La politique obstinée de l’Afrique
Le Caire, janvier 2024. Un boulanger sort sa dernière fournée Jozef Macak Traduit de l’anglais par Philippe Agret Cet article, dont le titre original est « Bread for berries » a été publié sur Synaps le 7 avril 2025
En quelques décennies, la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord est devenue totalement dépendante des importations pour nourrir sa population. Une évolution accélérée par les choix faits par les élites du Nord et du Sud.
Sources : Synaps Alex Simon / Monica Basbous |
Le pain est au cœur de la vie quotidienne dans l’ensemble du monde arabe.
Il est sorti des fours et des échoppes le long des routes, empilé sur la table des repas, et même brandi lors de manifestations, où il symbolise l’incapacité de l’État à répondre aux besoins les plus élémentaires. Le pain se présente sous différentes formes et dimensions, des baguettes tunisiennes à la pita, en passant par le moelleux samoun irakien en forme de losange. Mais ces pains partagent de plus en plus une chose en commun : le blé bon marché déversé d’Europe et de Russie.
Il n’en a pas toujours été ainsi. Autrefois, la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord (Middle East and North Africa, MENA) comptait sur son propre blé : des variétés résistantes et nutritives cultivées depuis des millénaires dans l’est et le sud du bassin méditerranéen. En réalité, le monde arabe avait largement dépassé l’autosuffisance. Il avait innové et exporté, contribuant à ce que le pain trouve sa place dans les régimes diététiques et sur les tables d’Europe et, plus tard, du monde entier.
Le « grenier de Rome »
En effet, c’est dans le Croissant fertile — des rivages méditerranéens de la Palestine et du Liban jusqu’à la Syrie, la Turquie et l’Irak contemporains — que l’humanité a appris à faire pousser les céréales. Les anciens Égyptiens cultivaient le blé et l’orge le long des rives du Nil et dans le Delta.
Cette autosuffisance fait partie de l’histoire ancienne. En 2021, la région MENA comptait cinq des quinze premiers États importateurs de blé au monde. Même des petits pays comme la Jordanie et la Tunisie parviennent à en importer suffisamment pour figurer dans le top 50. Les données de l’Observatoire de la complexité économique (OEC)[ L’OEC présente des visualisations de données sur le commerce international] permettent de visualiser cette dépendance au sein des principaux importateurs de la région, en cartographiant la facture totale des importations de blé de chaque pays, ses principaux fournisseurs, son rang parmi les importateurs de blé et la part du blé dans les importations de chaque pays.
🔴 La dépendance à l’égard des importations[0] a un coût élevé.
Année après année, les États arabes à court de liquidités, dépensent leurs réserves limitées en devises étrangères pour importer des denrées de base qu’ils cultivaient autrefois pour eux-mêmes. Leur capacité à nourrir leurs sociétés est désormais déterminée par la volatilité des marchés mondiaux. Ainsi, la carte ci-dessus utilise des données datant de 2021, un an avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les données de l’année suivante montreraient un bouleversement majeur des chaînes d’approvisionnement en blé de la région, qui a été profondément ressenti en 2022 et 2023.
🔴 Cette carte comporte également une omission notable.
Pour créer une visualisation la plus claire possible, nous n’avons montré que les importations du seul blé, à l’exclusion des données sur la farine de blé. D’où l’absence de l’Irak, de la Syrie et de la Palestine, qui n’importent pas de grandes quantités de blé mais dépendent massivement de la farine importée.
La dépendance vis-à-vis de la farine, plutôt que du blé non transformé, est répandue dans les États déchirés par des conflits dans la région et au-delà, ce qui confirme les dommages infligés à la production locale des meuneries.
Nourrir la population ou nourrir l’Europe
Qu’est-il arrivé ? Comment est-on passé d’une zone productrice de blé à une région consommatrice ? Il est tentant de blâmer le changement climatique et la pénurie d’eau[1], qui sont effectivement de mauvais augure pour l’agriculture régionale. Aujourd’hui, cependant, de nombreux États arabes disposent toujours de conditions favorables pour faire pousser du blé. La croissance démographique incontrôlée et l’urbanisation rapide offrent des explications plus convaincantes mais ce n’est qu’une partie du tableau.
Le principal problème est que les gouvernements de la région ont pour la plupart cessé d’organiser l’agriculture de manière à nourrir leurs sociétés. Au milieu du siècle dernier, les États arabes nouvellement indépendants ont investi massivement dans l’autosuffisance alimentaire et la redistribution des terres, des richesses et des services en faveur de la paysannerie. Mais cela a commencé à changer dans les années 1970 et 1980, au moment où la région adoptait des réformes néolibérales. Confrontés à l’augmentation de la dette et à la pression des prêteurs internationaux, comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), la plupart des États arabes ont décidé de privatiser des services clés, de réduire le soutien aux petits producteurs et de favoriser les grandes exploitations agricoles privées, orientées vers des cultures de rente destinées à l’exportation.
🔴 C’est en Égypte qu’on le voit le plus clairement.
L’une des sociétés agraires les plus vieilles de l’histoire dépense aujourd’hui plus que tout autre pays au monde pour importer du blé. L’Égypte est également de loin le premier importateur mondial de fèves pour son foul[2], le plat emblématique de sa cuisine. Ce qui ne veut pas dire que les Égyptiens ont cessé de cultiver : simplement que les politiques étatiques de l’État ont évolué vers la promotion des exportations à forte valeur ajoutée[3]. Les données de l’OEC permettent de visualiser ce changement. Nous avons comparé la valeur des importations de blé de l’Égypte à une sélection de ses principales exportations agricoles. Les barres verticales représentent la valeur totale de chaque importation ou exportation. Les flèches indiquent le principal partenaire commercial de chaque produit.
🔴 Les résultats montrent à quel point l’Égypte a évolué vers l’importation de denrées de base et l’exportation de cultures de rente[4].
En 2021, elle figurait parmi les 12 premiers exportateurs mondiaux d’agrumes, de pommes de terre, de fraises et de coton. Toutes ces plantes sont irriguées, et certaines sont notoirement gourmandes en eau. Les vendre à l’étranger revient de facto à les vendre avec l’eau dont elles ont eu besoin, c’est-à-dire exporter ce qu’on appelle parfois « l’eau virtuelle ». Cela s’accorde mal avec l’aggravation de la crise hydraulique dans ce pays et le fait que toutes ces exportations sont encore insignifiantes par rapport aux importations égyptiennes de blé.
Les profiteurs des deux côtés de la Méditerranée
À l’autre bout de la région, le Maroc est confronté à une situation similaire. Le royaume chérifien est à la fois un important importateur de blé et un méga-producteur de fruits. Il est l’un des principaux exportateurs mondiaux de tomates et d’agrumes, ainsi que de fruits de luxe gloutons en eau comme le melon, les baies et les avocats.
Ces échanges — fruits marocains contre céréales européennes — fonctionnent très bien pour les exportateurs privés des deux côtés de la Méditerranée, et pour les consommateurs européens qui savourent des fruits bon marché. Mais au détriment du combat contre la sécheresse qui perdure depuis des années au Maroc et qui a forcé l’État à rationner l’eau des stations de lavage auto et des hammams publics.
🔴 Les relations commerciales du Maroc révèlent également ce que l’on pourrait appeler un courant néocolonial dans les échanges alimentaires méditerranéens : son principal partenaire commercial, la France, se trouve être l’ancienne puissance coloniale, qui continue de bénéficier des ressources naturelles du Maroc sous la forme de fruits grands consommateurs d’eau.
Le goût pour les avocats israéliens
En Méditerranée orientale, Israël est passé maître dans la science de l’agriculture à haute valeur ajoutée. Il s’appuie sur une technologie de pointe et sa propre forme de colonialisme via l’exploitation illégale de la terre et de l’eau en Palestine et sur le plateau du Golan occupé. Ses exportations de fruits sont surtout destinées à des États européens, comme la France et les Pays-Bas, qui ont soutenu sa guerre à Gaza. Avec le Maroc, Israël est l’autre État de la région MENA à profiter du goût de l’Europe pour les avocats. Des sociétés israéliennes et marocaines se sont même associées pour cultiver des avocats sur le sol marocain avec de l’eau marocaine, par l’intermédiaire d’une coentreprise créée après la normalisation des relations entre les deux pays en 2020.
Toutefois, les ventes d’avocats israéliens sont dérisoires comparées à l’exportation d’un produit nettement moins attractif : les aliments pour animaux vendus sur le marché captif des Territoires palestiniens occupés. Ces derniers dépendent du bon vouloir des Israéliens, même pour produire des aliments localement. Depuis le 7 octobre 2023, Israël exerce son contrôle sur le flux des produits alimentaires de base afin d’amener régulièrement Gaza au bord de la famine.
🔴 Si Israël fixe les termes de ses relations avec ses voisins, la Jordanie n’a pas un tel luxe.
Les petites rivières locales charrient les miettes de l’agriculture israélienne et, dans une moindre mesure, syrienne. En conséquence, Amman, la capitale, amène de l’eau de l’aquifère d’Al-Dissi[5], que la Jordanie partage avec un royaume voisin bien plus étendu et plus fort : l’Arabie saoudite. Cette dernière avale aussi indirectement l’eau de la Jordanie via l’élevage de bétail et la culture de fruits consommateurs d’eau, exportés ou introduits en contrebande par de grandes entreprises jordaniennes à travers la frontière saoudienne.
🔴 La situation difficile de la Jordanie reflète donc celle de l’Égypte et du Maroc, à plus petite échelle.
Tandis que la population jordanienne est assujettie au pain subventionné fabriqué avec du blé européen bon marché, ses plus gros agriculteurs font pousser des pêches et des nectarines qu’ils expédient vers le marché saoudien plus riche. Ils exploitent à leur gré des eaux souterraines de haute qualité sans se préoccuper des quotas stricts qui entravent les petits producteurs.
Les pâturages de l’Arabie saoudite
Cela dit, on pourrait arguer que le secteur agricole le plus hostile à la nature est celui de l’Arabie saoudite. Le royaume désertique n’a pas de rivières, ne reçoit quasiment pas de précipitations, et épuise depuis des décennies ses eaux souterraines fossiles à un rythme alarmant. Et pourtant, il possède de loin la première industrie laitière de la région MENA qui exporte chaque année pour plus d’un milliard de dollars. Almarai — l’entreprise laitière saoudienne dont le nom signifie « pâturages » — est une marque familière dans une grande partie du monde arabe.
Mais les vaches laitières, et le fourrage nécessaire pour les nourrir sont parmi les plus dépensières en eau de l’agrobusiness. Plutôt que de réduire ses activités, Almarai a même raflé des droits sur des terres et de l’eau dans des endroits aussi improbables que l’Arizona et l’Argentine.
Outre les produits laitiers, l’Arabie saoudite était en 2021 le premier exportateur mondial de dattes. Ce fruit a une longue et riche histoire dans le royaume des Saoud, en particulier dans ses oasis orientales. Aujourd’hui, toutefois, irriguer les dattes revient à puiser dans de rares réserves d’eau. Et, comme pour les produits laitiers, les revenus tirés de ces exportations sont ridicules par rapport aux ventes gargantuesques d’énergie du royaume.
🔴 Alors, pourquoi exporter autant d’eau ?
La réponse tient probablement à deux facteurs, qui s’appliquent autant aux dattes saoudiennes qu’aux nectarines jordaniennes, aux fraises égyptiennes ou aux avocats marocains.
Premièrement, même si les revenus de chaque production — quelques centaines de millions de dollars par an, en gros — sont marginaux dans la balance commerciale d’un pays, ces récoltes rapportent de l’argent à ceux qui exportent. Les intérêts particuliers vont des cultivateurs locaux bien connectés aux multinationales de l’agroalimentaire, dont les régimes arabes sont soucieux d’attirer les investissements. Dans la MENA — comme dans d’autres régions soumises au stress climatique telles que le sud de l’Europe ou l’Ouest américain —, ces puissants acteurs seront les derniers à souffrir d’une mauvaise gestion de l’eau rare.
Deuxièmement, il y a la présomption que, quoi qu’il arrive, la région trouvera bien le moyen de sortir d’une crise de l’eau qui s’aggrave. Riche en pétrole, le Golfe a mené pendant des décennies grand train au-delà de ses moyens hydrologiques, grâce à la désalinisation coûteuse et polluante de l’eau de mer. De telles solutions technologiques séduisent les dirigeants ailleurs dans la région, même dans des États comme la Jordanie et l’Égypte qui n’ont pas les moyens de les appliquer à une telle grande échelle.
🔴 Évidemment, une pareille pensée magique n’est pas confinée au monde arabe.
Elle imprègne les politiques environnementales à l’échelle mondiale, y compris au sein des riches États occidentaux qui sont les plus comptables de la crise actuelle et les mieux placés pour y faire face. Mais tôt ou tard, notre climat imposera des changements sur ce que nous mangeons et où nous le produisons. La question est de savoir si nous nous y préparons de manière à protéger les plus vulnérables, ou si nous nous accrochons à un système qui sert ceux qui en ont le moins besoin.
Notes :
[0] Guerre en Ukraine : La tempête sur les prix agricoles menace les pays arabes
[1] Histoires d’eau au Maghreb et au Proche-Orient
[2] FOUL : Plat national égyptien à base de fèves, consommé généralement pour le petit déjeuner. Il est servi chaud et les fèves sont consommées broyées ou intactes.
[3] En Égypte, grand exportateur agricole, la faim continue d’augmenter
[4] Périls sur l’alimentation des Égyptiens
[5] Al-Dissi, un réservoir écartelé entre Amman et Riyad
Pour en savoir plus :
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L’Afrique se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, coincée entre des crises internes, une évolution des rapports de force internationaux et le lent délitement de l’ordre politique post-libéral. Sur l’ensemble du continent, les partis au pouvoir qui ont autrefois acquis une légitimité en tant que forces de libération nationale perdent peu à peu leur emprise ; pourtant, l’offre gouvernementale alternative de l’opposition reste fragmentée et peu convaincante.
Situation de l'Afrique en déclinaison
Les élections mozambicaines de 2024 sont l’un des exemples les plus frappants de ce déclin, le parti au pouvoir, le Frelimo, ayant proclamé sa victoire dans le prolongement d’un scrutin largement dénoncé comme frauduleux. Le chef de l’opposition, Venâncio Mondlane, se présentait sous la bannière du nouveau parti Podemos. Il a accusé le gouvernement d’avoir orchestré une manipulation électorale massive après que des comptages parallèles des voix eurent fait apparaître qu’il avait en réalité gagné. Le parti au pouvoir a répondu aux manifestations de masse par une répression violente[1]. Cela s’inscrit dans une tendance à la répression de la dissidence politique par des moyens de plus en plus autoritaires.
🔴 L’illégitimité croissante de ces gouvernements issus de l’après-guerre de libération ne se limite pas au Mozambique.
En Afrique du Sud, l’ANC[0] a perdu sa majorité absolue pour la première fois depuis 1994, ne recueillant qu’environ 40 % des voix aux élections de 2024. Après des décennies de domination politique, le parti se retrouve désormais dans une coalition précaire et extrêmement fragile avec l’Alliance démocratique (DA), son rival de longue date. Cela a contraint l’ANC à adopter une position gouvernementale plus centriste, limitant sa capacité à poursuivre les politiques que sa base traditionnelle pouvait attendre.
Alors que certains au sein de l’ANC considèrent cette coalition comme un compromis nécessaire pour maintenir la stabilité, d’autres y voient une trahison de la mission historique du parti, en particulier compte tenu de l’orientation politique néolibérale de la DA. Les conséquences de cette entente restent incertaines : la coalition durera-t-elle, provoquera-t-elle une nouvelle fracture au sein de l’ANC ou donnera-t-elle naissance à des mouvements d’opposition plus forts en dehors du processus électoral traditionnel ?
Le déclin de l’ANC s’inscrit dans une tendance plus large en Afrique australe.
Le délitement de ces mouvements suggère que les références à la lutte de libération, autrefois si efficaces, ne suffisent plus pour asseoir leur légitimité au pouvoir.
Conflit
L'affaiblissement de ces gouvernements se déroule sur fond d'aggravation des conflits et d'instabilité ailleurs sur le continent.
Ces crises ne sont pas isolées : elles reflètent un échec plus profond de la gouvernance à travers l'Afrique, où l'État est souvent incapable de résoudre les griefs sociaux et économiques sans recourir à la violence.
L'effet Trump
En plus de ces crises, l’Afrique est également confrontée à un ordre international en pleine mutation. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a déjà commencé à remodeler les relations entre les États-Unis et l’Afrique. On observe un mouvement vers une approche plus axée sur les transactions et un regain d’intérêt pour la sécurité au détriment du développement. L’une des premières mesures importantes de Trump en matière de politique étrangère a été de réduire considérablement l’aide étrangère, de démanteler l’USAID et de couper les financements de grands programmes dans le domaine de la santé, dont le PEPFAR[4]. Des millions de personnes se sont ainsi retrouvées privées d’accès au traitement du VIH et à d’autres services essentiels.
Les pays où les systèmes de santé sont déjà très en difficulté ont été les plus touchés, ce qui a exacerbé les crises de santé publique et pourrait avoir des effets déstabilisateurs à long terme. La justification de ces coupes budgétaires par l’actuelle administration s’enracine dans son principe général « America First »[5]. L’aide étrangère y est considérée comme une dépense inutile plutôt que comme un investissement stratégique dans la stabilité.
🔴 Et cela a coïncidé avec un durcissement de la politique américaine en matière d’immigration.
