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4 mars 2016 5 04 /03 /mars /2016 09:35
Le néolibéralisme est un fascisme

Du "National socialisme " au " National libéralisme "...

 

Sources : Le Soir le 2 mars 2016 par Manuela Cadelli, présidente de l’Association Syndicale des Magistrats belge | mis à jour le 16/02/2023

- Le temps des précautions oratoires est révolu

Il convient de nommer les choses pour permettre la préparation d’une réaction démocrate concertée, notamment au sein des services publics.

 

Le libéralisme était une doctrine déduite de la philosophie des Lumières, à la fois politique et économique, qui visait à imposer à l’Etat la distance nécessaire au respect des libertés et à l’avènement des émancipations démocratiques. Il a été le moteur de l’avènement et des progrès des démocraties occidentales.

 

  • Le néolibéralisme est cet économisme total qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque. C’est un extrémisme.
  • Le fascisme se définit comme l’assujettissement de toutes les composantes de l’État à une idéologie totalitaire et nihiliste.

 

Je prétends que le néolibéralisme est un fascisme car l’économie a proprement assujetti les gouvernements des pays démocratiques mais aussi chaque parcelle de notre réflexion. L’État est maintenant au service de l’économie et de la finance qui le traitent en subordonné et lui commandent jusqu’à la mise en péril du bien commun.

 

L’austérité voulue par les milieux financiers est devenue une valeur supérieure qui remplace la politique. Faire des économies évite la poursuite de tout autre objectif public. Le principe de l’orthodoxie budgétaire va jusqu’à prétendre s’inscrire dans la Constitution des Etats. La notion de service public est ridiculisée.

 

Le nihilisme qui s’en déduit a permis de congédier l’universalisme et les valeurs humanistes les plus évidentes : solidarité, fraternité, intégration et respect de tous et des différences. Même la théorie économique classique n’y trouve plus son compte : le travail était auparavant un élément de la demande, et les travailleurs étaient respectés dans cette mesure ; la finance internationale en a fait une simple variable d’ajustement.

 

 

- Déformation du réel

Tout totalitarisme est d’abord un dévoiement du langage et comme dans le roman de Georges Orwell, le néolibéralisme a sa novlangue et ses éléments de communication qui permettent de déformer le réel. Ainsi, toute coupe budgétaire relève-t-elle actuellement de la modernisation des secteurs touchés. Les plus démunis ne se voient plus rembourser certains soins de santé et renoncent à consulter un dentiste ? C’est que la modernisation de la sécurité sociale est en marche.

 

L’abstraction domine dans le discours public pour en évincer les implications sur l’humain. Ainsi, s’agissant des migrants, est-il impérieux que leur accueil ne crée pas un appel d’air que nos finances ne pourraient assumer. De même, certaines personnes sont-elles qualifiées d’assistées parce qu’elles relèvent de la solidarité nationale.

 

 

- Culte de l’évaluation

Le darwinisme social domine et assigne à tous et à chacun les plus strictes prescriptions de performance : faiblir c’est faillir. Nos fondements culturels sont renversés : tout postulat humaniste est disqualifié ou démonétisé car le néolibéralisme a le monopole de la rationalité et du réalisme. Margaret Thatcher l’a indiqué en 1985 : «  There is no alternative  ». Tout le reste n’est qu’utopie, déraison et régression. Les vertus du débat et de la conflictualité sont discréditées puisque l’histoire est régie par une nécessité.

 

Cette sous-culture recèle une menace existentielle qui lui est propre : l’absence de performance condamne à la disparition et dans le même temps, chacun est inculpé d’inefficacité et contraint de se justifier de tout. La confiance est rompue. L’évaluation règne en maître, et avec elle la bureaucratie qui impose la définition et la recherche de pléthore d’objectifs et d’indicateurs auxquels il convient de se conformer. La créativité et l’esprit critique sont étouffés par la gestion. Et chacun de battre sa coulpe sur les gaspillages et les inerties dont il est coupable.

 

 

- La Justice négligée

L’idéologie néolibérale engendre une normativité qui concurrence les lois du parlement. La puissance démocratique du droit est donc compromise. Dans la concrétisation qu’ils représentent des libertés et des émancipations, et l’empêchement des abus qu’ils imposent, le droit et la procédure sont désormais des obstacles.

 

De même le pouvoir judiciaire susceptible de contrarier les dominants doit-il être maté. La justice belge est d’ailleurs sous-financée ; en 2015, elle était la dernière d’un classement européen qui inclut tous les états situés entre l’Atlantique et l’Oural. En deux ans, le gouvernement a réussi à lui ôter l’indépendance que la Constitution lui avait conférée dans l’intérêt du citoyen afin qu’elle joue ce rôle de contre-pouvoir qu’il attend d’elle. Le projet est manifestement celui-là : qu’il n’y ait plus de justice en Belgique.

 

 

- Une caste au-dessus du lot

La classe dominante ne s’administre pourtant pas la même potion qu’elle prescrit aux citoyens ordinaires car austérité bien ordonnée commence par les autres. L’économiste Thomas Piketty l’a parfaitement décrit dans son étude des inégalités et du capitalisme au XXIe siècle (Seuil 2013).

 

Malgré la crise de 2008, et les incantations éthiques qui ont suivi, rien ne s’est passé pour policer les milieux financiers et les soumettre aux exigences du bien commun. Qui a payé ? Les gens ordinaires, vous et moi.

 

Et pendant que l’État belge consentait sur dix ans des cadeaux fiscaux de 7 milliards aux multinationales, le justiciable a vu l’accès à la justice surtaxé (augmentation des droits de greffe, taxation à 21 % des honoraires d’avocat). Désormais pour obtenir réparation, les victimes d’injustice doivent être riches.

 

Ceci dans un Etat où le nombre de mandataires publics défie tous les standards mondiaux. Dans ce secteur particulier, pas d’évaluation ni d’études de coût rapportée aux bénéfices. Un exemple : plus de trente ans après le fédéralisme, l’institution provinciale survit sans que personne ne puisse dire à quoi elle sert. La rationalisation et l’idéologie gestionnaire se sont fort opportunément arrêtées aux portes du monde politique.

 

 

- Idéal sécuritaire

Le terrorisme, cet autre nihilisme qui révèle nos faiblesses et notre couardise dans l’affirmation de nos valeurs, est susceptible d’aggraver le processus en permettant bientôt de justifier toutes les atteintes aux libertés, à la contestation, de se passer des juges qualifiés inefficaces, et de diminuer encore la protection sociale des plus démunis, sacrifiée à cet « idéal » de sécurité.

 

 

- Le salut dans l’engagement

Ce contexte menace sans aucun doute les fondements de nos démocraties mais pour autant condamne-t-il au désespoir et au découragement ?

 

Certainement pas. Voici 500 ans, au plus fort des défaites qui ont fait tomber la plupart des Etats italiens en leur imposant une occupation étrangère de plus de trois siècles, Nicolas Machiavel exhortait les hommes vertueux à tenir tête au destin et, face à l’adversité des temps, à préférer l’action et l’audace à la prudence. Car plus la situation est tragique, plus elle commande l’action et le refus de « s’abandonner » (Le prince, chapitres XXV et XXVI).

 

Cet enseignement s’impose à l’évidence à notre époque où tout semble compromis. La détermination des citoyens attachés à la radicalité des valeurs démocratiques constitue une ressource inestimable qui n’a pas encore révélé, à tout le moins en Belgique, son potentiel d’entraînement et sa puissance de modifier ce qui est présenté comme inéluctable. Grâce aux réseaux sociaux et à la prise de parole, chacun peut désormais s’engager, particulièrement au sein des services publics, dans les universités, avec le monde étudiant, dans la magistrature et au barreau, pour ramener le bien commun et la justice sociale au cœur du débat public et au sein de l’administration de l’État et des collectivités.

 

  • Le néolibéralisme est un fascisme. Il doit être combattu et un humanisme total doit être rétabli.

 

Pour en savoir plus :

- Réflexions sur le confusionnisme et le néofascisme

- La crise de la démocratie et le néolibéralisme

- Qu’est-ce que le néolibéralisme ? Un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur, par Pierre Bourdieu 

- Dilma Rousseff : « Néolibéralisme et néofascisme sont des jumeaux siamois »

- Néolibéralisme : De l'idéologie néolibérale à la pratique du gouvernement

- Pour Cédric Durand, la fin du néolibéralisme est là, sous nos yeux.

- " LE CHOIX DE LA GUERRE CIVILE " : Une autre histoire du néolibéralisme

- Néolibéralisme et guerre civile

« IL NE SUFFIT PAS DE SORTIR DE L’EURO POUR REDEVENIR SOUVERAIN »

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 09:18
La France, pays qui verse le plus de dividendes en Europe…

Et si on partageait les richesses autrement ?

