOBPL, plusieurs associations ont demandé à la Commission Particulière du Débat Public une contre-expertise indépendante. Un des cinq objectifs de ces nouvelles liaisons ferroviaires est en effet la réalisation d'une voie rapide Nantes-Rennes passant par... Notre Dame des Landes. Or il existe une voie existante reliant Nantes à Rennes par Châteaubriant. La Région des Pays de la Loire a choisi de la réutiliser pour faire circuler un tram-train qui relie Nantes à Châteaubriant. Là, il faut descendre, faire quelques mètres à pied et prendre un TER pour terminer le trajet. L'association nantaise Nexus qui s'intéresse à l'optimisation  de l'étoile ferroviaire existante a montré comment ce choix curieux obérait des possibilités plus intéressantes pour la population. Choix curieux et doublé de pratiques très limites par rapport à la légalité puisque le marché de construction des tram-trains a été attribué par la Région à Alsthom dix-huit mois avant le résultat de l'enquête publique sur l'utilité du dit tram-train…

 

          Demande est faite à la Commission Particulière du Débat Public de faire expertiser la possibilité de reprendre cette ligne pour relier Nantes à Rennes de manière performante. Accord de la Commission Nationale. Quatre experts sont nommés qui affirment lors de la réunion de restitution leur totale et parfaite indépendance. Or parmi ces quatre personnes, l'un a été Directeur de à l'Aviation Civile de 73 à 84, et a donc eu à connaître le projet de Notre Dame des Landes...l'autre est prestataire de services régulier pour Réseau Ferré de France. Où est l'indépendance annoncée ? Faut-il préciser que la contre-expertise conclut que certes on pourrait passer par Châteaubriant, mais au prix de très, très gros problèmes environnementaux  ? Curieusement cette fois l'environnement compte! Mais surtout, apprend-on des experts, ne pas faire le tronçon Nantes-Rennes en passant par cet aéroport encore inexistant mettrait en péril l'équilibre économique du reste des projets ferroviaires de l'Ouest et de la Bretagne. Autrement dit, si l'on ne fait pas la ligne rapide passant par Notre Dame des Landes, on ne pourra pas justifier le Paris-Brest en 3 heures ! Et voilà comment en 2014 apparaît un nouvel argument pour Notre Dame des Landes...

 

          Pendant le débat public, nous évoquons publiquement, bien que fort poliment, la question du conflit d'intérêts de ces deux « experts », nous l'écrivons au Président de la Commission Nationale du Débat Public qui répond uniquement sur les compétences et pas sur le fond. Nouveau courrier pour expliquer la différence entre « conflit d'intérêts » et « prise illégale d'intérêts ». Nous ne mettons pas en doute les compétences techniques des deux personnes en question, nous ne disons pas qu'ils ont tiré un profit personnel de cette affaire mais nous disons que leurs fonctions passées ou plus récentes jettent un doute légitime sur leur objectivité. Pas de réponse. Le projet restera bien sur ses rails, et ses défenseurs pourront même dire que nous avons eu notre contre-expertise !

 

          Ce que nous venons de balayer rapidement ne sont pas des détails, mais bien des règles du jeu incompatibles avec la loyauté de la prétendue « démocratie participative ». Cumulés, tous ces « défauts » assurent à l’État porteur de projet qu'aucun grain de sable ne viendra enrayer la machine.

 

          En réalité le pouvoir ne se partage pas. Et  les décideurs n'ont pas la moindre envie d'y renoncer. Il faut donc à la fois donner des gages démocratiques mais s'assurer que rien ne viendra empêcher au bout du compte ce qui a déjà été décidé.

 

          Finalement, les procédures sont peut-être bien faites, contrairement à ce que l'on vient de montrer, en tout cas pour ceux qui décident. Leurs défauts servent  le pouvoir, ce qui expliquerait que rien ne change et que rien ne changera vraisemblablement.

 

          La plate-forme commune présentée à la commission spécialisée  formulait vingt propositions précises pour restaurer une  confiance minimale entre citoyens et décideurs. Le rapport d'Alain Richard semble ne pas en avoir retenu grand-chose si ce n'est l'idée d'un débat très en amont et peut-être d'un « garant ». Le problème n'est pourtant pas de rajouter une étape ou une personne au débat mais de le pratiquer de manière honnête et en acceptant que l'issue ne soit pas forcément préécrite ! Quant au gouvernement, il a prévu de légiférer par ordonnance ce qui augure évidemment bien de sa conception de la démocratie. Si même les députés et sénateurs sont tenus à l'écart de cette réforme, on voit mal comment les simples citoyens seraient mieux traités... Mais une fois de plus, le pouvoir dira sans doute avoir « écouté et réformé ».

 

- Chapitre deux : La preuve par Notre Dame des Landes

          Lorsqu'en 2000, le ministre communiste de l’Équipement, des Transports et du Logement Jean-Claude Gayssot, dont un des chargés de mission s'appelle M. Notebaert, promis à un bel avenir chez Vinci où il deviendra directeur, exhume le projet de Notre Dame des Landes, on est encore dans une phase de construction de la démocratie canada dry. Après une période de flottement, et à la demande expresse portée par l'UFCNA, l'Union Française Contre les Nuisances des Aéronefs, l’État accepte un « débat public » en bonne et due forme, sous l'autorité de la Commission Nationale du Débat Public. Débat qui sera donc mené de décembre 2002 à mai 2003.

 

          La relecture, treize ans plus tard, des documents du débat public n'est pas inutile. Le dossier du maître d'ouvrage énonce les quatre grands objectifs du projet. Un seul (le premier) relève en réalité du constat des insuffisances de l'aéroport existant, les trois autres objectifs relèvent de la croyance, croyance que l'organe peut créer la fonction et de l'hypothèse non prouvée qu'un nouvel équipement améliorerait l'offre de liaisons aériennes, sans passer par Paris :

  • 1 - répondre à la saturation de l’aéroport Nantes-Atlantique en déployant une infrastructure en capacité d’accueillir sur le long terme un trafic en plein essor ;     
  • 2 - améliorer l’offre de mobilité au départ du Grand Ouest vers les principales villes en France, en Europe et à l’international ;
  • 3 - réduire la dépendance du territoire aux infrastructures parisiennes ;
  • 4 - contribuer au développement économique du territoire et à l’amélioration de la mobilité de ses habitants.

 

           Sur le constat des insuffisances de l'aéroport existant, le porteur de projet, c'est à dire l’État, par la voix de la Direction Générale de l'Aviation Civile, affirme (page 17 du document):

  • que la piste unique de Nantes-Atlantique sera saturée à 75 000 – 80 000 mouvements commerciaux « selon les calculs en vigueur » (sic).
  • que l'extension maximale de l'aérogare ne permettrait d'accueillir que 4 Millions  de voyageurs et que l'on a renoncé à cette extension à cause de son coût ( 400MF, soit 60M€).
  • que le Plan d'Exposition au Bruit (P.E.B) gèlera trop de surfaces pour permettre le développement de l'agglomération. (3000 ha sur 10 000 ha des communes concernées par le PEB)
 
Voilà donc le transfert justifié :

          « La saturation technique de l’aéroport de Nantes-Atlantique , fondée sur la capacité de l’aérogare à 3 millions de passagers, est envisagée à l’horizon 2010. Pour autant, elle est loin d’être la seule justification du transfert rapide des activités commerciales de la plate-forme : les survols de l’agglomération nantaise devenant plus fréquents, les contraintes liées à l’urbanisation et aux nuisances sonores – dans la perspective d’un PEB révisé – confortent cette perspective. En l’absence de solution alternative, le transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique est nécessaire. »

 

          Sa localisation aussi : ce sera Notre Dame des Landes bien sûr, car « l'environnement naturel est peu contraignant » et « les enjeux écologiques et paysagers limités » (sic page 40). La Direction Générale de l'Aviation Civile ne s'étend d'ailleurs pas sur les autres sites dans son dossier et pour cause. Notre Dame des Landes a été choisi en 71 et le Département de Loire-Atlantique y est désormais propriétaire de centaines d'hectares. On ne va tout de même pas changer de site d'implantation maintenant ! D'ailleurs pour conforter encore, si besoin était, ce choix judicieux, Le Conseil Général verse au débat une étude complémentaire qu'il a fait réaliser juste avant le débat public en 2002 : évidemment et sans surprise, Notre Dame des Landes arrive en tête. (étude Setec février et novembre 2002).

 

Page 38 :« Différentes réflexions ont été conduites depuis une vingtaine d’années afin de permettre le choix d’un site pour le nouvel aéroport du Grand Ouest. Il en ressort que le site de Notre-Dame-des-Landes, dont l’urbanisation a été limitée par la création d’une Zone d’Aménagement Différée (ZAD) en 1974, est bien adapté.

 

         Une étude multicritères menée par l’association interconsulaire de la Loire-Atlantique et actualisée en 2002 par le Conseil Général compare sept sites répartis sur l’interrégion, en sus des deux précédemment cités [ Notre Dame des Landes et Guéméné-Penfao tous deux en 44] (...) Il en ressort que le site de Notre-Dame-des-Landes reste le plus pertinent. »

 

          Devant la forte mobilisation des opposants, et un dossier qui paraît bouclé à l'avance, la Commission Particulière du Débat Public finit par faire droit à ce qui apparaît comme le minimum démocratique : une expertise complémentaire qui devra porter sur la saturation ou non de l'aéroport de Nantes-Atlantique, sur les autres sites écartés par le maître d'ouvrage au profit de Notre Dame des Landes et sur les solutions alternatives proposées par certains opposants. Vaste champ d'investigation dans un délai forcément très court. Reconnaissons à la CPDP son ouverture d'esprit puisque les opposants sont associés au choix du bureau d'étude, Cosynergie.

 

          On va donc débattre «  saturation » et délai de saturation. Saturation reste le mot qui vient spontanément à l'esprit dès qu'on parle du sujet du transfert de l'aéroport . Même ceux qui ne sont jamais venus à Bouguenais voir le site actuel évoquent la « saturation » de l'aéroport de Nantes-Atlantique. Le débat est loin d'être simple. Parle-t-on de la saturation technique de la piste unique ? De la saturation de l'aérogare ? Ou encore de la saturation « psychologique » liée au bruit pour les riverains ? En fait, une grande partie de la manipulation des chiffres et de la réalité vient de cette confusion subtilement entretenue. Nous y reviendrons. Essayons d'abord de clarifier la notion.

 

          La saturation de la piste : une piste unique est certes moins pratique que deux pistes mais peut accueillir, avant d'être saturée, des centaines de milliers de mouvements. Plus de 160 000  par exemple à Genève en 2014.

 

          La Direction Générale de l'Aviation Civile avance une saturation à 75 000 mouvements, l'étude Cosynergie va jusqu'à 100 000  en préconisant des aménagements mineurs. Les deux annoncent une saturation qui devrait déjà être atteinte, aux alentours de 2015 pour la Direction Générale de l'Aviation Civile et de 2020 pour Cosynergie. Disons tout de suite que la réalité dément les deux hypothèses : en 2014 le nombre de mouvements commerciaux a été de 51 000 …Par ailleurs dans tous les aéroports, au fur et à mesure que le trafic commercial progresse, la part de l'aviation légère et privée régresse. A Nantes-Atlantique, l'accueil des avions de tourisme et d'affaires tourne toujours à plus de  20 000 mouvements, c'est dire la marge qui existe encore !

 

          La saturation physique de l'aérogare aurait dû être un non sujet dès 2003. Il suffit de regarder une photo aérienne. Agrandissement, rénovation, tout est possible sur place, l'espace ne manque pas. Et pourtant le porteur du projet prend prétexte de contraintes supposées (la présence notamment d'un parking dans la continuité de l'aérogare) et du coût pour balayer l'idée d'un aménagement possible.

 

          Enfin, la « saturation psychologique » concerne le bruit et son corollaire, c'est à dire les restrictions à l'urbanisation . Or le bruit est lié au nombre de mouvements d'avions et pas au nombre de voyageurs accueillis. Cela paraît une évidence et pourtant...On parlera le plus souvent de l'augmentation du nombre de passagers accueillis et pas des mouvements d'avions pour prouver « la saturation » générale de Nantes-Atlantique. Le Plan d'Exposition au Bruit présenté lors du débat public et valable jusqu'à l'horizon 2010, est fondé sur le  nombre  très supérieur à la vraisemblance de 110 000 mouvements ; effectivement effrayant, il a de quoi empêcher de dormir les élus qui ont l'obsession de voir grandir leur commune. Au point que pour définir la zone C, où les contraintes empêcheraient la réalisation de logements collectifs, l’État admettra par dérogation un indice sonore moins pénalisant, donc moins protecteur.

 

          En réalité, pour débattre du maintien sur le site ou du transfert il aurait fallu ne parler que mouvements d'avion et bruit mais le mot saturation est bien commode pour les tenants de Notre Dame des Landes, car il permettra toutes les approximations et les mensonges.

 

Quant à la localisation du projet, le cabinet Cosynergie conclut ainsi :

          « L'écart entre les deux sites de Notre Dame des Landes et de Guéméné-Penfao n'est pas significatif ; il serait souhaitable pour départager les 2 sites arrivés en tête et, aussi, pour fiabiliser et crédibiliser l'ensemble de l'analyse, en confortant la décision finale de localisation, d'effectuer des études complémentaires :

  • Études de marché (voyageurs, résidents, compagnies) et modèles d'évaluations des marchés.
  • Analyse technique plus approfondie des sites (caractéristiques des terrains...).
  • PEB et nuisances à évaluer pour chaque site.
  • Nouveaux sites éventuels à détecter (de manière opportune ou systématique ) et à évaluer.
  • Études environnementales plus poussées sur les sites sélectionnés.
 

          Au bout du compte, les conclusions du cabinet Cosynergie, chargé de l'expertise complémentaire, soulèvent de nombreuses questions et demandent un approfondissement …

 

          Hélas, d'études complémentaires il ne sera plus question. Exit toute autre localisation et notamment le site de Guéméné-Penfao dont le maire, à ce moment-là vice président du Conseil Général ne voulait pas, ce qui pourrait expliquer l'étude complémentaire du Conseil Général vantant les mérites du site de Notre Dame des Landes (cf page 54 du compte rendu de la CPDP).

 

          Exit surtout l'espoir que le débat public aboutisse à autre chose que ce qui a été décidé déjà…La commission spécialisée a beau présenter quatre options dont les trois premières ne valident pas le projet présenté, c'est bien évidemment la quatrième qui a les faveurs des décideurs (les grandes collectivités locales, les milieux patronaux et l'Acipran, ancêtre de l'association « Des Ailes pour l'Ouest ») qui plaident pour aller vite. L’État confirme ainsi sans surprise en octobre 2004 la poursuite des études pour un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes.

 

          Les porteurs du projet ont déjà pris quelques libertés avec la vérité, sur la saturation de l'aérogare, sur l'absence d'enjeux environnementaux à Notre Dame des Landes, ils ont aussi retenu des hypothèses contestables d'augmentation du nombre de mouvements d'avion. Mais ils pensent que le plus dur est passé et que désormais le dossier va se poursuivre sans heurts. Personne n'est prêt à renoncer à un beau projet d'avenir comme celui-là !

 

          Nous voilà donc avec un projet « pré-validé » par le débat public originel.

 

          Vient en 2006 l'Enquête d'Utilité Publique sur un dossier approfondi. Approfondi, sauf sur tout ce qui concerne les questions environnementales, qui seront regardées plus tard, après la Déclaration d'Utilité Publique. Plus tard, donc trop tard pour choisir par exemple entre deux sites d'implantation, dont l'un aurait des conséquences plus graves que l'autre. Notre Dame des Landes est un exemple spectaculaire de ce saucissonnage dans le temps : naissance du projet en 1970, débat public en 2003, DUP en 2008, enquête au titre de la loi sur l'eau en ...2012 !

