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17 septembre 2024 2 17 /09 /septembre /2024 13:12
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire
De 1773 à 1795, longue période de poussée populaire, démocratique et révolutionnaire

Le dernier tiers du 18ème siècle constitue une période révolutionnaire durant laquelle éclatent d’innombrables luttes populaires, durant laquelle s’épanouissent des idéaux émancipateurs, durant laquelle même les rois se voient contraints de devenir " éclairés ", durant laquelle la Révolution s’impose dans la plus grande ville du monde, Paris, et le 21 septembre 1792, l’avènement de la République marque aussi la naissance d’une gauche de rupture[29bis].

 

 

Pendant cette période, le monde occidental connaît aussi une longue phase de développement économique et démographique ainsi que de découvertes scientifiques et techniques.
De grands historiens ont bien perçu ce tournant majeur de la fin du 18ème où même le mot Révolution change de sens passant de l’astronomie à l’actualité : " Révolution occidentale " pour Auguste Comte
[1], " âge de la révolution démocratique " pour Robert Palmer[2], " ère des révolutions " pour Eric Hobsbawn[3], " âge des révolutions dans un contexte global " pour David Armitage et Sanjay Subrahmanyam[4].
L’universitaire toulousain Jacques Godechot employait le terme de " Révolution atlantique
[5] " pour caractériser le mouvement intellectuel, social et politique qui s’étend, selon lui, des années 1763 à 1799. Cette caractérisation d’atlantique présente plusieurs inconvénients, en particulier de ne pas prendre en compte des pays comme la Russie, la Pologne, Genève, la Grèce...
Retenons plutôt que se déroule alors un cycle exemplaire d’aspirations populaires sociales et démocratiques, de montée des luttes, de révolutions : un certain synchronisme des mouvements sociaux et politiques à l’échelle atlantique et européenne. Reprenant l’analyse de Barnave, Jean Jaurès confirme « Il n’y a pas à proprement parler de Révolution française, il y a eu une révolution européenne qui a la France à son sommet
[6] ».
La vaste étendue géographique touchée par les mouvements du dernier quart du 18ème siècle ne doit cependant pas occulter le rôle central qu’y joue la Révolution française. Jusqu’en 1789, il s’agit de luttes ayant très peu d’impact l’une sur l’autre. A partir de cette date, l’élan et le rythme viennent de France.

 

 

Source : Jacques Serieys |

- De 1763 à 1768 : Indices d’un début de montée du mouvement social, démocratique et révolutionnaire
Quelques évènements peuvent être considérés comme des prémices :

C’est en particulier le cas de la Corse qui se libère de la domination gênoise et installe un pouvoir indépendant au nom du peuple souverain. L’appel à Jean-Jacques Rousseau pour aider à la définition des nouvelles institutions leur donne une publicité importante dans les milieux intellectuels et politiques d’Europe.

  • 18 novembre 1755 La Corse indépendante se dote de la première constitution du monde moderne[7]
Les Chaînes de l´Esclavage : Essai révolutionnaire, d´après l´édition originale dite de l´An 1 - Texte complet et annoté, avec préface et annexes

Le mouvement est écrasé par l’armée française : les proches du dirigeant indépendantiste Paoli se réfugient en Angleterre, y contribuant au développement de courants démocratiques. Un Genevois également réfugié du nom de Jean-Paul Marat écrit et publie alors " Les chaînes de l’esclavage " avançant la perspective de la libération des peuples au travers d’une démarche républicaniste qui fleurira bientôt en France.

 

  • De 1763 à 1768, le nombre de mouvements augmente nettement :
    • 1763 : premières luttes dans les colonies anglaises d’Amérique ;
    • 1763 : soulèvement indien des Grands lacs au Canada ;
    • 1764/1765 : en France, le mouvement pour obtenir la réhabilitation de Jean Calas[8] est caractéristique de la rencontre des idées démocratiques, des progrès scientifiques et de l’aspiration à une Justice rationnelle... 10 mars 1762, Jean Calas est supplicié à Toulouse[9] ;
    • 1766 : L’Egypte se révolte pour prendre son indépendante de l’empire ottoman[9bis] ;
    • 1766 : Révolte des Cosaques du Iaïk, dans l’Oural[9ter] ;
    • 1766 : mouvements révolutionnaires de Genève ;
    • en 1768, la France achète la Corse à Gênes et écrase le mouvement dirigé par Pasquale Paoli. Cependant, la boule de neige des aspirations et des idées nouvelles a déjà trop roulé et grossi pour être arrêtée par cela.

 

 

- Genève au cœur du progrès durant plusieurs années
Les mouvements révolutionnaires de Genève en 1768 présentent un grand intérêt historique.

Depuis 1541, cette Cité-Etat constitue une république dirigée par un " Conseil général " large dans lequel siègent les membres de la bourgeoisie de Genève mais surtout par le Conseil des Deux-Cents et le Conseil des Soixante (Petit Conseil) faisant fonction d’exécutifs et plus influencés par les grands bourgeois et l’aristocratie.

 

La ville bénéficie d’un apport de population et d’argent avec l’arrivée de nombreux Français protestants chassés par les intégristes catholiques durant les Guerres de religion puis après la Révocation de l’Edit de Nantes.

 

Par rapport aux territoires proches d’Allemagne, de France ou d’Italie Genève fait figure de cité bourgeoise en avance sur son temps par sa vie économique (imprimerie, horlogerie, soierie, dorure...), le rôle de ses citoyens, son niveau de scolarisation, son rôle dans la diffusion des idées des Lumières (Jean-Robert Chouet, Jean-Alphonse Turrettini, Jean-Antoine Gautier...).

 

  • Cependant, plusieurs facteurs vont provoquer des révolutions à répétition au cours du 18ème siècle : Grands bourgeois et aristocrates monopolisent le pouvoir par le Conseil des Deux-Cents et le Petit Conseil, en cooptant les membres sans rendre compte devant le Conseil général. La vitalité économique et commerciale de Genève provient pour une bonne part d’une productivité supérieure aux pays catholiques voisins en raison de conditions de travail plus astreignantes.
    12 décembre 1602 La Journée de l'Escalade
    Genève à la fin du XVIe siècle
    • 1707 : la première grande révolte éclate pour des raisons essentiellement économiques et sociales. Les armées de Berne et Zurich permettent de mater le mouvement et de fusiller son chef en prison ;
    • en 1737 : nouvelle révolution qui prend le pouvoir. L’oligarchie fait appel à la France comme médiatrice. Le Règlement de la Médiation, adopté en 1738, donne un rôle central au Conseil général en matière législative (pour toute nouvelle loi) et fiscale (pour tout nouvel impôt) ;
    • en 1762 : nouvel affrontement entre d’une part un mouvement citoyen, d’autre part le Petit Conseil qui a condamné deux ouvrages de Rousseau — Émile ou De l’éducation et Du Contrat social — à être brûlés parce que « tendant à détruire la religion chrétienne et tous les gouvernements ». Le courant favorable aux idées de Rousseau se formalise dans le mouvement des Représentants (nom donné suite aux " représentions " adressées au Petit Conseil ;
    • Nouveaux mouvements révolutionnaires en 1766 et 1768 ;
    • en 1781 : réussite d’une dernière révolution qui accorde l’égalité civile à une grande partie des habitants de la ville comme de la campagne[10].

 

 

- De 1768 à 1772, une phase effective de montée du mouvement social, démocratique et révolutionnaire

  • en 1768 : la rébellion de la Nouvelle-Orléans en 1768[10bis] ;
  • en 1768 : les émeutes et grèves dans le Royaume-Uni[10ter] ;
  • de 1768 à 1770 : les escarmouches à Boston entre Américains et Britanniques... et les phénomènes nationaux en Pologne contre la Russie ;
  • en 1769 : les Grecs profitent de la guerre russo-turque pour se soulever et libérer le Péloponnèse et les Cyclades[10A]. Le pouvoir ottoman utilise des groupes paramilitaires albanais pour combattre ces insurgés et ravager leurs terres durant une dizaine d’années, d’où la présence de Grecs réfugiés politiques en France durant la Révolution.
  • en 1770 : émeute à Moscou et soulèvement du Péloponèse contre les Turcs ;
  • en 1771 : soulèvement des exilés polonais de Sibérie et des Cosaques de l’Oural[11]...

 

 

- Multiplication des mouvements de 1773 à 1788

  • 1773 : Cette année-là paraît significative pour dater l’accélération de la combativité sociale, démocratique et révolutionnaire avec au départ deux évènements a priori anodins ;
    • le soulèvement de l’avant-poste cosaque de Boudarine le 17 septembre 1773, au fin fond de l’Oural[11A] ;
    • le Boston Tea Party le 16 décembre 1773 en Amérique du Nord ; des habitants jettent à la mer la cargaison de thé d’un navire britannique[11B].
  • De 1773 à 1775 : une immense révolte en Russie de serfs, de cosaques et d’ouvriers indique par sa masse et sa détermination le potentiel révolutionnaire des peuples asservis.

 

🔴  Ce mouvement est ensuite relayé :

  • par la guerre d’indépendance des Etats Unis ;
  • L’Irlande fait partie des pays directement touchés par la Guerre d’indépendance américaine : mouvement des Patriotes irlandais, revendication d’indépendance renaissante... qui entraînent une évolution émancipatrice des lois concernant les catholiques gaéliques ;
  • La Grande Bretagne est logiquement touchée aussi, particulièrement de 1780 à 1783[12] ;
La guerre des farines (1775)
La guerre des farines (1775)
  • par des mouvements sociaux en Europe (en 1775, guerre des farines en France[13], rév;olte paysanne en Bohême...) ;
  • par l’insurrection de Tupac Amaru au Pérou[13A] ;
  • par des révolutions locales en Europe (Genève en 1781, Transylvanie en 1784) ;
  • par la révolution batave (Pays Bas) de 1781 à 1787[14] ;
  • par la crise pré-révolutionnaire en France ;
  • par la révolte des comuneros en Nouvelle Grenade (Colombie, Équateur, Panama, Vénézuéla, Guyana, Trinidad et Tobago)[15] ;
  • par la révolution des Pays Bas autrichiens (La révolution brabançonne (1787 à 1790)[16] ;
  • par la révolution liégeoise[17] ;
  • par la révolte des marins du Bounty à Tahiti du 26 octobre 1788 à 1791[18]

 

 

- 1789 à 1795 : Apogée du mouvement

  • L’année 1789 mérite d’être citée :
    • Emeute populaire à Genève le 26 janvier (contre l’augmentation du prix du pain)[19] ;
    • Aux Etats-Unis, première élection présidentielle et entrée en vigueur de la Constitution ;
    • Mutinerie de la Bounty[18] ;
    • Eclatement de la révolution française ;
    • Révolution liégeoise (18 août) : Le prince-évêque de Liège est chassé par un coup d’État de la bourgeoisie, soutenue par les travailleurs et les paysans. La féodalité est abolie[17] ;
    • Au Brésil, soulèvement pour l’indépendance[20] ;
    • En octobre, insurrection des patriotes belges, provoquée par la politique religieuse[21]. 24 octobre : Le chef de l’armée belge, Van der Mersch, bat les Autrichiens à Turnhout. Les révolutionnaires proclament la déchéance de Joseph II et déclarent l’indépendance.

 

  • L’année 1790 est encore marquée par de nombreux mouvements sociaux :

    •  Proclamation de la république brabançonne (États belgiques unis) le 11 janvier[16] ;

    • solidification de la nouvelle société née de la révolution française ;

    • proclamation de la république confédérale des provinces belges[22] ;

    • processus de démocratisation en Pologne ;

    • révoltes d’esclaves en Martinique, Guyane puis Guadeloupe[23] ;

    • En Amérique du Nord, révolte des Pawnees puis des Iroquois ;

    • Soulèvement des Libres de couleur à Port-au-Prince[24] ;

    • Révoltes d’esclaves, en particulier à Haïti[25] ;

    • Soulèvement des Yao du Guangxi (Chine) ;

    • Début de la révolte de l’Epire contre les Turcs[26] ;

    • En Grande Bretagne, de nombreuses sociétés se créent en solidarité avec la Révolution française (Société des Amis du peuple, Société de correspondance londonienne)...