L’actuelle administration envisage une suppression généralisée des visas qui pourrait affecter des dizaines de pays africains, limitant les déplacements des étudiants, des travailleurs et des touristes. Cette politique rappelle les restrictions aux déplacements imposées par Trump lors de son premier mandat. Elle traduit un isolationnisme croissant des États-Unis vis-à-vis de l’Afrique, le continent étant davantage considéré comme un risque en matière de sécurité et de migration que comme un partenaire diplomatique ou économique.
Trump et l'Afrique du Sud
L'hostilité de l'administration à l'égard de l'Afrique du Sud a été particulièrement frappante. Trump a expulsé l’ambassadeur sud-africain et imposé des sanctions. C'était en réponse aux politiques d'expropriation des terres de Pretoria et à ses positions de politique étrangère, en particulier ses efforts pour tenir Israël responsable de son génocide à Gaza[6]. L'administration marque cette sympathie pour le Hamas et l'Iran.
Ces mesures punitives reflètent l'inconfort plus large de l'administration à l'égard des gouvernements qui contestent l'hégémonie américaine, en particulier ceux au sein des BRICS. En présentant les positions politiques de l'Afrique du Sud comme “ anti-américaines, ” Trump a effectivement rompu l'une des relations diplomatiques les plus importantes entre les États-Unis et une puissance africaine. Cela joue également dans l'accent plus large mis par son administration sur le privilège des États de droite alignés sur les autoritaires tout en isolant les gouvernements perçus comme étant de gauche ou indépendants.
Les ressources des États-Unis, de la Chine et de l’Afrique
Dans le même temps, l’administration Trump poursuit un autre type d’engagement avec d’autres États africains, notamment dans le secteur des ressources. L'administration négocie actuellement un accord minerais contre sécurité avec la RDC[7]. Ils offrent une assistance militaire en échange d'un accès exclusif aux minéraux critiques, essentiels pour les industries américaines avancées, en particulier dans les domaines de la technologie et de la défense. L’accord accorderait aux entreprises américaines un contrôle étendu sur le cobalt et d’autres minéraux essentiels. Cela reflète un changement dans la stratégie américaine, passant de l’aide au développement à l’extraction économique directe ([NDLR : idem avec l'Ukraine[8]).
🔴 L'administration affirme que ce partenariat contribuera à stabiliser la RDC en fournissant une assistance en matière de sécurité.
Les critiques préviennent qu’il risque d’approfondir la dynamique néocoloniale en donnant la priorité à l’extraction des ressources plutôt qu’au véritable développement économique.
🔴 Dans le même temps, l'approche de la Chine à l'égard de l'Afrique change également.
Pendant deux décennies, Pékin a été le partenaire économique dominant du continent[9], finançant les infrastructures et le commerce à une échelle inégalée par aucune autre puissance extérieure[10]. Cependant, avec le ralentissement de l'économie intérieure de la Chine, sa volonté d'accorder des prêts à grande échelle aux gouvernements africains a diminué. Des pays comme la Zambie et le Kenya, lourdement endettés envers la Chine, ont déjà ressenti la pression de la stratégie de prêt recalibrée de Pékin. L’époque où la Chine offrait un crédit facile pour de grands projets d’infrastructure touche peut-être à sa fin, laissant les États africains dans une position précaire. De nombreux gouvernements, ayant structuré leur économie autour de la poursuite des investissements chinois, ont désormais du mal à s’adapter à cette nouvelle réalité. Ce changement laisse à l’Afrique moins d’options de financement extérieur, dans la mesure où les institutions financières occidentales ont également durci les conditions de prêt, en particulier pour les pays lourdement endettés.
Une nouvelle politique possible ?
Pour les gouvernements africains, ces évolutions soulèvent des questions difficiles sur la stratégie politique et économique.
Cela signifie que, même lorsque les partis au pouvoir sont confrontés à un déclin électoral, rien n’indique que leurs remplaçants modifieraient fondamentalement le paysage politique ou économique.
Même si les mouvements enracinés dans les luttes syndicales et populaires continuent de promouvoir le changement, leur capacité à remettre en question les structures de pouvoir bien établies reste incertaine. La faiblesse des alternatives de gauche en Afrique reflète aujourd’hui des tendances mondiales plus larges, où les forces socialistes et sociales-démocrates ont eu du mal à se réaffirmer dans un monde façonné par le capital financier et le pouvoir des entreprises.
🔴 Cependant, certains signes indiquent que cela pourrait changer.
Sur tout le continent, des appels croissants à la souveraineté économique, des demandes en faveur de programmes de protection sociale plus solides et une résistance accrue aux diktats financiers extérieurs se multiplient[11]. Si ces luttes se fondent en formations politiques plus cohérentes, elles pourraient constituer la base d’un nouveau type de politique qui romprait à la fois avec les échecs des partis post-libération et avec les limites des forces d’opposition libérales.
🔴 L’ordre politique post-libération en Afrique s’effondre, mais la suite est loin d’être claire.
L’érosion de la légitimité du parti au pouvoir ne s’est pas encore traduite par une transformation systémique significative. Dans de nombreux cas, cela a simplement ouvert la porte à de nouvelles formes de manœuvres d’élite. En ce moment de transition, la véritable bataille ne porte pas seulement sur les élections mais sur la nature même de l'État, la gouvernance économique, et la place de l'Afrique dans un ordre mondial en mutation rapide.
Jusqu'à ce que des alternatives émergent qui remettent en question la dépendance du continent à l'égard de la finance mondiale, de l'extraction des ressources et d'une croissance tirée par la dette, l'Afrique restera enfermée dans des cycles d'instabilité, avec ou sans les anciens mouvements de libération à la barre.
Notes :
[0] ANC (African National Congress)
[1] Mozambique. La violente répression postélectorale en amont d’une manifestation prévue à Maputo doit cesser
[2] L’ONU et la crise au Soudan
[3] La France insoumise alerte sur la situation en République Démocratique du Congo
[4] L’administration Trump a supprimé plus de 90 % des financements à l’étranger de l’Usaid
[5] America First fait référence à une théorie politique populiste aux États-Unis qui met l'accent sur la notion fondamentale de « prioriser l'Amérique », ce qui implique généralement d'ignorer les affaires mondiales et de se concentrer uniquement sur la politique intérieure aux États-Unis. Source : Wikipédia
[6] L'Afrique du Sud accuse Israël d'avoir commis un génocide à Gaza en violation de la Convention sur le génocide
[7] Discussions exploratoires » entre les États-Unis et la RDC pour un deal sur les minerais
[8] Géopolitique. Accord entre Kiev et Washington sur les minerais ukrainiens
[9] Y a-t-il un impérialisme chinois en Afrique ?
[10] L'évolution des prêts chinois à l'Afrique [Business Africa]
[11] Analyse L’Afrique de l’Ouest à la recherche de sa souveraineté économique
Pour en savoir plus :
- France insoumise : Soutien à la République Démocratique du Congo
Hillary Clinton : « La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique ![1] »
En France : « Déclaration du Gouvernement sur l’intervention des forces armées en Libye et débat sur cette déclaration », séance du 21 mars 2011 à l’Assemblée nationale avec Fillon, Juppé, Ayrault etc. « tous ensemble, tous ensemble…[2] »
Le 19 mars 2011, les forces EU/OTAN commençaient le bombardement aéronaval de la Libye. La guerre fut dirigée par les États-Unis, d’abord via le Commandement Africa, puis par l’OTAN sous commandement des EU.
Sources : |
Le 19 mars 2011, les forces EU/OTAN commençaient le bombardement aéronaval de la Libye.
En sept mois, l’aviation EU/OTAN effectue 30 mille missions, dont 10 mille d’attaque, avec plus de 40 000 bombes et missiles. L’Italie – avec le consensus multi-partisan du Parlement (Partito democratico au premier rang) – participe à la guerre :
Avant même l’offensive aéro-navale, avaient été financés et armés en Libye des secteurs tribaux et groupes islamistes hostiles au gouvernement, et infiltrées des forces spéciales notamment qataris, pour propager les affrontements armés à l’intérieur du pays.
Ainsi est démoli cet État africain qui, comme l’expliquait la Banque mondiale en 2010, maintenait « de hauts niveaux de croissance économique »
Ces « hauts niveaux de croissance économique » se traduisaient par une augmentation annuelle du PIB de 7,5%, et enregistrait « de hauts indicateurs de développement humain » parmi lesquels l’accès universel à l’instruction primaire et secondaire et, pour plus de 40% aux universités. Malgré les disparités, le niveau de vie moyen était en Libye plus haut que dans les autres pays africains. Environ deux millions d’immigrés, en majorité africains, y trouvaient du travail.
Les investissements libyens en Afrique étaient déterminants pour le projet de l’Union africaine de créer trois organismes financiers : le Fonds monétaire africain, avec siège à Yaoundé (Cameroun) ; la Banque centrale africaine, avec siège à Abuja (Nigeria) ; la Banque africaine d’investissement, avec siège à Tripoli. Ces organismes auraient servi à créer un marché commun et une monnaie unique de l’Afrique.
Ce n’est pas un hasard si la guerre OTAN pour démolir l’État libyen commence moins de deux mois après le sommet de l’Union africaine
Car, le 31 janvier 2011, ce sommet de l'Union Africaine avait donné son feu vert pour la création dans l’année du Fonds monétaire africain.
Aujourd’hui en Libye les entrées de l’export énergétique se trouvent accaparées par des groupes de pouvoir et des multinationales, dans une situation chaotique d’affrontements armés.
Le niveau de vie moyen de la majorité de la population s’est effondré. Les immigrés africains, accusés d’être « des mercenaires de Kadhafi », ont été emprisonnés jusque dans des cages de zoo, torturés et assassinés.
De tout cela est responsable aussi le Parlement italien qui, le 18 mars 2011, engageait le Gouvernement à « adopter toute initiative (c’est-à-dire l’entrée en guerre de l’Italie contre la Libye) pour assurer la protection des populations de la région ».
Notes :
[1] Hillary Clinton: « La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique ! »
[2] « Déclaration du Gouvernement sur l’intervention des forces armées en Libye et débat sur cette déclaration », séance du 21 mars 2011 à l’Assemblée nationale : Fillon, Juppé, Ayrault etc. « tous ensemble, tous ensemble… »
Que savons-nous de ce qui s’est fait en notre nom en Libye ?
- Trois militaires français tués : le gouvernement libyen accuse Paris de " violation " du territoire
- Libye, 3 soldats sous uniforme français tués, à quel titre ?
- Libye Juillet 2016 : premières frappes américaines contre le principal fief de Daesh
- Un rapport le confirme: l'intervention franco-britannique en Libye a été un désastre
- Et si Sarkozy avait attaqué la Libye de Kadhafi pour sauver le franc CFA ?
- Esclavage en Libye : on savait en 2012
- Libye : le général Hiftar, la CIA et le coup d’État d’opérette
Pour accéder au documentaire complet sur l’utilisation des armes chimiques par la France pendant la guerre d’Algérie cliquez sur le lien ci-dessous.👇
L’historien Christophe Lafaye a pu recenser 440 opérations françaises impliquant l’utilisation d’armes chimiques en Algérie, principalement dans les montagnes de Kabylie et des Aurés. « Mais il y en a eu beaucoup plus, et sur tout le territoire algérien », affirme-t-il, estimant qu’il y a eu au total entre 5.000 et 10.000 actions de ce type, « offensives » lorsque des combattants y étaient cachés, ou pour les empêcher de s’y établir[0].
" Algérie, sections armes spéciales ", tel est le titre du documentaire réalisé par Claire Billet, mis en image et en son par Olivier Jobard, diffusé en ce moment sur le site internet de France TV[1]. La France a utilisé des armes chimiques létales, interdites par le protocole de Genève de 1925, dans sa guerre contre le Front de libération nationale (FLN) en Algérie de 1956 à 1962. Elle avait pourtant été la première des 135 nations à signer l’accord contre ces armes, abondamment utilisées pendant la Première Guerre mondiale.
Il devait être diffusé dimanche 16 mars au soir sur France 5, mais a été déprogrammé. Cette décision a créé une polémique[5], alors que les tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie sont fortes.
Ce documentaire présente pour la première fois – en s’appuyant sur des témoignages, des archives publiques accessibles et privées, en France et en Algérie – l’étendue de la guerre chimique menée par la France coloniale en Algérie entre 1956 et 1962. Les conséquences de l’usage des gaz toxiques sont encore perceptibles de nos jours par les populations algériennes. Entretien croisé avec Claire Billet, la réalisatrice du film, et Christophe Lafaye, dont les travaux historiques ont nourri l’enquête.
Sources : Fabrice Riceputi historien, chercheur associé à l’Institut d’histoire du temps présent |
Quelle est l’origine de ce film documentaire ?
Ce film a pu exister d’une guerre à une autre. L’historien Christophe Lafaye et moi avons en commun l’expérience de l’Afghanistan. J’étais correspondante de presse durant six ans là-bas et je concentre depuis plus d’une décennie mon travail sur les conséquences des guerres et des conflits. Ça faisait longtemps que je voulais travailler sur la mémoire de la guerre d’indépendance algérienne. Et en 2020, j’ai spontanément appelé Christophe Lafaye. Il faisait des recherches inédites sur l’usage des armes chimiques par l’armée française durant la guerre d’Algérie. En particulier dans les grottes et les lieux souterrains.
Ça me semblait fou qu’un tel pan de notre histoire soit inconnu, soixante ans plus tard. C’est inacceptable pour moi que l’histoire ne soit pas écrite et pas dite. En existait-il des traces ? À l’Ecpad [Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense – ndlr], le service des archives audiovisuelles de l’armée, les agents m’ont aidée dans mes recherches. Ils étaient bienveillants mais démunis : quelques photos et quelques films existent, sans informations précises. Durant la guerre d’Algérie, tout ce qui touchait aux armes chimiques avait été gardé hors du champ des caméras militaires : les masques, les combinaisons, les munitions et les opérations chimiques n’ont pas été filmés.
En fouillant le Net et les archives filmiques, je me suis aperçue qu’avant de réaliser " Ascenseur pour l’échafaud ", le cinéaste Louis Malle s’est rendu en Algérie pour un projet de fiction adapté du roman " La Grotte " de Georges Buis, qui raconte une bataille souterraine. Dans les archives du cinéaste, conservées à la Cinémathèque française, je n’ai retrouvé aucune bobine. Volker Schlöndorff [réalisateur du Faussaire – ndlr] était assistant du réalisateur à l’époque et il m’a transmis ses notes : ils ont filmé mais on ne sait pas où sont les bobines.
🔴 Je voulais faire parler leurs mémoires.
Pourquoi parler de ce sujet si tardivement, plus de soixante ans après la fin de la guerre d’indépendance algérienne ?
Christophe Lafaye : Cela fait maintenant plus de vingt ans que les historiennes et les historiens qui travaillent sur cette guerre coloniale en ont fait ressortir les violences spécifiques. Les chercheurs universitaires ont parlé de la torture, des massacres de populations, des viols, des exécutions sommaires, des disparitions, des déplacements de populations, etc. Mais la guerre chimique est un sujet qui est passé relativement inaperçu.
J’ai découvert ce sujet lors de la réalisation de ma thèse. Je travaillais sur l’armée française en Afghanistan, qui réutilisait des retours d’expérience d’Algérie pour son entraînement.
🔴 Les premiers à avoir rompu le silence en France sont les anciens combattants qui ont publié des témoignages, le plus souvent à compte d’auteur.
Mais les historiens ne s’en sont pas saisis à l’époque. Ensuite, il faut savoir que les archives sur la guerre d’Algérie ont été ouvertes en 2012 avant d’être refermées en 2019. En 2021, j’ai décidé que la guerre chimique en Algérie serait le sujet de mon mémoire d’habilitation à diriger les recherches. Il fallait lever le voile sur cette histoire et stimuler de nouvelles recherches en France et en Algérie.
Pourquoi la France a-t-elle mené cette guerre chimique, et peut-on estimer le nombre de morts ?
Christophe Lafaye : En 1956, la France est confrontée à une montée en puissance de l’Armée de libération nationale (ALN) et à un problème tactique : l’utilisation par les résistants des grottes et des souterrains, qui leur donne l’avantage en cas d’assaut. Pour le résoudre, l’état-major des armes spéciales expérimente le recours aux armes chimiques.
Dans le film, nous détaillons toutes les étapes : depuis l’expérimentation à partir de 1956, à son autorisation politique par le gouvernement français, suivie du développement sauvage des unités de sections armes spéciales et de sa rationalisation en 1959 jusqu’à la fin de la guerre. L’objectif de ces unités était double.
🔴 J’estime entre 5 000 et 10 000 le nombre de combattants algériens tués par armes chimiques.
Par ailleurs, les Algériens ont un usage ancestral de ces grottes, elles ont toujours servi de lieu refuge. Il n’y avait donc pas que des combattants qui s’y dissimulaient. Comme ce fut le cas à Ghar Ouchetouh les 22 et 23 mars 1959[2], où 118 habitants ont été tués par intoxication. Par la suite, des membres de ces unités spéciales sont morts des suites de l’usage de ce gaz. Yves Cargnino en témoigne avec force dans le documentaire : « On a tué par les gaz et ça me tue encore maintenant.[3] »
Qui a pris la décision d’emploi de ces armes chimiques ?
Christophe Lafaye : Il y a une convergence de points de vue entre les hommes politiques de cette époque et le haut commandement militaire. À la demande de l’état-major de la 10e région militaire (RM), l’état-major du commandement des armes spéciales (CAS) est invité à fournir une étude pour déterminer comment ces armes peuvent répondre à un certain nombre de problèmes tactiques. La demande est transmise au général Charles Ailleret, chef du CAS.