 

          Rappelons que la directive européenne Plans/programme datant du 27 juin 2001  prévoit une analyse globale des atteintes à l'environnement mais n'est toujours pas respectée dans notre pays  car  le « saucissonnage » a bien des avantages ! On aurait dû présenter le projet dans sa globalité, plate-forme et routes, tram-train, et ligne grande vitesse Nantes-Rennes. On s'en gardera bien. Trop compliqué ? Peut-être mais surtout le saucissonnage est une arme formidable : en décrétant l’Utilité Publique avant d'avoir analysé complètement les impacts environnementaux, on se met à l'abri d'un possible abandon du site et donc d'un retard dans le projet. En découpant un projet global en tranches, on minimise aussi son impact final. Une fois qu'un bout du programme est parti, qui pourra l'empêcher d'aller jusqu'au bout ? Une fois l'aéroport construit, qui pourrait remettre en cause une éventuelle liaison ferroviaire ? La France est donc en situation contentieuse avec la commission européenne sur ce point. Et Notre Dame des Landes a été rajouté dans le dossier, n'en déplaise à tous ceux qui nous donnent des leçons de légalité…

 

          Malheureusement pour les porteurs du projet, les opposants ne désarment pas mais travaillent, analysent, comptent au point de relever tant d'incohérences et de failles dans le beau projet qu'il va falloir mentir à nouveau pour justifier le mensonge précédent.

Des premiers mensonges au Mensonge d’État

 

          Le rouleau compresseur des « procédures » poursuit sa  route.  Le 13 avril 2007, la commission d'enquête donne un avis favorable dont les justifications reprennent le discours déjà tenu en 2002.

 

          Le point extrême de la saturation de Nantes-Atlantique est annoncé pour 2020-2030, en millions de voyageurs comme d'habitude et pas en mouvements. Les solutions alternatives dont la Commission Particulière du Débat Public et Cosynergie disaient pourtant qu'elles devaient être regardées sont balayées par une formule lapidaire : « Ces différentes options n’apportent pas de solutions de portée suffisante pour palier (sic) la saturation prévisible de l’aéroport tant sur le plan technique que sur le plan des nuisances sonores. »

 

          Quant au bilan économique et financier, il est vite expédié : « L’intérêt socio-économique a fait l’objet d’une étude sérieuse et détaillée en pièce F. Quels que soient les scénarios retenus, les calculs de TRI (le Taux de Rentabilité Interne qui prouve l'intérêt de l'investissement) donnent des résultats acceptables à bons. » Sérieuse et détaillée si on ne la regarde que de loin...Ce que tout le monde fait, commission d'enquête comprise.

 

          Dans les conclusions de la commission apparaissent aussi deux nouveaux arguments qui feront les choux gras des pro-Notre Dame des Landes et seront ensuite repris à l'envi :

«  Les solutions alternatives à Nantes-Atlantique ne permettent pas de régler les principaux inconvénients du site  Nantes-Atlantique (sic) :

  • contraintes foncières : 320 ha disponibles alors qu’un outil adapté à la demande exige probablement un minimum de 700 ha

  • contraintes techniques : implantation ILS sur piste 21, temps de roulage si les installations actuelles sont réutilisées...

  • contraintes environnementales : importance des populations touchées par les nuisances sonores, atteinte à des milieux de haute qualité protégés de façon réglementaire...

  • contraintes liées au survol de zones habitées : risque lié au survol de zone d’habitat dense…

 

          Voici que s'invitent au débat (ou à son ersatz) le risque et le lac de Grand-Lieu, réserve naturelle classée Natura 2000. Deux magnifiques mensonges qui prospéreront dans les années suivantes et dont nous reparlerons.
 
          L'avis de la commission est favorable comme il est de coutume dans ce genre de dossier. Question impertinente à poser à ceux qui prétendent que rien n'est joué à l'avance : combien de grands projets n'ont pas eu, in fine, d'avis favorable de la commission d'enquête, au moment de la Déclaration d'Utilité Publique  ? Aucun ou presque. Presque, car tout récemment, comme on l'a dit, deux commissions d'enquête ont émis un avis défavorable sur les projets de lignes à Grande Vitesse, Limoges-Poitiers et Bordeaux-Toulouse. Ce qui n'a pas empêché Alain Vidalies, actuel Ministre des Transports de signer les décrets d'Utilité Publique*. Autrement dit, dans plus de 90 % des cas, l'avis émis par la commission d'enquête est favorable donc l'Utilité Publique est décidée et dans les 10 % restants, elle l'est aussi ! Pas mal ficelée la démocratie canada dry...
 

          L'Intérêt Général est donc prononcé sur les bases suivantes : saturation proche de l'équipement de Nantes-Atlantique, pas d'alternative crédible, étude socio-économique positive, pas de problème environnemental sur le site retenu de Notre Dame des Landes. C'est le Préfet Bernard Hagelsteen qui signera la DUP en 2008. Sa femme siège alors au Conseil d’État, comme présidente de la section des travaux publics qui a eu à émettre un avis sur le projet. Deux ans plus tard, retraité de la Haute Fonction Publique, il sera recruté chez Vinci Autoroutes, parfaitement légalement. « Honni soit qui mal y pense » évidemment...

 

          Parallèlement, l’État a lancé son appel d'offres pour la construction et la gestion de ce nouvel aéroport. Un aéroport probablement classé « secret défense » puisque les documents principaux, notamment le cahier des charges remis aux trois candidats retenus ne sera jamais rendu public, détail qui a son importance comme on le verra par la suite. Les responsables arguent de la nécessaire discrétion pendant la négociation. Soit. Le premier appel d'offres est un échec, personne ne semble se bousculer pour proposer ses services. On relance. Cette fois le groupe AGO constitué par Vinci, la Chambre de commerce de Nantes-Saint-Nazaire, précédent gestionnaire de l'aéroport et l'entreprise de Travaux Publics ETPO emporte la Délégation de Service Public. Le Décret est signé le 29 décembre 2010 par François Fillon, Nathalie Kosciusko-Moriset, Christine Lagarde, François Baroin et Thierry Mariani. C'est le numéro deux de la Direction Générale de l'Aviation Civile Paul  Schwach qui paraphe la convention de financement …

 

       Les opposants demandent à voir le contrat de concession signé. La première réponse de la Préfecture est de nous inviter à venir à la Direction Départementale de l’Équipement avec papier et crayon pour le consulter en présence des fonctionnaires. Vous avez dit transparence ? Finalement nous en aurons une copie numérique : quelques milliers de pages, 19 annexes. Bon courage au citoyen lambda pour trouver quelque chose là-dedans. Nous trouverons cependant, mais il faudra du temps, ce temps que le gouvernement utilisera, lui, pour poursuivre l'instruction administrative du dossier.

 

Une bien curieuse étude coûts/bénéfices

 

          La bataille juridique a commencé, à armes inégales. Les opposants n'ont pas encore compris qu'il ne s'agissait pas d'un combat d'arguments objectifs. Tous les recours sur le fond du projet seront perdus. La mécanique est bien huilée : l'inscription du projet dans les documents planificateurs, Directive Territoriale d'Aménagement, Schéma de Cohérence Territoriale semble suffire à le justifier « démocratiquement » et le Débat Public a clos, aux yeux des porteurs en tout cas, la question de l'opportunité. Circulez, il n'y a plus rien à voir. Le Conseil d’État qui porte bien son nom, diront les mauvais esprits, rejette en 2009 la première demande d'annulation de la DUP. Cette même année, les Élu-e-s qui Doutent de la Pertinence de l'Aéroport se rassemblent dans un collectif d'abord informel, le CéDpa, qui se transformera en association pour pouvoir notamment ester en justice. Las de demander une étude économique indépendante, ils décident de financer une contre expertise de la fameuse étude coûts/bénéfices qui au moment de la Déclaration d'Utilité Publique en 2007 a soi-disant prouvé la pertinence économique du projet.

 

          La Loi d'Orientation sur les Transports Intérieurs de 1982 (LOTI) prévoit en effet que tout projet important d'infrastructure de transport comporte une analyse socio-économique. Cette analyse globale coûts/bénéfices doit chiffrer toutes les conséquences d'un projet, en les monétarisant   pour  vérifier qu'il apporte bien une amélioration de la richesse pour la collectivité dans son ensemble. Elle diffère évidemment du plan d'affaires du concessionnaire car elle estime l'intérêt public d'ensemble. La Cour des Comptes a rendu public le 23 octobre 2014 un  rapport très parlant et très sévère sur la grande vitesse ferroviaire et alerté sur l'optimisme des prévisions, qui disons le pudiquement, « orientent » les résultats afin de démontrer ce que l'on veut démontrer. « Dans le temps de gestation technique des projets de LGV, tous les efforts tendent vers la justification de la construction des lignes : compte-rendu incomplet des débats publics ; biais optimiste des études de trafic en vue d’atteindre un taux de rentabilité suffisant pour la ligne(sans toujours y parvenir) » peut-on lire  notamment  pages 88 à 91 du rapport. Un des paramètres le plus facile à manipuler est celui du gain de temps, c'est à dire la valorisation financière des gains de temps pour les utilisateurs d'une  nouvelle infrastructure.

 

         Pour Notre Dame des Landes, l'étude incluse dans le dossier d'enquête d'utilité publique prévoyait donc sur ce point précis un gain de 911 M€ ce qui pèse lourd dans le bénéfice final présumé de 500 à 600 M€. Comment ne pas vouloir un si beau projet pour la collectivité ?

 

          Oui mais...Le CéDpa demande à un cabinet hollandais indépendant CE/Delft, spécialisé dans ce genre de travail, de vérifier l' étude. Son verdict, rendu public à l'automne 2011* est accablant : non respect des directives nationales (l' instruction cadre de 2005 sur la méthode de calcul par exemple), omission de certains coûts (notamment celui du tram-train qui doit desservir le nouvel aéroport), ajout à tort de certains bénéfices et erreurs (?) de calcul, notamment sur la fameuse valeur du temps économisé. Pour être précis, CE/Delft qui n'a pas trouvé dans le dossier d'enquête l'étude détaillée sur les gains de temps de trajet pointe des contradictions et des invraisemblances et rétablit des gains de temps plus logiques. Avec la correction de ces nombreuses erreurs, et même avec une incertitude liée à l'impossibilité d'accéder aux chiffres détaillés, le résultat final est bien différent de ce qui a été présenté lors de l'enquête. Ce n'est plus un bénéfice mais une perte pour la collectivité qu'il aurait fallu annoncer. La conclusion de CE/Delft est claire : « L'optimisation de Nantes-Atlantique apparaît plus génératrice de richesses pour la France que la construction d'un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes. Nous sommes face à un besoin très sérieux d'analyse complète des coûts et bénéfices de toutes les options concernant l'amélioration du trafic aérien pour la région nantaise. »

 

          Les élus du CéDpa pensent que cette fois l'affaire est entendue, le projet est ébranlé et pour le moins les autorités vont devoir rouvrir le dossier. Innocents élus, naïfs opposants... La réponse, si l'on peut parler de réponse ne tarde pas : elle tient en trois arguments développés non par l’État qui se tait, mais par les élus locaux pro-aéroport et leur outil, le Syndicat Mixte Aéroportuaire, arguments dont le lecteur appréciera la pertinence : 1) cette étude ne vaut rien parce que vous en êtes les commanditaires. 2) vous ne l'avez pas payée très cher (20 000€, une paille il est vrai au prix des études dont sont habituellement friands les décideurs) ; pour ce prix-là, on n'a rien de sérieux. 3) le cabinet CE/Delft se trompe et de manière grossière sur les gains de temps.

 

          Circulez, il n'y a toujours rien à voir... Le CéDpa reconnaît volontiers qu'il peut y avoir matière à discussion, l'étude détaillée et complète du maître d'ouvrage étant inaccessible puisque sans doute classée « secret défense » comme le cahier des charges de la concession. Qu'on se mette autour d'une table avec nos experts respectifs ! Refus par le silence. Silence de la Direction Générale de l'Aviation Civile, silence de l’État. Un silence qui dure encore. Résumé des tentatives du CéDpa, sans réponse: courrier au Premier Ministre François Fillon en novembre 2011, demande de rencontre avec la Ministre Nathalie Kosciusko-Moriset pour lui remettre l'étude, recours gracieux auprès du même Premier Ministre début 2012 pour demander l'abrogation de la DUP de 2008, recours juridique devant le Conseil d’État, et ...rejet de la requête à l'automne 2012 – avec entre autres motifs :  « que si les requérants soutiennent que les coûts liés à la réalisation d'une ligne de tram-train entre l'aéroport et Nantes, évalués à 75 M€, n'ont pas été inclus dans l'appréciation initiale du budget de l'opération, alors que ses effets positifs avaient pour leur part été pris en compte, que la valeur des économies en temps de trajet retenue dans l'étude de 2006 était surévaluée, que la comparaison des coûts et bénéfices entre, d'une part, les améliorations de l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique et, d'autre part, la construction d'un nouvel aéroport, était favorable à la première solution, de tels arguments, qui ne font pas état de changement des circonstances de fait mais seulement de divergences d'appréciation sur les études réalisées antérieurement au décret déclarant d'utilité publique les travaux nécessaires à la réalisation du projet d'aéroport pour le Grand Ouest - Notre-Dame-des-Landes, sont sans incidence sur l'appréciation de l'éventuelle perte d'utilité publique du projet. »

 

          Traduisons pour le profane : nous montrons qu'il y a eu erreur ou pire mensonge sur les chiffres qui ont permis de déclarer l'utilité publique du projet mais le conseil d’État considère qu'il ne s'agit là que de « divergences d'appréciation » et que cela ne remet pas en cause l'utilité publique ! Imaginez le raisonnement appliqué à une affaire  criminelle : pas de réouverture d'un dossier même si des éléments nouveaux montrent l'erreur judiciaire ?

 

          Début 2013, nous redemandons l'étude par l'intermédiaire de la Commission du dialogue puis directement à la DGAC qui aurait semble-t-il fourni une note à la presse justifiant l'étude coûts/bénéfices. Mai 2013, rencontre avec le Préfet De Lavernée. Réitération de la demande d'accès à l'étude sur les gains de temps, refus net du sous-préfet en charge du dossier, Mikaël Doré, à notre grande surprise et d'ailleurs à la surprise manifeste du Préfet qui confirme pourtant qu'il faut « réduire toutes les zones d'ombre »… Rencontre avec la Direction Générale de l'Aviation Civile en juin 2013. Nouvelle  demande. Idem lors des rencontres d'octobre et novembre 2013. En vain. Ah si pourtant, soyons juste : la Direction Générale de l'Aviation Civile a produit une note technique, le 4 décembre 2012. On peut y lire la formidable phrase suivante : «  Nous avons vérifié les calculs du bureau chargé de l'étude coûts/bénéfices. Ils sont justes. » Alors puisqu'il sont justes, pourquoi ne pas les donner ? La Commission d'Accès aux Documents Administratifs est saisie en mai 2015, sa décision positive arrive en septembre. Nouvelle lettre à la Ministre de l’Écologie. La réponse cette fois ne tarde pas, le courrier est transmis ...à la Direction Générale de l'Aviation Civile ! Qui ne répond ni au téléphone, ni aux courriels. Nous déposons un recours devant le Tribunal Administratif de Paris. Deux jours après, arrive un volumineux courrier, contenant...non pas l'étude demandée mais le dossier préparatoire à l'enquête publique de 2007 portant les sigles DGAC/Direction Départementale de l’Équipement 44 dans lequel il n'y a toujours pas les fameux calculs pourtant justes et vérifiés ! Nouveau courrier, maintien du recours. Aurons-nous cette étude avant que le nouveau sous-préfet en charge du dossier ne reçoive le feu vert pour lancer l'évacuation de la ZAD ? Les paris sont ouverts.