  • 1791, la révolution démocratique se déploie particulièrement en Pologne et en France
    Parmi les mouvements sociaux, notons ceux d’Amérique du Nord :
    La révolte des esclaves d’août 1791 à Saint-Domingue
    « Révolte des Noirs Saint-Domingue 22/08/1791 »
    • 23 août, début du grand soulèvement des esclaves, rejoint par Toussaint Louverture[27] ;
    • 3 novembre, les Indiens Miamis du chef Michikinikwa (Petite Tortue) remportent une victoire significative à la bataille de Fort-Wayne (Indiana)[28].

 

  • 1792, après trois ans de soulèvements et de réformes, les grandes puissances européennes réagissent par une répression massive dont l’invasion de la Pologne par l’armée russe constitue le symbole. Les victoires françaises de Valmy, Mayence puis Jemmapes font refluer cette menace contre-révolutionnaire en Europe occidentale.
    • La Révolution se radicalise en France avec la proclamation de la République[29][29bis] ;
    • Les mouvements progressistes continuent à gagner de l’audience en Grande Bretagne, en Hongrie et surtout en Italie ;
    • Premières élections au Québec.

 

  • 1793, formation de la première coalition contre la révolution française[30] : Grande-Bretagne, Autriche, Prusse, Russie, Espagne, Piémont-Sardaigne, Deux-Siciles

Les armées révolutionnaires de l’An II résistent mais la contre-révolution se développe dans le reste de l’Europe : en Pologne (partagée entre Russie, Prusse et Autriche), Italie, Grande Bretagne...

Sur le territoire même de la république française, le soulèvement vendéen et les insurrections fédéralistes affaiblissent la Révolution.

 

Et ailleurs :

▶️ Soulèvements populaires en Ecosse durement réprimés[31] ;

▶️ Abolition de l’esclavage à Saint-Domingue ;

▶️ A Cuba, fondation de la Société patriotique de La Havane.

 

  • 1794, la répression des progressistes et des mouvements populaires se poursuit : en Grande-Bretagne (suppression de l’habeas corpus), en Amérique du Nord (écrasement des Indiens Miami, Association pour le maintien des lois dans le Bas-Canada)...

Et en Europe centrale :

  • Mouvement révolutionnaire jacobin en Lithuanie ;
  • Grand soulèvement révolutionnaire en Pologne, dirigé par Kosciuszko. Varsovie, Cracovie et l’essentiel du territoire sont libérés[32] ;
    • Le gouvernement prend des décisions sociales importantes : abolition du servage personnel, liberté de déplacement, garantie de la possession de la terre, diminution des corvées... Cependant, l’armée polonaise est battue par les Russes ; une répression monstrueuse s’abat (20000 civils massacrés dans le faubourg de Praga).
  • Les armées républicaines françaises sont elles, victorieuses sur tous les fronts ;

Cependant, l’écrasement des Polonais, l’éradication des mouvements progressistes dans les grands pays européens puis le 9 thermidor en France font de cette année 1794 un tournant. Des mouvements vont encore se développer mais la dynamique s’épuise.

Conjuration de Babœuf l'an IV.
Conjuration de Babœuf l'an IV.

 

  • 1795 :

    •  victoires militaires de la révolution française ;

    • création de la république batave[33] ;

    • soulèvement hongrois ;

    • émeutes de la faim à Londres[34]  ;

    • révolte d’esclaves au Vénézuéla[35] ;

    • organisation en France de la Conjuration des Egaux (Babeuf, Buonarotti)[36].

 

 

- 1796 à 1802 : fin de la période révolutionnaire

  • Parmi les mouvements de cette fin de période révolutionnaire, notons :
    • en Italie, la création de la république ligurienne[37], puis de la république cisalpine (1796)[37A] ; puis de la république romaine en 1798[37B], enfin de la parthénopéenne ou napolitaine qui est une république sœur de la République française[37C] ;
      • en 1797, révoltes au Vénézuéla (contre l’Espagne), en Angleterre, dans les Antilles ;
      • en 1798, création de la république helvétique, révolte générale en Irlande contre l’Angleterre[38] ;
    • en Chine, le soulèvement Miao et du Lotus bleu ;
    • en Inde, les résistances indigène (Révolte des cipayes) face à la Compagnie des Indes[39] ;
    • en Espagne, le progrès des partisans des Lumières en Espagne[40] ;
    • en Galicie et Valacchie, débuts de réseaux révolutionnaires[41] ;
    • en Russie, nouvelles jacqueries paysannes qui débouchent sur un adoucissement du servage... et son abolition du en 1861[42] ;
    • aux Antilles (Jamaïque), nouvelles insurrections d’esclaves, puis première république noire en Haïti au 1er janvier 1804[43] ;
    • au Brésil, mouvements révolutionnaires[44] ;
    • aux Etats Unis, révolte noire en 1800[45] ;
    • dans le Caucase, soulèvements.

 

  • Le mouvement a tellement été fort durant 30 ans qu’il va engendrer de nouvelles luttes :

▶️ par exemple dans l’Empire ottoman (révolte paysanne en Serbie en 1804)[46] ;

▶️ en Espagne, Italie, Grèce dans les années 1920 ;

▶️ en Amérique latine de 1810 à 1825 ;

▶️ notons enfin que les révolutions de 1830 (France, Belgique, Pologne, Italie) et mouvements de cette époque seront encore profondément marqués par la Révolution française.

▶️ 5 juin 1832 : Les funérailles du général Lamarque. Une insurrection républicaine et révolutionnaire[49].

 

  • Ces mouvements sociaux et politiques sont accompagnés et renforcés par la radicalisation du mouvement intellectuel des Lumières :
    • 1770Principes philosophiques sur la matière et le mouvement (Denis Diderot)[50] ;
    • 1771L’an 2440, ou rêve s’il en fut jamais (Louis Sébastien Mercier)[51] ;
    • 1774Les souffrances du jeune Werther (Wolfgang von Goethe, pré-romantisme)[52] ;
    • 1775Pièce de théâtre " Le barbier de Séville " (Pierre-Augustin de Beaumarchais)[53] ;
    • Réflexions sur l'esclavage des nègres
      Page de titre de l'édition originale.
      1775Les 3 dialogues Rousseau juge de Jean-Jacques (Jean-Jacques Rousseau)[54] ;
    • 1776 : " Le Sens commun (Common Sense en anglais) " (Thomas Paine)[55] ;
    • 1776 : " Devoirs de l’homme fondés sur la nature " (Baron d’Holbach)[56] ;
    • 1781 : " Réflexions sur l’esclavage des nègres " (Nicolas de Condorcet)[57] ;
    • 1781 : " La découverte Australe " (Restif de la Bretonne)[58] ;
    • 1781 : " Critique de la raison pure " (Emmanuel Kant)[59] ;
    • 1785/1789 " : Oeuvres complètes de Voltaire ", éditées par Condorcet, Beaumarchais[60]... ;
    • 1787 : " Don Giovanni titre (Don Juan en français) " (Mozart)[61] ;
    • 1787 : " Mémoires sur les droits du peuple Brabançon " (Henri van der Noot)[62] ;
    • 1790 : " Sur l’admission des femmes au droit de cité " (Marquis Nicolas de Condorcet)[63] ;
    • 1791 : " Les victimes cloîtrées " pièce de théâtre (Jacques-Marie Boutet, dit Monvel)[64] ;
    • 1791 : " Les droits de l’homme " (Thomas Paine)[65} ;
    • 1791 : " Adresse aux français " (Maximilien Robespierre)[66]...

 

 

🔴  Je conclurai en citant Jean-Clément Martin, président de l’Institut d’Histoire de la révolution Française quant à l’impact de l’idée de révolution bienfaisante issu de cette période 1773 à 1802. « Cette croyance collective dans l’idée de la " révolution bienfaisante " permet de comprendre comment les Français vont s’y engager, après d’autres, et pourquoi l’expérience révolutionnaire française change les cadres de pensée des contemporains et des générations suivantes. »

 

 

Notes :

[1] La révolution occidentale selon Auguste Comte: Entre l’histoire et l’utopie

[2] L'ère de la révolution démocratique : Une histoire politique de l'Europe et de l'Amérique, 1760-1800 par R. Palmer

[3] L'Ere des révolutions : 1789-1848 par Eric J. Hobsbawn

[4] L'ère des révolutions dans le contexte mondial, c. 1760-1840 par David Armitage, Sanjay Subrahmanyam

[5] L'analyse portée par Jacques Godechot d’une « révolution atlantique » est développée dans : La Grande Nation (1956), Les Révolutions (1963), L’Europe et l’Amérique à l’époque napoléonienne (1967), ce qui lui vaudra d’être élu à la tête de la commission internationale d’histoire de la Révolution française du Comité international des sciences historiques.

[6] Jaurès historien de la Révolution française [article]

[7] Consulta generale di Corti, est considérée par certains auteurs comme étant la première constitution démocratique de l'histoire moderne

[8] L'affaire Jean Calas 

[9] Jean Calas supplicié à Toulouse le 10 mars 1762

[9bis] En 1766, le Mamelouk Ali Bey se révolte contre l'Empire ottoman et prend le pouvoir.

[9terRévolte des Cosaques du Iaïk, dans l'Oural, causée par les abus commis par les employés de la chancellerie d'Orenbourg cruellement réprimée 

[10Les révolutions de Genève, levain de la Révolution française

[10A] Guerre d'indépendance grecque

[10bis] 1768 les habitants de la capitale louisianaise organisés en milices et menés par le Conseil Supérieur se révoltèrent contre le premier gouverneur espagnol

[10terÉmeutes et grèves en Angleterre durant le printemps et l’été en raison de la cherté du pain et des bas salaires

[11Le soulèvement cosaque de Stenka Razine

[11A] Quelles sont les dates de la guerre des Paysans russes

[11BCertains colons boycottent les produits anglais. Le 16 décembre 1773, à Boston, des Américains jettent à la mer la cargaison de thé de trois navires anglais.

[12Emeutes de Londres (Gordon Riots) 2 au 10 juin 1780

[13La guerre des farines (1775)

[13A] Révolte de Túpac Amaru II

[14La révolution batave de 1781 à 1787

[15] Révolte des Comuneros (Colombie)

[16La révolution brabançonne (1787 à 1790

[17La révolution liégeoise est la période qui va de 1789 à 1795

[18] L’histoire des révoltés de la Bounty

[19] 26 janvier : la décision du gouvernement genevois d'augmenter le prix du pain déclenche une émeute à Saint-Gervais

[20] 1789. Des révolutionnaires du Minas Gerais se soulèvent pour l'indépendance du pays, le quartier le plus populaire de Genève

[21La Révolution liégeoise 1789-1794

[22La République des États-Belgiques-Unis (1790)

[23] La chaîne des insurrections d'esclaves dans les Caraïbes de 1789 à 1791

[24Dès l'automne 1790, une insurrection des « libres de couleur » éclate à Saint-Domingue, vite écrasée par les Blancs

[25Haïti : comment la liberté fut arrachée par le feu et par le sang

[26Début de la révolte de l'Épire contre les Turcs (fin en 1803)

[27] 23 août 1791. Début de l'insurrection des esclaves de Saint-Domingue

[28Le chef Michikinikwa (Little Turtle), chef des tribus Miamis, inflige en 1790 une défaite aux troupes américaines sur la rivière Miami. 3 novembre 1791

[29La république française est proclamée le 22 septembre 1792

[29bis21 septembre 1792 : l’avènement de la République marque aussi la naissance d’une gauche de rupture

[30La première coalition est une alliance formée au début de 1793 par plusieurs États européens contre la France

[31] 19 novembre : Convention des jacobins écossais à Édimbourg. Soulèvements en Écosse (1793-1794) brutalement réprimés

[32] L'insurrection de Kościuszko

[33La République batave est proclamée le 19 janvier 1795  et s'acheva le 5 juin 1806 , avec l'accession de Louis Bonaparte au trône néerlandais.

[34] La violence et les passions révolutionnaires en Grande-Bretagne de 1780 à la fin du siècle.

[35En 1795, insurrection des Noirs de Coro, commandée par José Leonardo Chirino (es) et José Caridad González, qui voulaient établir une république au Venezuela et abolir l'esclavage.