C'est ce que propose !

Sources : L'Humanité étude Henderson Global Investors | 23 février 2016

Alors que le gouvernement multiplie les mesures en faveur du patronat, une nouvelle étude vient nous prouver une fois encore que le problème est bien le coût du capital. Plus de 1150 milliards de dividendes ont été distribués aux actionnaires dans le monde... Infographie.

La France, pays qui verse le plus de dividendes en Europe…

La baisse en valeur enregistrée en 2015 n'est qu'un effet de l'évolution des taux de change, principalement de la hausse du dollars par rapport à l'Euro.
A monnaie constante, les dividendes ont augmenté sur un an de 10 %.

 

 

- En Europe, c'est la France qui verse le plus aux actionnaires...

La France, pays qui verse le plus de dividendes en Europe…
La France, pays qui verse le plus de dividendes en Europe…

- Dividendes versés en 2015 en milliards de dollars par secteurs

La France, pays qui verse le plus de dividendes en Europe…
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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 09:19
Le déploiement international du nouvel impérialisme chinois

Sur tous les plans – économique, diplomatique, militaire, influence régionale ou globale… – le déploiement international du nouvel impérialisme chinois a été ces dernières années très rapide. Certes, en bien des domaines, il partait de très bas et ce déploiement reste inégal. Le chemin pour consolider sa position dans le monde s’avère toujours semé d’embuches, depuis la riposte de Washington jusqu’aux fragilités internes et au risque de crise de leadership. Le statut de superpuissance unique des États-Unis n’est pas remis en cause. Il n’empêche que sur le terrain, l’initiative revient souvent à Pékin et que la Chine est devenue la deuxième puissance mondiale. Ce n’est pas rien !

 

Sources : Eesf Europe Solidaire Sans Frontières par ROUSSET le 8 février 2016

- Une rupture avec le passé

Comme en bien d’autres domaines, la politique étrangère du PCC marque une rupture radicale avec le passé : le régime affiche aujourd’hui une ambition planétaire de grande puissance et un expansionnisme assumé, à l’encontre d’une posture « stratégique » avant tout défensive durant l’époque maoïste.

 

Au lendemain de la proclamation de la République populaire (octobre 1949), la direction maoïste voulait se consacrer à la consolidation du nouveau régime et à la reconstruction d’un pays dévasté par la guerre. Elle n’en a pas eu le loisir, devant intervenir à son corps défendant dans la guerre de Corée (1950-1953) et réussissant à repousser sur le 38e parallèle l’armée états-unienne. Pour « contenir et refouler » la révolution chinoise, Washington a établi une « ceinture de sécurité » plus vaste encore qu’à la frontière orientale de l’Europe. Ce dispositif existe pour l’essentiel encore : bases US en Corée du Sud, au Japon (Okinawa), aux Philippines (aujourd’hui un « droit de visite permanent » dans les ports de l’archipel), VIIe Flotte en mer de Chine…

 

Le régime du Guomindang à Taiwan siège alors au Conseil de sécurité de l’ONU comme seul représentant de toute la Chine. Les États-Unis prennent le relais des Français au Vietnam. Ils soutiennent le coup d’État de Suharto en Indonésie et le bain de sang anticommuniste qui suivit (1965). Ils inspirent la contre-insurrection en Malaisie, puis aux Philippines et en Thaïlande.

 

Pékin réagit en aidant la guerre au Vietnam contre l’occupation française, en apportant un soutien mesuré aux guérillas maoïstes dans la région (Thaïlande, Malaisie), et surtout en engageant une vaste opération de « désenclavement diplomatique » ayant pour figure de proue Zhou Enlai. La République populaire participe à la conférence de Bandung en Indonésie (1955) qui impulse le Mouvement des non-alignés. Le « profil politique » présenté est « modeste ». Les dirigeants chinois s’excusent pour les torts commis dans le passé par le régime dynastique envers les peuples de la région. Le discours est alors très différent de celui qui prévaut aujourd’hui, à savoir une rhétorique nationaliste de puissance se revendiquant de la grandeur passée de l’Empire du Milieu, répétant à l’envi que la Chine « ne cèdera pas ne serait-ce qu’un pouce du territoire sacré du pays ». Ce qui au regard de l’histoire, est, comme le note Au Loong-Yu, un non-sens. En effet, « Le PCC a négocié à maintes et maintes reprises les frontières avec ses voisins durant ses presque sept décennies au pouvoir. A-t-il toujours affirmé faire siens, en totalité, les territoires hérités de la dynastie Qing ou de la République de Chine ? Évidemment non. Ce ne fut certainement pas le cas concernant l’accord avec la Corée du Nord, après la fondation de la République populaire de Chine ». [1]

 

Le conflit sino-soviétique prend forme dès le début des années soixante. Lors de la guerre frontalière entre la Chine et l’Inde (1963), Moscou soutient New Delhi. Staline négocie un accord nucléaire avec les États-Unis sans y associer Pékin. La direction chinoise opère alors un tournant radical en matière de politique internationale. L’URSS devient « l’ennemi principal ». Des combats opposent en 1969 les deux pays sur l’Oussouri, fleuve frontalier.

 

La direction chinoise renoue avec Washington. Dès 1971, Pékin remplace Taiwan au Conseil de sécurité de l’ONU. L’année suivante, Nixon se rend à Pékin, en pleine escalade militaire en Indochine – le PCC « conseille » alors aux Vietnamiens de ne plus viser la victoire, mais de rechercher un compromis de partition analogue de type Corée ou Allemagne. Une alliance idéologiquement contre nature se noue entre les Khmers rouges au Cambodge, la Chine et Washington qui débouche sur la guerre sino-vietnamienne de 1978-79. Cette dernière année, la Chine et les États-Unis annoncent la reprise des relations diplomatiques officielles.

 

Trente ans après la conquête du pouvoir, Deng Xiaoping, véritable revenant, peut préparer les « réformes » qui vont conduire à la reconstitution d’un capitalisme chinois. Le pays a déjà, sur le plan international, des attributs de grande puissance : détenteur officiel de l’arme nucléaire, il est membre permanent du Conseil de sécurité avec droit de veto. Pékin a aussi une obsession – trait de continuité avec la période maoïste : se prémunir contre tout enclavement. Cela peut paraître bizarre quand on parle d’un pays continent de la taille de la Chine ; pourtant sa frontière terrestre peut-être fermée par une alliance russo-indienne, ainsi que son accès à l’océan par un chapelet d’archipels dans une zone maritime sous hégémonie US.

 

L’insertion rapide de la Chine dans l’économie mondiale n’est pas sans danger. Les conditions d’admission au FMI sont particulièrement favorables aux transnationales et le régime doit prendre reprendre en main l’économie, au début des années 2000, pour éviter une « néocolonisation » interne du pays. Les rapports avec Washington restent tendus, comme l’atteste le bombardement en 1999 de l’ambassade de Chine à Belgrade, lors de la crise yougoslave.

 

Nouvelle puissance capitaliste, soit la Chine accède au rang d’impérialisme, soit elle retombe dans un statut subordonné qui peut mettre en cause jusqu’à son unité – autre obsession du régime chinois depuis 1949, le pays ayant vécu le dépeçage par les concessions impérialistes après les guerres de l’Opium, puis le règne des Seigneurs de la guerre.

 

 

- La nouvelle doctrine militaire

Toute grande puissance doit être une puissance militaire – en particulier tout nouvel impérialisme. Elle doit pouvoir protéger elle-même ses intérêts dans le monde – en particulier ses voies de communication. La doctrine chinoise a donc profondément changé. Sous Mao, la clé était l’armée de terre, combiné avec l’immensité du territoire : qui envahirait la Chine s’y perdrait. Sous Xi Jinping, actuel président et homme fort du régime, la clé est devenue la Navale. C’est elle qui permet de se projeter bien au-delà de ses frontières.

 

En matière militaire, le jeu d’échecs inter-impérialiste se joue pour une grande partie sur les océans. La nouvelle doctrine chinoise a été officialisée avec la parution, le 26 mai 2015, d’un Livre blanc pour la première fois consacré à la stratégie militaire et selon lequel « la sécurité de(s) intérêts outremer [de la Chine] dans l’énergie et les ressources, les voies maritimes stratégiques, ainsi que des institutions, du personnel et des actifs présents à l’étranger, est devenue une préoccupation majeure ». « [A]vec l’expansion des intérêts nationaux chinois, la sécurité nationale est devenue plus vulnérable aux tumultes régionaux et internationaux, le terrorisme, la piraterie, enfin, les désastres naturels et les épidémies majeures ». Pour un expert du SIPRI [2] : « les affaires maritimes dans la région et la protection des intérêts extrarégionaux d’une Chine globalisée, se combinent dans la construction de la puissance navale chinoise ». « Le changement de ton est évident par rapport au dernier Livre blanc, qui mettait l’accent sur la coopération internationale de l’APL [armée populaire de libération] au sein de missions multilatérales. » [3]

 

La direction chinoise ne fait plus mystère de ses ambitions. Le 3 septembre dernier (pour l’anniversaire de la capitulation du Japon en 1945), le régime a organisé une inhabituelle grande parade militaire, dans le style soviétique ou français, pour faire étalage de sa puissance, provocant l’inquiétude des pays voisins.

