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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 09:59

La fête est finie....... restent les réalités !

 Spécial Brésil : “Les Indiens d'Amazonie vivent dans un monde qui leur a été volé”

Sources : Télérama.fr propos recueillis par Weronika Zarachowicz le 18/06/2014

Entretien avec Eduardo Viveiros de Castro | Anthropologue engagé, Eduardo Viveiros de Castro connaît bien les Indiens d'Amazonie et leur combat. Dans un monde limité en ressources, conflictuel, leur manière de vivre pourrait être un exemple à suivre.
 
Il est méconnu en France, peu traduit (Métaphysiques cannibales, PUF, 2009), et pourtant c'est l'un des plus grands anthropologues actuels. Né en 1951 à Rio de Janeiro, le Brésilien Eduardo Viveiros de Castro a totalement renouvelé l'étude des cosmologies amérindiennes, du chamanisme, du cannibalisme, notamment en empruntant la perspective des peuples qu'il a étudiés et en revalorisant les pensées des autres – y compris cannibales. Bonne nouvelle, un nouvel essai (co-écrit avec Deborah Danowski), brillantissime et original, paraît ces jours-ci dans un beau livre collectif consacré aux métaphysiques de l'Anthropocène, De l'univers clos au monde infini (éd. Dehors). Nous l'avons rencontré en mai dernier, lors de son passage à Paris. Entretien à bâtons rompus avec cet intellectuel, sur l'Amazonie, Dilma Roussef et la crise de la gauche.

 

 

- Télérama.fr : On vous présente souvent comme un « anthropologue altermondialiste ». Vous vous reconnaissez dans cette définition ?
Eduardo Viveiros de Castro : Oui, pourquoi pas ! Pour la première fois, ce qu'on pourrait appeler l'Occident, ou la civilisation euro-américaine, se trouve confrontée au fait qu'elle n'est plus la seule tête pensante, ni la locomotive menant l'humanité vers un futur glorieux. Le centre de gravité du pouvoir géopolitique et économique se déplace vers la Chine et l'Inde. Le Brésil a cru pendant un certain temps que lui aussi ferait partie de cette nouvelle donne. Mais les « BRIC » (soit les nouvelles puissances montantes : Brésil, Russie, Inde, Chine) étaient plus un joli jeu de mot qu'une réalité !

 

Il n'y a pas grand chose de commun entre la Chine et le Brésil, mis à part le fait que la Chine est récemment devenue le premier partenaire commercial du Brésil. Ce qui veut dire que la Chine contrôle l'économie brésilienne, en lui achetant des produits primaires dont elle détermine les prix en grande partie. Le Brésil retrouve son ancienne vocation de colonie exportatrice de matières premières : des produits peu transformés, essentiellement alimentaires, destinés à l'alimentation des animaux des marchés chinois et européen, ce qui est encore plus bizarre ! Le soja est surtout utilisé pour alimenter le porc que les Chinois consomment, et le maïs pour nourrir le bétail européen... Le Brésil est aussi devenu le détenteur du deuxième cheptel bovin au monde après l'Australie. Tout cela s'est fait essentiellement en rasant les savanes du Brésil central, et maintenant, en entamant la forêt amazonienne. Les dégâts sont considérables. L'Amazonie a déjà perdu 20% de sa couverture d'arbres.

 

“En Amazonie, on ne réussit qu'à ralentir le rythme du déboisement.

On ne reboise pas”

 

 

 

 

 

- Télérama.fr : Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus dans la situation actuelle de l'Amazonie ?
Eduardo Viveiros de Castro : L'Amazonie joue un rôle central dans l'imaginaire et le réel du monde. C'est là que se trouvent les premières forêts de la planète, et qu'aujourd'hui, subsiste la dernière grande extension de forêt tropicale au monde. Cette forêt amazonienne appartient, au sens géopolitique, à neuf pays. Les Brésiliens ont toujours eu l'impression que l'Amazonie leur appartenait, mais ils n'en détiennent « que » 70%. Et cette partie ne cesse de diminuer, en se repliant peu à peu vers le nord ouest du territoire.

 

Les conséquences de cette diminution sont dramatiques, car la forêt est un élément essentiel du régime thermo-dynamique de la planète, qui contribue à régler les régimes des vents, le taux d'humidité, etc. Il n'est pas impossible, par exemple, que la multiplication des grands ouragans dans le Golfe du Mexique ait un rapport avec les transformations du régime de circulation atmosphérique dans ces régions.

 

 

- Télérama.fr : Le dernier rapport du GIEC (groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat) reconnaît que la déforestation de l'Amazonie s'est ralentie. C'est un point positif, non ?

Eduardo Viveiros de Castro : C'est ce qu'on dit. Mais on ne sait pas comment l'expliquer. Est-ce le fait des grands propriétaires, qui ont amélioré leurs méthodes et augmenté la productivité agricole dans des terrains qui étaient déjà déboisés ? C'est notamment le cas au Mato Grosso, ce qui signifie « gros bois » en portugais, même s'il n'y a presque plus d'arbres... Est-ce dû aux effets de la politique gouvernementale entamée par Marina Silva, quand elle était ministre de l'Environnement dans le gouvernement Lula ? Cela dit, on ne réussit qu'à ralentir le rythme du déboisement. On ne reboise pas.

 

Mais il y a autre chose qui est très préoccupant : d'après les climatologues, toute la partie orientale de l'Amazonie est aujourd'hui dans un processus d'assèchement, ce qui signifie qu'elle devient plus inflammable. Les scientifiques craignent qu'elle arrive au point critique à partir duquel un petit incendie localisé peut se répandre de façon incontrôlée. Et du côté occidental, la région est au contraire frappée par des inondations...

 

“L'Amazonie n'a jamais été un territoire 'vide' démographiquement”

 

 

 

 

- Télérama.fr : Comment réagissent les Indiens?
Eduardo Viveiros de Castro : Les Indiens en sont très conscients. Normalement, la société indienne règle son calendrier agricole en observant une série de signaux naturels : par exemple, quand le niveau du fleuve atteint une certaine hauteur ; quand un certain oiseau se met à chanter, qu'une certaine plante se met en fleurs... Or tous ces signes, disent les Indiens, ont changé ; les plantes fleurissent avant que les oiseaux commencent à chanter, le niveau du fleuve ne baisse pas... Les Indiens sont d'autant plus inquiets que beaucoup d'entre eux ont désormais accès à la télévision et entendent parler du réchauffement global. Si l'on ajoute à cela leurs mythologies traditionnelles, qui évoquent la fin du monde, cela donne une situation de panique généralisée.

 

En 2011, ont été capturées les premières images fugaces d'une tribu indigène, les Kawahiva, vivant dans la jungle et n'ayant eu que très peu de contacts avec le monde extérieur.
 


- Télérama.fr : Vous insistez souvent sur le fait que notre vision de l'Amazonie reste faussée. Pourquoi ?
Eduardo Viveiros de Castro : Notre imagination est toujours binaire : il y aurait d'un côté la forêt vierge, sans habitants, et de l'autre, la civilisation, les villes, le béton, le plastique... En réalité, une bonne partie de cette forêt est d'origine humaine : elle a été créée par les Indiens et leurs activités agricoles, de façon à la fois délibérée et spontanée. La plupart des essences de bois, de fruits, qui sont aujourd'hui utiles à l'économie brésilienne, ont proliféré grâce aux Indiens. En pratiquant une forme d'arboriculture, ceux-ci ont favorisé leur croissance, leur ont fait de l'espace, les ont replantées... Il n'est pas nécessaire de détruire la forêt pour y vivre, contrairement à ce que nous imaginons. Et l'Amazonie n'a jamais été un territoire « vide » démographiquement, elle a toujours été remplie d'habitants : les Indiens !

 

 

- Télérama.fr : Comment le Brésil voit-il l'Amazonie aujourd'hui ?
Eduardo Viveiros de Castro : Le Brésil applique sur son territoire tropical et boisé des techniques, des technologies, des produits d'origine européenne, qui n'ont absolument pas été conçus pour ce type de sol. Idem pour les populations qui s'y sont installées. Car qui colonise l'Amazonie ? Il s'est d'abord agi des « nordestinos », ces paysans sans terre d'origine portugaise : ils y ont émigré, sous l'impulsion du gouvernement, à la suite de la grande sécheresse qui a frappé le nord du pays à la fin du XIXe siècle. Ils ont constitué la principale force de travail pour l'économie du caoutchouc et se sont peu à peu adaptés, pour devenir la principale couche de population non indigène de l'Amazonie. Ils font partie de ce qu'on appelle au Brésil les « peuples traditionnels », et vivent surtout d'une économie agricole, un peu aux marges de l'économie capitaliste.

 

Mais depuis les années 60/70, la colonisation est le fait d'une autre couche de population, venue du sud du Brésil, d'origine allemande et italienne, et dont l'implantation a été subventionnée par la dictature militaire. Ces «gauchos», qui étaient bien adaptés au climat du sud (subtropical, tempéré), sont partis en Amazonie sans savoir ce qu'ils allaient y trouver. Ce sont eux qui ont transformé la région de la façon la plus radicale, en commençant par la savane pré-amazonienne, dans le Brésil central.

 

 


- Télérama.fr : A quoi ressemble l'Amazonie des « gauchos » ?
Eduardo Viveiros de Castro : Au Midwest américain : des grandes plaines, conçues pour la monoculture, avec irrigation intensive, engrais chimiques, antibiotiques pour les bovins, etc... Les « gauchos » ont changé la chimie du sol, qui était trop acide, créé des variétés résistantes de soja, avec les agronomes brésiliens. Et ils ont mis en place cet agro-business ultra-mécanisé, ultra-productiviste qui emploie peu de main d'oeuvre. Résultat, les « nordestinos », qui vivaient et travaillaient là depuis deux siècles, ont été expulsés vers les grandes métropoles, dans les bidonvilles.

 

 

- Télérama.fr : Cette colonisation de l'espace progresse encore ?
Eduardo Viveiros de Castro : Après la savane pré-amazonienne, les « gauchos » pénètrent aujourd'hui dans l'Amazonie et imposent leur mode de vie. On rase la forêt, on plante des eucalyptus, on élève des bœufs, on roule en 4/4, et tout ce qui peut évoquer l'Amazonie disparaît. Une nouvelle culture paysanne se développe, qui n'a rien à voir avec la culture classique de la région, qui était plutôt d'origine arabo-ibérique, mauresque, et venait du Nordeste. S'y mêlent le background ultra conservateur et réactionnaire des aïeux allemands dont les gauchos sont issus, et une influence américaine : 4/4, musique country, bottes et chapeaux...

 

Il suffit de lire les noms des villes de la région. Il s'en crée quasiment une par jour, une explosion incroyable. Elles portent toutes des noms évocateurs de la culture « gauchos » : Porto dos gauchos (Port des gauchos), Querencia (la grange où on rassemble les bœufs pendant hiver)... Au nord du Minas Gerais, il y a une ville qui était un lieu mythique de la littérature brésilienne – un roman fameux de Guimarães Rosa, Grande Sertão : Veredas, s'y passe. Eh bien, Buriti (le nom d'un arbre local) a été rebaptisée Chapada Gaucha (Plateau des gauchos).

 

 

- Télérama.fr : C'est donc la dictature militaire qui a enclenché le grand mouvement de déforestation de l'Amazonie ?
Eduardo Viveiros de Castro : Tous les « grands projets » datent de cette époque. C'est ce régime qui a décidé de construire, en 1970, la Transamazonica, une sorte de transibérienne de 5 000 km, qui devait partir de Belem, à l'embouchure de l'Amazone, jusqu'à la frontière avec la Bolivie. Le projet n'a jamais été achevé mais il a coupé l'Amazonie en deux. La première pierre a été inaugurée à Altamira, la ville où l'on construit aujourd'hui le barrage géant de Belo Monte. Lors de la cérémonie, on a abattu le dernier arbre qui restait au milieu de cette zone totalement déboisée, un immense châtaignier (le plus grand arbre d'Amazonie, qui produit la noix du Brésil). Ce qui illustrait bien le projet existentiel de ce gouvernement...

 

 

C'est aussi sous la dictature que le Brésil s'est lancé dans l'exploitation de la plus grande mine de fer au monde, au nord-est de l'Amazonie, la mine de Carajas. Ce qui a donné lieu, pour produire l'énergie indispensable à l'industrie d'extraction de fer, au premier grand barrage érigé en Amazonie, Tucurui, une énorme infrastructure qui a déplacé des milliers de gens, provoqué une surpopulation de moustiques, et conduit à un désastre écologique...

 

On connaît la suite : la dictature, qui avait beaucoup d'autres projets comme celui-ci, s'est auto-dissoute en laissant au pays une inflation de 80%, une dette internationale faramineuse et l'exigence d'une loi d'amnistie pour tous les criminels... Nous sommes aujourd'hui face à une sacrée ironie de l'Histoire : c'est un gouvernement dirigé en partie par le Parti des Travailleurs (né dans les luttes syndicales contre la dictature), qui réussit là où la dictature avait échoué, et lance des projets pharaoniques de production d'énergie en Amazonie.

 

“Dilma Roussef a une haine des Indiens”

 

 

 

 

- Télérama.fr : Vous avez souvent dit que la Présidente Dilma Roussef entretenait « une relation quasi pathologique » avec lesIndiens ?
Eduardo Viveiros de Castro : Effectivement, Dilma a une haine des Indiens, ce qui n'est pas le cas de Lula, qui est un type plus malin. Elle vient du sud du Brésil, et ne comprend ni l'Amazonie, ni les Indiens. Ni d'ailleurs toutes ces populations qui ont refusé d'entrer dans le jeu capitaliste et qui sont dans la débrouille (paysans sans terre, Noirs des communautés rurales, dits « Quilombo »...) Le PT, et la gauche brésilienne en général, ne pensent le pauvre que comme un ouvrier de la métallurgie lourde de São Paulo, défini par le travail, et destiné à se transformer en ouvrier au sens américain : classe moyenne, voiture, TV...

 

Rappelons que Dilma a été la ministre de l'Energie du gouvernement Lula : elle envisage d'abord le monde sous l'angle des ressources, principalement énergétiques. Nous avons donc à la tête du Brésil une personnalité dont la caractéristique est d'être ingénieur, constructeur de barrages, d'usines électriques... Selon son dernier « Plan géostratégique », le Brésil envisage de construire soixante-six grands barrages à travers l'Amazonie. Sans compter les petits barrages qu'on construit partout....