[36] La Conjuration des Égaux (1796) est une tentative de renversement du Directoire menée par Gracchus Babeuf avec ses camarades (les Égaux)

[37République ligurienne ; [37ARépublique cisalpine ; [37BRépublique romaine (1798) ; [37CLa République parthénopéenne

[38] Rébellion irlandaise de 1798

[39Révolte des cipayes

[40Les foyers des Lumières espagnoles dans leur phase d’épanouissement

[41Révolution de 1821 en Moldavie et Valachie

[42L'abolition du servage de 1861

[43] Haïti première république noire en 1er janvier 1804

[44La Révolte des Malês, aussi nommée Conjuration Bahianaise, la Revolta dos Búzios de 1798 avait pris pour modèle la Révolution française

[45Révolte de Gabriel Prosser, un jeune esclave noir de 24 ans qui tente de prendre la ville de Richmond à la tête d’un millier de Noirs

[46] 1804 - Première révolte serbe contre l'occupation ottomane

[49] 5 juin 1832 : Funérailles du général Lamarque. Une insurrection républicaine et révolutionnaire

[50Principes philosophiques sur la matière et le mouvement

[51L'An 2440

[52] Les souffrances du jeune Werther, de Goethe

[53] Le Barbier de Séville : pièce de théâtre de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

[54] Rousseau juge de Jean-Jacques

[5510 janvier 1776 - Thomas Paine publie Common Sense

[56] Devoirs de l’homme fondés sur la nature

[57Réflexions sur l'esclavage des nègres est un texte de Nicolas de Condorcet publié en 1781 en Suisse

[58La Découverte australe

[59] La Critique de la raison pure, en allemand, Kritik der reinen Vernunft, est une œuvre d'Emmanuel Kant, publiée en 1781 et remaniée en 1787

[60Liste des œuvres de Voltaire

[61Créé en 1787 à Prague, Don Giovanni de Mozart est un chef d'œuvre depuis sa création.

[62Memoire sur les droits du peuple Brabançon

[63] Condorcet, Sur l’admission des femmes au droit de cité, 3 juillet 1790

[64] Les Victimes cloitrées

[65Rights of Man (Les Droits de l'homme) est un ouvrage de Thomas Paine

[66] Adresse de Maximilien Robespierre aux Français juillet 1791

 

Pour en savoir plus :
- Le cycle politique, instrument d’analyse des périodes et conjonctures

 

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15 août 2024 4 15 /08 /août /2024 13:40
De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

Le coup d’état du 2 décembre 1851, l’expédient et le spectre

 

 

La fin de la IIe République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent. Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons.... car comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans[19]

 

 

Source : Francis DASPE | mis à jour le 03/09/2024

- Au moins autant que la séparation des pouvoirs, c’est l’articulation entre exécutif et législatif qui définit la nature réelle des institutions d’un système politique.
En France, la I° République avait fait le choix en 1792 de se passer de président de la République. Le souvenir vivace de la tyrannie à peine renversée expliquait ce parti pris. C’était affaiblir le pouvoir exécutif et tabler sur un pouvoir législatif dominant, renforcé par le choix de l’assemblée unique avec la Convention.


Un demi-siècle plus tard, la II° République opta pour un président de la République élu au suffrage universel direct[1] (masculin, faut-il préciser). C’était donner au pouvoir exécutif une légitimité populaire lui permettant de peser, même si une limite d’importance lui était assignée : le non renouvellement du mandat présidentiel. La fortune de ces deux République fut identique : toutes deux se terminèrent par un coup d’état militaire[2][3].

 


- La fin de la II° République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent.
Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons. Le 2 décembre 1851, le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la II° République, sonne le glas de cette dernière[3].

  • C’est le dénouement d’une crise aiguë opposant depuis quasiment trois ans le pouvoir législatif (incarné par le « parti de l’ordre ») et le pouvoir exécutif (le président).
  • Le conflit opposait donc une Assemblée nationale majoritairement conservatrice et monarchiste à un président de la République au parcours sinueux. Les deux se réclamaient pareillement du vote populaire : le président élu au suffrage universel masculin direct en décembre 1848[4], l’assemblée de celui de mai 1849[5]. Pourtant, ils avaient été des alliés de circonstance au cours de l’année 1848.


La II° République, sociale à ses débuts, celle des ateliers nationaux, représentait à la fois une menace et un scandale pour les possédants. Leur réaction fut rapide et violente pour mette à l’ordre du jour dans un même élan la répression politique et la régression sociale. Le général Cavaignac fut l’homme de la situation : le parti de l’ordre (re)naissant l’utilisa en conséquence à l’occasion des journées de juin 1848 (avant cela il y avait déjà eu la répression brutale de la manifestation du 15 mai 1848 qui se traduisit un an plus tard par la condamnation des chefs républicain au procès de Bourges). Mais pour l’élection présidentielle de décembre, Cavaignac était déjà discrédité et essoré. Le choix du parti de l’ordre se reporta alors sur Louis-Napoléon Bonaparte.


🔴 Chacun pensait utiliser l’autre et le manipuler à son profit.

  • Mais le divorce survint rapidement, notamment à l’occasion des élections législatives de mai 1849[5] qui virent la victoire du parti de l’ordre, c’est-à-dire du camp conservateur et monarchiste.

 

- Louis Napoléon Bonaparte tenta de s’affranchir quelque peu du pouvoir législatif en formant en octobre 1849 un gouvernement dévoué à sa personne.

Ce fut le « ministère des commis » dirigé par le général d’Hautpoul. Aujourd’hui, on parlerait sans nul doute de gouvernement technique d’obligés. La tentative est cependant irrésistiblement vouée à l’échec, car la Constitution est claire à ce sujet : c’est l’Assemblée nationale qui vote les lois que le gouvernement doit ensuite appliquer. Et elle en profite pour faire passer des lois conservatrices qui déplaisent au Président : loi Falloux du 15 mars 1850 sur la liberté de l’enseignement favorisant de fait l’influence du clergé, loi électorale du 31 mai 1850 limitant le suffrage universel masculin (le corps électoral passe de 9 millions à 6 millions d’électeurs), sans parler des considérations de politique étrangère particulièrement sensibles et clivantes, notamment celles liées aux répercussions du Printemps des peuples.


🔴 Mais la grande affaire réside dans la question de la révision constitutionnelle afin de permettre la réélection du président de la République, ardemment souhaitée par Louis-Napoléon Bonaparte. En 1851, une proposition allant dans ce sens était rejetée à deux reprises par l’Assemblée. La rumeur d’un éventuel coup d’état fut propagée par les uns et les autres, stratégie pour s’y accoutumer ou au contraire pour le conjurer.


🔴 La situation était confuse à souhait et paradoxale à bien des égards. S’y repérer pouvait relever de la gageure. En effet, on retrouvait deux anciens alliés entrés en conflit, qui tous deux ne portaient pas dans leur cœur la République. Une assemblée en majorité conservatrice, en réalité monarchiste, se trouvait acculée à défendre la République pour qui elle avait peu d’estime.


Notons qu’une des origines du parti de l’ordre était ce qui fut appelé les « républicains du lendemain[6] » élus dès avril 1848. Il s’agissait de monarchistes et de bonapartistes déguisés en républicains inquiets des bouleversements sociaux et de l’irruption du peuple, mais ne pouvant pas encore se dévoiler tels qu’ils étaient. Ils s’opposaient aux « républicains de la veille » aux convictions antérieures et solides (hostiles à la monarchie et depuis longtemps favorables à l’instauration d’une république).


Le peuple, terme certes vague et mal défini, mieux considéré par le président (quoique le livret ouvrier ne soit pas encore abrogé), va se retrouver en défense de l’assemblée qui pourtant l’avait dépossédée de ses droits et de son pouvoir par une politique caractéristique du parti de l’ordre : réprimé lors des journées de juin 1848, exclu du suffrage par la loi électorale de mai 1850. Des républicains, sincères eux, en partie ceux « de la veille », défendent la République en venant au secours d’une assemblée conservatrice monarchiste.

 

 

- La stabilisation du coup d’état s’effectua rapidement, alternant phases de répression et actes de validation des nouvelles réalités politiques (plébiscite des 20 et 21 décembre pour entériner le coup d’état, nouvelle constitution le 14 janvier 1852[7], officialisation de l’établissement du II° Empire le 2 décembre 1852[7]
L’instauration d’un régime autoritaire était donc actée. Le parti de l’ordre s’y rallia très vite, pourvu que les affaires et les profits ne soient pas empêchés. En contrepartie, la poursuite de la répression de la résistance populaire et républicaine fut de mise, justifiée par l’épouvantail du mythe du danger imminent d’une guerre sociale, alimentant la peur des petits et grands possédants. Les conditions d’une alliance entre les bonapartistes et les élites étaient ainsi reconstituées.


🔴 Par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, le coup d’État sert de repoussoir au camp républicain. Une légende noire autour de Napoléon III et du Second Empire est développée, initiée notamment par la figure tutélaire de Victor Hugo. Néanmoins, le coup d’Etat subsiste dans les mentalités, à la fois comme une tentation et un expédient, en somme à l’égal d’un spectre réactivé à l’occasion des différentes crises politiques ponctuant l’histoire de notre pays.

 

De nombreux exemples peuvent être cités :

  • crise de 1877 avec Mac-Mahon : Aux élections de 1876, les électeurs ont désigné une majorité républicaine, alors que le Président de la République, la maréchal de Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes[8] ;
  • crise Boulanger : La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889[9] ;
  • affaire Dreyfus : Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage[10] ;
  • événements du 6 février 1934 : le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky[11] ;
  • retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 : La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle. De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958[12] ;
  • etc...


Commencé à gauche, si l’on peut dire non sans forcer quelque peu le trait, car contre le parti de l’ordre et pour le suffrage universel, le coup d’état se termine clairement à droite. Il cherche en effet à éradiquer un « péril républicain et rouge ». Au mieux, l’historiographie emploie, pour qualifier le régime du II° Empire ainsi porté sur les fonts baptismaux, l’expression de « démocratie césarienne[13] ». Celle-ci est vraiment incomplète, se faisant très souvent sans le peuple et contre le peuple.


Car le coup d’état reste un impensé permanent, ou un acte manqué, du jeu politique au quotidien. L’expression est régulièrement utilisée, tantôt pour qualifier un passage en force ou une combine politicienne, tantôt pour discréditer le camp d’en face. Elle est certes bien souvent galvaudée. Mais on est cependant en droit de se demander en quoi consistent les coups d’état d’aujourd’hui. Pour se limiter à la période contemporaine, partons du « coup d’état permanent » dénonçant les institutions de la monarchie républicaine instaurée en 1958.


Prolongeons la réflexion avec le pouvoir législatif asservi encore davantage par la réforme constitutionnelle de 2002 (passage au quinquennat et inversion du calendrier électoral) qui visait à garantir une majorité stable au président nouvellement élu pour la totalité de son mandat, avec des députés transformés en godillots (avec des conséquences délétères[14]). Si l’opération a fonctionné jusqu’en 2017, cela n’est plus le cas depuis 2022, signe de l’effritement du macronisme.

  • N’oublions pas la manière dont fut contournée la souveraineté populaire exprimée à l’occasion du référendum portant sur le traité constitutionnel européen de 2005[15].
  • Mettons en exergue le recours croissant à l’article 49-3[16].
  • Poursuivons avec le refus de prendre en compte l’expression populaire, avec la dévalorisation théorisée des corps intermédiaires ou la criminalisation décomplexée des différentes formes de la contestation sociale.
  • Observons enfin à sa juste mesure l’entêtement du chef de l’état à contourner le verdict des récentes élections législatives (Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse[17]),..

pour nous efforcer de discerner de quoi ces tentatives convergentes sont le nom.

 

 

- Le coup d’état reste bien à la fois une tentation, un expédient et un spectre.

Sa finalité est identique : s’exonérer de la souveraineté populaire, jugée encombrante, et des revendications des citoyens, considérées comme illégitimes et incompétentes. Seule la forme que peuvent prendre ces tentatives de coup d’état est renouvelée, tant l’imagination des gouvernants et des aspirants à gouverner est féconde. A bien des égards, c’est en cela que consiste pour partie le projet politique porté par la Macronie[18].

 

De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

🔴 Ce communiqué de l’Élysée en date du 26/08/2024 rejette la mise en place de Lucie Castets comme première ministre, candidate issue du Nouveau Front Populaire[17] : le coup d'État est en cours !