 

          De la coupe aux lèvres, et de la démocratie proclamée aux pratiques réelles il y a loin décidément . Quelques rappels juste pour rire, jaune :

  • Circulaire Bianco 1992 : « C’est pourquoi j’ai décidé de préciser les conditions d’un débat transparent et démocratique pour la conception et la réalisation des grandes infrastructures décidées par l’État. »
  • Instruction-cadre De Robien ( 2005) : « […] assurer la transparence de bout en bout, en donnant à tout moment accès aux documents techniques et aux calculs à tous ceux qui le souhaitent, et se prêter aux contre-expertises »
  • Discours de F.Hollande, après la mort de Rémi Fraisse, novembre 2014 : «  [la] transparence est la première condition de la démocratie participative »
 
          Récapitulons : nous voici avec une DUP signée en 2008 par un Préfet qui aime le groupe Vinci au point de le rejoindre après sa retraite, sur la base d'une analyse coûts/bénéfices pour le moins douteuse. Est-ce tout ? Pas vraiment…

Notre Dame des Landes : tromperie sur la marchandise

 

          Chacun imagine évidemment que le nouvel équipement réglera tous les défauts de l'actuel aéroport : deux pistes à la place d'une, assez longues pour accueillir les très gros porteurs ( B747 ou A 380), une aérogare plus spacieuse pour les voyageurs, une connexion performante par transports collectifs, le tout permettant d'accueillir de nouvelles lignes aériennes.

 

          C'est ainsi en tout cas que le dossier de 2007 présente l'infrastructure à créer. Et c'est ainsi que le rêvent encore ceux qui n'ont pas vraiment ouvert le contrat de concession. Il y aura bien deux pistes, oui, mais l'une de 2900m et l'autre de 2700 (celle de Nantes-Atlantique mesure 2900m). Pas d'Airbus A380 à pleine charge donc, pas de vol Notre Dame des Landes / Shanghai dont rêve sans doute Jacques Auxiette, le farouche partisan de Notre Dame des Landes, président de la Région Pays de Loire jusqu'en 2015 et amoureux de la Chine. Ou plutôt, pour être parfaitement juste, pas d'Airbus A380 avant 2052… soit à la fin de la concession d' AGO. La piste pourra être prolongée s'il le faut ; mais en réalité AGO le concessionnaire, qui a au moins le sens des affaires, sait très bien qu'il n'y aura pas de marché pour les gros porteurs à Notre Dame des Landes. Et qu'il est donc inutile de construire des pistes de 3600m comme le présentait le dossier de DUP. Pauvres élus locaux qui rêvent de s'affranchir de la situation géographique de Nantes, toute proche de l'Atlantique, qu'ils vivent comme une contrainte et traduisent parfois par cette phrase incroyable : « on ne peut pas rester comme ça, dos à la mer ! », comme le condamné dos au mur. De fait nous ne sommes pas au cœur de l'Europe et encore moins au cœur du monde. Est-ce vraiment un drame ?

 

          Les pistes seront donc plus courtes que rêvées. Seront-elles  performantes ? A voir… leur largeur, 45m, est identique à celle  de Nantes-Atlantique ; si l'on veut 60m, il faudra « lever l'option », comme le précise le contrat de concession, c'est à dire que celui qui veut 60m paiera ! Apparemment AGO attend que quelqu'un le veuille. Plus de taxiway, un local pompiers plus loin des lieux possibles d'intervention. Moins de places de parking pour les avions aussi.

 

          Une aérogare plus spacieuse alors? Encore perdu. Comme un article du Canard enchaîné l'a révélé le 8 octobre 2014, après avoir pris connaissance du permis de construire, l'aérogare de  Notre Dame des Landes à l'ouverture sera plus petite que celle de Nantes-Atlantique. Les architectes qui ont rejoint «  ceux qui doutent » l'ont  vérifié en reprenant à la fois les surfaces de l'aéroport existant et celles prévues dans l'Avant Projet Sommaire joint au contrat de concession.   Vous avez bien lu, plus petit ! Moins de comptoirs d'enregistrement, moins de  Postes d'Inspection aux Frontières, moins de places dans les salles d'embarquement, moins de passerelles pour accéder aux avions, mais plus de surfaces commerciales, c'est vrai ! Plus aussi de distance entre l'entrée de l'aérogare et les avions… En bref, l'aéroport prévu par le contrat de concession est une vaste zone commerciale qu'il faut traverser pour être sûr d'y dépenser son argent en attendant l'avion. Au passage, vous accomplirez aussi les tâches devenues habituelles, vous enregistrer, tirer votre valise et vous déshabiller au contrôle. Cela méritera bien un petit parfum ou une bonne bouteille…

 

          Réaction à l'article du Canard enchaîné? Aucune, sinon une vague explication embarrassée du sous-préfet Mikaël Doré expliquant que le permis de construire est suspendu et sera modifié, compte tenu du retard pris dans le planning prévisionnel, à cause des opposants, cela va sans dire. Pas de réponse sur le fond. Pourtant le contrat de concession est très clair et montre bien l'évolution de l'aérogare sur les 55 ans à venir. A l'ouverture, Notre Dame des Landes sera plus petit que Nantes-Atlantique et par la suite, on agrandira au plus juste et au plus rentable. Optimisé, l'aéroport de demain, c'est le moins que l'on puisse dire !

 

          Restent les transports en commun pour y accéder. Vous les rêviez performants ? Encore perdu. La commission d'enquête en 2006 n'avait pourtant pas oublié la nécessaire desserte de qualité du futur aéroport par voie ferrée :

 

          « Concernant les liaisons fer, la commission prend acte des dates annoncées dans le dossier : liaison tram-train à l’ouverture du futur aéroport (2012) et liaison TGV Rennes - NDDL à l’horizon 2025. Il appartient au porteur du projet, en l’occurrence l’État, de s’engager résolument dans la réalisation de ces projets (dans lesquels il peut fortement s’impliquer) pour que ces échéances soient respectées. »

 

          Aujourd'hui, la seule liaison sûre en transports en commun est celle… d'un car du Département ! Le tronçon de tram-train qui devait « au plus près de sa construction » relier l'aéroport à la ligne rouverte récemment Nantes-Châteaubriant est loin d'être programmé car il coûtera cher en investissement et surtout en fonctionnement. Quant à la ligne rapide entre Nantes-Atlantique et Rennes passant par Notre Dame des Landes, le débat LNOBPL déjà cité situe son éventuelle réalisation entre 2030 et 2050. Tout cela peut réjouir AGO qui avec ses 7425 places de stationnement continuera comme actuellement à Nantes-Atlantique à gagner beaucoup d'argent en taxant les voyageurs contraints de venir en automobile.

 

          Quant aux lignes aériennes nouvelles, elles ne dépendent pas de l'infrastructure mais évidemment du marché. Aucune création de ligne n'a été refusée sur Nantes-Atlantique à ce jour. Même le Président de la Chambre de Commerce de Nantes-St-Nazaire, Jean-François Gendron l'a reconnu :«  Il ne faut pas rêver, ce n'est pas parce qu'on déplacera l'aéroport que de nouvelles lignes se créeront ! »

 

          On pourrait sourire de tout cela  s'il ne s'agissait  que des erreurs ou des difficultés de cohérence, inhérentes à tout gros dossier. Mais en réalité, l'affaire est plus simple et plus terrible à la fois. Les mensonges et les manipulations sont bel et bien avérés. Reprenons un tout petit peu l'histoire pour le démontrer.

 

          A l'automne 2012, Jean-Marc Ayrault lance l'opération César, il s'agit de vider la ZAD de ses occupants «  illégaux », en gros les jeunes qui s'y sont installés depuis 2009 et occupent maisons vides ou cabanes de fortune. Les sous-préfets Lapouze et Doré pensent en finir en une semaine. Lorsqu'il ne restera sur place que les quelques agriculteurs et habitants protégés par l'accord politique obtenu à l'issue d'une longue grève de la faim au printemps 2012, les travaux pourront, pensent-ils, démarrer sans difficultés. Hélas pour eux, l'opération tourne au fiasco et donne une visibilité au sujet. Après de longues semaines d'occupation militaire et de violences, Jean-Marc Ayrault décide de mettre en place une commission chargée « d'apporter aux parties les précisions complémentaires en s'appuyant sur les éclairages techniques nécessaires » c'est à dire d'expliquer ce que les opposants n'auraient pas compris ! La « commission du dialogue », composée de trois membres choisis par le Premier Ministre s'installe pour plusieurs mois d'audition. Son rapport remis au printemps 2013 justifie, sans surprise puisque c'était sa mission, le nouvel équipement mais reconnaît la validité de certains arguments des opposants. Dans ses recommandations, la commission souhaite donc que soient réalisées plusieurs études, l'une sur la possibilité réelle de réaménager l'aérogare actuelle, l'autre sur les conséquences sur le Plan d'Exposition au Bruit ( bruit et urbanisation).

 

          C'est à la suite de ce rapport que le Préfet de Loire-Atlantique reprend contact avec le CéDpa qui dans le partage des rôles entre opposants a accepté le dialogue et apporté beaucoup de matière à la commission. Dans un premier temps, le Préfet parle de cahier des charges à écrire ensemble, de réunions techniques et de transparence. Nous nous remettons à espérer dans la possibilité d'une étude vraiment indépendante ou en tout cas, faite avec nous ; hélas la commission du dialogue a considéré, précaution utile du point de vue du gouvernement, que la Direction Générale de l'Aviation Civile peut se charger du travail… La première réunion nous montre vite nos illusions. En fait, la Direction Générale de l'Aviation Civile a déjà une partie des résultats même si elle ne le dit pas ainsi, elle entend faire vite et nous présenter ses études dès septembre. Nous claquons la porte. Et demandons un rendez-vous au ministre des Transports, Frédéric Cuvillier. La scène vaut son pesant d'or. La main sur le cœur, M.Cuvillier nous confirme d'abord « Parole de ministre, Madame, que voulez-vous de plus ? » que nous serons bien reçus par son collègue Philippe Martin, ministre de l’Écologie. Rendez-vous accepté depuis des semaines sur le principe mais jamais abouti. Et qui n'aura jamais lieu. Une parole de ministre ne vaut décidément pas grand-chose… Puis, il affirme qu'il attend lui aussi avec intérêt les conclusions de ces nouvelles études, car il ne les connaît pas, bien sûr. M.Schwach, numéro deux de la Direction Générale de l'Aviation Civile assiste à la scène, souriant et silencieux. Une lettre confirmera la volonté du ministre. Une jolie lettre bien habile qui met en place un nouveau groupe de travail avec « tous les acteurs locaux, dans un souci de pluralisme pour en garantir le sérieux ». Le sous-préfet Doré s'empressera d'inviter des représentants du milieu patronal, de la Région, de la Métropole, du Conseil Général et du Syndicat Mixte, tous fervents partisans de Notre Dame des Landes, plus deux membres d'une obscure association l'ACSAN* qui milite contre le survol de la ville de Nantes-Atlantique et que l'on n'a jamais vue à l’œuvre quand il s'est agi de défendre vraiment les riverains puisque pour elle la solution est dans le transfert… mais l'un de ses deux représentants a été chargé de mission au cabinet du Conseil Général 44. Bref, tous les pro aéroports sont là qui se féliciteront de la qualité des travaux de la Direction Générale de l'Aviation Civile. Jolie lettre parce qu'elle promet comme à chaque fois un débat loyal : « A chaque étape, le caractère ouvert du débat devra être garanti par l'accès de tous aux données d'études certifiables. »

 

          « Chat échaudé craint l'eau froide ». Inutile de dire que nous ne croyons plus du tout à l'impartialité de la Direction Générale de l'Aviation Civile depuis l'épisode précédent de l'étude coûts/bénéfices, (cf page 17) d'autant qu'en septembre, juste avant les premières réunions du groupe de travail, les services de l’État Français avaient montré à Bruxelles, devant la commission des pétitions et en « avant-première » en quelque sorte le PEB monstrueux qui résulterait du maintien de Nantes-Atlantique.

 

          L'image est passée bien vite, mais nous avons pu deviner que cette fois même l'hypercentre allait être touché. Geler  l'urbanisation d'une ville qui se rêve Grande Métropole de Taille Européenne, impensable ! Par prudence nous avions lancé de notre côté une nouvelle étude sur le PEB et commencé à glaner des informations sur les extensions d'aéroports en France (Bordeaux, Marseille) ou à l'étranger. C'est d'ailleurs encore à l'étranger qu'il nous faut chercher un cabinet compétent. L'avantage en matière de PEB, c'est que tout le monde travaille avec le même modèle mathématique. Le malheur c'est que le résultat dépend des hypothèses entrées dans la machine… Et que des hypothèses, on ne discutera pas sérieusement.

 

          Adecs Air-Infra est un cabinet hollandais dont les références sont inattaquables. Ses travaux prennent en compte la flotte actuelle d'avions, mais aussi à l'horizon 2030 les perspectives de progrès techniques des nouveaux avions. Il faut aussi parier sur l'évolution de l'emport, c'est à dire le niveau de remplissage des avions. Aura-t-on plutôt beaucoup de petits avions peu remplis ou des avions plus gros bien remplis ? Plusieurs hypothèses sont testées, en travaillant à partir de la réalité. Depuis le débat public de 2003, le paysage aérien a évidemment évolué. Le nombre de passagers a crû beaucoup plus vite qu'on ne l'imaginait mais pas le nombre de mouvements, précisément parce que les avions sont mieux remplis désormais. C'est le trafic des vols à bas coût (low cost) qui dope Nantes-Atlantique-Atlantique, avec des appareils plutôt récents.

 

          Trois réunions sont donc organisées sous la houlette du sous-préfet de septembre à novembre 2013 où sont présentés les travaux de la Direction Générale de l'Aviation Civile et les nôtres. Les dossiers de ce grand service d’État sont toujours téléchargeables sur le site du ministère : l'étude sur les possibilités de réaménagement de Nantes-Atlantique montre qu'il est possible de reconfigurer l'aérogare pour accueillir 5, puis 7 et 9 Millions  de voyageurs. Grand progrès par rapport à ce qui était dit jusque là. La piste pourrait aussi être allongée s'il le fallait. Ce qui était présenté comme une impossibilité en 2003 au moment du débat public ne l'est plus désormais. Fin de la saturation technique de Nantes-Atlantique… Fin du projet de transfert ? Pas du tout.

 

          Éberlués, nous apprenons alors que la piste actuelle doit être refaite en totalité, parce qu'elle a une bosse, qu'il faudrait fermer l'aéroport plusieurs mois, que les pertes d'exploitation ajoutées aux travaux de démolition et de reconstruction aboutissent quasiment au même coût que la réalisation d'un aéroport neuf… Et bien sûr, si l'on peut désormais oublier la saturation technique, il reste la saturation psychologique car le PEB qui nous est présenté est réellement effrayant. Sonnez hautbois, résonnez musettes, le projet de Notre Dame des Landes est bien à nouveau validé !

 

          Notre expert hollandais, présent à la dernière réunion de novembre 2013, explique son travail et montre lui un PEB fort différent où les zones de bruit, donc les zones à restriction d'urbanisation diminuent à cause de l'augmentation de l'emport et parce que les progrès techniques vont mettre sur le marché des avions beaucoup moins bruyants. Évidemment, il est prêt à discuter dans le détail des choix et hypothèses retenus dans son étude comme dans celle de la Direction Générale de l'Aviation Civile. Il n'en aura pas le loisir. Il est écouté fort poliment, son travail est reconnu comme sérieux. Mais on lui dit que ses hypothèses ne sont pas les bonnes. Pour la Direction Générale de l'Aviation Civile, il n'y aura quasi pas de progrès techniques des avions avant 2030, en revanche elle prévoit une augmentation des vols de nuit, une augmentation des atterrissages par le nord c'est à dire sur la ville de Nantes-Atlantique, et bien sûr une augmentation du nombre de mouvements que la réalité dément. Tout cela aboutit à un quasi triplement des zones de bruit. Argument d'autorité, aussitôt repris en chœur par les pro-aéroport dans un magnifique concert de louanges :

  • M.BONTEMPS (conseiller régional communiste en charge des transports) fait observer « que le travail de la Direction Générale de l'Aviation Civile est fiable et de qualité, et félicite la Direction Générale de l'Aviation Civile. Sans être technicien ou spécialiste, les réponses apportées sont compréhensibles. »
  • M. LEMASSON (maire socialiste de St-Aignan, une des deux communes les plus concernées par les nuisances sonores) « salue la qualité des études menées par la Direction Générale de l'Aviation Civile. »
  • M. MUSTIERE (président des ailes pour l'ouest, ancien psdt de la CCI)  « salue la qualité de l’étude qui constitue une véritable aide à la décision. »
  • M. BOSCHET (association contre le survol de Nantes-Atlantique) « remercie la Direction Générale de l'Aviation Civile pour ce travail rigoureux et méthodique. »
  • M. GILLAIZEAU (vice président socialiste de Nantes-Métropole, ancien contrôleur aérien) « apprécie le caractère pertinent et argumenté de l’étude, qui s’appuie sur des textes réglementaires incontournables. »

(Extraits des comptes rendus des réunions octobre et novembre 2013.)