 

La reconversion des forces armées chinoises demande du temps. Elle est loin d’être achevée. Mais les avancées sont considérables. La Chine est devenue la deuxième puissance militaire au monde (loin derrière les États-Unis) [4]. Alors qu’elle possède déjà un porte-avions acheté à la Russie, elle en construit un second, ce qui lui permettra d’assurer la continuité de service et aussi d’en envoyer un sur un théâtre d’opération extérieure en gardant l’autre au large de ses côtes. La Chine ne maîtrise toujours pas le système de catapulte, utilisant la technique du pont incliné. En revanche, elle développe un programme de missile balistique antinavire d’une catégorie unique au monde : le DF-21 D (pour Dongfeng, ou « vent d’est »).

 

Le talon d’Achille chinois, concernant tant le matériel que les troupes, est qu’ils ne sont pas testés dans des conflits réels. La Chine n’a pas l’expérience de la guerre depuis l’invasion du Vietnam en 1978-79. Or côté chinois, il s’agissait encore d’une stratégie « à l’ancienne », par vagues d’assaut massives.

 

Les troupes chinoises sont actuellement intégrées à de nombreuses interventions de l’ONU, en Afrique notamment, où elles peuvent accumuler une certaine expérience. Elles participent à des opérations conjointes contre la piraterie. Elles gagnent maintenant une indépendance opérationnelle, menant notamment d’importantes opérations d’évacuation de ses ressortissants en Libye (2011) et au Yémen (2015). Ses navires de guerre cinglent dans le Golf d’Aden et au large des côtes orientales de l’Afrique.

 

La décision d’implanter à Djibouti une première base militaire outre-mer est prise, les travaux ont commencé. « Le président Ismaïl Omar Guelleh semble prêt à toutes les concessions pour plaire à son homologue chinois. » « De sources non officielles, on avance le chiffre considérable de 10 000 militaires chinois qui seront déployés à Djibouti, contre 4 000 pour les Américains. Ces derniers ont été sommés par le gouvernement djiboutien d’abandonner leur base secondaire d’Obock pour se concentrer sur celle de Camp Lemonnier, et faire de la place aux Chinois. » « Pékin et Djibouti sont en train de sceller une alliance stratégique majeure qui fera de ce petit Etat niché au creux de la corne de l’Afrique, l’étape obligée de la Chine dans sa fameuse nouvelle « route de la soie » reliant la Chine à l’Afrique en passant par le Golfe arabique. » [5]

 

Walvis Bay représente un autre projet, peut-être le plus avancé dans la région ; à savoir la construction d’un port chinois sur les côtes namibiennes d’où il est aussi possible de contrôler les principales routes du commerce international [6]. Elle possède déjà sur place un système de « tracking » par satellite – et ce n’est pas le seul ! Dix-huit bases militaires étrangères sont à l’étude à Pékin, pas seulement en Afrique [7].

 

La mondialisation d’enclaves extraterritorialisées sous contrôle chinois s’opére sous diverses formes. La Patagonie (au sud de l’Argentine) en offre un exemple intéressant. Pékin a besoin de stations de surveillance dans l’hémisphère sud. Elle a passé à cette fin un accord avec Buenos Aires. L’Agence chinoise de lancement et de contrôle des satellites (CLTC) en a construit une dans la province patagonienne de Neuquen. Le site est cédé pour 50 ans à l’opérateur chinois – qui s’avère être en fait l’armée. Gageons qu’elle ne se contentera pas d’y développer son programme d’exploration lunaire.

 

Plus généralement Pékin multiplie les accords qui autorisent ses forces à utiliser les installations portuaires dans un nombre croissant de pays – et achète aussi un nombre croissant de ports dans le monde, avec pour dernière acquisition celle du Pirée en Grèce.

 

 

- Dans et hors les institutions internationales

La Chine est devenue un acteur diplomatique de tout premier plan, ainsi que les négociations climatiques l’ont illustré – où celles actuellement en cours en Afghanistan. Devenue la deuxième économie du monde, elle pèse de plus en plus dans les institutions internationales. Elle a adhéré au Centre de développement de l’OCDE. Sa monnaie, le yuan (renminbi) fait désormais partie du panier de devises composant le système des droits de tirages spéciaux (DTS) du FMI.

 

Simultanément, Pékin déploie ses propres institutions financières internationales. Depuis son lancement en 2014, la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank, ou AIIB), a été rejointe par de nombreux pays avancés et émergents au grand dam des États-Unis (France, Grande-Bretagne, Russie, Brésil, Danemark…). C’est explicitement une alternative à la Banque asiatique de développement sous direction nippo-américaine et un défi lancé au système financier fondé après la Seconde Guerre mondiale.

 

La direction chinoise initie de très grands projets, en particulier deux « nouvelles routes de la soie », l’une continentale en direction de l’Asie centrale (ex-Républiques musulmanes d’URRS), l’autre maritime en direction de l’Afrique. Outre le transport de marchandises, il s’agit de constituer de véritables corridors d’investissements avec, notamment, en ligne de mire le Kazakhstan – donc la zone d’influence traditionnelle de la Russie où un nouveau front de la bataille de l’énergie (pétrole, gaz…) est engagé –, et le Golfe arabique.

 

La Chine force l’entrée de tous les clubs traditionnellement contrôlés par quelques impérialismes traditionnels ou la Russie, tels le nucléaire, l’aviation civile aussi bien militaire, la vente d’armements, l’espace. Après avoir fait alunir une sonde en décembre 2013, et débarqué un robot d’exploration, Pékin annonce le projet inédit de poser un engin sur la face cachée de la Lune…

 

Elle s’impose dans la production de panneaux photovoltaïques et, de même que le Brésil, dans le secteur agroalimentaire (avec le WH Group). Elle multiplie les acquisitions d’entreprises en Europe, via son bras armé en ce domaine, la ChemChina :

« Le prédateur chinois, ChemChina, qui pesait 39 milliards de dollars en 2014, n’en est pas à son coup d’essai. Son PDG, Ren Jianxi, membre éminent du Parti communiste chinois, est passé maître dans l’art d’acquérir des sociétés européennes. En France, d’abord, où il s’est emparé en 2006 d’Adisseo, une société d’alimentation animale, filiale de Rhône-Poulenc, puis de l’activité silicone de Rhodia. Plus spectaculaire, le racha de l’italien Pirelli. Stratégique, enfin, la prise de contrôle du fabricant de machines KraussMaffei, l’un des symboles de l’industrie allemande, et la prise de participation dans la société de négoce suisse Mercuria. Avec Syngenta, ChemChina espère compléter un tableau de chasse impressionnant. » [8]

 

ChemChina est évidemment actif hors Europe, comme en Israël, mettant la main sur une société spécialisée dans l’agrochimie. En Amérique latine, Pékin négocie unilatéralement avec chaque pays cible, souvent avec succès, imposant des conditions qui lui sont très favorables (bien qu’un peu moins qu’en Afrique).

 

Il y a encore des régions où Pékin n’avance ses pions que très prudemment – à commencer par le Moyen-Orient. Le président Xi Jinping vient d’y effectuer un voyage qui s’est voulu strictement d’affaires en Égypte, Iran, Arabie saoudite… Il s’agit de renforcer la présence chinoise dans des pays en conflit les uns avec les autres, dans une géopolitique de guerre instable où la Chine ne peut à l’heure actuelle jouer sa partie. Les rapports avec la Russie sont aussi complexes, entre alliance face aux États-Unis et rivalité, ainsi qu’avec l’Inde, gendarme de l’Asie du Sud.

 

La pénétration chinoise est particulièrement intense dans sa zone d’influence immédiate, en Asie du Sud Est. Mais c’est là aussi que la contre-offensive de Washington prend forme, y compris sur le plan militaire.

 

 

- La contre-offensive US

Pour la première fois depuis 2012, le 26 octobre dernier, des navires de guerre US ont pénétré au sein de l'archipel des Spratleys dans la zone des douze miles marins autour d’îlots créés par Pékin. Cet archipel est revendiqué en tout ou partie par les Philippines, la Malaise, le Vietnam, Brunei et la Chine. Appliquant la politique du fait accompli, cette dernière a construit, à partir de 2014, des îles artificielles en utilisant des bateaux pompant les sédiments. Des installations et pistes d’atterrissage sont en train d’être établies dans l’archipel, comme en d’autres « points chauds » de l’espace maritime qui s’étend du sud-est au nord-est de l’Asie.