 

 


- Télérama.fr : Le pouvoir a finalement eu raison des oppositions au barrage de Belo Monte. Comment se présente le prochain chantier de grand barrage, dans le bassin du rio Tapajós ?
Eduardo Viveiros de Castro : La résistance risque d'y être plus dure. Sur le rio Xingu (Belo Monte), il y avait plusieurs tribus, divisées entre elles, et les plus belliqueuses n'étaient pas directement affectées par le barrage. En revanche à Tapajós, le gouvernement fait face à une seule tribu, les Munduruku, qui sont nombreux et connaissent très bien les Blancs puisqu'il sont en contact avec eux depuis 300 ans. Ils sont bien connus dans l'histoire du Brésil, car ils ont été à la tête d'une des grandes rébellions populaires contre le gouvernement central, dans les années 1845, qui a failli scinder le pays en deux et qui fut brutalement réprimée. Aujourd'hui, les Munduruku disent « no pasaran » au projet de barrage. Deux d'entre eux ont récemment été tués par la police.

 

 

- Télérama.fr : En même temps, il y a l'utilisation de la corruption par le gouvernement ?
Eduardo Viveiros de Castro : Elle est évidemment énorme, on l'a encore vu dans le cas de Belo Monte. Mais les Indiens ont une caractéristique qui les sauve : on peut acheter un Indien mais il ne se vend pas. Un Blanc peut offrir un jour 400 dollars à un Indien. Mais en revenant un peu plus tard, un autre Indien lui dira, « j'avais cru entendre 40 000 ». Et trois mois plus tard, un autre encore dira « c'était 400 0000 »... Les Indiens sont ingouvernables pour un Etat qui recherche un interlocuteur. Ils sont partout et nulle part à la fois, ils n'ont pas de chef, ni de structure collective facilement maniable. C'est une société contre l'Etat, qui pratique une forme de guérilla sociologique ou politique.


Je me rappelle ma première expérience, chez les Arawete, sur la côte de Rio. Un médecin italien fortuné passait souvent par là et leur faisait régulièrement des cadeaux. Un jour, j'apprends qu'il vient de leur offrir un magnifique hors-bord. J'en parle avec un ami arawete, qui me répond que Paulo, le médecin en question, est un « avare ». Je m'étonne en lui parlant de cette magnifique coque en métal. Il me rétorque : « mais il ne m'a rien donné à moi ! » En fait, le médecin pensait offrir un présent au collectif – les Arawete –, sauf que cette collectivité n'existait pas. Bien entendu, ils se connaissaient, avaient des liens de parenté, mais ils ne se voyaient pas comme un corps politique. Les Indiens ne forment pas un corps politique avec lequel on pourrait négocier. C'est ce qui les rend durs à croquer et la conquête de l'Amazonie, compliquée pour le gouvernement.

 

“Nous avons l'espoir que nous allons nous en sortir sans changer grand chose à notre mode de vie et de production capitaliste”

 

 

 

 

 

- Télérama.fr : Vous venez d'écrire cet essai dans l'ouvrage collectif De l'univers clos au monde infini, où tous les auteurs se confrontent à cette nouvelle période dans laquelle l'humanité serait entrée, l'Anthropocène. Comment l'abordez-vous ?
Eduardo Viveiros de Castro : Je pense que nous restons trop optimistes. Nous avons l'espoir que nous allons nous en sortir sans changer grand chose à notre mode de vie et de production capitaliste : avec un peu plus d'énergie éolienne, de solaire, de nucléaire, et un peu moins de charbon et de pétrole... Je suis malheureusement convaincu que nous allons devoir faire face à un monde démographiquement et écologiquement diminué, avec des catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes – ouragans, sécheresses, inondations... Ce sera aussi un monde politiquement beaucoup plus fractionné et conflictuel.

 

Les opposants à l'écologie répètent souvent cet argument : on ne peut pas revenir en arrière. C'est pourtant déjà arrivé, hélas. L'Europe d'après la peste noire a reculé de façon spectaculaire, entre les XIIe et XIVe siècles. Regardons aussi ce qui se passe aujourd'hui avec les antibiotiques ; les scientifiques disent que les bactéries sont devenues invincibles et que la carrière des antibiotiques est en train de s'achever.

 

 

- Télérama.fr : Vous dites justement que les Indiens peuvent nous offrir des pistes de survie dans l'Anthropocène ?
Eduardo Viveiros de Castro : Ce sont des populations qui ont appris à vivre dans un monde qui n'est pas le leur. Les Indiens savent se débrouiller dans des conditions technologiques appauvries, ce sont des bricoleurs par vocation et par nécessité, ce ne sont pas des ingénieurs, au sens levi-straussien. Ils savent faire feu de tout bois, habiter dans des maisons de carton, dans des bidonvilles. Les Etats nationaux ont envahi leurs territoires traditionnels. Ce sont des peuples vaincus, soumis, mais ils sont irréductibles, comme Astérix et son petit village gaulois. J'emploie le mot Indien au sens large, en y incluant les Maoris de Nouvelle Zélande, les Aborigènes, les Inuits, les Samis de Norvège... : tous ces peuples qui ne s'identifient pas à des Etats nationaux, qu'on appelle « minorités indigènes », et qui vivent dans les marges de notre magnifique civilisation chrétienne pétrolière.. L'ONU estime qu'ils seraient 370 millions, soit plus que la population nord-américaine. Ce ne sont donc pas des « minorités » au sens démographique, même s'ils sont éparpillés à travers le monde.

 

 


- Télérama.fr : Il nous faudrait apprendre à vivre comme un Indien ?
Eduardo Viveiros de Castro : Non, ils ne forment pas un modèle, mais peut-être un exemple : qu'est-ce que cela signifie de vivre dans des conditions qui sont loin de l'idéal ? Dans un monde où chacun ne pourra plus avoir sa voiture, où il faudra faire son marché dans un rayon local, où on ne pourra plus voyager en avion tous les mois, etc ? Je pense que nous nous acheminons vers ce type de monde, où les hommes vont devoir diminuer leurs aspirations. Il peut être intéressant de regarder ce que les Indiens savent faire : c'est-à-dire vivre dans un monde qui leur a été volé.

 

Si l'on parle de fin du monde, les Indiens savent de quoi il s'agit ! Ce sont même des experts en apocalypse. Leur monde a fini il y a cinq siècles, quand les colons sont arrivés en clamant que l'Amérique était un monde vide, sans homme, dont on pouvait prendre possession puisqu'il n'y avait que des sauvages. Pour les Indiens, ça a été l'inverse : après l'arrivée des Européens qui ont exterminé 95% de la population, ils sont devenus des hommes sans monde. Mais ils ont survécu. Ils sont toujours là, et leur population augmente, voire explose.

 

 

- Télérama.fr : Vous n'exagérez pas ?
Eduardo Viveiros de Castro : La moitié de la population du Pérou est indienne, la quasi totalité de la population de Bolivie est indienne. L'Amérique latine est un grenier d'ethnies, ce qui en fait une région stratégique. La Chine est certainement la région stratégique en termes d'hyper modernité, mais l'Amérique latine est le lieu où l'on peut, peut-être, rêver à une autre forme de vie : en sauvegardant la forêt, en jouant avec la pluralité des nationalités plutôt qu'en misant sur l'unification, en inventant des formes d'organisation politiques non étatiques, comme ont su le faire les Zapatistes. Ils sont là depuis trente ans, voilà qui est durable ! Ils ne réclament pas un Etat Maya, qu'il soit mexicain, guatémaltèque ou salvadorien. Ils veulent vivre dans les quatre Etats nationaux qui ont divisé leur territoire, en étant reconnus comme un peuple, pas comme un Etat, ni une multitude.

 

“La gauche déteste le capitalisme et en même temps, elle l'adore”

 

 

 

 

- Télérama.fr : Vous qui êtes un des grands intellectuels de gauche brésiliens, vous êtes très critique avec la gauche actuelle. Pourquoi ?
Eduardo Viveiros de Castro : J'avais 19 ans en 1968, l'année où a été promulguée l'installation de la dictature. C'était le moment du choix : on pouvait être de gauche façon Dilma, genre « catho de gauche austère et puritain », ou alors prendre l'option « sex, drugs, and rock'n'roll » d'une gauche plus existentielle, et commencer par changer sa propre vie pour changer celle des autres. Bref, on pouvait être guérillero ou hippie. J'ai choisi la seconde option, en faisant de l'art, et je me suis rendu compte que c'était aussi une façon de faire de la politique. Car qui est au pouvoir aujourd'hui ? Dilma ! Et moi je reste de gauche. Elle, non. Je préfère penser la politique en dehors des partis. Comme disait Deleuze, il n'y a pas de gouvernement de gauche...

 

Je suis très actif sur les réseaux sociaux, sur Twitter, c'est là qu'on fait de la politique ! Je ne vais pas casser des vitrines, j'ai 63 ans, je n'ai plus l'agilité pour faire face à la police. Je viens justement de retweeter la photo du nouvel équipement des policiers pour la Coupe du monde, avec cette nouveauté : ce ne sont plus seulement les policiers qui ont des uniformes dignes de Robocop, maintenant, les chevaux sont casqués, équipés de protections anti-glissantes...

 

La gauche est née des entrailles du capitalisme. Et son rapport au capitalisme est d'une ambivalence freudienne. Elle le déteste et en même temps, elle l'adore ! Elle reste productiviste, et continue à croire que le capitalisme est une étape nécessaire. Ce mélange amour-haine produit de la haine pure envers tous ceux qui ne croient pas, ou plus, au capitalisme. On le voit bien avec Alain Badiou pour qui l'écologie serait « une religion de la peur ». Alors que l'écologie est au contraire le résultat de la perte de foi dans la religion du socialisme ! Les gens ont cessé de croire au progrès. Ils ont cessé de croire que le destin de l'homme est de devenir maitre de la nature.

 

La gauche doit se repenser profondément, elle est aujourd'hui très divisée entre une gauche progressiste et productiviste, qui reste partenaire du capitalisme, et une autre gauche qui a choisi cette idée de solutions locales, d'autonomie, et qui ne croit ni au Plan ni au Marché. Pour ma part, je penche du côté de cette dernière, et du Peau-Rouge, qui reste le rêve de tout adolescent qui aspire à la liberté. Plutôt que d'aspirer à un monde techno-magique fait de Google Glass et de machines qui feront tout pour nous, je préfère rêver de vivre comme un Indien...

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8 juillet 2014 2 08 /07 /juillet /2014 09:33
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière

Un rapport qui fait un bilan sérieux et tient compte des avis contradictoires sur les coûts de l’énergie nucléaire mérite toute notre attention.

 

 

Sources : Hervé Debonrivage  Parti de Gauche Midi-Pyrénées

La commission d’enquête parlementaire sur les coûts de la filière nucléaire présidée par le député PS François Brottes et dont le rapporteur est Denis Baupin (EE-LV) a rendu son rapport le 10 juin 2014.

 

  • Le magazine L’Usine nouvelle du 10 juin 2014 titrait "La commission d’enquête sur le nucléaire craint une explosion des coûts". Vous pouvez lire un résumé de cette enquête  ICI ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Le rapport complet de 236 pages a été mis en ligne par l’agence Reuters.

Vous pouvez le télécharger  ICI ;

Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Vous pouvez également ICI, entendre les auditions des représentants de l’ASN (agence de la sûreté nucléaire) par la commission ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Le Journal Le Monde a relevé quelques données essentielles de ce rapport en titrant "Les députés demandent à l’Etat de prendre en main la filière nucléaire".

Extrait : "Selon la Cour des comptes, sollicitée par les députés pour réactualiser ses chiffrages, une prolongation de la durée de vie des 58 réacteurs à quarante ans coûterait 110 milliards d’euros courants d’ici à 2033. Davantage si l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) durcit les règles. Il faudrait ajouter 3 milliards par an pendant vingt ans s’ils étaient prolongés à soixante ans. La commission dénonce aussi les « incertitudes » sur le coût du mégawattheure (MWh) produit par le réacteur de troisième génération EPR. L’exemple britannique des deux EPR d’Hinkley Point (114 euros par MWh) montre que le prix de l’électricité sera deux fois plus élevé que celui des centrales actuelles."... vous pouvez lire la suite ICI ;

Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Vous pouvez,  ICI  lire l’intervention de André Chassaigne pour le FDG à l’Assemblée nationale sur le coût du nucléaire en se référant au journal l’Humanité du 11 décembre 2013 ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • On peut rappeler pour mémoire la position de la CGT sur le problème des coûts de la filière nucléaire. Le journal l’Humanité en a rendu compte dans son numéro du 19 juillet 2008 qui titrait : « Il faut arrêter les politiques de réduction des coûts dans la filière nucléaire ».....  la suite est ICI ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Dans son blog de Mediapart,Guillaume Blavette indiquait le 13 juin 2014 "Une commission d’enquête nécessaire qui aboutit à un rapport trop prudent"

"Le Collectif STOP-EPR ni à Penly ni ailleurs se félicite que la commission d’enquête parlementaire sur les couts du nucléaire ait pu mené son projet à son terme. Nous y avons contribué aux côtés du Réseau Sortir du nucléaire le 11 avril. Et c’est avec beaucoup d’intérêt que nous avons pris connaissance du rapport final. Nous saluons ce colossal travail d’enquête et d’investigation sur l’économie du nucléaire. Le propos est argumenté et fondé sur de nombreuses auditions. Comme l’ont remarqué les journalistes qui ont étudié ce rapport, les critiques sont à peine voilées. La commission d’enquête parlementaire met clairement en cause :

  1.  la dérive inexorable des coûts d’exploitation ;
  2. le mur d’investissements auquel EDF fait face :
  3. l’absence de stratégie de l’Etat tant dans le domaine du nucléaire que pour l’ensemble du secteur énergétique ;
  4. ainsi que de nombreuses impasses technologiques qui n’apportent aucune solution efficiente et pérennes aux innombrables problèmes que rencontre l’industrie nucléaire"....... vous pouvez lire la suite ICI ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • Pour sa part, le Mouvement "Sortir du nucléaire" apprécie, en effet assez favorablement ce rapport qu’il juge « sans concessions ». L’article conclut, avec bon sens : "Le gouffre financier qui se précise ne rend que plus urgente une transition vers les économies d’énergie et les économies renouvelables, non polluantes, beaucoup moins chères et fortement pourvoyeuses d’emplois locaux". Ce site vous est accessible ICI, et vous permet ICI, de télécharger le rapport intégral ;
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière
  • On aborde alors un autre problème (qui n’est pas l’objet de notre article), en partie lié à celui des coûts de la filière nucléaire, celui de la transition énergétique dont le projet de loi vient d’être publié. Vous pouvez accéder au plan commenté de cette loi de programmation (5 pages) en cliquant  ICI dont une une petite présentation vidéo de ce projet de loi est ICI.
Nucléaire : un rapport sans concessions sur les coûts de la filière

Pour en savoir plus :

- mon dossier nucléaire

- Le point de vue du Parti de Gauche sur le projet de Loi de transition énergétique

- Contribution du Parti de Gauche au Débat national sur la Transition énergétique

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 11:27
L’écologie peut-elle être apolitique ?
 

