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6 août 2015 4 06 /08 /août /2015 08:39
Ce que la Grèce ne peut faire, la France le pourra !

Rien ne serait plus terrible pour le peuple français que de se résigner à l’existant, après la folle séquence que nous avons vécue du 25 janvier au 13 juillet 2015 en Grèce. Pourtant, la manière extrêmement brutale avec laquelle la Troïka a extorqué la signature de Tsipras, pour lui faire avaliser le diktat Merkel/Schäuble, a de quoi faire peur effectivement.

Tout cela au mépris de l’article 51 –Contrainte exercée sur le représentant d’un Etat, de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, disposant que : « L'expression du consentement d'un Etat à être lié par un traité qui a été obtenue par la contrainte exercée sur son représentant au moyen d'actes ou de menaces dirigés contre lui est dépourvue de tout effet juridique. »

La France n'a pas signé cette convention. L'Allemagne et la Grèce, comme la plupart des pays européens, l'ont signée, mais surtout ratifiée. Elle est donc supralégislative. C'est-à-dire qu'elle aurait dû s'imposer à ces pays. Ils ont préféré s'asseoir dessus.

 

Sources :  le Parti de Gauche Midi Pyrénées par Robert Mascarell

Il va de soi que, d’ores et déjà, cette séquence est minutieusement analysée par toutes les personnes engagées dans la vie politique, qu’elles soient de droite ou de gauche. Pour celles engagées à gauche, il s’agit de comprendre si le dénouement provisoire, intervenu le 13 juillet, aurait pu être évité, et si oui, à quel moment ou pour quelle(s) décision(s) nos camarades de Syriza ont failli, au point d’être contraints de signer ce diktat de la honte.

 

Dans de précédentes contributions, publiées sur mon blog[1],  j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce point. Je ne vais donc pas y revenir.

 

 

- Les atouts intrinséques de la France

Reste à savoir si, ce qui a été infligé à la Grèce pourrait l’être à la France, alors que le peuple aurait choisi de voter majoritairement pour le Front de gauche. J’affirme que ce ne serait pas possible. Je vais m’efforcer de démontrer pourquoi.

 

En premier lieu, avant même de parler du dispositif politique à mettre en place pour annihiler les inévitables attaques de la Troïka contre notre pays, il faut comparer le poids intrinsèque de la France par rapport à celui de la Grèce.

 

Politiquement, la France est le 1er pays de la zone euro et même de l’Union européenne (dans ce cas, à égalité avec la Grande Bretagne). Pourquoi ? France et Grande Bretagne sont les seuls pays à disposer d’un droit de véto à l’ONU, d’une armée dotée de l’arme nucléaire (qu’on soit pour ou qu’on soit contre), d’une zone d’influence outremer (là encore qu’on soit pour ou qu’on soit contre).

 

Géographiquement, un simple regard sur la carte de l’Europe permet de constater que la France est une voie de passage obligée pour que l’Espagne et le Portugal soient reliés par la terre au reste de l’Europe. De plus, située au bout occidental de l’Europe, la France possède trois façades maritimes, vers le nord, l’ouest et le sud. La France est la deuxième puissance mondiale en étendue marine. La France est enfin le plus grand pays de l’Union européenne en surface.

 

Economiquement, la France est la 2ème puissance économique de l’eurozone. Elle pèse 19,7 % du PIB de l’Europe, alors que la Grèce ne pèse que 2,3 % [2], soit près de neuf fois plus. Ce poids donne même à la France un droit de véto pour le vote de certaines dispositions que voudrait prendre l’eurozone. Seuls deux autres pays de l’eurozone, l’Allemagne et l’Italie disposent de ce droit de véto (il faut peser plus de 15 % du PIB européen).

 

Ses façades maritimes et son étendue marine, déjà évoquées, sont également un atout économique considérable.

 

Démographiquement, la France est le 2ème en importance de population. Elle est même en voie de devenir le premier pays.

 

Voilà pour les données qui n’ont rien à voir avec la couleur politique du gouvernement de la France, mais qui constituent de sacrés atouts pour notre pays comparativement à ceux que possède la Grèce.

 

Evidemment, ces atouts ne le sont que si un gouvernement résolu, soucieux de la défense de nos intérêts, a la volonté de les faire valoir dans les négociations intraeuropéennes. C’est ce qui nous manque aujourd’hui. Donc, avant même d’entrer dans le vif du sujet, celui tenant à ce que fera un vrai gouvernement de gauche, tous les gouvernements français dignes de ce nom ont des atouts considérables pour ne pas jouer les porte-bidons d’Angéla Merkel.

 

 

- Les apports d'un vrai gouvernement de gauche

Qu’apporterait un vrai gouvernement de gauche en plus de nos considérables atouts spécifiques ?

 

Il sera d’autant plus fort, que toute la gauche est maintenant instruite de la manière dont a procédé la Troïka pour écraser Syriza, et des erreurs que nos camarades grecs ont commises.

 

Il va de soi que le Parti de gauche (j’en suis membre), mais au-delà le Front de gauche, vont devoir repenser sensiblement leur logiciel d’accession au pouvoir et de son exercice. Nous ne pouvons plus nous contenter de proposer un seul programme, aussi beau soit-il. Celui intitulé « l’Humain d’abord » me convient tout à fait, mais il ne s’inscrit que dans une seule hypothèse : l’exercice du pouvoir dans le cadre de l’Union européenne et surtout de la zone euro.

 

A mon avis, il faut ajouter un chapitre relatif à la prise en compte des attaques malveillantes que la Troïka ne va pas manquer de mener contre le gouvernement de gauche fraîchement élu. Dès la première attaque, il s’agira de ne pas être attentiste et même d’être à l’initiative.

 

C’est-à-dire que là où, dans le cadre de notre programme « L’Humain d’abord », nous soumettons un certain nombre de nos propositions à la négociation avec nos partenaires européens, il s’agira d’en mettre un certain nombre en œuvre sans attendre. Je pense à notre refus d’appliquer la directive détachement. Je pense aussi, en particulier, au rôle de la BCE dont nous proposons, entre autres, qu’elle prête directement aux Etats.

 

Il faudra abroger immédiatement la loi de janvier 1973, pour redonner à la Banque de France le pouvoir de prêter directement à l’Etat, sans intérêts. Il faudra prendre aussi le contrôle immédiat de tout le système bancaire et des assurances français, y compris et surtout dans les paradis fiscaux, avec contrôle de la circulation des capitaux au-delà d’un seuil à fixer, de manière telle qu’il soit le moins pénalisant possible pour l’activité économique, si nécessaire. Etant bien entendu que la nécessité devra s’appliquer dès la première velléité d’attaque.

 

Si, en dépit de ces dispositions protectrices, la Troïka persiste dans sa malveillance, il faudra poser le principe de notre sortie de l’euro, non pas seulement comme une menace tactique, mais comme une orientation de fond irréversible. Il va de soi que dans ce cas, nous devrons faire défaut sur le paiement de notre dette, au moins pour la partie au-delà de 60 % de notre PIB. Notre sortie de l’euro devra être accompagnée d’un renversement d’alliance. Je pense là à notre rapprochement des BRICS et au développement considérable de nos échanges commerciaux avec les pays d’Amérique du sud, qui ont pris leurs distances avec le FMI. Acheter notre pétrole au Vénézuéla, par exemple, me paraît bien plus judicieux que de l’acheter à l’Arabie Saoudite ou aux Emirats arabes.

 

De cette manière, tous les eurobéats qui, quand ils entendent parler d’un possible retour au franc crient au repli sur soi, ne pourront pas nous en accuser.

 

Ah ! J’allais oublier, que la malveillance de la Troïka, à l’égard du gouvernement français de gauche, ne restera pas sans une autre conséquence. En aucun cas, il ne s’agira de fermer nos frontières, mais en revanche les échanges commerciaux, transitant à travers la France, entre l’Espagne, le Portugal et le reste de l’Europe se feront à prix forts. D’autant plus, si ces deux pays jouent le même sale rôle que celui qu’ils ont joué contre la Grèce.

 

Pour autant, en dépit de ces propositions, dont j’admets qu’elles rompent de fait avec l’eurozone, je ne préconise pas la sortie de l’Union européenne. Non que j’en sois un partisan inconditionnel, mais les trai]és qui la régissent (Maastricht, Lisbonne, TSCG) comportent tous un vide juridique. Rien ne prévoit les modalités d’exclusion d’un pays membre. En outre, toutes les décisions de l’Union européenne doivent être prises à l’unanimité. A défaut, aucune de ses décisions ne peut devenir opérationnelle. Ainsi, par exemple, si la Grèce, même affaiblie comme elle l’est depuis le diktat, vote contre l’adoption du TAFTA, l’Union européenne ne pourra l’adopter.

 

Notes :

|1] http://robertmascarell.overblog.com/2015/07/apres-le-diktat-de-merkel-tout-est-encore-possible-pour-les-grecs.html et http://robertmascarell.overblog.com/2015/07/hollande-fossoyeur-de-la-grece.html

[2] source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF08323

 

Pour en savoir plus :

- Les leçons du « laboratoire grec » en débat – Et si Tsipras avait raison ?

- La fin de l'Europe

- L’affrontement inévitable (Pierre Khalfa)

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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 08:15
L’abolition des privilèges : il paraît que c’était le 4 août 1789...

Si les inégalités s’accroissent, c’est bien parce qu’existent de nouveaux privilèges....

Avec une VIe République, une nouvelle Nuit du 4 août reste donc à faire !

 

C’est dans le sillage de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 qu’aura lieu une certaine abolition des privilèges dans la nuit du 4 au 5 août 1789. Cette abolition sera votée par la toute nouvelle Assemblée Constituante.

4 août 1789 : Dépassés par le soulèvement des milieux ruraux, les députés de la Constituante vivent une nuit célèbre qui finit par l’abolition des droits seigneuriaux dans l’espoir de rétablir le calme. Ainsi disparaissent juridiquement ce que la mobilisation populaire a déjà complètement sapé, des banalités aux juridictions seigneuriales, du droit de chasse aux privilèges spécifiques des provinces...

 

Sources : REBELLYON.INFO le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys

- Bref retour en arrière

- L’ouverture des États Généraux à Versailles le 5 mai 1789 (les derniers dataient de 1614) met en difficulté le roi de France Louis XVI, même si ces États Généraux ont été convoqués à sa demande, surtout sous la pression du refus de payer les impôts, en particulier par la région du Dauphiné [1] : le royaume est en effet en proie à de graves difficultés financières avec son endettement chronique et l’impôt est écrasant.

 

La composition de ces États Généraux est assez disparate, avec ses 1139 représentants de trois ordres : la noblesse (270 députés dont 70 de la haute noblesse) le clergé (291 avec 200 curés et 91 évêques) et le tiers état (578 dont près la moitié sont avocats et pour le reste des bourgeois d’affaire) Les débats se focalisent rapidement sur la représentativité et sur la nécessité de réformes fiscales et sociales (le roi y étant opposé) N’oublions pas que pour voter, il fallait payer l’impôt !

 

La tradition voulait que les trois ordres soient représentés en nombre égal et votent séparément, ce qui assurait normalement aux deux ordres privilégiés une majorité automatique face au troisième. Bien que Louis XVI ait accordé fin 1788 le doublement des voix pour le tiers état et n’ait rien dit du mode de scrutin dans la future assemblée (les trois ordres réunis ou chacun séparément) la tension est forte. Le 17 juin, sur proposition de l'abbé Sieyès, les députés du tiers état, renforcés par quelques curés, se proclament Assemblée nationale et, non contents de rejeter la division en trois ordres, s’arrogent aussi le droit d’autoriser la perception des impôts. Le point de rupture est atteint et le roi de France ordonne la fermeture des lieux des débats, par la force si nécessaire. Les députés du tiers état décident alors le 20 juin 1789 de poursuivre leurs travaux (Serment du Jeu de Paume), et le 9 juillet 1789 de transformer les États Généraux en Assemblée Nationale Constituante. Cet acte met fin à l’absolutisme royal.

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- C’est dans un climat de peur et de famine que se déroule la prise de la Bastille.

Climat où des troupes étrangères stationnées autour de Paris font craindre au peuple la répression. Après le renvoi le 11 juillet du ministre des finances Necker par le roi qui le rend responsable du désordre, la population craint la banqueroute de l’État. Les 12 et 13 juillet, c’est l’émeute dans Paris avec des scènes de pillage et d’incendie sans que les 5000 gardes suisses n’interviennent ni que la milice bourgeoise montée à la hâte par les électeurs du tiers état n’arrive à ramener le calme. Le matin du 14 juillet, après le pillage de l’arsenal de l’Hôtel des Invalides où la foule s’empare de 3000 fusils et d’une douzaine de canons (mais sans poudre) c’est dans la foulée, et dans la confusion, la prise de la prison de la Bastille par un millier d’émeutiers. Il y a une centaine de morts et autant de blessés du côté des assaillants, seulement 4 morts du côté de la garnison. La démolition de la Bastille commence le soir même.

 

JPEG - 48.1 ko- Le roi prend peur, ses ministres commencent à plier bagages, la bourgeoisie bien installée craint aussi pour ses fortunes accumulées. Car malgré la visite du roi dès le 15 juillet à l’Assemblée Constitutante, le rappel de Necker le 16, et le même jour la création de la première commune de Paris par les électeurs du tiers état qui transforment la milice bourgeoise en Garde nationale, le calme reste précaire dans la capitale.

 

Dans les campagnes, le “bon peuple”, celui qui par exemple travaille la terre et n’en tire même pas toujours de quoi se nourrir, en a assez d’être écrasé d’impôts. La révolte gronde depuis déjà plusieurs mois. La nouvelle de la prise de la Bastille se répand et la crainte d’une forte réaction nobiliaire avec la propagation de rumeurs quant-à un "complot aristocratique" provoque "la Grande Peur" : les attaques de châteaux se multiplient, les paysans brûlent les archives, en particulier les "terriers" qui fixent les droits et les propriétés seigneuriales. En route, les révoltes se muent en Révolution et l’Assemblée Constituante veut éviter sa progression. Contre les bourgeois qui en appellent à la répression, les nobles, plus au courant de la situation, prônent plutôt l’apaisement. Mais cette fois, il y aura de la réforme et pas de la réformette !

 

 

- "L’abolition des privilèges"

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1) Le dilemne posé aux privilégiés en cette nuit du 4 août 1789

Dans la journée du 3 août, la majorité de l’Assemblée est favorable à une répression générale du mouvement populaire.

 

Le premier orateur de la séance parlementaire se nomme Guy Target, député du Tiers Etat, bourgeois de la magistrature connu comme un émule de Montesquieu. Il réaffirme cette position de fermeté et propose un arrêté dénonçant "les troubles et les violences qui ... portent l’atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes" ... Il insiste pour que toutes les redevances et prestations d’Ancien Régime soient payées tant qu’un nouveau système d’impôts n’a pas été créé.

 

Pourtant, en cette nuit du 3 au 4 août, l’Assemblée va choisir une autre voie que la répression.

 

Le duc d'Aiguillon, député de la Sénéchaussée d'Agen, gravure de J.-B. Vérité, 1789.Quelques grands aristocrates ont préparé une intervention en faveur de l’égalité fiscale, c’est à dire un impôt pesant sur tous les citoyens sans exemption spécifique pour la noblesse et le clergé. Louis XVI l’avait évoquée dans son discours du 23 juin. Ils font valoir, de plus, que le soulèvement populaire est essentiellement nourri par le refus des injustices, oppressions, vexations... générées par les privilèges féodaux. Dans ces conditions, seule une abolition de ceux-ci peut ramener le calme. « Le peuple cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête », s’exclame le duc d'Aiguillon, « l’insurrection trouve son excuse dans les vexations dont il est la victime ». Cependant, cette abolition de droits féodaux incompatibles avec l’égalité fiscale (déjà en place au Royaume-Uni par exemple sans que cela nuise à la richesses des lords) doit être compensée.

 

Buste par Antoine Laurent DantanGalerie des batailles du château de Versailles.

Le Vicomte de Noailles, noble désargenté, monte à la tribune : " Le but du projet d’arrêté que l’Assemblée vient d’entendre est d’arrêter l’effervescence des provinces, d’assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. Mais comment peut-on espérer d’y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume ? ... Comment l’espérer, cette tranquillité ? En calmant le peuple... Je propose que l’impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus... Que tous les droits féodaux seront rachetables... Que les corvées seigneuriales, les mains-mortes et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat."

 

 

 

2) L’offensive républicaine est lancée par un député en habit de paysan bas-breton

File:D026- le guen de kerangal - Liv3-Ch16.pngLe Guen de Kerangal, un paysan "bas Breton en costume de bas Breton, député inconnu, qui ne parla jamais ni avant ni après" (Michelet) monte alors à la tribune et lit un discours en phase avec la guerre sociale paysanne en cours : "Vous eussiez prévenu, messieurs, l’incendie des châteaux, si vous eussiez été plus prompts à déclarer que les armes terribles qu’ils contenaient, et qui tourmentaient le peuple depuis des siècles, allaient être anéanties par le rachat forcé que vous en avez ordonné. Le peuple impatient d’obtenir justice, et las de l’oppression, s’empresse à détruire ces titres, monuments de la barbarie de nos pères ! Soyons justes, messieurs, qu’on nous apporte ces titres, outrageant non seulement la pudeur, mais l’humanité même ! Ces titres qui humilient l’espèce humaine, en exigeant que des hommes soient attelés à des charrettes comme les animaux du labourage ! Qu’on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer la nuit à battre les étangs, pour empêcher les grenouilles de troubler le repos de leurs seigneurs voluptueux ! Qui de nous ne ferait pas un bûcher expiatoire de ces infâmes parchemins, et ne porterait pas le flambeau pour en faire un sacrifice sur l’autel du bien public ? Vous ne ramènerez, messieurs, le calme dans la France agitée, que quand vous aurez promis au peuple que vous allez convertir en argent, rachetables à volonté, les droits féodaux quelconques ; et que les lois que vous allez promulguer anéantiront jusqu’aux moindres traces de ce régime oppresseur"...

 

La Poule, député du Tiers de Franche-Comté complète son collègue en citant des droits féodaux "bizarres, cruels et incroyables".

 

M. de Foucault, le vicomte de Beauharnais, M de la Rochefoucault, le comte de Virieu, le jeune de Montmorency... vont surenchérir en supprimant les banalités, les pensions sans titre, les juridictions seigneuriales, le droit de chasse, les colombiers féodaux, les privilèges ecclésiastiques, proposant même des adoucissements pour l’esclavage des noirs. Le duc du Châtelet propose alors le rachat de la dîme.

 

Les députés du haut clergé s’avèrent prudents et réticents, se montrant seulement généreux pour supprimer les privilèges de noblesse ; les nobles le sont autant pour supprimer ceux du clergé. Le bas-clergé consent de gros sacrifices, participant à la folle nuit.

 

 

Il est près de 2 h du matin.

Le président Le Chapelier récapitule les acquis de la nuit, liste impressionnante qui met à bas définitivement l’Ancien Régime. Un vote global a lieu. Approbation à l’unanimité !

 

La messe est dite (l’archevêque de Paris a même fait adopter un projet de Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume) La séance se termine tardivement aux cris de « Vive le roi, restaurateur de la liberté française ! »...

 

C’est donc dans la nuit du 4 au 5 août 1789, à 2h du matin, après 6 h de discussions passionnées, qu’est proclamée à l’unanimité l’abolition de la féodalité, celle des trois ordres et de leurs particularités, notamment fiscale, militaire et judiciaire, mais aussi l’unification du territoire national (jusqu’alors, chaque commune, paroisse, province avait ses propres privilèges) Vraie révolution donc.

 

Mais il faut noter que les députés vont se raviser dans les jours suivants. Les droits résultant d’un « contrat » passé entre le propriétaire du sol et l’exploitant direct (cens, champart, rentes [2]) subsistent mais peuvent être rachetés. Ainsi seuls peuvent se libérer totalement les paysans les plus riches. La désillusion sera grande dans les campagnes et les troubles vont perdurer jusqu’en 1792.

 

 

3) La nuit du 4 août vue par un témoin (Lettre du député du Tiers-Etat Bouchette à ses concitoyens) :

Francois Joseph Bouchette, avocat, : ne en 1736. Deputé de la flandre maritime : [dessin] / [non identifié] - 1" La Noblesse vient de faire des sacrifices qu’elle appelle justes et le Clergé imite son exemple. Tous les droits seigneuriaux seront rachetés ou rachetables ; il n’y aura plus de justices seigneuriales dans les autres tribunaux. L’administration de la justice sera gratuite, la vénalité des charges sera supprimée ; la chasse libre à tout propriétaire ; plus de privilège de l’une à l’autre province et un pacte d’association de toutes les provinces entre elles ; les villes principales, Paris, Lyon, Marseille, etc., etc., renoncent à leurs franchises, les curés de campagne renoncent à leur casuel, leur pension sera augmentée.

 

La pluralité des bénéfices supprimés ; plus d’annates payées en Cour de Rome ; liberté de religion aux non catholiques. Le Parlement de Paris consent à un démembrement de son ressort ; il s’appliquera à étudier les loix nouvelles que l’Assemblée nationale va porter ; tout cela doit être rédigé et consenti dans l’Assemblée d’aujourd’huy qui commencera à midy".

 

 

4) La nuit du 4 août vue par l’historien de la Révolution : Jules Michelet

Description de cette image, également commentée ci-après" C’était le 4 août à huit heures du soir, heure solennelle où la féodalité, au bout d’un règne de mille ans, abdique, abjure, se maudit...