🔴 Une lettre retrouvée à Vincennes indique que le ministère des armées a encadré l’usage de ces armes chimiques
Il y est mentionné : « Sur les propositions du Commandement des Armes Spéciales faites pour répondre à des demandes du Général commandant la 10e région militaire [le général Henri Lorillot] […], certains procédés chimiques pourront être employés au cours des opérations en Algérie. »
Ces documents confirment les informations données par le colonel Olivier Lion : « Les “sections de grotte” utilisèrent des projectiles chargés de lacrymogènes pour neutraliser les occupants de refuges souterrains. » Mais devant la faible persistance des agents chimiques lacrymogènes classiques pour empêcher la réutilisation des grottes, le gaz CN2D est élaboré. Son utilité opérationnelle est due à son extrême agressivité pour mettre hors de combat les individus à l’intérieur des cavités mais aussi à sa persistance. De multiples vecteurs de diffusion (grenades, chandelles, roquettes, bombes, etc.) sont mis au point.
Quels gaz ont été utilisés et quels étaient leurs effets ?
Christophe Lafaye : Le CN2D est un composé de gaz CN (chloroacétophénone) et de DM (adamsite) dérivé de l’arsenic. Un autre composé servait à transporter les particules de gaz très profondément dans l’organisme. C’est la combinaison de ces éléments fortement dosés qui aboutit à la création d’un gaz qui peut rapidement se révéler mortel en milieu clos.
Qui utilisait ces gaz toxiques en opérations ?
Christophe Lafaye : À la fin de l’année 1956, la France décide de constituer des unités spécialisées. Il y a d’abord la création de la batterie armes spéciales (BAS) du 411e régiment d’artillerie antiaérienne. Entre 1957 et 1959, 119 équipes de grottes ont été mises sur pied et entraînées par la BAS pour mener cette guerre chimique.
À partir de la mi-1959, ces moyens furent rationnalisés lors du redécoupage des zones d’opérations en Algérie. Dorénavant, chaque zone devait disposer d’une section armes spéciales parfaitement entraînée et équipée. Elle devait à la fois mener les actions offensives contre l’Armée de libération nationale et le traitement régulier des grottes pour empêcher leur réutilisation.
Qui sont les victimes de ces gaz toxiques ?
Christophe Lafaye : Les Algériens et les Français en ont été victimes, c’est toute l’horreur de cette guerre chimique. En théorie, la doctrine de combat souterrain de l’armée française éditée en 1959 recommandait aux soldats de faire une reconnaissance de grotte, d’aller au contact, négocier une éventuelle reddition et si cela n’était pas possible d’employer les armes chimiques pour les contraindre à sortir.
🔴 Dans la pratique, face au danger de mort, les choses se passaient de manières différentes.
Dès qu’il y avait un soupçon, la section armes spéciales pouvait envoyer dans le trou tout ce qu’elle avait en munitions chimiques pour être sûre du résultat. Tout dépendait, en fait, du commandement. Dans ces conditions, les gaz ont fait des victimes chez les indépendantistes algériens mais aussi dans les populations civiles retranchées dans les grottes. C’est ainsi que des crimes de guerre ont été commis.
🔴 Une dimension supplémentaire du drame est que ces grottes servaient aussi de lieux de détention pour les militaires français prisonniers du FLN.
Un peu moins de 700 militaires français sont encore portés disparus en Algérie. Ils ont pu être des victimes collatérales de ces opérations. Enfin, les soldats des sections armes spéciales exposés à ces gaz ont pour certains développé des pathologies pulmonaires, des cancers de l’estomac, des leucémies, des cancers de la peau…
Des archives sont-elles encore inaccessibles en France ?
Christophe Lafaye : Les archives du service historique de la défense ont été assez largement ouvertes entre 2012 et 2019. Soudain, au mois de décembre 2019, gros cataclysme, les archives contemporaines du ministère de la défense ont été fermées à cause d’un conflit juridique. Les archivistes et les historiens ont formé des recours devant le Conseil d’État, qui a tranché en leur faveur en juin 2021[4].
🔴 En fait, le ministère des armées veut protéger sa réputation pendant la guerre d’Algérie, quitte à tordre les textes de loi.
Mais sur ce sujet comme sur d’autres, l’armée a obéi aux ordres politiques ! Il faut revenir à la raison, ces pratiques ne sont pas dignes de ce grand ministère régalien. Un grand pays se doit d’assumer son histoire avec ses zones d’ombre et de lumière. Les historiennes et historiens doivent rendre accessible cette histoire aux citoyens et permettre un débat public fondé sur des faits, un savoir construit et sourcé pouvant être interrogé, et non sur de simples opinions.
🔴 Il y a aussi des raisons sociologiques
On est militaire de génération en génération chez certains officiers supérieurs. Les archives racontent une partie de l’histoire familiale de certains d’entre eux et la peur du scandale persiste, malgré quatre lois d’amnistie. C’est compréhensible. Pourtant, l’objectif des historiens n’est pas d’indexer des personnes. D’ailleurs, on anonymise les témoins qui sont toujours vivants et qui le souhaitent. Ce qui nous intéresse, c’est plutôt de comprendre comment s’est construite la décision politique, comment elle a été mise en œuvre et quelles sont ses conséquences.
Est-ce justement dans l’objectif de mieux pénétrer l’espace public que vous êtes passé de la forme écrite au documentaire ?
Christophe Lafaye : Il est primordial de vulgariser les travaux scientifiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Les résultats des recherches peuvent permettent de faire bouger la perception de la guerre d’Algérie et du colonialisme en France. Il faut savoir à ce sujet que si les États se chicanent entre eux, ce n’est pas du tout le cas des sociétés civiles.
Entre universitaires algériens et français, nous échangeons sans cesse. Les témoins algériens qui interviennent dans le documentaire, lorsqu’on leur demande : « Qu’attendez-vous de la France ? », répondent : « Ni excuses, ni argent, simplement la vérité. Nous sommes prêts à tourner la page. » Les petits pas de la France dans la reconnaissance de ces crimes de guerre ne suffisent plus. Je crois sincèrement dans le génie des sociétés civiles en France et en Algérie et dans la fraternité des peuples pour réaliser cette tâche de réconciliation.
Le documentaire a été programmé à la diffusion sur France 5 avant d’être déprogrammé[5]. Comment analysez-vous cette séquence surprenante ?
J’étais aussi surprise que vous, j’ai pensé que ça allait mettre de l’huile sur un feu bien sensible. France Télévisions m’a dit ce qu’il y a dans le communiqué de presse : « Le documentaire est déprogrammé en raison de l’actualité au profit d’une soirée dédiée à Poutine et Trump. » Je suis journaliste et réalisatrice, je comprends les contraintes d’actualité qui bouleversent les grilles des programmes. Les bruits de bottes se rapprochent, c’est inquiétant. Il ne faut pas oublier que ce documentaire a été financé par France TV, qu’il existe grâce à France TV, et qu’il est en ligne et visible sur leur plateforme.
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Algérie, sections armes spéciales
L'armée française a fait usage de gaz chimiques interdits durant la guerre d'Algérie. Les responsables de l'époque ont ordonné, testé puis utilisé à grande échelle des gaz toxiques pour éliminer les combattants de l'Armée de Libération Nationale cachés dans des grottes dans des zones de montagne. Avec la torture et le déplacement des populations, la guerre chimique est le dernier élément d'une série de brèches dans les engagements internationaux de la France que celle-ci a bafoués pour mener sa guerre coloniale. Enquête inédite sur ce scandale qui demeure encore largement méconnu aujourd'hui.
Notes :
A. Décision n°1152 DN/CAB/EMP du cabinet du ministre des Armées du 8 juin 1956, carton 15T582 du service historique de la défense (partiellement accessible suite à la décision de la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) de décembre 2021).
B. Décision d’autorisation des armes chimiques en 10e région militaire du général Lorillot du 21 mai 1956, carton GGA 3R 347-348 des Archives nationale d’outre-mer (ANOM), consulté en juillet 2023.
C. Lion Olivier, « Des armes maudites pour les sales guerres ? L'emploi des armes chimiques dans les conflits asymétriques », revue Stratégique, 2009/1, n° 93, p 491-531.
[0] L’historien Christophe Lafaye a pu recenser 440 opérations françaises impliquant l’utilisation d’armes chimiques en Algérie, principalement dans les montagnes de Kabylie et des Aurés. « Mais il y en a eu beaucoup plus, et sur tout le territoire algérien », affirme-t-il, estimant qu’il y a eu au total entre 5.000 et 10.000 actions de ce type, « offensives » lorsque des combattants y étaient cachés, ou pour les empêcher de s’y établir.
[1] Algérie, sections armes spéciales
[2] Ghar Ouchetouh, une grotte enfoncée dans un flanc abrupt d'un détour des gorges de Taghit, dans l'actuelle commune de Taxlent (Batna), est un haut lieu de la résistance du peuple algérien durant la Révolution de Novembre
[3] Guerre d’Algérie : Yves Cargnino témoigne des agressions chimiques dans les grottes
[4] Communiqué de presse : le rapporteur public du Conseil d’État désavoue le gouvernement dans l’affaire des archives « secret défense » et prend position sur le projet de loi PATR
[5] À France Télévisions, la déprogrammation d’un documentaire sur la guerre d’Algérie sème l’émoi
Pour en savoir plus :
- Le négationnisme français des crimes coloniaux
- La véritable histoire de la conquête française de l’Algérie
- La reconnaissance juridique de la notion de crime de guerre en Algérie
- Jean-Michel Aphatie : « La culture de la négation de l’histoire domine dans les médias »
- Dans les grottes d’Algérie l’armée française n’a gazé que des poux
L’impérialisme chinois ne s’étend pas en créant des bases militaires ou en occupant du territoire, mais dispute avec le centre impérial la domination sur une partie du monde – et là, il a gagné.
À la fin de la première semaine de septembre 2024, le Forum de la Coopération sino-africaine s’est réuni en Chine, avec la présence de 53 des 54 pays africains[0] (l’eSwatini, anciennement Swaziland, est resté à l’écart, étant le seul pays du continent à reconnaître Taïwan).
Lors du forum, Jinping (Président de la République populaire de Chine) a promis que dans les trois prochaines années, la Chine investirait environ 50 milliards de dollars en Afrique[3], soit en investissements directs (un cinquième de cette valeur), soit en prêts et en dons. La question que je pose ici est la suivante : la Chine est-elle une puissance impérialiste et cette relation avec l’Afrique fait-elle partie d’un projet néocolonial ?
Sources : Eric Durand |
Une histoire de réussite
La transformation de l’économie chinoise en usine du monde ne compte que quelques décennies. C’est donc pendant cette période récente que la Chine est devenue une puissance économique, en maintenant le contrôle public sur le système financier et les règles pour l’investissement étranger, tout en appliquant un taux élevé d’effort d’investissement, de développement technologique planifié et d’accumulation de capital dans certaines grandes entreprises privées. Son PIB est supérieur à celui des Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat[1] et pourrait bientôt être plus important en termes absolus (bien que, la population chinoise étant cinq fois plus importante, le PIB par habitant soit beaucoup plus faible), ses excédents commerciaux sont plus importants et sa capacité à thésauriser des réserves est donc supérieure à celle de ses concurrents.
🔴 En 2013, le gouvernement chinois a lancé une initiative économique et diplomatique, la « Nouvelle Route de la Soie », par analogie avec les circuits commerciaux depuis l’époque de Marco Polo, mais cette fois sous direction chinoise (Ce projet baptisé Belt and Road Initiative (BRI) a pour objectif d’améliorer les voies de communication et la coopération à l’échelle transcontinentale][2].
🔴 En 2023, 152 pays se sont réunis pour célébrer ce mouvement de capitaux et d’intérêts. La réunion de septembre
avec les pays africains correspond à un processus parallèle qui, comme le montre le graphique, s’est développé depuis 2000 jusqu’à ce que la Chine devienne le principal partenaire commercial de l’Afrique et, de loin, la principale économie investisseuse. En annonçant les 50 milliards, le président chinois a ajouté qu’ils créeraient un million d’emplois[3], mais a aussi entendu les dirigeants africains contester le poids des dettes antérieures et demander que la relation inégale ne soit pas accentuée. De plus, comme le montre le graphique, entre 2016 et aujourd’hui, les prêts chinois ont été réduits d’environ moitié en termes de poids dans le PIB africain, et le montant annoncé est inférieur à celui des années de pic de cette relation. Par ailleurs, les investissements se concentrent dans quelques pays (dans l’ordre : Afrique du Sud, Angola, Nigeria, Congo, Égypte).
Il n’y a eu aucun signe d’allègement de la dette. Cette relation économique subordonne donc les pays africains. Et, si les infrastructures créées sont particulièrement orientées vers l’extraction minière (le commerce entre la Chine et l’Afrique a augmenté en 2023 pour atteindre 282 milliards de dollars[4]), l’engagement de ces économies africaines dans le rentisme extractif est la contrepartie de la rentabilité des grandes entreprises technologiques chinoises. Ainsi, cette forme de subordination est une exploitation néocoloniale.
Empire
La transformation de la Chine en une économie capitaliste n’a pas d’équivalent avec ce que l’on connaît dans d’autres pays. Avec la chute du régime de l’URSS, sa structure politique s’est effondrée et, s’il est vrai que beaucoup des bénéficiaires du raid de la piraterie privatisatrice, les nouveaux magnats, avaient été des chefs du parti communiste et des bureaucrates régionaux ou nationaux, ce transit s’est fait dans un nouveau cadre politique, à l’époque dirigé par Eltsine. Dans le cas angolais, c’est le parti de la résistance anticoloniale qui, arrivé au pouvoir, a donné à son président et à ses généraux le pouvoir de voler les ressources et de constituer leurs fortunes personnelles[5]. Ainsi, l’accumulation de capital s’est faite par la rupture politique.
🔴 Or, dans le cas chinois, il y a une continuité politique garantie par l’hégémonie du parti communiste. C’est précisément sa bureaucratie qui répond aux deux principales formes de création d’une classe capitaliste, l’une pour la combattre et l’autre pour la promouvoir :
🔴 Ainsi, c’est un capitalisme tutélaire de l’État sous une forme historiquement inédite, étant donné la particularité d’être dirigé par un parti communiste. Mais c’est une économie capitaliste et 60% du PIB est généré par ces secteurs d’accumulation privée, correspondant probablement aux trois quarts de l’emploi[6]. La relation avec l’Afrique, qui vise à obtenir des importations d’énergie fossile et surtout de minéraux fondamentaux pour les productions de matériel de communication, est une composante importante de cette carte.
En même temps, Jinping (Président de la République populaire de Chine) assure la fidélité des alliés et, étant de loin le principal partenaire économique de l’Afrique, dirige un réseau d’alliances qui secondarise le rôle de Washington sur ce continent. L’impérialisme chinois ne s’étend pas en créant des bases militaires ou en occupant du territoire, mais dispute avec le centre impérial la domination sur une partie du monde – et là, il a gagné.
Notes :
[0] Sommet Chine-Afrique : Pékin déroule le tapis rouge à ses principaux partenaires commerciaux
[1] Si on utilise les PIB constants en parité de pouvoir d'achat, la Chine a déjà dépassé les États-Unis avec 23 000 milliards contre 20 000 milliards
[2] La Chine a lancé les « nouvelles routes de la soie » en 2013
[3] La Chine a lancé les « nouvelles routes de la soie » en 2013. La Chine promet 50 milliards de dollars et 1 million d'emplois pour renforcer ses liens avec l'Afrique
[4] La Chine et l'Afrique affichent leurs relations économiques et commerciales plus étroites
[5] En Angola, l’Etat omniprésent peine à mener les réformes indispensables à la diversification de l’économie
[6] Chine : le secteur privé représente 60% du PIB et 80% des emplois
Pour en savoir plus :
- Vers un impérialisme chinois en Afrique ?
- 100 ans d’histoire entre l’Afrique et la Chine | Relations internationales
En juin 2022, José Gonzalez député RN, doyen de l'Assemblée Nationale " ne sait pas dire si l'OAS a commis des crimes ou non ", fait l'apologie de l'Algérie française et des crimes de la colonisation... reçoit le soutien de Marine Le Pen[4]
et le 30 décembre 2022, il est nommé par le bureau de l’Assemblée nationale comme vice-président du groupe d’amitié France Algérie[9].
Attentat manqué contre le général De GAULLE, le 22 août 1962 au Petit Clamart perpétré par 2 commandos de l'OAS[2] (cette organisation fera plus de 2300 morts[2]...) quasiment simultanément au passage de la DS présidentielle, faisant un blessé à bord de son automobile Panhard et des dégâts à la vitrine d'un magasin situé sur la ligne de tir du second commando.
Le général de Gaulle et son épouse en sortent miraculeusement indemnes[1].
Retour sur cet événement perpétrés par des ultras de l'Algérie française.... et de l'utilisation qui en est faite aujourd'hui, quand le RN (Rassemblement National) fait « l'apologie de l’Algérie française et des crimes de la colonisation » et notamment de l'attentat du Petit Clamart... ou baptise une place du nom de Pierre Sergent, l’un des principaux fondateurs et dirigeants de l’Organisation de l’armée secrète (OAS)...
Nous sommes en août 1962
L’Algérie est indépendante depuis le 5 juillet. Depuis des années, ce nom cristallise les tensions entre Français favorables au maintien de ce vaste territoire sous souveraineté française et ceux qui réclament son indépendance. Pire, depuis le début de 1961, l’Organisation de l’Armée secrète[2] (OAS) pose des bombes en Algérie et en métropole pour signifier à l’Etat son refus de l'indépendance.
