L'eurodéputé appelle à l'union avec les communistes aux régionales en Île-de-France, ainsi que dans les régions où le Parti de gauche est déjà allié aux écologistes. « On est en train d’atteindre notre but et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés », déplore-t-il. Il se prononce également pour la création de groupes parlementaires communs, en espérant qu'ils soient rejoints par des socialistes.
Sources : Médiapart le 16/09/2015 par Stéphane Alliès
A sa façon, Jean-Luc Mélenchon met les mains dans le cambouis de l'unité de la gauche de gauche. Alors que la préparation des élections régionales laisse entrevoir de fortes crispations entre le PCF et le reste du Front de gauche (Parti de gauche et Ensemble!), en Île-de-France et dans les régions où une alliance avec les écologistes d'EELV laisse de côté les communistes (en Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA), le fondateur du Parti de gauche (PG) appelle à « colmater les brèches » et à « arrêter de tergiverser ». Aux yeux de l'ancien candidat à la présidentielle, « pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau ». Dans un entretien à Mediapart, Mélenchon demande que soient mises en œuvre des « missions de conciliation », sorte de « cabine de pilotage nationale », pour lever les divergences locales.
L'eurodéputé estime que « les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes » peuvent se « transcender » par un « sigle commun déposé au ministère de l’intérieur ». Et il propose que le Front de gauche se range derrière Pierre Laurent en région parisienne, en échange d'un rapprochement des communistes avec les listes EELV-PG existant ailleurs. « L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche », dit-il. Enfin, Mélenchon plaide également pour la création de groupes parlementaires communs réunissant les élus du PCF, les proches de Cécile Duflot à EELV et espère voir s'y joindre des socialistes qui tireraient « les leçons de ce qui se passe en Angleterre » avec l'élection de Jeremy Corbyn.
Médiapart : À la sortie de la fête de l’Humanité et à la veille des régionales, la situation est paradoxale pour vous. Communistes et écologistes sont autonomes du PS partout au premier tour, mais il n’y a pourtant pour l’heure qu’une seule région où vous êtes alliés tous ensemble. Et en l’état, il pourrait y avoir plus de régions où le Front de gauche est divisé qu’uni…
Jean-Luc Mélenchon : La droite et l’extrême droite semblent parties pour remporter une victoire écrasante. C’est ce qu’il faut empêcher en ouvrant un autre chemin. Où en sommes-nous ? D’abord soulignons que la clarification politique à laquelle on a travaillé depuis 2012 n’a jamais été aussi avancée : tout le Front de gauche est dans l’opposition de gauche, les Verts sont sortis du gouvernement, le PS n’a plus d’allié hormis le PRG, puisque même le MRC est aujourd’hui plus proche de nous que des socialistes. Sur le terrain il y a aussi pas mal d’endroits où nous sommes en passe de réussir l’union de tout le Front de gauche et des écologistes sur un nouveau sigle de rassemblement. Le point négatif, c’est qu’il n’y a pas de cabine de pilotage nationale. Je ne participe pas aux négociations ni à aucune composition de liste. Mais je suis un observateur vigilant et je me sens garant du désir d’union de l’autre gauche qui s’exprime partout. Mon rôle est moral, rien de plus, mais c’est important dans le moment historique que nous vivons.
Sur le terrain, les difficultés s’additionnent. Outre celles qui viennent de l’ambiance confuse du Front de gauche, s’ajoute que les statuts de tous les partis font que les décisions se prennent localement. Une aberration fédéraliste, qui nous met dans une faiblesse lamentable avant une élection qui a plus que jamais une signification nationale. Partout, les militants du PG ont travaillé à l’union avec les écologistes avec la meilleure volonté du monde. Tellement bien, qu’ils sont parvenus à des listes d’union dans la moitié des régions, alors qu’au départ EELV avait choisi l’autonomie. Je les félicite. Pour y parvenir, mes amis ont mis partout de côté toute ambition de tête de liste. Cela, alors même que l’image des Verts est considérablement dégradée. J’ai dû réagir et un peu élever la voix pour dire que ce n’était pas acceptable. Une annexion ! EELV a joué de la bonne foi et de l’esprit unitaire de ses partenaires. Je crois que les électeurs non plus n’ont pas envie d’être récupérés par un parti. La situation s’est débloquée lors des universités d’été d’EELV, et une première réunion inter-régionale a eu lieu. J’en suis content. Mais nous ne sommes pas quittes. Il faut encore donner aux communistes leur juste place.