Source : blog de Robert Mascarell membre du Parti de Gauche 12

Après une succession de découvertes scientifiques qui nous avaient, pour un temps, rendus semblables aux dieux, nous sommes arrivés à une prise de conscience assez sereine des limites de l’homme et de la Terre.

 

Nous n’avons plus tout à fait le sentiment qui animait Pascal le croyant lorsqu’il écrivait : « En regardant tout l’univers muet et l’homme sans lumière, abandonné à lui-même et comme égaré dans ce recoin de l’univers, sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il y est venu faire, ce qu’il deviendra en mourant, incapable de toute connaissance, j’entre en effroi comme un homme qu’on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable et qui s’éveillerait sans connaître où il est, sans moyen d’en sortir. Et sur cela, j’admire comment on entre point en désespoir d’un si misérable état. »

 

Il y a eu un écho contemporain de ce cri d’angoisse. On le trouve dans le livre titré « L’Homme » d’un athée, le biologiste Jean Rostand : « Que l’homme terrestre soit ou non, dans l’univers, seul de son type, qu’il ait ou non des frères lointains et disséminés dans les espaces, il n’en résulte guère pour lui de différence dans la façon d’envisager sa destinée. Atome dérisoire perdu dans le cosmos inerte et démesuré, il sait que sa fiévreuse activité n’est qu’un petit phénomène local, éphémère, sans signification et sans but. Aussi n’a-t-il d’autre ressource que de s’appliquer à oublier l’immensité brute qui l’écrase et qui l’ignore. » Et le même savant de pousser dans « Pensées d’un biologiste » un cri de colère : « L’espèce humaine passera, comme ont passé les dinosauriens et les stégocéphales. Peu à peu la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante. Toute vie alors aura cessé sur la Terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes. Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine, découvertes, philosophies, idéaux, religions, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste de l’Homme de Néanderthal dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin d’univers sera annulée pour jamais l’aventure falote du protoplasma, aventure qui, déjà, peut-être s’est achevée sur d’autres mondes, aventure qui en d’autres mondes peut-être se renouvellera. Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l’échec final et à la ténèbre infinie. »

 

J’ai tenu à citer en entier cette page salubre parce qu’elle nous accule absolument à découvrir ce qui rend acceptable d’une part la nature de l’homme et d’autre part, la condition humaine.

 

Mais puisque, décidément, notre présence sur Terre n’est qu’une aventure passagère, constatons que l’aventure humaine oppose deux forces, comme Nietzsche l’a si bien démontré.

 

La première c’est physis (étymologiquement nature), certains hellénistes disent aussi phusis, c’est-à-dire la loi de la nature. Le libéralisme économico-politique a son origine dans ce mouvement naturel. Le personnage platonicien de Calliclès dans Gorgias éclaire la philosophie de ce mouvement, « qui oppose ce qui est vrai et beau selon la nature, c’est-à-dire le déploiement spontané de la force vitale, aux multiples entraves que, sous le nom de « lois », la coalition des faibles a progressivement établies pour empêcher LA JUSTE DOMINATION DES FORTS. »

 

La seconde c’est nomos (étymologiquement loi). C’est l’effort des hommes à travers des institutions pour maîtriser les effets de cette force. Il est à l’origine de la loi des hommes.

 

Nietzsche voyait dans la loi des hommes l’expression et le moyen pour les plus faibles de survivre en empêchant les plus forts de vaincre.

 

En résumé, physis la nature, ce sont les tenants de l’inné, l’individu, l’individualisme. Nomos, la loi, ce sont les tenants de l’acquis, le peuple, le collectif, la masse.

 

Tel Janus, ces deux composantes de notre monde ont depuis des temps très lointains pris différentes apparences.

 

Physis, la nature, et sa loi, maîtresse incontestée des êtres, des choses, pendant des millénaires, fut un jour menacée par l’apparition de l’imaginaire et plus précisément de la conscience. Nomos s’incarna et devint l’Etat moderne avec sa justice et sa police. Le rôle de la police résulte de la délégation par la collectivité d’un droit légal à la violence, pour la survie du plus grand nombre. Les deux conceptions de l’existence se rejoignent pourtant dans la mesure où il faut sauver le total et penser au salut individuel.

 

Ainsi, l’homme est pris entre le désir de dépasser les autres et la nécessité d’être avec les autres à l’exemple de la communion chrétienne et de l’égalitarisme socialiste. La maçonnerie tendant à vouloir équilibrer le désir et la nécessité. Notre histoire n’est que l’alternance et l’opposition de ces deux forces. Tantôt, Physis règne : c’est la guerre (« que le plus fort gagne », « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »), c’est le temps des pulsions où l’homme dépasse en férocité l’animal qui se borne à détruire par instinct et donc sans aucun sadisme son ennemi. La perversité atteint son summum quand Physis, pour continuer à dominer, convoque délibérément Nomos à son service. Ce que Jean-Jacques Rousseau a constaté avec beaucoup de pertinence : « Nul n’est assez fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. »

 

Tantôt, mais très rarement, Nomos, non perverti, règne : c’est la paix civile (« aidons-nous les uns les autres »).

 

L’enjeu est donc de résoudre cette contradiction sans faire disparaître l’un des deux composants, car inéluctablement le composant disparu renaîtrait sous une autre forme.

 

Aujourd’hui, alors que « la maison brûle », comme l’a si justement dit le président de la République, Jacques Chirac, en 2002, à Johannesburg, de la résolution de cette contradiction il dépend que l’échéance menaçant la survie de notre espèce et de toutes les espèces vivantes, soit retardée.

 

La bataille est loin d’être gagnée. Pour preuve, les propos tenus en 2000 par le président du Medef à ce moment-là, Monsieur Ernest-Antoine Seillières, dans la revue des sociétés d’assurance « Risques » : « Autour du risque, on retrouve une sorte de succédané de la lutte des classes » (que voilà une parole de connaisseur. Au passage, je suis heureux de ne pas être le seul à en constater l’existence). Et Seillières d’expliquer que : « Les batailles sur le risque, la sécurité alimentaire ou sanitaire, la sécurité des produits, sont aussi la manière moderne de lutter contre les entreprises innovantes, une manière d’en contester la légitimité ». « Quand on ne peut plus combattre l’entreprise au nom du profit et de l’exploitation, on utilise le risque, la protection de la santé et de l’environnement. » Monsieur Seillières en déduit donc que la société se divise « en riscophiles et en riscophobes », et il se dit convaincu que « dans une période de transformations aussi fortes que celles que nous connaissons, l’avenir appartient davantage aux riscophiles qu’aux riscophobes ».

 

Soulignons que nos « bons » riscophiles se ménagent des parachutes dorés et ne prennent des risques qu’avec la peau des autres.

 

Quand je vous disais que l’opposition entre la physis et la nomos continue à faire rage.

Ainsi, non contents d’être à l’origine des pollutions industrielles du passé, voilà que des entrepreneurs revendiquent le droit de continuer à polluer, sans état d’âme, au nom de la liberté de produire et de créer de la valeur.

 

A propos de liberté, je ne résiste pas au plaisir de citer Albert Einstein : « Je me refuse à croire en la liberté et en ce concept philosophique. Je ne suis pas libre, mais tantôt contraint par des pressions étrangères à moi ou tantôt par des convictions intimes. » ; ou bien encore Lacordaire, chrétien social : « Entre le pauvre et le riche, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».

 

Arrivé à ce stade de ma planche, je ressens que certains frères se disent : « Mais où Robert veut-il nous emmener ? Quand va-t-il répondre à la question posée dans le titre de sa planche ? ».

 

Vous allez voir, je l’espère, que le détour que j’ai pris n’est pas si incongru que cela, et qu’aujourd’hui encore, Physis et Nomos ne sont pas mortes, y compris et surtout dans les débats relatifs à l’environnement.

 

Avant d’en arriver à traiter le cœur du sujet annoncé dans le titre de cette planche, s’est posé à moi un problème de méthodologie :

  • soit, m’appuyant sur les travaux de scientifiques produits lors de la convention de Rio en 1992, ou à l’occasion de la ratification par quelques pays du protocole de Kyoto en 1997, ou à l’occasion de la tenue de la conférence internationale sur la gouvernance écologique à Paris en février 2007, je vous assène une quantité astronomique de chiffres prouvant tous que le réchauffement climatique va s’accélérant et que l’homme en est le principal responsable,
  • soit, nous convenons tous ensemble que ce phénomène n’est plus discutable et, dès lors, nous pouvons passer à l’étape supérieure de la réflexion. Celle qui consiste à tenter d’analyser les raisons d’une telle situation, voilà pour hier, et à réfléchir sur les moyens de faire face à sa dégradation, voilà pour demain.

 

Vous avez compris que je ne vais pas vous asséner des chiffres, mais je vais vous proposer de réfléchir, en vous demandant de garder constamment en mémoire le débat existant entre les notions de physis et de nomos.

 

Convenons que l’état écologique de notre planète est en raison directe de la révolution industrielle apparue il y a un peu plus de deux siècles. Jusque-là, l’homme vivait essentiellement des produits de la culture et de l’élevage, suivant le rythme des saisons. Avec la multiplication des inventions, nous sommes entrés progressivement dans l’ère industrielle. Le productivisme s’est installé en maître de tous nos modèles économiques, qu’ils soient d’essence capitaliste ou communiste.

 

Il n’y avait rien à redire à cette orientation, tant la misère était grande. Peu importait, à la limite, la façon de répartir les fruits du travail des hommes. Même s’ils étaient mal partagés, les plus pauvres voyaient, néanmoins, leur sort s’améliorer.

 

Les luttes des déshérités pour une meilleure répartition des richesses, pouvant aller jusqu’à vouloir maîtriser le pouvoir politique, comme la détermination des privilégiés à vouloir le garder à tout prix, avaient la même finalité : produire et consommer toujours plus. Peu importait les retombées sur l’environnement. Nul ne s’en souciait, à droite comme à gauche. C’est que les ressources de la Terre paraissaient inépuisables, et l’aptitude des forces de la nature à se régénérer indestructible.

 

Si bien que du strict point de vue étroitement partisan, les hommes et femmes de gauche n’ont pas davantage qualité que ceux et celles de droite à se prétendre meilleurs défenseurs de l’environnement. Si là s’arrêtait ce travail, il serait logique de dire que l’écologie peut être un courant de pensée apolitique, n’ayant à s’inspirer ni des pratiques de droite ni des pratiques de gauche.

 

Mais, croissance démographique et économique aidant et, à l’inverse, épuisement des réserves fossiles et réchauffement climatique de la Terre à un horizon proche avérés ont obligé l’ensemble de la classe politique de la plupart des pays à prendre en compte ces phénomènes dans leur approche du pouvoir. On pourrait s’en féliciter si l’occasion était saisie de poser les problèmes sans aucun tabou. Tel n’est pas le cas, y compris par ceux qui font profession de foi écologiste.

 

Pour illustrer mon propos je vais m’en tenir au débat franco-français pour cette élection présidentielle.

 

Trois têtes d’affiche expriment les diverses nuances du courant écologique : Nicolas Hulot, Corinne Lepage et Dominique Voynet. Deux se disent apolitiques, mais s’affichent dans les entourages de Jacques Chirac pour l’un, de François Bayrou pour l’autre. La dernière ne cache pas son ancrage à gauche. Voilà pour leur engagement partisan. Mais au-delà, où sont leurs différences ? Elles sont ténues. Tous les trois inscrivent leur action dans l’acceptation des règles du libéralisme économique, tout en préconisant un autre mode de production et de consommation.

 

Autant dire qu’ils essaient de réaliser la quadrature du cercle.

 

Notez que, en soi, ce positionnement constitue un véritable engagement politique, quoi qu’en disent ceux qui prétendent à l’apolitisme de leur combat écologique. Si vous doutiez de la justesse de cette affirmation, je tiens à rappeler que tous les responsables écologistes, sans exception, ont pris position, le 29 mai 2005, lors du référendum, pour ou contre le traité constitutionnel européen. Les trois têtes d’affiche susdites ont d’ailleurs voté et appelé à voter pour ce projet. Des étoiles du mouvement écologiste de moindre magnitude ont, elles, voté et appelé à voter non.

 

Personne ne niera, j’en suis convaincu, que le traité constitutionnel avait un contenu éminemment politique, sauf à considérer que son inscription dans la perspective exclusive du renforcement des règles du libéralisme économique ne soit pas un choix politique.

 

A ce stade de ma planche, je tiens à dire que je ne fais reproche à aucun des écologistes d’avoir pris position pour ou contre le traité constitutionnel européen. Ce disant, je suis, en revanche, beaucoup plus sévère à l’encontre des écologistes qui, passé l’intermède du débat européen, se drapent à nouveau dans la posture de l’apolitisme, qui serait seul vertueux, par opposition à ceux dont l’engagement écologique serait sali par leur choix partisan.

 

Mais laissons là ces batailles picrocholines et revenons à l’essentiel, c’est-à-dire à la question : L’écologie peut-elle être apolitique ?

 

Nous venons de voir que ses hérauts, même quand ils s’en défendent, se complaisent dans la politique politicienne. Le devenir de l’humanité sur Terre vaut mieux que cela. Et là, je vais en revenir à physis et à nomos.

 

Tout d’abord je vais m’appesantir sur un paradoxe : physis, je le soulignais au début de ma planche, c’est la primauté de la loi de la nature. Or, qui dit nature dit environnement. On pourrait donc être tenté de dire que ceux qui font souvent référence au respect des lois de la nature en sont donc les meilleurs défenseurs. Mais là tout se complique.