Le général de Gaulle, appelé au pouvoir en 1958 en raison de cette même crise algérienne, est vu comme le dernier espoir des partisans de l’Algérie française. Mais rapidement, dès 1959, il prend conscience de l’impossibilité du maintien de la politique coloniale. Pour vivre la destinée mondiale chère à ses yeux, la France doit se débarrasser de cette guerre d’un autre âge, ingagnable politiquement, et se recentrer sur une modernité européenne, qui se matérialisera en 1963 par la réconciliation avec l'Allemagne.
Pour l’OAS, le général de Gaulle, surnommé par dérision « le guide », devient l’ennemi numéro 1
Le 8 septembre 1961, le convoi du président en route vers Colombey-les-Deux-Églises est victime d’un attentat à la bombe à Pont-sur-Seine, dans l’Aube. Le convoi est indemne et les auteurs de l’attentat, qui se réclament de l’OAS, sont arrêtés. Tous, à l’exception du « cerveau » qui reste non identifié.
Une attaque sur la route de l'aéroport
C’est dans ce contexte de violence contre la personne du chef de l'Etat qu’a lieu l’attentat du Petit-Clamart, le 22 août 1962. Après celui du Pont-de-Seine[5], les services de sécurité de l’Elysée ont obtenu du président qu’il se rende en avion dans sa résidence champenoise de Colombey afin d'éviter la longue route en voiture. Pour ce faire, le cortège doit se rendre à l’aéroport de Villacoublay, situé dans les Yvelines.
En début de soirée, ce 22 août, à 19h45, la DS-19 présidentielle quitte l’Elysée en compagnie d’une voiture de sécurité et de deux motards. Sur la banquette arrière se sont assis de Gaulle et son épouse. Le véhicule est conduit par le chauffeur attitré du Palais, le gendarme Francis Marroux. A ses côtés prend place le général de Boissieu, gendre du président.
A 20 h 20 le convoi approche du carrefour du Petit-Clamart. La route est dégagée, à l’exception d’une estafette jaune garée sur le bas-côté. Alors que la voiture arrive à sa hauteur, plusieurs armes automatiques se mettent à tirer. La DS est touchée à plusieurs endroits. Le chauffeur accélère mais une seconde voiture, une Citroën ID-19 bleue, la prend en chasse. Les occupants ouvrent le feu à plusieurs reprises avant de prendre la fuite.
Malgré le choc de l’attentat, le chauffeur parvient à Villacoublay. Le président et tous les passagers de l’escorte sont indemnes.
Un commando de douze hommes
Une gigantesque chasse à l'homme est lancée le soir même. L’enquête aboutit au bout de seulement quinze jours, bénéficiant de hasards et d’étonnantes imprudences des conjurés. Les suspects sont interpellés et avec eux sont retrouvées leurs armes. Certains d'entre eux préparaient une nouvelle opération visant à nouveau le président. Qui sont-ils ?
Le commando se compose de douze hommes, Jean Bastien-Thiry en est l’énigmatique leader. Il s'agit d'un homme de 34 ans, brillant polytechnicien, lieutenant-colonel de l’armée française, fervent catholique et patriote, qui voit en de Gaulle un « tyran » abandonnant l’Algérie française. Son second, Alain de La Tocnaye, considère de Gaulle comme un « cryptocommuniste », tout comme les Hongrois Lazlo Varga, Lajos Marton et Gyula Sari. Le reste du commando est composé de métropolitains et de Pieds-noirs.
Le dernier fusillé de l’Histoire
Après les premières arrestations des membres du commando, Bastien-Thiry est à son tour arrêté le 17 septembre 1962. Le procès débute au fort de Vincennes le 28 janvier 1963. Neuf accusés sur les douze qui constituaient le commando comparaissent devant la Cour militaire de justice.
Le 4 mars 1963, Bastien-Thiry est jugé coupable de la planification de l’attentat et condamné à mort. Il est fusillé le 11 mars 1963 au fort d’Ivry. Il restera dans l’Histoire comme le dernier condamné à mort fusillé en France. On estime aujourd'hui que l'ingénieur fut également responsable de l'attentat de Pont-sur-Seine.
Alain de la Tocnaye et Jacques Prévost, eux aussi condamnés à mort, seront graciés en 1968, ainsi que les tireurs condamnés à différentes peines de réclusion. Pendant le procès, l’avocat de Bastien-Thiry, Maître Jean-Louis Tixier-Vignancourt, évoquera pour sa défense la thèse de l’enlèvement plutôt que la volonté de tuer. Une thèse très largement contestée, notamment par l’un des conjurés, Lajos Marton. Sur le plateau de « Tout le monde en parle» en 2005, ce dernier expliquait que la thèse de l'enlèvement était une invention des avocats[3] », et que l'ordre avait bel et bien été donné d'assassiner le président de la République.
28 juin 2022, José Gonzalez[5bis], député du Rassemblement national nostalgique de la colonisation, met le feu à l'hémicycle...
Le 28 juin se tenait la séance inaugurale de la nouvelle Assemblée nationale française issue des urnes. Comme le veut le règlement, c’est le doyen de l’hémicycle qui a présidé la première séance avant que les députés ne procèdent à l’élection du président de l’Assemblée. Cette tâche a échu à José Gonzalez, un député RN de 79 ans.
Ces phrases n’ont rien à faire au cœur d’une institution de la République.
Car derrière ces mots de José Gonzales, c’est un passé colonial, l’OAS et la torture, qui raisonnent. Certains ont voulu faire croire, et certains ont cyniquement cru, que l’héritage de Jean-Marie Le Pen n’était plus. Que le Rassemblement national avait changé. Preuve s’il en fallait, que quand le vernis craque, le RN est bien et restera toujours d’extrême-droite.
Par ces quelques mots, en guise de lancement d’une nouvelle période, José Gonzales nous rappelle l’histoire du Rassemblement national : un parti fondé en 1972 par des anciens de l’OAS, des gradés de la Waffen SS[7].
Nous débutons donc cette XVI législature par un hommage appuyé à l’Algérie française. Symbole de l’extrême droitisation des débats qui s’annonce pour les 5 ans à venir ?
Et ça continue...
Par une délibération du conseil municipal du 22 septembre 2022, la mairie RN de Perpignan (Pyrénées-Orientales), conduite par Louis Aliot, membre du RN, baptise une place du nom de Pierre Sergent, l’un des principaux fondateurs et dirigeants de l’Organisation de l’armée secrète (OAS)...
Comment s'en étonner, en 1982, François Mitterrand, n'a t-il pas ouvert la porte en faisant voter une quatrième loi d'amnistie[8], qui permet notamment aux généraux ayant organisé le putsch d'avril 1961 de toucher leur retraite d'officiers généraux et d'être réintégrés dans leurs décorations.
Notes :
[1] Il y a 60 ans, de Gaulle réchappe à l'attentat du Petit-Clamart
[2] Organisation de l'armée secrète
[3] Lajos Marton à propos de l'attentat du Petit-Clamart
[4] Marine Le PEN défend le député RN José Gonzales après ses propos sur l'OAS
[5] Attentat de Pont-sur-Seine
[6] Les propos de José Gonzalez député RN
[7] Les anciens SS ont reconstruit l'extrême droite française après 1945
[8] En 1982, François Mitterrand fait voter une quatrième loi d'amnistie, qui permet notamment aux généraux ayant organisé le putsch d'avril 1961 de toucher leur retraite d'officiers généraux et d'être réintégrés dans leurs décorations.
[9] La macronie complice... de la nomination de la honte. José Gonzales député d’extrême-droite, nostalgique de l’Algérie française et défenseur de l’OAS, devient vice-président du groupe d’amitié France Algérie.... nommé par le bureau de l’Assemblee nationale !
Pour en savoir plus :
- Scandale : une vidéo du Monde dédiabolise le RN et la famille Le Pen
- Pourquoi le RN a honte de célébrer ses 50 ans ? Car il a été fondé par un Waffen SS
Guerres civiles, dictatures, pauvreté, analphabétisme, malnutrition... La situation précaire de l’Afrique francophone soulève de nombreuses questions. Pourquoi tant de misère dans des pays si riches en matières premières ? À qui profi te l’argent du pétrole, de l’uranium, du diamant, du bois, des minerais ? Comment expliquer la présence permanente de l’armée française dans ses anciennes colonies ? Pour quelles raisons le gouvernement français reçoit-il régulièrement, avec tous les honneurs, des dirigeants africains parvenus au pouvoir par des coups d’Etat ou des élections truquées ?
le 12 juillet 2016 | mis à jour le 25/09/2023
Une décolonisation inachevée
La Françafrique désigne le système politique et institutionnel ainsi que l’ensemble des réseaux qui permettent à la France de garder la mainmise sur ses anciennes colonies, afi n de garantir son accès aux matières premières et de conserver sa puissance sur l’échiquier international.
Il a été mis en place au moment des indépendances africaines par le sommet de l’Etat français et a accompagné toute l’histoire de la Ve République.
La France développe et déploie ses pratiques néocoloniales, avec la complicité de nombreux chefs d’Etats africains dits « amis de la France » : pillage des matières premières, corruption, détournement de l’aide au développement, soutien aux dictatures, trafics, interventions militaires.
« Le temps de la françafrique est révolu »
— François Hollande, le 12 octobre 2012 à Dakar
Et aujourd'hui ?
Aujourd’hui, tout en prétendant avoir mis fin à ces pratiques, la France poursuit son ingérence dans ses anciennes colonies[1]. Le pillage et les guerres sont banalisés sous prétexte de crise économique et de lutte contre le terrorisme. Dans les médias comme les discours politiques, racisme et préjugés participent de ce système.
La Françafrique s’oppose à la démocratie et aux droits de l’Homme en Afrique, car elle repose sur le maintien de régimes dictatoriaux , répressifs et prédateurs, qui empêchent toute émergence démocratique.
La Françafrique s’oppose à la démocratie et aux droits de l’Homme en France, car elle résulte de décisions prises sans la moindre transparence par les plus hautes sphères de l’État, sans concertation ni contrôle parlementaire ou citoyen.
« La Françafrique, c’est comme un iceberg. Vous avez la face du dessus, la partie émergée de l’iceberg : la France meilleure amie de l’Afrique, patrie des droits de l’Homme, etc. Et puis ensuite, vous avez 90 % de la relation qui est immergée : l’ensemble des mécanismes de maintien de la domination française en Afrique avec des alliés africains. »
— François-Xavier Verschave, ancien président de Survie, auteur de La Françafrique, le plus long scandale de la République , 1998, Stock
Les mécanismes de la Françafrique
« Tous les pays sous développés, qui hier dépendaient de nous, et qui sont aujourd’hui nos amis préférés, demandent notre aide et notre concours ? Mais cette aide et ce concours, pourquoi les donnerions-nous si cela n’en vaut pas la peine ? ».
— De Gaulle, 5 septembre 1961
A la fin des années 1950, De Gaulle accorde officiellement l’indépendance à 14 pays d’Afrique francophone, pendant que, avec son conseiller Jacques Foccart, ils organisent officieusement le maintien de ces pays sous influence française.
2 raisons économiques :
3 raisons politiques :
Le pouvoir français installe dès le début des années 60 des chefs d’état acquis à ses intérêts, et use de différents moyens pour les maintenir en place : élections truquées, coups d’Etat, assassinats politiques, soutien militaire via des accords de défense secrets...
Par exemple, entre 1955 et 1971, la France mène au Cameroun une guerre coloniale faisant des dizaines de milliers de morts, et participe à l’assassinat ciblé des grands leaders indépendantistes (Ruben um Nyobe, Félix Mounié, Ernest Ouandié).
Depuis lors, elle soutient la dictature en place, d’abord celle d’Ahmadou Ahidjo, puis celle de Paul Biya, à la tête du Cameroun depuis plus de 33 ans.
Les mécanismes de maintien de la domination française en Afrique perdurent aujourd’hui encore, bien qu’ils aient pris de nouvelles formes. Les intérêts ont évolué au fil des années.
Au niveau économique, l’exploitation des matières premières s’est intensifiée et mondialisée, les entreprises nationales ont presque toutes été privatisées. Par ailleurs, de nouvelles puissances sont entrées dans le jeu de la concurrence, en particulier les pays émergents.
Fini « l’âge d’or » où des entreprises facilement identifiables comme « françaises » se partageaient seules le gâteau des profits en Afrique francophone.
Aujourd’hui l’ancrage de l’économie africaine dans la mondialisation (ce qui implique un partage du gâteau, mais aussi un gâteau plus gros !) pousse l’Etat français à agir ouvertement en faveur de la défense de firmes transnationales qui brandissent les arguments de l’emploi et du rayonnement tricolore pour bénéficier à plein régime de son réseau d’influence.
« L’Afrique est comme une île, reliée au monde par les mers. Donc, qui tient les grues tient le continent ! »
— Un ancien cadre du groupe Bolloré (Th. Deltombe, le monde diplomatique, avril 2009)[3]
Au niveau de la politique internationale, la guerre froide a pris fin, mais le camp occidental et ses alliés se retrouvent aujourd’hui engagés dans une « guerre contre le terrorisme » dans laquelle la France se donne un rôle prépondérant. Malgré une économie affaiblie, elle reste une puissance de premier ordre, notamment grâce à ses positions militaires sur le sol africain. La France soutient politiquement et militairement des dictatures au pouvoir depuis plusieurs décennies : Depuis 1967 pour la famille Bongo au Gabon, depuis 1990 pour Idriss Déby au Tchad...
Quant à la politique intérieure, l’affaire des valises révélée par Robert Bourgi en 2011, ou les accusations de plus en plus étayées de financement de la campagne de N. Sarkozy de 2007 par M. Kadhafi, nous rappellent que les pratiques de financement occulte des partis politiques perdurent encore de nos jours.
Les piliers de la Françafrique
L’armée française en Afrique et la coopération militaire
Peu connue, la présence militaire de la France en Afrique constitue depuis plus de 50 ans un des piliers de sa politique d’ingérence. Héritage d’un passé colonial proche, la France joue encore aujourd’hui un rôle de puissance militaire majeure en Afrique.
Avec 8 700 militaires sur le sol africain, la France intervient régulièrement sous différents prétextes (anti- terrorisme, démocratie, maintien de la « paix ») assurant ainsi sa domination sur les états et sur leurs ressources.
« Si la France ne s’était pas engagée [au Mali], et bien les risques les plus grands auraient existé pour nos six mille ressortissants à Bamako et puis pour les ressources tout à fait importantes en uranium qui se trouvent au Niger »
— Déclaration du Général Desportes en 2013
Le franc CFA est la seule monnaie coloniale ayant survécu à la décolonisation, il lie quinze pays d’Afrique à la France. Aujourd’hui encore ce système empêche ces pays d’être souverains économiquement : chaque pays doit déposer 50 % de ses réserves en devises étrangères au trésor public français, le franc CFA est arrimé à l’euro et donc soumis à ses fluctuations, et des Français siègent aux instances de direction des banques centrales africaines. La France, en se portant officiellement garante de la stabilité et la convertibilité du franc CFA, contrôle directement ou indirectement la politique monétaire des États concernés.
En 2013, l’aide publique au développement française était de 8,5 milliards d’€, dont 45,6 % pour l’Afrique. Il s’agit d’un mélange de dons, de prêts et d’allègements de dette.
Cette « aide » est essentiellement un outil au service des intérêts français et un instrument de tutelle et de dépendance.
Parmi les dons, la France comptabilise par exemple : les frais d’accueil des réfugiés en France, les coûts des étudiants africains en France, les dépenses visant au rayonnement culturel et à la promotion du français. Une institution financière met en œuvre la politique d’Aide Publique : l’Agence Française de Développement (AFD). Elle fonctionne comme une banque. Sa politique est menée avec le souci constant de préserver et favoriser les intérêts de la France... et ceux de ses grandes entreprises.
Ce qui est scandaleux :
La pauvreté en Afrique a d’abord des racines politiques, il faut donc agir dans le champ politique !
Résistances à la Françafrique en Afrique
Il existe en Afrique de nombreux mouvements citoyens, syndicaux, de défense des droits humains comme le Balai citoyen au Burkina Faso, Dynamique Citoyenne au Cameroun, Ça Suffit Comme Ça au Gabon, le ROTAB au Niger...
Soutenir les peuples africains, cela passe aussi par le soutien aux mouvements des sociétés civiles en lutte pour leurs droits.
https://survie.org/publications/livres/article/francafrique-la-famille-recomposee-4763
Et en France
Survie s’engage depuis 30 ans pour une refonte de la politique de la France en Afrique. Des associations de la diaspora africaine et de solidarité internationale participent également à ce combat.
Survie demande :
|
Note :
[1] Macron confirme : la politique de l’Afrique française ne change pas
[2] Comprendre le franc CFA en quatre questions
[3] Port, rail, plantations : le triste bilan de Bolloré au Cameroun
Pour en savoir plus :
- La Françafrique n'est pas morte, elle est devenue l'Africa France
- Rétrospective des interventions militaires Françaises en Afrique
- Comprendre Francafrique, la famille recomposée
- Petit guide de la Françafrique
- Les guerres africaines de Vincent Bolloré
- Afrique : 50 ans d’indépendances, mais pas la fin des dépendances
- Billets d’Afrique, mensuel de l’association surviele franc CFA en quatre questions
- Sahel. Le Mali épuisé par une longue et vaine « guerre contre le terrorisme »
- France-afrique. Ces drôles de prêts qui enchaînent les pays en développement
- Mélenchon demande des comptes sur l’aide financière accordée au Gabon
- La France donne un ultimatum à la Guinée équatoriale de mettre fin à sa nouvelle monnaie
- Du Mali à la Guinée, Thomas Dietrich revient sur les reconfigurations de la Françafrique
- Septembre 2021 : coup d’état en Guinée... l’arrestation « prévisible » d’Alpha Condé
- Montpellier 2021, la Françafrique à bout de souffle
- Quel avenir pour le FRANC CFA ?