 

Vers minuit " L’attendrissement, l’exaltation, étaient montés, de proche en proche, à un point extraordinaire. Ce n’était dans toute l’Assemblée qu’aplaudissements, félicitations, expressions de bienveillance mutuelle. Les étrangers présents à la séance étaient muets d’étonnement ; pour la première fois, ils avaient vu la France, toute sa richesse de coeur... Ce que des siècles d’efforts n’avaient pas fait chez eux, elle venait de le faire en peu d’heures par le désintéressement et le sacrifice... L’argent, l’orgueil immolé, toutes les vieilles insolences héréditaires... Le monstrueux chêne féodal abattu d’un coup...

 

« Tout semblait fini. Une scène non moins grande commençait. Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu’on appelait Pays d’État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel, à leurs vieux et bons souvenirs. Le Dauphiné, dès 1788 (cf Vizille après la journée des Tuiles), l’avait offert magnanimement pour lui-même et conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, quoique liés par leurs mandats, liés par les anciens traités de leur province avec la France, n’en manifestèrent pas moins le désir de se réunir. La Provence en dit autant, puis la Bourgogne et la Bresse, la Normandie, le Poitou, l’Auvergne, l’Artois. La Lorraine, en termes touchants, dit qu’elle ne regretterait pas la domination de ses souverains adorés qui furent pères du peuple, si elle avait le bonheur de se réunir à ses frères, d’entrer avec eux dans cette maison maternelle de la France, dans cette immense et glorieuse famille ! Puis ce fut le tour des villes..."

 

 

5) Analyse et conséquences du 4 août

En votant l’abolition des privilèges féodaux, beaucoup de députés voulaient seulement faire un geste temporaire d’apaisement pour arrêter les désordres. De plus, cette abolition ne coûtait pas bien cher à bon nombre de députés de la noblesse qui tiraient l’essentiel de leurs revenus d’autres sources.

 

Dès le 5 août, des députés de la noblesse et du clergé poussent à limiter l’abolition des privilèges sans indemnité aux seuls droits féodaux pesant sur les personnes. Les droits féodaux pesant sur les terres comme les cens et les champarts, devront être rachetés par les paysans pour devenir propriétaires de leurs terres.

 

Une abolition complète des privilèges féodaux aurait pu satisfaire à ce moment-là le milieu rural et faire retomber sa mobilisation mais la plupart des droits féodaux n’étaient supprimés qu’à condition de rachat et les conditions mises au rachat étaient telles que cela était pratiquement impossible.

 

 

Deux raisons font que la nuit du 4 août, au lieu de sonner la fin de la mobilisation, marque une nouvelle étape dans la radicalisation du processus populaire révolutionnaire :

- Beaucoup de nobles ne voulurent pas accepter la décision de l’assemblée ;

- Les paysans refusèrent souvent d’acquitter les droits théoriquement supprimés mais toujours exigibles en droit ;

- Surtout, le roi n’accorda pas sa sanction aux décrets votés « Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient ; c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque. »

 


6) Que devinrent réellement les privilèges féodaux ?

Une partie du mouvement social prit pour argent comptant immédiat l’abolition des privilèges et le rapport de forces qu’elle symbolise. Des sections parisiennes se dirigent ainsi vers le château de Chantilly, propriété de la famille des princes de Condé, tous émigrés.

 

Du 4 août au début octobre, des paysans exterminèrent le gibier, ravagèrent les forêts, brûlèrent les bancs seigneuriaux dans les églises...

 

C’est seulement le 5 octobre que contraint, le roi donnera son accord aux décrets du 4 août votés par l’Assemblée. Alors disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces.

 

Les négociations sur l’indemnisation des privilèges abolis se poursuit dans un "âpre marchandage" (Michel Vovelle). Elles se concluent par la loi du 15 mars 1790 assez favorables aux "expropriés" qui n’ont même pas à apporter les preuves de leurs titres.

 

Il ne faut cependant pas sous-estimer l’importance historique de cette célèbre nuit du 4août :

Cette journée marque un nouvel approfondissement d la révolution française, créant le rapport de forces propice à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (votée le 26 août 1789).

 

Elle symbolise la fin du mode de production féodal comme type de société au plan politique, symbolique et judiciaire.

 

Elle pose les fondements :

- du caractère national de la loi, du droit , de la justice, de l’égalité formelle des citoyens devant celle-ci ;

- du caractère national de l’administration ouverte à tout citoyen ;

- de l’impôt proportionnel payé par tous ;

- d’une nation sans "privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants" dont la vie politique est organisée par une constitution ;

- d’un contrôle de l’Etat sur les dépenses de la famille royale ;

- d’une implication des instances politiques nationales dans les affaires du clergé et ses liens avec la papauté.

 

 

- Le décret du 11 août 1789 de l’Assemblée nationale avalise la majeure partie des décisions prises dans la nuit du 4 août et entérine donc la fin du régime féodal.

Sa lecture enseigne beaucoup sur l’état d’esprit des députés de l’époque.

 

Décret du 11 août 1789

- Art. 1er. L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et les devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; et tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont points supprimés par ce décret continueront néanmoins d’être perçus jusqu’au remboursement.

 

- Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

 

- Art. 3. Le droit exclusif de la chasse ou des garennes ou vertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire ou faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toute les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l’élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l’abolition des procédures existantes à cet égard.

 

- Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire.

 

- Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelques dénominations qu’elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous les gens de main-morte, même par l’ordre de Malte, et d’autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la dépense du culte divin, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l’entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l’Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu’elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l’Assemblée ; et jusqu’au règlement à faire à ce sujet, l’Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

 

- Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu’elles soient dues, gens de main-morte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l’Assemblée. Défense seront faites de plus à l’avenir de créer aucune redevance non remboursable.

 

- Art. 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d’exercer leurs fonctions et d’en percevoir les émoluments jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

 

- Art. 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d’être payés aussitôt qu’il aura été pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.

 

- Art. 9. les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d’effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l’année de l’imposition courante.

 

- Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

 

- Art. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissances, pourront être admis à tous les emplois et les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n’emportera dérogeance.

 

- Art. 12. À l’avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d’Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annales ou pour quelque cause que ce soit ; mais les diocésains s’adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

 

- Art. 13. Les déports, droits de cotte-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu’il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.

 

- Art. 14. La pluralité des bénéfices n’aura plus lieu à l’avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excèderont le somme de 3 000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l’on possède déjà excède la même somme de 3 000 livres.

 

- Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale de l’état des pensions, grâces et traitements, qu’elle s’occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l’avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet.

 

- Art. 16. L’Assemblée nationale décrète qu’en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d’être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu’il sera chanté en actions de grâces un "Te deum" dans toutes les paroisses et églises du royaume.

 

- Art. 17. L’Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.

 

- Art. 18. L’Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l’arrêté qu’elle vient de prendre, lui porter hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le "Te deum" soit chanté dans sa chapelle, et d’y assister elle-même. L’assemblée nationale s’occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu’elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. Les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.

 

Notes

[1La première manifestation de révolte contre l’autorité royale eut lieu à Vizille, près de Grenoble, pour la « journée des tuiles » du 7 juin 1788, qui voit ses habitants s’en prendre à coup de tuiles jetées des toits aux soldats du roi qui avaient reçu l’ordre de renvoyer sur leurs terres les parlementaires du Dauphiné remettant en cause les impôts.

[2La rente, ici dans le sens de rente foncière, s’apparente par beaucoup d’aspects à un loyer du sol.

L’abolition des privilèges : il paraît que c’était le 4 août 1789...
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31 juillet 2015 5 31 /07 /juillet /2015 08:30
Crise sans précédent du lambertisme : l’explosion du POI est en cours

Depuis plusieurs mois, une crise couvait dans le POI (Parti ouvrier indépendant, ex-PT). Elle vient d’éclater ces jours-ci avec une violence inouïe. Commencée plus précisément dans le CCI (Courant communiste internationaliste, section française de la « Quatrième internationale » lambertiste), qui est le courant fondateur et hégémonique du POI, auquel il fournit l’essentiel de ses dirigeant-e-s et cadres, elle gagne maintenant le POI lui-même.

Elle va avoir des répercussions importantes dans les syndicats, notamment dans FO, où les lambertistes occupent des fonctions d’encadrement et de direction, dans la Libre pensée et d’autres structures qu’ils/elles dirigent, ainsi que dans les organisations de la quarantaine de pays où ce courant existe.

Elle met aux prises deux camps, qui représentent à ce stade respectivement 2/3 et 1/3 des forces du CCI : c’est donc d’ores et déjà la crise la plus importante de l’histoire du lambertisme. Des bribes d’informations, des rumeurs et des documents des deux camps circulent désormais bien au-delà des rangs du POI. Avant que la presse bourgeoise ne saisisse en déformant les faits, il est indispensable de donner les éléments exacts et dûment vérifiés, car cela intéresse tout le mouvement ouvrier et tout particulièrement les anticapitalistes.

 

Sources :  Tendance CLAIRE le 9 juillet 2015 mis à jour le 27 septembre 2015

- Aux origines de la crise actuelle du lambertisme

S’il est certes peu connu sur le plan médiatique, s’il s’invisibilise lui-même en refusant le plus souvent de manifester avec les autres organisations et s’il est marqué par une politique de tendance républicaine et réformiste, le POI est un parti dont il serait gravement erroné de sous-estimer l’importance. Ce parti se réclame de la lutte des classes et de l’anticapitalisme, c’est une organisation importante de l’extrême gauche au sens large du terme, puisqu’il compte 4 à 5 000 adhérent-e-s, dont 2000 militant-e-s du CCI, et son journal est vendu à 8-10 000 exemplaires. Une grande partie de ses militant-e-s sont des cadres voire des dirigeant-e-s syndicaux, surtout à FO, mais aussi à la CGT et un peu à la FSU (animant la tendance URIS – 4% des voix au congrès fédéral). La force de ce courant s’est manifestée récemment dans la réunion du 6 juin, qui a rassemblé 900 militant-e-s, la plupart syndicalistes CGT et FO, une partie significative n’étant pas au POI.

 

Pierre Lambert, le principal fondateur de ce courant politique, qui le dirigeait d’une main de fer, est mort en 2008. Depuis – comme toujours dans ce genre d’organisations dirigées par un patriarche historique et autoritaire – des rivalités se sont aiguisées dans la direction. Le principal dirigeant, Daniel Gluckstein, promu par Lambert depuis les années 1980 et secrétaire national du PT, puis du POI, n’a pas réussi à faire l’unanimité, mais au contraire toutes les vieilles frustrations silencieuses qu’avaient suscitées sa promotion rapide (alors même qu’il ne venait pas du bercail de l’OCI des années 1970, mais de la LCR...) ont commencé à resurgir.

 

Mais c’est l’échec du POI, fondé en 2008 dans la foulée de la campagne de Gérard Schivardi, qui provoque la crise actuelle. Censé avoir été lancé avec près de 10 000 adhérent-e-s, le POI en a perdu près de la moitié. Quant au CCI, il est incapable de se développer, composé pour l’essentiel de cadres âgé-e-s, recruté-e-s dans les années 1970, pour la plupart à la retraite – les plus jeunes étant généralement des enfants ou petits-enfants de cette génération...

 

 

- Les deux orientations en présence

L’échec du POI a conduit la majorité du CCI (2/3 de la direction nationale) à expérimenter une autre politique, consistant à minorer la construction du POI lui-même au profit d’un regroupement mis en place pour gagner en priorité des syndicalistes, en s’appuyant sur les effets que la politique du PS ne manquent pas de produire chez les cadres de FO et de la CGT. Pour cette majorité du CCI, la classe ouvrière reste insensible aux principaux mots d’ordre politiques du POI et la principale résistance aux attaques du gouvernement passe par les cadres syndicaux. L’idée est donc de constituer un cadre plus large que le POI, organisée autour du journal Informations ouvrières (qui est pourtant officiellement le journal du POI...). Ainsi est-ce sous l’égide de ce journal et de cette orientation que s’est tenue la réunion de 900 syndicalistes le 6 juin, où la majorité du CCI a décidé que le POI ne s’exprimerait pas en tant que tel...

 

La minorité du CCI (1/3 de la direction nationale), emmenée par Daniel Gluckstein, ex-n° 1 du CCI et toujours secrétaire national du POI, accuse la majorité de vouloir liquider le POI et de renoncer à la construction du parti au profit d’une politique qui se réduit à l’adresse aux syndicalistes. Cette minorité estime que la priorité est de construire le POI comme parti pour résoudre le problème de la représentation politique de la classe ouvrière, donc en posant la question du pouvoir – ce qui se réduirait à ses yeux aux mots d’ordre de « rupture avec l’Union européenne » et d’« Assemblée constituante pour rétablir la démocratie dont le peuple définira lui-même la forme et le contenu ». En ce sens, la minorité est plus politique et « basiste », alors que la majorité assume davantage le parasyndicalisme tourné vers les appareils syndicaux, qui est l’une des principales marques de fabrique du lambertisme.

 

Cependant, sur le fond politique, il ne s’agit en fait — en tout cas à ce stade — que de nuances. La majorité ne met pas en cause l’orientation du POI et la minorité ne conteste pas l’importance majeure donnée à la construction chez les cadres syndicaux de FO et de la CGT – et surtout elle ne critique pas la confusion entretenue depuis des décennies par le lambertisme entre les syndicats, leur appareil et leur direction, confusion qui a permis de justifier l’alliance stratégique nouée avec des appareils syndicaux, à commencer par celui de FO en France Ainsi les résolutions de la direction nationale du CCI comme du Conseil national et du Bureau national du POI étaient-elles encore votées à l’unanimité ces derniers mois. Un timide amendement de Daniel Gluckstein n’est apparu pour la première fois dans la DN du CCI qu’en avril, sans que son rejet empêche le vote unanime de la résolution finale... Ces nuances, qui commençaient à s’exprimer à l’oral depuis moins d’un an, ont commencé à s’exprimer davantage avec la crise de la CGT, la préparation de la journée d’action du 9 avril et la préparation de la réunion autour d’Informations ouvrières du 6 juin.

 

 

- L’absence de démocratie empêche la discussion de se développer sur le terrain politique

Dans une organisation démocratique, ces nuances auraient été développées, discutées tranquillement, car il est tout à fait normal de débattre régulièrement de la façon de construire son parti, surtout dans une situation difficile comme celle que nous connaissons, marquée par la violence des attaques du gouvernement et la crise du mouvement ouvrier. Mais le lambertisme est un courant politique qui, s’il réclame sans cesse la « démocratie » dans sa presse (au nom de la « République une et indivisible » !), se caractérise surtout par l’absence de toute culture démocratique en interne. Depuis des décennies, toutes les divergences se sont réglées par la violence bureaucratique, des exclusions régulières, des calomnies ignobles, l’humiliation des individus... Depuis une tendance éphémère en 1989, bien vite disparue, il n’y a pas eu de tendances dans le CCI, alors que les statuts les autorisent, car les membres qui voulaient en constituer une ou qui commençaient à exprimer des divergences qui auraient pu y conduire, ont été soigneusement isolé-e-s et exclu-e-s. De plus, la majorité des dirigeants sont de vieux permanents (une quarantaine en tout, par ailleurs essentiellement des hommes bien virilistes), recrutés dans les années 1970, qui ont largement dépassé l’âge de la retraite sans avoir jamais connu le monde du travail, sont inamovibles à leurs postes depuis 40 ans, largement coupés du monde réel auquel ils/elles n’ont accès que par des cadres syndicaux et les militant-e-s du POI, pénétrés d’habitudes bureaucratiques.

 

Parmi les dernières exclusions collectives, cette direction décida par exemple celle de la poignée de militant-e-s qui fondèrent ensuite le Groupe CRI en 2002, et qui virent d’abord refuser leurs demandes de tendance dans le CCI puis dans le PT, avant d’être exclu-e-s sur la base de calomnies, accusé-e-s notamment d’être en lien avec la préfecture de police ! Bien plus importante fut la décision prise par le secrétariat international de la QI lambertiste d’exclure la majorité de la section brésilienne (l’une des plus importantes) à la veille de son congrès où s’annonçait un changement de majorité (avec notamment une descente de la minorité et d’une délégation du secrétariat international au local national de l’organisation pour s’en emparer, changer les serrures et garder le journal...). De même encore, la direction nationale du CCI (même pas du PT !) n’avait pas hésité en 2005 à exclure les 2/3 de la fédération du PT de l’Yonne au seul prétexte qu’ils/elles avaient voté... contre l’exclusion de leur secrétaire fédéral (après avoir pourtant été d’accord avec la direction pour condamner à l’unanimité sa critique jugée scandaleuse d’une bureaucrate lambertiste de FO...). La liste des exclusions serait trop longue. Mais, dans tous les cas, incapable de justifier sur le fond politique des mesures aussi brutales, car cela aurait supposé une discussion démocratique, la direction a eu recours au mensonge et à la calomnie, tout en faisant bloc...

 

 

- Mais d’où viennent ces méthodes anti-démocratiques ?

Il n’est dès lors par étonnant que ce soient ces mêmes « méthodes », devenus si habituelles depuis des décennies, qui sont mises en œuvre dans la crise actuelle du CCI et du POI. Au cours de ces dix derniers jours, en effet, la majorité de la direction nationale du CCI a décidé de « suspendre » un tiers de ses membres, refusé leur demande de tendance pourtant conforme aux statuts, reporté le congrès du CCI prévu à l’automne, fait approuver sa décision par une « commission de contrôle » qui n’a même pas entendu la minorité, fait changer les serrures des locaux pour empêcher les minoritaires d’y accéder librement, et elle multiplie les pressions sur les militant-e-s pour qu’ils/elles se désolidarisent immédiatement de la minorité !

 

Bien sûr, elle n’oublie pas de faire circuler « discrètement » un texte de calomnies contre Daniel Gluckstein, qui fut pourtant son leader incontesté promu par Lambert depuis les années 1980 et qui est accusé maintenant d’avoir entretenu un réseau clandestin pour prendre et garder le pouvoir et « attendu son heure pendant 35 ans » pour fomenter la dislocation de l’organisation, etc.

 

La minorité a beau jeu de dénoncer ces méthodes intolérables... mais ce sont exactement les mêmes que celles qu’elle avait elle-même mises en œuvre pendant tant d’années, notamment dans tous les cas cités précédemment, où les exclusions, les descentes pour changer les serrures, les mensonges et les calomnies étaient fomentées par Daniel Gluckstein et ses proches qui en sont aujourd’hui victimes... De telles méthodes ne tombent pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein : on ne peut séparer l’orientation politique et les méthodes utilisées à l’intérieur du parti comme dans le mouvement ouvrier en général.

 

Mais l’ampleur de la crise actuelle n’a rien à voir avec un quelconque épisode précédent dans l’histoire du lambertisme. Même l’exclusion en 1984 de Stéphane Just, le n° 2 de l’OCI, qui semble l’épisode le plus comparable, avait frappé « seulement » 150 militant-e-s qui le soutenaient sur 4000 – alors que la minorité actuelle revendique 677 signatures pour sa déclaration de tendance sur 2000 membres du CCI et souligne la participation d’une trentaine de « vétérans » (militant-e-s avant 1968). En outre, il semble que la majorité des jeunes comme la majorité de la fédération 93 (la plus nombreuse du POI) soient avec la minorité nationale. La minorité revendique aussi le soutien d’une partie importante d’autres sections de la QI lambertiste ou de leurs dirigeant-e-s. Enfin, Daniel Gluckstein a le soutien des deux autres secrétaires nationaux du POI, Jean Markun et Gérard Schivardi, qui ne sont pas membres du CCI et appellent la direction de ce courant à régler ses problèmes en interne au lieu de les transporter dans le POI et de calomnier Daniel Gluckstein. De fait, la scission du POI lui-même a commencé : le « Bureau national » du 4 juillet aurait mandaté un « secrétariat permanent du POI » qui fait désormais ses propres communiqués, alors que les « trois secrétaires nationaux du POI » continuent à publier les leurs...

 

Pour en savoir plus :

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30 juillet 2015 4 30 /07 /juillet /2015 08:40
Europe : prendre la mesure du tournant historique !

La tentative de Syriza pour imposer une alternative aux institutions européennes a connu une issue sinistre. Mais elle peut être un commencement, à condition de durcir le rapport de forces, et de préparer l’affrontement – mais aussi un plan B en cas d’impasse.

 

Sources :  Regards.fr par Clémentine Autain le 17 juillet 2015

 

L’histoire a mal tourné, mais elle s’est remise en marche. Pour la première fois, un gouvernement, celui d’Alexis Tsipras, a porté le fer contre la Troïka qui entend imposer une voie politique unique. Avec Syriza, les Grecs se sont opposés aux choix libéraux, austères, non démocratiques exigés pour tous les peuples de l’Union. Seuls, puisqu’aucun autre pays n’est gouverné par une gauche digne de ce nom et que les solidarités européennes furent bien pâles ces dernières semaines, ils ont fait une démonstration politique.

 

Est-il possible de mener une autre politique que celle choisie par l’Eurogroupe pour un pays de la zone euro ? La réponse, cinglante, se veut sans appel : c’est non. Quiconque s’y essaie est promis en prime à l’humiliation politique.