 

Les proclamateurs du retour aux lois de la nature sont ceux-là même qui, au nom de ces lois, justifient que les relations entre les hommes ne sont mues que par l’esprit de compétition.

 

En avril 1998, je vous ai présenté un travail intitulé : La compétition : moteur du progrès ou suicide collectif ? J’y pourfendais les tenants des lois de la nature, à l’occasion lois divines, et j’y soutenais que, en résumé, avec force exemples : « La lutte pour la vie n’est pas réductible à une compétition sans règles, et le plus souvent au contraire, elle prend la forme de ce qu’il faut bien appeler une coopération, même si certains individus y laissent leur vie. »

 

Plus loin, je continuais : « La coopération m’apparaît plus que jamais nécessaire même sur le plan de la pensée, qu’elle soit rationnelle ou symbolique. Dans notre humanité, la pensée sous-tend l’action et l’action sous-tend la vie, laquelle sous-tend le devenir de notre espèce. N’oublions jamais que, heureusement, la compétition est volontairement encore freinée par la crainte de la destruction de la planète. »

 

Si j’avais un mot à changer à ce que je vous disais en avril 1998, ce serait pour dire que j’étais encore trop optimiste quand j’écrivais « que, heureusement, la compétition est volontairement encore freinée par la crainte de la destruction de la planète. »

 

Depuis lors, cette crainte de la destruction de la planète n’arrête plus les dirigeants économiques et politiques de ce monde. L’arrivée au pouvoir du sinistre Busch, début 2001 aux USA, entraîne l’humanité entière et toutes les formes de vie inéluctablement vers l’abîme, dans le silence complice des dirigeants des autres pays, profitant de la crétinisation des peuples à laquelle ils ont d’ailleurs pris une part active.

 

Partout, les Etats et les collectivités publiques, pourtant seuls dépositaires de l’intérêt général, sont tournés en dérision. Priorité est donnée aux intérêts particuliers, via les entreprises, plus précisément via les grands groupes multinationaux. Eh bien ! je ne retiens pas la doctrine selon laquelle la somme des égoïsmes individuels aboutirait à l’optimum économique. Comme Einstein dans « Comment je vois le monde ? », je pense que : « L’argent pollue toute chose et dégrade inexorablement la personne humaine. »

 

Un écologiste digne de ce nom ne peut pas faire l’économie d’une analyse de l’évolution du capitalisme. Car, ne nous y trompons pas, le capitalisme d’aujourd’hui n’est pas dirigé par des ultra-libéraux intrinsèquement mauvais, par opposition à des libéraux moins ultras qui le dirigeraient avec plus d’humanité. Rien ne tient à la qualité des hommes, tout dépend des changements structurels du capitalisme inscrits dans sa matrice.

 

Le capitalisme moderne est né il y a un peu plus de deux cents ans, et par accumulation et concentrations successives au fil des décennies, les petites entreprises, terreau du capitalisme, devenant de plus en plus grandes, ont commencé à être dirigées par leur fondateur, puis par leurs héritiers de sang, puis par des petits groupes d’actionnaires nationaux, puis par des actionnaires croisés détenant des actions dans plusieurs entreprises du même pays, puis par de gros actionnaires transnationaux, puis par des actionnaires transnationaux gros et petits. Les petits confiant la gestion de leurs économies à de grands financiers à la tête des banques, sociétés d’assurance, fonds de pension. C’est à ce stade de développement que se trouve le capitalisme aujourd’hui. Mais nous ne sommes pas arrivés au stade ultime de ces mouvements de concentration, accumulations capitalistes aidant.

 

Le résultat, c’est que le capitalisme, qui longtemps a vécu de la production et pour la production industrielle, via le travail des hommes et les investissements, devient de plus en plus un capitalisme financier anonyme se gobergeant du rapport de l’argent, via la spéculation, et de moins en moins de la production.

 

L’autre résultat, c’est que toutes les économies sont mesurées à l’aune de leur taux de croissance, sans considération du contenu de cette croissance. Toutes les activités économiques sont donc comptabilisées : celles utilement sociales, comme celles qui ne le sont pas, voire qui sont nuisibles. Si bien que l’humanité entière est engagée dans une fuite en avant, au péril des forêts, des ressources naturelles, de nombre d’espèces vivantes,….

 

Le système capitaliste mondial est donc appelé à être dirigé selon des critères encore plus contraignants que ceux d’aujourd’hui pour l’énorme majorité des hommes. Ses dirigeants nous paraîtront donc encore plus ultra-libéraux que nos plus ultra-libéraux actuels. C’est consubstantiel au capitalisme. Par égoïsme, ses dirigeants sont prêts à nous conduire jusqu’à la chute finale de l’humanité. Et le fait que le système capitaliste ait triomphé du système communiste ne le rend pas meilleur pour autant. Au contraire, et là j’en viens, paradoxalement, à regretter l’absence de concurrence.

Je ne suis pas un scientifique, mais je suis persuadé que l’irréversible est d’ores et déjà atteint. Le train du capitalisme mondial est lancé à une telle allure que, même si dès demain le genre humain était gagné par la raison, au point qu’il mette en place un système mondial philosophico-politico-économique idéal, la catastrophe n’en serait que retardée. Puissé-je me tromper.

 

Et une fois n’est pas coutume, je n’emprunterai pas à Marx, bien que je m’en réclame plus que jamais, pour vilipender le capitalisme, je m’en tiendrai au regard des catholiques sociaux sur le libéralisme, tel qu’il est publié dans l’Encyclopédie Universalis : « Le catholicisme social –ce trait est particulièrement accusé à ses origines- se présente doublement comme l’adversaire du libéralisme, non seulement il en récuse les thèses et les maximes, mais il lui impute la responsabilité des maux qui affligent la condition ouvrière : la libre-concurrence érigée en règle, l’intérêt particulier élevé à la hauteur d’un principe, le culte du progrès ont engendré cette société inhumaine. »

 

Mais même si la bataille me paraît perdue, je me battrai de toutes mes forces pour faire reculer l’échéance. Et c’est là que revient Nomos.

 

Seule la loi des hommes et non la loi de la nature, et encore moins la loi divine, peut permettre d’arbitrer entre les intérêts particuliers et l’intérêt général. Mon propos ne consiste pas à vouloir opposer ces deux types d’intérêt. Leur coexistence est nécessaire pour favoriser l’harmonie entre les hommes eux-mêmes, mais également entre les hommes et toutes les autres formes de vie sur Terre. Etant bien entendu, toutefois, que prééminence devra être redonnée à l’intérêt général, au détriment, s’il le faut, des intérêts particuliers.

 

Le choix du contenu de la croissance, par exemple, ne peut être dévolu au secteur privé. Il ne s’agit pas de produire pour produire, sans égard pour l’environnement. Si bien que l’acte de produire doit être collectivement déterminé non plus en pensant taux de croissance indifférenciée, mais en forgeant un modèle mathématique pour fixer le taux d’utilité sociale. Pour illustrer ma pensée, je prends pour exemple, a contrario, de l’ineptie économique dévastatrice de l’environnement, la pratique, se généralisant, de la production éclatée à travers le monde d’un article composite. Ainsi, dans mon exemple, l’assemblage des pièces composant cet article dont la première pièce, fabriquée en France, est ensuite assemblée avec la deuxième fabriquée en Turquie, puis avec la troisième fabriquée à Singapour, et ainsi de suite, pour enfin revenir finie en France. Que d’énergie gaspillée et de pollution générée. Or, selon les critères d’aujourd’hui fondant le taux de croissance, la multitude des allées et venues de cet article à travers le monde crée de l’activité économique de transport entrant positivement dans la détermination du taux de croissance.

 

Les tenants de la liberté façon renard libre dans le poulailler, peu soucieux de l’intérêt économique général, n’intègrent évidemment pas les coûts financiers occasionnés sur l’environnement par ces pratiques : gaspillage de fluides énergétiques en voie de raréfaction, production inconsidérée de CO2 provoquée par les transports multiples. Les peuples sont les cochons de payants de cette gabegie.

 

Pour faire cesser cette absurdité, on voit bien que seule une puissance publique mondiale, ce serait l’idéal, mais si ce n’est pas possible un service public d’échelon géographique inférieur, pourrait y mettre un frein.

 

Dans le même but, il revient à la société de déterminer les secteurs de l’activité économique devant être gérés sous le contrôle étroit de la puissance publique. Il devrait en être ainsi de la gestion de tous les fluides énergétiques en général, de celle de l’eau, de la production des médicaments, des services de l’enseignement, des dépenses militaires, des infrastructures des transports (routes, voies ferrées),….

 

Une telle organisation socio-économique va à l’encontre du tout libéral, à l’œuvre dans le monde entier. Ce disant, je ne me fais pas le chantre de la croissance zéro, encore moins de la décroissance, je défends une croissance raisonnable, mesurée à l’aune de l’intérêt général.

 

Que ce soit sous l’empire de la nécessité ou sous celui de la raison, l’heure n’est certainement pas si éloignée que cela où le genre humain, pour son salut, devra se détourner des billevesées des gourous du capitalisme. Quant à ceux qui se disent écologistes, ils ne pourront pas indéfiniment s’abriter dans le cocon du non-choix, sauf à se discréditer.

 

La domination écrasante des forces de l’argent, sous le joug desquelles nous vivons aujourd’hui, ne m’émeut guère. Sauf à accepter de se suicider collectivement, nous devrons obligatoirement passer d’une société de concurrence généralisée à une société de coopération.

 

In petto, certains d’entre-vous pensent probablement que tout n’est pas perdu, depuis que les ci-après Al Gore, ex-vice-président des Etats-Unis, et Nicholas Stern, ex-dirigeant de la Banque mondiale, nous alertent, le premier à travers son film « Une vérité qui dérange », le second par son rapport chiffrant à 5 500 milliards d’euros le coût de l’inaction face au changement climatique. Et ces frères de se dire, que s’il s’avère que les actions écologiques peuvent être un marché juteux, les financiers s’y engouffreront et dès lors tous les espoirs seront permis. Il n’est pas interdit de croire, et puis si cela en aide certains à vivre, grand bien leur fasse. Pour ma part, je persiste à dire qu’il est illusoire d’attendre la félicité d’un système fondé sur l’égoïsme.

 

Mon scepticisme se trouve renforcé par l’attitude de la quasi totalité des classes politiques à travers le monde. La nôtre ne déroge pas à la règle. Les palinodies autour de la signature du pacte écologique proposé par Nicolas Hulot ont plutôt été pitoyables. Mais là n’est pas l’essentiel. Il se trouve dans les programmes de tous les candidats à notre élection présidentielle, y compris ceux que je soutiens plus que les autres : ceux de la gauche antilibérale. Alors que chaque jour qui passe confirme la responsabilité de l’homme dans la gravité et plus encore l’urgence du péril écologique, aucun des programmes n’est infléchi radicalement.

 

Tous se situe dans la logique du gagner, du produire et du consommer toujours plus, comme dans celle de la nécessité d’un taux de croissance économique et démographique le plus élevé possible, sans considération de contenu.

 

Autant l’objectif que les plus pauvres puissent raisonnablement consommer davantage est juste, autant il faut avoir le courage de dire que ce ne sera possible que si, parallèlement, la consommation des plus riches diminue considérablement. Je vais même jusqu’à dire que cette réduction pourrait me frapper personnellement, à la marge certes, tant je suis conscient de consommer le superflu, du superflu, du superflu. Il va sans dire que, simultanément, les revenus des plus pauvres devront augmenter sensiblement, pendant que ceux des plus riches devront largement diminuer.

 

Là, je veux tordre le cou au principe, unilatéral, des vases communicants défendu par les plus fortunés, consistant à dire qu’il est difficile d’augmenter les bas salaires, au risque d’augmenter le coût du travail et donc d’affaiblir la compétitivité de notre économie. Curieusement, le même principe ne vaudrait pas pour les revenus pharamineux perçus par les plus riches. Il ne faut donc pas y toucher.

 

Ne pas poser le problème des contenus de la production, de la consommation, des taux de croissance économique et démographique, comme de celui des écarts de revenus, c’est condamner nos descendants au pire, plus vite qu’on ne le croit. Aujourd’hui cette sentence ressortit à l’utopie.

 

Les prudes disent fautivement que la masturbation rend sourd, les écologistes, dignes de ce nom, devraient dire : l’égoïsme rend à coup sûr sourd et aveugle.

 

Mais qui mieux que Albert Einstein pouvait conclure mon exposé : « Les excès du système de compétition et de spécialisation prématurée sous le fallacieux prétexte d’efficacité, assassinent l’esprit, interdisent toute vie culturelle et suppriment même les progrès dans les sciences d’avenir. »

 

Inverser cette réalité nécessite que dans le couple physis-nomos, nomos occupe enfin la place prépondérante.

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24 juin 2014 2 24 /06 /juin /2014 14:25
27 juin 2014 : débattons de la transition énergétique

Auditorium du FORUM des Marais

- Poser la question de la production d'énergie, de chaleur c'est :

- combattre la réalisation de l'hyperincinétareur d'Echillais ;

- agir pour la méthanisation des déchets ménagers ;

- fermer l'incinérateur de Port-Neuf (chef de baie) à La Rochelle.

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21 juin 2014 6 21 /06 /juin /2014 10:20
Notre-Dame-des-Landes : l'abandon, c'est maintenant !

5 & 6 JUILLET 2014

mobilisation nationale

 

Source : Coordination des opposants au projet d'aéroport mis à jour le 18 avril 2015.

- En avant vers l'abandon définitif du projet !

La préparation de notre événement de l'été se situe dans une phase charnière, où nous avons marqué des points en terme de retard des travaux, sans avoir arraché l'abandon définitif, objectif fédérateur de notre lutte.


- Nous avons tenu ! Tenu sur nos trois piliers !

  • Tenu sur la zone !

Après le séisme de l'automne 2012, et son opération César, nous avons préservé collectivement le territoire de la Zad, paysans résistants depuis longtemps installés, habitants récents, citoyens-soutiens très présents. La vie a pu continuer et des projets agricoles pérennes ont pris forme, grâce à Sème ta ZAD et au COPAIN sur la ferme de Bellevue et sur les terres menacées. Des travaux variés sur le terrain notamment avec les Naturalistes en lutte ont encore enrichi notre expertise collective et mis sérieusement à mal les propositions de « compensation » d'AGO-Vinci. Des liens se sont noués, la Zad est plus peuplée, mieux cultivée au printemps 2014 qu'elle ne l'a jamais été. La manifestation du 22 février a montré l'énormité du soutien, tant paysan que populaire, à la défense du territoire menacé. La mobilisation éclair pour Saint Jean du Tertre a sauvé la ferme et donné des garanties pour l’avenir !