 

Après avoir été pris de court par les initiatives chinoises, Washington semble donc décidé de commencer à réagir. L’enjeu est considérable. Ce couloir maritime est l’un des plus fréquentés du monde, utilisé notamment pour les transports pétroliers entre le Moyen-Orient et le Japon. Pékin revendique sa souveraineté sur l’essentiel de cette zone stratégique, considérée par les autres pays comme un espace de libre circulation internationale, par mer ou par air. L’impérialisme états-unien doit réaffirmer sa présence, alors que ses deux alliés les plus proches dans la région se trouvent en première ligne de conflits territoriaux aigus.

 

C’est le cas du Japon, dont le Premier ministre Abe accélère la militarisation, et aussi des Philippines, qui fut l’une des rares colonies directes des États-Unis (les liens restent très étroits entre classes dominantes de ces deux pays). Les principales bases militaires US se trouvent actuellement au Japon (Okinawa) et en Corée du Sud. Or, ce dernier pays est aujourd’hui courtisé par Pékin dont l’influence économique grandit. En témoigne la présence à Pékin de la présidente sud-coréenne, Park Geun-hie, lors la grande parade militaire du 3 septembre – alors que Tokyo, Washington, la plupart des capitales européennes et une bonne partie des pays d’Asie du Sud-Est boudaient l’événement, absents ou ostensiblement « sous représentés ».

 

Washington n’a eu de cesse d’annoncer, depuis plusieurs années, son « recentrage » sur la zone Asie-Pacifique. Plus facile à dire qu’à faire, alors que ses forces doivent aussi rester déployées au Moyen-Orient, où elles s’enlisent, et en Afrique. Mais des échéances politiques s’imposent, comme la réunion du sommet de l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (Asean) et du forum annuel de la Coopération économique en Asie-Pacifique (APEC).

 

Nous entrons probablement dans une étape nouvelle du face à face sino-états-unien

 

 

- La crise du monde chinois

Pékin a récemment subi une série de revers politiques, en particulier dans le « monde chinois ». La récente la défaite du Guomindang à l’élection présidentielle de Taiwan et la victoire d’une indépendantiste, Tsai Ing-wen, représentent un véritable camouflet ; même si cette dernière ne veut pas modifier le statut formel de l’État insulaire.

 

Face à l’emprise du PCC, l’opposition démocratique [9] à Hongkong ne désarme pas. En outre, des sentiments xénophobes contre les « migrants » venus de Chine continentale se développent dans la population. À force d’autoritarisme, le régime finit par miner l’un de ses principes fondamentaux : l’existence « d’une seule Chine ».

 

A ces revers, s’ajoute la crise économique et financière en Chine continentale. Elle peut affecter l’ampleur des moyens mis à la disposition des ambitions impérialistes du PCC, mais probablement pas les modifier. Au contraire, le nationalisme de grande puissance reste le principal ciment idéologique du pouvoir et l’ennemi extérieur le meilleur dérivatif aux difficultés intérieures – l’accusation d’activités portant atteinte à la sécurité nationale offrant par ailleurs l’une des principales justifications d’une répression qui ne cesse de s’aggraver.

 

P.-S.

* Cet article est une version un peu plus développée de celle qui est parue dans le numéro de février 2016 de la revue « L’Anticapitaliste ».

 

Notes

[2SIPRI : Stockolm International Peace Research Institute.

[3Brice Pedroletti, Le Monde, 28 mai 2015. Disponible sur ESSF (article 37099), Djibouti, capitale de la Chinafrique – Une alliance stratégique majeure : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37099

[5Sébastien Le Belzic, Le Monde, 25 janvier 2016. Disponible sur ESSF (article 37099), Djibouti, capitale de la Chinafrique – Une alliance stratégique majeure : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article37099

[6Sébastien Le Belzic, Le Monde, 6 avril 2015. Disponible sur ESSF (article 34713), Afrique, Moyen-Orient : les projets de bases militaires chinoises : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article34713

[7Op. cit.

[9Ainsi que la droite.

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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 09:32
Les impostures du Réseau Voltaire et des "théories du complot"

Depuis les assassinats des 7, 8 et 9 janvier, les "théories du complot" ont à nouveau largement circulé sur le Net. Dans cet entretien, Gilles Alfonsi raconte le retournement du Réseau Voltaire, dont il fut un des administrateurs, et en tire quelques pistes face aux théories complotistes.

 

Source : l'Humanité le 13 Février, 2015

  • Exergue 1 : Il ne faut pas confondre l’interrogation légitime de tous les faits sociaux ou politiques et l’abandon de tout esprit critique au profit de n’importe quelles hypothèses manipulatoires.
  • Exergue 2 : Le 1er révélateur de la dérive du Réseau Voltaire a été un "lapsus" d’un membre du CA, qui attribuait la « campagne contre Thierry Meyssan » à un « lobby juif ».  Le 2nd conflit a porté sur le financement du Réseau par des États étrangers.
  • Exergue 3 : Supplantant la promotion de la laïcité, la lutte contre l’impérialisme américain est venue justifier le soutien aux pires régimes et l’alliance avec les antisémites et l’extrême-droite. Le retournement du Réseau Voltaire est une faillite morale incommensurable.
  • Exergue 4 : Les récits complotistes ont un écho car ils répondent à une demande de paroles et d’aventures dégagées des formes dominantes de médiatisation. Or, les marchants de complots ne sont pas autonomes et libres. Thierry Meyssan est appointé par des grands médias de régimes liberticides.
  • Exergue 5 : Les visions complotistes sont contradictoires avec les aspirations démocratiques profondes. Elles ne laissent en réalité aucune place à une authentique confrontation d’idées, ni à une quelconque délibération collective. Les combattre est devenu un enjeu politique fort.

 

- Heureusement, le ridicule, lui, ne tue pas

Le 7 janvier, jour même des assassinats à Charlie Hebdo, Thierry Meyssan écrivait sur le site internet du Réseau Voltaire, en direct de Damas (Syrie), que « de nombreux Français réagissent à l’attentat en dénonçant l’islamisme » (sic !) et que « l’interprétation jihadiste est impossible ». Ah bon, et pourquoi ? Des djihadistes « ne se seraient pas contentés de tuer des dessinateurs athées, ils auraient d’abord détruit les archives du journal sous leurs yeux »… « ils n’étaient pas vêtus à la mode des jihadistes, mais comme des commandos militaires ». Sans blague, ce n’était quand même pas un défilé de mode ! Alors, quelle hypothèse ? « il serait plus logique d’envisager qu’il soit le premier épisode d’un processus visant à créer une situation de guerre civile ». Ainsi, « les commanditaires les plus probables sont à Washington » (évidemment !).

 

Le 12 janvier, le PDG du Réseau Voltaire change de thèse. Il écrit de Hong-Kong (Chine) que le complot vise en fait à « justifier une nouvelle opération militaire en Lybie » et estime que « peu importe qui étaient » les terroristes (ben voyons !). Il prétend qu’on vient de découvrir que « les dirigeants de droite et de gauche partageaient les valeurs anti-religieuses, anti-nationales et anti-militaristes du très gauchiste Charlie Hebdo ». On se dit que la pente du discours mène tout droit au FN.

 

Le 25 janvier, la pente s’accentue dans un nouvel article.  Dans la même phrase, Thierry Meyssan trouve « absurde » d’être accusé d’antisémitisme mais valorise la construction du parti Soral - Dieudonné, avec « y compris des personnes ayant milité [sic] à l’extrême-droite ». Il considère que le « Je suis Charlie Coulibaly » de Dieudonné était humoristique. Au total, il se rêve en passerelle entre Soral, Dieudonné et Marine Le Pen... sombre cauchemar ! 

 

Lire l’analyse des enjeux politiques suite aux attentats, "Dans quel monde vivons-nous ?, quelle société voulons-nous ?"  dans Cerise, n°241.

 

 

- Quand, comment as-tu connu le Réseau Voltaire & Thierry Meyssan ?

Gilles Alfonsi : Le Réseau Voltaire n’a pas toujours été une officine proche des antisémites et de l’extrême droite ! Il a été officiellement créé début 1994 dans le but de constituer « une cellule d’information au service des organisations laïques ». Ses statuts initiaux de janvier 1994 faisaient référence à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et à la défense de la laïcité. Il comptait alors parmi ses administrateurs des membres des Verts, du PCF et du PRG, Philippe Val (au titre de Charlie Hebdo), des militants d’associations de lutte contre le sida, des éditeurs, des syndicalistes… L’idée était de constituer une sorte d’agence de presse alternative dédiée à la lutte pour la liberté d’expression, à la défense des libertés individuelles et à la lutte contre l’extrême-droite.