 

 

- Une logique dans le marbre des traités

Le gouvernement de Tsipras a permis de révéler aux yeux de tous la férocité, le cynisme et la détermination d’un Eurogroupe préférant la concurrence entre les peuples à leur coopération solidaire, le dogmatisme à la démocratie, l’intérêt de la caste dirigeante à celui des catégories populaires. Que leur politique ne marche pas et massacre la vie des populations ne les fait aucunement sourciller. Que de nombreux économistes, y compris des prix Nobel, et pas seulement des hétérodoxes, rappellent jour après jour l’inanité de leur choix ne les trouble pas.

 

Or, l’austérité produit la récession économique, creuse les inégalités et ne règle même pas le problème, la résorption de la dette, au nom duquel elle est imposée puisque partout les déficits augmentent. Que la réduction des dépenses publiques et les ajustements structurels permettent au capital de s’enrichir – et certainement pas à l’économie d’améliorer les conditions de vie du grand nombre – leur va bien. Leur main ne tremble pas : elle assume la saignée. Et si le peuple grec affirme et réaffirme par referendum son refus, qu’à cela ne tienne, la sanction sera plus sévère encore.

 

Cette logique est malheureusement inscrite dans le marbre des traités. Le fonctionnement institutionnel de l’Union européenne permet à l’Allemagne, et plus généralement aux pays qui dominent économiquement, d’affirmer leur puissance – autrement dit, d’écraser les autres. La France a participé activement à la construction de cet édifice, au mépris du peuple qui, consulté, avait notamment refusé le Traité constitutionnel européen en 2005. Nicolas Sarkozy s’est assis sur ce vote, François Hollande n’a rien renégocié. Aujourd’hui, le gouvernement français prétend aider les Grecs mais ne veut pas remettre en cause son entente avec l'Allemagne.

 

 

- Syriza, le prix de la soumission

C’est ainsi qu’après des semaines et des semaines de négociation, la Grèce s’est retrouvée financièrement asphyxiée et priée de se soumettre. C’est bien le pistolet sur la tempe que Tsipras a signé cet "accord" auquel il ne croit pas. Et pour cause : les plans d’austérité ont conduit la Grèce dans la situation de drame humanitaire que l’on connaît. Un neuvième plan est de nature à plonger un peu plus le pays dans la récession et le chaos. Les demandes concernant la dette – audit, rééchelonnement, effacement d’une partie – sont remisées aux calendes grecques. Alexis Tsipras a voulu tenir les deux bouts : rester dans la zone euro et mener une politique alternative. C’est la ligne politique sur laquelle il a été élu. La réponse de l’Eurogroupe ? N’y pensez pas !

 

La question de savoir s’il eut été possible de refuser cet accord appartient d’abord aux Grecs. Vu de France, et du haut de nos 10% pour la gauche radicale, il serait bien prétentieux de faire la leçon. Alexis Tsipras a pris la décision qui lui semblait, à ce stade, la moins dangereuse pour le peuple grec. Force est néanmoins de constater que ce n’est pas seulement la plate-forme de gauche de Syriza qui conteste la signature de l’accord, mais également trente-huit députés de la majorité qui n’ont pas voté pour à la Vouli, parmi lesquels Yanis Varoufakis et Zoe Konstantopoulou (lire "Alexis Stripras éconduit vers le Grexit").

 

Alexis Tsipras répond qu’une sortie de la zone euro à froid, sans préparation, eut conduit le pays au désastre. Les premiers lui rétorquent que le désastre est assuré avec l’accord, et que le prix de la soumission sera plus grand encore. Alexis Tsipras, ovationné après son discours à la Vouli, y compris sur les bancs des députés de Syriza qui ont voté contre l’accord, rétorque qu’il n’est pour autant pas question de lâcher, qu’il s’agit de continuer à se battre pour les classes populaires, de ne pas faire de Syriza une parenthèse de gauche en Europe. L’histoire n’est donc pas finie. L’éclatement de Syriza, que l’on peut redouter, n’est nullement une fatalité. Elle ferait si plaisir à la Troïka…

 

 

- La nécessité d’un affrontement politique et social

Ne présageons pas de la suite des événements en Grèce. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’une question va désormais s’imposer à tous les courants sociaux, intellectuels et politiques européens de la gauche critique : si un pays bascule du côté de l’alternative sociale et écologiste, comment pourra-t-il mener sa politique s’il reste dans la zone euro ? Autrement dit, si la séquence grecque que nous venons de vivre est un tournant historique, nous ne pouvons continuer comme avant en développant les mêmes argumentations stratégiques. Nous sommes devant un os, qui se voit.

 

Pour commencer, nous avons le devoir de muscler le rapport de forces. Le gouvernement de Syriza semble lui-même avoir été abasourdi par l’entêtement haineux de l’Allemagne et de ses alliés. Le passage à une autre logique sociale et économique ne peut se dérouler dans un cadre tranquille et policé. C’est bien un affrontement social et politique de très haut niveau qui est nécessaire pour faire bouger les lignes. La recherche patiente et déterminée d’un compromis, appuyée sur un soutien populaire massif, s’est heurtée à la violence inouïe des adversaires de Syriza. Cela indique à quel point les forces opposées à l’austérité doivent être soudées. Plus nous sommes atomisés, plus nous sommes fragiles. Or, le risque, nous le voyons bien, c’est que l’expérience de Syriza débouche sur des conclusions contradictoires entre nous, et donc de l’éclatement.

 

Notre responsabilité historique, c’est d’ouvrir le débat avec franchise et humilité, sans invectives inutiles et autres procès en trahison, dans un état d’esprit de rassemblement et de conquête. Nous avons aussi à renforcer les liens et les discussions entre courants critiques de différents pays européens. Cette lisibilité commune, cette coordination nécessaire, est l’une des conditions de notre élargissement et de notre capacité à gagner.

 

 

- Préparer les consciences à un plan "B"

Le piège d’un affrontement entre nations doit être évité. Ceux qui peuvent tirer les marrons du feu de cette séquence sont ceux qui proposent un repli nationaliste, xénophobe. Ce projet mortifère est le contraire du nôtre. Notre objectif n’est certainement pas d’opposer les États, les peuples, entre eux mais d’opposer l’intérêt des peuples à celui de la finance, la démocratie à l’oligarchie qui gouverne. D’ailleurs, si l’Allemagne est à juste titre montrée du doigt aujourd’hui, il est important de rappeler dans le même temps combien sa prédominance est rendue possible par les traités et par le fait que les autres pays l’acceptent, à commencer par la France.

 

Cet horizon européen ne signifie pas qu’il faudrait attendre que la majorité des pays de l’Union se soient convertis à l’alternative pour mener une politique de gauche dans un pays. C’est bien parce qu’un pays puis un autre aura réussi à démontrer la possibilité de faire autrement que nous deviendrons crédibles. La perspective commune de transformation de l’Europe ne peut aboutir que si les équations nationales fonctionnent progressivement les unes après les autres, qu’elles font sens commun, à l’intérieur de l’Europe mais aussi à l’échelle internationale.

 

La discussion stratégique qui doit s’ouvrir porte sur les moyens de tenir tête à l’Eurogroupe, de résister à son chantage. Peut-on gagner un rapport de forces sans imaginer, préparer, concevoir comment nous ferions si nous le perdions ? C’est parfois possible, mais à l’évidence difficile quand l’adversaire est à ce point belliqueux et économiquement puissant, quand nos forces sont encore trop faibles à l’échelle européenne. Nous voudrions pouvoir mener une autre politique tout en restant dans la zone euro. Mais si cela s’avère impossible, si un compromis acceptable n’est pas à portée de main, il est indispensable de réfléchir aux voies qui permettent de ne pas mener nos pays dans le mur et de faire prospérer l’espoir, ce qui suppose de rendre crédible une autre politique ici et maintenant. Et si cette voie passe par une monnaie complémentaire, un contrôle de capitaux, une non application des injonctions de Bruxelles, ou d’autres mesures de protection économique face au coup d’Etat financier qui menace, alors il faut s’y préparer.

 

Le débat doit être ouvert, sans tabous, sans figer par avance les positions des uns et des autres. Notre pensée et nos propositions doivent être en mouvement. Notons par ailleurs que rester dans la zone euro et rester dans l’Union européenne sont deux choses distinctes, comme le montre l’Angleterre depuis longtemps. Enfin, ayons à l’esprit un élément fondamental : cette préparation à une sorte de plan B ne peut se faire que si les consciences y sont préparées, que si ce travail est précisément et sérieusement mené collectivement, que si le peuple est prêt à un tel scénario, à une telle confrontation. L’expérience politique de Syriza amène les consciences, celle des Grecs mais aussi les nôtres, à bouger. Il le faut.

 

Pour en savoir plus :

- Eric Toussaint : « La BCE a déstabilisé l’économie pour soumettre la Grèce aux exigences des créanciers »

- "L’échec de Syriza, c’est l’échec de l'idée d'une réforme de l'UE de l'intérieur"

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28 juillet 2015 2 28 /07 /juillet /2015 08:20
Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles

Le 5 juillet 2015, à l’issue du référendum initié par le gouvernement d’Alexis Tsipras et le parlement hellène, le peuple grec a rejeté massivement la poursuite de l’austérité que voulaient lui imposer les institutions qui auparavant agissaient sous le nom de Troïka. C’est une splendide victoire de la démocratie.

 

Sources :  Le Grand Soir par Eric Toussaint[1] le 13 juillet 2015

Pourtant, s’il est mis en pratique, l'accord intervenu le lundi 13 juillet 2015 au matin, signifiera la poursuite de l’austérité dans le cadre d’un nouvel accord pluriannuel.

 

 

- Cet accord est en totale contradiction avec le résultat du référendum.

Cette proposition inclut l’abandon d’une série très importante d’engagements pris par Syriza lors de la campagne électorale qui lui ont permis d’obtenir une victoire d’une portée historique le 25 janvier 2015. Syriza a engagé sa responsabilité devant le peuple grec et il serait tragique qu’elle ne la respecte pas, d’autant que le peuple lui a apporté un appui très clair tant le 25 janvier que le 5 juillet 2015.

 

Les concessions faites aux créanciers par le gouvernement grec portent sur les retraites, avec une nouvelle diminution de leur montant (alors que Syriza s’était engagé à rétablir le 13e mois pour les retraites inférieures à 700 euros par mois) et un allongement de l’âge de départ, les salaires qui resteront comprimés, les relations de travail qui seront encore plus précarisées, l’augmentation des impôts indirects y compris ceux supportés par les bas revenus, la poursuite et l’accélération des privatisations, l’accumulation de nouvelles dettes illégitimes afin de rembourser les précédentes, le transfert des actifs grecs de valeur dans un fonds indépendant, la poursuite de l’abandon d’éléments importants du droit à l’autodétermination, la limitation du pouvoir législatif au profit de celui des créanciers...

 

Contrairement à ceux qui affirment qu’en échange de ces concessions néfastes, la Grèce obtiendra trois ans de répit et pourra relancer de manière importante l’activité économique, la réalité montrera qu’avec le maintien de la compression de la demande des ménages et de la dépense publique, il sera impossible de dégager l’excédent budgétaire primaire annoncé dans le plan.

 

Les conséquences néfastes sont inéluctables : dans quelques mois ou au début de l’année prochaine au plus tard, les créanciers attaqueront les autorités grecques pour non-respect de leurs engagements en termes d’excédent budgétaire primaire et avanceront de nouvelles exigences. Il n’y aura pas de répit pour le peuple et pour le gouvernement grecs. Les créanciers menaceront de ne pas débourser les sommes prévues si de nouvelles mesures d’austérité ne sont pas adoptées. Les autorités grecques seront prises dans l’engrenage des concessions[2].

 

La Commission pour la Vérité sur la Dette publique instituée par la présidente du Parlement grec a établi dans son rapport préliminaire rendu public les 17 et 18 juin 2015 que la dette réclamée par les actuels créanciers doit être considérée comme illégitime, illégale et odieuse. La Commission a également démontré que son remboursement est insoutenable. Sur la base d’arguments fondés sur le droit international et le droit interne, le gouvernement grec peut suspendre de manière souveraine le paiement de la dette afin que l’audit des dettes soit conduit à son terme. Une telle suspension de paiement est tout à fait possible. Depuis février 2015, la Grèce a remboursé 7 milliards d’euros aux créanciers sans que ceux-ci versent les 7,2 milliards qui devaient l’être dans le cadre du programme qui a pris fin au 30 juin 2015. D’autres sommes auraient dû être versées à la Grèce et ne l’ont pas été : les intérêts perçus par la BCE sur les titres grecs, le solde prévu pour la recapitalisation des banques, etc. Si la Grèce suspend le paiement de la dette à l’égard des créanciers internationaux, elle économisera près de 12 milliards d’euros qu’elle est supposée leur rembourser d’ici la fin de l’année 2015[3]. En suspendant le paiement de la dette, les autorités grecques amèneraient les créanciers à faire des concessions. Une réduction radicale du montant de la dette pourrait en découler soit par la voie de la négociation, soit par celle de la répudiation.

 

 

- Il est possible de rester dans la zone euro tout en prenant de manière souveraine une série de mesures d’autodéfense et de relance de l’économie.

Chacun a pu faire le constat qu’il est impossible de convaincre par la simple discussion la Commission européenne, le FMI, la BCE et les gouvernements néolibéraux au pouvoir dans les autres pays européens de prendre des mesures qui respectent les droits des citoyens grecs ainsi que ceux des peuples en général. Le référendum du 5 juillet qu’ils ont combattu ne les a pas convaincus. Au contraire, bafouant les droits démocratiques fondamentaux, ils ont radicalisé leurs exigences. Sans prendre des mesures souveraines fortes d’autodéfense, les autorités et le peuple grecs ne pourront pas mettre fin à la violation des droits humains perpétrés à la demande des créanciers. Toute une série de mesures devraient être prises à l’échelle européenne pour rétablir la justice sociale et une authentique démocratie. Techniquement, il n’est pas compliqué de les prendre mais il faut bien constater que dans le contexte politique et avec les rapports de force qui prévalent dans l’Union européenne, les pays avec un gouvernement progressiste ne peuvent pas espérer être entendus ni soutenus par la Commission européenne, la BCE, le Mécanisme européen de stabilité.

 

Au contraire, tant ces institutions que le FMI et les gouvernements néolibéraux en place dans les autres pays combattent activement l’expérience en cours en Grèce afin de démontrer à tous les peuples d’Europe qu’il n’y a pas d’alternatives au modèle néolibéral. En revanche, par des mesures fortes, les autorités grecques peuvent leur arracher de véritables concessions ou simplement les obliger à prendre acte des décisions prises. Il est fondamental également de fonder une stratégie alternative en suscitant des mobilisations populaires massives en Grèce et dans les autres pays d’Europe. Les autorités grecques pourraient s’appuyer dessus pour empêcher les tentatives d’isolement que ne manqueront pas d’organiser toutes les forces opposées aux changements en faveur de la justice sociale. En retour, une telle démarche du gouvernement grec renforcerait les mobilisations populaires et la confiance en leurs propres forces des citoyens mobilisés.

 

 

- A côté de la suspension du paiement de la dette illégitime, illégale, odieuse et insoutenable, voici quelques propositions à soumettre d’urgence au débat démocratique car elles sont de nature à aider la Grèce à se relever.

  • 1 - Les pouvoirs publics grecs constituent de loin l’actionnaire majoritaire des grandes banques grecques (représentant plus de 80% du marché bancaire grec) et devraient donc exercer pleinement le contrôle des banques afin de protéger l’épargne des citoyens et relancer le crédit interne pour soutenir la consommation. D’une part, il conviendrait de tirer les conséquences de la participation majoritaire de l’Etat dans les banques en leur conférant un statut d’entreprise publique. L’Etat devrait organiser une faillite ordonnée de ces banques en veillant à protéger les petits actionnaires et les épargnants. Il s’agit de récupérer le coût de l’assainissement des banques sur le patrimoine global des gros actionnaires privés car ce sont eux qui ont provoqué la crise et ont ensuite abusé du soutien public. Une bad bank serait créée pour isoler les actifs toxiques en vue d’une gestion extinctive. Il faut une fois pour toutes faire payer les responsables de la crise bancaire, assainir en profondeur le secteur financier et le mettre au service de la population et de l’économie réelle.

 

  • 2 - Les autorités grecques doivent réquisitionner la banque centrale. A sa tête se trouve aujourd’hui Yannis Stournaras (placé à ce poste par le gouvernement d’Antonis Samaras) qui met toute son énergie à empêcher le changement voulu par la population. C’est un véritable cheval de Troie qui sert les intérêts des grandes banques privées et des autorités européennes néolibérales. La banque centrale de Grèce doit être mise au service des intérêts de la population grecque.

 

  • 3 - Les autorités grecques ont également la possibilité de créer une monnaie électronique (libellée en euro) à usage interne au pays. Les pouvoirs publics pourraient augmenter les retraites ainsi que les salaires de la fonction publique, payer les aides humanitaires aux personnes en leur ouvrant un crédit en monnaie électronique qui pourrait être utilisé pour de multiples paiements : facture d’électricité, d’eau, paiement des transports en commun, paiement des impôts, achats d’aliments et de biens de première nécessité dans les commerces, etc. Contrairement à un préjugé infondé, même les commerces privés auraient tout intérêt à accepter volontairement ce moyen de paiement électronique car cela leur permettra à la fois d’écouler leurs marchandises et de régler des paiements à l’égard des administrations publiques (paiement des impôts et de différents services publics qu’ils utilisent). La création de cette monnaie électronique complémentaire permettrait de diminuer les besoins du pays en euros. Les transactions dans cette monnaie électronique pourraient être réalisées par les téléphones portables comme c’est le cas aujourd’hui en Equateur.

 

  • Le gouvernement pourrait également émettre de titres publics en papier sous formes de IOU’s (I Owe You), équivalents à des billets d’euro : 10 euros, 20 euros,... pour faire face à la pénurie de billets en circulation. Ils présentent un avantage par rapport à la drachme car ils laissent la porte ouverte à la négociation et permettent à la Grèce de rester formellement dans la zone euro.

 

  • 4 - Le contrôle sur les mouvements de capitaux doit être maintenu de même que doit être mis en place un contrôle des prix à la consommation.

 

  • 5 - L’organisme chargé des privatisations doit être dissous et doit être remplacé par une structure publique de gestion des biens nationaux (avec arrêt immédiat des privatisations) chargée de protéger le patrimoine public tout en générant des revenus.

 

  • 6 - De nouvelles mesures doivent être adoptées dans un souci de justice fiscale en vue de renforcer très nettement celles déjà prises, notamment en décidant de taxer très fortement les 10 % les plus riches (et en particulier le 1% le plus riche) tant sur leurs revenus que sur leur patrimoine. De même, il convient d’augmenter fortement l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises privées et de mettre fin à l’exemption fiscale des armateurs. Il faut aussi taxer plus fortement l’Eglise orthodoxe qui n’a versé que quelques millions d’euros d’impôts en 2014.

 

  • 7 - Une réduction radicale des impôts sur les bas revenus et les petits patrimoines doit être décidée, ce qui bénéficierait à la majorité de la population. Les taxes sur les produits et services de première nécessité doivent baisser radicalement. Une série de services de première nécessité doivent être gratuits (électricité et eau limitées à une certaine consommation, transports publics, etc.). Ces mesures de justice sociale relanceront la consommation.

 

  • 8 - La lutte contre la fraude fiscale doit être intensifiée avec la mise en place de mesures très dissuasives contre la grande fraude fiscale. Des sommes importantes peuvent être récupérées.

 

  • 9 - Un vaste plan public de création d’emplois doit être mis en œuvre pour reconstruire des services publics dévastés par des années d’austérité (par exemple, en matière de santé et d’éducation) et pour poser les premiers jalons de la nécessaire transition écologique.

 

  • 10 - Ce soutien au secteur public doit être accompagné de mesures visant à apporter un soutien actif à la petite initiative privée qui joue un rôle essentiel aujourd’hui en Grèce à travers les micro-entreprises.

 

  • 11 - Réaliser une politique d’emprunt public interne via l’émission de titres de la dette publique à l’intérieur des frontières nationales. En effet, l’État doit pouvoir emprunter afin d’améliorer les conditions de vie des populations, par exemple en réalisant des travaux d’utilité publique. Certains de ces travaux peuvent être financés par le budget courant grâce à des choix politiques affirmés, mais des emprunts publics peuvent en rendre possibles d’autres de plus grande envergure, par exemple pour passer du « tout automobile » à un développement massif des transports collectifs, développer le recours aux énergies renouvelables respectueuses de l’environnement, créer ou rouvrir des voies ferrées de proximité sur tout le territoire en commençant par le territoire urbain et semi-urbain, ou encore rénover, réhabiliter ou construire des bâtiments publics et des logements sociaux en réduisant leur consommation d’énergie et en leur adjoignant des commodités de qualité. Il s’agit aussi de financer le vaste plan de création d’emplois proposé plus haut.

 

 

- Il faut définir de toute urgence une politique transparente d’emprunt public.

La proposition que nous avançons est la suivante :

  • 1 - la destination de l’emprunt public doit garantir une amélioration des conditions de vie, rompant avec la logique de destruction environnementale ;

 

  • 2 - le recours à l’emprunt public doit contribuer à une volonté redistributive afin de réduire les inégalités. C’est pourquoi nous proposons que les institutions financières, les grandes entreprises privées et les ménages riches soient contraints par voie légale d’acheter, pour un montant proportionnel à leur patrimoine et à leurs revenus, des obligations d’État à 0 % d’intérêt et non indexées sur l’inflation, le reste de la population pourra acquérir de manière volontaire des obligations publiques qui garantiront un rendement réel positif (par exemple, 3%) supérieur à l’inflation. Ainsi si l’inflation annuelle s’élève à 2%, le taux d’intérêt effectivement payé par l’Etat pour l’année correspondante sera de 5%. Une telle mesure de discrimination positive (comparable à celles adoptées pour lutter contre l’oppression raciale aux États-Unis, les castes en Inde ou les inégalités hommes-femmes) permettra d’avancer vers davantage de justice fiscale et vers une répartition moins inégalitaire des richesses.