 

  • Tenu sur le juridique !

Après la décision de garder ouvertes les pétitions par la Commission des Pétitions à Bruxelles en septembre 2013, et malgré la volonté des porteurs du projet de vider à nouveau la ZAD, les arrêtés autorisant le début des travaux ont tardé jusqu’à fin décembre 2013 : peut-être le préfet avait-il conscience de leur fragilité juridique... Ils ont été immédiatement attaqués, tandis que les diverses procédures concernant les expropriations - appel en Tribunal Administratif, Conseil d’État et Cassation - se poursuivent opiniâtrement. Nous venons d'apprendre le lancement par la Commission Européenne d'une procédure d’infraction contre la France, pour cause de fractionnement du dossier et d'insuffisance d'étude d'impact environnemental global !

 

  • Tenu sur le plan politique !

Si les porteurs régionaux (CR, CG, Nantes métropole...) n'ont pas été ébranlés sur leurs (mauvaises) bases, les instances politiques nationales ne peuvent plus ignorer ce dossier. Un accord politique capital a été arraché au PS, au prix d'une grève de la faim de 28 jours, en mai 2012 ; il stipulait qu’il ne pouvait y avoir d’expulsions tant que certains recours n’étaient pas menés à leur terme.


Faute peut-être d'autres choix, Jean-Marc Ayrault, encore premier ministre, a acté en février que le début des travaux attendrait le rendu de tous les recours déposés. Cette position a été confirmée par les accords de deuxième tour entre le PS et EELV lors des élections municipales de mars à Nantes et Rennes. Enfin elle a été reprise par Ségolène Royal, nouveau ministre de l'environnement. La volonté politique affichée de respecter le déroulement des procédures juridiques en cours est un premier pas. Nous attendons donc fermement et sereinement, en ne lâchant rien sur le terrain, que tous les recours, notamment ceux concernant la Loi sur l’Eau et l’autorisation de destruction d’espèces protégées, soient apurés aux niveaux national et européen.


S'ils ne peuvent en eux-mêmes représenter la victoire définitive, les retards annoncés sont néanmoins très positifs, tant il devient de plus en plus éclatant, au fur et à mesure que le temps passe, que ce projet est d'un autre âge, périmé jusqu'à l'absurde au vu des actuelles connaissances et législations !


Mais c'est l'abandon pur et simple du projet qu'il nous faut obtenir ! Celui qui permettra que les paysans et habitants vivant sur la zone puissent se projeter enfin dans l'avenir et y fassent émerger de nouveaux projets durables ; celui qui permettra l’optimisation de l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique si elle s’avérait un jour nécessaire !


Cet abandon confortera la détermination et l'espoir de tous ceux qui sont engagés dans la lutte contre les Grands Projets Inutiles et Imposés, dévoreurs de terres, de biodiversité, de ressources aquatiques ou fossiles, de subventions publiques ! 


Le rassemblement des 5 et 6 juillet sur les terres de Bellevue à Notre Dame des Landes sera précédé par des évènements et des caravanes de convergence partant de plusieurs lieux de luttes emblématiques partout en France. Soyons nombreux à les accompagner !


- En 2012, nous avons dit « La lutte, c'est maintenant ! »
- En 2013, « toujours présents, toujours résistants, plus légitimes que jamais ! Enterrons le projet ! »
- En 2014, osons dire : « l'abandon, c'est maintenant ! »


- Maintenant qu'il faut l'arracher ! La victoire définitive est à la portée de nos efforts !
- Réussissons lors du rassemblement - convergences 2014 une nouvelle mobilisation exceptionnelle !

 

Coordination des opposants au projet de Notre Dame des Landes : 50 groupes (associations, syndicats et mouvements politiques)
Notre Dame des Landes - 28 avril 2014

Notre-Dame-des-Landes : l'abandon, c'est maintenant !

- Comment rejoindre l'initiative des 5 & 6 juillet 2014 ?

Elle se traduira par différentes formes d'actions déterminées:

• "caravanes" (à pied, vélos, tracteurs, voitures...)

• points de rencontre, d'information

Pour en savoir plus...... cliquez ICI

 

- Sur le même sujet, pour en savoir plus, lire aussi :

- Par le Parti de Gauche : Notre Dame des landes, l’abandon c’est maintenant !

 

- Dernière heure : ère>

- Le 2 juillet, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a exprimè sa décision de faire procéder à des expertises complémentaires validant la possibilité d’un abandon du projet d’aéroport

 

Notre-Dame-des-Landes : l'abandon, c'est maintenant !
Notre-Dame-des-Landes : l'abandon, c'est maintenant !
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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 08:34
CEP17 saisit J.F. Fountaine pour faire avancer la Régie Publique de l'eau sur la CDA

A l'issue des élections municipales de 2014, de l'installation de l'équipe de direction de la CDA sous l'égide de J.F. Fountaine, CEP17, entend lui rappeler ses engagements.

CEP17 à l'ambition d'être acteur de la création d'une régie publique sur l'ensemble du territoire de la CDA de La Rochelle sur la base de son propre programme.

 

- Un courrier lui a été adressé en ces termes

 

CEP17 (Collectif Eau Publique 17) 23 rue des Iris17180 PERIGNY

 

Monsieur  Jean François Fountaine

Président de la Communauté d'AgglomérationDe La Rochelle

Objet : Demande de rendez-vous

 

Périgny, le 17 juin 2014

Monsieur le Président (de la CDA de La Rochelle),

Lors de la campagne des élections municipales 2014, c’est avec intérêt que nous avions pris acte de votre engagement de création d’une régie publique de l’eau sur l’ensemble du territoire de la CDA de La Rochelle.

 

C’est dans ce cadre, et au titre du Collectif Eau Publique 17, que nous souhaitons vous rencontrer, pour évoquer avec vous, les différentes problématiques liées à l'eau, et à sa distribution (notamment au travers d’une harmonisation de la politique de l’eau) sur l’ensemble des communes de la CDA.

 

Vous le savez, le 24 octobre dernier, nous avons organisé à Périgny un forum de l'eau réunissant plusieurs responsables politiques dont les députés Henry Emmanuelli, Olivier Falorni  et Suzanne Tallard, de nombreux élus municipaux ainsi que des professionnels de l'eau. Nous y avons évoqué les incohérences existantes au niveau de notre département notamment avec  la dissolution du Syndicat Nord actée par Madame le Préfet au 01 Janvier 2014, qui devrait entraîner une révision de la délégation de Service Public confiée à la SAUR.

 

Nous souhaitons, vous exposer nos propositions pour une véritable gestion publique de  l'eau qui assure  durablement la maîtrise des coûts et en instaure la transparence. Il serait souhaitable que  la gestion de ce service, essentiel à la vie de ceux qui habitent et travaillent sur ce territoire, soit entièrement contrôlée par les élus et les usagers qui en sont les seuls payeurs.

 

Par le passé, nous avions demandé et obtenu, la création d’un groupe de travail chargé, en cohérence avec le SCOT, de faire des propositions sur la gestion globale de l’eau sur le territoire de la CDA. Nous souhaiterions pouvoir évoquer avec vous sa ré-installation dans la perspective de la réalisation de notre objectif commun : une régie publique sur l’ensemble de la CDA.

 

Nous restons disponibles, Monsieur le Président pour vous rencontrer à la date qui vous conviendra.

Dans cette attente, veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos plus respectueuses salutations.

Pour le Collectif Eau Publique 17, Daniel Vince

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier Politique de l'eau

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15 juin 2014 7 15 /06 /juin /2014 09:32
Non à l'hyperincinérateur d'Echillais !

Le 16 juin 2014 - modifié le 14 décembre 2014

- A l'appel de

 

Mercredi 18 juin à 15h00 devant la gare de La Rochelle !!!

 

- Là, IL FAUT QUE VOUS SOYEZ LA EN NOMBRE.

Nous allons rendre visite à madame la préféte. Instruments de "musique" et couleur jaune. Nous ferons nous aussi notre appel du 18 juin, un appel à la résistance citoyenne.

D'autres rendez-vous sont à venir ! Restez vigilants et mobilisés !


Pour en savoir plus... cliquez ICI
 
 

- Incinération : ni à Echillais, et plus à La Rochelle (Chef de Baie) !

La France, premier pays au monde pour l’incidence des cancers hormonodépendants : les dioxines, les produits d’incinération..... mis en cause.
 
 
- Le Parti de Gauche OUEST17 opposé à l'incinération
Dans un communiqué en date du 12 décembre 2013, le parti de Gauche exprime son opposition et ses propositions.

- Ségolène Royal prend position !

Posture politique.... ou engagement a agir ?

En effet, répondant à un auditeur sur France Inter le 23 juin, elle indiquait "Je suis hostile à ce projet. Evidemment parce que c'est un incinérateur. Il y a maintenant d'autres technologies beaucoup plus protectrices de l'environnement et beaucoup plus intelligentes sur le plan de la récupération du déchet et de la transformation d'énergie."

 

- Nous avons la réponse aujourd'hui 22 août.... la politique du ni-ni

En effet, Ségolène Royal a annoncé ce vendredi à La Rochelle qu'elle n'était pas favorable à la construction d'un super incinérateur pouvant accueillir 85 000 tonnes de déchets à Echillais près de Rochefort (17). Elle revoit le projet à la baisse et veut inciter à produire moins de déchets ménagers.

 

Autour de Ségolène Royal, les élus ont décidé d’abandonner le tri mécano biologique et de réduire le tonnage brûlé dans le futur incinérateur, sans le remettre en cause.

 

Ségolène Royal de La Rochelle ne connait certaniement pas la Ségolène Royal qui est le 31 mars contre l'incinérateur de Fos sur Mer ;

 

C'est la politique du ni-ni ou des demi-mesures !
Quelle crédibilité accorder à son discours politique quant elle se déclare contre le système de l'incinération, affirmant, je dite :" L'incinération est une technologie complètement dépassée, il faut s'orienter vers la société zéro déchets".... et dans le même temps autorise un incinérateur réduit de 30% de sa capacité !
Ce n'est pas très sérieux tout ça !

 

 

- Les solutions alternatives existent

  • Commencer par réduire les déchets à la source, par exemple en négociant une charte "éco" avec la grande distribution et autres professionnels ;
  • Maire de Manspach (Haut-Rhin) et vice-président de la Communauté de communes de la Porte d'Alsace (16 000 habitants), Daniel Dietmann a réussi, il y a 23 ans, à convaincre ses collègues élus et les citoyens de réduire leurs déchets. Grâce à la tarification incitative et la pesée embarquée, les habitants de Manspach jettent deux fois moins de déchets que le Français moyen : "Chez nous, les incinérateurs tournent à vide" ;
  • Le soleil n'est pas encore levé qu'un étrange ballet commence. Chacun à leur tour, des dizaines de camions viennent déverser des tonnes et des tonnes de restes de nourriture, d'herbe coupée, de branchages. Un mois plus tard, ces déchets organiques ressortiront sous la forme d'un riche compost aussi fin que du sable. Ici, à Vacaville, à une heure de route au nord de San Francisco, se joue quotidiennement une partie essentielle de l'objectif que s'est fixé la ville californienne : parvenir, d'ici à 2020, à zéro déchet non recyclé ou composté, évitant ainsi d'utiliser des décharges ou des incinérateurs, très polluants.... Comment San Francisco s'approche du "zéro déchet" ;
  • La méthanisation est aussi depuis 1989 une nouvelle alternative pour la gestion à grande échelle des ordures ménagères. Tous les déchets organiques, à l’exception des déchets ligneux (déchets de bois), peuvent être traités par méthanisation, et notamment les déchets et effluents liquides. Les principales matières traitées de la sorte sont les effluents industriels et les boues d’épuration urbaines ou industrielles. Ce traitement se développe depuis peu en France sur les déchets ménagers (en mélange ou après collecte séparée de la fraction fermentescible) et sur les déchets agricoles (ex : le SYCTOM de l'agglomération parisienne).

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier incinération

- Incinérateur : pas à Echillais, et plus à Port-Neuf !

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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 12:09
Quand l’agriculture sert à nourrir les machines aux dépens des humains
A l'heure ou de nouveaux équipements pour la filière méthanol s'installent à La Rochelle, il est urgent que l'agglomération refuse l'implantation de sociétés intervenant dans la chaîne de fabrication des agrocarburants !

 

En effet, à l'initiative des groupes Sica Atlantique et Alkaline, (avec la société EnviroCat Atlantique) une nouvelle logistique méthanol s'installe sur le Grand Port maritime de la La Rochelle/Pallice se lance dans la production d'un composé chimique entrant dans la fabrication du biocarburant adossée à de nouveaux bacs de stockage et à un pipeline qui sera opérationnelle d'ici le 13 juin.

Il n'est pas inutile de revenir sur les enjeux préfigurés par une agriculture au service quasi exclusif de l’industrie pétrolière et chimique.

 

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Enquête par Agnès Rousseaux (22 juin 2011) pour Basta ! modifié le 02 février 2016
Basta ! a enquêté sur un empire méconnu mais tentaculaire, du nom de Sofiprotéol, leader français dans les huiles de colza, de tournesol ou de soja. Fonds d’investissement aux multiples filiales, Sofiprotéol préfigure une agriculture au service quasi exclusif de l’industrie pétrolière et chimique. Cette « pieuvre verte » est dirigée par Xavier Beulin, actuel président de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, qui a l’oreille du pouvoir.

 

- Si ce modèle se développe, l’agriculture de demain servira-t-elle encore à nourrir les êtres humains ?

En ces temps de spéculation sur les matières premières, notamment alimentaires, c’est la question que l’on peut se poser, alors que s’est ouvert à Paris le G20 agricole (juin 2011). « Nous voulons donner la parole aux paysans du monde entier. Nous avons des choses à dire en matière de lutte contre les variations de cours, l’arrivée des fonds spéculatifs, ou la constitution des stocks d’intervention », a lancé Xavier Beulin, président du premier syndicat agricole français, la FNSEA. Sous son égide, la puissante organisation compte bien apparaître comme un interlocuteur de premier choix, après avoir largement influencé la politique agricole française depuis un demi-siècle.