 

          L'ingénieur hollandais du bureau Adecs Air-infra nous dira qu'il n'imaginait pas ainsi une réunion destinée à faire la lumière sur des points de dissensus. Nous non plus à vrai dire… Jacques Bankir, dont le curriculum vitae n'est pas celui d'un doux écolo ou d'un violent black-bloc, mais d'un ancien dirigeant de  compagnies aériennes qui nous accompagne oscille lui aussi entre stupéfaction et incrédulité.

 

          Sur l'autre point, le coût exorbitant du réaménagement de Nantes-Atlantique, que nous n'avons pas à ce moment-là étudié à fond, nous émettons des doutes, demandons des précisions, comparons avec les chiffres connus d'extension de terminaux aéroportuaires. Le numéro deux de la Direction Générale de l'Aviation Civile ose alors affirmer que le terminal « low cost » de Bordeaux que nous avons choisi comme exemple de coût raisonnable n'a ni sièges pour les passagers en attente ni toilettes ! Nous montrons le plan et ses toilettes. Cela ne suffira pas.

 

          Nous réitérons nos questions techniques restées sans réponse et demandons la poursuite du « dialogue », compte tenu des écarts importants dans les résultats du calcul du PEB. Il nous faut aussi absorber les 140 pages des deux rapports, ce qui demande un peu de temps. Refus immédiat du sous-préfet qui considère que les demandes de la commission du dialogue ont été honorées et que désormais « le dialogue et la concertation ont vocation à se poursuivre quand on entrera dans la phase de construction puis de gestion de l'aéroport. »

 

          Lettre au Préfet, lettre au ministre pour poursuivre le travail. Pas de réponse. Ou plutôt si, mais indirecte. Dès le 16 décembre 2013 le numéro 1 de la Direction Générale de l'Aviation Civile, M. Gandil se déplace à Nantes-Atlantique et tient avec le Préfet Christian de Lavernée une conférence de presse pour annoncer que le débat est clos et que le transfert de l'aéroport est bel et bien justifié. Quant à nos listes de questions techniques, malgré les promesses faites pendant la dernière réunion, elles resteront sans réponse. Mieux encore le dernier compte rendu officiel renvoie nos arguments en annexe et oublie fort curieusement des propos réellement échangés, l'anecdote des toilettes de Bordeaux par exemple. Or, la réunion a été enregistrée par nos soins et nous pouvons fournir le verbatim. Notre bon sous-préfet refuse de réintégrer les nombreux ajouts que nous demandons. Mensonge -véniel?- par omission. Après un nouveau courrier au Préfet, notre compte rendu complet sera, paraît-il, renvoyé aux participants en annexe. On est prié d'y croire. Et le silence s'abat à nouveau. Silence parce que mensonge -mortel- ?

 

          Il va falloir quelques mois pour que nous débusquions le loup… Trois  architectes, étonnés par les coûts dont la presse s'est fait l'écho pour le réaménagement de Nantes-Atlantique se proposent d'analyser le volumineux dossier de la Direction Générale de l'Aviation Civile et de passer au crible les surfaces jugées nécessaires et les coûts annoncés. Rien ne vaut effectivement l'œil d'un professionnel... Le résultat serait assez cocasse si l'on n'était pas dans un sujet aussi sérieux. Tout est fait pour maximiser les coûts : les surfaces prévues pour optimiser l' aérogare sont plus importantes que ce que prévoient les textes officiels de la Direction Générale de l'Aviation Civile. Ainsi la surface des Postes Inspection Frontière.  On démolit et on reconstruit aussi un maximum de bâtiments existants, alors que rien n'obligerait à le faire. Le pompon étant le chenil (70m2 de bureaux et 120 m² d'enclos), démoli et reconstruit pour ...600 000€ ! On rajoute des stationnements pour les avions. On prévoit aussi le déroutement possible de très gros porteurs, donc l’allongement de la piste à 3600m alors qu'à Notre Dame des Landes, cet allongement n'est prévu qu'en toute fin de concession, en 2052. Bref, tout cela aboutit à un coût « presque aussi important que l'aéroport neuf ». Exagération pour justifier Notre Dame des Landes. Oui à l'évidence. Lorsque nous publions  ces éléments, « la tour de contrôle ne répond pas » comme le titre joliment « le Canard enchaîné » le 7 janvier 2015. La tour est même muette.

 

          Cette fois le mensonge est bel et bien avéré. Les directeur et directeur adjoint de la Direction Générale de l'Aviation Civile ont fait signer aux ministres un contrat de concession prévoyant à l'ouverture de  Notre Dame des Landes une aérogare plus petite que l'actuel aéroport ; les mêmes ont supervisé une étude soi-disant objective pour réaménager Nantes-Atlantique en multipliant les besoins de manière spectaculaire...

 

          Ce sont aussi probablement les mêmes qui ont  fait rédiger le cahier des charges pour la réalisation de Notre Dame des Landes. Ce cahier des charges donné aux candidats à la concession-construction ressemblait-il à ce que la Direction Générale de l'Aviation Civile prétend nécessaire pour Nantes-Atlantique ? Si oui, pourquoi a-t-elle finalement accepté un projet plus modeste à la demande d'AGO, et si elle l'a accepté pour NDL, pourquoi exige-t-elle pour Nantes-Atlantique un aéroport de rêve,  haut de gamme ? Si non, si elle a rédigé pour Notre Dame des Landes un cahier des charges plus modeste que celui qu'elle a présenté comme nécessaire pour Nantes-Atlantique, alors elle a sciemment chargé la barque ici pour justifier à nouveau le transfert.

 

          Dans les deux cas, il y a une véritable manipulation. Par des hauts fonctionnaires. Aux ordres ou non ? Impossible de le savoir. Nouveau courrier à M. Vidalies en octobre 2014, pas de réponse. Réitération en juin 2015. Toujours rien.

 

Des mensonges pour l'émotion

 

          Ces mensonges-là, on les avait vu apparaître lors de l'enquête d'utilité publique. Le risque que ferait peser l'aéroport de Nantes à la population à cause du survol de la ville et à la réserve naturelle du lac de Grand-Lieu. Le risque d'abord : le danger d'un crash  fournit un argument de choix, propre à émouvoir l'opinion et à lui faire croire que les vraies raisons du transfert, qu'on lui avait cachées jusque là sans doute pour ne pas effrayer inutilement, sont liées à la sécurité. Braves gens, nous avons peur pour vous. Ces avions qui survolent la ville, ce n'est plus possible, cela n'existe pas ailleurs, il est temps de faire cesser pour vous ce risque énorme ! Depuis qu'un avion d'une compagnie exotique est descendu trop bas sur Nantes-Atlantique, un matin de bonne heure, c'est presque comme s' il était tombé...Peu importe que l'enquête ait montré qu'il s'agissait d'une double erreur humaine, en l'occurrence celle du pilote et celle d'un contrôleur en « hypovigilance » (appréciez l'euphémisme), peu importe que la remise de gaz ait bien évidemment permis de reprendre de l'altitude, la conclusion de cet épisode devient que « l'aéroport est dangereux ». Entendons nous bien, le risque de chute d'un avion existe ici comme partout ailleurs, c'est même un risque inhérent à l'aviation. On le sait depuis… Icare. Effectivement, il vaudrait mieux que les avions ne tombent pas ou le fassent hors de toute zone habitée, mais bien malin qui peut dire où tombent les avions… En tout état de cause, on ne décide pas du transfert de Toulouse-Blagnac ou d'Orly au motif que les avions survolent des zones habitées. Pourtant les habitants sont beaucoup plus nombreux à Toulouse (20 543 logements concernés par le Plan de Gêne Sonore, contre 1781 à Nantes-Atlantique). Mais il est vrai que là-bas, c'est une zone populaire qui est survolée par les avions. Tomber sur le Mirail serait-il moins grave que sur l'île de Nantes ?

 

         Pendant des mois, la question du risque est agitée comme un chiffon rouge. Les opposants cherchent si Nantes-Atlantique est classé comme tel par la Direction Générale de l'Aviation Civile. Rien de tel évidemment. Le collectif des  pilotes contre le transfert rigole. Clermont-Ferrand paraît-il nécessite plus de précautions… La Direction Générale de l'Aviation Civile est d'une discrétion totale et laisse monter au créneau « les Ailes pour l'ouest » et nos bons élus qui semblent maintenant affolés pour leur population. Population à qui on ne parle pourtant pas d'autres risques bien réels sur l'agglomération, notamment le fameux tunnel ferroviaire de Chantenay, risque souterrain donc bien caché. Si un feu survenait dans ce tunnel, impliquant un convoi de matières dangereuses, les pompiers auraient beaucoup de mal à intervenir et à sauver tout un quartier. Chut...Ce beau monde finit tout de même par se calmer car admettre la réalité d'un danger sérieux impliquerait la fermeture immédiate de l'aéroport. Ce qui n'est pas à l'ordre du jour. Il n'est même pas question d'un couvre-feu la nuit ou d'une restriction des vols d'affaires ce qui mettrait à mal la compétitivité de notre bel aéroport !

 

          Il n'empêche. Comme dans une calomnie, il reste dans l'opinion crédule cette petite musique du risque….

 

          Heureusement, il y a un meilleur argument très tendance, très « développement durable » : le lac de Grand-Lieu, la perle, le joyau du Sud-Loire, l'argument écologique qui tombe à point. Rendez-vous compte : les anti Notre Dame des Landes seraient prêts à sacrifier cette merveille pour sauver un bout de campagne anodine. A bas les imposteurs ! Les véritables défenseurs de l'environnement, ce sont les porteurs du projet de transfert. Qui veulent mettre à l'abri le lac de tout risque de pollution et de chute d'un avion. Protéger les oiseaux et la biodiversité. On se pince pour y croire mais ils le disent avec tellement de conviction : « le lac est menacé par l'actuel aéroport, il faut le sauver ».

 

          C'est au tour des naturalistes et de l'ancien directeur de la réserve de rire, même si c'est un peu jaune. Car si ce lac d'eau douce, le plus grand d'Europe, classé ZPS et Natura 2000, protégé par moult décrets et arrêtés est effectivement menacé, c'est bien d'eutrophisation et d'asphyxie à cause … de la mauvaise qualité de l'eau. Le kérosène des avions peut-être ? Pas du tout. Les effluents agricoles et urbains. Autant dire un quasi tabou pour les effluents agricoles. Et encore du pain sur la planche pour les effluents urbains, malgré les investissements des communes sur l'assainissement. On ne parle pas de sujets qui fâchent. Et si la loi littoral empêche une urbanisation galopante, elle permet cependant un grignotage régulier des abords du lac.

 

          Oui, mais le bruit des avions tout de même, ça doit bien perturber les oiseaux ? Ces oiseaux qui d'habitude ne sont aux yeux des développeurs de tout poil (si l'on ose dire!) que des empêcheurs de progrès, voilà qu'ils pourraient se révéler de précieux auxiliaires dans l'argumentaire. Ainsi, la commission du dialogue, installée comme on l'a vu par Jean-Marc Ayrault en décembre 2012 après l'épisode violent et piteux de l'opération César, arrive-t-elle persuadée qu'il y va de l'avenir du lac de Grand-Lieu. Qu'elle visite d'ailleurs, ce qui est un privilège et un bonheur réel.

 

          Seulement, la vérité c'est que les oiseaux sont habitués aux avions et qu'ils ne sont pas du tout gênés par le survol du lac. En revanche, un cri humain, un bruit de pas et hop, les voilà partis. Comme l'écrit à la commission du dialogue Loïc Marion, chercheur au CNRS et premier directeur de la réserve naturelle de Grand-Lieu  pendant 23 ans :  Les avions commerciaux ne gênent nullement la faune du lac de Grand-Lieu puisque son survol s’effectue à plusieurs centaines de mètres de hauteur, bien au-delà des 300 m d’interdiction réglementaire de survol aérien de la réserve. Les oiseaux notamment ne réagissent absolument pas à ces passages auxquels ils sont depuis longtemps habitués (rien à voir avec des hélicoptères). En outre, le survol du lac s’effectue essentiellement en vol d’atterrissage, moteurs au ralenti et pratiquement silencieux avec les avions actuels, tandis que les décollages prennent très vite de la hauteur et généralement bifurquent avant d’atteindre le lac ….. »

 

          Mais qu'importe la vérité, en l'occurrence l'avis scientifique ? On continuera à dire que l'aéroport est un problème pour le lac. Même si rien ne le prouve, même si les gestionnaires de la réserve naturelle disent l'inverse. Même si l'aéroport paradoxalement protège en quelque sorte le lac car le Plan d'exposition au Bruit gèle de fait l'urbanisation d'une partie de la commune de Saint-Aignan. Loïc Marion poursuit dans son courrier : «Je crois donc pouvoir affirmer que l’argument concernant les menaces que feraient porter l’actuel aéroport sur le lac de Grand-Lieu est non seulement faux, mais que ce déménagement de l’aéroport aura exactement l’effet inverse.(…) »

 

          La commission du dialogue, sous la pression des opposants du CéDpa, qui lui demandent sur quelle base scientifique elle s'appuierait pour avancer cet argument alors que la contribution de Loïc Marion prouve le contraire renoncera finalement à l'écrire dans son rapport mais à contre cœur comme nous le dira son président lors de la dernière entrevue : « moi, je n'y crois pas que ce n'est pas une gêne». Encore la foi...

 

          Manuel Valls interrogé en octobre 2015, par un sénateur de Loire-Atlantique parlera de la nécessaire protection du Lac de Grand-Lieu...et récidivera quelques jours plus tard en parlant cette fois de trois zones Natura 2000 à protéger près de Nantes-Atlantique. La nouvelle lettre de Loïc Marion en réponse permettra-t-elle aux conseillers du Premier Ministre de remettre à jour les fiches qu'ils lui préparent ?
 

Le bruit et l'urbanisation : encore des mensonges

 

          La question des nuisances sonores et de la limitation de l'urbanisation mérite elle aussi d'être regardée de plus près. Car cet argument a gagné en force au fur et à mesure du temps, au point d'être désormais quasiment l'argument principal du transfert. Un argument on s'en doute très important aux yeux, ou plutôt aux oreilles de l'opinion publique nantaise.

 

          Malheureusement là encore, la vérité est tordue pour servir la cause. Et pas qu'un peu.

 

          Le bruit est pourtant une réalité mesurable et objectivable. Certes, les riverains de routes bruyantes qui se battent pour être mieux protégés le savent bien, la manière de procéder aux mesures de bruit est parfois discutable, mais enfin il y a un minimum de chiffres et de réalité derrière. La preuve, ce sont les cartes de bruit que doivent désormais établir les agglomérations. Nous en reparlerons.