 

Coup de force terrible de d'Emmanuel Macron contre le résultat des urnes. En République, le Président n'a pas droit de veto. Il fait le choix du blocage et du chaos au lieu de respecter la démocratie. Il doit partir !

 

En vue de la nomination d’un Premier ministre, le Président  @EmmanuelMacron  a reçu les responsables des partis représentés au Parlement ainsi que les Présidents des deux chambres. Le communiqué :

 

 

Notes :

[1La première élection du président de la Ve République au Suffrage Universel

[2Coup d'État du 18 Brumaire met fin à la 1ére République

[3] En proposant l'abrogation de la loi électorale et le rétablissement du suffrage universel, que l'Assemblée rejette (13 novembre), Louis Napoléon discrédite celle-ci aux yeux du pays. Le coup d'État a lieu le 2 décembre 1851.

[4] Louis-Napoléon Bonaparte est élu en décembre 1848 président de la République française pour quatre ans.

[5Élections législatives françaises de 1849

[6Ces républicains du lendemain, eux aussi divisés, étaient issus de différents milieux politiques : l’on y retrouvait d’anciens ministres, tels qu’Adolphe Thiers ; des légitimistes, hostiles à la monarchie de juillet ; ainsi que des orléanistes déçus de la politique de François Guizot, dernier chef du gouvernement de Louis Philippe.

[7] La Constitution du 14 janvier 1852 est la constitution de la IIe République française promulguée le 14 janvier 1852 par le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, après son coup d'État du 2 décembre 1851. 

[8Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes.

[9La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889.

[10] Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage

[11] Le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite

[12La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle.De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958.

[13La Démocratie césarienne et l'union libérale / H. Bondilh

[14« Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont eu des conséquences délétères », estime Mathieu Gallard

[15Le dernier référendum national organisé en France l'a été pour approuver le traité constitutionnel européen. Le non l'avait largement emporté.

[16Le 1er décembre, l'article 49 alinéa 3 de la Constitution française a été utilisé pour la vingtième fois depuis le début du quinquennat par Élisabeth Borne, cette fois pour faire adopter sans vote à l'Assemblée nationale le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

[17] Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse

[18Macron, le coût d’Etat permanent !

[19] Comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans

 

Pour en savoir plus :

- « Le macronisme : une haine bien ordonnée de la démocratie »

- Macron : 7 ans de flirts avec l’extrême-droite

- Autoritarisme constitutionnel : de Weimar à Macron

Le « progressisme », une auto-définition du macronisme ?

- Emmanuel Macron et Alexandre Benalla ou la société du 10 décembre !

- Macron : la démocratie sans le peuple

- France insoumise le 17 août 2024 : « Démettre le président plutôt que nous soumettre »

- APRÈS LES LÉGISLATIVES 2024, L’URGENCE D’UNE NOUVELLE RÉPUBLIQUE

- Le Président est tout puissant en fait, peu puissant en droit.

 

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11 octobre 2022 2 11 /10 /octobre /2022 10:02
5/10/1789 Parisiennes vont chercher le roi à Versailles

5/10/1789 Parisiennes vont chercher le roi à Versailles

Jean-Luc Mélenchon : « L’onde de choc de la Révolution de 1789 n’est pas épuisée »[0]

 

« Ainsi, faire référence à la Révolution française serait devenu du fascisme », par Alexis Corbière[1]

 

« Le 5 et le 6 octobre 1789 les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre. ». Ce tweet de Jean-Luc Mélenchon, fait il y a quelques jours avait vocation à appeler à participer à la marche contre la vie chère et l’inaction climatique. Sa référence historique, un épisode connu de la Révolution française, pouvait sembler assez banal à qui est familier des discours du leader insoumis ou même du mouvement social traditionnel français.... et pourtant elle a provoqué l’indignation de la majorité et l’embarras d’une partie de la gauche[2].

 

 

Sources :  l'Insoumission par Antoine Salles-Papou | mis à jour le 26/07/2023

- La référence à 1789 est en effet un trait commun aux grands meetings insoumis, aux cortèges syndicaux et aux manifestations gilets jaunes.

Le 5 et le 6 octobre 1789 les femmes marchent sur Versailles contre la vie chère. Elles ramènent le roi la reine et le dauphin de force à Paris sous contrôle populaire. Faites mieux le 16 octobre.

Rien de particulièrement provocateur à priori. Pourtant, le tweet a suscité des réactions indignées et même affolées de la part de représentants politiques, intellectuels et journalistiques du pouvoir macroniste... et l’embarras d’une partie de la gauche. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a parlé « d’appel à la violence sociale ».

 

Quant à Aurore Bergé, présidente du groupe du Président à l’Assemblée nationale, elle carrément jugé qu’après son tweet, Jean-Luc Mélenchon n’était « pas crédible pour continuer à être un homme politique ». Pour elle, il s’agit ni plus ni moins d’un appel à « la guillotine » et de « mots que l’on a pas le droit d’employer ». Le grand intellectuel et ami d’E. Zemmour, E. Naulleau a réagi avec mesure : « avec cet appel à l’émeute et au meurtre, Jean-Luc Mélenchon quitte à jamais le champ républicain ».

 

 

- Bien sûr, il y a dans ces mots excessifs une part surjouée, une tactique pour décrédibiliser par avance la mobilisation de la NUPES[3] contre la vie chère et l’inaction climatique prévue le 16 octobre.
Mais elle est assez maladroite quand on y pense. Car son effet a été plutôt de mettre en lumière la date de la marche et de replacer le clivage politique entre la macronie et la NUPES et sur le champs social. De plus, il n’est pas certain que les insoumis et leurs alliés qui cherchent à mobiliser pour cette manifestation soient choqués par la référence à la marche des femmes de 1789. C’est même plutôt le contraire qui est certain.

 

De ce point de vue, on peut penser que la réaction du pouvoir était plus épidermique que contrôlée. Quelque chose de plus que le simple calcul politique se joue ici. Dans l’exagération ridicule des réactions à un simple tweet, il se montre une sincérité dans le dégout, la haine ou la peur suscités par la référence révolutionnaire. Cet épisode n’est pas sans rappeler un autre. C’était au début du premier mandat d’Emmanuel Macron. La France Insoumise avait organisé une marche contre la réforme du code du travail[4].

 

"C’est la rue qui a abattu les rois, c’est la rue qui a abattu les nazis…": l’anaphore de Mélenchon contre Macron

Jean-Luc Mélenchon avait dans son discours à cette occasion énuméré tout ce que “ la rue ” avait accompli dans l’histoire contemporaine française en commençant par la Révolution en finissant son énumération par “ la défaite des nazis ”[5]. Là encore l’évocation d’un récit historique nationale où le peuple tient une place centrale et glorieuse avait tordu d’indignation et de colère les macronistes.

 

Ils avaient criés ensemble à la « fake news », à la réécriture de l’histoire et à la sortie du champs « républicain ». Encore une fois : que les représentants du bloc bourgeois attaquent ceux du bloc populaire est normal et attendu. La question est plutôt : pourquoi l’attaquer là dessus ? Ou dit autrement : pourquoi détestent-ils tant la Révolution française ? 

 

 

- L’esprit revanchard de la bourgeoisie française
Il y a un état d’esprit particulier de la bourgeoisie française. Le macronisme[6] l’incarne parfaitement. Cet état d’esprit on pourrait le caractériser d’un seul mot : revanchard. Depuis le début de l’ère néolibérale, la bourgeoisie française a longtemps eu l’impression d’être à la traîne dans les “réformes” à accomplir. Justifié ou pas, ce sentiment est tellement fort qu’il fait partie désormais des lieux communs les plus partagés au sein de la bourgeoisie française.

 

Elle jalouse ses homologues anglo-saxons, d’Allemagne ou d’Europe du nord. Et elle utilise fréquemment les mots “ archaïque ”, “ en retard ” ou “ irréformable ” pour désigner l’état de son propre pays, signe de sa grande frustration. Cet état d’esprit vient de plusieurs événements traumatiques qui ont démontré la capacité de résistance populaire relativement plus grande en France que dans d’autres pays.

  • D’abord, au début des années 1980, alors que Thatcher et Reagan triomphaient au Royaume-Uni et au États-Unis, le peuple français portait à la victoire la gauche sur un programme radical : le programme commun socialistes-communistes[7].
  • Même s’il y a eu le tournant de 1983 et même si l’esprit du programme commun n’y a pas survécu, cette victoire de 1981 a laissé des traces. Elle explique la relative lenteur à mettre en place certaines réformes néolibérales en France. Certains des acquis de 1981, en total contradiction avec le mouvement de réforme du capitalisme ont même duré 30 ans comme la retraite à 60 ans. Ensuite, il y a eu plusieurs mouvements sociaux victorieux contre des réformes néolibérales.
Le Non français au traité constitutionnel européen (mai 2005) Sur deux lectures « polaires » du scrutin

On peut penser en particulier au retrait de la loi sur l’université en 1986 ou aux grandes grèves de 1995. Même à la fin des années 1990 et au début des années 2000, il y a encore des victoires politiques pour le camp antilibéral. Le gouvernement Jospin intègre des ministres communistes et fait les 35h, même s’il y aussi des éléments plus en phase avec le capitalisme mondial dans son bilan. Et en 2005, le référendum sur la constitution européenne, qui voulait valider l’inscription dans le marbre des principes ordo-libéraux, a donné la victoire au “ non ”[8].

 

 

 - De sorte qu’en mettant à la suite tous ces évènements, on peut dire que le peuple français a une histoire particulière de résistance au rouleau compresseur néolibéral, en tout cas à l’intérieur de l’espace européen / nord-américain.
Comme le montrent des économistes comme Bruno Amable et Stefano Palombarini, ceci explique les chemins particuliers pris par le néolibéralisme à la française, par lesquels les blocs de droite et de gauche ont essayé tant bien que mal de retarder certaines transformations et qui finissent par la cristallisation d’un bloc bourgeois.

 

Avec Macron, la bourgeoisie française a enfin trouvé son petit Thatcher à elle, celui qui ne reculera pas devant les oppositions populaires et qui pourra enfin adapter l’économie française à la mondialisation[9]. Elle tient enfin sa revanche. Sauf que c’est totalement à contre-temps. Elle a la mentalité des bourgeoisies anglo-saxonnes des années 1980 mais 40 ans plus tard. Macron mène, au nom de son bloc bourgeois, un combat d’arrière garde avec une posture d’arrière garde et des méthodes d’arrière garde.

 

La bourgeoisie française, du fait de son obsession pour le “ retard français ” est elle-même devenue arriérée. Par définition, elle n’est pas équipée pour faire face aux problèmes contemporains puisqu’elle se croit encore dans une autre époque. 

 

 

- Le problème du national-populaire

Révolution passive

Cette spécificité a des conséquences sur son état mental, sur son imaginaire et sur les imaginaires qu’elle est capable de déployer comme élite de la société. En France, la transformation néolibérale a bien eu lieu avant l’arrivée de Macron, et même depuis les années 1980, mais sous la forme d’une “ révolution passive[10] ”, pour reprendre une expression du communiste italien mort en 1937 Antonio Gramsci.

 

Le dirigeant du PCI a passé les onze dernières années de sa vie dans les prisons fasciste. Il y a écrit des « cahiers » dans lesquels il tâche d’analyser comment s’organise la domination d’une classe sociale, la bourgeoisie, dans des sociétés complexes, c’est-à-dire les sociétés capitalistes avancées. Il décrit un certain nombre de dispositifs hégémoniques encore utilisés aujourd’hui pour comprendre les mécanismes de domination, la politique en régime capitaliste, l’État et les dynamiques de luttes de classes. Dans l’un de ses cahiers, Gramsci compare les situations de la bourgeoisie française et italienne. Les deux utilisent le même outil politique, administratif et culturel pour reproduire leur situation dominante : l’État-nation.

 

Mais elles diffèrent dans la manière dont cet État Nation unitaire a été créé.

  • En s’appuyant sur des révolutions populaires, par en bas, en France.
  • Ou bien uniquement par en haut dans le cas de la réalisation de l’unité italienne.

Ces conditions historiques expliquent pour Gramsci la faiblesse spécifique de la bourgeoisie italienne. En particulier, c’est en partie pour cela selon lui qu’elle n’est pas parvenue à créer de culture « nationale-populaire », c’est-à-dire une culture qui, bien que légitimant la domination bourgeoise, incorpore des éléments émanant du peuple.