 

Mais qui est Xavier Beulin, le nouveau leader de la FNSEA ? Quelle vision de l’agriculture incarne-t-il ? À la tête du fonds d’investissement Sofiprotéol, l’homme ressemble davantage à un businessman qu’à un agriculteur. Sofiprotéol ? C’est l’établissement financier de la filière des oléoprotéagineux (colza, tournesol, soja). La société possède un vaste empire : leader de la production d’agrocarburants en France, impliqué dans le développement des OGM, la sélection génétique animale et végétale, dans la « chimie verte », propriétaire de la marque d’huiles Lesieur et du groupe Glon Sanders, leader français de nutrition animale. C’est fou le nombre de produits que l’on peut fabriquer à partir de fleurs de colza ou de tournesol : du carburant, de la glycérine (pour la pharmacie ou l’armement), du plastique, des détergents, des produits cosmétiques... Et accessoirement des huiles alimentaires. Résultat : sur un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros en 2010 pour Sofiprotéol, plus de la moitié est réalisé dans des débouchés industriels qui n’ont plus rien à voir avec l’alimentation humaine ou animale, dont 2,3 milliards pour les seuls agrocarburants. Quand les champs de colza commencent à ressembler à des gisements pétroliers...

 

Le monde selon Sofiprotéol préfigure-t-il l’agriculture du futur ? Est-ce un modèle partagé par ceux qui ont élu le businessman à la tête de la FNSEA ? Son élection en décembre dernier a suscité de nombreuses réactions. L’homme défend une « agriculture moderne, vivante et conquérante ». Pour Philippe Collin, porte-parole de la Confédération paysanne, il incarne surtout « une agriculture où les paysans sont sous l’emprise croissante des industries agroalimentaires. Une agriculture intégrée dans l’appareil économico-financier. En dehors des rouages macro-économiques, pas de possibilité pour les paysans d’exister. » Et Sofiprotéol, dont il est président ? « Une pieuvre, aux énormes tentacules », décrit Christian Berdot, responsable agrocarburants pour l’ONG Les Amis de la Terre.

 

- Les manipulations génétiques, solution à la malnutrition ?

Sofiprotéol est actionnaire de Biogemma, une société qui contribue à « augmenter la biodiversité » par ses travaux sur les OGM... Biogemma a mis au point un « maïs résistant à la sècheresse », grâce à l’introduction par transgénèse d’un gène de sorgho. Et la société a multiplié ces dernières années les procédures judiciaires à l’encontre de faucheurs volontaires d’OGM. Côté génétique, Sofiprotéol figure également au sein du capital de Hendrix Genetics, un des leaders mondiaux de la génétique animale. L’entreprise basée aux Pays-Bas a notamment développé des « souches de poules pondeuses qui peuvent se nourrir de tourteaux de colza sans que le goût de leurs œufs ne soit modifié ». Un débouché supplémentaire pour les producteurs d’oléagineux.

 

Hendrix Genetics possède des entreprises et « joint-ventures » dans 22 pays, elle est spécialiste des fusions-acquisitions, comme le montre son spot publicitaire. Elle se rêve en sauveuse de l’humanité. Grâce à la sélection génétique, on pourra demain nourrir 9 milliards d’humains. Fini la malnutrition. Par sa filiale ISA (Institut de sélection animale), Hendrix Genetics est l’héritier de l’entreprise bretonne Studler, qui avec l’Institut national de recherche agronomique (INRA), a fabriqué dans les années 1970 la poule «  Vedette 2 » : une poule naine aux besoins alimentaires réduits, après sélection génétique, qui en 1985 représentait 58 % du marché avicole national. La biodiversité ne fait pas partie des priorités de l’entreprise ! « Au fond, nous sommes encore des agriculteurs » [1], précise ISA sur son site. Comme si on pouvait en douter...

 

- Une côte de porc FH100 ou un rôti Galaxy 300 ?

En échange de sa participation au capital, Sofiprotéol a cédé à Hendrix Genetics sa filiale France Hybrides [2], la « plus importante société privée de génétique porcine en France ». Celle-ci propose une gamme complète de porcs, créés par amélioration génétique, et triés selon leurs qualités : la Galaxy 300 vantée pour sa « douceur maternelle », la truie FH100, dont « les options choisies » pour sa création « ont pour but d’assurer l’homogénéité du produit terminal ». On ne sait pas trop s’il est question de jambon ou du porcelet à naître... Hendrix Genetics utilise la bio-informatique pour prévoir la « valeur génétique» de ses produits. Et stocke pour ses programmes d’amélioration génétique « des millions d’informations relatives aux performances individuelles de [ses] pedigrees ». Selon Hendrix Genetics et Sofiprotéol, l’agriculture du futur se gère dans des centres de données informatiques.

 

Pourquoi Sofiprotéol, concernée par les oléagineux, s’est-elle embarquée dans l’amélioration génétique animale ? Parce que les filières animales représentent le premier débouché des productions végétales. Sofiprotéol renforce donc sa présence dans ce secteur « par des prises de participation stratégiques ». C’est cette même logique qui conduit Sofiprotéol à la prise de contrôle en 2007 du groupe agroalimentaire Glon Sanders, leader français des aliments composés pour animaux. En dominant toute la filière, de la production d’oleagineux jusqu’à la sélection des animaux qui mangeront ces produits, Sofiprotéol étend ses tentacules.

 

- Sofiprotéol, champion de la « chimie verte »

Sofiprotéol fait aussi des affaires avec l’entreprise InVivo, dans le secteur des semences, grâce à une holding commune. InVivo, premier groupe « coopératif » agricole français, s’occupe du stockage de céréales et du commerce international des grains, délivre ses conseils à l’agriculture intensive, ou investit la grande distribution (magasins Gamm Vert). L’entreprise commercialise aussi plus de la moitié des pesticides épandus en France, et consacre un milliard d’euros à la « santé végétale », par des accords de distribution avec les grandes firmes de l’agropharmacie – Syngenta, Bayer Cropscience, BASF, DuPont de Nemours [3]. Un partenariat stratégique de plus pour la pieuvre Sofiprotéol.

 

Parmi les filiales de Sofiprotéol, on trouve également deux sociétés spécialisées dans « l’oléochimie », Novance et Oléon. Cette dernière est une ancienne filiale de TotalFinaElf. Leaders du secteur en Europe, ces sociétés commercialisent des produits industriels d’origine végétale, utilisés dans les secteurs des lubrifiants, lessives, peintures ou cosmétiques... Une « chimie renouvelable », comme le décrit Sofiprotéol. Et qui protège l’environnement, précise le site du groupe. Avec le Grenelle de l’environnement, l’Union des industries chimiques s’est engagée à utiliser 15% de matières premières renouvelables dans ses approvisionnements d’ici à 2017. Sofiprotéol ne pouvait manquer d’investir dans un domaine qui constitue un débouché de plus pour la filière oléagineux. Le groupe a également lancé en Picardie un projet de bioraffinerie « Pivert », qui doit produire, à partir de colza et du tournesol, des biomatériaux pour l’emballage ou le bâtiment.

 

- Des agrocarburants financés par le contribuable

Et quand les cultures de colza, soja ou tournesol ne finissent pas transformées en lessives, cosmétiques ou emballages, on les retrouve dans les carburants. Car le fleuron de Sofiprotéol, c’est Diester Industrie, numéro un mondial du « biodiesel ». Une entreprise productrice d’agrocarburants, en situation de quasi monopole en France. Comment Sofiprotéol s’est-elle taillée la part du lion dans la production de carburants ? Dans les années 1990, transformer le colza et le tournesol en agrocarburant est 2 à 3 fois moins rentable que le débouché alimentaire. Avec sa filière Diester, Sofiprotéol va réussi un tour de force, explique Patrick Sadones, agriculteur en Seine-maritime et ingénieur agronome, qui a produit un rapport très détaillé sur le sujet. Des aides de la PAC, une attitude bienveillante des pétroliers [4], des études de l’Ademe garantissant l’efficacité énergétique de la filière... Autant d’éléments favorables qui vont lancer la production à grande échelle.

Mais quand Xavier Beulin arrive à la tête de Sofiprotéol, les agrocarburants ne sont pas encore compétitifs. Il faut trouver une solution pour vendre le Diester®. La recette ? L’obtention d’une défiscalisation des agrocarburants : l’État reverse une partie des taxes perçues sur la vente de carburants aux producteurs d’agrocarburants. En 2003, Sofiprotéol bénéficie ainsi d’une « défiscalisation » de 0,35 euros par litre de Diester® [5]. Une facture payée par le contribuable. Vient ensuite la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en 2005 : l’incorporation d’agrocarburants (esthers d’huile) devient obligatoire dans le gasoil vendu à la pompe. Les distributeurs de carburants sont contraints d’acheter ces esthers d’huile à des sites de productions bénéficiant d’un agrément. Et jusqu’en 2007, comme par hasard, seuls les sites de Sofiprotéol/Diester industries bénéficient d’un agrément… C’est ce qu’on appelle la concurrence libre et non faussée.

 

- Le Diester®, une « arnaque écologique au bilan catastrophique »

« Sofiprotéol ne tolère aucun concurrent sur le territoire national », explique Patrick Sadones. « Et les distributeurs de carburants ont dû payer 880 euros le mètre cube de Diester® vendu par Sofiprotéol, contre 360 euros pour un mètre cube de gasoil ». L’affaire est juteuse. Au point que selon Henri Prévost, ingénieur général du Corps des mines et auteur d’un rapport pour le gouvernement en 2005, les nouvelles usines d’estérification sont amorties en deux ans… « Sofiprotéol est extrêmement puissant. Les pétroliers sont aujourd’hui captifs, et Sofiprotéol ne prend pas de gants pour fixer les prix », estime Patrick Sadones. Le monopole s’est depuis fissuré, mais Sofiprotéol fournit encore les trois quarts du marché. Même le groupe Total, associé au géant Neste Oil qui exploite la plus grosse unité d’estérification du monde à Singapour, n’a pas obtenu du gouvernement l’agrément pour les 200.000 tonnes qu’il prévoyait de produire à Dunkerque. Résultat ? « Tous les ans, les distributeurs de carburants sont face à un seul opérateur, qui a juste ce qu’il faut à vendre, et ils sont obligés d’acheter », accuse l’ingénieur agronome. Et « Sofiprotéol continue son racket » : pour chaque litre de diesel vendu à la pompe, les automobilistes payent 3,5 centimes et l’État verse 0,5 centime (coût de la défiscalisation) pour les agrocarburants de Sofiprotéol.

 

Un surcoût qui pourrait avoir du sens, s’il contribuait à développer une énergie renouvelable et à diminuer les gaz à effet de serre. Mais pour Patrick Sadones et la Confédération paysanne, aucun doute : le Diester® est une « arnaque écologique » et son bilan est « catastrophique ». Une nouvelle étude de l’Ademe, publiée en 2010, rectifie les résultats de l’étude précédente (2002) concernant l’efficacité énergétique de cet agrocarburant. Malgré les progrès techniques, les chiffres sont bien moins favorables au Diester® [6]. « Même l’augmentation du pétrole au-delà de 150 dollars le baril ne rendra pas le Diester® compétitif », conclut Patrick Sadones.

 

Surtout, le Diester® pollue. L’étude de l’Ademe estime que l’utilisation de Diester® réduit de 57% les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’équivalent en gasoil. « Mais il faut raisonner à production alimentaire constante : un agriculteur qui signe un contrat avec Diester industrie, cela signifie une déforestation à l’autre bout du monde pour maintenir la production mondiale en huile alimentaire, explique Patrick Sadones. Si on inclut ce changement d’affectation des sols, sur 20 ans, le Diester® est 2 fois plus mauvais que le gazole en terme d’émissions de gaz à effet de serre. »

 

- Estérification ou désertification

Qu’importe, la pieuvre verte cherche aussi à étendre ses tentacules en Afrique. Le rachat de l’ex-Compagnie française de développement du textile (Sodaco), présente en Afrique de l’Ouest, au Maroc ou à Madagascar a échoué. Mais l’ancien président fondateur de Sofiprotéol, Jean-Claude Sabin, préside le conseil de surveillance de la société française Agro Energie Développement (Agroed), qui mène des projets de développement des agrocarburants au Mali, au Burkina Faso, ou en Guinée [7]. L’éventuelle expansion de Sofiprotéol en Afrique pourrait avoir de lourdes conséquences pour les agriculteurs locaux.

 

En 2010, les agrocarburants représentent en France l’équivalent de 109% de la production nationale de graines oléagineuses [8]. La production d’huile végétale est entièrement détournée de l’alimentation vers les carburants, ce qui entraîne des importations d’huile. Saipol, filiale de Sofiprotéol et propriétaire de Lesieur, en a d’ailleurs fait les frais en 2008 : 40.000 tonnes d’huile de tournesol, importées d’Ukraine, avaient été coupées au lubrifiant pour moteur. Saipol se déclare victime d’une fraude organisée, mais sa gestion de la crise a été très critiquée.

 

Surtout, l’importation notamment d’huile de palme provoque des déforestations importantes. « Ce changement d‘utilisation des sols provoque des émissions de CO2 considérables et l’utilisation de Diester® en substitution au gasoil, au lieu de réduire les émissions de gaz à effet de serre, pourraient les augmenter d’approximativement de 8 millions de tonnes d’équivalent CO2 ! », expliquent, dans un communiqué commun, Greenpeace, Les Amis de la Terre et le Réseau action climat. Sans oublier que la demande européenne en agrocarburants participe à la flambée des prix des matières premières agricoles et contribue à la spéculation sur les denrées alimentaires. Au total, on est loin des promesses écologiques de Sofiprotéol !

 

« La réussite de Sofiprotéol repose sur une imposture », résume Patrick Sadones. « Et l’élection de Xavier Beulin à la tête de la FNSEA est révélateur d’un syndicat qui ne sait plus quoi faire. Il comptait sur son poids politique, et, aujourd’hui, l’État n’a plus de marges de manœuvre pour satisfaire ses revendications. Alors on va se jeter dans les bras de ce gars-là, en se disant que c’est un modèle pour les autres filières. » La logique tentaculaire et l’intégration de la filière, des semences jusqu’aux produits de consommation finale, seraient-ils la solution d’avenir pour les acteurs agricoles ? Sofiproteol est sur tous les fronts : de ses 30.000 tonnes de sauces et mayonnaises, à la promotion de l’Isio ActiStérol, « première sauce salade qui réduit le cholestérol », en passant par les œufs Matines, Ovipac, Ovifrance (oeufs en poudre), la viande de porc, ou les conseils à l’élevage (« Sanders, 30 ans d’innovations en lapin »), les produits vétérinaires et médicaments pour animaux de compagnie (Sogeval), les produits phytosanitaires (« TH5, le désinfectant méchamment concentré »)... On s’éloigne de la filière des oléagineux.