- Un an après les émeutes de Dakar, radioscopie du sentiment antifrançais
- Tribune insoumise : En Afrique, repenser une stratégie à bout de souffle
- Emmanuel Macron proclame de Libreville la fin de la Françafrique
Le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore et le président français, Emmanuel Macron, donnent une conférence de presse au Palais présidentiel au Burkina Faso le 28 novembre 2017.
" Aujourd’hui, je ne suis pas certain que la Françafrique soit dans l’intérêt de la France. Les réseaux se servent eux-mêmes avant de servir la France. Ils s’affrontent, ce qui rend incompréhensible la politique française en Afrique.[4] "
Au-delà des faux pas diplomatiques, voici un article de fond sur la manière dont Macron s’inscrit dans la continuité de la domination française (note et traduction de Danielle Bleitrach)
Le président français Macron a été surpris par l’accueil hostile du public lors de sa visite au Burkina Faso. Une caravane d’accompagnement a été bombardée de pierres. Il y a eu plusieurs tentatives de protestation dans la capitale. Sa réaction montre ce qu’il représente : une continuation de la politique de Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande, avec un style très différent et des slogans différents... y compris quand il aborde la question des " femmes et de l'Afrique[3] ".
Sources : par Lode Vanoost | mis à jour le 25/09/2023
Le président français Macron a donc effectué une visite de trois jours dans un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, anciennes colonies françaises. En cela, il poursuit une tradition présidentielle. En outre Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), François Mitterrand (1981-1995), Jacques Chirac (1995-2007, Nicolas Sarkozy (2007-2012) et François Hollande (2012-2017) se sont fait un point d’honneur dans la premiers mois de leur mandat de visiter l’Afrique.
Le dénominateur commun de leurs discours était alors toujours une «rupture avec les pratiques du passé», un «partenariat renouvelé» fondé sur «l’égalité et le respect mutuel». Ils devaient tous garder les troupes françaises (la légion étrangère) sur place «pour protéger la démocratie» et «défendre le progrès économique». Bref, changement de style rhétorique et continuité substantielle.
La politique obstinée de l’Afrique
La France a depuis longtemps perdu son statut de puissance mondiale. Les jours de gloire où le français était la langue standard de la diplomatie internationale ne sont qu’un vague souvenir. La présence d’entreprises et de militaires français à l’étranger est négligeable par rapport aux États-Unis, mais cela ne signifie pas que l’Afrique n’est plus importante pour l’élite dirigeante du pays.
Si la France prétend obstinément à une place en tant que puissance mondiale, cela repose sur trois piliers: faire partie des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU avec droit de veto, avoir son propre arsenal nucléaire et sa sphère d’influence en Afrique (et dans certaines villes plus petites dans les Caraïbes, la Guyane française et du Pacifique ). Le maintien de ces trois piliers détermine la politique étrangère du pays. Le président Macron poursuit cette tradition. Il utilise un style et une rhétorique différents de celles de ses prédécesseurs, mais en termes de contenu, cela revient à la même chose.
Que les Burkinabés ne soient pas convaincus par cet autre style n’est pas surprenant, du moins pas pour ceux qui regardent les nouveautés du style. Macron a expliqué dans son discours aux étudiants universitaires de Ouagadougou qu’il était né en 1977 et que sa génération n’avait donc rien à voir avec le passé colonial. Selon lui, les Burkinabés feraient bien de laisser derrière eux ce passé et de réfléchir à leur avenir. Le peuple burkinabè n’a-t-il aucun intérêt à condamner l’impérialisme français? Les faits peuvent aider à clarifier cela.
Thomas Sankara, 1987
Macron a promis l’ouverture des dossiers sur le rôle de la France dans l’assassinat du président en 1987. En dehors de la France, presque tout le monde a convenu depuis longtemps que les services secrets français et l’armée ont facilité le coup d’état de 1987 de Blaise Compaoré, le second de Sankara, et le président Félix Houphouet-Boigny de la Côte d’Ivoire voisine. Ce dernier n’a pas toléré l’exemple contagieux d’un président de gauche démocratiquement élu dans son pays voisin.
Avec Compaoré, la France a trouvé un collaborateur empressé. Après le meurtre de Sankara Compaoré est resté président de 1987 à 2014, quand il a été mis sur la touche par un soulèvement populaire et a dû fuir en Côte d’Ivoire. Entre-temps, il avait réussi à détruire tout progrès social réalisé sous Sankara et à faire du Burkina Faso l’un des pays les plus pauvres d’Afrique. Entre-temps, il est lui-même devenu l’un des Africains les plus riches de tous les temps, avec des domaines, des châteaux et des villas en France et en Suisse. Les présidents Mitterrand, Chirac, Sarkozy et Hollande ont agi toutes ces années pour maintenir Compaoré sur son trône. Le soulèvement populaire de 2014 n’a pas été le premier contre son régime, mais le premier qui a réussi. Les soulèvements antérieurs ont toujours été sanglants, avec le soutien des Français.
Si Macron pense ce qu’il dit à propos de Sankara, il peut déjà commencer à livrer Compaoré à la cour du Burkina Faso et procéder à la confiscation de tous ses biens en France.
Macron ne fait pas ça. Combien et quels documents et documents seront rendus publics en 1987 cela reste à voir. A en juger par la pratique historique après des déclarations présidentielles similaires antérieures, ce sera décevant. Probablement, seules les choses évidentes qui ne peuvent plus être contredites seront confirmées et seules les personnes déjà décédées seront mentionnées.
Monétaire unie CFA
En dehors des pays africains concernés, on sait à peine qu’il existe une union monétaire qui dure beaucoup plus longtemps que l’euro (officiellement l’Union monétaire européenne – UEM). L’UEM a débuté en 2002 après consultation entre les États membres de l’UE concernés. On ne peut pas en dire autant du syndicat CFA (. Il a été imposé par un pays à tous les autres.
A l’origine, le syndicat était nommé FCFA ou Franc des Colonies Françaises d’Afrique lors de sa création en 1945 . Son objectif principal était de maintenir la politique monétaire des colonies entre les mains de la banque nationale française à Paris (pour plus de détails sur le CFA, voir note de bas de page [1] ).
Lorsque les pays en question commencent à devenir indépendants à partir des années 1950 (après un dur combat contre la répression coloniale), les nouveaux Etats affaiblis par la guerre et les années d’exploitation économique se voient obligés de poursuivre cette union monétaire avec la France. L’adhésion à la FCA était en effet une condition pour obtenir des attributions indispensables de la part du FMI et d’autres institutions internationales. Cela signifie que les pays africains concernés dépendent encore de la France pour leur politique monétaire.
Si Macron pense que «les Africains doivent assumer leur propre responsabilité pour leur avenir», alors il peut retirer la France de cette union et laisser désormais la politique monétaire à ces pays africains[2] .
Macron déclare qu’il est prêt à «réformer le CFA, pas à l’abolir», mais c’est ce que ses prédécesseurs ont toujours promis. Cela revenait toujours à une confirmation des relations de pouvoir existantes.
Dette post-coloniale africaine ?
Comme il devenait clair pour la France que le pays ne serait plus en mesure de contrôler ses colonies en Afrique et en Asie, les négociations ont commencé sur le transfert du pouvoir formel aux nouveaux États (à l’exception de l’Algérie, qui espérait encore de la France).
L’ancien dirigeant colonial a exigé une «compensation» pour la perte de propriété, pour les investissements faits dans l’infrastructure.
La France avait déjà un mauvais précédent dans cette manière de travailler. Quand Haïti fut la première colonie au monde à combattre sa liberté en 1803, le pays fut obligé de payer une «compensation» pour être reconnu internationalement. Cette «dette» le pays l’a payé depuis 122 ans. Le président Sarkozy s’est montré très indigné quand un journaliste lui a demandé si cela ne devait pas être l’inverse.
Si Macron pense respecter l’Afrique et finalement enterrer l’héritage du colonialisme, il peut décider de rembourser les profits coloniaux qu’il a gagnés avec l’oppression de millions d’Africains.
Macron, comme ses prédécesseurs, n’a pas l’intention de rouvrir le débat sur cette dette coloniale.
Présence militaire en Afrique
Comme ses prédécesseurs Sarkozy et Hollande, l’attaché de presse de Macron justifie la présence permanente des troupes françaises dans les anciennes colonies, arguant qu’elles sont là pour combattre la terreur fondamentaliste et protéger la démocratie. En réalité, ces troupes étaient déjà là lors de l’indépendance. Elles ne sont jamais vraiment partis.
Ces troupes françaises , la France ayant toujours opté pour ces forces ou personnes qui ont accepté la domination française. L’exemple de Compaoré au Burkina Faso a déjà été donné, mais la liste des interventions françaises est longue.
Si Macron croit reconnaître la souveraineté des pays africains concernés, il peut commencer par retirer toutes les troupes françaises d’Afrique.
Ce n’est pas non plus l’intention de cet homme.
Contrebandiers de la population libyenne
Macron a reçu une question sur la traite des êtres humains en Libye. Il a complètement rejeté toute responsabilité pour la catastrophe humanitaire en Libye : « Montre-moi les trafiquants belges, français ou allemands là-bas. Il n’y en a pas. Ils sont tous Africains! »
Cela a presque été oublié, mais ce ne sont pas les États-Unis, ni la Grande-Bretagne, qui ont lancé l’attaque contre la Libye, mais la France. C’est le président Sarkozy qui a commencé à bombarder unilatéralement, avant même que les États-Unis et la Grande-Bretagne aient réfléchi à la manière dont ils interviendraient. Grâce à cette initiative unilatérale, l’affaire a pris de l’ampleur. En d’autres termes, la France porte une lourde responsabilité dans la catastrophe humanitaire en Libye (voir la responsabilité européenne pour les marchés d’esclaves libyens est écrasante ) constituant .
Macron prétend être le premier vrai président post-colonial de la France, parce qu’il est né en 1977. Chroniquement, c’est vrai. Mentalement pas. Macron est synonyme de continuité de la politique de l’Afrique française.
Note :
[1] Le syndicat CFA comprend deux pièces avec un autre taux lié, le franc de l’ UEMOA Afrique de l’ Ouest comprend le Bénin, le Burkina Faso, Côte – d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo et le franc de l’ Afrique centrale Union CEMAC avec le Cameroun, le Congo (Brazzaville), le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Centrafricaine et le Tchad. La Guinée et le Mali sont sortis de l’union avec leur indépendance. Madagascar et la Mauritanie l’ont fait en 1973. Le Mali est redevenu membre en 1984.
[2] Macron et ses prédécesseurs prétendent que le CFA peut déjà mener sa propre politique monétaire, mais les faits contredisent cela. Il y a une explication simple à cela: pas les structures formelles, mais l’équilibre des forces détermine qui est en charge.
[3] « Macron, les femmes et l’Afrique : un discours de sélection sexuelle et de triage colonial »
[4] Du Mali à la Guinée, Thomas Dietrich revient sur les reconfigurations de la Françafrique
Réponse Inspirante de Mamadou Koulibaly à Emmanuel Macron
Le président Emmanuel Macron vient d’arriver vendredi 20 décembre 2019 à Abidjan où il restera 48 heures pour fêter Noël avec les soldats français de la base de Port-Bouët. Une visite qui se déroule à un moment où le pays exprime son ras-le-bol de la France, comme le dit l'ancient président de l'assemblée ivoirienne, Mamadou Koulibaly dans un message qu'il adresse au président français : " Il n'y a pas de sentiment anti-français ... Monsieur Macron, mais un ras-le-bol ".
Il s'agit d'un discours juste inspirant que tout africain doit écouter et partager : « M. Macron, vous pouvez donner 1000 fois des instructions à nos chefs d’Etat... » Mamadou Koulibaly s’adresse directement à Emmanuel Macron.
Le rêve africain est plus fort que jamais et est porté par la nouvelle génération. Il est sans nul doute que le véritable rêve africain doit partir du continent et inspirer le monde entier. Et qu'il revient à nous-même Africains de saisir ce rêve et d’écrire notre propre épopée. Nombre d'Africains œuvrent déjà dans l'ombre d'autres dans la lumière et apportent leur contribution dans plusieurs domaines malgré un élan africain difficile. Mais la jeunesse continue de manquer de repère, l'Afrique manque de plus en plus de héros.
Le lundi 27 février 2023, le président français a annoncé un nouveau cap pour la politique africaine de Paris.
Il a promis de faire preuve de plus « d’humilité » et a annoncé une présence militaire française moins visible dans les pays d’Afrique francophone.
Mais derrière les beaux mots, les promesses gonflées de figures de style, y a-t-il une once de sincérité chez Emmanuel Macron ? Car au niveau des annonces concrètes, c’est le désert de Gobi. En effet, le président français n’a pas annoncé la fermeture des quatre bases militaires permanentes en Afrique (Dakar, Abidjan, Libreville et Djibouti), comme cela avait été un temps envisagé. Macron a simplement promis une réduction d’effectifs dans ces bases, et une plus grande implication des armées africaines. Il n’a également pas fait d’annonce sur les soldats français encore présents au Sahel, qui sont appelés à rester au Niger ou Tchad. D’ailleurs, Macron s’inscrit dans la plus pure tradition de la Françafrique, en faisant une tournée dès mercredi au Gabon ou encore au Congo-Brazzaville, des dictatures soutenues de longue date par l’Elysée.
Dans sa nouvelle carte blanche, notre journaliste Thomas Dietrich démonte le discours de Macron sur l’Afrique, un discours qui restera sans doute sans lendemains concrets.
Pour en savoir plus :
- Groupe parlementaire France insoumise : Macron au Burkina Faso : des propos méprisants et indignes !
- Rétrospective des interventions militaires Françaises en Afrique
- Comprendre le franc CFA en quatre questions
- Non, les pays africains ne «versent pas un impôt colonial à la France»
- Libye : La violence impérialiste n’a pas de fin ! Une seconde intervention en préparation ?
- Il était une fois la guerre oubliée du Cameroun
- La Françafrique n'est pas morte, elle est devenue l'Africa France
- Jean-Luc Mélenchon : Qui va réparer la clim en Afrique ?
- L’économiste Kako Nubukpo fustige la position du président français sur le CFA, qu’il juge « imprécise et caricaturale » : Franc CFA : les propos de M. Macron sont « déshonorants pour les dirigeants africains »
- Un cadre de la Francophonie suspendu après une tribune anti-CFA publiée sur « Le Monde Afrique »
- Quand le président de la France se gausse de l’Afrique ! Macron Président, sur les traces de Sarkozy
- La France donne un ultimatum à la Guinée équatoriale de mettre fin à sa nouvelle monnaie
- 15 Etats d'Afrique de l'Ouest veulent remplacer le franc CFA par une monnaie unique dès 2020
- 2020 : Emmanuel Macron appelle à son tour à «annuler» les dettes des pays africains ,.... elle est seulement suspendue
- Au Niger, la démocratie toujours confinée et Emmanuel Macron a choisi son camp
- Septembre 2021 : coup d’état en Guinée... l’arrestation « prévisible » d’Alpha Condé
- Montpellier 2021, la Françafrique à bout de souffle
- Un an après les émeutes de Dakar, radioscopie du sentiment antifrançais
- Tribune insoumise : En Afrique, repenser une stratégie à bout de souffle
- Emmanuel Macron proclame de Libreville la fin de la Françafrique
En mettant le feu un billet de 5 000 FCFA lors d'un rassemblement le 20 août dernier à Dakar, le polémiste Kémi Séba a relancé un débat brûlant. Le Franco-Béninois, très controversé, proche de certains membres de l'extrême droite française, a finalement été relaxé mardi 29 août par la justice sénégalaise. Mais ce geste a suscité une avalanche de réactions sur le Franc CFA, la dernière monnaie coloniale encore utilisée.
par Anne Cantener, Alice Pozycki, Matthieu Millecamps | mis à jour le 20/11/2021
Comment fonctionne le franc CFA ?
Depuis les accords de Bretton Woods de 1945, . Cette zone comprend 14 pays répartis au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) auxquels s’ajoutent les Comores. Près de 155 millions de personnes utilisent le franc CFA.
Au moment de sa création, l’acronyme signifiait « Franc des Colonies françaises d’Afrique ». Par la suite, il est devenu le franc de la Communauté financière africaine pour les Etats de l’UEMOA et le franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays de la CEMAC. Dans chacune de ces deux zones, une banque centrale est chargée de régir la politique du franc. Il s’agit de la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest pour l’UEMOA, et de la Banque des Etats d’Afrique centrale pour la CEMAC.
Depuis 1945, la Banque de France est le troisième acteur de ce système monétaire. Le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe décidée par la France. En contrepartie, les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français. C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA, à des milliers de kilomètres des banques centrales africaines.
Quelles conséquences pour les pays de la zone franc ?
Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise et garantit également la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, pas de brusques dévaluations possibles. Toujours à cause de ce lien avec l’euro, le franc CFA est une monnaie plutôt forte, ce qui facilite les importations. En revanche, les pays de la zone franc sont pénalisés pour les exportations.
Quelles sont les critiques portées par les opposants à ce système ?
En plus de 70 ans, le franc CFA a essuyé de nombreuses critiques. Les opposants à cette monnaie commune estiment qu’elle est la preuve d’une « survivance coloniale ». dénonce la « servitude monétaire » issue de l’obligation pour les pays africains de déposer 50 % de leur réserve au Trésor français. « Le mécanisme d’assurance qu’offre le Trésor français à la zone franc est un mécanisme qui permet de s’assurer contre les défaillances de la gouvernance économique et politique en Afrique. Ce n’est pas un mécanisme qui peut permettre à l’Afrique d’enclencher sa transformation structurelle. Donc, cette question de la souveraineté monétaire de l’Afrique est une question cruciale ».