Enfin, les autorités grecques doivent veiller à la poursuite du travail de la commission d’audit et des autres commissions qui travaillent sur les mémorandums et les dommages de guerre.

 

 

- D’autres mesures complémentaires, discutées et décidées d’urgence démocratiquement, sont bien sûr susceptibles de venir compléter ce premier dispositif d’urgence

Elles peuvent être résumé avec les cinq piliers suivants :

  • la prise de contrôle par l’Etat des banques et d’une partie de la création monétaire,
  • la lutte contre la fraude fiscale et la mise en place d’une réforme fiscale juste apportant à l’Etat les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de sa politique,
  • la protection du patrimoine public et sa mise au service de l’ensemble de la collectivité,
  • la réhabilitation et le développement des services publics,
  • le soutien à une initiative privée de proximité.

 

 

- Il est également important d’engager la Grèce dans un processus constituant avec participation citoyenne active afin de permettre des changements démocratiques structurels.

Pour réaliser ce processus constituant, il faut convoquer, via une consultation au suffrage universel, l’élection d’une assemblée constituante chargée d’élaborer un projet de nouvelle Constitution. Une fois le projet adopté par l’assemblée constituante qui devra fonctionner en recevant les cahiers de doléances et les propositions émanant du peuple, il sera soumis au suffrage universel.

 

En cas d’exclusion de la zone euro provoquée par les créanciers ou en cas de sortie volontaire de la zone euro, les mesures indiquées plus haut sont également adaptées, en particulier la socialisation des banques à l’instar de la nationalisation du système bancaire mis en France à la Libération. Ces mesures devraient être combinées avec une importante réforme monétaire redistributive pouvant s’inspirer de la réforme monétaire réalisée après la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement belge. Cette réforme vise à opérer une ponction notamment sur les revenus de ceux qui se sont enrichis sur le dos des autres. Le principe est simple : il s’agit, lors d’un changement de monnaie, de ne garantir la parité automatique entre l’ancienne et la nouvelle monnaie (un ancien euro contre une nouvelle drachme par exemple) que jusqu’à un certain plafond.

 

Au-dessus de ce plafond, la somme excédentaire doit être placée sur un compte bloqué, et son origine justifiée et authentifiée. En principe, ce qui excède le plafond fixé est changé à un taux moins favorable (par exemple, deux anciens euros contre une nouvelle drachme) ; en cas d’origine délictueuse avérée, la somme peut être saisie. Une telle réforme monétaire permet de répartir une partie de la richesse de manière plus juste socialement. Un autre objectif de la réforme est de diminuer la masse monétaire en circulation de manière à lutter contre des tendances inflationnistes. Pour qu’elle soit efficace, il faut avoir établi un contrôle strict sur les mouvements de capitaux et sur les changes.

 

Voici un exemple (bien sûr, les barèmes indiqués peuvent être modifiés après étude de la répartition de l’épargne liquide des ménages et adoption de critères rigoureux) :

. 1€ s’échangerait contre 1 nouvelle Drachme (n.D.) jusque 200.000 euros
. 1€ = 0,7 n.D. entre 200.000 et 500.000 euros
. 1€ = 0,4 n.D. entre 500.000 et 1 million d’euros
. 1€ = 0,2 n.D. au dessus de 1 million d’euros

. Si un foyer a 200.000 euros en liquide, il obtient en échange 200.000 n.D.
. S’il a 400.000 euros, il obtient 200.000 + 140.000 = 340.000 n.D.
. S’il a 800.000 euros, il obtient 200.000 + 210.000 + 120.000 = 530.000 n.D.
. S’il a 2 millions d’euros, il obtient 200.000 + 210.000 + 200.000 + 200.000 = 810.000 n.D.

 

Une vraie logique alternative peut être enclenchée. Et la Grèce peut enfin cesser d’être sous la coupe de ses créanciers. Les peuples d’Europe pourraient retrouver l’espoir dans le changement en faveur de la justice.

 

Notes

[1] Eric Toussaint est maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du Conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège Dernier livre : Bancocratie ADEN, Brussels, 2014. Il est coordonnateur de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.
[2] L’auteur remercie Stavros Tombazos, Daniel Munevar, Patrick Saurin, Michel Husson et Damien Millet pour leurs conseils dans la rédaction de ce document. L’auteur porte néanmoins l’entière responsabilité du contenu de ce texte.

[3] 6,64 milliards d’euros et 5,25 milliards d’euros doivent être respectivement payés à la BCE et au FMI d’ici le 31 décembre 2015. Source : Wall Street Journal, http://graphics.wsj.com/greece-debt-timeline/ consulté le 12 juillet 2015.

 

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- « La BCE a déstabilisé l’économie pour soumettre la Grèce aux exigences des créanciers »

- James Galbraith "Ce n'est pas un accord, c'est un viol"

- Grèce : les conséquences de la capitulation

- Europe : un accord trois fois perdant

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23 juillet 2015 4 23 /07 /juillet /2015 08:19
Cette Europe qui écœure
Sources : le parti de Gauche par Henri Peña-Ruiz[1]
 

Victor Hugo se retourne dans sa tombe. C’est lui qui inventa la belle expression « Etats-Unis d’Europe ». Quel était son rêve ? Celui de la paix bien sûr. Et même de la concorde. L’union des cœurs, et pas seulement l’armistice. Mais comment fonder cette union des cœurs ? Sur une paix durable d’abord, impliquant des traités internationaux équitables, attentifs à faire payer les fauteurs de guerre, à garantir la souveraineté de chaque peuple sans aliéner son pouvoir propre de décision. Et à fonder les rapports entre nations par le respect principiel de ces nations elles-mêmes. Sur le sens du bien commun et de la justice sociale ensuite, seuls ciments solides du lien social. Le respect des nations n’a rien à voir avec celui des particularismes oppressifs, des religions dominatrices, des nationalismes exclusifs, qui génèrent le rejet de l’autre. Faut-il rappeler que la Révolution Française a redéfini la nation par la communauté de droit que fonde la souveraineté populaire (cf Ernest Renan : Qu’est-ce qu’une nation ?). Nulle contradiction donc entre le respect des nations et l’internationalisme. Les principes de droit prenant la place des particularismes sans les nier sont en effet universalisables.

 

Il faut donc concilier les souverainetés nationales. Seul peut le faire leur intérêt commun. Et celui-ci ne peut aller contre les peuples. La « concurrence libre et non faussée » conduit à noyer l’intérêt commun dans une vision financière qui externalise les coûts écologiques, humains et sociaux. Le néolibéralisme triomphe aujourd’hui et creuse les inégalités au sein des peuples. Jean Monnet, lié aux milieux d’affaires et peu soucieux des droits sociaux, peut être satisfait. La souveraineté des peuples a été laminée au profit d’experts partisans qui instrumentalisent l’idéal européen pour le mettre au service du capitalisme mondialisé. Les peuples doivent désormais subir une politique antisociale qui se travestit en loi d’airain. L’Europe rêvée par Hugo était celle du mieux-disant social, non du moindre coût du travail et du coût maximal du capital. Une Europe de la culture et non de la course débridée au profit, « qui produit la richesse en créant la misère » (Hugo dans Melancholia). Une Europe de la solidarité redistributive, de la généralisation des services publics et non de leur sacrifice aux intérêts particuliers. Bref, une Europe conciliant progrès social et dynamisme économique, responsabilité au regard des plus démunis et rejet de tout type de racisme ou de xénophobie. Une Europe qui ne tiendrait pas les diktats de la finance pour des fatalités imposées quoi qu’il en coûte pour l’humanité des hommes, la santé du lien social, l’équilibre de la nature.

 

Hélas, la construction actuelle de l’Europe est aux antipodes d’un tel idéal. Elle disqualifie l’idée européenne au lieu de lui rallier les peuples. Elle porte en elle la conjonction néfaste de la négation des souverainetés populaires et d’un néolibéralisme destructeur des solidarités comme des droits sociaux. Pas d’alternative, ose-t-on encore dire en faisant croire que la concorde entre les peuples implique la vénération du Dieu marché, le cas échéant assorti du supplément d’âme de compensations religieuses. Et quand un peuple refuse démocratiquement non l’Europe mais la tournure qu’elle prend, on s’empresse de lui faire honte, de l’accabler de sarcasmes en le taxant de nationalisme, d’ignorance des lois économiques. S’il a dit non à la façon dont se construit l’Europe, à défaut de le dissoudre comme l’ironie de Brecht le disait, on le fait revoter comme le peuple d’Irlande, ou on rature de façon scandaleuse sa volonté, comme pour le peuple français rejetant à 55% le traité constitutionnel européen en 2005, et bafoué par Nicolas Sarkozy avec l’aide du Parti socialiste. Parler aujourd’hui de souveraineté européenne est une lourde et dangereuse illusion. C’est se rendre complice de la casse sociale menée au nom de l’Europe.

 

Aujourd’hui, c’est le peuple grec qui subit le même sort parce qu’après des années de complaisance de ses dirigeants à l’égard de plans d’austérité drastiques, sans aucun effet, Syriza propose de redresser l’économie tout en préservant les droits sociaux et les retraites lourdement amputées. Alexis Tsipras a impulsé un assainissement de l’Etat, refondé la fiscalité de façon redistributive, refusé toute mesure qui ne ferait qu’accroître le dénuement des plus démunis. Logiquement, il a demandé une restructuration de la dette pour une grande part liée au comportement des puissances financières, et amorcé un redressement des comptes publics. Et ce en seulement six mois. Il n’exclut pas tout remboursement de dette, mais il entend que seul le peuple grec décide de quelle façon. Ce qui est la moindre des choses si l’Europe prétend promouvoir la démocratie. Mais les délais accordés à ses prédécesseurs de droite lui ont été refusés, pour bien donner à entendre qu’il ne peut y avoir une alternative de gauche dans l’Europe dominée par la haute finance. Il a le tort, aux yeux d’une Allemagne conservatrice et d’une France qui a renoncé à toute réorientation sociale de l’Europe pourtant promise lors des élections présidentielles, de conduire cette action de redressement en ménageant un peuple exsangue, voué à la misère par des plans d’austérité aussi inefficaces économiquement qu’irresponsables humainement.

 

Le diktat des institutions européennes veut mettre à genoux le peuple grec, et ce en un singulier contraste avec les privilèges dont a pu jouir l’Allemagne, dispensée en 1953 de rembourser les dettes qui étaient pourtant les siennes pour dommages de guerre, mais aussi pour les crimes nazis particulièrement dévastateurs en Grèce. Un scandale absolu si l’on se souvient que les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Où est l’Europe des droits, d’une paix juste et réparatrice ? Rappelons que la dette contractée par l’Allemagne a été réduite de plus de 60%. Parallèlement le règlement des dettes de guerre et des réparations aux Etats et aux victimes civiles a été reporté sine die, jusqu’à la réunification allemande de 1990. Le service de la dette, selon les accords d’alors, fut fixé en fonction du poids supportable par l’économie allemande. Un principe qui vient d’être refusé à la Grèce. Quant aux réparations dues à la Grèce, le gouvernement allemand refuse d’en entendre parler, à l’exception du président de la République, Joachim Gauck, qui a eu l’honnêteté d’en reconnaître la légitimité : « Nous sommes les descendants de ceux qui pendant la seconde guerre mondiale ont laissé un sillage de destruction derrière eux, entre autres en Grèce. ».

 

Oui cette Europe est écœurante car elle tourne le dos aux beaux principes qu’à l’origine elle prétendait défendre. Il est temps de la refonder radicalement en déjouant les mystifications idéologiques qui en font un parangon de démocratie alors qu’elle foule aux pieds les souverainetés populaires et le cas échéant les peuples qui ont le malheur de relever la tête.

 

Note :

[1] - Philosophe, écrivain, membre du Parti de gauche

 

Pour en savoir plus :

- « La crise grecque montre que le capitalisme n’est plus compatible avec la démocratie »

- Emmanuel Todd : «Une autodestruction de l’Europe sous direction allemande»

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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 08:05
Après le diktat de Merkel, tout est encore possible pour les Grecs

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Robert Mascarell le 16 juillet 2015

Rien n’est terminé, mais tout me paraît fini. Voilà deux synonymes qui pourtant ne veulent pas dire la même chose. Je les utilise ici dans un sens oxymorique.

 

Rien n’est terminé, c’est-à-dire que la parole va devoir être reprise par la rue, par le peuple grec, et que des évolutions inattendues peuvent surgir.

 

Tout me paraît fini pour le Syriza qui a gagné le 25 janvier 2015 et surtout le 5 juillet 2015. Un autre Syriza va forcément naître, très différent.

 

Entendons-nous bien, je ne reproche pas à Tsipras d’avoir tourné le dos à ses engagements. Le point où en était arrivée la crise, délibérément provoquée par la troïka, contraignait Tsipras à signer n’importe quoi, plutôt que de prendre le risque instantanément d’une catastrophe humanitaire incontrôlable. Ce point ne me paraît pas souffrir de discussion.

 

Imprudent, celui qui limiterait son analyse au dernier épisode de la succession des événements depuis le 25 janvier 2015. Notre recul n’est pas très grand, mais il est suffisant pour se permettre de tirer quelques enseignements de ce qui a été fait et surtout de ce qui n’a pas été fait par nos camarades de Syriza.

 

Sur ce qui a été fait, je n’ai pas de critique à faire. C’est donc sur ce qui n’a pas été fait, de mon point de vue, que vont porter mon propos et mes regrets, pas mes critiques.

 

 

- 1er acte : la dissolution de l'Assemblée voulue par la Troïka

Tout à la joie de leur magnifique élection, le 25 janvier, nos camarades, trop idéalistes, ont insuffisamment perçu que, pour les 18 autres gouvernements de la zone euro, pour ne pas dire les 27 autres gouvernements de l’Union européenne, leur gouvernement était l’ennemi à abattre toute affaire cessante, par tous les moyens possibles.

 

Le hasard veut que le 24 janvier 2015, soit la veille de la victoire de Syriza, et alors que celle-ci était annoncée par tous les sondages, je participais à une réunion des responsables du Parti de gauche de l’Aveyron. Nous étions tous très heureux et, à mes yeux, immodérément optimistes sur les perspectives que cette victoire allait ouvrir dans les mois suivants. Très heureux, moi aussi, j’avais appelé mes camarades à beaucoup plus de prudence. J’ai rappelé que l’élection du 25 janvier était une élection anticipée, puisqu’elle était le résultat d’une dissolution de la chambre des députés majoritairement de droite, voulue par la troïka et par le chef du gouvernement grec, Monsieur Samaras.

 

J’ai ajouté, que ceux-là ont jugé qu’il était préférable pour eux que l’élection soit avancée d’une année. Quitte à ce que Syriza gagne cette élection anticipée. Pourquoi ? Parce que, si l’élection grecque avait eu lieu à la date prévue, soit en décembre 2015 ou janvier 2016, elle aurait eu lieu après l’élection générale en Espagne, où les chances de victoire de Podémos ne sont pas négligeables.

 

J’ai précisé, qu’en procédant aux élections d’abord en Grèce, puis en Espagne, les dirigeants européens espéraient bien avoir le temps de provoquer la chute de Syriza avant l’élection en Espagne. De manière à montrer au peuple espagnol, ce qui les attendait si jamais ils s’obstinaient à vouloir voter pour Podémos.

 

 

- 2ème acte : de sommet bidon en sommet bidon décisifs

La stratégie de Merkel, soutenue par tous les autres gouvernements européens, respecte le tableau de marche qu’elle s’est fixée.

 

Nos camarades de Syriza auraient-ils pu enrayer cette mécanique infernale ? Il est difficile de l’affirmer, mais mon regret, c’est que nos camarades n’ont pas suffisamment mesuré que dans une Europe capitaliste, la lutte des classes y est menée à mort, si nécessaire. De mon point de vue, ils ont été trop tendres.

 

Avant même d’arriver au pouvoir, il aurait été nécessaire que Syriza ait plusieurs stratégies alternatives, en fonction de l’évolution des événements. Au lieu de cela, le gouvernement grec a constamment réaffirmé son attachement absolu à cette Europe-là et à sa monnaie. Certes, il a été élu avec le mandat de rester et dans l’Europe et dans l’eurozone. Il a même réaffirmé sa volonté de rembourser sa dette.

 

Il est clair que, dès le premier acte de guerre mené par la BCE, qui scandaleusement a coupé tous les robinets vers la Grèce, puis le 2ème, après le fameux « accord » du 20 février 2015, où il est apparu que la troïka s’ingéniait à systématiquement retoquer les propositions de Tsipras, nos camarades auraient dû taper du poing sur la table et immédiatement, alors que les banques grecques avaient encore des réserves, en prendre le contrôle total. D’autant plus que la Banque centrale grecque est dirigée par un homme de droite.

 

C’est là, qu’ils auraient dû faire comprendre à la troïka, que si l’Europe, et surtout les pays de l’eurozone, continuaient à entraver leurs décisions, ils avaient une solution de rechange, genre se rapprocher de la Russie et des BRICS.

 

Dans ce sens, il me semble que Tsipras n’a pas suffisamment fait de géopolitique. Si cela avait été le cas, il aurait, de manière ostensible, insisté sur l’emplacement géographique de la Grèce, au carrefour entre la Russie orthodoxe (tiens, comme par hasard, c’est la religion des Grecs) et le Proche et Moyen-Orient.

 

Malheureusement, jusqu’au diktat du couple infernal Merkel-Schäuble, ce dimanche 12 juillet, imposé le révolver sur la tempe de Tsipras, celui-ci n’a joué, ni de près ni de loin, cette carte. Il est vrai que le 12 juillet c’était beaucoup trop tard.

 

Au lieu de cela, nos camarades ont accepté de se couler dans la tactique de la troïka. Celle des sommets bidons décisifs, où Tsipras et Varoufakis se présentaient avec chaque fois de nouvelles propositions en recul, mais qui étaient systématiquement repoussées par les monstres de la troïka. De sommet bidon en sommet bidon, les monstres ont gagné cinq mois, pendant lesquels les réserves financières grecques n’ont cessé de s’affaiblir. Jusqu’au moment, où n’en pouvant plus, Tsipras a magnifiquement joué la carte du soutien populaire, mais là aussi il était déjà trop tard. Le nœud coulant était presque totalement refermé sur la gorge des Grecs.

 

Il est aussi dommage que Tsipras n’ait absolument pas fait cas du rapport publié par le comité d’audit de la dette grecque, constitué d’experts financiers internationaux, et formé à l’initiative de l’admirable présidente de la chambre des députés grecque, la Vouli. Alors que ce comité démontre lumineusement que la dette grecque est illégale, illégitime, odieuse et insoutenable. C’est-à-dire que, rien que pour ces motifs, la Grèce était justifiée à ne pas la rembourser.

 

Le dénouement, provisoire j’en suis convaincu, de cette tragédie a eu lieu le 12 juillet. Tsipras ne pouvait faire autrement que de signer le diktat de Merkel-Schäuble, sauf à prendre le risque d’une catastrophe humanitaire immédiate et gravissime pour le peuple grec. C’est pourquoi, je lui garde tout mon respect et mon soutien. Il a agi en homme responsable et humain.

 

 

- 3éme acte : SYRIZA peut reprendre la main

Et maintenant, les carottes sont-elles cuites ? Je veux croire que non. Je pense même que Syriza a encore de bonnes cartes dans sa main.

 

Il est évident que le diktat européen ne peut que précipiter la Grèce encore plus au fond du gouffre. Mais, je suis persuadé que le peuple ne va pas se laisser faire. Des grèves et manifestations vont se multiplier, non contre le gouvernement, mais contre la troïka. Il va, probablement, sortir de sa torpeur pro-européiste et pro-euro présente et accéder à l’idée que rien n’est possible dans cette Europe.

 

Pendant tout ce temps de maturation du peuple, les dirigeants de Syriza, je n’en doute pas, vont, ce coup-ci, préparer les conditions de la sortie de la Grèce du carcan européen. De même, que le moment venu, ils sauront se saisir des conclusions du comité d’audit de la dette grecque et ainsi faire défaut sur la quasi-totalité de leur dette. Ils vont aussi, inviter l’Allemagne à lui payer ses dettes de guerre.

 

Aussi, loin d’accuser Tsipras et Syriza de trahison, je me félicite qu’ils soient toujours à la tête de la Grèce, pour utiliser le peu de pouvoir que leur laisse la troïka en faveur d’une répartition équitable des terribles efforts imposés par la dictature européenne, mais aussi pour favoriser toutes les actions de résistance du peuple.

 

La lutte continue !

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Grèce : l'implosion programmée de Syriza

- Derrière la fable, la France n’a pas vraiment défendu la Grèce

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 08:09
La machine de la terreur (“Quotidien des Rédacteurs” du 2 juillet 2015)

La machine de la terreur (“Quotidien des Rédacteurs” du 2 juillet 2015)

La (brève) campagne pour le référendum grec aura achevé de faire tomber les derniers oripeaux de l’idée démocratique à l’occidentale. Et confirmé la dérive clairement totalitaire d’une élite dirigeante aux abois.