 

Le Réseau Voltaire était en réalité une toute petite structure. Son activité était centrée sur la publication d’une Note d’information, qui collationnait et croisait les informations disponibles dans de nombreuses publications papiers. La Note était adressée par courrier à quelques centaines d’abonnés. Dès le début, le Réseau Voltaire, c’était surtout l’entregent de Thierry Meyssan, qui en était le personnage charismatique. Il avait une bonne culture générale, des convictions affirmées sur la République et la laïcité, une conception libérale sur les questions sociétales - mais, déjà, un silence assourdissant, à mes yeux, sur la question sociale.

 

Thierry Meyssan avait auparavant fondé, en 1989, le Projet Ornicar, qui se définissait comme une « association humanitaire » consacrée aux « droits de l’homme et à l’abolition des discriminations sexuelles ». La publication de cette association a accueilli des contributions de toutes sensibilités politiques (surtout de gauche, mais aussi de droite), hors extrême-droite. Elle avait notamment publié un dossier spécial concernant « l’infiltration néofasciste et néonazie dans la communauté gaie ». Thierry Meyssan a aussi écrit dans un journal gay, Exit le journal, et a été le rédacteur en chef de l’éphémère mensuel Maintenant, en 1994. Ce journal vendu en kiosque a joué un rôle important pour révéler au grand public les réalités du génocide contre les Tutsi au Rwanda.

 

De mon côté, c’est à partir de mon engagement associatif dans la lutte contre le sida que j’ai participé au Réseau Voltaire. J’ai contribué à son installation dans des locaux à Saint-Denis. J’ai assuré en 1997 le tirage d’un dossier consacré au Département Protection Sécurité du Front national - le service d’ordre occulte de l’organisation lepéniste -, dossier qui fit référence pour obtenir la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. J’ai publié la même année, dans la revue Combat face au sida que j’animais un dossier sur les "connexions dangereuses" entre une association de lutte contre le sida et une revue pédophile intitulée Gaie France animée par des néo-nazis. À cette époque, Thierry Meyssan était devenu l’un des animateurs du Comité national de vigilance contre l’extrême-droite, qui réunissait à peu près toutes les "sensibilités républicaines". Sa réputation était aussi liée au fait qu’il a longtemps fait partie du secrétariat national du Parti radical de gauche et qu’il était franc-maçon, membre du Grand Orient de France. Outre son travail documentaire, le Réseau Voltaire était approvisionné en informations par ses enquêtes propres et par des contacts - dont le président avait le monopole - au sein des ministères et des services de renseignement.  De fait, le Réseau Voltaire a été une passerelle intéressante entre des militants et des combats très variés. Il ne s’agit pas de mépriser aujourd’hui cette expérience militante en projetant sur le passé ce que le Réseau est devenu aujourd’hui.

 

 

- Que s’est-il passé au sein du Réseau Voltaire après les attentats du 11 septembre 2001 ?

Gilles Alfonsi : Thierry Meyssan a affirmé très tôt sa conviction que les attentats du 11 septembre ne s’étaient pas passés comme annoncé, qu’il ne s’agissait pas d’une campagne de terreur islamiste mais qu’était responsable, directement ou indirectement, une partie du complexe militaro-industriel américain. Si son livre L’effroyable imposture est sorti en mars 2002, les notes du Réseau Voltaire parues juste après l’événement disaient la même chose. Celle du 16 octobre 2001 affirmait « matériellement impossible qu’un Boeing 757-200 ait pu percuter la façade du Pentagone ». Celle du 5 novembre 2011 posait « l’hypothèse d’une responsabilité des Forces spéciales clandestines » américaines. L’aplomb des affirmations et l’apparent bon sens des "démonstrations" de l’auteur semblaient pertinents, et il faisait pièce au discours guerrier de George Bush, qui annonçait l’intervention en Irak de 2003. J’ai donc fait partie des millions de Français qui ont douté de la thèse officielle, notamment du fait qu’un avion s’était écrasé sur le Pentagone.

 

En ce qui concerne la vie du Réseau Voltaire, la dérive s’est accélérée. Thierry Meyssan  réalise plusieurs voyages, par exemple en Iran et au Maroc, en juin 2002, au moment où paraissait son nouveau livre Le Pentagate. Il me semble que c’est à ce moment là qu’il a commencé son grand retournement.

 

Avec mes camarades militants, nous avons mis beaucoup de temps à prendre pleinement conscience de ce qui se jouait. Sans donner de leçons, mais avec le souci d’alerter le lecteur sur ce qui nous pousse, chacun, à croire parfois à des sornettes ou à s’en remettre à des "théories du complot", cela me semble devoir tenir lieu d’avertissement. Ces types de raisonnement fonctionnent comme des pièges sectaires et, avec le recul, j’insisterai sur cette idée : il ne faut pas confondre l’interrogation légitime de tous les faits sociaux ou politiques, y compris la contestation d’affirmations officielles présentées comme des vérités absolues, et l’abandon de tout esprit critique au profit de n’importe quelles hypothèses manipulatoires. Il faut toujours se demander qui parle et pour quelles causes. Ainsi, comment croire que quelqu’un qui indique lui-même travailler pour des radios et des télévisions iraniennes, qui s’exprime régulièrement sur les chaînes de télé des régimes parmi les plus hostiles à la liberté d’expression ou aux droits de l’homme - Syrie (où Thierry Meyssan est « exilé »), Qatar, Émirats arabes unis, Kazakhstan, Russie… - pourrait être un militant de la liberté ?

 

 

- Quelle a été la suite des évènements ?

Gilles Alfonsi : Il faut d’abord indiquer - ce n’est pas anodin - que la vie démocratique du Réseau Voltaire était purement formelle. Au départ, cela s'expliquait (plus ou moins…) par la nature de ses activités : un petit groupe tenant une agence de presse alternative, et non une organisation de militants. L’essentiel des activités était d’ailleurs assuré par les proches du président. Les réunions du conseil d’administration étaient rares, mais l’une d’entre elles a été particulièrement décisive à mes yeux. Le premier révélateur a été un "lapsus" d’un membre du conseil d’administration, qui attribuait la « campagne contre Thierry Meyssan » à un « lobby juif ».  Alors que nous lui demandions de condamner ces propos sur le champ, Thierry Meyssan a évoqué une maladresse d’expression, ce qui ne tient pas : l’utilisation de l’expression "lobby juif" n’est jamais anodine.

 

Le 16 décembre 2004, le second gros conflit a porté sur la proposition portée par Thierry Meyssan que le Réseau Voltaire reçoive bientôt des financements d’États étrangers, ce qui nous expliqua-t-il, nécessitait de se doter « d’une ou des sociétés commerciales aptes à réaliser les investissements nécessaires ». Sur ces deux sujets, avec l’éditeur Michel Sitbon, nous avons réagi immédiatement de manière très ferme, puis par écrit. En fait, sous l’influence notamment de militants rouges-bruns, était en marche l’idée d’une alliance du Réseau Voltaire avec les forces opposées à l’impérialisme américain quelles qu’elles soient. Les dés étaient jetés, et le dernier coup en fut une Assemblée générale destinée à réorienter les activités du Réseau Voltaire. Le jour J, le 26 février 2005, j’ai fait une déclaration au nom du PCF, que je représentais au sein du conseil d’administration depuis trois ans, pour mettre en cause la totalité de la nouvelle stratégie de l’association[1]. Entre temps, Thierry Meyssan avait préparé la relève, faisant entrer[2] au conseil d’administration Claude Karnoouh, un ancien chercheur au CNRS qui s’était fait connaitre en juin 1981 en déclarant en marge du procès de Robert Faurisson : « Je crois qu’effectivement les chambres à gaz n’ont pas existé ; un certain nombre de vérités de l’histoire officielle ont fini par être révisées ». Lors de cette AG, un film fut projeté, où Dieudonné expliquait que « critiquer Israël est pire que violer une petite fille ». Sordide.

 

 

- Comment expliques-tu le retournement du Réseau Voltaire ?

Gilles Alfonsi : Il y avait eu dans les années qui ont précédé les attentats une évolution idéologique du Réseau : une place de plus en plus grande accordée aux questions internationales au détriment des questions nationales sur lesquelles il s’était épuisé, une relativisation de la question de la laïcité au profit d’un discours de plus en plus centré sur l’anti-impérialisme (qui préparait la justification des alliances y compris avec des religieux radicaux), une vision des Américains confinant à la paranoïa, comme s’il n’y avait pas suffisamment de bonnes raisons de critiquer l’impérialisme américain. Cependant, des campagnes ont pu masquer cette évolution à nos yeux mêmes, telles la mobilisation que j’ai animée en 2000 contre "le fichage des séropositifs" qu’annonçait la mise en place d’un nouveau dispositif de surveillance épidémiologique (campagne victorieuse qui permet de bénéficier, encore aujourd’hui, d’un système respectant l’anonymat des personnes dépistées séropositives).