 

- Le « pouvoir des fleurs » de Sofiprotéol

Les ambitions de Sofiprotéol ne se limitent pas à la production agricole. Avec le groupe d’informatique agricole Isagri, il vient de racheter le groupe de presse France Agricole. Celui-ci édite notamment la revue du même nom, hebdomadaire professionnel le plus diffusé en Europe, tiré à 150.000 exemplaires. France Agricole gère aussi le réseau communautaire du monde agricole, Agrilink. « Contrôler la presse agricole est un bon moyen pour remporter les élections professionnelles », souligne Patrick Sadones. Et l’excédent brut d’exploitation de 300 millions d’euros prévu en 2011, comme pour les années précédentes, laisse quelques marges de manœuvre à Sofiprotéol pour investir dans des secteurs encore inexplorés.

 

L’avenir de l’agriculture sera-t-il à l’image de Sofiprotéol ? Xavier Beulin sera en première ligne dans les actuelles négociations du G20 agricole, dans celles sur la réforme de la PAC de 2013, dans les discussions de l’OMC, dans la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’agriculture… « Qui aurait imaginé que le pouvoir des fleurs deviendrait un modèle économique d’avenir ? », titre la nouvelle campagne de pub de Sofiprotéol. Le « flower power » ? Sans doute pour montrer qu’avec quelques fleurs de colza, on peut construire un rapport de force qui fait plier gouvernement et multinationales. Mais les agriculteurs en profitent-ils vraiment ? Pas sûr. Entre OGM, agrocarburants et chimie verte, l’agriculture que nous prépare Sofiprotéol ne fait pas vraiment envie.

 

Notes :

[1(« At heart we still are farmers »)

[2Filiale génétique porcine de Glon Sanders

[3Et le pôle fertilisants d’InVivo traite chaque année 1,2 million de tonnes de « produits de nutrition du sol et des plantes ».

[4Ils préfèrent intégrer du Diester® à leur gasoil plutôt que d’importer du gasoil de Russie

[5Ce qui équivaut à une subvention publique de 153 euros par tonne de graines de colza produites pour le Diester®. Source : Patrick Sadones, Xavier Beulin et le Diester : petite histoire d’une grosse arnaque

[6Selon l’Ademe, on passe d’une « efficacité énergétique » de 2,99 à 2,16 entre les deux études, bien loin du chiffre annoncé par Xavier Beulin de 3,5

[7L’ancien ministre de la Défense Charles Millon est également actionnaire et membre du conseil de surveillance d’Agroed. Il a été l’objet en 2008 d’une enquête préliminaire pour « abus de biens sociaux », « faux » et « recel » concernant un détournement présumé de fonds de cette société

[8En 2010, selon l’USDA, la capacité d’estérification en France était de 2,9 Mt d’huile alors que la production française était de 2,646 Mt (6,3 Mt de graines d’oléagineux contenant 42% d’huile). Source : Agreste - Bilan conjoncturel 2010 - n°7-Octobre- Novembre 2010

 

Sur le même sujet, lire aussi :

- Les agrocarburants utilisés en Europe accélèrent bel et bien la déforestation

- L’incroyable rente des agrocarburants

- Allemagne. L’agriculture, autre faussaire du développement durable

- Agrocarburants, un remède qui aggrave le mal ?

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 21:54
Le fleuve Charente un petit matin d'hiver

Le fleuve Charente un petit matin d'hiver

Il est aujourd'hui prouvé que la Charente est le fleuve le plus pollués de France[0]

 

En valeur absolue, la France fait partie, en 2021, des trois plus gros consommateurs européens de pesticides avec l'Espagne et l'Italie[6].

 

 

Le 30 avril 2014, le journal local Charente libre[1] mais aussi Sud-Ouest[0] le 9 mai, débusquaient l'information issue d'un rapport du ministère de l'écologie :" Les pesticides dans les eaux douces "[1bis] :  La Charente serait le fleuve le plus polluée de France sur la section allant de Angoulême à Saintes.
En effet le rapport indique clairement notre zone géographique comme ayant le maximum de pollution aux pesticides en France : 6,2 µg/litre.
A partir de 0,5 µg/L l'eau est impropre à la consommation et à partir de 5 µg/L l'eau est réglementairement impropre a produire de l'eau potable (c'est à dire que l'on ne peut pas la dépolluer)....

Usine Timac à Tonnay-Charente : juillet 2023, le média d’enquête Vakita révèle des pollutions d'arsenic dans la Charente[2]...

Et qui en parle.... à La Rochelle, 3 volumes de Saintonge (l’usine de production d’eau de la Communauté d’Agglomération prélève l’eau sur le fleuve Charente à Coulonge près de Saintes) pour 1 volume d’Aunis (eau provenant des captages d’eau souterraine de Fraise, situés sur Vérines et Anais et celui de Varaize, sur Périgny) constituent la base de l’eau consommée au robinet[5].... quelle conséquence pour la santé de cette eau provenant du fleuve le plus pollué de France ?

 

 

Source : Citoyen de Cognac le blog de Pierre-Alain Dorange (pad) | mis à jour le 05/02/2024

- Situation très critique
Le même rapport accuse explicitement le secteur agricole qui fait grand usage de pesticides, herbicides et autres intrants ; notamment en viticulture et notamment dans le Cognaçais ou le rendement prime sur la qualité du raisin...

Suite au début de polémique le rapport a été amendé et précise désormais que "les données de ce secteur (le notre) sont fortement influencées par une contamination isolée et non nécessairement représentative du secteur dans sa globalité" (sic).

Ce rapport a été établi avec les données récoltées par les réseaux de stations de mesure des cours d'eau et des eaux profondes (nappes phréatiques) en 2011. Pour chaque secteur une moyenne a été effectuée pour les stations qui ont fait au moins 4 mesures dans l'année.

Sur notre secteur cela concerne 12 stations de mesures des eaux de surface (avec leur concentration du pesticides en 2011, le lien renvoi vers le résumé des mesures de la station, les données brutes sont disponibles tout en bas de chaque page) :

  • Javrezac (Antenne) 0,18 µg/L 
  • Migron (Dandelot) 0,08 µg/L 
  • Mons (Antenne) 0,09 µg/L 
  • Thors (Briou) 0,32 µg/L 
  • Nercillac (Soloire) 2,67 µg/L 
  • Reparsac (Tourtat) 72,92 µg/L 
  • Bréville (Soloire) 0,94 µg/L 
  • Nersac (Boème) 0,54 µg/L 
  • Merpins (Charente) 0,05 µg/L 
  • Saint-Simeux (Charente) 0,07 µg/L 
  • Trois-Palis (Charente) 0,21 µg/L 
  • Saint-Michel (Eaux Claires) 0,13 µg/L 
  • Le Tourtat

La station du Tourtat est en effet atypique (73 µg/L en moyenne en 2011) et explique en grande partie la forte moyenne de 6,2 µg/L, on notera bien sur que la station proche de Nercillac présente aussi ue valeur forte, ainsi qu'a Bréville : c'est donc toute la Soloire qui est touchée.
Ensuite vient Nersac sur la Boème, puis Thors sur le Brioux et Trois-Palis aux Eaux Claires...
Tout ceci sont des moyennes annuelles, au Tourtat la valeur maximale a été d'environ 120 µg/L le 6 juin 2011.



- Glyphosate
Lorsque l'on consulte les données par polluants de cette station, c'est la Glyphosate et l'AMPA (un sous-produit du Glyphosate) qui représente très largement ce pic de pollution.

 

Le glyphosate est un désherbant total foliaire systémique, c’est-à-dire un herbicide non sélectif absorbé par les feuilles et ayant une action généralisée, autrefois produit sous brevet, exclusivement par Monsanto à partir de 1974, sous la marque Roundup. Le brevet est tombé dans le domaine public en 2000, d'autres sociétés produisent désormais du glyphosate.

C'est donc un désherbant très utilisé car il n'attaque que les feuilles (défoliant) et peu donc être pulvérisé au sol sur les mauvaises herbes, sans avoir trop d'effets sur la vigne...

Le glyphosate se dégrade dans l'eau, mais pas son principal sous-produit l'Acide Aminométhylphosphonique (AMPA). C'est donc le Glyphosate et l'AMPA que l'on retrouve dans les sols et l'eau.

Les mesures brutes de la station du Tourtat à Réparsac :

 

- Un cas isolé ?
Le message officiel est a ce stade, "un cas isolé" mais on voit bien que le rapport prend tout de même des pincettes en précisant "[...]contamination isolée et non nécessairement représentative du secteur dans sa globalité"

En consultant les autres stations ont constate surtout que très peu mesure le Glyphosate, difficile donc d'en déduire si ce polluant particulier se retrouve plus en aval...


 

- Les eaux souterraines
Toutefois un autre indicateur du rapport d'origine est peu commenté : la carte de la pollution des eaux souterraines. Celles-ci sont le reflet de la pollution de long terme qui finit par s'infiltrer au plus profond dans les nappes phréatiques. Or là encore notre secteur est en rouge écarlate sur la carte (comme d'autre).
 

  • Il est aujourd'hui prouvé que la Charente est le fleuve le plus pollués de France[0].

 

 

- Comment s'en étonner ?

Une carte qui représentant les chiffres des ventes du glyphosate en France révèle qu'entre la vigne, les céréales et le maraîchage, les cultures de Nouvelle-Aquitaine sont particulièrement friandes de ce pesticide, pourtant classé comme cancérogène probable.[3]

 

Pollution du fleuve Charente : glyphosate et autres pesticides......

 

- Conséquence de la qualité des eaux de ruissellement sur la conchyliculture à Marennes-Oléron

Face à la mortalité des huitres, la qualité des eaux douces est mise en cause.

Le développement de cultures intensives dans les marais agricoles entraîne à la mer, avec les eaux de drainage, des résidus de produits phytosanitaires (les plus importants en quantité étant des herbicides).

 

Ces produits, dont les études éco-toxicologiques commencent à montrer la nocivité pour la flore et la faune marines, sont entraînés sous forme soluble ou absorbés sur les particules de sol (d'où l'importance de la bonne stabilité structurale des sols cultivés, ce qui n'est pas toujours le cas en marais). Rappelons que le marais n'est pas seul en cause: il est aussi l'exutoire du bassin versant.[4]

 

 

- Pour terminer des photos de 4 vignes réalisées le 21 mai 2009 qui montre 4 pratiques agricoles différentes

  • 2 qui usent clairement d'herbicides foliaires (type Glyphosate donc)
  • et 2 qui n'en usent pas

Dans l'ordre : Aucun traitement - Labouré (1 rang sur 2) - Désherbé au défoliant, admirez la camaïeu de beige - la dernière : Là je sais comment c'est fait, y'a rien qui pousse sauf la vigne
Dans l'ordre : Aucun traitement - Labouré (1 rang sur 2) - Désherbé au défoliant, admirez la camaïeu de beige - la dernière : Là je sais comment c'est fait, y'a rien qui pousse sauf la vigne
Dans l'ordre : Aucun traitement - Labouré (1 rang sur 2) - Désherbé au défoliant, admirez la camaïeu de beige - la dernière : Là je sais comment c'est fait, y'a rien qui pousse sauf la vigne
Dans l'ordre : Aucun traitement - Labouré (1 rang sur 2) - Désherbé au défoliant, admirez la camaïeu de beige - la dernière : Là je sais comment c'est fait, y'a rien qui pousse sauf la vigne

Dans l'ordre : Aucun traitement - Labouré (1 rang sur 2) - Désherbé au défoliant, admirez la camaïeu de beige - la dernière : Là je sais comment c'est fait, y'a rien qui pousse sauf la vigne

Notes :

[0] La Charente, fleuve le plus pollué de France

[1POLLUTION EN CHARENTE: LES VITICULTEURS ACCUSÉS ET SURTOUT VICTIMES

[1bisPesticides : du poison dans l'eau de la Charente

[2] Usine Timac à Tonnay-Charente : le média d’enquête Vakita révèle des pollutions dans la Charente

[3] Les agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine sont particulièrement friands de glyphosate

[4] Conséquence de la qualité des eaux de ruissellement que la conchyliculture à Marennes-Oléron

[5] D'où provient l'eau du robinet à La Rochelle ?

[6En valeur absolue, en 2021, la France fait partie des trois plus gros consommateurs européens de pesticides avec l'Espagne et l'Italie.

 

Pour en savoir plus :

- L’eau se ressource grâce à l’agriculture bio

- La pollution de l’eau d’origine agricole en France et en Europe

- L'oxygène disparaît de cours d'eau comme le Saint-Laurent

- Pertuis charentais et Gironde deviennent le 7e parc naturel marin français

- Seulement 12 % des eaux du bassin de la Charente sont en bon état

- Charente: le fleuve où la mort coule tranquille

- Entre Saintes et Pons : alerte à la pollution nitrates de l’eau

- Des milliers de cours d’eau sont rayés de la carte de France, et s’ouvrent aux pesticides

- Charente-Maritime : une eau non conforme mais sans risque, mais qui a un coût

- Développer l'agriculture bio pour préserver la qualité de l'eau ?

- Environnement | La Charente-Maritime à la reconquête de la qualité de l’eau

- Charente-Maritime octobre 2018 : les ventes de pesticides explosent depuis dix ans et sur le podium pour le glyphosate

- Charente-Maritime : l’utilisation des pesticides continue d’augmenter

- Les huîtres sont malades, l’Ifremer est attaqué

- LES HUITRES DE LISTREC un bien commun en danger

- Le maire de Saint-Vaize (17) monte au créneau après des traitements dans une zone proche de puits de captage d’eau potable desservant La Rochelle et l’est du département.

- Eau en Charente-Maritime : des cas de pollution qui interrogent par CEP17

- Fleuve Charente : 15 millions d’euros pour préserver la qualité des milieux aquatiques et de l’eau potable

- Charente-Maritime : les plans d’Eau 17 pour économiser la ressource « Nous sommes à un tournant. En Charente-Maritime, seulement 20 % des eaux sont exemptes de pesticides.