 

Sources : Politis.fr le 03 juillet 2015

- A-t-on jamais vu pareil déchaînement contre un gouvernement ayant décidé de consulter ses citoyens quant au chemin délicat qu’il entendait emprunter ?

  • Intrusion grossière dans un processus démocratique avec des appels, que dis-je, des injonctions à voter oui de la part des autorités européennes :

« Un non des Grecs au référendum serait un non à l’Europe »

(Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne).

 

 

  • Menaces ouvertes de représailles en cas de vote contraire à ces injonctions, comme celle de Jeroen Djisselbloem, président de l’Eurogroupe, avertissant que toute négociation serait close si la Grèce vote "non".
  • Appel sans phare à un coup d’État : Martin Schultz, président du Parlement européen, ne vient-il pas d’exprimer son souhait de « voir la fin de l’ère Syriza en cas de victoire du "oui"aux réformes, pour qu’un gouvernement de technocrates puisse être formé » ?
  • Mensonges éhontés pour appuyer des arguments comme cette déclaration du ministre français Sapin invoquant de prétendues interventions de pays jaloux des "largesses" accordées par le FMI à la Grèce (affirmations solennellement démenties par les intéressés, l’Argentine et le Brésil, ceux-là prenant au contraire fait et cause... pour le gouvernement Tsipras !).
  • Pressions intérieures tout aussi brutales comme ce chantage révélé par Panagiotis Grigoriou sur son site Greek Crisis : en juin, des entreprises privées grecques n’ont payé que la moitié des salaires de leurs employés, en menaçant ces derniers de s’exposer à des licenciements massifs en cas de victoire du "non".

- La répression comme ultime méthode de gouvernement

Mais ces dangereuses dérives ne se limitent pas au seul cas grec. Celui-ci n’est au contraire que le point d’achèvement de l’idée démocratique à l’occidentale. Car il faut avoir les yeux et l’esprit sérieusement crottés pour ne pas en avoir vu se multiplier les signes de plus en plus criants de la tentation totalitaire :

  • La remise en cause sans complexe de tous les résultats électoraux "non conformes" : après le référendum français de juin 2005, les législatives grecques de janvier 2015 avaient déjà fait l’objet de ces remises en cause à peine voilées.
  • La militarisation galopante de l’espace démocratique : non seulement en Ukraine et dans les ex-pays dits de l’Est, mais également sur toutes les Zad récalcitrantes et dans tous les quartiers "échauffés" (cf. l’équipement des Robocops policiers abondamment déployés par les autorités en poste).
  • La multiplication des mesures répressives et liberticides : mises sur écoutes de tous les citoyens, limitation draconienne du droit de manifester comme en Espagne, répression féroce contre tous les lanceurs d’alerte tels Julian Assange ou Edward Snowden...
  • L’assujettissement complet des moyens d’informations devenus purs instruments de propagande au service de la pensée unique, comme on a pu encore le vérifier avec la La multiplication des mesures répressives et liberticides : mises sur écoutes de tous les citoyens, limitation draconienne du droit de manifester comme curée médiatique contre le référendum grec, tant dans les pays satellites européens qu’en Grèce même où TOUS les médias privés se sont faits les hérauts du "oui".

- Des ennemis

Cette fuite en avant totalitaire, qui ne prend même plus soin de se draper dans les oripeaux de l’apparence démocratique, illustre bien plus un désarroi qu’une position de force des dirigeants occidentaux. Ceux-là n’ont tout bonnement plus d’autres moyens, ni financiers, ni économiques, ni politiques, encore moins sociaux, d’assurer leur autorité auprès de leurs ouailles.

 

Pas d’autres moyens non plus, et c’est peut-être le plus important, de préserver les intérêts très privés de leurs commanditaires. Car là où les citoyens russes et chinois ont encore des chefs d’État, les populations occidentales n’ont plus depuis longtemps que les VRP appointés des lobbies de ces intérêts privés.

 

Dès lors, le spectacle démocratique n’a plus pour but que de valider le degré de soumission des majorités à leurs maîtres. Et l’effondrement de pratiquement tous les fondamentaux du système occidental néolibéral ne peut conduire qu’au chaos politique.

 

Le fossé est désormais définitif entre les citoyens et ceux qu’on ose plus appeler leurs "représentants". Quel qu’en soit l’issue, le résultat du référendum grec témoignera vite de cette rupture irréductible. Car quoi qu’en dise Alexis Tsipras, une victoire du "non" n’infléchira en rien la position inflexible de la Troïka. D’adversaires politiques, ceux-là sont clairement devenus des ennemis.

 

La Troïka transforme l'Europe en zone de guerre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
La Troïka transforme l’Europe en zone de guerre
 

 

- La politique coloniale de l'Europe sur le dossier grec

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 18:09
Jean-Luc Mélenchon "Grèce : un accord contraint qu’il ne faut pas soutenir"

Un révolver sur la tempe !

 

Source : le blog de Jean-Luc Mélenchon le 13 juillet 2015 | modifié le 20 juillet 2015

- « Un revolver sur la tempe », selon ses propres termes : Tsipras a signé un « compromis ».

Aussitôt, les trompettes des louanges relaient la traditionnelle propagande gouvernementale pour célébrer le rôle de facilitateur de Hollande, la force du « couple franco-allemand » et réciter les refrains, les mantras et les calembredaines habituelles des eurolâtres. La vérité toute crue est, une fois de plus, à des lustres des pseudos analyses de commentateurs qui ne comprennent pas ce qu’ils voient, parlent de textes qu’ils n’ont pas lu et font réagir des « responsables politiques » sans autres informations que celles données par ces plus que douteux intermédiaires.

 

 

- Sur tous les écrans la même image....

madame Merkel face à Alexis Tsipras flanquée de Donald Tusk et de François Hollande. Un spectacle inacceptable. Pas seulement pour un Français à qui il est pénible de se voir de ce côté de la table et de surcroît assis en bout de banc ! Mais surtout pour un Européen. Car cette réunion devenue, faute de critique des commentateurs, une « instance », n’a aucune légitimité. Il y a un Conseil des gouvernements, il y a un Eurogroupe. Il n’y a pas de tandem faisant office d’audit ! La proposition issue de cette réunion n’a donc aucune légitimité. D’ailleurs, les Italiens (troisième économie du continent) ont lourdement protesté. Et le gouvernement finlandais où règne la coalition de la droite et de l’extrême droite a déjà déclaré que cet accord n’était pas le sien ! Voilà qui devrait au moins faire réfléchir les eurolâtres français. Quelle genre d’Europe est-ce là ?

 

 

- Quant à la discussion dans ce cadre, quelle valeur a-t-elle ?

La partie grecque n’y était pas du tout libre. Le pays est en état de blocus financier depuis quinze jours ! L’asphyxie est amplement commencée. Que vaut dans ces conditions une discussion de treize heures sans pause ? Et comment accepter le genre de pression que signifie la présence d’un côté des experts des deux premières économies, appuyés par les assistants du président du Conseil des gouvernements face à un gouvernement seul ? Est-ce ainsi que l’on traite ses partenaires en Europe ? Asphyxie financière du pays et asphyxie physique des négociateurs comme cadre d’échange ? 

 

 

- Après quoi je me dis mal à l’aise du fait du soutien apporté dans notre gauche ici ou là a cet « accord ».

Je veux croire qu’il n’aura pas été lu ou lu trop vite… En effet, le texte signé prévoit par exemple l’abrogation de toutes les lois votées depuis février dernier, la remise en cause du code du travail jusque dans des détails comme le travail du dimanche, la surveillance rétablie de la Troïka sur chaque ministère et le devoir de son approbation préalable avant chaque proposition de loi. Quand au rééchelonnement de la dette, question prioritaire, il est, d’une part, mis au conditionnel et, d’autre part, subordonné à l’approbation préalable de tout ceci par le Parlement Grec ! 

 

 

- La presse allemande comme le « Spiegel » parle de cet accord comme d’un « catalogue de cruauté ».

Le journal « L'Humanité », sous la plume de son directeur Patrick Apel Muller, parle de « la dictature froide de l’Allemagne ». « Angela Merkel, écrit-il, réclame la capitulation sans condition sous peine d’exclusion, accompagnée par quelques gouvernements servile. » La veille, Matéo Renzi, le président du Conseil italien, avait fini par éclater face au gouvernement allemand : « Ça suffit ! ». De toutes part, l’indignation est montée. « Le Monde » rapporte que même les hauts fonctionnaires européenns sont outrés. Il montre Tsipras épuisé et humilié.

 

 

- Telle est pourtant dorénavant l’Union européenne.

Le gouvernement d’Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l’a aujourd’hui fait en Europe. Il doit accepter un armistice dans la guerre qui lui est menée. Notre solidarité lui est due. Mais rien ne doit nous obliger a accepter de participer à la violence qui lui est faite. Si j’étais député, je ne voterais pas cet accord à Paris. Ce serait ma manière de condamner la guerre faite à la Grèce. Ce serait ma manière de condamner ceux qui la mènent et les objectifs qu’ils poursuivent.

 

 

- En France, nous devons condamner de toutes les façons possibles les sacrifices encore demandés aux Grecs et la violence qui leur est imposée.

Comme d’habitude, cela commence par le sang-froid face à la meute médiatique et son rouleau compresseur de fausses évidences. Ne jamais perdre de vue qu’ils mettent en mots la réalité pour la faire correspondre à leurs formats de diffusion et que la vérité n’est pas leur première exigence, même au prix de l’absurdité. Dans cette ambiance, il est impossible de retourner la tendance du commentaire, car elle est dans la folie panurgique. Mais, en allumant des signaux et en faisant circuler des analyses documentées, on empèche la débandade intellectuelle et on donne des points d’appui. Dans quarante-huit heures, les ravis de la crèches vont dessaouler. Toutes sortes de gens intellectuellement exigeants vont lire le texte. La résistance va se reconstituer. Certes, personne ne viendra dire merci à ceux qui auront tenus la première ligne de tranchée. Mais ce qui importe le plus sera acquis : une résistance va exister. 

 

 

- Les gens de bonne foi qui cherchent à se faire une opinion libre n’y comprennent rien...

En vérité, tant l’accumulation des bavardages transforme en « bruit » toute question. Ils sentent bien qu’on veut leur faire penser quelque chose et ils ne veulent pas se laisser faire. Notre devoir est de tenir bon en tenant tous les bouts du problème posé. Il faut soutenir Alexis Tsipras et ne pas s’ajouter à la meute de ceux qui veulent le déchirer et se rendent complice du coup d’état tenté contre lui et les Grecs. Mais il ne faut pas soutenir l’accord pour ne pas cautionner la violence dont il est issu et qu’il prolonge. 

 

 

- Nous savons que le meilleur atout du peuple grec serait la victoire de Podemos en Espagne et la nôtre en France.

Nous y travaillons ! Pour cela, il ne faut pas commettre l’erreur d’approuver aujourd’hui des méthodes appliquées demain aux Grecs, dont on ne supporterait pas qu’elles soient appliquées à la France. En laissant faire le putch contre Chypre, la France a validé une méthode qui a été depuis étendue à la Grèce. Nous fûmes trainés dans la boue pour l’avoir dit et même traité d’antisémites pour cela par Harlem Désir, alors premier secrétaire du PS, absent total de la partie européenne qui vient de se jouer alors même qu’il est le ministre français des affaires européennes ! 

 

 

- Mobilisés en équipe et avec traducteurs, mes amis et moi nous n’avons pas lâché les devoirs de la froide analyse et de la « solidarité raisonnée » qui est notre règle éthique et politique.

Cette discipline, nous la pratiquons depuis la période où nous avons accompagné et soutenu les révolutions citoyennes de l’Amérique latine. En effet, elles posaient déjà à chaque instant le problème de la façon de combiner le nécessaire soutien face à l’ennemi et le droit de ne pas partager une position prise par nos amis sur place. C’est d’ailleurs pour maintenir la possibilité de cette attitude que nous avons refusé à Chavez la construction d’une « cinquième internationale » comme il l’avait proposé, en nous prévenant à juste titre que le refus de sa proposition nous laisserait sans alternative collective. Nous avons mis en veilleuse nos critiques de François Hollande, même si nos encouragements à bien faire ont comme d’habitude été utilisés sans scrupule pour faire croire à notre adhésion.

 

 

- Cette attitude est celle de la responsabilité devant notre pays et devant nos amis grecs.

Sans surprise, une fois de plus, nous avons vu l’exécutif français deux mains en dessous des évènements et revenant de Bruxelles comme d’autres de Munich, le sourire aux lèvres et les fleurs au plastron, acclamé par des meutes hallucinées. Je dois évidemment souligner que je ne fais cette comparaison que pour éclairer une scène. Je ne compare jamais l’Allemagne actuelle à celle des nazis. Je ne l’ai jamais fait. On m’a évidemment reproché une phrase pour mieux dépolitiser toutes les autres. J'ai dit que pour la troisième fois, l'Allemagne était en train de détruire l'Europe. C’était le titre ce matin du quotidien proche de Syriza. Avant cela, c’était déjà une appréciation de Joska Ficher, l’ancien ministre écologiste des affaires étrangères de l’Allemagne du temps de Schröder…

 

Jean-Luc Mélenchon

 

  • Consultez le texte de l'accord ICI !

 

  • La version intégrale de l'accord annotée par l'ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis, cliquez ICI et ICI !

 

  • Six économistes passent au crible l’accord imposé par la zone euro ICI !

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Dans son nouveau livre «test de stress» vient de sortir aux Etats-Unis, Timothy Geithner a révélé qu'en 2012, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble l'avait présenté un plan pour lancer la Grèce de la zone euro. Ceci, dit-il, serait d'apaiser les électeurs allemands et terrifier l'Europe.

- Allemagne : Une dictature froide sur l’Europe

- Crise grecque. Les propositions de l'Eurogroupe sont bel et bien un coup d'Etat

- Un accord détestable de type néo-colonial par Jacques Sapir

- L'accord sur la Grèce inquiète en Allemagne

- Le Parti de Gauche appelle l’Assemblée Nationale a refuser l’accord de l’Eurogroupe

- l'art de la désinformation et de la caricature : "Le Parti de gauche applaudit la politique d'austérité de Syriza"

 

  • Des mesures alternatives sont en débat en Grèce :

- L'alternative à l'austérité

- Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 08:09
La trahison de Tsipras ?
  • Tsipras ne capitule pas, il poursuit sa strategie[1] !
  • Soutenu par le peuple[2], il tient compte des rapports de force dans une Europe dominée par l'alliance de libéraux et des sociaux-libéraux...
  • A. Tsipras : "Nous avons accepté ces demandes pour montrer que s'il y a un grexit, c'est une décision politique et pas financière"
La trahison de Tsipras ?

 

Source : blog de Jacques Sapir le 10 juillet 2015 | modifié le 11 juillet 2015

Les propositions soumises par Alexis Tsipras et son gouvernement dans la nuit de jeudi à vendredi ont provoqué la stupeur. Elle reprennent largement, mais non totalement, les propositions formulées par l’Eurogroupe le 26 juin. Elles sont largement perçues dans l’opinion internationale comme une « capitulation » du gouvernement Tsipras. La réaction très positive des marchés financiers ce vendredi matin est, à cet égard, un signe important.

 

On sait par ailleurs qu’elles ont été en partie rédigées avec l’aide de hauts fonctionnaires français, même si cela est démenti par Bercy. Ces propositions résultent d’un intense travail de pressions tant sur la Grèce que sur l’Allemagne exercées par les Etats-Unis. La France a, ici, délibérément choisi le camp des Etats-Unis contre celui de l’Allemagne. Le gouvernement français n’a pas eu nécessairement tort de choisir d’affronter l’Allemagne sur ce dossier. Mais, il s’est engagé dans cette voie pour des raisons essentiellement idéologique. En fait, ce que veut par dessus tout M. François Hollande c’est « sauver l’Euro ». Il risque de voir très rapidement tout le prix qu’il a payé pour cela, et pour un résultat qui ne durera probablement que quelques mois. Car, ces propositions, si elles devaient être acceptées, ne règlent rien.

 

 

- Les termes de la proposition grecque

Ces propositions sont donc proches de celles de l’Eurogroupe. On peut cependant noter certaines différences avec le texte du 26 juin, et en particulier la volonté de protéger les secteurs les plus fragiles de la société grecque : maintien du taux de TVA à 7% pour les produits de base, exemptions pour les îles les plus pauvres, maintien jusqu’en 2019 du système d’aide aux retraites les plus faibles. De ce point de vue, le gouvernement grec n’a effectivement pas cédé. De même, le gouvernement a inclus dans ce plan des mesures de luttes contre la fraude fiscale et la corruption, qui faisaient parties du programme initial de Syriza. Mais, il faut bien reconnaître qu’il s’est, pour le reste, largement aligné sur les demandes de l’Eurogroupe. Faut-il alors parler de capitulation comme le font certains ? La réponse est pourtant moins simple que ce qu’il paraît.

 

En effet, le gouvernement grec insiste sur trois points : un reprofilage de la dette (à partir de 2022) aboutissant à la reporter dans le temps de manière à la rendre viable, l’accès à 53 milliards sur trois ans, et le déblocage d’un plan d’investissement, dit « plan Juncker ». Mais, ce « plan » inclut largement des sommes prévues – mais non versées – par l’Union européenne au titre des fonds structurels. Surtout, le gouvernement grec insiste sur un engagement contraignant à l’ouverture de négociations sur la dette dès le mois d’octobre. Or, on rappelle que c’était justement l’une des choses qui avaient été refusées par l’Eurogroupe, conduisant à la rupture des négociations et à la décision d’Alexis Tsipras de convoquer un référendum.

 

De fait, les propositions transmises par le gouvernement grec, si elles font incontestablement un pas vers les créanciers, maintiennent une partie des exigences formulées précédemment. C’est pourquoi il est encore trop tôt de parler de capitulation. Une interprétation possible de ces propositions est qu’elles ont pour fonction de mettre l’Allemagne, et avec elle les autres pays partisans d’une expulsion de la Grèce de la zone Euro, au pied du mur. On sait que les Etats-Unis, inquiets des conséquences d’un « Grexit » sur l’avenir de la zone Euro, ont mis tout leur poids dans la balance pour amener Mme Merkel à des concessions importantes. Que l’Allemagne fasse preuve d’intransigeance et c’est elle qui portera la responsabilité du « Grexit ». Qu’elle se décide à céder, et elle ne pourra plus refuser au Portugal, à l’Espagne, voire à l’Italie, ce qu’elle a concédé à la Grèce. On peut alors considérer que ce plan est une nouvelle démonstration du sens tactique inné d’Alexis Tsipras. Mais, ces propositions présentent aussi un grave problème au gouvernement grec.

 

 

- Le dilemme du gouvernement grec

Le problème auquel le gouvernement Tsipras est confronté aujourd’hui est double : politique et économique. Politiquement, vouloir faire comme si le référendum n’avait pas eu lieu, comme si le « non » n’avait pas été largement, et même massivement, majoritaire, ne sera pas possible sans dommages politiques importants. Le Ministre des finances démissionnaire, M. Yannis Varoufakis, a d’ailleurs critiqué des aspects de ces propositions. Plus profondément, ces propositions ne peuvent pas ne pas troubler non seulement les militants de Syriza, et en particulier la gauche de ce parti, mais aussi, et au-delà, l’ensemble des électeurs qui s’étaient mobilisés pour soutenir le gouvernement et Alexis Tsipras. Ce dernier prend donc le risque de provoquer une immense déception. Celle-ci le laisserait en réalité sans défense faces aux différentes manœuvres tant parlementaires qu’extra-parlementaires dont on peut imaginer que ses adversaires politiques ne se priveront pas. Or, la volonté des institutions européennes de provoquer un changement de gouvernement, ce qu’avait dit crûment le Président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, n’a pas changé. Hier, jeudi, Jean-Claude Juncker recevait les dirigeants de la Nouvelle Démocratie (centre-droit) et de To Potami (centre-gauche). Privé d’un large soutien dans la société, ayant lourdement déçu l’aile gauche de son parti, aile gauche qui représente plus de 40% de Syriza, Tsipras sera désormais très vulnérable. Au minimum, il aura cassé la logique de mobilisation populaire qui s’était manifestée lors du référendum du 5 juillet et pendant la campagne. Il faut ici rappeler que les résultats de ce référendum ont montré une véritable mobilisation allant bien au-delà de l’électorat de Syriza et de l’ANEL, les deux partis du gouvernement. Cela aura, bien entendu des conséquences. Si les députés de la gauche de Syriza vont très probablement voter ces propositions au Parlement, il est néanmoins clair que les extrêmes, le KKE (les communistes néostaliniens) et le parti d’Extrême-Droite « Aube Dorée », vont pouvoir tirer profit de la déception que va susciter ces propositions.