 

Au-delà de ces aspects idéologiques, il y a  eu surtout, me semble-t-il, un élément important de conjoncture. Alors que, très vite, les États-Unis se sont engagés dans la "guerre des civilisations", mobilisant bientôt leurs énormes moyens militaires en Irak, être dépositaire d’une version des évènements du 11 septembre susceptible peut-être de changer du tout au tout le cours de l’histoire était pour le futur président directeur général du Réseau Voltaire l’affaire de sa vie. Pour un intriguant de haut vol, qui avait échoué jusque-là à jouer le rôle politique auquel il aspirait depuis longtemps, ce fut peut-être un point de bascule. Le terreau d’une certaine vision du monde était là, mais c’est dans les mois qui ont suivi la parution de L’effroyable imposture que le Réseau Voltaire "nouvelle formule" a trouvé comme alliés des régimes autoritaires, des anti-Américains haineux, des rouges-bruns inquiétants (capables de signer des menaces de mort), des antisémites. Ce qui n’a pas changé, c’est qu’il a toujours voulu être un porteur de vérité, et si possible LE porteur de LA vérité, cela dit sans vouloir faire de la psychologie à deux sous. Il a d’un seul coup été propulsé comme "personnalité mondiale", disposant de moyens considérables pour présenter ses vues. Ce qui, par contre, a changé, c’est qu’il a rompu à la fois avec ses convictions initiales profondes. Et qu’il est devenu à la fois un petit menteur et un grand imposteur sans scrupule.

 

 

- Peux-tu démontrer cela ?

Gilles Alfonsi : Oui, au travers d’un exemple, un "petit" mensonge. Chacun peut le trouver encore à ce jour [le 30 janvier 2015] dans la page de wikipedia consacrée à Thierry Meyssan. Celui-ci présente ainsi les débats au sein du Réseau : « J’ai eu la surprise de constater que certains de nos administrateurs, sincèrement engagés dans la lutte contre le racisme, défendaient des principes opposés lorsqu’il s’agissait du Proche-Orient. Là-bas, ils se satisfaisaient très bien de l’apartheid israélien. Notre conseil d’administration est devenu un champ de bataille. En définitive, les administrateurs sionistes ont été mis en minorité. Ils ont démissionné, les uns après les autres, non sans insulter avec un acharnement particulier un de nos administrateurs qui est juif antisioniste. » Eh bien, Thierry Meyssan sait parfaitement que les trois administrateurs qu’il met ainsi en cause ne sont pas des pro-sionistes mais au contraire des militants engagés aux côtés du peuple palestinien. Il ment donc effrontément, et ce faisant il sort complètement du registre du désaccord ou même de la vaine polémique, pour entrer dans celui de la manipulation. En nous faisant passer pour des sionistes et en présentant l’un de ses proches comme un "juif antisioniste" (comme Jean-Marie Le Pen montrait son Noir il y a quelques années pour montrer qu’il n’était pas raciste…), son but est de faire croire qu’il serait seulement antisioniste alors qu’il est aussi un allié des pires antisémites. Je prends cet exemple non parce qu’il montre une amitié honteusement trahie mais parce que ce "tout petit" arrangement de la réalité montre que, pour lui, la fin justifie désormais n’importe quels  moyens. Notons au passage qu’en définitive il sert aussi, en miroir, les intérêts de ceux qui assimilent critique de la politique de l’État israélien et antisémitisme. C’est une faillite morale incommensurable.

 

Bien sûr, d’autres aspects devraient être mis sur la table, par exemple : comment le Réseau Voltaire finance-t-il ses activités ? Quels sont les États qui le soutiennent, financent ses déplacements, ce site internet et ses traductions ? Quelles sont ses activités lucratives, portées par quelles structures ?

 

 

- Comment fonctionnent les "théories" du complot ?

Gilles Alfonsi : Dans le cas du Réseau Voltaire comme dans le cas d’Alain Soral, c’est un bricolage rhétorique plus ou moins habile qui combine : une vraie intelligence des enjeux politiques, des éléments de "bon sens populaire" (par opportunisme, car il faut plaire à presque tous), des "hypothèses" présentées avec l'assurance qui sied aux démonstrations les plus scientifiques, mais aussi des tartes à la crème formulées avec toute l’austérité nécessaire pour être considérées comme d’audacieuses pensées (cf. l’encadré p. 3). Ainsi, il ne faut pas prendre ces démonstrations comme de simples imbécillités destinées à des gogos.

 

Cela me conduit à une remarque concernant l’analyse des faits de société. Quant on voit le clip réalisé par le gouvernement pour, dit-il, décourager les candidats séduits par le Djihad, entièrement assimilé à la "guerre sainte" alors que le Djihad a plusieurs définitions[3] (dont beaucoup ne sont pas guerrières !), on se dit qu’il ne comprend pas que les discours extrémistes et les "théories du complot" sont parfois intelligentes, ou alors qu’il préfère faire semblant d’agir aux yeux du plus grand nombre plutôt qu’agir en profondeur. Sans parler du doute que l’on peut avoir sur l’utilisation d’images violentes pour… combattre la violence.

 

Si l’on veut aller plus loin dans la déconstruction des "théories du complot" , il faut considérer le fait qu’au total, ces manières de penser et de dire, y compris quand elles passent par de "l’humour", expriment une vision du monde et des rapports sociaux. L’une des raisons pour lesquelles ces récits marchent, même lorsque ce sont des histoires à dormir debout, c’est précisément qu’ils constituent des récits, ou si l’on veut des contes. Ils répondent à une demande de paroles et d’aventures dégagées des formes dominantes de médiatisation (pauvres, infantilisantes, manipulatrices), et cela en contrepoint à la crise des institutions et de la politique telle qu’elle est pratiquée généralement. Ainsi, le Réseau Voltaire et ses amis antisémites s’attachent à faire semblant de proposer à l’internaute de se rendre compte par lui-même, voire d’enquêter. Notons au passage que si on met de côté les mini-théories du complot - celles qui circulent spontanément sur le net de la part d’on ne sait qui, mais qui buzzent -, les Meyssan, Dieudonné ou Soral ne sont pas des nouveaux-nés de la politique mais des vieux routards de la parole. Ils ne sont pas des marginaux de toute éternité, mais au contraire, ils sont issus du sérail républicain, qu’ils haïssent faute d’y avoir été reconnus. De plus, ces marchants de complots ne sont pas ce qu’ils prétendent être : autonomes et libres. Thierry Meyssan est appointé par de grands médias de régimes liberticides, il est un instrument des États qui le soutiennent. 

 

Ceci dit, les "théories" du complot ont d’énormes faiblesses. Quand on gratte un peu et qu’on va voir derrière telle ou telle affirmation, il y a beaucoup de vide, d’affirmations abracadabrantes, d’hypothèses injustifiées, qui devraient conduire à se demander toujours qui parle et avec quelles intentions. Et si le Net permet de faire circuler tout et n’importe quoi, il a aussi l’immense avantage de permettre à chacun de chercher, de se faire sa propre idée et d’aiguiser son esprit critique. Un autre aspect, c’est que beaucoup de citoyens aspirent à des rapports humains pacifiques, et non à une guerre de tous contre tous. Or, les théoriciens du complot sont des fauteurs de guerre, qui agissent en miroir des discours belliqueux des États, notamment des États-Unis. Un gros problème pour eux est que l’impasse de la guerre entre les cultures ou entre les civilisations est de plus en plus visible, et que nos sociétés expriment  un immense besoin d’égalité et de fraternité, contre les politiques des États qui dominent. Et l’on peut ajouter que les "théories du complot" ont en commun leur silence sur la question centrale de l’égalité, pour une raison simple : elles n’ont rien à proposer pour l’avenir en la matière car elles n’existent qu’en désignant des bouc-émissaires, des ennemis. Dans le cas du Réseau Voltaire, on voit à quoi a pu mener l’indifférence originelle de son fondateur à l’égard de l’enjeu de l’égalité. À l’inverse, les partisans de l’émancipation que nous sommes, avec le Front de gauche, avec Ensemble, disposent avec leur exigence d’égalité d’une arme puissante face aux théoriciens du complot.

 

Enfin, les visions complotistes sont contradictoires avec les aspirations démocratiques. Elles offrent un terrain de jeu qui semble donner de la liberté, alors qu’en réalité elles ne laissent aucune place à une authentique confrontation d’idées, ni à une quelconque délibération collective. Les affrontements actuels entre soraliens et dieudonnistes le révèlent : les partisans des uns et des autres ne sont que des spectateurs, ils n’ont aucune voix au chapitre.