 

          La loi a prévu pour les aéroports les plus importants la réalisation de deux documents d'urbanisme : le Plan d'Exposition au Bruit, qui doit anticiper l'évolution du trafic et donc ses conséquences sonores pour ne pas exposer de nouvelles populations à un bruit inacceptable. Le PEB s'impose donc aux Plans locaux d'Urbanisme. Il comprend quatre zones, A, B, C et D. Les deux premières, très proches de l'infrastructure empêchent toute construction nouvelle qui ne serait pas en rapport avec l'aéroport lui-même. La zone C autorise des zones d'activité mais pas de logements collectifs. Seule la reconstruction limitée de l'existant est possible. Enfin la zone D permet toutes les constructions qu'elles soient à usage de logements ou d'activités.

 

          Le second document s'appelle le Plan de Gêne Sonore. Il doit refléter autant que faire se peut le bruit réel, la véritable gêne subie ici et maintenant. Il ouvre droit pour les habitants qui s'y trouvent inclus à des aides financières, pour les aider à insonoriser leurs maisons. L'argent vient d'une taxe spéciale payée par les compagnies aériennes. Un progrès fort important pour les riverains des aéroports, on en conviendra.

 

          Le PEB rénové de Nantes-Atlantique-Atlantique a été présenté lors du débat public de 2002 sur le transfert et approuvé quelques mois plus tard en 2003. Construit par la Direction Générale de l'Aviation Civile, il prévoit 110 000 mouvements à l'horizon 2010. La zone C touche l'île de Nantes-Atlantique, où se dessine un grand projet urbain. La peur que le nouveau PEB rende impossibles les beaux projets dont rêvent les élus nantais aboutira à une dérogation pour que la zone C soit réduite. Autrement dit, puisque l'aéroport sera déplacé -un jour- on peut bien tordre un peu le PEB pour ne pas gêner les projets. La commission consultative de l'environnement valide, le Préfet signe. Les méchantes langues pourraient dire que c'est  un peu fort de café puisque  le projet de Notre Dame des Landes n'a pas été encore jugé d'Utilité Publique, officiellement en tout cas!

 

          En l'occurrence, on n'en voudra pas à ceux qui ont préféré les projets urbains à la tranquillité des habitants puisque la réalité du bruit n'a rien à voir avec ce qui était imaginé par le PEB dessiné par la Direction Générale de l'Aviation Civile à l'horizon 2015. Qu'on en juge : en lieu et place des 110 000 mouvements, ce sera 51 000 pour 2014. Moitié moins ! Ce seul chiffre devrait suffire à jeter le doute sur les simulations faites pour 2030 par la Direction Générale de l'Aviation Civile. Et obtenir que l'on remette à plat toutes les données sur le bruit.

 

          Évidemment c'est le contraire qui est fait. Non seulement la Direction Générale de l'Aviation Civile ne reconnaît en rien ses erreurs même lorsque nous lui montrons la différence entre son PEB prévisionnel et la réalité (réunions de nov 2013) mais on continue à marteler que le bruit augmente et augmentera sans cesse. Et mettra en péril la densification de l'agglomération.

 

          Le bruit existe certes, le bruit aérien est-il vraiment plus pénalisant que le bruit routier ? Il faut regarder les cartes de bruit, sur le site internet de Nantes-Métropole. Très parlantes, trop parlantes sans doute. Le bruit routier est majeur, le bruit des avions entre 55 et 60 db touche 5600 personnes quand le bruit routier en malmène 17 000 au-delà de 70 db……

 

          Personne n'a pourtant l'idée de mettre le périphérique à la campagne et chaque jour fleurissent partout dans l'agglo de nouveaux immeubles de logements, avec balcons s'il vous plaît, le long d'axes routiers fort passants.

 

          L'agglomération nantaise est actuellement en train de réaliser son Plan Local d'Urbanisme Métropolitain ( PLUM). Toutes les cartes de bruit ont été actualisées comme le prévoit la loi. Toutes sauf… celles du bruit aérien. Oubli vraiment ?

 

          Non. Manipulation encore.

 

          Le PEB, comme le Plan de Gêne Sonore d'ailleurs, ne dépend pas seulement du nombre de mouvements mais aussi des trajectoires et de la répartition des décollages et atterrissages.

 
          Or, à Nantes-Atlantique, au fil des années, les trajectoires ont été modifiées. Par la Direction Générale de l'Aviation Civile. Pour des raisons de sécurité et de règles diverses a-t-on expliqué à la commission consultative de l'environnement, présidée par le Préfet ou son sous-préfet. On est ainsi passé de trajectoires qui longeaient la Loire et évitaient ainsi le centre ville de Nantes-Atlantique à une trajectoire de descente par le Nord qui survole davantage la ville. Le virage de décollage par le sud vers l'est a aussi été modifié.
 
          Pourquoi pas. Mais alors il faudrait revoir les tracés des plans PEB et PGS. Car aujourd'hui des habitants qui n'ont plus d'avions au dessus de leurs têtes peuvent obtenir des aides financières, alors que d'autres qui entreraient peut-être dans un PGS rénové s'exaspèrent à juste titre.
 

          La demande en est faite régulièrement en Commission Consultative de l'Environnement, il est vrai par de méchants opposants à Notre Dame des Landes, le refus est tout aussi régulier. Pas la peine, puisqu'on va partir n'est-ce pas…

 

          L'ACNUSA, Autorité indépendante de contrôle des Nuisances Aéroportuaires, constate dans son rapport 2014 (page 52 et 53) cette distorsion entre le bruit réel et le PGS. «  Un examen même rapide et superficiel montre au premier coup d’œil que le PGS protège assez largement des zones d'habitation qui ne sont pas concernées par une densité de survols justifiant l'insonorisation des bâtiments d'habitation, mais en revanche d'autres communes supportent l'essentiel des départs-particulièrement bruyants-tout en étant hors du périmètre. » Elle  demande donc fermement la révision du PGS . Recommandation numéro 11 du rapport 2014 :
 

          « L'ACNUSA recommande à l'Autorité préfectorale compétente de mettre en révision le plan de gêne sonore de l'aéroport de Nantes-Atlantique dans les délais les plus brefs. » On peut douter de la réponse qui lui sera faite, quand on sait que le Préfet a fait remonter au plus haut niveau ses « interrogations » sur le Président de l'ACNUSA qui avait eu l'audace d'émettre un avis sur un possible aménagement de la piste à Nantes-Atlantique. C'est le Président de l'ACNUSA lui-même qui  mentionne cette curieuse manière de faire devant une commission sénatoriale qui l'interroge sur divers aspects du transport aérien.(« ... je me suis accroché avec le préfet, qui est allé se plaindre au ministère qu'une autorité administrative indépendante puisse avoir une position indépendante... Autant dire que peu d'espoirs sont permis. ») Autorité Indépendante… Cela sonne pourtant aussi joliment que démocratie participative, non ?

 

          Il est fort probable que le silence habituel suivra donc cette recommandation. Pourtant si le bruit augmente comme le prétendent les pro-Notre Dame des Landes, qu'ont-ils à craindre de la révision du PGS, et de l'actualisation des cartes de bruit de la Métropole ? Ils ont tout simplement à perdre l'argument choc, celui du bruit qui deviendrait insupportable. Car la révision montrerait plutôt la diminution des zones les plus fortement touchées.

 
 
          C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu devant témoin une employée d'AGO en charge de l'accueil des riverains et de l'information sur les trajectoires et le bruit. Les outils existent qui permettent de suivre bien mieux qu'avant ces questions de bruit et de trajectoires et sont accessibles au public. Accompagnée d'une habitante de longue date de Bouguenais qui avait constaté la modification des trajectoires, et voulait comprendre pourquoi, je m'étonnais devant elle de la distorsion évidente sur les cartes entre la réalité des fuseaux et le PGS. Des habitants sont actuellement gênés par le bruit des avions mais ne peuvent bénéficier des aides prévues alors que d'autres sont sortis des nuisances réelles mais peuvent encore faire subventionner les travaux de leurs maisons. « Mais, Madame, me dit-elle alors dans un accès de franchise dont elle se mord sans doute encore les doigts, vous savez bien que si on révisait le PGS, il serait plus petit ! ».
 
          Tout est dit. Le Plan de Gêne Sonore serait différent dans son tracé et sans doute plus petit parce que les avions font de moins en moins de bruit. Et en feront encore moins. Partout dans le monde les zones de bruit autour des aéroports diminuent, sauf à Nantes-Atlantique où il faudrait croire ce qu'affirme la Direction Générale de l'Aviation Civile. C'est ce que le bureau d'études Adecs/Air Infra missionné par le CéDpa avait montré, en 2013, en vain( cf page 24 et 25 ).
 
          Le Préfet a fait rentrer en 2013 à la Commission Consultative de l'Environnement de l'aéroport actuel l'ACSAN qu'il a aussi fait siéger au groupe de travail mis en place par F. Cuvillier. Cette association qui milite pour le départ de l'aéroport a mis sur son site un paragraphe sur le bruit assez drôle puisqu’il va dans notre sens, ce qu'elle n'a peut-être pas vu... Dans l'onglet censé répondre aux très mauvais arguments des opposants, on peut lire la réponse à cet argument : «  l'avion n'a pas d'avenir » : (...) En matière de bruit, les avions développés dans les années 60 dont beaucoup volent encore aujourd'hui réveillaient en moyenne 400 personnes à l'atterrissage; les avions actuels en réveillent 200 de moins.Ceux du futur causeront aux riverains des aéroports moins de gêne qu'une mobylette", a précisé Fabrice Brégier, directeur général d'Airbus, dans une interview au figaro le 24 septembre 2009.
 
          Qu'on ne croie pas les méchants opposants qui parlent du bruit soit, mais quand c'est le directeur d'Airbus qui parle,  l'ACSAN  a l'air de le croire, sans en tirer les conséquences par rapport à son argumentaire pour le transfert !
 
          Il ne s'agit évidemment pas de nier la réalité du bruit des avions, et l'on comprend tout à fait que certains habitants situés très près de l'aéroport préfèrent le transfert au maintien. Mais pour qui habite à l'intérieur du PEB, et regarde les choses avec honnêteté, il y a bien évolution du bruit, à la baisse. Le collège de Bouguenais est l'un des derniers bâtiments survolés par les avions à l'atterrissage. Dans les années 80, il fallait se taire lorsque l'un d'entre eux passait et le premier gros porteur de la saison donnait toujours l'impression qu'il allait se poser sur le toit. Aujourd'hui, le bruit de certains nouveaux avions est quasiment couvert par le bruit de fond de l'agglo, routier notamment.
 
          Et surtout le collège a été insonorisé, grâce aux aides financières du PGS. Mais même pour cela, il a fallu se bagarrer, parfois contre, comme c'est étrange, ceux qui prétendent vouloir aujourd'hui protéger les populations du bruit. La mémoire est courte décidément. Un petit rappel ne fera pas de mal.
 
          Les aides à l'insonorisation sont mises en place en 2003. L'argent tarde à rentrer, pour de sombres histoires techniques inutiles à raconter ici. Les deux communes directement touchées à la fois par le bruit mais aussi par les retombées économiques de la zone aéroportuaire sont Saint-Aignan de Grand-Lieu et Bouguenais,  où naissent tous les Airbus...et dont je suis à l'époque le maire. Avec mon collègue de la commune voisine, nous sommes membres de la fameuse CCE. Et nous y défendons l'intérêt de la population riveraine de l'aéroport : Vivre au mieux avec l'aéroport, autour duquel gravite le plus grand bassin d'emplois du Sud-Loire de l'agglomération. Donc obtenir vite les aides financières. Fatigués du temps qui passe sans apporter de réelles réponses à l'attente des habitants, nous organisons en 2006 et 2007 quelques manifestations à l'aéroport dont une quête symbolique. Aucun grand élu n'est là, aucun de ceux qui aujourd'hui plaident pour le transfert. Finalement nous proposons à l’État que les collectivités locales avancent l'argent ce qui permettra aux habitants de déposer leurs dossiers et de lancer les travaux. Le sous-préfet de l'époque finit par accepter et pense que c'est à Nantes-Métropole de le faire ; Nantes-Métropole qui est représentée à la Commission Consultative de l'Environnement par un des vice-présidents, ancien contrôleur aérien. Le vice président trouve l'idée très bonne. Mais le Président de la Métropole, un certain Jean-Marc Ayrault, refusera au nom d'une prétendue impossibilité réglementaire que la Préfecture, elle, ne voyait pas … Les nuisances subies par les habitants de Bouguenais et de Saint-Aignan n'étaient sans doute pas si graves à ses yeux.
 
          Les communes de Bouguenais et de Saint-Aignan, qui en ont les moyens car elles bénéficient directement d'une taxe professionnelle conséquente, à cause de la zone économique ( Airbus et D2A) proposent d'avancer elles-mêmes l'argent mais on leur interdit d'aller jusqu'au montant qu'elles étaient pourtant prêtes à engager, au nom … du transfert à Notre Dame des Landes! Considéré comme acquis, avant la fin de toutes les procédures bien sûr…. « A partir de 2012, il n'y aura plus d'aéroport ici, dit l’État, donc plus de redevances sur les nuisances aéroportuaires ». Kafka, vous dis-je...
 
          Comme il n'y a déjà pas assez d'argent pour les demandes des particuliers, les bâtiments publics passeront après. Je fais le siège du président du Conseil Général, farouche partisan du transfert et avec qui j'ai eu des mots sur le sujet, pour qu'il accepte lui aussi d'avancer l'argent. J'obtiens la même première réaction : « A quoi bon ? Pour quelques années, on peut bien attendre le transfert... ». On voit comme l'intérêt des enfants prime. Il finira par donner son accord peut-être parce que je suis aussi à ce moment-là vice-présidente à l'environnement  et que je n'accepterais pas de le rester s'il devait maintenir sa position.
 
          Dernier point. La demande de couvre-feu ( fermeture de l'aéroport la nuit comme à Orly) ou de revalorisation dissuasive des taxes aéroportuaires pour dissuader les compagnies de programmer des vols de nuit est régulièrement rejetée au nom de la « compétitivité » de Nantes-Atlantique. Nous arrachons la promesse de ne pas voir augmenter les vols de nuit. Depuis 2013, ils augmentent à nouveau… Ce qui bien sûr apporte de l'eau au moulin : s'il y a des nuisances, plutôt que de tenter de les régler, partons !
 
          La question du bruit, qui mérite de vraies réponses, est donc devenue un argument majeur, avec son corollaire, le frein supposé à l'urbanisation. En réalité comme on vient de le voir, seuls les élus des deux communes les plus touchées essaient d'améliorer la situation ; les grands élus, pro-transfert, ne s'en soucient que fort peu mais vont en faire un argument choc. La Direction Générale de l'Aviation Civile instruit des études intellectuellement discutables, le Préfet refuse de mettre en révision PEB et PGS. Les élus de la Métropole, du Département, de la Région peuvent alors brandir l'arme suprême car frappée au coin du « développement durable » : en gardant l'aéroport, on ne pourra plus densifier la ville, alors qu'avec son départ, 15 000 habitants pourraient être accueillis « au cœur de l'agglo ». Personne ne songe à demander aux responsables politiques, qui sont à la manœuvre depuis si longtemps, pourquoi ils n'ont pas empêché la flambée des prix du foncier sur Nantes et ses communes proches, repoussant ainsi de plus en plus les candidats à un logement accessible et les forçant à s'éloigner vers la seconde ou la troisième couronne. Non, on accusera plutôt les opposants à Notre Dame des Landes d'être les empêcheurs « d'un urbanisme économe en espaces ». Bientôt ils seront responsables de la perte des terres agricoles et de la destruction de la biodiversité... Les pro transfert se gardent de montrer où se construiraient ces logements et à quel horizon. Il suffit de répéter comme un mantra « 15 000 habitants ». La vérité c'est que, en cas de transfert, la zone actuelle autour d' Airbus, du Domaine d'Activités Aéroportuaires et de l'aéroport resterait d'abord une zone d'activités, dont le développement est possible dès maintenant, avec l'aéroport. On est d’ailleurs à l'extérieur du périphérique, pas vraiment au cœur de l'agglo donc. A l'intérieur du périphérique, quelques zones, aujourd'hui gelées par le PEB pour la construction de logements seraient effectivement ouvertes à l'urbanisation sur Bouguenais et Rezé permettant d'accueillir environ 4 000 personnes et pas 15 000.  Seule la densification d'un quartier actuellement pavillonnaire pourrait permettre d'aboutir au chiffre annoncé dans les vingt ans qui viennent. Est-ce la forme de la ville que la population souhaite ? En a-t-on parlé avec elle ? Non, bien sûr. En tout état de cause, c'est une curieuse manière de présenter la réalité.
 