Ensuite, puisque les 13 nouvelles régions ne correspondent à aucune structure de nos organisations, cela a complexifié d’autant les rythmes de négociation. Et cela explique que dans certains endroits les communistes sont en dehors de plusieurs rassemblements. Je ne l’accepte pas. C’est une question de fond. L’union de l’opposition de gauche, ce doit être une addition pas des soustractions. Je n’accepte pas qu’on veuille marginaliser les communistes.
En disant cela, je ne suis pas un bisounours du Front de gauche : j’ai en mémoire les offenses présentes, passées et même futures des dirigeants communistes à mon endroit. Mais les jalousies dont je fais l’objet, et les problèmes d’égo qui m’entourent ne me détournent pas du but historique : construire la relève de gauche à la faillite du PS, face à l’extrême droite. Je demande donc qu’on se remette autour d’une table pour trouver une issue, en particulier dans les deux régions stratégiques où la défaite du PS est assurée d’avance et où il faut avoir une parole politique forte et de gauche pour incarner la relève : la grande région Nord et PACA.
Désormais le temps presse, il faut colmater les brèches et arrêter de tergiverser. Pour cela, il faut rétablir un cadre national de prise de décision. Tout le monde a des grandes paroles sur la nécessité de l’union et personne ne fait rien. On ne peut pas laisser les choses en l’état. S’il le faut, je suis prêt à mener sur place, avec d’autres dirigeants communistes et écologistes nationaux, une mission de bons offices pour qu’on trouve les convergences nécessaires. Mais avec ou sans moi, toute mission de conciliation me conviendra.
Médiapart : Vous n’avez pas peur qu’en tentant d’imposer des décisions d’appareils nationaux, on entrave des dynamiques locales et citoyennes ?
Jean-Luc Mélenchon : C’est toute la difficulté de la situation. Épargnons-nous les méfiances envers des appareils nationaux. Des appareils, il en existe aussi localement et ils ne sont pas plus tendres. Il s’agit souvent de reconduire beaucoup de sortants. Mais il est vrai qu’il existe des dynamiques locales, avec des assemblées citoyennes qui préparent le futur de la gauche. J’y suis très attaché. Je propose de leur donner le plus de pouvoir possible, sans pour autant jeter à la poubelle nos partis qui sont indispensables à l’action.
Il persiste des problèmes ? Et alors ? Trouvons les solutions ! Il suffit de le vouloir. Pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau. Ne rien faire serait une faute de notre part. Il faut qu’il y ait des missions de conciliations qui se mettent en place. J’insiste pour qu’on le fasse en priorité dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Tout de même, face au FN, à la droite et aux socialistes en déroute, le devoir commande ! Il faut à tout prix trouver les moyens de proposer une alternative crédible !
Ces moyens existent, on peut régler une par une toutes les difficultés. Les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes ? Elles se transcendent par un sigle commun déposé au ministère de l’intérieur. À partir de là, on peut présenter des binômes ou des trinômes en tête de liste, l’essentiel étant que le résultat ne soit approprié par personne. Sinon les électeurs ne se déplaceront pas. Ils ne veulent pas être récupérés !
Ensuite, pour arbitrer les divergences, il est clair que nous n’y arriverons pas du sommet. Donc il faut des assemblées représentatives régionales, de nos partis et des citoyens, qui s’engagent à nos côtés. J’en ai parlé en janvier dernier, on m’a dit que c’était une usine à gaz. Nous l’avons expérimenté au Mouvement pour la 6e République (M6r) et cela a fonctionné. On est au XXIe siècle et il faut s’y adapter… les réseaux sociaux le permettent.
Médiapart : Concrètement, ça fonctionnerait comment ?
Jean-Luc Mélenchon : Les gens signent un texte, une volonté d’engagement ou de soutien, ils peuvent le faire en ligne, puis ils élisent des représentants, on peut aussi en tirer au sort une partie. Et on fixe une représentation pour les partis. Je ne dis pas que c’est la seule formule possible, mais c’est possible et c’est jouable dans le délai qu’il nous reste. On ne peut plus traîner, sinon on donne une image répulsive à notre peuple qui est déjà dans un état d’insurrection froide contre les politiques et les institutions du pays, qui risque de se traduire par un niveau d’abstention extrêmement élevé.