Pour l’économiste, trois choses posent problème : le franc français n’existe plus, pourquoi le franc CFA existe donc encore ? Pourquoi les billets de banque CFA – fabriqués uniquement en France – ne peuvent-ils pas être fabriqués en Afrique ? Enfin, la BCEAO, comme la BEAC en Afrique centrale sont désormais indépendantes des Etats et elles vont s’inféoder un ministère d’un pays étranger, le ministère français des Finances pour gérer le franc CFA.
« La France, une ancienne puissance coloniale, fait circuler sa monnaie dans 15 pays alors même qu’elle ne l’utilise plus, c’est une situation exceptionnelle », s’insurge l’économiste Martial Ze Belinga. Les deux experts voient également dans cette monnaie un frein au développement des pays de la zone franc. L’arrimage à l’euro, une monnaie forte, empêcherait les Etats de proposer des prix compétitifs au détriment des exportations.
L’économiste Carlos Lopes, lorsqu’il était encore secrétaire général adjoint de l’ONU, a fait sensation en remettant en cause le franc CFA de manière publique. , il a qualifié les mécanismes du franc CFA de « désuets ». « Il faut que le mécanisme soit dynamique. Il ne faut pas voir la composition et les caractéristiques actuelles, parce qu’elles ne sont pas de nature à répondre à la dynamique des croissances et à la dynamique internationale économique », expliquait-il alors.
Pour lui, la stabilité des taux de change a eu ses avantages, mais « la consommation interne est devenue la plus importante des composantes de la croissance » dans les régions de la zone franc, rendant cette politique des taux fixes handicapante.
Il reste cependant persuadé qu'« une zone monétaire est un atout », mais qu’il faut se pencher sur les caractéristiques de cette zone monétaire : « Quelle politique est associée à cette zone monétaire ? Comment on utilise les réserves ? Comment on fait en sorte qu’il y ait un peu plus de contribution des politiques monétaires à la transformation structurelle ? » Pour Carlos Lopes, « le débat doit être un débat de fond et pas un débat idéologique ». Dans des pays où les secteurs agricoles sont fragiles et le secteur industriel souvent embryonnaire, les économies des pays de la zone franc sont engagées dans des transformations structurelles importantes. « Il faut que la monnaie accompagne ces politiques avec des mesures spécifiques. Actuellement, les mesures ne sont pas d’accompagnement, mais plutôt immuables, où l’on essaie de protéger les pays de la zone », jugeait Carlos Lopes en octobre dernier.
Quels avantages pour la France ?
Le système permet de garantir un cadre sûr dans une zone où la France a beaucoup d’intérêts économiques et de liens commerciaux. D’ailleurs, l’indexation du franc CFA sur l’euro et le fait qu'il soit une monnaie forte facilitent les investissements d’entreprises françaises en Afrique. Plusieurs économistes précisent en revanche que Paris ne gagne pas d’argent avec les fameux 50 % des réserves obligatoirement déposés en France. Cette somme se trouve à la Banque de France. Tous les ans, l’institution reverse les intérêts aux pays africains. Et il existe un taux minimum fixé en 2013 : 0,75 %. Concrètement, cela signifie que les pays africains ne peuvent pas toucher moins, même si le taux d’intérêt officiel est plus bas. C’est le cas en ce moment, le taux se situe autour de 0,25 %.
Rôle du Franc-CFA dans la domination africaine
Je partage cette analyse selon laquelle : " la politique monétaire permet de jouer sur les importations et exportations. C’est un outil fondamental de la souveraineté, comme l’est l’indépendance militaire par exemple. Or, les Etats les africains n’ont pas cette liberté d’action et donc cette indépendance économique et politique.
La Banque de France et maintenant la Banque centrale européenne avec l’euro ont décidé des dévaluations et du moment où elles ont eu lieu. Un gouverneur de la Banque de France dispose du droit de veto, sur les politiques de la Banque Centrale africaine francophone en matière monétaire. L’Afrique francophone est donc ainsi dépossédée de se souveraineté monétaire et donc économique."
http://www.mondialisation.ca/la-domination-des-banquiers-au-coeur-des-tats/15505 |
La France insoumise :
Une émission présentée par Charlotte Girard, avec : - Kako Nubukpo, Économiste et ancien ministre de la Prospective du Togo - Mathilde Panot, députée FI - Théophile Malo, rédacteur du livret Pour une France indépendante au service de la paix
Note :
[1] Le franc CFA, ou le colonialisme monétaire. Synthèse pour non économistes
Pour en savoir plus :
- Essai. L’Afrique sous servitude monétaire
- Mobilisation pour demander la fin du franc CFA en Afrique
- Kako Nubukpo: le franc CFA «c'est la servitude volontaire»
- Franc CFA : les propos de M. Macron sont « déshonorants pour les dirigeants africains »
- Un cadre de la Francophonie suspendu après une tribune anti-CFA publiée sur « Le Monde Afrique »
- A la place du franc CFA, une monnaie commune d’Afrique de l’Ouest ?
- Histoires françafricaines : le Franc CFA
- La France donne un ultimatum à la Guinée équatoriale de mettre fin à sa nouvelle monnaie
- Franc CFA. Le colonialisme français se perpétue en Afrique
- Franc CFA : La monnaie commune est-elle un frein au développement? (Deutsche Welle)
- La fin du franc CFA pourrait «couper les liens entre le Trésor français» et l’Afrique (Sputniknews)
- Du franc CFA à l’éco : brève histoire d’une monnaie controversée
- 15 Etats d'Afrique de l'Ouest veulent remplacer le franc CFA par une monnaie unique dès 2020
- Emmanuel Macron a sonné le glas du franc CFA samedi 21 décembre 2019
- Ce que la fin du franc CFA va changer pour les pays d'Afrique de l'Ouest
- Du Franc CFA à l’ECO : une réforme de façade pour sauver les meubles.
Au début du XXe siècle, en Namibie, l’Allemagne du IIe Reich se livra à un véritable génocide des peuples Herero et Nama. Ce massacre oublié fut-il une préfiguration du nazisme ? Aujourd’hui les descendants des martyrs réclament réparations.
En janvier 2017, une délégation namibienne s’est rendue à New York pour déposer un recours collectif – une class action – exigeant des réparations de la part l’Allemagne. Que venaient chercher ces représentants des peuples hereros et namas, bien loin de leur pays peu connu d’Afrique australe ?
Le premier génocide du XXeme siècle
La loi américaine permet en effet à des citoyens étrangers de porter plainte contre des violations du droit international. Et ces hommes et femmes souvent âgés étaient les porteurs de la mémoire d’une tragédie trop longtemps occultée qui réapparaît peu à peu dans toute son horreur.
L’Allemagne, il y a maintenant plus de cent ans, a été responsable de ce que les historiens considèrent comme le premier génocide du XXe siècle, avant celui, quelques années plus tard, des Arméniens : le massacre des populations hereros et namas qui s’étaient révoltées contre la domination brutale des colons allemands. Certains voient dans ce drame la préfiguration de ce que l’Allemagne nazie allait tenter juste quelques décennies plus tard : la destruction des peuples jugés inférieurs.
Un ordre écrit d’extermination
On oublie souvent que l’Allemagne a participé elle aussi à l’aventure coloniale, quand l’Europe dépeçait l’Afrique pour s’en attribuer des pièces comme dans un immense jeu d’échecs. Si elle possédait une partie du Cameroun actuel, la Tanzanie et le Rwanda-Burundi, avait aussi jeté son dévolu sur ce territoire d’Afrique australe, qui devient le Sud-Ouest africain allemand.
En 1904, les Hereros, un des principaux peuples du pays, se révoltent contre les exactions et les spoliations des colons allemands. Ils sont victorieux dans un premier temps, grâce à leurs techniques de guérilla, mais l’Allemagne, rendue furieuse des ces défaites infligées par des “sauvages”, dépêche dans la colonie rebelle le général Lothar von Trotha à la tête de milliers d’hommes. Cet impitoyable militaire, farouchement raciste, est déterminé à en finir avec les Hereros et à imposer définitivement la suprématie blanche.
Destruction et famine
Il vainc les Hereros, soit environ 50 000 hommes, femmes et enfants accompagnés de leurs troupeaux, qui sont contraints à fuir vers le terrible désert du Kalahari. Von Trotha coupe les accès aux points d’eau et les Hereros meurent de faim et de soif par milliers.
Le 2 octobre 1904, il signe un ordre de destruction, le Vernichtungsbefehl, qui déclare : “À l’intérieur des frontières allemandes chaque Herero, sans ou avec une arme, avec ou sans bétail, sera fusillé. Je n’accepterai plus désormais les femmes et les enfants, je les renverrai à leur peuple ou les laisserai être abattus.”
Les survivants seront incarcérés dans des camps de concentration et forcés à travailler dans des conditions déplorables qui provoquent une terrible mortalité.
Certains guerriers hereros ont réussi à rejoindre un autre peuple d’abord allié aux allemands, les Namas qui se révoltent à leur tour et seront eux aussi vaincus après de sanglants épisodes de guérilla. Les rescapés sont eux emprisonnés dans une bagne terrible : Shark Island – l’île aux Requins.
Résultat de ces conflits, entre 1904 et 1907, 80 % des Hereros et 50 % des Namas ont été exterminés. Si bien que, autrefois majoritaire, la population herero ne pèse désormais plus que 9 % à 10 % de la population namibienne…
Une science dévoyée
Ces cruels traitements sont révélateurs de la vision raciste de l’idéologie allemande de cette époque, qui considère que les populations africaines appartiennent à une espèce inférieure. Cette croyance s’appuie sur des conceptions scientifiques dévoyées qui s’acharnent à démontrer cette infériorité par des recherches anatomiques, en particulier par l’étude des crânes, censée révéler les capacités cérébrales des individus.
Un transfert s’organise donc de façon particulièrement sinistre entre la colonie et ses camps et l’Allemagne. Les prisonniers de Shark Island doivent “préparer” les crânes de leurs morts, dans certains cas des proches, afin qu’ils soient envoyés dans les prestigieuses universités pour étayer les théories racialistes et eugénistes alors en vogue.
C’est en particulier par l’action de ces brillants scientifiques, que se révèlent de façon évidente les liens entre le génocide des Hereros et des Namas et la Shoah. Parmi eux le médecin, généticien, anthropologue Eugen Fischer. Cet universitaire, ami intime de Heidegger, “est convaincu, que le peuple allemand est menacé de dégénérescence et que le métissage avec des races inférieures en est la cause principale”. Il officiera en Namibie auprès des détenus des camps avant de rejoindre l’Allemagne pour publier des travaux sur les principes de l’hérédité humaine et l’hygiène de la race. Ces ouvrages sont considérés comme une source inspiratrice de l’idéologie nazie, dont Fischer fut un ardent défenseur. Hitler lira avec attention ses travaux avant de rédiger Mein Kampf.
Ce distingué professeur aura comme assistant Mengele et participera activement aux opérations de stérilisation forcée de centaines de milliers d’individus considérés comme retardés ou malades mentaux parce que “racialement déficients”.
Un précédent du nazisme
Racisme “scientifique”, pureté raciale, obsession de la dégénérescence, guerres d’extermination, camps de concentration… tous ces ingrédients réunis évoquent de façon irréfutable les liens de ce premier génocide du siècle avec son successeur, le génocide nazi, à l’échelle sans commune mesure d’un continent entier. Des liens analysés dans une qui a eu lieu au Mémorial de la Shoah, en novembre 2016.
Un siècle s’est écoulé, mais ces atrocités sont toujours très peu connues, même si peu à peu les choses changent grâce au travail des historiens et surtout à l’action des Namibiens qui combattent pour faire reconnaître le calvaire de leurs ancêtres et réclamer des réparations.
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L’Allemagne après bien des réticences , mais refuse toujours des dédommagements financiers. Ses représentants arguent que l’Allemagne est le pays du monde le plus engagé dans l’aide financière à la Namibie, d’autant plus qu’il existe toujours dans ce pays, indépendant de l’Afrique du Sud depuis seulement 1990, une communauté allemande de 16 000 personnes. Le ministère des Affaires étrangères allemand a déclaré : “Les pourparlers ne sont pas faciles, car le sujet est délicat, mais ils se tiennent dans un esprit de confiance et de compréhension mutuelle.”
Olivier Mialet
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Namibie: retour de crânes de la discorde conservés en Allemagne
Appelé en Algérie en 1960, Marcel Yanelli a tenu des carnets durant quatorze mois où il livre ses doutes de jeune communiste et son quotidien, entre longue attente et tristes opérations. Un témoignage rare pour lever un peu plus le voile sur une guerre taboue.
Présentation
Débarqué le 22 février 1960 en Algérie, Marcel Yanelli est vite plongé dans l’horreur d’une guerre qui ne dit pas son nom.
Le 6 mars, le voilà confronté aux tortures et aux pillages des villages, effrayé par le consentement de ces jeunes Français à commettre de tels actes. « Les Algériens pardonneront-ils un jour ? Pourquoi tant de sang ? Un irresponsable a parlé de finir la guerre en tuant tout… » Chaque jour ou presque durant quatorze mois, Marcel a couché ses impressions dans des carnets qu’il a finalement décidé de publier tels quels.
Pour témoigner et pour sortir sa génération du « silence de la honte ». Bien que jeune communiste (il sera animateur du PCF en Côte-d’Or et en Bourgogne durant vingt-cinq ans), opposé à la guerre, il n’a pas choisi de déserter mais de se retrouver au milieu des appelés pour faire son « travail de militant de la paix en Algérie ».
17 novembre 1961 – « À l’aube, nous envahissons les tentes des nomades. Des hommes réussissent à se sauver, mais huit en tout sont pris. Les femmes rassemblées, tentes fouillées, brûlées, des troupeaux entiers sont emmenés. Je ne prends rien. […] J’ai mal de tremper là-dedans. » Marcel Yanelli raconte au jour le jour la guerre d’Algérie, le sadisme qui se déploie sans limite, orchestré par une hiérarchie militaire qui a alors tous les pouvoirs.
Il dit encore son désarroi devant les actes commis par ses camarades de chambrée qu’il tente de raisonner après les rapines effectuées lors des raids – « les gars dans la piaule se montrent leurs trophées : du tissu, des colliers, du café, etc. C’est du vol ! » – ou après des viols, parfois encouragés par les supérieurs…
En pleine confusion
On suit le quotidien de Marcel ponctué par les nombreuses lettres échangées avec sa famille, ses copains et Simone, son premier amour de jeunesse, ses réflexions après ses lectures de Georges Politzer, de Dimitrov ou de Cocteau avec l’impatience de la jeunesse qui voudrait avoir déjà tout dévoré. Au fil des pages, on suit ses longs jours d’attente et les opérations où la violence se déchaîne.
Pointe le tourment du jeune appelé face à la détresse des femmes et des enfants, à la torture des prisonniers, qu’il compare à des résistants à l’image des maquisards français quelques années plus tôt. Le jeune Marcel qui culpabilise aussi quand il est exempté pour raison de santé avec la peur de passer pour un tire-au-flanc, nageant en pleine confusion : « Même si cette guerre va contre mes idées, il m’a coûté de participer et de ne pas participer à cette guerre. »
Au final, J’ai mal à l’Algérie de mes vingt ans est un témoignage rare qui nous plonge au cœur d’une guerre qui aura traumatisé nombre de jeunes Français, longtemps restés silencieux, et qui n’en finit pas de ressurgir.
Par :
Éditions : L'Harmattan
ISBN :
Disponibilité : chez l'éditeur
Pages : 260
Prix papier TTC : 27 €
Pierre-Paul Savorgnan de Brazza remettant au roi Makoko le traité de protectorat ratifié par le gouvernement français en 1882 / © UniversalImagesGroup / Contributeur / Getty Images
A la fin du XIXe siècle, la France rêve de mener en Afrique sa "mission civilisatrice". Mais derrière cette noble idée, c’est souvent une course entre Anglais et Français pour des enjeux économiques.
Du haut de ses 300 mètres, la toute nouvelle tour Eiffel, achevée quelques semaines plus tôt, domine, sur le Champ-de-Mars, la foule qui se presse à l’Exposition universelle de Paris. En ce mois de mai 1889, le monument, le plus haut du monde à l’époque, est le symbole d’un triomphe : celui du progrès technologique, de la civilisation occidentale, et de la IIIe République. Mais la dame de fer n’est pas l’unique objet de fascination pour les 28 millions de visiteurs de l’exposition. Non loin de là, sur l’esplanade des Invalides, une section entière est consacrée à l’une des fiertés du nouveau régime républicain : ses conquêtes coloniales. Les pavillons de l’Algérie, de la Tunisie ou de la Cochinchine plongent le public dans l’ambiance de ces contrées exotiques. Et, clou du spectacle : dans des villages africains reconstitués, plusieurs centaines d’indigènes du Sénégal, du Soudan français (l’actuel Mali) ou du Gabon sont livrés à la curiosité des badauds, telles des bêtes dans un zoo. «D’un côté, la lumière, la modernité, les Droits de l’Homme, de l’autre la part d’ombre, la mise en scène des “villages de la sauvagerie” : c’est tout le paradoxe de la République de l’époque», note l’historien Pascal Blanchard, spécialiste des colonies françaises et cofondateur, avec Nicolas Bancel, de l’Association pour la connaissance de l’histoire de l’Afrique contemporaine (Achac).