          Une carte et quelques photos sont plus parlants que tous les discours: la densification pour faire de Nantes-Atlantique une métropole de taille européenne puisque c'est désormais l'alpha et l'oméga de toute politique des villes est en route partout y compris à Bouguenais, à Rezé, à Saint-Aignan, en zone D. La densification est en route partout y compris au bord d'axes routiers importants, près des lignes de chemin de fer, près du tramway, bruit ou pas… De qui se moque-t-on, en prétendant que la présence de l'aéroport est un frein ?
 
          Il reste un dernier argument pour accabler ce pauvre aéroport ! La construction en zone D coûterait plus cher, à cause de l'obligation d'isoler acoustiquement les nouveaux bâtiments. Or les communes limitrophes ont beaucoup de projets immobiliers en zone D. Vous voyez bien qu'il faut vraiment partir, pour des raisons financières ! Faux à nouveau. Cette fois c'est la commission du dialogue qui est prise en flagrant délit de mensonge puisqu'elle laisse dans son rapport une contre-vérité, alors même que nous la lui avons signalée. Elle affirme en effet, page 19 et 34 que la zone D du PEB impose des isolations acoustiques pour les constructions neuves ce qui est vrai sur le papier du code de l'urbanisme (articles datant de 1978 et 1988) mais ne l'est plus en réalité car les normes de construction  ont rattrapé ces normes de protection phonique. Il est donc mensonger de prétendre que la construction en zone D impliquerait des coûts supplémentaires. La lettre du CéDpa du 18 mars 2013 signalant cette « erreur » n'a bien sûr pas reçu de réponse…
 

Mensonge à Nantes-Atlantique, vérité à Toulouse

 

          La palme de l'incohérence ou de la schizophrénie reviendra tout de même à l’État et à son digne représentant, le Préfet actuel des Pays de Loire. M Henri-Michel Comet a été nommé à Nantes-Atlantique en mai 2014. Il venait de la région Midi-Pyrénées. Son arrivée a fait courir un petit vent d'espoir chez les opposants. Toujours crédules, les opposants... A Toulouse, le projet de transfert de l'aéroport de Blagnac avait été abandonné, et le préfet Comet avait signé en février 2013 une lettre au Président du Syndicat Mixte du Schéma de cohérence t de la Vallée de l'Ariège qui en expliquait les raisons. Avec exactement tous les arguments que nous nous efforçons depuis des années de faire comprendre : plus de voyageurs mais moins de mouvements, progrès techniques des avions, restrictions possibles des vols de nuit etc....

 

          « L'évolution actuelle du trafic de Toulouse-Blagnac montre une progression des mouvements d'avions, et donc des nuisances, plus modérée que celle initialement envisagée. En effet, le trafic enregistré sur l'aéroport de Toulouse-Blagnac depuis 10 ans fait apparaître une forte évolution de l'emport des avions se traduisant par un nombre de mouvements moins important que prévu. (…) La sensibilité environnementale du site de Toulouse-Blagnac a donné lieu en 2011 à des restrictions d'exploitation des vols de nuit. L'amélioration des conditions de vie en période nocturne constitue un facteur important dans l'acceptation de l'aéroport par les populations riveraines. Ces améliorations, combinées à l'effort continu d'amélioration des performances acoustiques des avions de nouvelle génération, permettent de penser que le développement du trafic de l'aéroport de Toulouse-Blagnac restera cohérent avec le Plan d'Exposition au Bruit actuel. (…) L'hypothèse d'une saturation de l'aéroport envisagée par le passé, n'est plus d'actualité. » Interrogé par la presse locale à son arrivée à Nantes-Atlantique, il n'hésitera pas à dire : « c'est tout simplement faux, je ne me suis jamais occupé de l'aéroport de Toulouse-Blagnac ». On se pince, on relit la lettre qui porte bien sa signature. Lors du rendez-vous qu'il accorde au CéDpa à l'été 2014 il nous donnera une leçon de casuistique : le projet était déjà enterré à son arrivée à Toulouse, il ne s'en est donc pas « occupé » au sens littéral ! Et en tant que Préfet des Pays de Loire il ne peut pas non plus nous fournir le dossier de ce projet avorté (lettre du 1er octobre 2014).

 

          Les hauts fonctionnaires seraient-ils frappés d'amnésie par nécessité absolue de service ? Le mensonge par amnésie ou par sophisme ?

 

 

Construire un aéroport en zone humide, et faire croire qu'on respecte la loi sur l'eau

 

          Un projet d'aéroport sur une zone humide (98%), à l'heure où l'on doit protéger les zones humides, comment l’État va-t-il sortir de cette difficulté ? Et réussir à passer au travers des règles qu'il impose aux autres ? Chaque maire sait combien l'instruction d'un dossier de construction en zone fragile est devenue difficile, et c'est tant mieux si l'on veut cesser le massacre des zones humides et des rivières. Chaque maire sait qu'on lui demande de respecter la règle fondamentale de la Loi sur l'eau « Éviter, Réduire, Compenser ». Éviter, c'est à dire vérifier qu'il n'y a aucune alternative à la destruction d'une zone humide. Réduire, c'est à dire limiter la destruction si elle ne peut pas être évitée et enfin compenser la destruction résiduelle.

 

          Pour le premier terme, on l'a vu précédemment, la mécanique bien huilée des procédures a figé la localisation choisie. On n'évitera donc rien du tout. Réduire, c'est aussi beaucoup demander au porteur de projet qui a prévu à Notre Dame des Landes une aérogare compacte mais des parkings nombreux et à l'horizontale. Toutes les grandes surfaces construisent des parkings-silos, c'est à dire à étage, mais pas un aéroport moderne, prétendument de Haute Qualité Environnementale. Et le pire c'est le  prétexte avancé :  une meilleure insertion paysagère ! En réalité, c'est plutôt au nom   de la rentabilité immédiate, car le coût de réalisation est bien plus faible. Même la commission du dialogue, rejointe en cela par  la commission agricole nommée elle-aussi  en fin d'année 2012 pour mesurer les impacts du projet, reconnaît le lourd tribut payé par les zones naturelles et agricoles !

 

          Pas d'évitement, pas de réduction, on se contentera de la compensation. Un projet qui prévoit la destruction de zones humides doit passer avant signature des arrêtés préfectoraux ou ministériels devant un certain nombre d'instances : commission d'enquête publique, Commission Locale de l'Eau du bassin versant (CLE), Conseil Départemental de l'Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (Coderst). La composition de la CLE ou du Coderst met de toute façon l’État à l'abri de toute mauvaise surprise. Quand il s'agit d'un dossier important, il peut compter sur ses divers représentants, et être sûr du vote final. Et lorsqu'il y a avis extérieur à ses propres services, la loi, comme on l'a vu, prévoit qu'il puisse ne pas en tenir compte. Pour Notre Dame des Landes, la commission d'enquête publique nommée pour étudier les conséquences de la destruction de la vaste zone humide de Notre Dame des Landes donne en 2013 un avis favorable, sous réserve de la validation scientifique de la méthode de compensation qui a été présentée par AGO. Le premier ministre installe donc une commission scientifique dont le rapport au printemps 2013 aurait dû en toute logique mettre un terme au débat tant les conclusions sont sévères. La méthode de compensation est totalement invalidée par le collège d'experts, ainsi que son application au cas particulier de Notre Dame des Landes. Les scientifiques affirment aussi que l'état des lieux initial est incomplet. Le rapport scientifique sort en même temps que celui de la commission du dialogue mais il est beaucoup moins médiatisé. Le Préfet dira devant nous que ce rapport est celui de scientifiques « en chambre », loin de la vraie vie sans doute et qu'il n'a jamais vu lui un dossier où l'on mettait autant de moyens pour compenser les destructions de l'environnement. Les arrêtés seront signés en fin d'année 2014, sur la base de la méthode pourtant invalidée. Le Tribunal Administratif est saisi. Les avocats des opposants rappellent l'importance connue désormais des zones humides, brandissent les avis scientifiques unanimes,  celui de la commission scientifique (avril 2013), celui du Conseil National de Protection de la Nature (mai 2013), celui du Conseil Scientifique National du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité, (avril 2015). Trois avis dont personne ou presque ne parle dans ce débat. Ils montrent aussi que la quasi totalité des exploitants agricoles du secteur refuseront de mettre en place les « mesures compensatoires » sur leurs terres. En vain.

 

          Le rapporteur public développe un raisonnement qui a de quoi faire désespérer de la justice et de l'avenir. Le voici en résumé :

  • 1 - certes, le rapport scientifique est très sévère mais rien dans la réglementation n'oblige à suivre les scientifiques,

  • 2 - puisque la réserve émise par la commission d'enquête n'a pas été levée, son avis doit donc être considéré comme négatif mais l'arrêté du préfet est parfaitement légal puisque l'avis de la dite commission n'est que consultatif ,

  • 3 - rien ne prouve que la compensation ne marchera pas et si les résultats de la compensation ne sont pas à la hauteur, on pourra demander des comptes à AGO, après la destruction de la zone humide et des espèces qu'elle abrite, après la réalisation de l'aéroport, c'est à dire quand il sera trop tard. CQFD. Sans doute le rapporteur public n'a-t-il pas eu connaissance de l'épisode de compensation du petit bois de 2 ha à l'entrée de Nantes-Atlantique. Détruit en 2011 pour faire place à un nouveau parking, il devait être « compensé » par des plantations à l'intérieur de la concession. A la visite de suivi, la constatation a été rude : 10 % au mieux des plants avaient survécu. Mais personne ne les voit, la concession est un monde bien clos. On ne sait pas replanter des arbres, mais on prétend compenser un biotope de milliers d'hectares dont les scientifiques disent qu'il est devenu rare et exceptionnel...

 

          Que pensez-vous qu'il arriva ? En juillet 2015, le tribunal confirme ce raisonnement « strictement légaliste » et déboute les opposants.

 

          Il paraît qu'il ne faut pas commenter une décision de justice. Je me suis toujours demandé pourquoi, mais soit. Ne commentons pas le jugement mais le réquisitoire.

 

          Appliqué au climat, qui est désormais au cœur des plus beaux discours après la COP 21, le sophisme donne à peu près ceci : certes les rapports successifs du GIEC sont alarmants, mais rien dans la réglementation ne nous oblige à sortir des énergies carbonées, nous pouvons donc continuer légalement à aller droit vers la catastrophe. Nous mourrons dans la légalité. Voilà qui devrait rassurer la Ministre de l’Écologie, le ministre des Affaires Étrangères, le Président de la République et tous les décideurs : ils ne seront jamais inquiétés pour les conséquences de leurs actions ou en l'occurrence de leur non-action.

 

          Le rapporteur public n'a évidemment pas uniquement fondé son appréciation sur ce seul raisonnement ; il y a eu d'autres grands moments dans ses conclusions. Par exemple celui-ci: nous avions plaidé le « saucissonnage » puisque la Déclaration d'Utilité Publique pour les modifications de voiries après construction de l'aéroport avait été séparée du reste du dossier. S'appuyant sur une jurisprudence du Conseil d’État, affirmant qu'une ligne Haute Tension partant d'une Centrale Nucléaire n'avait rien à voir avec la dite Centrale (oui, oui, vous avez bien lu, une Centrale et sa LHT sont indépendante l'une de l'autre, voilà ce que la plus haute instance administrative affirme « au nom du peuple français »!) le rapporteur assure benoîtement que les routes pourraient parfaitement être remodelées (coupées, rétablies, détournées) en l'absence de la réalisation de l'aéroport…

 

          Admettons encore puisqu'il a une lecture strictement légaliste et qu'on ne commente pas une décision du Conseil d’État…

 

          Là où le bât blesse et où preuve est faite que le rapporteur est en service commandé, c'est dans le déroulé mot pour mot des arguments des défenseurs du transfert, comme si depuis plus de dix ans, il n'y avait eu aucune contradiction apportée, comme si aucun travail d'analyse n'avait ébranlé les arguments. Alors que la faisabilité d'un maintien sur le site actuel a finalement été reconnue par la Direction Générale de l'Aviation Civile, même si elle en a alourdi les conditions, le rapporteur balaie toute alternative et affirme qu'il y va de la santé publique ! Pas moins. Se rend-il compte qu' il signe une accusation gravissime envers l’État qui a renoncé au transfert de Toulouse-Blagnac, pourtant bien plus pénalisant pour la santé des riverains ? Argument repris dans le jugement. Si le transfert de Nantes-Atlantique est d'intérêt général majeur pour des raisons de bruit et de santé publique, alors il faut tout de suite déménager les aéroports d'Orly, Roissy, Toulouse pour ne citer qu'eux.

 

          Peut-être devrions nous attaquer l’État pour mise en danger de la vie d'autrui puisqu'il ne déplace pas ces aéroports?

 

          Dans le même registre du service commandé, il y a cette proposition du rapporteur public qui sera suivie par le Tribunal « dans sa grande sagesse », comme on dit. La commission du dialogue et la commission agricole avaient toutes deux pointé du doigt le gaspillage  de terres  agricoles et demandé des « économies » : sur les parkings, et sur la localisation même du barreau routier sud. A aucun moment après ces deux rapports, l’État et le concessionnaire n'ont dit vouloir modifier leur projet. Devant le Tribunal Administratif, cet argument du gaspillage d'espace  lorsqu'il s'agit de détruire une zone humide a bien évidemment été soulevé. Le rapporteur public dont on a vu les convictions environnementales plus haut propose cependant aux juges d'enjoindre au porteur de projet une modeste modification : il  demande, non pas des parkings à étages, il ne faut pas exagérer, mais une réduction de la superficie de chaque place de stationnement. 8 ha sauvés ! L'avocat d'AGO s'empresse de dire que son client entend bien la recommandation, qui deviendra une injonction puisque le Tribunal suit le rapporteur.

 

          Non seulement on viendra en voiture à cet aéroport, mais on aura comme toujours les plus grandes difficultés à ouvrir sa portière sans rayer la voiture d'à côté. Oui, mais on aura sauvé au moins trois ou quatre campagnols amphibies, et  ça coûtera moins cher encore à AGO !!!!

 

Le rappel à la loi, pas pour tout le monde visiblement

 

          Depuis l'enlisement du dossier, pas un jour ne passe ou presque sans que soient poussés des cris d'orfraie sur le scandale de la ZAD, zone de non-droit, et sur le nécessaire respect des règles. Quand ce n'est pas le Président des Ailes pour l'Ouest, qui s'étrangle parce que des clowns ont distribué des ballons dans sa concession automobile, c'est le Président socialiste de la Région, Jacques Auxiette, qui demande que les forces de l'ordre interviennent comme au Mali. Ou le Préfet de Région qui affirme que l'Acipa et le CéDpa sont « la vitrine légale d'un mouvement armé ». La période des élections régionales promet d'être à la hauteur. Déjà, F. Louvrier Conseiller Régional, ardent « républicain » et ancien conseiller communication de N. Sarkozy a demandé la dissolution de l'Acipa au motif qu'elle n'aurait pas « dénoncé l'occupation de la ZAD ». Un motif inexistant dans le droit actuel. Et Bruno Retailleau, ancien président du Conseil Départemental de Vendée et tout  nouveau Président de la Région Pays de Loire   affirme lui que « sur la ZAD on se croirait à Damas ou à Mossoul. » Diable ! On en frémit sans doute au fond des campagnes... C'est à qui aura les mots les plus durs pour les opposants, tantôt décrits vêtus de peaux de bêtes, avec arcs et flèches (J. Auxiette), tantôt vrais délinquants, voire terroristes façon Tarnac, en tout cas empêcheurs de bétonner en rond. Peut-on juste rappeler à tous ces élus, ministres et autres Grands Fonctionnaires que si l’État veut être respecté, il doit être respectable ? Et qu'eux-mêmes se doivent de balayer devant leur porte. Car certains sont bien accommodants avec les règles quand elles sont un peu gênantes.