« Si on met ses utopies en avant comme condition de l’union, c’est le règne du sectarisme »
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Médiapart : En Île-de-France, la situation est particulièrement ubuesque. Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, refuse votre proposition de se ranger derrière elle, et le Front de gauche ne parvient pas à se mettre d’accord entre trois de ses dirigeants nationaux (Pierre Laurent – PCF ; Éric Coquerel – PG et Clémentine Autain – Ensemble !). C’est “l’autre gauche” la plus bête du monde ?
Jean-Luc Mélenchon : Vous n’avez pas tort. Maintenant, l’art de la politique c’est aussi de partir des réalités qui parfois s’imposent à vous. On aurait pu rêver autre chose. Que Pierre Laurent reste sur son analyse initiale de ne pas se présenter pour cause de non-cumul des mandats. Que lui qui dénonce sans cesse les « castings présidentiels » ne se crispe pas sur sa tête de liste, alors qu’on pourrait se mettre d’accord sur une personnalité de la société civile, on n’en manque pas en région parisienne. Qu’Emmanuelle Cosse ne nous éconduise pas aussi grossièrement. Et qu’elle ne préfère pas un groupuscule de centre-droit, Cap 21, à l’alliance avec le Front de gauche, au nom de l’unité de son parti qui explose chaque jour un peu plus. Mais c’est comme ça. À deux mois du scrutin il faut assumer la difficulté et débloquer ce qui peut l’être.
Pour autant, je ne me résigne pas. Je suis sûr que si Emmanuelle Cosse acceptait l’unité avec le Front de gauche, Pierre Laurent en serait le premier partisan. Mais il y a peu de chance qu’elle abandonne l’arrogance de sa posture. Elle a multiplié les obstacles : introduire comme préalable l’adhésion à l’idée d’une France fédérale et au droit de faire des lois régionales est une provocation. D’ailleurs, rien de tout cela n’est possible avec les élections régionales.
Donc, j’ai bien compris que Pierre Laurent fait de sa présence comme tête de liste « virtuelle » une question identitaire. Mes amis doivent entendre cela, même si je sais que ce n’est pas facile à admettre. De leur côté, les communistes doivent comprendre que si un effort est fait en Île-de-France pour apaiser les esprits, il faut qu’ils en fassent eux aussi ailleurs. Certes le PCF est très décentralisé, mais il a aussi une orientation nationale. Pierre Laurent a déjà été tête de liste en Île-de-France. N’exagérons pas le problème. Il l’a dit : il ne siégera que s’il est élu président de région. Si tel est le cas, qui s’en plaindrait ?
L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche. Il faut à tout prix parvenir à se présenter tous ensemble, avec les communistes, là où nous sommes déjà en alliances avec les écologistes. Il faut faire des additions partout ! Je recommande au PG de ne pas mettre de préalable sur les têtes de liste si cela doit conduire à la division. Inscrivons notre lutte pour l’éthique et la répartition des tâches dans la durée, n’en faisons pas un ultimatum destructeur. Soyons unitaires pour deux : les électeurs nous en seront reconnaissants.
Je suis consterné par cette situation : on est en train d’atteindre notre but, nous avons isolé le PS et prouvé qu’on pouvait se rassembler et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés. Les alliances à la carte, sous couleur de baratin localiste, vont nous tuer plus sûrement que n’importe quelle querelle doctrinale ! Et que les choses soient claires, ces élections n’ont rien à voir avec la présidentielle. Je demande juste que tout le monde se confronte à la réalité pour les régionales, et qu’on arrête de se braquer pour des histoires de têtes de liste ! Tout ça est dérisoire…
Médiapart : Sur le plan national, comment jugez-vous la proposition de création d’un nouveau groupe parlementaire émanant de quatre députés, Sergio Coronado (EELV), Philippe Noguès (ex-PS), Isabelle Attard (ex-Nouvelle Donne) et Jacqueline Fraysse (apparentée PCF) ?
Jean-Luc Mélenchon : C’est une autre occasion unique d’accélérer le cours de l’histoire. J’ai découvert cette tribune avec enthousiasme. À mon tour, j’appelle à la création d’un groupe commun dans les deux assemblées. À la veille de l’examen du budget, un nombre significatif de députés pourrait nous rejoindre. Ce nouveau groupe pourrait devenir un pôle de référence d’où pourrait partir une multitude d’initiatives.