 

Au-delà, la question de la viabilité de l’économie grecque reste posée, car ces propositions n’apportent aucune solution au problème de fond qui est posé. Certes, cette question de la viabilité sera posée dans des termes moins immédiatement dramatiques qu’aujourd’hui si un accord est conclu. La crise de liquidité pourra être jugulée sans recourir aux mesures radicales que l’on a évoquées dans ces carnet. Les banques, à nouveau alimentée par la BCE, pourront reprendre leurs opérations. Mais, rien ne sera réglé. Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du Fond Monétaire International signale que les pronostics très négatifs réalisés par son organisation sont probablement en-deçà de la réalité. Après cinq années d’austérité qui l’ont saigné à blanc, l’économie grecque a désespérément besoin de souffler. Cela aurait pu passer par des investissements, une baisse de la pression fiscale, bref par moins d’austérité. Ce n’est pas le chemin vers lequel on se dirige. Cela aurait pu aussi passer par une sortie, et non une expulsion, hors de la zone Euro qui, en permettant à l’économie grecque de déprécier sa monnaie de -20% à -25%, lui aurait redonné sa compétitivité. On ne fera, à l’évidence, ni l’un ni l’autre. Dès lors, il faut s’interroger sur les conditions d’application des propositions soumises par la Grèce à ses créanciers. Même en admettant qu’un accord soit trouvé, la détérioration de la situation économique induite par l’action de la Banque Centrale Européenne, que M. Varoufakis a qualifiée de « terroriste », venant après cinq années d’austérité risque de rendre caduques ces propositions d’ici à quelques mois. Une chute des recettes de la TVA est aujourd’hui prévisible. Une nouvelle négociation sera donc nécessaire. En ce sens, ces propositions ne règlent rien.

 

 

- L’Euro c’est l’austérité

Il faut, alors, s’interroger sur le sens profond de ces propositions. Si elles sont tactiquement défendables, elles correspondent très probablement à une erreur de stratégie. Alexis Tsipras a déclaré ce vendredi matin, devant le groupe parlementaire de Syriza, qu’il n’avait pas reçu mandat du peuple grec pour sortir de l’Euro. Le fait est aujourd’hui débattable, surtout après l’écrasante victoire du « non » au référendum. Il est clair que telle n’était pas l’intention initiale du gouvernement, et ne correspondait pas au programme sur lequel il avait été élu. Mais, on peut penser que mis devant l’alternative, refuser l’austérité ou refuser l’Euro, la population grecque est en train d’évoluer rapidement. En fait, on observe une radicalisation dans les positions de la population, ou du moins c’est ce qui était observée jusqu’à ces propositions. Les jours qui viennent indiqueront si cette radicalisation se poursuit ou si elle a été cassée par ce qu’a fait le gouvernement.

 

En réalité, ce que l’on perçoit de manière de plus en plus claire, et c’est d’ailleurs l’analyse qui est défendue par l’aile gauche de Syriza et un économiste comme Costas Lapavitsas[3], c’est que le cadre de l’Euro impose les politiques d’austérité. Si Tsipras a cru sincèrement qu’il pourrait changer cela, il doit reconnaître aujourd’hui qu’il a échoué. L’austérité restera la politique de la zone Euro. Il n’y aura pas « d’autre Euro », et cette leçon s’applique aussi à ceux qui, en France, défendent cette fadaise.

 

Dès lors il faut poser clairement le problème d’une sortie de l’Euro, qu’il s’agisse d’ailleurs de la Grèce ou de nombreux autres pays.

 

Note :

 

[1] Tsipras ne capitule pas il poursuit sa strategie

[2] OXI : le peuple grec a dit NON à l'ingérence politique et aux exigences de la finance internationale !

[3] Voir son interview, http://therealnews.com/t2/index.php?option=com_content&task=view&id=31&Itemid=74&jumival=14181

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Grèce et maintenant ? Par Christophe Ventura

- Après le « non », encore des concessions grecques pour arracher un accord

- Grèce : pourquoi Angela Merkel refuse de parler de la dette grecque

- "L'Allemagne veut évincer la Grèce pour imposer une zone euro disciplinaire"

- «L’Europe a nourri la corruption en Grèce, c’est un fait»

- Un insider raconte: comment l'Europe a étranglé la Grèce

- L'Allemagne est le problème de l'Europe

- Des Grecs dépensiers ou malhonnêtes… le tour des idées reçues

- Grèce : Tsipras "a signé pour éviter le désastre au pays"

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12 juillet 2015 7 12 /07 /juillet /2015 18:45
Communiqué du Parti de Gauche : "Plus que jamais, Solidarité avec la Grèce"

Sources :  le Parti de Gauche par Eric Coquerel

Hier devant le parlement grec, Alexis Tsipras a présenté un plan comportant des concessions en contrepartie d’un financement et d’une restructuration de la dette. Malgré cette proposition, non contents du blocus financier qu’ils ont organisé, Berlin et ses affidés, dont le patron de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem, abordent les réunions du week-end en faisant de la surenchère. Manifestement l’Allemagne ne veut pas d’un accord mais la capitulation totale de la Grèce même au prix d’un Grexit.

 

Maintenant ça suffit ! L’avenir de la Grèce et des autres peuples européens ne peut dépendre du bon vouloir des conservateurs allemands. Plus que jamais nous affirmons notre solidarité avec la Grèce. Le plan du gouvernement Tsipras et la restructuration de la dette doivent être validés en l’état. Beaucoup de choses vont dépendre de la France : nous demandons à François Hollande de passer des paroles aux actes et d’apporter son plein soutien aux propositions de la Grèce.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 14:02
Élections régionales 2015 : Communiqué du Front de Gauche (PCF, ENSEMBLE !, PG, GU) Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes

Sources :  le Parti de Gauche de Charente

Réuni en coordination régionale à Bordeaux le 8 juillet 2015, les organisations du Front de Gauche (PCF, ENSEMBLE !, PG, GU) appellent à un large rassemblement en vue des élections de décembre 2015 et au-delà, pour que la justice sociale, l’écologie, la démocratie et un aménagement équilibré des territoires s’impose enfin.

 

Il s’agit de combattre les politiques proposées par la droite et l’extrême-droite, et de s’inscrire en rupture avec les politiques libérales et d’austérité menées par le parti socialiste au gouvernement. Dans nos trois régions (Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin), les majorités dominées par le PS accompagnent et parfois amplifient ces politiques.

 

Nous appelons toutes les forces politiques disponibles (EELV, NPA, Nouvelle Donne, …) les femmes et les hommes, militants écologistes, socialistes, syndicalistes, associatifs, acteurs culturels et citoyens qui partagent cette ambition à construire avec nous ce rassemblement.

 

Bordeaux, le 8 juillet 2015

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7 juillet 2015 2 07 /07 /juillet /2015 08:01
François Hollande aurait enterré le projet de l’autoroute A831

Enfin ! Les tergiversations de M. Valls et S. Royal aux oubliettes ?

Attendre et voir avant de fêter les 10 ans de lutte !

 

Sources : Presse Océan Nantes le 3 juillet 2015

Hugues Fourage, député PS du sud-Vendée, a annoncé ce vendredi 3 juillet que, selon une source officielle, François Hollande venait de décider de ne pas demander la prorogation de la déclaration d’utilité publique (DUP) de l'A 831. Cette DUP tombe le 12 juillet, ce qui signifie que le 12 juillet l'A 831 « sera donc définitivement enterrée ».

 

Ce projet d'autoroute entre l’A83 (Nantes-Niort) au niveau de Fontenay-le-Comte et l’A837 (Rochefort-Saintes) au niveau de Rochefort, devait traverser les départements de Vendée en région Pays de la Loire et de Charente-Maritime en région Poitou-Charentes. Le tracé passait par deux zones humides : le marais poitevin et le marais de Rochefort. Déclaré d’utilité publique par décret du 12 juillet 2005, ce projet constituait le dernier maillon de la route des Estuaires et devait désenclaver la ville de La Rochelle. Ségolène Royal n’a cessé de rappeler son hostilité à cette portion autoroutière et il semble qu’elle ait obtenu gain de cause auprès de François Hollande.
 
 

- Autoroute A831 : Ségolène Royal confirme et "assume" l'abandon du projet[1]

"C'est fini le temps de celui qui impose quelque chose alors que la population n'en veut pas", a ajouté Mme Royal, soulignant que ce projet "n'est pas rentable". Le coût du projet est estimé à "900 millions d'euros, plus les compensations de déficits qu'il faudrait verser à l'exploitant", a fait valoir la ministre. Et notre Dame des Landes ?

 

Note :

[1] http://www.bfmtv.com/breves-et-depeches/autoroute-a831-segolene-royal-assume-l-abandon-du-projet-901245.html

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier A831

- Il est temps d'enterrer la A831 ! Non aux projets inutiles !

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6 juillet 2015 1 06 /07 /juillet /2015 08:00
OXI : le peuple grec a dit NON à l'ingérence politique et aux exigences de la finance internationale  !

Il faut respecter le choix du peuple grec !

 

- En direct du ministère Grec de l'intérieur : résultat sur 8 millions d'électeurs à (23h45 - h d'Athènes)

Troïka, FMI, libéraux et sociaux libéraux ont voulu mettre à genoux le peuple grec pour faire un exemple à l'ensemble de l'Europe et envoyer le signal selon lequel il n'y aurait pas d'autre politique possible que la leur : l'austérité.

 

  • Le gouvernement et le peuple grec ont répondu par la démocratie !
  • Une leçon dont la France et l'ensemble de l'Europe devraient s'inspirer !

OXI : le peuple grec a dit NON à l'ingérence politique et aux exigences de la finance internationale  !

- Les chiffres officiels ICI

 

 

- Le Non au réfenderum grec par âge

25-34 : 72.3% 35-44 : 67.4% 45-54 : 69.2%
55-64 : 59.4% 65+ : 44.9%  

 

 

- Et maintenant ?

Le gouvernement Tsipras a annoncé sa volonté de se rasseoir dès lundi à la table des négociations, fort de ce soutien massif du pays. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Sakellaridis a fait savoir que "les initiatives pour arriver à un accord" entre Athènes et ses créanciers UE et FMI "allaient s'intensifier à partir de ce soir".

 

"A la lumière du dernier rapport du FMI, la restructuration de la dette devra cette fois être mise sur la table."

OXI : le peuple grec a dit NON à l'ingérence politique et aux exigences de la finance internationale  !

Une nouvelle page s'ouvre pour le peuple grec ! 

 

- Analyse par Jacques Sapir

La victoire du « Non » au référendum est un événement historique. Elle fera date. En dépit des pressions nombreuses pour un vote « Oui » tant de la part des médias grecs que de celui des dirigeants de l’Union européenne, en dépit de l’organisation par la BCE des conditions d’une panique bancaire, le peuple grec a fait entendre sa voix. Il a fait entendre sa voix contre les mensonges qui ont été déversés continument sur la situation de la Grèce depuis ces dernières semaines. Nous aurons ici une pensée pour ces éditorialistes qui ont, à dessein, travestis la réalité, et laissés entendre un lien entre Syriza et l’extrême-droite d’Aube Dorée. Ces mensonges ne nous étonnent plus, mais nous ne les oublieront pas. Le peuple a fait entendre sa voix avec une force inaccoutumée, puisque contrairement à ce que laissait penser les sondages réalisés à la sortie des urnes, la victoire du « Non » est obtenue avec un écart important, par près de 60%. Cela renforce bien évidemment le gouvernement d’Alexis Tsipras et devrait faire réfléchir ses interlocuteurs. Nous verrons rapidement ce qu’il en sera. Mais, on doit dire immédiatement que les réactions, que ce soient celles de Martin Schulz au Parlement européen, de Jean-Claude Juncker pour la Commission, ou de Sigmar Gabriel, le Ministre de l’économie et l’allié SPD de Mme Merkel en Allemagne, ne laissent guère de place à l’optimisme sur ce point..... pour lire la suite...

OXI : le peuple grec a dit NON à l'ingérence politique et aux exigences de la finance internationale  !
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4 juillet 2015 6 04 /07 /juillet /2015 08:14
« L’UE, c’est l’antithèse de la démocratie » – Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie.

Sources : 360NEWS360X le 29 juin 2015

Le crescendo d’amertume et de querelles en Europe pourrait faire croire aux étrangers à une sorte de fin de partie plutôt amer entre la Grèce et ses créanciers. En réalité, explique Joseph Stiglitz[1] dans un article paru sur Project Syndicate, les dirigeants européens commencent juste à révéler la vraie nature de la controverse sur la dette actuelle, et la réponse n’a rien de plaisant : il s’agit bien plus de pouvoir et de démocratie que d’argent et d’économie.

 

L’économie derrière le programme que la « Troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) a imposé à la Grèce voilà cinq ans a sombré dans un gouffre, avec une chute vertigineuse de 25% du PIB. Aucune dépression n’a eu des conséquences aussi catastrophiques, commente Stiglitz, rappelant un simple fait : le taux de chômage parmi les jeunes dépasse aujourd’hui les 60%. Il est surprenant, poursuit le Prix Nobel, que la troïka refuse de reconnaitre ses échecs. Mais ce qui est encore plus surprenant est que les dirigeants européens n’en aient rien retenu.

 

Stiglitz rappelle que les énormes sommes d’argent prêtées à la Grèce ont terminé leur course dans les caisses des créanciers du secteur privé – y compris les banques allemandes et françaises. Le FMI et les autres créanciers « officiels » n’ont pas besoin de l’argent qui est réclamé aujourd’hui. S’il s’agissait d’un scénario de « Business as usual », cet argent serait très probablement à nouveau prêté à la Grèce.

 

Mais, encore une fois, ce n’est pas une question d’argent. Il s’agit en réalité d’utiliser les échéances pour contraindre la Grèce à se soumettre, à accepter l’inacceptable – non seulement des mesures d’austérité, mais aussi des politiques punitives de régression.

 

Mais pourquoi donc l’Europe fait-elle cela ? Pourquoi les dirigeants européens refusent-ils de prolonger de quelques jours l’échéance du 30 juin pour le remboursement de la Grèce au FMI ? L’Europe n’est-elle pas synonyme de démocratie ? En fait, c’est antithèse de la démocratie, répond Stiglitz : de nombreux dirigeants en Europe voudraient voir la chute du gouvernement de gauche emmené par Alexis Tsipras. Il n’est pas simple de conseiller les Grecs sur comment voter le 5 juillet, continue Stiglitz. Aucune des deux alternatives  – approbation ou refus des conditions imposées par la troïka – ne sera facile, et chacune comporte des risques énormes. Voter « oui » signifierait une dépression sans fin. Il est possible qu’un pays – qui aurait vendu tous ses biens et dont les jeunes auraient émigré – pourrait finalement obtenir l’annulation de sa dette ; peut-être qu’alors la Grèce pourrait obtenir l’assistance de la Banque mondiale. Tout ceci pourrait se produire pendant la prochaine décennie, ou la suivante.

 

A l’inverse, voter « non » laisserait au moins ouverte la possibilité pour la Grèce, avec sa forte tradition démocratique, de décider de son destin. Les Grecs pourraient saisir l’opportunité de construire ainsi un futur qui, même s’il n’est pas aussi prospère que par le passé, serait bien plus prometteur que la torture totalement déraisonnable qu’elle subit actuellement.

 

« Moi je saurais quoi voter, » conclut le Prix Nobel d’Économie.

 

Note :

[1] Joseph Stiglitz

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Piketty : "Entre 2009 et 2014, la Grèce est le pays qui a le plus réduit son déficit"

- L’Europe périt où la démocratie naquit.

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2 juillet 2015 4 02 /07 /juillet /2015 09:54
La Rochelle soutien au peuple grec : jeudi 2 juillet à 19h, cours des Dames

 

Au mois de janvier 2015, le peuple grec s'est prononcé pour changer de politique et dire STOP à l'austérité imposée par la Troïka qui paupérise la population grecque et annihile toute possibilité de sortir le pays de la spirale infernale du déclin économique et social.

 

Suite à l’impasse des négociations due au refus du FMI et des institutions européennes d’annuler ou de restructurer la dette grecque, suite aux mesures d’économie drastiques et inhumaines imposées au pays*, le gouvernement grec appelle ses citoyens à se prononcer par referendum​, dimanche prochain, sur le plan d’accord soumis par les institutions européennes et par le FMI...et appelle clairement à voter non : OXI !

 

 

- L'Europe de la finance refuse toutes les mesures proposée par le gouvernement grec visant à soulager le peuple en taxant les nantis.

Quelques exemples de mesures refusées ou imposées par les institutions européennes et le FMI qui disent à Tsipras : pas touche aux riches !

  • Augmentation du taux d’imposition sur les sociétés : REFUSÉE
  • Taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à ​500​ ​000€ : REFUSÉE
  • Taxation des jeux en ligne : REFUSÉE
  • Suppression de l’allocation de solidarité pour les retraités les plus pauvres : IMPOSÉE
  • Augmentation de la TVA : IMPOSÉE
  • etc, etc.

 

Comme c’est prévisible, les médias et l’UE vont tout faire pour que la peur l’emporte sur la démocratie. Soutenons le peuple grec !

 

 

- Surprise ! Le PS Charente Maritime appelle au soutien du Peuple Grec

Le PS ira t-il jusqu’à dénoncer la politique d'austérité qu'Hollande, Moscovici et consort veulent imposer aux grecs ? Bien sur que non !

 

Le PS de Charente Maritime soutient-il l'appel à voter NON au référendum grec ? Bien sur que non !

 

Il soutient la déclaration du bureau national du PS qui appelle le peuple grec "à faire les concessions nécessaires", donc de nouvelles mesures d'austérité..... passant aux pertes et profits toutes les propositions faites par le gouvernement grec, notamment celles qui visent à soulager le peuple en taxant les nantis.

 

  • Le PS prend une position à usage de politique intérieure française pour se donner une image plus "solidaire et anti austéritaire" sans rien renier sur le fond de son soutien sans condition au FMI, à la Troïka, par peur que le peuple grec en disant NON,  fasse la démonstration qu'une autre politique est possible en Europe.

 

- Une fois cet éclaircissement effectué...... tout le monde est bienvenu !

 

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Les français solidaires du peuple grec : non à la soumission aux chantages de la troïka

Appel au rassemblement des citoyens, syndicats, partis, associations pour un soutien au peuple grec :

jeudi 2 juillet à 19h, cours des Dames

La Rochelle soutien au peuple grec : jeudi 2 juillet à 19h, cours des Dames
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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 08:10
Un coup d’État financier contre Athènes avec des banks au lieu des tanks

Un plan de déstabilisation financière et politique de la Grèce est en cours depuis quelques semaines. À vrai dire, c’est bien avant l’élection de Syriza que le processus a été mis en route, mais son accélération intensive ces derniers jours jette une lumière vive sur celui -ci.

Il ne s’agirait de rien moins qu’une tentative de renverser le gouvernement Syriza, pour que celui-ci soit en fin remplacé par une coalition à la convenance des créanciers.

 

Source : le blog du Parti de gauche Midi-Pyrénées  par Vicky Skoumbi Rédactrice en chef de la revue grecque de philosophie "αληthεια"

Le chantage odieux exercé sur le gouvernement grec, par le biais d’une incitation ouverte à un bank run , ne laisse aucun doute sur la volonté des créanciers d’en finir une fois pour toutes avec un gouvernement qui ose contester leurs diktats et refuse de faire boire au peuple grec jusqu’à la lie la potion létale que Bruxelles, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont savamment concoctée pour lui. Doit-on rappeler ici que les programmes de « sauvetage », qui n’ont sauvé personne à l’exception notoire de banques européennes, grecques comprises, n’ont pas manqué de produire une telle chute du PIB, une telle baisse du niveau de vie que même une guerre menée par des moyens militaires n’aurait su les produire. La nouveauté aujourd’hui consiste au fait que le trio infernal de la Troïka a décidé de mettre délibérément en danger le système bancaire grec afin de faire tomber un gouvernement qui, malgré des pressions terrifiantes, a osé lui tenir tête pendant cinq mois. Après tout, il n’est pas interdit de mettre en danger quelques petites banques périphériques si c’est pour rafler la mise sur le plan politique et économique. Ces affirmations qui pourraient, aux yeux de certains, paraître exagérées, voire gratuites, s’appuient sur des faits.

 

 

- Déstabilisation économique

Le lendemain de l’Eurogroupe du 18 juin, Donald Tusk a su trouver la bonne formule pour résumer la situation  : la Grèce aura à choisir entre, ou bien le projet que proposent les créanciers, ou bien la faillite, a-t-il déclaré. Mais ces messieurs, qui sont censés veiller sur la sauvegarde des intérêts des peuples européens, ne se sont pas contentés de placer un gouvernement élu devant ce choix forcé.

 

La faillite, ils ne se bornent pas à l’évoquer, ils l’organisent sournoisement et méthodiquement par des rumeurs, de vraies fausses annonces aux médias, des fuites savamment orchestrées, qui toutes laissent planer depuis plusieurs jours la menace d’un scénario à la chypriote. Par un jeu calculé de déclarations alarmantes, ils préviennent de l’imminence d’un « capital control » en Grèce et poussent délibérément les épargnants grecs à faire des retraits massifs, qui n’ont pas manqué de conduire les banques au bord du gouffre. Dresser ici un inventaire exhaustif des faits et gestes incitant à la panique bancaire n’est pas possible  ; je vous renvoie à l’excellent compte rendu qu’en fait Romaric Godin dans La Tribune, ainsi qu’à l’analyse de Martine Orange dans Mediapart.

 

Je mentionne juste deux exemples :

  • le refus de la Commission de démentir l’article du Süddeutsche Zeitung qui évoquait la possibilité d’un contrôle des capitaux et la vraie fausse rumeur lancée par les soins de Benoît Cœuré , selon laquelle les banques grecques ne devaient pas ouvrir lundi dernier. Une fois cette prévision catastrophique démentie par les faits, le spectre de la fermeture bancaire s’est savamment déplacé vers... mardi !