 

Il n’y a pas, pour lui (Antonio Gramsci), de romancier ou de journaliste italien qui capte une partie de la culture profonde populaire et la transforme en idéologie bourgeoise. Cette absence de culture ou encore de « sentiment » national-populaire en italien signifie que les visions morales répandues en Italie ne sont pas aussi alignées qu’elles pourraient l’être avec les intérêts du haut de la société. Un siècle plus tard, on peut dire que c’est la bourgeoisie française qui se retrouve dans la situation des élites transalpines décrites par Gramsci. La transformation néolibérale de son pays a eu lieu par en haut, et sans intégrer de composante populaire.

 

 

- La réforme du capitalisme français s’est faite d’abord en catimini, par les aspects qui se voyaient le moins comme la libéralisation financière.
Puis elle a été externalisée en quelque sorte, par l’Union européenne. Les gouvernements qui ont mené cette réforme, notamment les privatisations et libéralisations de grands pans de l’économie l’ont justifié, non par les bienfaits intrinsèques de ces changements mais par le fait qu’ils étaient une nécessité pour construire l’Europe.

Jacques Chirac : un libéral ambivalent qui dénonçait la « fracture sociale »

C’est-à-dire au final comme une contrainte imposée de l’extérieur[11].

Encore au milieu des années 1990, Jacques Chirac menait encore campagne sur le thème de la “ fracture sociale ”[12], c’est-à-dire en mobilisant des affects très éloignés de la révolution néolibérale.

 

La bourgeoisie française, dans les décennies 1980 et 1990 n’a pas construit de récit national-populaire capable d’accompagner le changement néolibéral. Face aux conditions du rapport de forces avec les masses populaires françaises, elle a préféré développer une stratégie de contournement, de transformation uniquement par en haut, négligeant la “ réforme intellectuelle et morale ” c’est-à-dire le changement des mentalités. On peut pour s’en convaincre comparer cette attitude de la bourgeoisie française avec la façon dont les bourgeoisies états-uniennes ou britanniques ont mené les mêmes transformations dans leurs pays.

 

Dans ces nations (états-uniennes ou britanniques), les réformes économiques et sociales ont été soutenues et accompagnées par un nouveau récit sur le prestige national, avec la victoire finale dans la guerre froide notamment,  ou sur ce qui signifie être britannique ou américain : exaltation de l’esprit d’entreprise individuel, revivification de l’ “ american dream ”, etc. On peut noter dans le domaine de la culture, un âge d’or du blockbuster patriotique avec un héro individualiste à Hollywood dans les années 1980, avec des séries comme Rocky ou Rambo. Des pans entiers de l’histoire populaire des États-Unis sont mis en avant avec le prisme de ce patriotisme néolibéral : la révolution de 1776 évidemment, mais aussi l’histoire de l’immigration dans le pays ou celle des pionniers.


Bref, s’il serait abusif de parler de révolution “ par en bas ”, il est certain en tout cas que la révolution néolibérale au États-Unis a été attractive pour d’amples fractions populaires en tant qu’elle a pris la forme d’une “ réforme intellectuelle et morale ” de la culture populaire nationale. En France, donc, rien de tout cela puisque la bourgeoisie nationale a mené la transformation sans ni le concours du peuple, ni même son consentement. Avec le temps, cette indifférence au peuple s’est transformée en handicap structurel.

 

  • Le sentiment que le peuple lui faisait perdre du temps dans la course au néolibéralisme, sa frustration de ne pouvoir l’emmener avec elle ouvertement lui ont fait développer une aversion extrême pour le populaire national français. La bourgeoisie française n’est plus capable d’intégrer des composantes populaires à l’identité nationale française tant elle les haï.

 

Son rapport au récit historique national est en fait un symptôme de sa faiblesse. Elle peine à intégrer les épisodes révolutionnaires ou même seulement populaires à un récit historique mobilisateur et unificateur sur la Nation française. Ce que pourtant elle était parvenue à faire dans le passé. Elle voit cette irruption du peuple sur la scène de l’histoire soit comme incongrue, soit comme une source de retard pour la France, soit carrément comme la matrice de tous les malheurs de l’Humanité au 20ème siècle.

 

Son incapacité à formuler un récit national populaire fragilise bien sûr encore plus sa position. Elle n’est bonne qu’à contempler les “fractures françaises” et geindre dessus sans se rendre compte que c’est sa propre arriération qui en est la cause. À cause des conditions particulières de la révolution néolibérale en France, la bourgeoisie française ne joue pas son rôle d’élite dans la société : pas de capacité d’homogénéisation, pas de direction entrainante pour la société, pas d’attractivité. Elle en est réduite pour perpétuer sa domination à des réflexes régressifs : se renfermer sur elle même politiquement et culturellement.

 

 

- Une opportunité pour le bloc populaire 

Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire par Jean-Luc Mélenchon

Pour le camp populaire[13], il est important de comprendre cette configuration particulière. Elle confirme la fragilité structurelle du bloc bourgeois, proportionnelle d’ailleurs à son agressivité. Mais elle offre aussi une brèche. La voie est donc ouverte pour articuler notre propre récit national-populaire. C’est-à-dire donner à des éléments de la culture populaire française un autre sens, pour promouvoir d’autres valeurs, visions du monde, imaginaires en ligne avec des objectifs révolutionnaires : collectivisme, harmonie avec le monde vivant, égalité, émancipation, etc.


Par exemple, pour reprendre l’exemple du récit historique, en utilisant intelligemment les mémoires collectives pour en faire un élément qui soude entre elles les fractions du peuple dans une perspective progressiste. De ce point de vue, le travail politique pour construire un récit sur la révolution française, et plus largement sur l’histoire et ce que signifie “ français ” est une tâche révolutionnaire de premier ordre. Les nombreuses références de Jean-Luc Mélenchon sont de ce point de vue bien plus que du folklore. Elles font partie d’une stratégie de construction hégémonique qui a d’autant plus de chances de fonctionner qu’elle se base sur une faiblesse structurelle de l’adversaire.

 

  • Le sociologue Federico Tarragoni et l’historienne Déborah Cohen reviennent longuement sur cet aspect dans un article récent « Mélenchon, le populisme et l’histoire[14] » paru sur le site AOC. Dans la même veine, on peut citer le travail du député insoumis Antoine Léaument. Lui aussi s’en explique longuement dans un article publié par Le Vent Se Lève « La République a un contenu politique et nous le revendiquons[15] ». Ce travail peut venir combler un vide et réduire les fractures à l’intérieur des espaces populaires de façon à renforcer à la fois l’étendue et la dynamique de notre bloc.

 

 

- Pour conclure
Ici nous avons parlé particulièrement de la question du récit historique. Elle est cruciale pour impulser une « réforme intellectuelle et morale » dans un autre sens. Mais il conviendrait de faire la démonstration et d’explorer les moyens de mener ce travail politique en cinéma, en littérature, dans la télévision, la culture internet, etc.

 

Notes :

[0Jean-Luc Mélenchon : « L’onde de choc de la Révolution de 1789 n’est pas épuisée »

[1« Ainsi, faire référence à la Révolution française serait devenu du fascisme », par Alexis Corbière

[2Là Jean Luc tu peux faire mieux.

[3] Marche contre la vie chère et l'inaction climatique - #Marche16Octobre

[4] Réforme du Code du travail : 150.000 Insoumis dans les rues à Paris

[5] "C’est la rue qui a abattu les rois, c’est la rue qui a abattu les nazis…": l’anaphore de Mélenchon contre Macron

[6] Le macronisme est un autoritarisme : « projet de société global »

[7] Le Programme commun

[8] Nette victoire du "non" au référendum

[9Le « progressisme », une auto-définition du macronisme ?

[10La révolution passive est une transformation des structures politiques et institutionnelles sans processus sociaux forts par les classes dirigeantes pour leur propre préservation, et DÉCOUVRONS ANTONIO GRAMSCI 

[11] C'est la faute à l'Europe, c'est la faute à l'Europe..... STOP !

[12] Jacques Chirac : un libéral ambivalent qui dénonçait la « fracture sociale »

[13] Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire par Jean-Luc Mélenchon

[14] Mélenchon, le populisme et l’histoire

[15] « LA RÉPUBLIQUE A UN CONTENU POLITIQUE ET NOUS LE REVENDIQUONS » – ENTRETIEN AVEC ANTOINE LÉAUMENT, DÉPUTÉ DE L’ESSONNE

 

Pour en savoir plus :

Le Président Macron et la « nation organique »

 

 

- Vous parlez de ses contemporains qui ont inventé cette légende noire pour le discréditer aux yeux du peuple ? 
Sur le sujet, une excellente lecture d’un historien spécialiste de la période.

 

 

 

-  Par : Jean-Clément Martin

Éditions : Perrin

Date de parution : 01/01/2016
Pages : 367
Disponibilité : chez l'éditeur Perrin
Format : 140 mm x 210 mm
Poids : 0.445 kg
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20 septembre 2022 2 20 /09 /septembre /2022 20:32
Le 20 septembre 1792 : Valmy la bataille qui a tout changé...

Il y a 230 ans, le 20 septembre 1792, le peuple français a changé le monde par une victoire militaire... 

 

Celle d’un peuple libre qui se bat contre les monarchies ennemies de sa liberté

 

Le lendemain, la fin de la monarchie est proclamée... la République est née.

 

La bataille de Valmy, l'une des plus grandes batailles de l'histoire de France, bataille décisive qui a changé le cours de l'histoire. Cette bataille, c'est une victoire de la France qui a changé le cours de l'histoire et donc vous en dire quelques mots puisque nous publions donc cette vidéo le jour de cette bataille.

 

Sources : LE BON SENS | mis à jour le 04/11/2022

- Qu'est ce qui s'est passé en ce 20 septembre 1792 ?

Et bien, on a gagné. Mais pour en parler, il faut d'abord revenir un petit peu en arrière sur ce qui se passe juste avant.

 

En fait, le 10 avril 1792, la France déclare la guerre à l'Autriche.

Pourquoi ? En réalité, c'est parce que le roi, depuis plusieurs jours, plusieurs mois, complote pour que justement une guerre ait lieu et rétablisse son pouvoir. Il espère la défaite de la France. Il espère que notre armée soit vaincue et que lui puisse être rétabli par les monarchies étrangères dans son pouvoir absolu. Il espère pouvoir être rétabli dans un pouvoir absolu puisque là on est en train de rédiger la Constitution pour avoir une monarchie constitutionnelle. Donc le roi espère cette défaite de la France. Les armées de la France sont en train d'être battues.

 

Le 11 juillet 1792, l'assemblée nationale déclare la patrie en danger et appelle à la mobilisation générale (malgré une rude opposition – celle de Robespierre notamment au Club des jacobins[2]). On appelle donc les simples citoyens, les gens du peuple à venir renforcer l'armée de la France avec une formule qui dit : “ Souvenez vous que vous êtes français et libre et donc en gros que vous êtes en train de défendre la patrie de la liberté.

 

Puis le 25 juillet 1792, arrive un nouvel événement : c'est la publication du Manifeste de Brunswick[1] fixé au commandant des forces armées, l'Autriche adversaire et se manifeste de ce qui dit que si vous touchez du roi, si vous prenez les Tuileries, et bien on va raser Paris.
Il n'en fallait pas plus pour motiver les gens. Et donc, le 10 août, le peuple se rend aux Tuileries et s'empare du palais du roi et démet le roi de ses fonctions. À partir de ce moment là, la monarchie tombe.

 

 

- On arrive comme ça petit à petit, au 20 septembre 1792, à cette bataille de Valmy.

Alors il y a d'un côté Brunswick et puis de l'autre côté, il y a les autres : il y a Kellermann et Dumouriez. 
Alors qu'on était en train de perdre bataille sur bataille, on va la gagner. Et pourquoi on la gagne ? Eh bien, parce que il se produit un événement particulier qui va impressionner l'armée autrichienne et l'armée de Brunswick. Il y a nos troupes qui sont ici à côté du moulin et puis le général Kellermann, qui dirige cette armée, Kellermann, fait un discours enflammé en parlant de la nation, en parlant de la liberté et lance la charge aux cris de Vive la nation

 

Et vous avez une armée qui dévale la pente. “ Vive la nation, vive la nation ! ” Et ça fait tellement de bruit, dit-on, que la terre trembla et que ça impressionna l'armée ennemie et qui ont été en déroute rapide. Donc ce jour-là, c'est le peuple en armes, le peuple libre, le peuple se battant pour ses droits et pour sa liberté qui a vaincu les armées monarchiques qui venaient pour rétablir la monarchie en France alors qu'elle était tombée le 10 mai.