 

Le renforcement d’une éducation qui permette à chacun de penser par soi-même n’est peut-être pas un vaccin miracle contre la manipulation, mais il est un sérieux atout pour les partisans de l’émancipation. De même, le véritable antidote contre ces gens est l’existence d’une pensée alternative riche et pluraliste, qui ne dépende pas des principaux médias, ainsi que la richesse des expériences militantes, à condition que chacun veille à dépasser les clivages et débattre avec bienveillance. Il faudra désormais que ces questions de lutte pour la transparence et de démasquage des idéologies du complot fassent partie du combat politique.

 

 

- Faut-il dialoguer avec les complotistes ?

Gilles Alfonsi : Cela dépend de quels adversaires on parle et dans quelles conditions. Il peut être intéressant de démasquer les impostures, les imposteurs, mais ne pas servir de faire valoir suppose d’être tout à fait explicite à cet égard. Il faut aussi faire le tri entre des adversaires avec lesquels le respect est possible et des ennemis, qui sont dans des logiques de haine.

* Entretien réalisé par Cerises

 

Notes :

[1] Un récit détaillé a été publié le 31 mars 2005 par le site amnistia.net, animé par Didier Daenincks. Lire ici le texte et ses annexes : http://www.cerisesenligne.fr/article/?id=4789

[2] Th. Meyssan prend les internautes pour des poires lorsqu’il indique que Cl. Karnoouh n’a pas été élu administrateur du Réseau Voltaire lors de cette Assemblée générale. Son nom a d’ailleurs figuré de manière éphémère sur le site même de l’association comme administrateur, avant d’en être retiré puis que la "bonne" liste des nouveaux administrateurs soit déposée en préfecture. 

[3] Sur ce point, lire ici :

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23 février 2016 2 23 /02 /février /2016 09:48
Libye : La violence impérialiste n’a pas de fin ! Une seconde intervention en préparation ?

Hillary Clinton : « La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique ![1] »

 

 

La générosité de l’Empire en matière de violence est sans limites. Après que les Etats-Unis aient menti au Conseil de sécurité des Nations Unies sur la soi-disant menace que Kadhafi représentait pour les « manifestants » de Benghazi, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé l’usage de la force pour les protéger. La Russie et la Chine se sont abstenues au lieu d’opposer leur veto.

 

 

Sources : Le Grand Soir | mis à jour le 18/09/2023

Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN (dont la France) ont violé la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Ils ont armé les « manifestants », bombardé le pays jusqu’à le réduire en miettes, et tué les principaux officiels du gouvernement dont Mouammar Kadhafi. La secrétaire d’Etat étasunienne, le monstre Clinton, s’en est glorifiée (vidéo) dans une célèbre réplique : « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort. »

 

C’est à cause de la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU que le président russe Medvedev n’a pas pu se représenter pour un second mandat. Le président Poutine, qui à l’époque était Premier ministre et n’était responsable que de la politique intérieure, a dit que, lorsqu’il avait lu la résolution du Conseil de sécurité il avait trouvé, dans son libellé, des trous permettant à toute une armée de se frayer un passage. Medvedev avait fait une énorme erreur en la laissant passer. Le fait qu’il ait été obligé de partir, est le seul résultat positif de l’attaque de l’OTAN sur la Libye.

 

 

- Maintenant, les États-Unis veulent attaquer à nouveau la Libye.

  • Le général Joseph Dunford Jr., le président du Joint Chiefs of Staff, a déclaré aux journalistes vendredi que les responsables militaires « réfléchissaient à une action militaire décisive » contre l’État islamique ou ISIS en Libye où le groupe terroriste a environ 3 000 combattants selon des responsables occidentaux.
  • Des officiels de l’Administration disent que la campagne en Libye pourrait commencer dans quelques semaines. Ils pensent qu’elle sera menée avec l’aide de quelques d’alliés européens, comme la Grande-Bretagne, la France et l’Italie.

 

Il y aura, comme d’habitude, des frappes aériennes, des forces spéciales sur le terrain, des mercenaires, formés par les forces étasuniennes ou des sociétés privées, qui se transformeront en escadrons de la mort et terroriseront la population.

 

C’est le chaos en Libye, comme c’était prévisible et a été prédit ici quand la guerre en Libye a commencé....  et reconnu récemment par Alain Juppé . Il y a beaucoup de groupes armés et deux parlements et deux gouvernements rudimentaires, un dans l’est et un dans l’ouest. L’ONU vient juste d’essayer d’en créer un troisième, un gouvernement d’union nationale, et elle a échoué :

  • Le parlement de Libye, reconnu internationalement, a voté lundi pour rejeter le gouvernement d’union proposé dans le cadre d’un plan soutenu par les Nations Unies pour résoudre la crise politique et le conflit armé dans le pays. ... Depuis 2014, la Libye a eu deux parlements et deux gouvernements concurrents, l’un basé à Tripoli et l’autre dans l’est. Les deux sont soutenus par des alliances instables de groupes armés et d’anciens rebelles qui ont aidé à renverser Mouammar Kadhafi en 2011.

 

Une grande partie des « rebelles » payés par le Qatar et d’autres pour renverser le gouvernement libyen sont islamistes. Beaucoup sont allés de Libye en Syrie pour lutter contre le gouvernement syrien, et les États-Unis ont contribué à fournir des armes de Libye à ces terroristes étrangers en Syrie.

 

Il est peu probable que l’intérêt réel des États-Unis soit maintenant de combattre les quelques combattants étrangers de l’État islamique en Libye. La plupart des partisans de l’État islamique en Libye appartiennent à des tribus qui, auparavant, faisaient partie d’un gang islamiste local ou d’un autre. Ils ne sont pas une menace et d’autres forces locales peuvent les tenir en respect.

 

 

- Les États-Unis veulent avoir tout le pays sous leur contrôle indirect, mais jusqu’ici ils n’en ont que la moitié.

  • Les forces armées alliées au gouvernement de l’est sont dirigées par le général Khalifa Haftar, un ancien allié de Kadhafi. Il a également combattu les militants islamistes dans la ville orientale de Benghazi, et il est devenu l’une des figures les plus controversées de Libye. Il bénéficie d’un grand soutien dans l’est, mais il est méprisé par les forces alliées au gouvernement de Tripoli.

 

Haftar était autrefois avec Kadhafi mais a été écarté après avoir échoué dans une guerre avec le Tchad. Autour de 1990, il a essayé sans succès de renverser Kadhafi. Il est allé aux États-Unis, est devenu un citoyen américain et a travaillé pour la CIA. En 2011, il était de retour en Libye et a tenté à nouveau de renverser Kadhafi.

 

En 2011, les États-Unis n’ont pas réussi installer leur leader par procuration en Libye. Ils vont maintenant essayer à nouveau de prendre le contrôle total du pays et de ses ressources. Une fois installés en Libye, ils pourront asservir des pays d’Afrique du Nord.

 

Il est facile de voir que cela va engendrer plus de guerres, plus de terreur, et plus de réfugiés. La violence impériale est inépuisable.

 

La France de Hollande, va-t-elle s'embarquer dans cette aventure qui ne peut que, pour les terroristes, contribuer à légitimer leurs actions contre notre territoire et nos ressortissants ?

 

Note :

[1Hillary Clinton: «La guerre contre la Libye visait à empêcher la souveraineté économique de l’Afrique!»

 

Pour en savoir plus :

- Que savons-nous de ce qui s’est fait en notre nom en Libye ?

- Lybie. Les États-Unis pressés d’entrer encore en guerre

- La France mène des opérations secrètes en Libye

- Trois militaires français tués : le gouvernement libyen accuse Paris de "violation" du territoire
- Libye, 3 soldats sous uniforme français tués, à quel titre ?

- Libye Juillet 2016 : premières frappes américaines contre le principal fief de Daesh

- Un rapport le confirme: l'intervention franco-britannique en Libye a été un désastre

- Et si Sarkozy avait attaqué la Libye de Kadhafi pour sauver le franc CFA ?

- Esclavage en Libye : on savait en 2012

- au sujet de la Lybie Patrick Haimzadeh : « un processus révolutionnaire doit être endogène et rester la propriété des peuples concernés »

- Libye : le général Hiftar, la CIA et le coup d’État d’opérette

- Libye. Hillary Clinton, Nicolas Sarkozy, David Cameron et Barack Obama devraient être poursuivis pour crimes de guerre.