Là, Cécile Duflot doit faire un effort et m’écouter même si elle ne m’aime pas. Son groupe écologiste a explosé. Je l’adjure de faire preuve de sang-froid et de responsabilité. Elle est en mesure de débloquer la situation si elle fait le pas que les quatre proposent. Un nouveau groupe peut être la locomotive d’une nouvelle gauche dans le pays.
Il ne faudrait pas que l’initiative échoue pour des histoires de présidence de groupe. Comme pour les régionales, on peut imaginer des binômes, une présidence tournante. Et même si ce devait être André Chassaigne le président de ce nouveau groupe, et qu’on trouverait les communistes bien gourmands de le demander, il faudrait l’accepter si c’était la seule condition pour que cet événement politique se produise. Car ce serait nettement mieux que d’avoir deux petits groupes à la limite de la survie. Au reste, Chassaigne a tenu bon depuis 2012 et ses états de services dans l’opposition de gauche sont plus constants que des opposants plus récents. Si j’étais député dans ce nouveau groupe, je voterai pour lui.
Il y a des divergences ? Oui, c’est vrai. Mais il y en avait aussi entre les écologistes et les socialistes, et ça ne les empêchait pas de voter ensemble !
Médiapart : N’y a-t-il pas un risque à toujours minimiser ces divergences entre forces politiques à la gauche du PS ? Sur la laïcité, le fédéralisme ou le jacobinisme, l’énergie, la géopolitique, etc. Et si ce qui vous sépare était finalement aussi important que ce qui vous réunit ? Cela pourrait expliquer aussi pourquoi le rassemblement est si compliqué ?
Jean-Luc Mélenchon : Qu’on n’invente pas des prétextes artificiels à mesure qu’on avance ! Il y a des débats qui surgissent à la dernière minute, pour provoquer volontairement des désaccords. Quand Emmanuelle Cosse pose comme condition de reconnaître le fédéralisme en France et le droit de faire des lois locales, c’est juste une provocation gratuite. Si on met ses utopies en avant comme condition de l’union, c’est le règne du sectarisme.
Pour les sujets de divergences qui sont dans l’actualité immédiate, on a trouvé une solution crédible, elle s’appelle la démocratie. Au Front de gauche, on a réglé notre désaccord sur le nucléaire en parlant de “sortie des énergies carbonées et mise en œuvre d’un référendum sur la sortie du nucléaire”. S’il y a un problème entre nous sur le fédéralisme, la réponse se trouve dans les débats que l’on aurait au sein de l’assemblée constituante pour une VIe république. Pareil sur la candidature de Paris aux Jeux olympiques. On n’est pas tous d’accord, le PG et les Verts sont contre, le PCF pour, et alors ? C’est inimaginable de consulter la population francilienne sur le sujet ? On l’a fait aux États-Unis ! Le proposer serait autrement plus dynamique qu’un compromis pourri ou un blocage absurde !
« Retricoter à toute vitesse un réseau européen »
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Médiapart : Cet éventuel nouveau groupe parlementaire pourrait-il accueillir des députés PS en rupture de ban ?
Jean-Luc Mélenchon : Je n’ose placer la barre trop haut par habitude de la déception, mais si un ou deux changeaient déjà de camp et rejoignaient un tel groupe commun, cela permettrait d’ouvrir la brèche et d’enlever à Valls sa majorité parlementaire. Il n’y a pas des opportunités comme celle-là tous les matins. Des gens comme Benoît Hamon ou Pouria Amirshahi devraient tirer les leçons de ce qui se passe en Angleterre. La victoire de Jeremy Corbyn à la direction du parti travailliste montre que la social-démocratie peut commencer un nouveau cycle.
C’est d’Angleterre qu’est parti le blairisme qui a pourri le mouvement socialiste international et contaminé tous les partis sociaux-démocrates européens, du SPD allemand au Pasok grec, en passant par le PSOE espagnol et le Parti démocrate italien. La victoire de Corbyn est un encouragement. En Italie, un congrès d’unification des gauches socialistes, écologistes et communistes est prévu pour novembre. Il n’y a pas que la déprime liée à la crise grecque, il y a aussi des signaux positifs de changement. Et je m’adresse aux députés socialistes pour leur dire qu’ils peuvent être à leur tour des déclencheurs. Ils sont jeunes, ils ont le pouvoir d’écrire l’histoire au lieu de se limiter à gérer leur carrière.