 

  • Que faudrait-il de plus pour que les épargnants se ruent vers les agences les plus proches ? La très honorable institution qui se doit d’assurer la stabilité du système financier européen n’accorde chaque jour qu’une somme « insuffisamment suffisante », pour maintenir les banques grecques tout juste à flot, mais toujours au bord du gouffre. Bref, les responsables européens, avec l’aide de leurs amis du FMI, recourent ici au bon vieux schéma de la prophétie apocalyptique, qui, en semant la panique, finit par s’accomplir, du fait de sa seule énonciation publique. Le but de l’opération étant d’obliger le gouvernement Tsipras à décider ses prochains mouvements, sous la menace imminente d’un « accident » bancaire. Ce qui pourrait expliquer les concessions supplémentaires que le gouvernement grec a faites en acceptant une hausse de la TVA et une augmentation des cotisations des retraités au système de santé. Pour compléter le tableau, juste avant la réunion du 24 juin, un dignitaire européen a jugé bon de rappeler à notre mémoire le scénario à la chypriote, dont la répétition pourrait intervenir à tout moment.

 

  • Mais cela n’a pas suffi, la preuve, la nouvelle proposition des trois institutions, qui en fait ne diffère que très peu de la précédente, exige de nouvelles baisses des retraites et des salaires, dans le but évident mais non avoué d’enfoncer encore plus la Grèce dans une misère économique et sociale la plus totale. Prenons juste un exemple parmi les mesures préconisées  : le taux d’imposition des agriculteurs passe de 13 % à 26 %, voire à 33 %, et la réduction des taxes sur le pétrole destiné aux travaux agricoles est diminuée de moitié. Pareilles mesures, si elles venaient à s’appliquer à une agriculture à l’agonie, pousseraient la grande majorité des cultivateurs à renoncer à leur métier et à brader leurs champs pour moins que rien. Sous prétexte de multiplier les recettes de l’État, ce qui n’est tout simplement pas envisageable car on ne peut rien tirer de gens ruinés, la terre arable grecque changerait de mains. J’ajoute que, selon Wolfgang Münchau, l’avant-dernière proposition de ceux qui prétendent parler au nom de l’Europe, et qui diffère très peu de celle actuellement sur la table, produirait certainement un effet récessif de 12,6 % sur quatre ans, et que la dette risquerait d’atteindre 200 % du PIB en 2019. Avoir mis sous tutelle un pays dont la dette s’élevait à 120 % en 2009 pour le sauver de la faillite, et le conduire grâce aux conditionnalités de l’« aide » accordée, à 200 %, c’est un brillant exercice de destruction massive, qui pourrait servir d’exemple à tous ceux et celles en Europe qui trouvent que l’austérité est un remède qui tue. À ce propos, on aimerait bien savoir sur quelle logique Pierre Moscovici s’appuie pour affirmer qu’un paquet de 11 milliards d’économies étalées sur 18 mois, imposé à un pays en dépression, ne constitue point un plan d’austérité.

 

 

- Des acolytes bien commodes

Il est à noter que les déclarations catastrophistes les plus redoutables venaient de l’intérieur même du pays. Le bal fut ouvert par Dóra Bakoyánni, qui, dès le 24 mai déjà, avait affirmé l’imminence d’un capital control qui pourrait intervenir dans le long week-end de la Pentecôte.

 

Adonis Georgiadis, transfuge de l’ extrême droite au sein du gouvernement précédent et vendeur de pamphlets antisémites, n’a pas manqué d’apporter sa propre touche à l’édifice. Cependant, celui qui a vraiment donné le coup de grâce fut le directeur de la Banque de Grèce, Ioánnis Stournáras. Celui-ci, en outrepassant abusivement les limites de sa fonction en tant que garant de la stabilité financière grecque, a jugé bon de publier, la veille de l’Eurogroupe du 18 juin, un rapport qui prévoyait des catastrophes cataclysmiques, si jamais un accord avec les créanciers n’était pas signé tout de suite.

 

 

- Terrorisme financier

Mais la BCE n’en est pas à son premier coup. En matière de chantage aux liquidités et d’ultimatums, Jean-Claude Trichet s’était avéré un maître à la tête de la BCE. Les Irlandais en ont goûté la saveur, lorsqu’en novembre 2010 et sous la menace du tarissement de liquidités, ils furent forcés de signer un mémorandum qu’ils s’obstinaient jusqu’alors à rejeter. On peut également évoquer l’éviction de Geórgios Papandréou de son poste de Premier ministre, une fois qu’il avait eu la très mauvaise idée de proposer en novembre 2011 un référendum. Quant au «  bail in » chypriote, on aurait tort d’oublier le chantage ouvert qu’a exercé encore une fois la BCE, en menaçant de couper les liquidités aux banques chypriotes. Cet exercice de haut vol de terrorisme financier a prouvé encore une fois en Chypre son efficacité  : il a obligé le parlement chypriote à revenir sur sa décision initiale et à accepter le 22 mars 2013 le même bail in qu’il avait rejeté trois jours avant.

 

Cependant, l’exemple le plus instructif reste celui qui concerne la fuite de capitaux « téléguidée », pendant la période entre les élections de mai et celles de juin 2012 en Grèce. Une étude du Peterson Institute, datée de mai 2012, sous le titre parlant « Comment un bank run peut faire partie de la solution  » décrit en détail de quelle manière une panique bancaire en période électorale pourrait s’avérer fort opportune pour pousser les électeurs à se détourner de Syriza. Son auteur, Jacob Funk Kirkegaard, ne mâche pas ses mots : « Un bank run accéléré en Grèce pourrait offrir quelques opportunités. Nous ne devons donc nous attendre à aucun répit sur le front des menaces de la part des dirigeants de l’Eurozone. En effet, ces dirigeants peuvent encourager secrètement la panique bancaire, une stratégie qui révèlerait aux yeux de tous le caractère fallacieux et trompeur du programme électoral de Syriza. Si les déposants des banques grecques ne peuvent pas faire confiance aux promesses d’Alexis Tsipras concernant leur argent propre, pourquoi voteraient ils pour lui ? » Et l’excellent homme pousse son raisonnement jusqu’à dire  : « tout un chacun qui veut maintenir la Grèce dans l’Eurozone se doit de retirer de l’argent des banques ». On ne peut pas être plus clair, je crois. Il ne faut surtout pas imaginer que ce scénario-là était resté lettre morte à l’époque. Entre mai et juin 2012, résonnaient sans cesse à nos oreilles les paroles des dignitaires européens du plus haut rang, qui n’avaient de cesse de nous prévenir des catastrophes apocalyptiques qui se produiraient si jamais Syriza gagnait les élections.

 

Tout au long de cette période électorale, on a pu constater une fuite considérable de capitaux vers l’étranger, dont une grande partie fut rapatriée juste après la formation du gouvernement Samaras. Une véritable campagne d’intimidation avait été lancée en interne et en externe, afin de terroriser les électeurs par la perspective de la perte de leur épargne et d’une fermeture imminente des grandes entreprises, si, par malheur, Syriza l’emportait. Une grande banque systémique grecque, Eurobank, pour ne pas la nommer, avait même donné la consigne à ses employés de bien prévenir la clientèle de la fermeture certaine de la banque, si Syriza l’emportait, après quoi leurs économies seraient parties en fumée.

 

Mais nul besoin de remonter si loin pour trouver des précédents. Début février 2015, la BCE avait annoncé la suppression de lignes de financement des banques grecques, qu’elle acceptait depuis 2010. «  Les responsables de la banque centrale ont annoncé que l’institut monétaire mettait un terme à partir du 28 février – dans les faits, la mesure devrait prendre effet dès le 11 février pour des raisons techniques – à la clause qui lui permettait d’accepter les titres grecs, classés aujourd’hui en «  junk bonds », que les banques grecques placent en dépôt de garantie pour obtenir un refinancement bancaire. Pour les banques grecques, privées de tout accès aux financements interbancaires, ce dispositif est essentiel pour assurer leur financement  », écrivait Martine Orange.

 

Après avoir accepté pendant plusieurs années d’acheter des titres qui étaient classés très bas dans l’échelle d’évaluation, subitement la BCE a commencé à se poser des questions sur la qualité de ces titres, en se souvenant tout d’un coup que son règlement lui interdit d’acheter des titres qui ne sont pas dotés du fameux AAA. Il va de soi que le moment ne fut pas choisi au hasard  : Syriza venait de remporter les élections du 25 janvier et les négociations avec les créanciers venaient juste de commencer.

 

Toutefois, la sortie systématique de la BCE de ses prérogatives ne s’arrête pas là.

  • L’honorable institution refuse de rendre à la Grèce les gains qu’elle a faits sur les obligations grecques achetées dans le cadre du programme SMP ( Securities Market Program, un programme d’achat des obligations les plus attaquées sur les marchés, afin de faire baisser les taux d’intérêt). Ces gains, pour la seule année 2014, s’élèvent à 1,9 milliard. Bref, la BCE, au même titre que n’importe quel spéculateur, profite allègrement de taux d’intérêt très élevés de cette catégorie de titres, et, en ce moment critique où l’économie grecque est à l’asphyxie, elle refuse de payer à la Grèce son dû, si celle-ci ne cède pas aux exigences extravagantes de ses créanciers.

 

  • Car, à partir du 1er janvier 2013, les intérêts perçus sur ces titres doivent obligatoirement être rétrocédés aux banques centrales nationales, qui elles-mêmes les mettront à la disposition du pays émetteur du titre. Mais l’«  exception  » grecque autorise quelques écarts par rapport aux accords que les institutions ont signés avec la Grèce. Non pas que cela ne se fasse pas également au détriment d’autres pays comme le Portugal.

 

Quoi qu’il en soit, dans le cas de la Grèce, ce type de pratiques constitue plutôt la règle que l’exception. Un scénario assez semblable au bank run de mai 2012 est en cours aujourd’hui, sauf que, maintenant, l’implication des institutions européennes se fait ouvertement et non plus à mots couverts. Comme l’a révélé Martine Orange dans son article «  Grèce : les créanciers instaurent la stratégie de la terreur  », une étude de la très honorable Goldman Sachs avait déjà tout prévu depuis le mois de décembre : « Cette volonté de semer l’inquiétude ressemble tant au scénario de Goldman Sachs, établi dès décembre, où s’enchaînaient panique bancaire, fermeture des banques, contrôle des capitaux, capitulation politique, mise sous tutelle économique et nouvelles élections, que cela en devient troublant.  » Pour sa part, Romaric Godin remarquait  : «  Tout au long de la semaine, les créanciers et la BCE ont tout fait pour déstabiliser les déposants grecs. Et placer le gouvernement grec devant un choix impossible.  »

 

Faudrait-il rappeler ici que M. Mario Draghi fut pendant de longues années le représentant attitré de Goldman Sachs en Europe  ?

 

 

 

 

- Déstabilisation politique

Mais Goldman Sachs n’en était pas à son dernier coup. Le site économique grec capital.gr relate que la très honorable maison prévoit un défaut imminent de la Grèce dans l’euro, accompagné d’un capital control. Goldman Sachs précise que la période chaotique qui pourrait suivre comporte tout de même « le risque d’une sortie de l’euro au lieu de conduire au changement politique qui permettrait d’arriver à un accord  » (c’est moi qui souligne). Au cas où nous n’aurions pas compris quel est le changement politique que l’honorable maison appelle de ses vœux, elle en dresse les contours d’une façon on ne peut plus claire. Le capital control ruinerait la confiance des électeurs dans le gouvernement, de sorte que la voie vers « un nouvel équilibre politique interne » serait enfin ouverte. Par « nouvel équilibre politique  », il faut entendre une nouvelle configuration de la carte politique grecque entre les partis, qui permettrait d’arriver finalement à la conclusion d’un accord. Cette recomposition de la scène politique grecque, qui serait atteinte grâce aux turbulences d’une période trouble de transition, implique nécessairement de nouvelles élections ainsi que la formation de coalitions inédites, nous verrons lesquelles par la suite. Le tout rendra possible le maintien de la Grèce dans la zone euro sous un gouvernement suffisamment docile envers les diktats des créanciers.

 

Si ce qui vient d’être décrit n’est pas un scénario de déstabilisation méthodiquement planifiée d’un gouvernement élu, qu’est-ce que c’est ? En provoquant un bank run, en ouvrant la voie vers le capital control qui dressera la population contre le gouvernement actuel, certains espèrent avoir raison de Syriza. Qui plus est, un accord en contrepied du programme électoral de Syriza, que les créanciers veulent imposer manu militari , constituerait l’occasion rêvée pour que la coalition de gauche radicale qu’est Syriza vole en éclats. Une scission au sein de Syriza permettrait d’isoler le bon grain de l’ivraie et ouvrirait la voie à un autre gouvernement de coalition.

 

Remarquons que la dernière mouture de la proposition des créanciers comporte une coupe de 400 millions dans le budget de la défense. Pareille baisse dans le budget de la défense aurait pu être la bienvenue, si elle ne comportait pas une certaine arrière-pensée. ANEL, la droite souverainiste qui est l’alliée actuelle de Syriza, est particulièrement attachée au maintien d’un budget militaire considérable. Certes, dans les programmes précédents, il y a eu quelques coupes dans le budget de la défense, mais, que je sache du moins, jamais de cette ampleur. Alors on ne peut que s’étonner de voir comment ceux qui, au début du programme de «  sauvetage  », avaient exigé que la Grèce honore les contrats signés pour l’achat d’armements au grand profit de la France et de l’Allemagne, tout d’un coup, par une illumination divine, exigent non seulement des coupes, mais des baisses d’effectifs, c’est-à-dire des licenciements de militaires professionnels. Scission donc de Syriza, éclatement de la coalition avec ANEL, voici quelques éléments ouvrant une voie royale vers un autre gouvernement plus commode.

 

Stavros Théodorakis, un présentateur télévisuel, qui se trouve actuellement à la tête de Potami, réputé pour ses accointances avec le cercle des créanciers, est appelé à jouer un rôle clef dans ce processus. Précisons qu’il prône ouvertement la nécessité de coupes budgétaires avec baisse des retraites, et s’oppose à toute idée de restructuration de la dette, ainsi qu’à toute augmentation d’impôts des couches supérieures de la société. Ce dirigeant d’une formation qui n’a pas fait plus de 6% aux dernières élections est, dans le contexte actuel, l’interlocuteur privilégié de Bruxelles. Il multiplie les rencontres avec M.M. Juncker, Sapin, Moscovici et Schulz, ce dernier ne manquant pas une occasion d’affirmer que c’est bien avec Potami que Syriza aurait dû former un gouvernement de coalition. Stavros Théodorakis participe même à des dîners avec des chefs d’État  ! Comble de l’affaire, ce chantre des intérêts des créanciers se présente en Grèce comme un porte-parole officieux de Bruxelles, faisant part aux Grecs du mécontentement de M. Juncker devant l’«  intransigeance  » supposée du Premier ministre grec.

 

Si par malheur ces manœuvres ne réussissent pas à le faire plier, on peut compter sur l’usure qui pourrait saper la popularité de Tsipras auprès d’une population qui, jusqu’à maintenant, continue contre vents et marées à lui accorder son soutien. Cette usure sera assurée si Tsipras est amené à appliquer des mesures d’austérité, imposées par les créanciers. La chose pourrait être facilitée par un coup de main opportun et un bank run organisé ferait bien l’affaire. Les créanciers seraient même disposés à conduire la Grèce au défaut, tout en faisant porter la responsabilité de celui-ci à Syriza. Il s’ensuivrait nécessairement une première période confuse sinon chaotique, particulièrement propice à des manifestations dites «  de casseroles  », dans la veine de celles organisées au Chili d’Allende, qui contribueraient à faire tomber le gouvernement. Je dois ajouter ici que chaque fois que les négociations se trouvent à un point crucial, des groupes qui se disent anarchistes créent des incidents violents aux alentours de l’École polytechnique, en brûlant des voitures, cassant des vitrines, etc. Il se peut qu’il s’agisse effectivement d’anarchistes, mais la coïncidence avec les réunions de l’Eurogroupe aussi bien que l’attitude tolérante de la police à leur égard laissent songeur.

 

Pour ceux qui pourraient voir l’analyse qui précède comme une énième théorie du complot, je propose de prêter l’oreille à un économiste peu suspect de verser dans le complotisme, à savoir Romaric Godin  : «  L’Europe doit donc de toute urgence abandonner ses buts politiques et accepter enfin le résultat de l’élection du 25 janvier. Elle doit aussi respecter sa propre parole, celle qui, le 20 février, affirmait que la Grèce devait décider de ses propres réformes dans le cadre du programme. »

 

 

- Des amis qui vous veulent du bien

J’en viens aux faits et gestes politiques qui permettent d’affirmer qu’un plan de renversement du gouvernement Tsipras est lancé par Bruxelles. Stavros Théodorakis, encore lui, fut invité par la Commission et reçu par M. Juncker le jour même où le Premier ministre était convoqué à Bruxelles. Notons qu’il ne fut pas le seul à se rendre à Bruxelles le mercredi 24 juin, mais s’y sont précipités tous ceux qui vont être appelés à former un gouvernement obéissant , une fois Tsipras évincé. On y a vu Antónis Samarás , dont les déclarations étaient plus qu’explicites  : il propose un gouvernement d’unité nationale sans Alexis Tsipras, en faisant quand même la concession de s’abstenir de toute participation personnelle au schéma proposé. En même temps, le nom de Konstantínos Karamanlís commence à circuler  ; celui-ci pourrait en effet se présenter comme un recours possible, dans la mesure où il n’a occupé aucun poste gouvernemental depuis septembre 2009  ; il est moins usé que ceux qui se sont compromis dans la gestion des memoranda. Quant à Stavros Théodorakis, toujours lui, du haut de ses 6 % de voix et de sa science économique, il vient de donner une interview au Financial Times , où il précise qu’il est à la disposition de qui veut l’entendre pour un remaniement gouvernemental. Mais, le 24 juin, a également été reçue à Bruxelles Fofi Gennimata , qui vient de succéder à Evangelos Venizelos à la tête du Pasok, forte des 289 482 voix que celui-ci avait récoltées aux dernières élections. J’invite le lecteur à réfléchir un instant pour se poser la question suivante  : que pouvait faire tout ce beau monde à Bruxelles, au moment où les négociations avec les créanciers se trouvaient à leur point critique, sinon se présenter comme une alternative «  sérieuse  » au gouvernement actuel, qui ne serait composée que «  de personnes responsables et d’adultes  » (dixit Mme Lagarde)  ?

 

 

- Coup d’État financier

Deux scénarios se dessinent  : ou bien il faut obliger le gouvernement Tsipras à la capitulation totale en lui faisant accepter des mesures exceptionnellement dures, auxquelles il faudrait éventuellement ajouter l’arme majeure du capital control , ce qui le discréditerait aux yeux de l’opinion, ou bien il faudrait provoquer une scission opportune au sein de Syriza pour introniser ensuite un gouvernement de coalition avec la soi-disant bonne partie de Syriza, où M. Théodorakis jouerait un rôle de premier ordre. Une combinaison des deux scénarios reste bien entendu possible. Le tout dans une perspective de défaut. Pour éviter les malentendus, je précise que j’appelle de mes vœux une cessation de paiement, même si cela se traduit par un défaut, à la condition qu’il soit soigneusement préparé et encadré. Sans cela, il pourrait déclencher un enchaînement d’événements incontrôlables qui mèneraient à la chute du gouvernement.

 

Ce qui vient d’être décrit ici porte un nom, ce n’est rien d’autre qu’ un coup d’État financier où, à la place des tanks, on fait appel aux banks !

 

Un coup d’État fomenté par les institutions européennes, voilà le visage de l’Europe que les dirigeants européens souhaitent donner à voir à leurs peuples. Je ne saurais dire si ceux-ci tolèreront ces agissements. Les trois de l’ex-Troïka, malgré leurs dissensions internes, font tout pour dresser les citoyens européens contre les Grecs en leur faisant croire qu’ils ont payé et continueront à payer pour le sauvetage de la Grèce.

 

Ce que l’on oublie de dire, c’est que le programme qui fut présenté en 2010 comme un plan d’« aide » à la Grèce, n’était en réalité qu’un généreux plan de sauvetage de banques européennes exposées à la dette grecque. Tous les économistes qui se respectent s’accordent aujourd’hui sur ce point  : à l’époque, il aurait fallu faire une restructuration importante de la dette grecque qui l’aurait rendue viable, avant d’entreprendre n’importe quelle mesure pour la suite. Or, une telle restructuration aurait pu faire perdre 30 milliards à peu près aux banques européennes, au premier rang desquelles se trouvaient BNP Paribas, la Société générale et la Deutsche Bank.

 

Et, pour que celles-ci n’accusent pas une perte qui aurait nécessité leur recapitalisation aux frais du contribuable, un sauvetage qui l’a ruinée a été imposé à la Grèce. Bref, ce qui fut présenté comme un plan d’aide à la Grèce n’a été qu’une recapitalisation indirecte des banques, qui ont eu toutes leurs aises pour se débarrasser à temps des obligations grecques avant la restructuration de 2012  ; ainsi, la patate chaude est passée du secteur privé aux États. Le fait est confirmé par la toute récente déposition de Panayotis Rouméliotis à la Commission parlementaire «  Vérité sur la dette  ». Rouméliotis, qui représentait à l’époque la Grèce au sein du FMI, a révélé que des représentants de grandes banques européennes furent reçus à plusieurs reprises par l’équipe du FMI à Athènes afin d’éviter une restructuration qui les prendrait de court. Force est de constater que l’appel «  Sauvons le peuple grec de ses sauveurs  » que nous avions lancé en février 2012 n’a malheureusement rien perdu de sa pertinence.