 

  • N'en déplaise aux macronnistes, la République est née de facto, il y a tout juste 230 ans lorsque fut proclamée l'abolition de la royauté, le 21 septembre 1792. Le lendemain un décret indiquera que tous les actes publics seront datés de l'an 1 de la République.

Vive la République !

 

DÉCRET DE LA CONVENTION ABOLISSANT LA ROYAUTÉ, 21 SEPTEMBRE 1792.

 

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5 février 2017 7 05 /02 /février /2017 09:23
4 février 1794 : Première abolition de l'esclavage

Il y a 223 ans, la Révolution française abolissait l'esclavage...

 

Le 4 février 1794 (16 pluviôse an II), la Convention Nationale vote l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises. C’est une grande première dans l’histoire de l’humanité, et la fin d’un âpre débat qui a divisé les révolutionnaires depuis la fameuse nuit du 4 août 1789.

 

Sources : Rue du Blogule Rouge insoumis | mis à jour le 04/02/2022

C'est dans un enthousiasme indescriptible que la Convention Nationale décida d'abolir l'esclavage dans les colonies, le 16 pluviôse an second de la République française, une et indivisible, soit le 4 février 1794, en prenant en séance publique le décret n°2262 suivant :

 

"La Convention Nationale déclare que l'esclavage des Nègres, dans toutes les colonies, est aboli ; en conséquence elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution. - Elle renvoie au comité de salut public, pour lui faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour assurer l'exécution du présent décret."

 

C'était la fin d'un débat qui avait divisé les révolutionnaires depuis la nuit du 4 août 1789, entre ceux qui, par souci des intérêts financiers aux colonies, étaient opposés à l'abolition, comme les membres du club de Marciac et les humanistes abolitionnistes regroupés au sein de la “Société des amis des Noirs“ tels que l'abbé Grégoire, Brissot, Robespierre et Condorcet.

 

Pendant plus de trois ans, les efforts des abolitionnistes restèrent vains. Robespierre s'insurgeait : "Les Droits de l'Homme sont encore bafoués“.

 

Un mouvement d'émancipation des esclaves eux-mêmes se développa alors, dont la puissance fut déterminante. C'est ainsi qu'en 1793, à Saint-Domingue, la principale et la plus riche des colonies françaises, le soulèvement des affranchis et des esclaves poussa le commissaire de la République, Léger-Félicité Santhonax, à proclamer la liberté des esclaves le 4 septembre.

 

Les trois représentants de Saint-Domingue à l'Assemblée, Louis-Pierre Dufay (Blanc), Jean-Baptiste Mills (Mulâtre libre) et Jean-Baptiste Belley (ancien esclave), jouèrent un rôle important pour rallier les députés de la Convention les plus rétifs à l'abolition.

 

En plus du décret, il fut décidé de l'ajout d'un nouvel article à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793. L'article 18 stipula ainsi que "Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie."

 

Ce décret est tout à l'honneur de la Révolution française mais pourtant les actes concrets d'abolition eurent bien du mal à suivre : alors que Saint-Domingue et la Martinique furent envahis par les Anglais sitôt l'abolition prononcée, le décret ne fut en définitive appliqué qu'en Guadeloupe, avant d'être finalement abrogé par le Premier Consul, un certain Napoléon Bonaparte, en 1802...

 

Il faudra attendre le 27 avril 1848 et un décret signé par Victor Schoelcher, député de la Martinique et de la Guadeloupe et sous-secrétaire d'État à a Marine, pour mettre un terme définitif à l'esclavage dans les colonies françaises.

 

 

-

Le 4 février 2017 : discours de J.L. Mélenchon sur l'abolition de l'esclavage à Champagney

 

 

- Le 16 décembre 2022 : discours de J.L. Mélenchon sur l'abolition de l'esclavage en Guadeloupe

 

 

- Le 4 février 2022 : «Il n’y a de France possible qu’en République » – Discours sur l’abolition de l’esclavage au Mans

 

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27 octobre 2016 4 27 /10 /octobre /2016 08:24
Buste de Robespierre, par Deseine, 1792.

Buste de Robespierre, par Deseine, 1792.

Sources :  Le Comité du Cantal du Parti de Gauche

A voir ce film aux magnifiques dessins fixes qui nous donne à mieux comprendre qui était Robespierre et quelle était son époque : la Révolution française.

 

 

- 2 éléments cependant contestables dans la narration

  • l'anecdote présentée comme authentique et pourtant peu problable du compliment au roi et à la reine dont Robespierre, enfant, aurait été chargé ;

  • l'affirmation que Robespierre était croyant.

 

Sinon un très beau et très bon travail du dessinateur - réalisateur Anthony Pascal.

 

Pour en savoir plus :

- Et si on parlait de Robespierre

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19 mai 2016 4 19 /05 /mai /2016 08:45
 Jean-Luc Mélenchon conteur d'Histoire : Philippe le Bel, Louis XI et Robespierre

" Il est impossible de vivre autrement que dans un État laïc "

 

Sources : herodote.net par Vanessa Moley | le 23 mai 2020

Jean-Luc Mélenchon se penche sur Philippe le Bel et les débuts de la laïcité, Louis XI et la formation de l'État, Robespierre et la Terreur révolutionnaire à travers trois entretiens vidéo avec le journaliste Jean-Pierre Bédéï (Herodote.net).

 

Il tire pour nous les enseignements de ces épisodes majeurs de notre Histoire et nous dit en quoi la connaissance de l'Histoire est essentielle aux hommes d'État.

 

Homme politique classé à gauche de la gauche, lui-même tient son goût pour l’Histoire d’abord de l’apprentissage du latin, de la découverte de la Rome antique et du récit par Tite-Live des guerres puniques. Ensuite d’une relation sentimentale à l’adolescence qui a donné lieu à un échange de livres : un recueil de poèmes contre l’Histoire de la Révolution française d’Adolphe Thiers. Bien qu'écrit par un homme d'ordre, cet ouvrage lui a mis en lumière les « gestes héroïques du peuple ».

 

 

- Philippe le Bel et les débuts de la laïcité

En 1301 a lieu la première bataille entre l’Église et l’État, sur une question fiscale. Le pape Boniface VIII est désavoué par le roi Philippe le Bel et son légiste Guillaume Nogaret. Le roi l’emporte à l’issue de l’épisode de la « gifle d'Anagni ». « Je suis roi par la volonté de Dieu », dixit Philippe Le Bel.

 

Des guerres de religion, deux siècles plus tard, Jean-Luc Mélenchon garde le souvenir ému de Marie Durand, protestante, emmurée près de 40 ans avec une trentaine d’autres femmes, qui nous a laissé une inscription gravée sur la margelle du puits de sa prison : « Résister ».

 

La laïcité répond à une impasse, l’impossibilité d’éliminer tous les protestants. Elle est un phénomène profond constitutif de l’État, ancrée dans l’Histoire de la France et la diversité de son peuple : « Nous sommes tous semblables malgré nos différences. »

 

 

- Louis XI et la formation de l'État

Jean-Luc Mélenchon se voit quelques similitudes avec Louis XI. Peu soucieux des apparences mais fin stratège, le roi défend envers et contre tout sa vision de l’État. Le pouvoir doit s’exercer au service de l’État et de l’action publique, dans l’intérêt du peuple.

 

Louis XI l’emporte par la ruse sur son rival, le flamboyant Charles le Téméraire. Il ne se laisse pas arrêter par l’amour propre, la vanité et l’orgueil, à la différence des dirigeants ordinaires.

 

 

- Robespierre et la Terreur

En 1792, Robespierre, que Jean-Luc Mélenchon juge visionnaire, pragmatique et de bon sens, se montre hostile à la guerre car il devine qu’elle sera longue et risque d’amener un militaire au pouvoir. Les Girondins, au contraire, y sont favorables, car ils escomptent une défaite et donc des négociations !

 

La Terreur ? Jean-Luc Mélenchon, qui se veut « robespierriste », a beau jeu de rappeler que c’est Danton qui invente le Tribunal révolutionnaire pour éviter le retour des massacres de septembre 1792. Et les fous furieux les plus engagés dans la Terreur, comme Carrier à Nantes et Fouché à Lyon, figurent parmi les Thermidoriens qui auront la peau de Robespierre…

 

Pris en défaut à l’assemblée après une nuit blanche, Robespierre est mis hors-la-loi. À ses partisans qui lui suggèrent de reprendre le pouvoir, il répond : « Au nom de qui ? » Car, en bon avocat, il ne saurait violer la légalité républicaine… Robespierre a été adulé par le peuple car incorruptible.

 

 

- Résonance avec l’époque actuelle

De l’Histoire, Jean-Luc Mélenchon retient qu’il est impossible de vivre autrement que dans un État laïc : « Ce qui nous unifie, c’est l’État ». Il souligne aussi l’action méconnue du peuple. Pas de grandes choses sans l’appui du grand nombre. « Le peuple est acteur de l’Histoire ».

 

Pour en savoir plus :

- Le véritable crime de Robespierre : avoir défié la toute-puissance des riches

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15 septembre 2015 2 15 /09 /septembre /2015 08:15
On en parlait déjà de "la dette" : Révolution française et dette publique

La dette de l’Etat constitue la raison première de la crise de l’Ancien régime, la raison première de la convocation des Etats Généraux.

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys

- A) Les finances de l’Etat, point faible de la monarchie française au XVIIIème siècle

Louis XVI - France.jpg Dès le règne de Louis XIV, l’Etat est endetté jusqu’au cou. Les guerres presque continuelles de 1688 à 1714 ont coûté tellement cher que la dette atteint la valeur de l’ensemble des revenus du royaume sur une année. Les dépenses somptuaires de la Cour ont complété le désastre. Toute recette est hypothéquée sur les trois à quatre ans à venir.

 

Ceci dit, la principale cause de ces difficultés financières, c’est l’héritage féodal de l’Etat royal :

  • exemption de tout impôt pour les ordres privilégiés, clergé et noblesse ;
  • indépendance des ministères de la guerre et de la marine vis à vis des gestionnaires du Trésor ;
  • autonomie des financiers provinciaux dans leur gestion des recettes qui les valorisent souvent à leur profit avant de prêter l’argent gagné à l’Etat à taux usurier ;
  • administration reposant sur des "offices" achetés en surnombre...

 

Durant tout le siècle, les rois et leurs ministres s’échinent à trouver des solutions mais l’égoïsme des privilégiés les rend impossibles.

 

Ainsi, en 1786, le contrôleur général des finances Charles Alexandre de Calonne propose un impôt foncier touchant tous les propriétaires. L’opposition frontale de ceux-ci (particulier des Parlements) oblige le roi à convoquer les Etats Généraux « Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons, relativement à l’état de nos finances... »

 

 

- B) 1789 Comment éponger la dette publique contractée par la royauté

L’Assemblée nationale est prise en 1789 dans des contradictions fort difficiles à résoudre :

  • les prêteurs attendent d’elle qu’elle garantisse la valeur de l’argent placé. Qui sont-ils ? d’une part de petits rentiers, particulièrement parisiens qui ont participé nombreux au mouvement social car le train de dépenses de la royauté peut rendre l’Etat insolvable ; d’autre part de moyens et gros capitalistes qui ont surtout leur intérêt financier pour objectif et dont l’attitude politique en 1789 paraît complexe (en tout cas, ils préfèrent souvent la stabilité de l’exécutif à une révolution politique et sociale).
  • le peuple en révolution attend d’elle qu’elle déclare tous les anciens impôts illégaux, ce qui impliquerait une rentrée financière quasi nulle pour l’année en cours 1789, aggravant d’autant la dette publique

 

Les députés choisissent de répondre favorablement au mouvement social, annulant tous les impôts d’Ancien régime. Pour comprendre cette attitude, il faut savoir qu’une majorité de députés pensent que la seule solution pour supprimer la dette de l’Etat sera une banqueroute permettant un non remboursement des emprunts. Quiconque analyse seulement la révolution de 1789 comme une révolution bourgeoise particulièrement portée par les secteurs capitalistes avancés ne peut comprendre cela.