Médiapart : À la fête de l’Huma, vous avez lancé votre sommet “pour un plan B en Europe” avec Yanis Varoufakis, alors que les communistes ont martelé leur soutien à Syriza et à Tsipras…
Jean-Luc Mélenchon : Que les choses soient claires, je ne suis pas devenu anti-Tsipras ! Ça n’a pas de sens. Je ne sais plus comment dire : je sais très bien que la partie n’est pas terminée, et que le moment de la renégociation de la dette grecque va arriver. Et je sais très bien qu’un gouvernement Syriza réélu, ce n’est pas pareil que la droite gagnante. Je crois d’ailleurs qu’il va gagner et j’espère aussi que les dissidents d’Unité populaire [la scission de l’aile gauche de Syriza emmenée par Zoe Konstantopoulou - ndlr] auront une représentation parlementaire. L’union se reconstruira le moment venu pour affronter l’Europe qui va piétiner la Grèce. Je ne donne pas de leçon aux autres, mais j’en tire pour nous. Je parle du point de vue de celui qui ne veut pas être assimilé à ceux qui sont capables de signer un accord de super austérité, après avoir organisé un référendum contre. Je suis fidèle au programme, pas aux personnes. C’est la raison pour laquelle j’ai applaudi le partenariat conclu entre le PG et Unité populaire, qui reste fidèle au programme anti-austérité. Mais ça ne veut pas dire que nous faisons la campagne d’Unité populaire aux élections grecques. Quel sens concret cela aurait ?
Je voudrais qu’on évite les simplifications qui ne tiennent pas compte du caractère tragique de ce qui se passe en Europe. Tout l’est de l’Europe est rempli de fascistes et nous sommes à l’état de traces dans tous ces pays. Aujourd’hui, nous nous appuyons encore sur quelques positions en Grèce, en Espagne, en France, un peu en Allemagne, en Slovénie et, désormais, nous connaissons un changement à l’intérieur du camp travailliste anglais. Or il nous faut retricoter à toute vitesse un réseau européen, exactement comme l’ont fait les camarades d’Amérique latine à la fin du siècle dernier.
Notre initiative du "Plan B" se révèle incroyablement attractive. Honnêtement, je ne m’attendais pas à un impact pareil. La presse européenne a couvert l’événement, la retransmission du meeting sur internet a été fortement suivie, y compris à l’étranger. la tribune que nous avons publiéee sert de texte fondateur, et plusieurs partis ou courants politiques se montrent intéressés. Donc on commence à recueillir les signatures individuelles d’élus ou de personnalités, et on va faire en sorte que la première réunion, qui aura lieu avant la fin de l’année à Paris ou à Bruxelles, regroupe plutôt des intellectuels, des économistes et des responsables de mouvements sociaux.
Il y a urgence, car on est dans un moment étrange de l’histoire où on a le sentiment que les décideurs européens ne sont pas vraiment maîtres de ce qu’ils font et, on le voit avec Schäuble, se laissent entraîner dans des surenchères folles. S’ajoute désormais l’affaire des migrants, qui est un “booster” inouï pour l’extrême droite.
Médiapart : Sur la question des migrants, comment faire autrement dans l’urgence ?
Jean-Luc Mélenchon : Ma position était de dire qu’il n’y a pas d’alternative à l’accueil. Ce n’est même pas idéologique : on ne peut rien faire d’autre tout simplement. Enfin, on pourrait sans doute faire autrement que de les mettre dans des camps. Les quotas n’ont pas de sens. Soit le traité de Schengen existe, soit il est aboli sans qu’on ne nous ait prévenus. Mais ceux qui ont traversé toutes ces épreuves ne se laisseront pas enfermer dans un train qui les conduirait vers une autre zone de misère. Ils veulent avoir eux aussi la liberté de circuler, et il est illégal de les en empêcher.
Mais l’essentiel est de remédier aux causes de cet afflux migratoire. Donc en finir avec les politiques économiques qui ruinent le sud sahélien et avec les logiques de guerre aveugle que François Hollande semble vouloir continuer. Qu’est-ce que de nouveaux bombardements vont régler ? La solution se trouve dans l’organisation au plus vite d’une conférence internationale où on discute avec ceux qui ont concrètement les doigts dans Daech. Parce que Daech ne tombe pas du ciel. C’est l’enfant des financements qataris, saoudiens, turcs… Et le bénéficiaire des ventes d’armes et d’achat de pétrole de contrebande par des pays occidentaux.