- La Charente-Maritime, premier département consommateur de glyphosate en 2020

Repères

Le syndicat des eaux estime le coût global à 500 000 euros pour le forage de Sainte-Lheurine et 300 000 euros pour celui de Fontaines d’Ozillac. De gros travaux de génie civil sont à prévoir avec d’imposantes cuves. En bref, il va falloir revoir toute la tuyauterie. " Le charbon actif réagit très bien à l’atrazine, confirme Jacques Lépine, hydrogéologue du Syndicat des eaux. Cela fonctionne par adsorption : la molécule se colle au charbon actif. Il est ensuite envoyé dans des centres ou brûlé pour être régénéré. "

95. C’est le nombre de molécules de pesticides recherchées par l’Agence régionale de santé (ARS) dans les eaux du département. Des pesticides interdits ou autorisés, comme par exemple le glyphosate. 3 000 analyses sanitaires sont réalisées chaque année par l’ARS.

400. Captages fermés ces 30 dernières années, pour moitié à la suite de problèmes de qualité (nitrates et/ou pesticides), sur le territoire de l’ancienne région Poitou-Charentes.

1,4. C’est, en million d’euros, la somme engagée en Charente-Maritime par le programme régional Re-sources. Sur la période 2015–2020 il s’adresse aux utilisateurs potentiels de fertilisants azotés et de produits pesticides (agriculteurs, services municipaux, services de l’équipement, jardiniers amateurs…).

- " Sur qui ça va tomber ? " : les habitants de la plaine d'Aunis inquiets face aux pesticides

- Taux records de prosulfocarbe en Charente-Maritime : un maire demande au gouvernement de " prendre ses responsabilités" en appliquant "un moratoire "

- Fongicide dans l’eau de Charente-Maritime : « Là, on est dans le mur », s’inquiète le syndicat Eau 17

 

 

Algues vertes dans les pertuis Charentais

- Les algues vertes prolifèrent sur l'île de Ré. Un signe de la dégradation de l'eau des pertuis

- Algues vertes dans l’île de Ré : le député Olivier Falorni interpelle Nicolas Hulot

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30 mai 2014 5 30 /05 /mai /2014 12:18
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La Rochelle avait une longueur d'avance avec ses vélos..... elle a maintenant beaucoup de retard dans bien des domaines !

Et si, sur la CDA de La Rochelle on prenait la question à bras le corps !

 

Source : Le Monde.fr | Alexandre Pouchard (San Francisco, envoyé spécial)

Le soleil n'est pas encore levé qu'un étrange ballet commence. Chacun à leur tour, des dizaines de camions viennent déverser des tonnes et des tonnes de restes de nourriture, d'herbe coupée, de branchages. Un mois plus tard, ces déchets organiques ressortiront sous la forme d'un riche compost aussi fin que du sable. Ici, à Vacaville, à une heure de route au nord de San Francisco, se joue quotidiennement une partie essentielle de l'objectif que s'est fixé la ville californienne : parvenir, d'ici à 2020, à zéro déchet non recyclé ou composté, évitant ainsi d'utiliser des décharges ou des incinérateurs, très polluants.

 

Pour parvenir à ce but jamais atteint par une aussi grande ville dans le monde, San Francisco fait preuve de volontarisme politique et multiplie les initiatives législatives. Dernière en date, l'interdiction de la vente et de la distribution de petites bouteilles d'eau en plastique dans les espaces publics de la ville, adoptée à l'unanimité par le conseil municipal début mars et qui entrera en vigueur en octobre (sauf lors d'événements majeurs sur la voie publique, comme la Gay Pride). A la place, seront installées de nombreuses fontaines d'eau et des gobelets compostables pourront être distribués pendant des événements.

 

« Les bouteilles d'eau en plastique coûtent cher à produire et ont un coût environnemental considérable. Il lui faut mille ans pour qu'elles se dégradent », a justifié le conseiller municipal David Chiu, à l'origine d'une mesure qui mentionne le risque pour la santé, des composés chimiques comme les phtalates pouvant s'infiltrer dans l'eau et « perturber les hormones et ainsi accroître le risque d'infertilité, de cancer et de fausses couches ». « Si nous pouvons les interdire dans l'espace public, que les gens comprennent que c'est totalement faisable, alors nous pourrons aller plus loin », a ajouté M. Chiu. Autrement dit, envisager une interdiction totale.

Lire aussi : Le système "zéro déchets" de San Francisco en 7 questions

 

 

- « On nous a traités de fous »

Etape par étape, voilà la méthode qu'a adoptée San Francisco depuis le vote de l'objectif « zéro déchet », en 2002. « La Californie s'était déjà fixé un objectif de 50 % de recyclage d'ici à 2010. Mais nous voulions aller plus loin, raconte Jared Blumenfeld, ancien directeur du département de l'environnement de San Francisco et actuel directeur régional de l'Agence de protection environnementale (EPA). Nous nous sommes mis d'accord sur l'objectif ambitieux du zéro déchet puis sur une date à la fois assez lointaine pour nous donner les moyens de l'atteindre mais aussi assez proche pour que tout le monde se sente aussitôt concerné. » Ce sera 2020, avec un point d'étape de 75 % en 2010.

 

Tout restait alors à faire. « On nous a traités de fous », sourit-il. Mais une étude menée à ce moment-là avait montré que 90 % des déchets finissant dans les décharges pouvaient être recyclés, et que la part la plus importante était la nourriture. Or « nous ne voyons pas les déchets comme une charge, mais comme une valeur, ils peuvent être utilisés », explique Robert Reed, chargé des relations publiques à Recology, la coopérative qui collecte et traite les déchets de San Francisco.

 

C'est ainsi que le département de l'environnement a commencé par cibler les hôtels et les restaurants, très nombreux à San Francisco... et qui génèrent beaucoup de déchets organiques. « Nous avons commencé par un hôtel test, le Hilton, qui sert 7 500 repas par jour, et nous avons mis en place un système simple : les poubelles des recyclables et des compostables coûtent beaucoup moins cher, chaque mois sur la facture, que celles des déchets non recyclables, explique Jared Blumenfeld. Si vous recyclez et compostez tous vos déchets, alors vous aurez besoin de moins de poubelles 'normales', ou bien des plus petites. Et vous économiserez de l'argent. »

 

Chaque habitant de San Francisco est désormais habitué à trier ses déchets dans trois poubelles : en noir, celle destinée à la décharge ; en vert celle pour le compost ; et en bleu les recyclables.

Chaque habitant de San Francisco est désormais habitué à trier ses déchets dans trois poubelles : en noir, celle destinée à la décharge ; en vert celle pour le compost ; et en bleu les recyclables. | Alexandre Pouchard/LeMonde.fr

Le système est une pleine réussite : en un an, le Hilton économise 200 000 dollars (145 000 euros) et l'initiative est alors très vite étendue à l'ensemble des professionnels. Le système est également proposé, sur une base volontaire, aux habitants qui le souhaitent. « En quatre ans, entre 2001 et 2005, nous sommes passés de 42 % à 60 % de nos déchets qui étaient recyclés », se félicite Jared Blumenfeld.

 

 

- Sacs plastiques bannis

Une des parties peu visibles des déchets, mais néanmoins importante, est l'ensemble des débris générés par le secteur de la construction. Après deux ans de négociations, la ville oblige en 2006 tous les professionnels du bâtiment à recycler au moins 65 % de leurs débris tels le béton, le métal ou encore le bois, dans des centres agréés. Une suspension de six mois est prévue pour les contrevenants. En parallèle, la ville s'engage à n'utiliser que des matériaux recyclés pour des travaux publics comme l'asphalte, les trottoirs ou encore les gouttières.

 

Mais tout cela ne suffit pas. En 2007 et 2008, le taux de récupération des déchets stagne aux alentours de 70 %, alors que la ville s'était fixé 75 % en 2010. San Francisco passe alors une étape supplémentaire avec deux décisions touchant directement au quotidien des habitants. Les sacs plastiques sont tout d'abord bannis des supermarchés, avec obligation d'utiliser des sacs en papier ou en plastique compostable – payants, pour inciter les clients à ramener leur propre sac.

Lire : L'interdiction des sacs en plastique se mondialise

 

Puis, en 2009, le recyclage et le compostage sont rendus obligatoires pour tous les habitants. Le même système est appliqué : chaque maison et immeuble reçoit une facture détaillée et peut l'alléger en utilisant de moins en moins la poubelle « normale » pour préférer  celles dédiées au recyclage et au compostage. Des contrôles sont effectués régulièrement et des avertissements sont suivis d'amendes pour les contrevenants, pouvant aller de 100 à 1 000 dollars (73 à 730 euros). « Cela a été notre mesure la plus controversée, admet Jared Blumenfeld. On nous a accusés de mettre en place une "police environnementale". Nous avons longuement expliqué que ce n'était pas le cas et que tout le monde avait à y gagner. Si nous l'avions tout de suite rendu obligatoire, cela n'aurait pas marché, il fallait que ce soit progressif. »

Lire l'interview : « Un système de zéro déchet coûte moins cher »

 

 

- « Le compost n'a que des effets bénéfiques »

L'effort paye : la ville atteint 77 % de recyclage en 2010 et a aujourd'hui dépassé les 80%.

 

Quelque 600 tonnes de déchets organiques sont récupérées chaque jour et envoyées au centre de Vacaville, où est produit un compost très convoité par les agriculteurs. Comme Dave Mella, qui gère le vignoble Chateau Montelena dans la Napa Valley. « Le compost est très riche car il est constitué de multiples déchets organiques et il n'a que des effets bénéfiques : il fixe le carbone dans le sol et apporte beaucoup de nutriments à la vigne. » Dave Mella utilise le compost de Recology depuis bientôt dix ans. Ce fut d'abord un pari pour ce domaine qui a acquis une notoriété mondiale en remportant une dégustation à Paris en 1976 devant des vins français – et dont un livre, Le Jugement de Paris puis un film, raconteront l'histoire. « J'étais terrifié à l'idée de changer le vin, confie Dave Mella. J'ai d'abord testé le compost sur une petite partie du domaine, puis je l'ai progressivement étendu car le vin était meilleur... et c'est meilleur pour le sol ! »

 

Malgré tout, San Francisco n'a pas encore atteint les 100 % et la dernière partie s'annonce la plus difficile. « Nous y arriverons, assure Robert Reed, de Recology, quand on lui oppose notre scepticisme. La moitié des déchets encore envoyés dans les décharges peuvent être recyclés. Nous devons accentuer notre effort. Par exemple, sensibiliser les habitants sur le fait qu'ils recyclent beaucoup dans la cuisine, mais n'ont souvent qu'une seule poubelle dans la salle de bains, avec des déchets qui se retrouvent à la décharge alors que des éléments pourraient être recyclés. » Et pour le reste ? « Nous devons agir directement à la source, sur le packaging, comme l'interdiction du polystyrène et du cellophane et développer l'usage des couches-culottes lavables et réutilisables, car c'est quelque chose que nous ne pouvons pas recycler. »

Lire : Plastique, l'ennemi intime

 

Quel que soit le résultat en 2020, les efforts auront été immenses et San Francisco entraîne désormais d'autres grandes villes américaines dans son sillage. Après Seattle, dans l'Etat de Washington (nord-ouest), la ville de Minneapolis, dans le Minnesota (nord), ne recycle que 37 % de ses déchets mais s'apprête, elle aussi, à adopter l'objectif 100 %.

 

 

- Les centres de recyclage « communautaires » menacés

Le "Community Center" de Market Street, le seul dans le centre de San Francisco, a reçu un avis d'éviction pour le 1er juillet.

Le "Community Center" de Market Street, le seul dans le centre de San Francisco, a reçu un avis d'éviction pour le 1er juillet. | Alexandre Pouchard/LeMonde.fr

 

Dans la ville qui vise à recycler 100 % de ses déchets, ils sont une partie importante. Les centres « communautaires » permettent à chacun de récupérer la « consigne » encore en vigueur en Californie sur les bouteilles en plastique et en verre ainsi que sur les canettes en aluminium. Rapporter ces dernières constitue une source de revenus non négligeable pour les sans-abris et les plus modestes. Mais plusieurs de ces centres ont été contraints de fermer en moins d'un an. « De mauvais comportements ont lieu près du centre et le vol dans les poubelles du voisinage sont en augmentation », a argué Scott Weiner, conseiller municipal de San Francisco qui soutient la fermeture du « Community Center » de Market Street, le plus important et le dernier dans le centre de la ville.

Lire : La radicalisation des "anti-high-tech" bouscule San Francisco

 

Mais bon nombre dénoncent un effet de la « gentrification » à l'œuvre dans San Francisco. « Il y a eu quelques problèmes dans le quartier mais pas par ceux qui viennent recycler. Ils ne veulent tout simplement pas voir les pauvres qui viennent ici, dénonce Stosh Wychulus, un voisin du centre, utilisateur régulier et mobilisé contre sa fermeture. San Francisco a la plus grande inégalité de revenus et elle s'accroît à un rythme effrayant. Enlever aux pauvres gens cette source de revenus ne fera que précipiter leur fin. » Malgré tout, le supermarché Safeway, propriétaire du terrain et qui n'a pas donné suite à nos sollicitations, a donné au centre jusqu'au 1er juillet pour plier bagages. Sans qu'une solution ne soit prévue.

Comment San Francisco s'approche du « zéro déchet »

- Pour accéder à la vidéo, cliquez ICI

 

Note :

(1) Décharge près de San Francisco. Le "taux de récupération des déchets", c'est-à-dire récupérés pour le recyclage et le compostage, atteint aujourd'hui 80 % dans la ville. | Alexandre Pouchard/LeMonde.fr

 

- Du même auteur lire aussi :

- L'arsenal législatif de San Francisco pour arriver au « zéro déchet »

- Comment San Francisco fabrique son compost

 

Pour en savoir plus :

- San Francisco transforme tous ses déchets en montagne d’argent et d’emploi. On l’imite quand ?

- Record : la Suède recycle 99% de ses déchets ménagers

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28 février 2014 5 28 /02 /février /2014 17:57

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Source : LeMonde.fr

Et si La Rochelle n’y est pas..... c’est qu’elle est en onzième position ou plus si affinité !

Pour en savoir plus..... et lire la suite....

 

Une pensée à ceux qui se référent à l’héritage de Michel Crépeau..... et qui assument le quotidien...

Que dirait Michel Crépeau de ce palmarès ?

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