La large place accordée aux colonies dans l’Exposition de 1889 n’est pas un hasard. Elle révèle l’importance que les dirigeants de la IIIe République prêtèrent, dans les années 1870-1880, à cet axe de leur politique. Certes, l’histoire coloniale française n’est pas née à cette époque, loin de là : «Elle remonte à l’Ancien régime, avec les comptoirs en Afrique et en Asie liés à la traite négrière et au commerce des produits tropicaux, les îles des Caraïbes, les possessions en Amérique du Nord...», rappelle l’historien Nicolas Bancel, lui aussi expert de ces questions.
Au XIXe siècle, cet empire avait commencé par reculer, avec la vente de la Louisiane en 1803 et l’indépendance de Saint-Domingue (actuelle Haïti) en 1804, avant de regagner du terrain sous la Restauration et le Second Empire, grâce à la conquête de l’Algérie à partir de 1830. La France met aussi la main sur de nouveaux territoires en Indochine, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et déjà en Afrique subsaharienne, où un début d’expansion est lancé vers l’intérieur du Sénégal et les côtes de la Guinée et du Gabon.
Après la défaite de 1870, la France veut redorer son blason
En 1870, alors que vient d’être proclamée la IIIe République, l’ensemble restait toutefois modeste. Le nouveau régime allait poursuivre la dynamique initiée, la renforcer, et surtout lui fournir des arguments nouveaux pour rendre le colonialisme compatible avec les idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité hérités de la Révolution.
Le contexte, d’abord, y incitait. Marquée par la perte de l’Alsace-Lorraine après la déroute militaire face à la Prusse en 1870, la France, humiliée, avait un besoin urgent de redorer son blason. Au même moment, son autre grand rival, le Royaume-Uni, brillait par son empire immense, qui continuait à s’étendre... Comme les Britanniques, les Français allaient chercher leur grandeur dans l’expansion territoriale – et y trouver à la fois un moyen de redressement de la fierté nationale et un exutoire pour le nationalisme frustré et l’esprit revanchard de l’après-1870. Ce sera le premier moteur du colonialisme républicain.
Mais il y a plus. Dans l’esprit de l’époque, la conquête ne devait pas se résumer à une mainmise sur les terres : elle devait aussi viser les peuples. Il s’agissait d’apporter aux régions d’Afrique ou d’Asie les bienfaits de la civilisation moderne, du progrès technique, de l’humanisme... En fait, de mener une «mission civilisatrice ». Cette nouvelle doctrine coloniale, née à partir du milieu du XIXe siècle, se voulait une poursuite de l’abolition de l’esclavage en 1794 puis 1848 (entre ces deux dates, Napoléon l’avait rétabli en 1802), sous les Ie et IIe Républiques. «Cette colonisation ne s’assumait pas comme une entreprise de domination, mais était conçue comme une œuvre de progrès, souligne l’historien Nicolas Bancel. Les hommes de la IIIe République ont repris et porté cette idée, qui les plaçait dans la continuité des républiques précédentes.» Et qui n’était pas incompatible avec le besoin de prestige national, au contraire : la diffusion d’un modèle de civilisation était aussi une façon de rayonner.
Cette conception imprègne le discours pro-colonial d’éminents intellectuels, tel Victor Hugo estimant en 1879 qu’«au XIXe siècle, le Blanc a fait du Noir un homme», ou l’économiste libéral Paul Leroy-Beaulieu, dont le livre de 1874 De la colonisation chez les peuples modernes, réédité jusqu’au début du XXe siècle, est la bible du colonialisme de l’époque. Elle inspire aussi les positions des grands leaders républicains, comme Léon Gambetta et Jules Ferry, qui se sont succédé à la présidence du Conseil au début des années 1880 et initiateurs de l’élan colonial de la IIIe République. Le second, surtout, en reste l’emblème. En juillet 1885, il prononça à la Chambre des députés un discours resté célèbre, déclinant les motifs de la colonisation : à la fois la grandeur nationale (la France «doit répandre [son] influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie») et la nouvelle mission civilisatrice : «Les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures.»
Cette idée d’une colonisation bienfaitrice – à laquelle certains croyaient dur comme fer – était bien sûr truffée d’ambiguïtés et de contradictions. D’abord parce qu’elle faisait bon ménage avec toute une série d’intérêts bien plus prosaïques. Notamment économiques. L’expansion coloniale, c’était la promesse d’immenses réserves de matières premières (le caoutchouc, le bois et le minerai d’Afrique, par exemple), de zones vierges pour les plantations et l’élevage, de nouveaux marchés, d’une main-d’œuvre encore plus corvéable qu’en Europe, le tout dans un vaste espace de libre-échange où ne flotterait que le seul drapeau tricolore... Ces perspectives alléchantes s’exprimaient à partir des années 1870-1880 dans un vaste lobby colonial, avec des relais jusqu’à la Chambre des députés. «C’est le discours que l’on retrouve dans des organisations comme le Comité pour l’Afrique française, dans les Sociétés de géographie, ou encore dans les milieux économiques des grands ports, comme Bordeaux, porte vers les Antilles et l’Afrique noire, explique Pascal Blanchard. Depuis la fin de la traite négrière, ces ports espéraient un nouvel âge d’or pour partir aux colonies, et celui-ci allait naître dans les années 1870.»
Tout le processus de colonisation était sous-tendu par une évidence : celle de l’inégalité des différentes «races» humaines. Parler de «races supérieures» et de «races inférieures», comme Jules Ferry devant la Chambre des députés en 1885, n’avait rien de choquant. «A l’époque, la question de la hiérarchie des races ne se discutait pas, cela faisait partie du sens commun», rappelle Nicolas Bancel. L’idée était validée et renforcée au XIXe siècle par un nouveau discours scientifique, de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, du diplomate Joseph Arthur de Gobineau, en 1855, à certains travaux d’anthropologie qui déduisaient des traits physiques des Noirs (la taille du cerveau par exemple) leur statut de «primitifs ». Et elle se doublait de nouvelles théories évolutionnistes, considérant que les humains «sauvages» (les Africains, par exemple) n’étaient qu’un stade premier des «civilisés» (les Occidentaux). «Lorsque l’on exhibe des hommes noirs dans des villages à l’africaine à l’Exposition universelle de 1889, cela a aussi une logique pédagogique, note Pascal Blanchard. Le thème de l’Exposition est le progrès de l’humanité et on essaie de montrer ses différents stades de développement.»
C’est là un argument fort pour la colonisation républicaine. Il légitime la conquête au nom d’idéaux humanistes universels... en même temps qu’il permet de ne pas appliquer ces idéaux aux populations locales, puisque, en quelque sorte, elles ne sont pas encore pleinement humaines. Avant de les civiliser, on peut donc les dominer et décider pour elles. Dans son livre Marianne et les colonies (éd. La Découverte, 2003), l’historien Gilles Manceron qualifie ce tour de passe-passe d’«universalisme truqué» : «La République en France, surtout à partir des débuts de la Troisième, a formulé un discours spécifique qui a fait intervenir les droits de l’homme pour justifier la colonisation et, en réalité, a déformé le message des droits de l’homme pour lui faire autoriser leur violation.»
Pour les nations européennes, la course au drapeau est lancée
L’Afrique noire allait devenir, en cette fin de XIXe siècle, le terrain privilégié de ce nouveau colonialisme, que la France allait étendre sur une large partie ouest du continent, du Sahara au Congo – sans oublier Madagascar. Au départ, dans les années 1870, l’essentiel de cette zone immense était encore vierge de toute présence occidentale et ne représentait pas de véritable enjeu. Pendant des siècles, les Européens s’étaient cantonnés aux côtes, où des intermédiaires locaux les approvisionnaient en esclaves et en produits exotiques, à l’image des Français au Sénégal, à Saint-Louis et à Gorée. Les explorations vers l’intérieur du pays avaient commencé avec le XIXe siècle, s’intensifiant à partir des années 1850, notamment dans la partie sud à l’initiative des Anglais. Les Français, sous l’impulsion du colonel Louis Faidherbe, menèrent dans les années 1850-1860 un début de conquête territoriale et de «mise en valeur» économique vers l’intérieur du Sénégal. Avec des troupes réduites, renforcées par des bataillons indigènes, Faidherbe s’enfonça dans le pays, établit des protectorats et réprima les soulèvements, comme celui des Peuls ou des Toucouleurs.
Ces opérations de pionniers n’étaient que des prémices de la ruée vers l’Afrique qui allait débuter dans les années 1870. Avec, cette fois, une logique déterminée de prise de contrôle brutale des terres et des ressources, sur fond d’une concurrence exacerbée entre les différentes puissances européennes, qui servait d’accélérateur, pointe Nicolas Bancel : «Il fallait planter le drapeau le plus loin possible, avant que les autres n’y parviennent. Pour les Français, la rivalité contre les autres pays européens, et surtout les Anglais, fut une dynamique forte de la conquête territoriale. Et comme les Anglais, qui assumaient davantage que les Français les motifs économiques et stratégiques de la conquête, avaient de l’avance, il fallait aller le plus vite possible pour conquérir un maximum de terres.» Jules Ferry, pour qualifier cette fièvre de conquête, utilisera l’expression de «course au clocher».
Sur le terrain, loin des grands discours et des belles théories édictées en métropole, l’élan de conquête se déploya de façon urgente et désordonnée, comme dans une sorte de Far West des Européens, où l’on progressait au péril de sa vie à travers d’immenses territoires inconnus, où l’initiative privée et la décision personnelle primaient souvent sur la direction politique.
Entre 1819 et 1890, Paris signe 344 traités de souveraineté
On trouvait sur place des aventuriers cherchant à obtenir une terre pour eux-mêmes, des missions financées par des compagnies privées qui partaient en quête de matières premières et installaient des bases sur les rives des fleuves pour contrôler les voies d’acheminement... Et, bien sûr, l’armée, qui permit d’abord de dessiner une cartographie un peu plus précise de l’Afrique, et ensuite de délimiter les territoires explorés et donc conquis. C’est parmi les militaires que l’on trouve les plus célèbres acteurs français de cette phase de conquête. Comme Joseph Gallieni, qui sillonna dans les années 1880 l’ouest du continent, le Sénégal, le Mali, le Niger, avant de partir soumettre Madagascar. Et surtout l’officier de marine Pierre Savorgnan de Brazza. Cet explorateur d’origine italienne naturalisé français va permettre à son pays d’adoption de se tailler une vaste colonie en Afrique centrale. Avec une escorte composée d’une poignée d’hommes (un médecin, un naturaliste et une douzaine de fantassins sénégalais), Brazza s’enfonça, en 1875, au cœur du continent noir. Finançant la majeure partie de son expédition sur ses propres deniers, il remonta le fleuve Congo et y fonda, en 1882, un établissement français, qui deviendra Brazzaville, capitale de l’actuelle République du Congo. «L’ami des Noirs», comme le surnomme la presse française, réputé pacifique et respectueux, devint l’icône de la colonisation républicaine, venue non pas pour soumettre les peuples, mais pour les libérer – notamment de l’esclavage entre Africains (un homme sur quatre est en servitude à l’époque).
Il n’empêche que, même pour Brazza l’humaniste, l’exploration allait de pair avec la domination. Pour s’assurer la mainmise de la France sur les terres et les populations, la méthode principale fut d’abord celle du traité : lorsqu’un chef était identifié sur une région, on signait avec lui un texte par lequel il se plaçait sous la protection et l’autorité de la France. «La France conclut 344 traités de souveraineté ou de protectorat avec des chefs noirs» entre 1819 et 1890, dont les deux tiers après 1880, avance l’historien spécialiste de l’Afrique subsaharienne Henri Brunschwig, dans son livre de 1974 Le Partage de l’Afrique noire. Le plus célèbre est celui signé, en 1882, entre Brazza et le chef du peuple Makoko, par lequel la France s’assura la mainmise sur la rive droite du Bas-Congo.
Cette voie «diplomatique» pouvait prévoir diverses contreparties (l’argent ou encore le maintien en place du potentat local...), avait l’avantage d’être pacifique... mais était évidemment fort déséquilibrée, à l’avantage des colonisateurs. Henri Brunschwig précise : «Beaucoup [de traités] n’étaient pas juridiquement valables, soit que les explorateurs, qui n’avaient pas reçu d’instructions et de formulaires, n’eussent pas observé les règles en usage, soit que les chefs noirs n’eussent pas été, selon les normes européennes, aptes à contracter. (…) Souvent aussi les agents des compagnies, les explorateurs ou les aventuriers rédigeaient des accords pour les besoins de leur cause et trompaient volontairement les Noirs.»
Mais même faussée, la diplomatie avait ses limites. En cas de résistance, les colonisateurs passaient aux armes. «Il y avait plusieurs degrés d’opposition, explique Nicolas Bancel. La plupart des explorations se faisaient dans des zones sans pouvoir centralisé et sans armée constituée. L’opposition se limitait à l’échelle de villages, et quelques actes de violence pour l’exemple faisaient l’affaire. Mais on pouvait aussi se heurter à des royaumes ou des empires organisés et dotés d’un système de défense. Alors, la conquête se faisait dans l’affrontement. » Ce fut le cas pour les Français, face à l’empire Wassoulou de Samory Touré dans le Haut-Niger, à l’empire toucouleur d’Ahmadou Tall dans l’actuel Mali, ou dans les années 1890, au roi de Dahomey Behanzin, sans oublier Madagascar. Même si, en général, la résistance restait modeste : les Français étaient, sur le plan militaire, largement supérieurs. En revanche, ils ne mobilisaient pas les armées de la métropole : les troupes républicaines en action dans la conquête de l’Afrique étaient constituées principalement... de soldats noirs (pour beaucoup, des esclaves rachetés à leurs maîtres africains), encadrés par des officiers blancs. Une pratique inaugurée par Louis Faidherbe, créateur en 1857 du corps des tirailleurs sénégalais.
Dans les années 1880, la course s’accéléra en Afrique. Et d’autres acteurs étaient venus s’ajouter à la France et à l’Angleterre. Au moment où Brazza arrivait sur la rive nord du Congo, de l’autre côté du fleuve, l’explorateur Henry Morton Stanley, missionné par le roi de Belgique Léopold II, posait les bases du futur Congo belge, et fondait, en 1884, Léopoldville, qui deviendra la capitale Kinshasa en 1966. L’Allemagne également venait se mêler au jeu. C’est elle qui accueillit en 1885 la conférence de Berlin, suscitée par la rivalité pour le contrôle du bassin du Congo, où les Européens fixèrent les règles du partage qui allait se poursuivre jusqu’au début du XXe siècle. Aucune autorité africaine n’y fut invitée. Le partage de l’Afrique était exclusivement affaire des puissances européennes.
La politique coloniale était loin de faire l’unanimité
En France, ces années 1880 virent aussi le début d’une vraie politique coloniale structurée, avec la création d’un sous-secrétariat d’Etat aux Colonies en 1882 (le ministère suivra dix ans plus tard, en 1892), la formalisation du Code de l’Indigénat, un ensemble de mesures discriminatoires (taxes, réquisitions, interdiction de circuler la nuit…), mais également l’émergence de tout un discours de propagande coloniale, qui reprenait le mythe de la «mission civilisatrice».
Cette propagande mettait en scène l’exotisme des contrées lointaines peuplées de sauvages et convainquait le grand public, au départ peu concerné, de la nécessité de ces colonies. Ce fut l’époque aussi où, après les premières conquêtes, émergea une vision de «l’Afrique française», note Pascal Blanchard : «On imaginait une continuité depuis l’Algérie jusqu’à Madagascar, une sorte d’axe Paris-Alger-Tombouctou-Antananarivo. Cela semblait géographiquement cohérent. Ce n’est pas un hasard si on envisagea, à cette époque, la construction d’un chemin de fer transsaharien [Méditerranée-Niger]... Cette vision restait une utopie, mais elle motiva toute une politique d’exploration et d’investissements sur le terrain.»
Enfin, cette époque fut, en France, celle des débats. Car la politique coloniale était alors loin de faire l’unanimité. En 1885, le gouvernement Ferry puis celui d’Henri Brisson en firent les frais à la Chambre des députés : le premier fut renversé en mars à cause de «l’affaire du Tonkin», une déconvenue militaire dans le nord de l’Indochine, tandis qu’en décembre, le second n’obtint qu’à quelques voix près les crédits supplémentaires pour l’occupation de cette même région. Les opposants à la colonisation se retrouvaient des deux côtés de l’échiquier politique. Ainsi des partis comme la droite monarchiste et l’ultra-droite nationaliste voyaient d’un mauvais œil la France disperser ses forces et son argent dans des aventures au bout du monde, alors que la priorité devait aller aux questions nationales – à commencer par la reprise de l’Alsace-Lorraine et la revanche contre l’Allemagne. Et les républicains radicaux, l’extrême-gauche de l’époque, dénonçaient l’entreprise de domination en cours.
Parmi eux, des noms aujourd’hui oubliés, comme le farouche anticolonialiste, journaliste et homme politique, Camille Pelletan, mais aussi une célébrité : Georges Clemenceau. Deux jours après le fameux discours-programme de Jules Ferry, en juillet 1885, qui s’inscrivait dans le cadre d’un débat sur la colonisation de Madagascar, Clemenceau mena la charge contre les droits des «races supérieures» avancés par son adversaire lançant un tonitruant : «Races supérieures ? Races inférieures, c’est bientôt dit !» Un discours lucide pour l’époque. Mais qui, face au rouleau compresseur de la «mission civilisatrice», deviendrait bientôt inaudible.
Repères
1659 Fondation de Saint-Louis, au Sénégal, sur la côte Atlantique.
1850 Début de la colonisation française en Afrique.
1877 Exploration de la Guinée, qui obtient le statut de colonie en 1891.
1880 L’explorateur Brazza pénètre en Afrique centrale et signe des traités de protectorats avec les chefs noirs. Colonisation du Congo.