 

La dette augmentant sans cesse, le ministère se voit obligé d’obtenir des facilités auprès de la Caisse d’Escompte ( ancêtre de la Banque de France, de la direction du Trésor et de la Caisse des dépôts et consignations), expédient qui ne peut plaire aux créanciers, de plus de nature à faire baisser les taux d’intérêt.

 

  • Le 7 août 1789, Necker (contrôleur général des finances de l’Etat royal) vient devant l’Assemblée Neckerdresser un état catastrophique des ressources budgétaires de l’Etat. Il demande l’accord pour un emprunt immédiat et indispensable de 30 millions. A nouveau, l’Assemblée fait preuve de son souci de l’intérêt général et de son autonomie vis à vis de la grande bourgeoisie : elle accepte l’emprunt mais en baisse nettement le taux d’intérêt malgré l’opposition de Mirabeau lié à de gros capitalistes qui veut maintenir un taux d’intérêt élevé pour rassurer les rentiers.

 

  • Le 27 août, lendemain du vote de Déclaration des drits de l'homme et du Citoyen, Necker revient à la charge car l’état des finances s’est encore dégradé en quelques semaines. Après avoir approché plusieurs députés influents pour ne pas rater son intervention à l’Assemblée, il demande un nouvel emprunt de 80 millions et surtout fait une proposition révolutionnaire : transformer la Caisse d’escompte en Caisse nationale en lui donnant le droit d’émettre des bons du Trésor. Les capitalistes fulminent ; Etienne Clavière, grand banquier genevois, grand spéculateur sur le dos de l’Etat et futur girondin, rédige et publie un texte avec Mirabeau Motion de Monsieur le Comte de Mirabeau concernant la Caisse d’escompte. La proposition de Caisse nationale est ajournée.

 

Louis XVI accepte qu’une partie significative de sa vaisselle d’agent soit fondue pour aider le budget. Un proposition est avancée à l’Assemblée d’une imposition spécifique du capital mais l’idée est évacuée en raison de la difficulté de la prélever.

 

Le 24 septembre, Necker, aux abois, propose la dernière solution possible : une "contribution patriotique" d’un quart des revenus au dessus de 400 livres (en numéraire ou en orfèvrerie), remboursable dès que possible.

 

L’attitude l’Assemblée fait à présent peur à la grande bourgeoisie qui craint une banqueroute totale qui les ruineraient. Aussi, Clavière, par exemple, soutient cette proposition Necker. Mirabeau intervient à l’Assemblée le 26 septembre, sur un ton assez démagogique pour appeler à une décision courageuse éloignant le spectre de la banqueroute.

 

 

- C) 26 septembre 1789 Pour sortir de la crise, Mirabeau exhorte l’Assemblée Constituante à décider la confiscation du quart des plus grandes fortunes

Le comte de Mirabeau, pa François Lonsing (musée des Beaux-Arts, Bordeaux)D’un point de vue oratoire, ce discours du député d’Aix est admirable.

 

D’un point de vue politique, il montre la puissance d’une révolution populaire amenant les milieux capitalistes à préférer perdre un quart de leur fortune plutôt que subir la banqueroute. En effet, comme nous l’avons signalé plus haut, une majorité de députés de l’Assemblée ne voit que la banqueroute comme solution (l’Etat décrète son incapacité à rembourser quoi que ce soit à ses créanciers qui, ainsi perdent tout alors que le pouvoir public efface sa dette).

 

Mirabeau commence par attaquer ceux qui penchent vers l’idée d’une banqueroute comme moyen de sauver financièrement l’Etat.

« … Voici l’infâme mot de banqueroute... Je dirais à ceux qui se familiarisent avec l’idée de manquer aux engagements publics, par crainte d el’excès de sacrifices, par terreur de l’impôt... Qu’est-ce donc que la banqueroute si ce n’est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts ?

 

Mes amis, écoutez un mot, un seul mot.

Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s’engloutir. Il faut le combler, ce gouffre effroyable.

 

Eh bien ! voici la liste des propriétaires français.

 

Choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens. Mais choisissez ; car ne faut-il pas qu’un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple ?

 

Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit.

 

Ramenez l’ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume.

 

Frappez, immolez sans pitié ces tristes victimes, précipitez-les dans l’abîme ; il va se refermer.... »

 

Les députés, souvent d’origine noble ou bourgeoise, sont alors touchés par cet appel démagogique présenté comme une expropriation nécessaire.

« Vous reculez d’horreur....

Hommes inconséquents ! hommes pusillanimes !

Eh ! ne voyez-vous donc pas qu’en décrétant la banqueroute , ou, ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d’un acte mille fois plus criminel, et, chose inconcevable ! gratuitement criminel ; car enfin, cet horrible sacrifice ferait du moins disparaître le déficit.

 

Mais croyez-vous, parce que vous n’aurez pas payé, que vous ne devrez plus rien ?

 

Croyez-vous que les milliers, les millions d’hommes qui perdront en un instant, par l’explosion terrible ou par ses contre-coups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie, et peut-être leur unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime ?

 

Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France ; impassibles égoïstes, qui pensez que ces convulsions du désespoir et de la misère passeront comme tant d’autres, et d’autant plus rapidement qu’elles seront plus violentes, êtes-vous bien sûrs que tant d’hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les mets dont vous n’aurez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse ?....

 

Non, vous périrez ; et dans la conflagration universelle que vous ne frémissez pas d’allumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vos détestables jouissances... »

 

Le marquis de Ferrières décrit la scène : « Le silence du recueillement semblait lier toutes les pensées à des vérités grandes et terribles, comme si chaque député se fût empressé de rejeter de sur sa tête cette responsabilité redoutable dont le menaçait Mirabeau et qu’il eût vu tout à coup devant lui l’abîme du déficit appelant ses victimes ; l’Assemblée se livra tout entière, demanda d’aller aux voix et rendit à l’unanimité le décret. »

 

Sur la lancée de ce vote, l’Assemblée débat les 6 et 7 octobre d’un impôt prélevé sur tous les citoyens "proportionné à raison de leurs facultés contributives."

 

 

- D) 10 octobre 1789 L’Assemblée discute de la nationalisation des biens du clergé pour rembourser la dette publique

Vers la nationalisation des biens du clergé ?

L’idée de nationaliser les biens du clergé émane des clubs révolutionnaires déjà très actifs. Tout le courant patriote y est favorable.

 

Plusieurs députés ont repris l’idée d’une nationalisation pour sortir l’Etat de la crise financière. Ces biens, constitués surtout de propriétés agricoles et d’immeubles, représentent une valeur financière considérable. Ils sont évalués à 3 milliards de livres (environ dix fois le montant du budget annuel du royaume).

 

Quelle raison donner pour une telle opération contradictoire avec le principe de propriété ? Ces biens proviennent de dons pour permettre au clergé d’assurer des tâches sociales et éducatives. Si l’Etat prend à présent ces responsabilités en charge, il est normal qu’il récupère les fonds prévus pour cela.

 

Dans le même temps, l’Etat prendrait à son compte le paiement des prêtres pour un montant de 1200 livres par mois, soit le double du revenu moyen précédent.

 

 

- E) La proposition Talleyrand (député du clergé) devant l’Assemblée constituante le 10 octobre 1789
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, par Pierre-Paul Prud'hon, 1809 (Château de Valençay)[1].C’est Talleyrand, évêque d’Autun qui, le premier, avance une proposition de loi devant l’Assemblée.

 

Dans son esprit, elle va de pair avec des contreparties comme dans le débat sur les privilèges seigneuriaux (après la nuit du 4 août).

« Messieurs, l’État depuis longtemps est aux prises avec les plus grands besoins, nul d’entre vous ne l’ignore ; il faut donc de grands moyens pour y subvenir.

 

« Les moyens ordinaires sont épuisés : le peuple est pressuré ; de toute part, la plus légère charge lui serait, à juste titre, insupportable , il ne faut pas même y songer.

 

« Des ressources extraordinaires viennent d’être tentées (l’impôt du quart du revenu) ; mais elles sont principalement destinées aux besoins extraordinaires de cette année, et il en faut pour l’avenir, et il en faut pour l’entier rétablissement de l’ordre.

 

« Il en est une immense et décisive, et qui, dans mon opinion (car autrement je la repousserais), peut s’allier avec un respect sévère pour les propriétés : cette ressource me paraît être toute entière dans les biens ecclésiastiques.

 

« Il ne s’agit pas ici d’une contribution aux charges de l’État, proportionnelle à celle des autres biens : cela n’a jamais pu paraître un sacrifice. Il est question d’une opération d’une toute autre importance pour la Nation ...

 

« Ce qui me paraît sûr, c’est que le clergé n’est pas propriétaire à l’instar des autres propriétaires, puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés, non pour l’intérêt des personnes mais pour le service des fonctions.

 

« Ce qu’il y a de sûr, c’est que la Nation jouissant d’un empire très étendu sur tous les corps qui existent dans son sein, si elle n’est point en droit de détruire le corps entier du clergé, parce que ce corps est essentiellement nécessaire au culte de la religion, elle peut certainement détruire des agrégations particulières de ce corps, si elle les juge nuisibles ou seulement inutiles ; et que ce droit sur leur existence entraîne nécessairement un droit très étendu sur la disposition de leurs biens.

 

« Ce qui est non moins sûr, c’est que la Nation, par cela même qu’elle est protectrice des volontés des fondateurs, peut et doit même supprimer les bénéfices qui sont devenus sans fonctions ; que, par une suite de ce principe, elle est en droit de rendre aux ministres utiles et de faire tourner au profit de l’intérêt public le produit des biens de cette nature actuellement vacants, et destiner au même usage tous ceux qui vaqueront dans la suite.

 

« Jusque là point de difficulté, et rien même qui ait droit de paraître trop extraordinaire, car on a vu dans tous les temps des communautés religieuses éteintes, des titres de bénéfices supprimés, des biens ecclésiastiques rendus à leur véritable destination et appliqués à des établissements publics ; et sans doute l’Assemblée nationale réunit l’autorité nécessaire pour décréter de semblables opérations si le bien de l’État le demande.

 

« Mais peut-elle aussi réduire le revenu des titulaires vivants et disposer d’une partie de ce revenu ? ...

 

« Mais d’abord il faut, en ce moment, partir d’un point de fait : c’est que cette question se trouve décidée par le décret sur les dîmes.

 

« Quelque inviolable que doive être la possession d’un bien qui vous est garanti par la loi, il est clair que cette loi ne peut changer la nature du bien en le garantissant ; que, lorsqu’il est question de biens ecclésiastiques, elle ne peut assurer, à chaque titulaire actuel que la jouissance de ce qui lui a été véritablement accordé par l’acte de sa fondation.

 

« Or, personne ne l’ignore, tous les titres de fondations de biens ecclésiastiques, ainsi que les diverses lois de l’Église qui ont expliqué le sens et l’esprit de ces titres, nous apprennent que la partie seule de ces biens, qui est nécessaire à l’honnête subsistance du bénéficiaire, lui appartient ; qu’il n’est que l’administrateur du reste, et que ce reste est réellement accordé aux malheureux et à l’entretien des temples. Si donc la Nation assure soigneusement à chaque titulaire, de quelque nature que soit son bénéfice, cette subsistance honnête, elle ne touchera point à sa propriété individuelle, et si, en même temps, elle se charge, comme elle en à sans doute le droit, de l’administration du reste, si elle prend sur son compte les autres obligations attachées à ces biens, telles que l’entretien des hôpitaux, des ateliers de charité, des réparations de l’Église, des frais de l’éducation publique, etc. ; si, surtout, elle ne puise dans ces biens qu’au moment d’une calamité générale, il me semble que toutes les intentions des fondateurs sont remplies et une toute justice se trouvera avoir été sévèrement accomplie. »

 

Les grandes personnalités de la droite (Maury, Cazalès...) réagissent violemment contre cette nationalisation au nom de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qu’ils ont pourtant combattue. Cependant, cette référence pêche par le complément limitatif qu’elle apporte au droit de propriété "lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige et sous condition d’une juste et préalable indemnité".