 

          C'est ainsi que l’État français est en contentieux depuis des années avec la commission européenne sur la pratique du saucissonnage, dont nous avons parlé plus haut.

 

          C'est ainsi que les collectivités locales qui se sont engagées dans le financement de l'aéroport n'ont pas respecté les règles européennes puisqu'elles n'ont pas officiellement signifié ces aides à la commission européenne. Ce qui nous a permis d'obtenir notre seule victoire juridique à ce jour. Peu médiatisée et peu commentée par les perdants il est vrai. Le Syndicat Mixte Aéroportuaire a été condamné à récupérer auprès d'AGO les intérêts de subventions versées illégalement entre 2001 et 2003. Une bagatelle de 876 599€. Dans ces temps de disette d'argent public, on aurait pu dire merci aux opposants, non ? Mais un journal local a titré : «  Les opposants déboutés sur 7 recours ». Vrai sur la forme, faux sur le fond : Après avoir poliment demandé à chaque collectivité de récupérer l'argent indûment versé et attendu patiemment mais en vain une réponse quelconque, nous avions attaqué devant le Tribunal Administratif ce refus implicite. Huit recours, un pour l’État et un par collectivité adhérente au Syndicat. Le TA nous a donné raison sur le fond mais a jugé qu'il incombait au Syndicat, composé des dites collectivités, de faire rentrer l'argent. Sept recours tombent, le huitième est gagné. Victoire donc, présentée comme une défaite. Il est même possible que les sept recours « perdants » soient comptabilisés dans le curieux calcul que nous servent régulièrement les porteurs du projet pour dire à quel point les opposants ne sont que des plaideurs qui utilisent la justice pour retarder le projet. « On est dans la manœuvre dilatoire d'opposants qui ont perdu 154 recours » vient d'affirmer le nouveau sous-préfet en charge du dossier (Ouest-France du 11/09/2015). 154, excusez du peu ! Nous les cherchons encore ... l’État aime décidément le saucisson dont on peut faire tant de tranches. Il compte 8 quand nous comptons 1, pour le même contentieux, celui des aides financières par ex ; il compte 2 quand nous comptons 1 pour le contentieux eau, puisqu'il faut attaquer la plate-forme et la route séparément. Il peut même compter 28 puisque nous sommes plusieurs associations à attaquer sur le même sujet ne serait-ce que pour être sûrs qu'un de nos recours au moins sera recevable. La justice ayant là aussi certains mystères sur ce que l'on appelle « l'intérêt à agir ».

 

          Évidemment en comptant ainsi, on voit bien le but poursuivi. 154 ! Discréditer l'opposition plutôt que de répondre à ses arguments.

 

          C'est ainsi, enfin, que l’État sans doute pour ne pas rajouter à l'embolie judiciaire a été aussi extrêmement silencieux alors que nous lui avons signalé une grossière arnaque à l'argent public ? Le bureau d'études en charge de l'évaluation environnementale pour Notre Dame des Landes s'appelle Biotope. Son patron, Frédéric Melki, fut l'un des « pigeons », faisant reculer Jean-Marc Ayrault en 2012 au sujet d'un projet de réforme fiscale concernant la taxation de cession des jeunes entreprises. M. Melki a le sens des affaires. Pour pouvoir collecter un peu d'argent public, celui des emplois jeunes, il a trouvé un stratagème efficace : adosser à son bureau d'études, qui n'a pas le droit de bénéficier d'un emploi-jeune, une association en charge sur le papier du moins de voyages (écologiques sans doute) car elle peut profiter du système. L'ingénieur écologue qui a réalisé le diagnostic environnemental de Notre Dame des Landes a été payé par cette association, avec des aides publiques illégales. Le jugement des prud’hommes est très clair et sans appel. Mediapart s'en est d'ailleurs fait l'écho. Quand nous en avons eu connaissance, nous avons écrit au Préfet, à la Ministre de l'Action Sociale, au Ministre du Budget et au procureur de la République. Silence habituel des ministres. Côté justice, une enquête préliminaire a été confiée à un gendarme. Pour l'instant on en est là. Un an après. Y aura-t-il poursuite ? M. Louvrier demande-t-il la dissolution de l'entreprise Biotope ? M. Mustière condamne-t-il ce patron indélicat ? Madame la Ministre des affaires sociales crie-t-elle à l'arnaque ? Non. Comme toujours la délinquance en col blanc émeut très peu. Moins qu'une barricade sur la ZAD, ce « kyste » dont il faut se débarrasser.

 

          Et l'on peut aussi se demander quelles contorsions seront nécessaires pour financer peut-être avec de l'argent public le maintien de la piste pour Airbus. Car on a, là aussi, un merveilleux exemple d'improvisation et d'amateurisme de nos donneurs de leçons. L'usine Airbus de Bouguenais utilise l'aéroport pour son avion-cargo, le Beluga, et bien évidemment aussi pour les nombreux déplacements professionnels de ses cadres. L'usine Airbus de Saint-Nazaire fait de même. Comme les deux aéroports sont des équipements publics ouverts à l'aviation générale et font partie de la même concession, aucun problème. Il n'y a aucune usine Airbus en France qui ne soit à côté d'une piste. Peut-on envisager que Bouguenais devienne la première ? Est-il raisonnable de fragiliser le site industriel majeur du sud de l'agglomération ? La question est donc posée dès le débat public. Les réponses sont rassurantes : pas de problème, on gardera la piste. En 2009, changement de posture. Jean-Marc Ayrault annonce la fermeture totale du site de l'aéroport et la mise en place d'une commission pour trouver les meilleures solutions pour Airbus. Quelques mois plus tard, retour à la case départ, on gardera la piste. Oui, mais qui paiera ? Si la piste de St-Nazaire fait bien partie du contrat de concession signé avec AGO, ce n'est pas le cas de Nantes-Atlantique, censée disparaître. Alors ? Le Président du Département tire le premier : « S'il faut participer financièrement, nous serons autour de la table ». Il est le seul officiellement. Et personne ne sait aujourd'hui encore qui paiera. Airbus ? A voir, on ne l'a pas encore entendu le dire. Les collectivités locales ? Avec de l'argent public, pour une entreprise privée ? Cela intéressera certainement l'Europe de le savoir et aussi Boeing. Dans le cadre de la concurrence libre et non faussée, dans le respect des règles de l'OMC… n'est-ce pas ? Une belle impréparation pour le moins en tout cas, pour un si vieux dossier.

 

- Chapitre trois : Mentir, et finir par y croire ?

          Un des sujets de philo du bac 2015 aurait mérité d'être traité par de nombreux responsables politiques  : « La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ? » Malheureusement il semble qu'elle lui échappe. Alors qu'elle ne le devrait pas.

 

         Pourquoi ? Comment des élus peuvent-ils en arriver à oublier tout désir de vérité ?

 

          Parce qu'ils n'ont pas le temps de regarder les dossiers ? Parce qu'ils ne veulent pas les regarder ? Parce qu'ils ne savent pas ou plus se faire une opinion de manière rationnelle ?

 

          Qu'ils n'aient pas le temps, tout le monde le sait. Quand on passe sa vie en politique, on n'a pas le temps de lire comme l'a avoué Fleur Pellerin, ministre de la culture, on lit des fiches, courtes. On a une bonne mémoire  et l'on retient deux ou trois arguments qu'on répétera comme un mantra, en finissant par y croire. La technicité des dossiers est un fait  : il nous aura fallu à nous opposants du temps et des compétences multiples pour décrypter, comprendre, trouver les manipulations. Rien d'étonnant à ce que la plupart des élus qui votent pour un aéroport, un stade, une ligne Grande Vitesse et engagent notre argent ne prennent pas ce temps de l'analyse de fond. Il faut dire que le dossier technique est rebutant notamment l'analyse financière. La pertinence d'un grand équipement doit être confortée par deux ratios, la Valeur Actualisée Nette (VAN) et le Taux de Rentabilité Interne (TRI), alpha et oméga de la justification économique d'un projet d'infrastructure. La formule de calcul de la VAN  et du TRI renvoie tout le monde à de mauvais ou lointains souvenirs de mathématiques et d'économie.

 

          Inutile de dire qu'aucun élu, ou presque, ne  connaît ni ne  comprend les deux formules. Et cela n'a rien d'étonnant. Heureusement, comme le lapin du chapeau du prestidigitateur, à la fin il sort de ces  formules compliquées un simple chiffre ; un TRI supérieur ou égal  à 4 signerait un projet pertinent. Pour calculer ce chiffre, il faut faire des hypothèses ( sur les taux, sur le montage financier,etc). Bien sûr, c'est là que se niche le diable… car le dit montage financier est souvent repoussé à plus tard. Et personne ne pose la question ou ne s'interroge sur les hypothèse retenues. Pire même, comme on ne comprend pas vraiment de quoi on parle, on est prêt à valider un projet à 3,8 de TRI. Que font deux petits dixièmes à l'affaire ?

 

          A l'automne 2014, au moment où s'ouvrait le débat LNOBPL, le Conseil Général de Loire-Atlantique a voté pour le fameux scénario bleu, comme on l'a expliqué plus haut. J'ai testé la connaissance du dossier chez mes collègues en demandant sur quelles hypothèses financières avaient permis de calculer la VAN et le TRI, les deux indicateurs garants de la « rentabilité » du projet. La seule réponse qu'a pu me donner le rapporteur du dossier fut de m'expliquer le sens des deux sigles… Dans la délibération d’ailleurs, il n'y avait même pas les chiffres. Peut-on dès lors parler de décision éclairée ? Les élus sont en général trop confiants dans le « grand élu » qui voit paraît-il plus loin, et dans le technicien qui sait. Méfiants a contrario envers les opposants, car l'opposition quelle qu'elle soit renvoie à l'élu la difficile question de la démocratie. Et de la perte éventuelle de son pouvoir. La démocratie se joue-t-elle seulement au moment des élections ou doit-elle être un processus permanent ? Elle demande en tout cas du temps et de la patience incompatibles avec les mandats qui durent et se transforment en métier. Aux yeux des élus, le citoyen devient non plus celui qui ayant délégué sa parcelle de pouvoir exige à juste titre des comptes mais celui qui râle et empêche de faire. L'esprit de corps, l'appartenance au groupe, l'absence de temps pour cause de cumul de mandats, empêchent que les questions soient posées correctement. Mais aussi l'absence de culture du travail collectif et une forme de paresse intellectuelle.

 

          Objectivement, rationnellement, et hors toute réflexion sur l'avenir du transport aérien, la question du transfert de l'aéroport aurait dû être posée ainsi : Nantes-Atlantique a un aéroport international. Il a deux défauts, une piste unique,  dont l'orientation oblige à un survol de zones habitées. Ces défauts sont-ils totalement rédhibitoires ou gérables ? L'amélioration qui résulterait de son transfert justifie-t-elle l'argent public qui doit y être investi et la destruction irréversible d'espaces agricoles et naturels alors qu'on connaît  désormais l'enjeu de l'artificialisation des terres ? Bref y a-t-il un Intérêt Général Majeur au  transfert de Nantes-Atlantique ?  Si oui, le site retenu il y a 50 ans, une zone humide à plus de 90 %, vaste éponge où naissent les sources de deux bassins versants, au bocage devenu exceptionnel parce que presque partout ailleurs on l'a détruit, reste-t-il le bon ?

 

          Mais ce n'est pas ainsi que l'on débat en politique. Tout le monde a oublié Socrate sans doute et sa maïeutique. Au Conseil Général, Patrick Mareschal Président de 2004 à 2013, farouche partisan du transfert, a organisé un débat au sein de sa majorité. Effort louable de démocratie qu'on veut bien lui reconnaître surtout quand par ailleurs Jean-Marc Ayrault, à la tête de la Métropole et de la ville de Nantes-Atlantique a toujours refusé de discuter de Notre Dame des Landes, se mettant en colère immédiatement et rompant là le dialogue (si l'on ose utiliser le terme). Pour préparer ce que je crois être un vrai débat, j'envoie au préalable à mes collègues un questionnaire, égrenant les questions que l'on devrait se poser collectivement. Avec trois colonnes (oui ; non ; je ne sais pas). Aucun retour. La réunion commence et dure deux bonnes heures pendant lesquelles chacun à tour de rôle donnera son avis. Du genre : « Je suis pour parce qu'on a besoin d'un aéroport international pour le rayonnement de la Région. » « Je suis pour parce que avec Notre Dame des Landes, on aura plus de lignes commerciales. » « Parce qu'il sera l'aéroport du Grand-Ouest etc etc ». Le tout dans la langue de bois habituelle, compassée et répétitive. Impossible d'arrêter et d'objecter. Au nom de la démocratie, bien sûr, on doit s'écouter poliment. De quoi faire bouillir toute personne qui essaie de raisonner, c'est à dire de traquer une vérité qui se dévoile par approches successives, loin des positions a priori. A la fin de ce long tour de table, on constatera sans surprise que les pro sont majoritaires mais que l'on n'a pas avancé d'un iota sur la véracité ou non des arguments. Peu importe. Le Président pourra conclure sur la richesse du débat et avoir en plus l'impression d'avoir été démocrate.

 

          La session publique où l'on engagera les finances du Département sera du même tonneau : une succession d'affirmations et de prises de position pour Notre Dame des Landes dont beaucoup d'élu-e-s n'ont pas ouvert le dossier. J'ai vécu le même vertige lors du débat sur le Traité Constitutionnel en 2005. Lors des nombreuses réunions auxquelles j'ai participé à ce moment-là, j'ai constaté régulièrement que les partisans les plus acharnés du « OUI » n'avaient pas lu le texte. Les plus honnêtes le reconnaissaient mais justifiaient tout de même leur position par une sorte de raisonnement stupéfiant : « Je n'ai pas lu, mais je suis pour ce que je voudrais voir écrit, ou pour ce que je crois être écrit ! » Beaucoup n'avaient même pas cette honnêteté minimale, hélas.

 

           Pour Notre Dame des Landes, même attitude. Dans les débats contradictoires que certains partisans ont acceptés, il n'est pas question de la réalité du dossier, comme si on était au dessus des détails. A quoi bon connaître la longueur de la piste ? Juste à savoir qu'on nous raconte des bobards quand on prétend accueillir de gros porteurs à Notre Dame des Landes... A quoi bon regarder le contrat de concession ? Juste à voir l'arnaque des superficies. A quoi bon regarder les chiffres des emplois actuels sur l'aéroport ? Juste à comprendre qu'il n'y aura pas les créations d'emplois promises tout simplement parce que les courbes d'augmentation des voyageurs et celles des emplois créés ne se suivent pas ...