1885 Discours de Jules Ferry sur les «races inférieures».
1889 L’Exposition coloniale est organisée à Paris, comme une vitrine de l’empire français.
1893 La Côte d’Ivoire devient officiellement une colonie française.
1894 Le général Duchesne conquiert Madagascar à la tête de 21 000 hommes.
Pour en savoir plus :
- Rétrospective des interventions militaires Françaises en Afrique
- Les crânes oubliés de la conquête de l’Algérie
- Assassinat de Sankara : pourquoi la France refuse-t-elle une enquête ?
- France insoumise : proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara
Il y a tout juste un an, en juillet 2015, François Hollande, lors d'une tournée africaine close au Cameroun, reconnaissait la responsabilité de la France (longtemps niée) dans la répression sanglante des indépendantistes de cette ancienne colonie française dans les années 50-60. Il assurait vouloir ouvrir les archives (Quelles archives ? Mystère) concernant les exactions perpétrées en pays bamiléké par l'armée française.
L'annonce fut alors remarquée, la volonté de lever le voile sur cette autre guerre de la honte, saluée. Quid aujourd'hui de cette promesse ? Aucune suite tangible connue.
Une pirouette politique, un simple coup d'épée dans l'eau. Mais on peut compter sur une jeune génération d'écrivains camerounais pour révéler les tenants et les aboutissants de cette guerre soigneusement gardée secrète où, comme en Algérie, le recours aux bombardements, aux villages rasés, aux camps et à la torture fut avalisé.
Si, en 2011, Kamerun ! (enquête de plus de 700 pages solidement documentée)[1], révélait ce pan de l'Histoire méconnu, c'est sur le mode de la fiction que Hemley Boum et Max Lobe se sont emparés de cette réalité pour révéler la farouche résistance d'un peuple et son aspiration inconditionnelle à être libre.
"LES MAQUISARDS" par Hemley Boum
Résumé
Ce roman Les maquisards de Hemley Boum est une bombe à retardement, un choc émotionnel inouï, un phare dans le nuit de la mémoire, une boussole pour l’avenir. Un roman qui révèle à travers une saga familiale bouleversante le rôle éminent du peuple bassa dans la libération du joug de la colonisation au Cameroun. Un pan caché de l’Histoire déployé dans un vécu de chair, de sang et d’amour, sans angélisme ni pathos. Conjuguer le passé au présent pour réenchanter la dignité humaine. Savoir d’où l’on vient et qui a forgé notre avenir. Les Maquisards de Hemley Boum symbolisent tous ceux qui paient le prix fort de notre liberté.
En même temps, il traverse l’âme en poussant le lecteur dans les retranchements de ses propres deuils, et espoirs en la suite de l’histoire, celle des personnages du roman, la sienne, la nôtre.
Anthropologue de formation, Hemley Boum signe avec Les Maquisards son troisième roman, couronné en 2015 par le Grand Prix d'Afrique noire, remarquable à bien des égards. Dans cette saga familiale au souffle romanesque marquezien (oui, on pense à Cent ans de solitude tout au long de ce récit), la jeune écrivaine s'affirme comme une formidable conteuse, nous emmenant avec une limpidité désarmante dans ce labyrinthe complexe où se croisent les générations, au cœur de la forêt bassa, lieu de maquis. Hemley Boum brosse les destinées des petites gens, acteurs invisibles de la résistance, au même titre que celles des figures historiques - dont Ruben Um Nyobè, dit «Mpodol», leader de l'Union des populations du Cameroun (UPC). Les Maquisards embrasse réalités sociales, politiques, traditionnelles et spirituelles de l'époque, échappant ainsi à la caricature anticolonialiste pour mieux exalter le panache et le courage de tout un peuple face à l'oppresseur. Fortes, braves, tout feu, tout flamme, les femmes, potomitan de la lutte, charpentent ce roman et donnent lieu à l'esquisse de riches personnages.
Par :
Éditions : La Cheminante
Pages : 392
Disponibilité : en librairie ou chez l'éditeur
ISBN : 9782371270220
Prix TTC : 22 €
Note :
[1] Kamerun ! : Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, La Découverte, 744 p., 26 €.
"CONFIDENCES" par Max Lobe
C'est aussi une femme qui se fait le porte-voix de cette guerre dans Confidences, le dernier roman de Max Lobe. Originaire de Douala, comme Hemley Boum, installé en Suisse, le jeune écrivain, de retour au pays le temps d'un voyage, donne la parole à Mâ Maliga. Porteur du devoir de mémoire, ce dialogue intimiste entre une grand-mère qui a vécu l'avènement douloureux de l'indépendance camerounaise et un jeune exilé à la recherche de l'histoire non dite fait défiler les événements : la lutte acharnée, la dévotion de tout un peuple au héros charismatique Mpodol, les petites histoires de vie imbriquées dans la grande Histoire. Par petites touches, et à grands coups de matango (vin de palme), Mâ Maliga dévoile la «vraie vérité» de cette période et fait resurgir le temps perdu des peurs, du courage, des collabos, des têtes coupées ou de la terrible vie dans les camps. Portée par un verbe vif et cocasse, sa gouaille emprunte à une langue métissée, imagée, réinventée, et sait transformer les souvenirs, malheureux ou drôles, en un livre d'histoire épique.
Par :
Éditions : Zoé
Pages : 288
Disponibilité : en librairie ou chez l'éditeur
ISBN : 978-2-88927-312-6
Prix TTC : 20,5€
Hillary Clinton : « La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique ![1] »
La générosité de l’Empire en matière de violence est sans limites. Après que les Etats-Unis aient menti au Conseil de sécurité des Nations Unies sur la soi-disant menace que Kadhafi représentait pour les « manifestants » de Benghazi, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé l’usage de la force pour les protéger. La Russie et la Chine se sont abstenues au lieu d’opposer leur veto.
Sources : | mis à jour le 18/09/2023
Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN (dont la France) ont violé la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils ont armé les « manifestants », bombardé le pays jusqu’à le réduire en miettes, et tué les principaux officiels du gouvernement dont Mouammar Kadhafi. La secrétaire d’Etat étasunienne, le monstre Clinton, s’en est glorifiée () dans une célèbre réplique : « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort. »
C’est à cause de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU que le président russe Medvedev n’a pas pu se représenter pour un second mandat. Le président Poutine, qui à l’époque était Premier ministre et n’était responsable que de la politique intérieure, que, lorsqu’il avait lu la résolution du Conseil de sécurité il avait trouvé, dans son libellé, des trous permettant à toute une armée de se frayer un passage. Medvedev avait fait une énorme erreur en la laissant passer. Le fait qu’il ait été obligé de partir, est le seul résultat positif de l’attaque de l’OTAN sur la Libye.
Maintenant, les États-Unis à nouveau la Libye.
Il y aura, comme d’habitude, des frappes aériennes, des forces spéciales sur le terrain, des mercenaires, formés par les forces étasuniennes ou des sociétés privées, qui se transformeront en escadrons de la mort et terroriseront la population.
C’est le chaos en Libye, comme c’était prévisible et a été quand la guerre en Libye a commencé.... . Il y a beaucoup de groupes armés et deux parlements et deux gouvernements rudimentaires, un dans l’est et un dans l’ouest. L’ONU vient juste d’essayer d’en créer un troisième, un gouvernement d’union nationale, et elle a :
Une grande partie des « rebelles » payés par le Qatar et d’autres pour renverser le gouvernement libyen sont islamistes. Beaucoup de Libye en Syrie pour lutter contre le gouvernement syrien, et les États-Unis ont contribué à fournir des armes de Libye à ces terroristes étrangers en Syrie.
Il est peu probable que l’intérêt réel des États-Unis soit maintenant de combattre les quelques combattants étrangers de l’État islamique en Libye. La plupart des partisans de l’État islamique en Libye appartiennent à des tribus qui, auparavant, faisaient partie d’un gang islamiste local ou d’un autre. Ils ne sont pas une menace et d’autres forces locales peuvent les tenir en respect.
Les États-Unis veulent avoir tout le pays sous leur contrôle indirect, mais jusqu’ici ils n’en ont que la moitié.
Haftar était autrefois avec Kadhafi mais a été écarté après avoir échoué dans une guerre avec le Tchad. Autour de 1990, il a essayé sans succès de renverser Kadhafi. Il est allé aux États-Unis, est devenu un citoyen américain et a travaillé pour la CIA. En 2011, il était de retour en Libye et a tenté à nouveau de renverser Kadhafi.
En 2011, les États-Unis n’ont pas réussi installer leur leader par procuration en Libye. Ils vont maintenant essayer à nouveau de prendre le contrôle total du pays et de ses ressources. Une fois installés en Libye, ils pourront asservir des pays d’Afrique du Nord.
Il est facile de voir que cela va engendrer plus de guerres, plus de terreur, et plus de réfugiés. La violence impériale est inépuisable.
La France de Hollande, va-t-elle s'embarquer dans cette aventure qui ne peut que, pour les terroristes, contribuer à légitimer leurs actions contre notre territoire et nos ressortissants ?
Note :
[1] Hillary Clinton: «La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique!»
Que savons-nous de ce qui s’est fait en notre nom en Libye ?
- Trois militaires français tués : le gouvernement libyen accuse Paris de "violation" du territoire
- Libye, 3 soldats sous uniforme français tués, à quel titre ?
- Libye Juillet 2016 : premières frappes américaines contre le principal fief de Daesh
- Un rapport le confirme: l'intervention franco-britannique en Libye a été un désastre
- Et si Sarkozy avait attaqué la Libye de Kadhafi pour sauver le franc CFA ?
- Esclavage en Libye : on savait en 2012
- Libye : le général Hiftar, la CIA et le coup d’État d’opérette
- Au moment ou la France victime d'attentats est engagée dans de nouvelles aventures guerrières en Irak et en Syrie (contre un «ennemi» qu’elle a contribué à créer) en violation de toute « légalité internationale », il n'est pas inutile de revenir sur ses différentes interventions en Afrique camouflées ou pas sous des motifs "humanitaires" ou de "sauvegarde de nos ressortissants".
notamment sous couvert de ces "accords de défense"... ou "d'opérations humanitaires" pour
- En vérité, si dans le cadre de la , avec la collaboration des « » la France a orchestré avec efficacité et sans états d'âme le soutien des uns et la déstabilisation des autres, fort de moyens humains et financiers considérables (les libéralités d'Elf aidant), il s'agit plus aujourd'hui .
- La France entend poursuivre le rôle de "GENDARME DE L'AFRIQUE" qu'elle s'est attribuée avec le soutien des autres puissances occidentales.... autant de sources possibles d'actes de terrorisme en représailles !... et certains s'étonnent que nous n'ayons pas que des amis sur terre, que la France soit une cible, tentant dans un même mouvement d'en faire une question religieuse ou de "guerre de civilisation"[2] !
Eclairer modestement sur le rôle de la France en Afrique, telle est l'ambition de cet article.
Sources : 21 juillet 2014 | mis à jour le 27/06/2024
Le département de relations internationales ouvre ses portes ! La France au Sahel : Barkhane, et après ? Sortir du piège sécuritaire en Afrique
Pour tout comprendre de la situation au Sahel et du rôle de la France, revivez ce soir la table-ronde du département de relations internationales avec l’analyse d’experts.
[1] au sens éconimique, militaire ou politique
«Guerre de civilisation» : Manuel Valls adopte le vocabulaire de la droite ; "Discours apocalyptique et choc de civilisations"
[4] Paris s’enlise dans le bourbier sahélien
[5] La France mène des opérations secrètes en Libye
[7] Trois militaires français tués : le gouvernement libyen accuse Paris de "violation" du territoire
[8] Syrie : François Hollande confirme la livraison d'armes aux rebelles dés 2012
[9] Assassinat de Sankara : pourquoi la France refuse-t-elle une enquête ? ; France insoumise : proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara
[10] Sahel. Le Mali épuisé par une longue et vaine « guerre contre le terrorisme »
[10bis] Barkhane » une guerre qui est d'abord une histoire d'uranium
[11] communiqué France insoumise : " Envoi de troupes françaises en Syrie : le peuple doit être consulté ! "
[12] La France va déployer 600 soldats supplémentaires au Sahel
[13] Génocide au Rwanda : une vidéo accable l’armée française
[14] Rwanda, retour sur un aveuglement international
[14bis] Rwanda : « Faillite » de la France mais pas de complicité de génocide, le rôle de Mitterrand pointé du doigt
[15] Mali : en janvier 2021 une frappe française a tué 19 civils en janvier, selon une enquête de l’ONU
[16] Barkhane : Emmanuel Macron, aux côtés de ses partenaires européens et africains, a officialisé le retrait militaire du Mali (mais pas le Sahel), au terme de neuf ans de lutte antijihadiste.
[17] Expulsée du Mali, la France retiré hier ses dernières troupes du Mali…
Pour en savoir plus :
- Révélation :”Voici les 22 présidents africains assassinés par la France depuis 1963″
- L'Afrique au temps des colonies : du premier comptoir aux indépendances
- Afrique du Sud : la France a joué un rôle central pour armer le régime de l'apartheid
- Libye, 3 soldats sous uniforme français tués, à quel titre ?
- Comment la France est devenue une cible « légitime » pour les groupes djihadistes
- Cameroun 1955-1962 : la guerre cachée de la France en Afrique
- Dans le marigot de la Françafrique, un faux conseiller de Hollande et un vendeur d’armes
- Un document signé Jacques Foccart établit la pratique des assassinats ciblés de l’Etat français
- Libye : La violence impérialiste n’a pas de fin ! Une seconde intervention en préparation ?
- La France mise en cause dans les cinq dernières années de répression égyptienne
- Histoires françafricaines : Guerre et massacres français au Cameroun 1956-1971
- Que fait l’armée française au Sahel ? C’est en janvier 2013 que la France a décidé d’intervenir militairement au Mali. Près de cinq ans plus tard, l’instabilité s’est accrue dans tout le Sahel, et les groupes radicaux étendent leur influence. Si Paris renforce son pré carré et ses intérêts économiques, les peuples de la région paient le prix d’une guerre sans fin.
- Rwanda
- Dix ans après le génocide : Rwanda, retour sur un aveuglement international
- Comprendre le génocide rwandais
- Rwanda: un document prouve l’ordre de la France de laisser s’enfuir les génocidaires
- RWANDA 1994 : DERNIÈRE DÉFAITE IMPÉRIALE DE LA FRANCE ?
- Rwanda : dénoncer sans relâche les responsabilités françaises
- Le Tchad et la France intensifient leur coopération militaire
- Interventions militaires françaises en Afrique par Céline Marin
- la France insoumise demande une " Commission d’enquête pour un bilan stratégique des opérations militaires extérieures (OPEX) "
- Mali/Niger
- France isoumisr 13 janvier 2022 : Mali : sortir de l’impasse
- Macron s’enferre toujours plus au Mali
- L’opération Barkhane ou l’impuissance destructrice au Sahel
- Barkhane : comment et pourquoi la France a été chassée du Mali
- Tribune insoumise : En Afrique, repenser une stratégie à bout de souffle
- La bascule de l’armée française du Sahel vers le golfe de Guinée
- L'armée française va quitter le Niger, après le Burkina, le Mali et la Centrafrique
- 2024 : La France réduit sa présence militaire en Afrique
Après le secteur des mines, qui a subi une véritable razzia, c’est le tour de terres arables de la RDC[1] de faire l’objet d’une ruée à l’échelle internationale.
Dans son livre intitulé ‘’ Le futur ’’, Al Gore, ancien vice-président des Etats-Unis, note que 48,8% des 120 millions d’hectares des terres arables que compte le Congo-Kinshasa sont déjà cédées aux étrangers. Un véritable bradage qui se fait malheureusement, dénonce l’ex numéro 2 sous Bill Clinton, au détriment du peuple congolais. Une redéfinition s’impose.
Scandale géologique, la République démocratique du Congo n’a pas cessé de séduire. Qui eut imaginé qu’au-delà de ses mines et de ses forets, la RDC pouvait attirer autant de convoitises pour ses terres arables ? Et sur ce point précis, la RDC a été bien dotée par la nature, parce qu’elle en compte environ 120 millions, derrière le Brésil.
La RDC, c’est aussi de larges étendues de terres fertiles et propices à l’agro-industrie. Une bénédiction de la nature (ou de Dieu). Les conditions climatiques favorisent le déploiement à grande échelle des activités agricoles toute l’année.
Malheureusement, le peuple congolais n’en tire pas le meilleur parti. Pourquoi ?
Parce que son élite, toutes tendances confondues, s’embourbe dans des disputes politiques internes, ceux qui disposent du regard de l’aigle ont vite fait d’anticiper. Maffieux ou pas, ces investisseurs étrangers à la recherche de nouvelles sources d’enrichissement n’ont pas tardé pour prendre pied en RDC.
Leur flair les a renseignés que ce grand pays au centre de l’Afrique est un nouvel eldorado où terres rares et terres arables font ménage. Dès lors, ils préviennent la désertification qui guette des pays tels que l’Arabie Saoudite, la Chine et les Etats-Unis. Les terres arables et partant l’agriculture, se feront de plus en plus rares dans un avenir pas très lointain.
Dans cette recherche de la survie, la RDC est au centre du de nouveaux enjeux internationaux. D’autant que le Brésil est un pays pas facile d’accès.
Des paysans cambodgiens attaquent le groupe Bolloré en justice
- L’accaparement des terres en Afrique : Investissement ou pillage ?
- Terres "accaparées" : séance d'explications entre Bolloré et les communautés locales
- Les guerres africaines de Vincent Bolloré
- Bolloré étend son empire agricole
- La RDC peut-elle devenir le grenier de l’Afrique ?
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