 

 

- Négociations ?

J’espère que cette stratégie des créanciers qui met en danger, non seulement la Grèce mais l’Europe dans son ensemble, soulèvera un vent de protestations sans précédent partout dans le monde. Car, si les créanciers arrivent à leurs fins, si ce coup d’État financier monté par les institutions européennes et le FMI réussit, il ne restera plus rien de l’idée européenne. Des cendres calcinées de celle-ci émergera non pas le visage « complaisant  » du chef de Potami, mais celui, odieux, de l’Aube Dorée. À qui d’autre pourrait profiter le sentiment d’une impuissance totale et enragée qui résultera inévitablement devant le spectacle des manœuvres qui ne vous laissent aucune prise sur votre propre destin  ? Faire preuve de tant d’aveuglement au moment où partout en Europe des partis d’ extrême droite et des formations ultranationalistes ouvertement racistes prennent le pas, c’est dire jusqu’où les dirigeants européens sont disposés à aller pour imposer le dogme néolibéral. Ou bien il ne s’agit point d’aveuglement, mais d’un choix délibéré  ? Certes, il y en a quelques-uns parmi le cénacle de dirigeants qui, face à ce danger, optent pour un scénario plus soft , celui non pas de l’éviction immédiate, mais de la prolongation de six mois du programme sans restructuration de la dette, six mois pendant lesquels Syriza sera sommé d’appliquer les contre-réformes préconisées partout en Europe comme un remède miracle à la crise. Un tel scénario présente l’avantage de compromettre les chances de Podemos et d’autres formations affines. Mais il n’empêchera point la montée en force de l’Aube Dorée, qui serait en droit dans ce cas d’affirmer que les politiciens sont tous « les mêmes  ». À qui d’autre pourrait profiter la conviction que les politiques sont «  tous vendus  », qui ne manquera pas de s’imposer alors à l’opinion ?

 

Le dernier rebondissement, avec le durcissement maximal des créanciers qui se sont réglés sur les positions libérales à outrance de Mme Lagarde, ne fait que confirmer l’hypothèse d’une stratégie de déstabilisation. Il est à noter que cette nouvelle provocation intervient juste deux jours après que les représentants des trois institutions aient accepté comme une bonne base de discussion les positions grecques, tandis que, deux jours plus tard, le texte présenté par les créanciers tordait le cou à l’esprit initial du texte grec, qui, de son côté, consistait à faire porter le maximum de charges aux entreprises bien portantes et non pas uniquement aux plus faibles, très fragilisées par les coupes successives de revenus. En somme, les propositions du FMI adoptées par les créanciers dans leur ensemble sont si extrêmes qu’elles ne sauraient qu’être rejetées. Si par bonheur Tsipras, sous la menace de la faillite, signait un accord plus dur que celui proposé à Samaras, quelle aubaine  ! Les peuples européens comprendraient une bonne fois pour toutes que celui qui sort du droit chemin paie le prix fort.

 

Les institutions européennes se sont avérées de véritables maîtres ès manipulation et vraies fausses négociations. Un mécanisme médiatique s’est mis au service de cette stratégie. De faux bonds en retournements de veste, de déclarations qui étaient faites pour s’annuler un jour après, d’engagements pris et cyniquement et ouvertement non tenus, depuis cinq mois, ils n’avaient que fait semblant de négocier, afin de repousser la chose jusqu’au mois de juin, à la fin duquel la Grèce, sans prolongation du programme, ne touchera pas la dernière tranche d’aide. Pour que ces ajournements incessants passent auprès de l’opinion, les créanciers ont sans cesse dénoncé l’« intransigeance » irresponsable du gouvernement grec. Et ils l’ont fait au moment où ils l’obligeaient, par le tarissement des liquidités, à reculer considérablement par rapport à ses positions initiales. Tout avait bien commencé par un coup tordu : comme l’a révélé Paul Mason , journaliste au Channel 4, Varoufakis était arrivé à l’Eurogroupe du 16 février avec une des propositions de Moscovici en mains, pour découvrir que ce n’était point sur celle-ci que portait la discussion, mais sur un texte beaucoup plus dur que Dijsselbloem allait sortir pendant la réunion. En faisant circuler des contre-vérités, en traitant comme nulle et non avenue la proposition de 47 pages déposée par Syriza début juin. Ce texte ne reprenait point les positions propres du gouvernement grec, mais bel et bien celles issues de quatre mois de pourparlers inutiles.

 

Ainsi, les institutions européennes ont réussi à repousser les vraies négociations vers une période critique où le gouvernement grec est obligé d’ effectuer plusieurs remboursements. Mais les dignitaires de Bruxelles ont voulu y voir un document irrecevable, puisque non conforme à leurs diktats. Fin juin, ils croyaient réussir à coller Tsipras dos au mur et escomptaient rafler ainsi la mise. C’est à ce moment que, pour gagner encore du terrain sur l’adversaire, ils ont sorti le bazooka du bank run orchestré, comme arme de destruction massive. Mais Tsipras, tant bien que mal, continue à résister. Certes, il a fait des concessions, dont plusieurs sont inacceptables, comme les privatisations, mais il continue à ne pas accepter une capitulation totale et sans conditions. Et sur ce point, même si l’on n’est pas d’accord sur sa stratégie, il faudrait lui rendre un hommage appuyé  ; tenir bon lorsqu’on est seul dans la fosse aux lions demande un certain courage, voire un courage certain.

 

Devant tant de mauvaise foi, tant d’arrogance, tant de perfidie liées à une stratégie de déstabilisation d’un gouvernement qui dérange, j’aimerais inviter le Premier ministre grec à suspendre les paiements des créanciers jusqu’à ce que la croissance revienne en Grèce. Il serait utile de rappeler ici que, selon le rapport provisoire de l’audit de la dette grecque, celle-ci a explosé entre 1980 et 2010, non pas à cause de dépenses licencieuses, mais par l’effet conjugué de taux d’intérêt très élevés et de la course aux armements.

 

par Vicky Skoumbi

Rédactrice en chef de la revue grecque de philosophie "αληthεια"

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- A-t-on vraiment aidé les Grecs ?

- Grèce : un coup d’État financier et politique est en cours !

- Europe : bienvenue chez les fous !

- La Grèce ne va pas honorer son paiement au FMI, nouvelles tractations avant le référendum

- Jean-Luc Mélenchon : La Grèce résiste pour nous

- Grèce : les économistes jugent déraisonnables les exigences des créanciers

Un coup d’État financier contre Athènes avec des banks au lieu des tanks
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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 08:18
Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : une fausse bonne idée ?

Pour la Cgt le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est une nouvelle imposture !

 

  • En 2006, le Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ainsi que le Ministre délégué au budget, avaient chargé une mission d’approfondir le débat public sur le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source.

Cette mission avait engagé, pour cela, une large concertation avec l’ensemble des représentants des acteurs concernés par cette réforme.

La Cgt y avait été auditionnée par cette mission le 5 février 2007, et, à cette occasion, avait fait part de son hostilité au projet de retenue à la source de l'impôt et formulé ses propositions.

  • A la demande de F. Hollande, le gouvernement Valls a remis ça à l'ordre du jour lors du conseil des ministres du mercredi 17 juin 2015 et a jeté les bases de la mise en œuvre du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2018 .
  • Adopté, aujourd'hui, Macron veut passer à la mise en œuvre.... et ce n'est pas sans probléme pour ce choix qui reste une imposture !

 

Source : La Fédération  CGT des finances le 20 juin 2015

 L’introduction « irréversible » de la retenue à la source pour 2018 est une nouvelle imposture gouvernementale. Celle-ci ne constitue en rien les prémisses de la réforme fiscale nécessaire afin de rendre l’impôt plus juste et efficace.

Plus grave encore : sous prétexte de vouloir simplifier l’impôt sur le revenu pour les citoyens, le gouvernement créé en réalité les conditions de nouvelles inégalités et expose encore plus la vie privée des travailleurs vis-à-vis de leurs employeurs.

Pour autant, cette réforme n’entraînera pas de simplification pour les salariés. 

 

 

- 1. Grâce à la retenue à la source, nous n’aurions plus besoin de faire de déclaration de revenus…
FAUX. La retenue à la source ne changerait rien. Si l’administration fiscale peut avoir une connaissance automatique des salaires grâce au recoupement avec la déclaration de l’employeur, elle ne peut avoir connaissance des changements de situation de famille, des déductions fiscales dont pourrait bénéficier le contribuable (frais de garde d’enfant, travaux dans l’habitation, cotisation syndicale...). De plus, un certain nombre de revenus ne peuvent être connus de l’administration (par exemple les revenus locatifs). Les français devront donc continuer à faire une déclaration annuelle.

 

 

- 2. Finis les décalages entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt…
FAUX. En cas de baisse des revenus par exemple, le montant de l’impôt ne pourrait pas être immédiatement modifié. En effet, les variations du montant de l’impôt découlent de critères qui ne pourront être connus qu’à l’occasion de la déclaration de revenus annuelle. Les rectifications éventuelles à opérer sur la retenue à la source se feraient, comme aujourd’hui, avec un an de décalage. L’impôt se calcule, en effet, en fonction du montant des revenus perçus durant une année, il faut donc attendre le 31 décembre avant de savoir ce que l’on doit pour l’année. La retenue à la source ne raccourcirait donc pas le décalage entre perception du revenu et paiement de celui-ci.

 

 

- 3. Au moins la retenue à la source simplifierait le paiement de l’impôt…
FAUX. La retenue à la source n’amènerait pas de bénéfice par rapport au dispositif de la mensualisation. Au contraire, aujourd’hui le contribuable peut choisir entre un paiement en trois fois ou un paiement mensuel. Avec la retenue à la source, les citoyens perdront cette liberté de choisir le mode de recouvrement le plus adapté pour chacun.

 

 

- 4. Ce nouveau mode de recouvrement ne recouvre aucun risque…
FAUX. La retenue à la source fournirait à l’employeur des éléments sur la vie privée des salariés (situation de famille, niveau de revenus du conjoint...) qui, pour la CGT, doivent absolument demeurer confidentiels.
L’impôt sur le revenu deviendrait un impôt indirect, n’étant plus payé directement par le contribuable à l’État. Moins visible, il faciliterait les fraudes, comme celle, massive, constatée pour la TVA, incitant également les entreprises à faire de la rétention de trésorerie et à réclamer une compensation représentative des frais de gestion du recouvrement de l’impôt sur le revenu, ce qui représentera une nouvelle dépense pour l’État.

 

 

- 5. Le non recouvrement de l’impôt sur les revenus de 2016 est une bonne nouvelle pour les contribuables…
VRAI ET FAUX. Une « année blanche » d’impôts sur le revenu aura forcément un impact sur les moyens donnés aux services publics pour accomplir leurs missions au bénéfice de tous. Dans une période où le gouvernement multiplie les cadeaux au patronat, sous forme d’exonération diverses, ce serait encore moins d’argent pour l’éducation, la santé, la justice, la police… Et donc une très mauvaise nouvelle pour les salariés, les retraités, les privés d’emploi. En revanche, cette décision serait de très bon augure pour ceux qui pourraient loger artificiellement certains revenus sur l’année d’exonération plutôt que sur l’année de taxation, développant les phénomènes d’optimisation fiscale agressive.

 

 

- 6. Impôt sur le revenu, des solutions existent, il faut...

  • S’attaquer sans concession à la fraude fiscale qui représente selon nos estimations près de 80 milliards de pertes pour l’Etat chaque année. Pour ce faire il convient de redonner les moyens humains et législatifs suffisants aux services de contrôle afin de pouvoir lutter efficacement contre les fraudeurs. Recettes attendues 8 milliards d’euros par an

  • Harmoniser la fiscalité entre les pays et éradiquer les paradis fiscaux

  • Réduire drastiquement les niches fiscales et les circonscrire à celles réellement utiles socialement ou économiquement. Recettes attendues 50 milliards d’euros par an

  • Augmenter largement l’incidence de l’impôt sur le revenu et ajouter des tranches d’imposition (voir page 3) Recettes attendues 18 milliards d’euros par an

  • Baisser les taxes indirectes et proportionnelles comme la TVA, le taux normal de la TVA serait ramené de 20 à 15 % et la TVA pourrait être supprimée sur les produits de première nécessité. dépenses attendues 35 milliards d’euros par an

  • Moduler l’impôt sur les sociétés en fonction du comportement des entreprises : augmenter l’impôt pour celles qui contribuent à la financiarisation de l’économie ; réduire l’impôt pour celles qui favorisent l’emploi, les salaires, l’investissement, la préservation de l’environnement...

  • Introduire les revenus dans le calcul des taxes locales (taxe d’habitation, taxe foncière)

  • Taxer davantage le capital en introduisant une véritable taxe sur les transactions financières visant l’ensemble des transactions à des taux suffisamment forts pour réduire la financiarisation de l’économie. Recettes attendues 24 milliards d’euros par an

 

Ces transformations du système fiscal le rendrait plus juste et seraient favorables économiquement à une très grande majorité de citoyens. Celles-ci permettraient également de rendre le système plus efficace en réorientant l’économie vers l’emploi et une meilleure rémunération des salaires.

 

En outre cette réforme du système permettrait de dégager des recettes supplémentaires afin d’assainir les finances publiques et de permettre le financement de services publics utiles à toute la population.

 

Il faut aussi rappeler que les intérêts de la dette pèsent plus de 40 milliards dans le budget de l’État. Lui permettre d’emprunter directement auprès de la Banque centrale européenne, sans passer par les banques, réduirait nettement cette charge qui profite exclusivement aux marchés financiers.

 

 

 

 

- 7. Les propositions de la CGT téléchargeables ci dessous :

- 8. Prélèvement à la source de l'impôt. Pour la CGT, la manipulation en marche !

 

- En 3 minutes, découvrez pourquoi la retenue à la source est à rejeter absolument.

Malgré la campagne de propagande du gouvernement, la retenue à la source est une véritable usine à gaz. Elle ne fera que compliquer le prélèvement de l'impôt sur le revenu pour les particuliers, conduira à de multiples rectifications et sera source de nombreuses erreurs. Qui plus est, elle entrainera inévitablement des pertes de recette pour l'État liées aux difficultés financières des entreprises, sans même parler de la fraude.

 

- Pourquoi refuser le prélèvement de l'impôt à la source, le 13 juillet 2018 groupe de la France insoumise à l’Assemblée Nationale

Le jeudi 13 juillet, le gouvernement a souhaité appeler le débat sur l’article 9 du projet de loi d’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances des mesures sur le code du travail. Objet de cet article « cavalier » : le prélèvement de l’impôt à la source. Les députés de la France insoumise se sont opposés à ce projet en donnant leurs raisons : complexité du dispositif, problèmes liés au respect de la vie privée des salariés, etc. Ils ont également posé une question de fond : accepte-t-on que l’État ne soit plus responsable du prélèvement de l’impôt et que cela soit confié à des entreprises privées ? Se sont exprimés : Éric Coquerel, Muriel Ressiguier, Jean-Luc Mélenchon, Ugo Bernalicis et François Ruffin.

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29 juin 2015 1 29 /06 /juin /2015 08:10
Parti socialiste : dernière station avant la chute ?

Après Poitiers, on peut se poser la question : faut-il prendre au sérieux les congrès du Parti socialiste ? Après tout, les dirigeants du PS eux-mêmes n’ont pas eu l’air d’y attacher une importance et un sérieux excessifs !

 

Sources :  ENSEMBLE! par François Coustal

A commencer par les fameux « frondeurs » : évidemment, le décalage entre leurs espérances proclamées (avant le vote des motions) et le résultat avait de quoi refroidir leurs ardeurs, s’ils en avaient eu. Bien sûr, après la déconvenue d’un score inférieur à 30%, l’idée de redresser sensiblement et à gauche le cours du PS – pour ne rien dire de celui du gouvernement – avait du plomb dans l’aile. De là à faire acte d’allégeance, comme l’a fait leur porte-parole, Christian Paul au cours du congrès, il y avait sans doute un pas à ne pas franchir. Et qui a été franchi… Au point de se faire voler la vedette par Arnaud Montebourg, c’est dire.

 

Naturellement, certains partisans de la motion B, comme Pouria Amirshahi ou encore Gérard Filoche qui sont, en fait, plutôt rattachés aux traditionnels courants d’opposition de gauche qu’au mouvement des « frondeurs » d’origine plus récente, tentent aujourd’hui de tracer des perspectives ne se limitant pas au Parti socialiste, un pied dedans et un pied dehors. En ce qui concerne le « pied dehors », ils évoquent des regroupements nouveaux, en marge des partis existants (le PS, pour eux), sur le modèle des rassemblements citoyens, de Syriza ou encore de Podemos. Ils demandent que, pour participer à des convergences de ce type, on n’exige pas d’eux qu’ils se renient. Cela, naturellement, peut s’entendre et, donc, doit être entendu. Pour autant, personne ne peut sous-estimer que parmi les conditions nécessaires (sinon suffisantes) à la construction durable d’une alternative de gauche, il y a la rupture en pratique et sans retour avec l’orientation néolibérale aujourd’hui aux commandes, ses hommes et ses partis. On aura sûrement l’occasion d’y revenir…

 

Mais, en ce qui concerne le Parti socialiste à proprement parler, il faut bien se rendre à l’évidence et prendre acte lucidement des deux constats que l’on peut dresser à propos de l’aventure des frondeurs.

 

D’abord, même en présentant le profil politique supposé le plus acceptable – celui de défenseurs des promesses de campagne de F. Hollande et de gardiens du temple de l’esprit du discours du Bourget - ils sont fort minoritaires parmi les socialistes de 2015. Ensuite, ces mêmes frondeurs viennent d’opérer un nouveau recul en prenant acte de la fin de la fronde au sens strict pour, là encore, se présenter maintenant comme les meilleurs défenseurs des « mots de gauche » dont Jean-Christophe Cambadélis a assaisonné sa motion… de soutien au gouvernement de François Hollande et Manuel Valls.

 

S’il faut, naturellement, rester attentif à toute faille qui pourrait apparaître au sein du parti gouvernemental, cet épisode montre quand même que la lucidité la plus élémentaire conduit à ne pas attendre grand chose de ce côté là.

 

Parmi les gens assez désinvoltes avec leurs convictions – affichées ou réelles – il y a naturellement Martine Aubry et sa garde rapprochée. Depuis des mois, une rumeur diffuse en faisait l’inspiratrice, la chef d’orchestre clandestine des frondeurs. Voire l’alternative possible à la direction du parti. Rumeur improbable et, surtout, infondée : dans un premier temps, M. Aubry s’est ralliée arguant de quelques formules ambiguës de la motion majoritaire qui pouvaient, avec beaucoup de complaisance, passer pour un début de démarquage timide et indirect par rapport à l’orientation des plus extrêmes du gouvernement, comme ManuelValls ou Emmanuel Macron. Mais, comme Valls et ses supporters ont également signé la motion majoritaire, on peut leur faire confiance pour en donner l’interprétation adéquate, vu qu’ils sont, eux, aux postes de commandes. On va d’ailleurs rapidement pouvoir le constater lors du retour de la loi Macron à l’Assemblée nationale.

 

Ralliée, Martine Aubry s’est donc réjouie du score de la motion majoritaire, laissant entendre et dire qu’elle jouerait désormais un rôle important dans les instances de direction du PS. Comme si, une fois acquis leur soutien inconditionnel à Hollande et Valls, les instances du PS avaient le moindre rôle à jouer sur la scène politique ! Quant à Martine Aubry, le retour à la réalité a été assez brutal. Sitôt sa partition jouée au congrès de Poitiers, ses alliés si attentionnés de la direction du PS l’ont remerciée comme il se doit : en lui piquant le contrôle de sa fédération locale….

Manuel Valls est évidemment celui qui a manifesté le mépris le plus total vis-à-vis du congrès socialiste : une fois les résultats acquis, Poitiers n’était plus pour lui qu’une étape assez ennuyeuse (mais heureusement écourtée) entre deux moments décidément beaucoup plus fun : le match du Barça à Berlin et les courts de Roland Garros.

 

En fait, il n’y a vraisemblablement que Jean-Christophe Cambadélis qui a savouré à sa juste valeur la réunion de Poitiers. En effet, ce fût vraiment son congrès. Le congrès où il a enfin été élu, lui qui n’était que désigné. Le congrès où chacun a pu reconnaître qu’il possédait une bonne pratique de ce à quoi se réduit la politique quand il n’y a plus ni idées ni convictions : le sens de la manœuvre, l’art des accords, la virtuosité des deals. Pas de quoi, quand même, passer à la postérité …

 

Le congrès de Poitiers a donc sanctionné le soutien largement majoritaire des socialistes à la politique menée par le tandem Hollande – Valls. Ce qui en dit long sur ce qu’est devenu le Parti socialiste. Opposants et éléments critiques avaient mis l’accent sur le fait que ce congrès, le dernier avant 2017, était l’occasion de redresser - ou d’infléchir - l’orientation afin de « réussir la fin du quinquennat ».

 

Il n’en sera rien et tout porte à croire que cette gauche-là s’avance finalement assez insouciante vers la catastrophe finale. Une catastrophe dont, vu précisément ce qu’elle est devenue, elle risque de mettre un certain temps à se relever.

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Rédacteur

  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, syndicaliste CGT, conseiller Prud'homme depuis 1978.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, syndicaliste CGT, conseiller Prud'homme depuis 1978.

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