 

          Ne pouvant se fonder sur des faits objectifs, le discours pro-transfert est un mélange de mensonges (sur les risques, le bruit, le risque pour le lac de Grand-Lieu, les emplois créés, les nouvelles lignes etc) et de déclarations de foi :

  • « C'est un projet de territoire » :

  • « C'est bon pour l'avenir de notre Grand-Ouest » :

  • « C'est nécessaire au développement. » :

  • Jean-Yves Le Drian a déclaré qu'il ne comprenait pas « au nom de quoi on voudrait priver les habitants de Bretagne et des Pays de la Loire et d'autres régions de l'accessibilité aérienne ». Qui a jamais parlé de priver qui que ce soit d'accessibilité aérienne ? Il y a à ce jour 10 aéroports en Bretagne et 17 en Pays de Loire ( Nantes-Atlantique étant évidemment le plus important), et aucune compagnie n'a renoncé à ouvrir une ligne au motif que l'infrastructure ne le permettait pas... S'il n'y a pas de ligne vers Shanghai, ou New York ce n'est pas parce que Nantes-Atlantique est saturé mais parce que le marché n'existe pas et Notre Dame des Landes ne changera rien à l'affaire :

    • « On ne va quand même pas laisser ainsi en l'état ce vaste terrain vague ! », Nicolas Sarkozy à qui personne n'a dit sans doute que les terres de Notre Dame des Landes sont cultivées ;

    • « C'est un projet utile pour des régions, pour des millions d'habitants pour notre pays », Manuel Valls. Mais encore? La fiche fournie au premier ministre ne devait pas être très complète…

    • « Cet aéroport est nécessaire pour l'ouverture de notre région au monde... »

    • Christophe Clergeau, candidat socialiste à la Région lors d'un de ses premiers meetings de campagne en octobre 2015. « L’aéroport apportera des bénéfices très concrets pour le développement économique et le rayonnement international. Il est porteur d’une vision positive du développement durable. » Jacques Auxiette, président de Région. Développement durable, combien de crimes commettra-t-on en ton nom ?

    • « L'Aéroport du Grand Ouest représente un enjeu essentiel pour l’attractivité internationale, le désenclavement, la croissance et le développement pour les territoires et les habitants de la région Bretagne et Pays de Loire ». Le même J.Auxiette :

    • « L'Aéroport se fera parce que le transfert est inéluctable, parce qu'on n'a pas le choix. » André Tameza, ancien directeur de la CCI, en charge de la gestion du Domaine d'Activités Aéroportuaires pendant des années, et vice président de l'association « Des Ailes pour l'Ouest » ;

    • « L'aéroport est indispensable pour développer l'économie. » J.F.Cadio  vice-président de la CCI.

 

 

          On pourrait poursuivre à l'envi et jusqu'à satiété la litanie des phrases creuses et si caractéristiques de notre « élite politico-économique ».

 

          « Mais enfin, tous ces gens qui ont décidé de réaliser cet aéroport ne sont pas stupides, ils sont même d'accord par delà leurs divergences politiques. Alors ? » questionnent certains.

 

          Stupides, non. Personne ne le dit. Mais tous sur le même logiciel certainement. Le logiciel de la croissance, des réalisations qui modèlent le paysage, transforment les villes (et les campagnes!), dessinent des routes, des ponts, des ports et des aéroports, des « investissements d’aujourd’hui pour les emplois de demain », comme on l'a tant entendu. Ce qui explique aussi le couple formidable que certains élus forment avec leurs « fonctionnaires ». Comment un ingénieur des Ponts n'aurait-il pas envie de construire ? Sa culture professionnelle est celle du bâtisseur, et en ce sens il ressemble à l'élu. Il est probable qu'à Paris la Direction Générale de l'Aviation Civile rêve, culturellement parlant, de ce nouvel aéroport présenté d'ailleurs comme le dernier qui serait construit en métropole. Sur l'île de Pâques, les rois ont abattu leurs derniers grands arbres pour avoir la plus grande statue...( comme le montre avec brio Jared Diamond dans son livre  : Effondrement). Il est possible qu'à Nantes-Atlantique, une partie des contrôleurs aériens rêvent d'un aéroport à deux pistes, plus simple à gérer. Il est probable que joue aussi l'attrait du neuf, du moderne, surtout s'il est repeint en vert et Haute Qualité Environnementale (ce sigle qui ne veut pas dire grand-chose mais dont on sent qu'il est politiquement correct) ! Et puis, il y a l'emploi !

 

          Certains croient honnêtement que ce projet est porteur d'emplois, et en période de chômage massif, cet argument a évidemment un poids réel. Qu'en est-il vraiment ?

 

          Les pro NDL ont fait miroiter les créations d'emplois sur deux fronts : celui du chantier de réalisation et celui du fonctionnement du nouvel équipement. Évidemment un chantier génère du travail. AGO, la CCI et les Ailes pour l'Ouest parlent en milliers d'emplois et en millions d'heures, c'est plus impressionnant (5,4 Millions d'heures, 3 500 emplois). Commençons par traduire : cela fait 750 Équivalents temps plein pendant 4 ans. Combien d'emplois nouveaux parmi eux ? Fort peu sans doute, et par nature non durables, puisque les entreprises de ce type de grand chantier viennent souvent avec leurs travailleurs. Certes, on peut compter sur la mécanique huilée des quelques emplois d'insertion que l'on montrera en exemple et qui cacheront peut-être la cascade probable de sous-traitances...Mais de toute façon, s'il faut un chantier pour le BTP mal en point,  on en a un facile, sans « zadistes » ni destruction d'espèces, sans zone humide ni problèmes administratifs, un chantier qui pourrait être lancé dès 2016 : la rénovation de Nantes-Atlantique.

 

          Quant à l'autre chiffre concernant les emplois directs de l'aéroport, il a aussi permis de solides mensonges : 1200 emplois créés par million de voyageurs disait la chambre de commerce. Plus modérés les bulletins du département et de la ville de Nantes Supplément au magazine du département, juin 2012 :    « 800 à 1000 salariés par million de passagers transporté. (…) d’ici à 2017, toute l’activité sera transférée sur le nouveau site et 500 postes supplémentaires créés pour faire face à l’augmentation du trafic. »Nantes-Passion, janvier 2013 : « selon les études, 1 emploi direct est créé tous les 900 passagers. » Mais à Nantes-Atlantique le ratio est beaucoup plus bas, plutôt de l'ordre de 600 : 1986 ETP en 2013 pour 3,6 Millions de passagers. Et bien évidemment les emplois seront d'abord transférés du Sud Loire vers le Nord Loire alors que la plupart des employés qui travaillent aujourd'hui à Nantes-Atlantique habitent au Sud-Loire. Par ailleurs dans le domaine aéroportuaire comme partout la tendance est plutôt à automatiser, et à réduire le recours à du personnel supplémentaire. La preuve en est que malgré l'augmentation importante du nombre de voyageurs accueillis à Nantes, les créations d'emplois ne suivent pas le même rythme : 1850 ETP en 2010 pour 3 Millions, 1986 ETP en 2013 pour 3,6 Millions  de passagers.

 

Impossible « machine arrière »

 

          Que les élus aient  pensé que ce projet était intéressant, dans le sillage d'un vieille décision, n'est pas vraiment surprenant. Ce qui l'est plus, c'est le maintien envers et contre tout du projet. Et contre l'évidence.

 

          « Visiblement, mentir c'est moins grave que de perdre la face » constatait Antony Bellanger, journaliste, sur les ondes de France Inter le 14 août 2015 à 8h15, à propos des statistiques économiques chinoises fausses.

 

          Il n'y a pas que les chinois qui trichent et qui n'aiment pas perdre la face. Dans leur « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens » Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois fournissent une des explications probables à cette obstination irrationnelle. Lorsque nous nous sommes engagés dans une voie qui a nécessité un choix ou une première décision, quelque chose résiste ensuite en nous à accepter de faire marche arrière, même si la preuve de l'erreur est évidente. Les psychosociologues appellent ce phénomène « le piège abscons ». Il semble que ce soit une maladie particulièrement répandue dans le monde politique où l'on rencontre peu de gens prêts à reconnaître leurs erreurs et encore moins leurs mensonges

 

           Il est donc peut-être impossible mentalement pour Jean-Marc Ayrault, Jacques Auxiette ou Bruno Retailleau  de faire machine arrière, et donc pour tous les autres élus qui les suivent ou les ont suivis. D'autant que depuis des années les politiques vivent dans une forme de schizophrénie permanente, à gauche comme à droite, à l'échelon local comme à l'échelon national. Quelques exemples : les élus de droite qui idéologiquement se présentent comme des libéraux et trouvent toujours que les dépenses publiques sont excessives, sont en principe rétifs à l'embauche de fonctionnaires mais localement, quelle que soit la couleur des intercommunalités, des départements ou des régions, ils ont embauché, preuve sans doute que le bon fonctionnaire est celui qu'on embauche soi même… Les mêmes élus lorsqu'une entreprise ferme sur leur territoire affirment leur soutien aux employés, interviennent, soumettent à leurs assemblées des vœux, en appellent au ban et à l'arrière ban pour éviter les licenciements, alors qu'ils devraient aller expliquer aux futurs licenciés leur jolie théorie de la nécessaire compétitivité, de la nécessaire flexibilité, du nécessaire sacrifice aujourd'hui de certains pour le prétendu bonheur à venir… Des élus de gauche sont tout à fait capables de défendre dans le discours avec fougue une agriculture paysanne, créatrice d'emplois, et soucieuse de l'environnement, mais incapables de s'opposer dans les faits à l'industrialisation catastrophique de l'agriculture. Les propos de Stéphane Le Foll au moment du procès des démonteurs de la ferme des mille vaches est stupéfiant (« Ce n'est pas le modèle que nous défendons mais je ne peux pas m'y opposer ») signe un terrible aveu : un ministre ne sait plus que la puissance publique existe et que les lois sont faites justement pour s'opposer à ce que l'on considère comme mauvais.

 

          C'est ainsi que tous ensemble, les élus locaux adoptent des agendas 21 et des plans climat, parlent de développement durable et de haute qualité environnementale mais continuent à peu de choses près comme hier. Il suffit de regarder la répartition des principales masses financières dans les budgets des collectivités locales pour comprendre que la transition écologique est loin d'être entrée dans les faits, même si tout le monde en parle.

 

          Le département de Loire-Atlantique a  adopté à l'unanimité un superbe plan-climat, fondé sur le scénario « Négawatt » qui prévoit une baisse des consommations d'énergie et de production des gaz à effet de serre et qui concerne donc aussi le transport aérien ; c'est écrit noir sur blanc page 97 : «transport aérien réservé à des usages très limités » ! Cela n'empêche absolument pas les mêmes élus de vouloir un nouvel aéroport, d'en payer une partie des coûts, et de se féliciter de la progression du transport aérien et de croire que rien ne la limitera… Contradictions, schizophrénie, injonctions paradoxales, il faudrait faire appel désormais à des psychiatres pour comprendre le fonctionnement des politiques. Il est possible aussi que nos politiques aient un problème avec l'acceptation des limites pour ne pas dire avec l'idée de mort. Eux qui ne se voient jamais arrêter leur carrière, qui refuse l'idée de la limitation des mandats, ont-ils vraiment conscience des limites de la planète et des limites de leur territoire immédiat ? Visiblement en tout cas leur désir de marquer le territoire, de réaliser le grand équipement de rêve leur fait perdre même la mémoire. Dans les années 80, les géants de l'eau démarchaient les communes qui géraient en régie directe l'eau et l'assainissement pour qu'elles leur en  délèguent la gestion. Avec des arguments sonnants et trébuchants, c'est à dire en proposant de verser une somme rondelette au budget de la commune. Pas par philanthropie, mais en contrepartie de contrats léonins, très longs ( 30 ans) où il se payaient sur la bête, c'est à dire sur les usagers. Ce n'était déjà pas glorieux mais enfin on comprenait que certains élus cèdent à la tentation de voir arriver de l'argent frais. L'analyse critique a été faite de ces contrats de concession, qui ont coûté cher à tous les usagers et où souvent les réseaux n'ont pas été entretenus correctement. Aujourd'hui, c'est pire. Vous voulez un aéroport ? Très bien, mais c'est le candidat qui  impose ses conditions : adieu l'aéroport idéal,  le plus rentable suffira. Quant au  partenariat financier, il prévoit que l'État et les collectivités mettent sur la table des subventions ( remboursables pour certaines si le chiffre d'affaires d'AGO est meilleur que prévu), garantissent les prêts et signent une concession de 55 ans...Et les élus se réjouissent ! On croit rêver.

 

          Est-ce suffisant pour expliquer l'impasse dans laquelle nous sommes ? Sans doute pas. Mais les autres explications ne sont pas plus rassurantes.

 

          A l'obstination, ou à l'impossibilité psychologique de faire machine arrière, il faut rajouter le jeu politicien qui pousse à la surenchère. Devant des arguments de fond, imparables, on préférera parler d'autre chose : de la ZAD, de ses opposants « ultra violents » (comme les a présentés Manuel Valls, après la manifestation de février 2014 ou le 15 oct 2015). L'enjeu, pour ceux qui sont dans l'opposition aujourd'hui est de faire passer le gouvernement pour un faible qui cède aux minoritaires, l'enjeu pour le gouvernement, c’est de ne pas perdre la face et donc d'être ferme, voire très ferme. La course à l'échalote est en route et les gorilles tambourinent à qui mieux mieux. La différence c'est que dans la nature, les gorilles sont capables de faire machine arrière après avoir tambouriné parce qu'ils seront en première ligne s'ils passent à l'attaque. Dans le confort des palais de la République, on peut décider d'envoyer les gardes-mobiles, on n'est pas en première ligne…

 

          L'aéroport de Notre Dame des Landes est désormais un objet qui alimente le jeu politique : le rapport de forces entre socialistes et écologistes, les négociations au sein de la majorité, les stratégies au sein du gouvernement, ou entre Matignon et l’Élysée. Au point que la décision de faire ou de renoncer sera hélas prise probablement pour d'autres raisons que des raisons de fond du dossier.

 

          Plus grave encore, la forme qu'a prise la résistance (avec une occupation du terrain et des maisons vides, une solidarité impressionnante et un élargissement de la lutte et de ces méthodes) est absolument insupportable pour le pouvoir. Car elle met en lumière la crise de la démocratie représentative, le fossé entre les élites et une partie de la population, le décalage entre le discours politique et la réalité. Elle permet aussi de détourner l'attention du fond du sujet en centrant les discours quasi exclusivement sur la ZAD et ses occupants.

 

          Dernière hypothèse, qui n'est pas la plus réjouissante. N'y aurait-il pas en arrière plan des intérêts cachés mais décisifs qui expliqueraient une connivence entre certains acteurs du projet ? La connivence existe et depuis longtemps au plus haut niveau de l’État. On a déjà parlé du Préfet Hagelsteen et de Nicolas Notaebert, ancien du cabinet du ministre des transports Gayssot et devenu responsable de Vinci Concession mais il faudrait aussi ajouter le conseiller «  énergie, transports, environnement » actuel auprès de Manuel Valls, Loïc Rocard qui a travaillé pour Cofiroute et Vinci Concession.

 

          Tout cela est légal, nous dira-t-on, et habituel. Dans notre pays certes où la consanguinité entre le monde politique et le monde économique est désormais bien connue. Ce qui ne justifie rien. Et n'empêche pas un doute légitime sur les décisions publiques, un doute qui mine  la confiance entre citoyens et décideurs,  socle théorique de notre république. Le dernier mensonge de notre dossier concerne en effet les finances et le coût en l'argent public de ce transfert. Un des arguments entendus pour poursuivre malgré tout est le suivant : cela coûterait trop cher de s'arrêter maintenant. Une somme monstrueuse a même circulé, plus d'un milliard de dédit si l’État rompait le contrat avec AGO… (article de l' Express du 7 janvier 2015 ). Nous avions regardé les conditions du contrat de concession et avions noté qu'il faudrait rembourser au concessionnaire le montant des travaux engagés et calculer aussi « le manque à gagner » pour AGO. Pas de réaction de l’État à la parution de cette somme. Le silence comme approbation cette fois ?

 

          Nous arguions qu'il y aurait discussion, que l’État avait bien déboursé 839M€ pour rompre le contrat avec Ecomouv en renonçant à l'écotaxe et à ses portiques, qu'il pourrait négocier avec AGO sur la gestion de l'aéroport actuel, très profitable, mais nous n'avions pas creusé davantage. L'Atelier Citoyen l'a fait et la surprise est de taille : d'abord le coût du dédit serait bien moindre qu'annoncé (entre 150 et 250 M€ du fait de l'actualisation prévue au contrat) et surtout financièrement, tous les acteurs, tous, auraient intérêt à arrêter maintenant : l’État qui éviterait de financer les investissements qu'il doit prendre en charge (tour de contrôle, pa