 

 

- F) Jean Jaurès analyse la "motion Talleyrand"

Quand Jaurès parlait des "fanatiques de l'Islam"Déjà, la Constituante, en abolissant les dîmes sans indemnité, avait frappé la propriété de l’Église. Mais il était bien plus hardi de toucher à son domaine foncier ; et tandis que l’Église ne résista que mollement à l’abolition des dîmes, elle va résister avec un vigueur forcenée à la nationalisation de sa propriété immobilière.

 

- Comment la Constituante justifia-t-elle cette main-mise sur les biens du Clergé ?

Elle affirma que la propriété de l’Église n’avait pas le même caractère que les autres propriétés, que l’Église en avait reçu des terres, des immeubles que pour remplir certaines fonctions, notamment de charité et d’assistance ; que, par suite, le jour où la Nation se préoccupait de remplir elle-même cette fonction, elle avait le droit de saisir les ressources en assumant la charge.

 

Enfin et pour compléter sa démonstration juridique, la Constituante proclama que le clergé, ayant cessé d’être un ordre, ne pouvait posséder en cette qualité, et que la Nation peut toujours reprendre les biens d’un corps qui n’existe que par la volonté de la Nation elle-même. Après le marquis de Lacoste, après Buzot, après Dupont de Nemours, c’est l’évêque d’Autun, Talleyrand-Périgord qui posa la question avec l’autorité que lui donnait sa qualité même d’évêque et avec une admirable précision.

 

On voit dans son intervention devant l’Assemblée le grand effort de dialectique et de subtilité par lequel Talleyrand essayait de démontrer que cette grande expropriation révolutionnaire respectait la propriété. Au fond, cette opération décisive pouvait se légitimer d’un mot : c’est qu’une nation, avant tout, a le droit de vivre et que lorsque d’immenses richesses ont une affectation traditionnelle contraire aux intérêts nouveaux et à la vie même de la Nation, elle peut et doit modifier cette affectation.

 

Mais il est rare que les Révolutions puissent avouer aussi nettement leurs principes, et elles cherchent à rattacher au système juridique en vigueur l’acte même qui bouleverse l’ancien droit.

 

Il y avait, sans doute, des parties spécieuses dans l’argumentation de Talleyrand : mais aussi que de raisonnements fragiles !

 

Oui, la Nation, seule existence perpétuelle, a le droit et le devoir de veiller à l’exécution de la volonté des fondateurs, mais il est bien clair que lorsque, dans les siècles de ténèbres et de foi, des milliers d’hommes avaient donné leurs biens à l’Église pour le soulagement des pauvres ils n’avaient pas voulu seulement donner aux pauvres, ils avaient voulu leur donner par les mains de l’Église, et s’assurer ainsi à eux-mêmes une récompense dans un ordre surnaturel que, suivant eux, l’Église administrait.

 

Par conséquent, lorsque la Nation, s’emparant des biens d’Église, les consacrait au soulagement des pauvres, à des œuvres d’assistance et d’éducation, elle ne remplissait qu’une partie de la volonté des donateurs ; et comment, en vérité, un grand peuple, après la lumière du xviiie siècle, aurait-il pu être exactement fidèle à la pensée du moyen âge ?

 

Nationaliser les biens d’Église, les laïciser, ce n’était pas seulement les arracher à l’Église, c’était les arracher au donateur lui-même, c’est-à-dire au passé : c’était, par conséquent, faire acte d’expropriation révolutionnaire, beaucoup plus que Talleyrand ne se l’avouait ou ne l’avouait aux autres.

 

- Mais ce premier discours laissait subsister une autre difficulté bien plus grave.

Le raisonnement de Talleyrand supposait que la totalité des biens d’Église sécularisés serait appliquée à des œuvres de charité, analogues, sinon dans leur inspiration, au moins dans leur réalité matérielle, aux œuvres prévues par les fondateurs. Mais, en fait, c’était surtout pour assurer le paiement des dettes de l’État, pour éviter la banqueroute que la Révolution était obligée de séculariser les biens d’Église.

 

C’est donc la légion des rentiers, des bourgeois prêteurs, des capitalistes qui se substituait, dans la perception des revenus d’Église, aux premiers destinataires. Les biens d’Église, la propriété immobilière et religieuse servaient à garantir la propriété mobilière ; c’était bien l’expropriation du moyen âge au profit de la société moderne.

 

Talleyrand comprit que, dans son premier discours, il avait trop éludé le problème et sans doute les rentiers, les créanciers de l’État, inquiets d’une première argumentation qui les laissait en dehors de la distribution des revenus d’Église, lui demandèrent un nouvel effort de dialectique.

 

 

- G) Mi-octobre 1789 : Argumentation complémentaire de Talleyrand

Face à l’opposition farouche de la hiérarchie catholique et de la droite de l’Assemblée (Abbé Maury...), face aux doutes sur certains points de sa proposition, Talleyrand essaie de compléter sa proposition :

« A qui donc est la propriété véritable de ces biens ? La réponse ne peut être douteuse : à la Nation.

 

« Mais, ici, il est nécessaire de bien s’entendre :

« Est-ce à la Nation en ce sens que, sans aucun égard pour leur destination primitive, la Nation, par une supposition chimérique, puisse en disposer de toute manière et, à l’instar des individus, propriétaires, en user et en abuser à son gré ?

 

« Non, sans toute, car ces biens ont été chargés d’une obligation par le donateur et il faut que, par eux ou par un équivalent quelconque, cette obligation, tant qu’elle est jugée juste et légitime, soit remplie.

 

« Mais est-elle à la Nation en ce sens que la Nation, s’obligeant à faire acquitter les charges des établissements nécessaires ou utiles, à pourvoir dignement à l’argent du service divin, suivant le véritable esprit des donateurs, à faire remplir même les fondations particulières, lorsqu’elles ne présenteront aucun inconvénient, elle puisse employer l’excédent au delà de ces frais a des objets d’utilité générale ? La question, ainsi posée, ne présente plus d’embarras. Oui, sans doute, elle est à la Nation, et les raisons se présentent en foule pour le démontrer.

 

« 1° La plus grande partie de ces biens a été donnée, évidemment, à la décharge de la Nation, c’est-à-dire pour des fonctions que la Nation eût été tenue de faire acquitter ; or, ce qui a été donné pour la Nation est nécessairement donné à la Nation.

 

« Ces biens ont été donnés presque tous pour le service public ; ils l’ont été, non pour l’intérêt des individus, mais pour l’intérêt public ; et ce qui est donné pour l’intérêt public peut-il n’être pas donné à la Nation ? La Nation peut-elle cesser un instant d’être juge suprême sur ce qui constitue cet intérêt ?

 

« Ces biens ont été donnés à l’Église. Or, comme on l’a remarqué déjà, l’Église n’est pas le seul clergé, qui n’en est que la partie enseignante. L’Église est l’assemblée des fidèles et l’assemblée des fidèles, dans un pays catholique, est-elle autre chose que la Nation ?

 

« Ces biens ont été destinés particulièrement aux pauvres ; or, ce qui n’est pas donné à tel pauvre en particulier mais qui est destiné à perpétuité aux pauvres, peut-il n’être pas donné à la Nation qui peut, seule, combiner les vrais moyens de soulagement pour tous les pauvres ?

 

« La Nation peut certainement, par rapport aux biens ecclésiastiques, ce que pouvaient, par rapport à ces biens, dans l’ancien ordre des choses, le roi et le supérieur ecclésiastique, le plus souvent étrangers à la possession de ces biens.

 

« Or, on sait qu’avec le concours de ces deux volontés on a pu, dans tous les temps, éteindre, unir, désunir, supprimer, hypothéquer des bénéfices et même les aliéner pour secourir l’État.

 

« La Nation peut donc aussi user de tous ces droits et, comme dans la réunion de ces droits se trouve toute la propriété qui est réclamée en ce moment sur les biens ecclésiastiques en faveur de la Nation, il sait qu’elle est propriétaire dans toute l’acception que ce mot peut présenter pour elle. »

 

 

- H) Analyse de Jaurès sur ce complément de Talleyrand

Il serait trop long d’examiner la valeur historique et juridique de ces arguments. Mais, malgré l’habileté avec laquelle est tendu le voile, Talleyrand ne peut dissimuler le caractère révolutionnaire de l’acte proposé. Entre les aliénations de détail faites jadis par le prince et l’aliénation d’ensemble réclamée de la Constituante il y a un abîme ; toute la distance d’un acte d’administration à un acte d’expropriation. Il est très hasardeux de dire que les donateurs ont constitué jadis leurs œuvres, à la décharge de la Nation, car, dans la période féodale, la Nation n’était pas ; et le seul pouvoir vraiment central était l’Église.

 

Enfin, il est au moins hardi de cléricaliser ainsi toute la nation pour établir entre l’Église et la Nation une continuité juridique absolue ; déclarer à la fin du xviiie siècle que la Nation est l’assemblée des fidèles, c’est-à-dire le véritable Église, c’est méconnaître le profond travail que la critique rationaliste et la science avaient opéré dans les esprits.

 

Au fond, il n’y avait qu’un argument à donner, mais décisif : la propriété d’Église ne peut être maintenue sans péril pour les formes nouvelles de civilisation.

Mais donner cette raison, toute nue, c’était s’exposer à troubler bien des consciences ; c’était surtout frapper d’un caractère provisoire toute propriété, et la Révolution aimait mieux envelopper de formes juridiques la vaste et nécessaire expropriation qu’elle méditait. Comme les prétextes juridiques allégués n’étaient pas tout à fait vains, comme quelques-uns d’entre eux avaient au moins une haute vraisemblance, la prudence des révolutionnaires n’était point de l’hypocrisie.

 

Mais Talleyrand avait franchi le pas difficile et démontré qu’après avoir assuré les services de charité, l’État pouvait disposer de l’excédent ; les rentiers étaient sauvés, et aussi la Révolution.

 

L’éminent jurisconsulte Thouret, trouva évidemment que l’argumentation de Talleyrand était insuffisante, et il chercha à donner à l’Assemblée une raison juridique décisive, qui ruinât jusqu’au fondement le droit de propriété ecclésiastique et qui préservât en même temps de toute atteinte, de toute menace la propriété nouvelle, individuelle et bourgeoise

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3 septembre 2015 4 03 /09 /septembre /2015 08:36
27, 28 août 1789 : naissance du clivage droite gauche

Cet article explique sur quelles bases se sont créées d’une part la droite ( défense de la Tradition et de l’ordre établi, exécutif fort, catholicisme d’Etat, racisme, préjugés contre la culture, refus des droits de l’Homme et du suffrage universel...), d’autre part la gauche ( démocratie, souveraineté populaire, droits de l’homme et du citoyen, égalité, fraternité, liberté, raison, citoyenneté, bien public, suffrage universel, droits sociaux)

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys

- Les 27, 28 août 1789 les députés à l’Assemblée constituante se répartissent pour la 1ère fois géographiquement dans leur salle de Versailles. Pour faciliter le décompte des voix :

  • les disciples d’un droit de veto absolu du Roi sur toute loi votée par les députés se rangent à droite.
  • les élus favorables à un système politique constitutionnel, donc sans droit de veto absolu du roi, se rangent à gauche de la salle

En fait, trois sujets sont à l’ordre du jour en cette fin août et expliquent l’apparition de ce clivage droite gauche :

  • droit de veto royal absolu,
  • maintien du catholicisme comme religion d’Etat du royaume.
  • droits de l’homme et du citoyen (votée le 26 août). Selon plusieurs historiens, la première séparation géographique entre Droite et Gauche dans l’Assemblée serait née le 26 août 1789 lors du débat sur la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen lorsque la place du culte avait été évoquée : les défenseurs du Roi et de la Religion se seraient positionnés d’emblée à Droite, les démocrates à Gauche.

A partir du 11 septembre, l’assemblée reprend le débat sur le droit de veto absolu du roi dont les partisans se rangent encore à droite.

 

 

- L’évolution des privilégiés et de leurs laquais d’avant 1789 se fait naturellement vers cette droite de 1789 :

  • même volonté de maintenir le roi comme autorité supérieure d’un chef non soumis aux aléas de la démocratie ;
  • même refus de considérer un individu du peuple comme un humain ayant des droits d’où refus des droits de l’homme. La déclaration des droits est votée par la Constituante le 26 août 1789 mais les cliques réactionnaires interviennent sans cesse auprès du roi pour qu’il ne la ratifie pas, d’où leur combat en cette fin août et septembre 1789 pour le droit de veto absolu du souverain. Louis XVI ne promulguera c