- Après la guerre de Sarkozy-Obama-Clinton-Cameron en Libye, des milices pratiquent la traite négrière (Vidéo) 

- Histoires françafricaines (7) : Comment l'Etat français sous Sarkozy a détruit le régime de Kadhafi et la Libye en 2011

Kadhafi avait prévenu : instabilité de la Libye = Fin de l'état de droit en Libye, immigration massive en Europe et Terrorisme (Vidéo)

- Pourquoi vos médias ne racontent pas toute l’histoire des inondations en Libye et masquent les responsabilités de la politique occidentale en Libye

 

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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 09:45
Déluge de bombes sur le code du travail

Ils nous la font sur l'air de : "Donne-moi ta main et prends la mienne...

Mais oui, mais oui, le code est fini !"

 

Sources : LE MONDE diplomatique par Martine Bullard, 19 février 2016

Le patronat et Nicolas Sarkozy en rêvaient, MM. François Hollande et Manuel Valls l’ont fait : si, par hypothèse funeste, le projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs » (sic) devait voir le jour, le code du travail ressortirait en miettes(Le texte complet peut être téléchargé ICI) « L’objectif, précise la ministre du travail Myriam El Khomri dans un entretien aux Echos (18 février 2016), est de s’adapter aux besoins des entreprises ». On s’en doutait un peu — encore qu’il s’agisse d’une étrange vision des entreprises, réduites à leurs seules sphères dirigeantes.

 

Bien sûr, il ne s’agit que d’un projet et tout peut encore bouger. Le pouvoir excelle dans les manœuvres consistant à laisser fuiter les dispositions les plus folles pour ensuite accréditer l’idée que le pire a été évité. Ainsi il a laissé courir le bruit que les heures supplémentaires ne seraient plus rémunérées pour finalement décider un plancher obligatoire de 10 %. Tout le monde crie victoire alors que jusqu’à présent la norme était de 25 %, sauf quelques exceptions !

 

Roi de l’entourloupe, le président de la République assure ne pas toucher aux fondamentaux : contrat de travail à durée indéterminée qui reste la règle et la semaine de 35 heures qui demeure la norme légale. Mais il transforme ces deux principes en coquilles vides. Si les mots restent, la protection des salariés disparaît et avec elle l’égalité de traitement des citoyens devant la loi.

 

Jusqu’à présent, le principe fondamental du droit du travail donnait la priorité aux lois édictées par les élus de la République à moins qu’un accord à un niveau inférieur (branche, entreprise) se révèle plus favorable au salarié. Désormais, un accord dans une entreprise prévaut sur la loi, même s’il est défavorable à ce dernier. Singulière conception de l’« égalité réelle » ! Cette disposition fondamentale permettra au prochain président de la République d’amputer ce qui restera (encore) des droits des travailleurs.

 

Quant au fameux contrat de travail à durée indéterminée (CDI) maintenu dans la loi, il pourra être rompu à tout moment en cas « de réorganisation de l’entreprise » ou de « conquête de marché ». Au delà de ces situations somme toute très fréquentes, la direction n’aura même plus à se justifier : il lui suffira de payer trois mois de salaire pour les employés embauchés depuis moins de deux ans, six pour les moins de cinq ans, etc. La notion même de licenciement abusif disparaît de fait. Le patron qui paye peut se séparer de son salarié sans risque de pénalité supplémentaire.

 

Même tour de passe-passe pour les 35 heures. Entre les dérogations, un décompte du temps de travail et le paiement au rabais des heures supplémentaires, la réforme Aubry va passer aux oubliettes…

 

Après une lecture rapide des 131 pages de ce nouveau code du travail, on peut retenir les dispositions concernant la durée du travail, la réforme des prud’hommes[1], l’élargissement du droit de licencier et de réduire autoritairement les salaires, le moindre paiement des heures supplémentaires, etc.

 

 

- Le patron décide de la durée du travail

Ce nouveau code reprend les principes édictés par M. Robert Badinter, qui a fait sienne la formule la plus libérale que l’on puisse imaginer, dès l’article 1 : « Les libertés et droits fondamentaux de la personne sont garantis dans toute relation de travail. Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées (…) par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. » Lesquelles sont définies par les actionnaires et les directions d’entreprise. Tout en découle.

 

La journée de travail de 10 heures, qui était jusqu’à présent l’exception, pourra se généraliser en « période d’activité accrue » ou « pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ». Elle pourra même s’élever à 12 heures. Jusqu’alors, les dérogations exigeaient une autorisation administrative. Désormais, il suffira d’un accord d’entreprise — dont le recours sera facilité (lire plus loin).

 

Même principe pour la durée hebdomadaire, laquelle pourra grimper jusqu’à 46 heures en moyenne pendant 16 semaines par an (au lieu de 12 aujourd’hui) et même atteindre 48 heures « en cas de surcroît d’activité », sans autre précision. Un simple accord d’entreprise suffira. Le gouvernement ne renonce pas au plafond des 60 heures réclamé par les entreprises mais il l’encadre quand même d’une autorisation de l’inspection du travail.

 

Instauré lors de la loi Aubry sur la réduction du temps de travail (RTT), le forfait-jours, qui permet de s’émanciper de la durée légale quotidienne, était réservé aux grandes entreprises et principalement aux cadres (50 % d’entre eux). Le système sera étendu aux entreprises de moins de 50 salariés (sans distinction de fonction). Les charges de travail au quotidien pourront franchir toutes les barrières car, dans la pratique, elles ne seront plus contrôlables.

 

D’autant que les 11 heures de repos quotidiennes consécutives obligatoire sautent. Elles pourront être « fractionnées » !

 

De plus, « le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif », sauf s’il dépasse le « temps normal ». On appréciera la précision de la formule.

 

 

- Sécuriser les licenciements

Grâce à M. Nicolas Sarkozy, il y avait déjà la « rupture conventionnelle » (2 millions depuis sa création en juin 2008), faux nez qui cache souvent un moyen de pression patronale pour se séparer d’un salarié. Grâce à quelques syndicats, comme la CFDT et la CGC, qui avaient signé l’accord national interprofessionnel (ANI), et à M. Hollande, qui a concocté la loi dite de « sécurisation de l’emploi », le patronat pouvait réduire les salaires, augmenter le temps de travail et bien sûr licencier « en cas de difficultés économiques », dont l’interprétation était laissée aux juges. Le texte désormais les définit : une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires « pendant plusieurs trimestres consécutifs » (cela peut donc être deux trimestres), des « pertes d’exploitation pendant plusieurs mois ou une importante dégradation de la trésorerie ». Et ce, « au niveau de l’entreprise » (et non du groupe). Il suffit pour les grosses sociétés de présenter les comptes de leur filiale en déficit (un jeu d’enfant) pour que tout soit possible. Exit le droit au reclassement des salariés licenciés.

 

 

- En fait le patronat a obtenu ce qu’il réclamait depuis la nuit des temps : le droit de licencier sans entrave.

A ces causes dites défensives de licenciements, s’ajoute la possibilité de jeter les salariés dehors en cas « de mutations technologiques » ou de simple « réorganisation de l’entreprise ». Le travailleur qui refuse une mutation à l’autre bout de la France ou une baisse de salaire, ou encore une augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire, sera tout simplement licencié (auparavant, il avait droit au statut de licencié économique) ; il garde ses droits au chômage mais perd celui du reclassement.

 

  • En fait le patronat a obtenu ce qu’il réclamait depuis la nuit des temps : le droit de licencier sans entrave.

 

- Ligoter les prud’hommes

Le patron pourra même licencier « sans cause réelle et sérieuse », il lui suffira de payer une indemnité forfaitaire fixée à l’avance, quel que soit le dommage subi par le travailleur. Celle-ci est d’emblée fixée à 3 mois de salaire pour 2 ans d’ancienneté, 6 mois entre 2 et 4 ans, 9 mois entre 5 et 9 ans, 12 mois de 10 à 20 ans, 15 mois pour les plus de 20 ans. Ainsi, un salarié jugé plus assez productif ou trop ouvertement revendicatif peut être jeté sur le carreau à n’importe quel moment.

 

 

- Travailler plus pour gagner moins

Les heures supplémentaires pourront être majorées de 10 % — et non plus 25 % de plus pour les huit premières heures, 50 % au-delà. Il suffit d’un accord d’entreprise. Pour un salarié payé au Smic, l’employeur devra débourser moins de 1 euro par heure supplémentaire (0,96 euro contre 2,4 euros en vertu de la loi précédente). Une broutille qui le poussera à y recourir au lieu d’embaucher. Quant aux salariés, ils verront leur pouvoir d’achat baisser.

 

 

- L’entreprise au-dessus de la loi

C’est sans doute le changement le plus important. Malgré les déclarations tonitruantes à la gloire de la République et de ses principes, la loi passe au second plan même quand elle protège mieux les salariés. C’est l’accord d’entreprise qui prime. La loi Macron[2] avait déjà introduit cette disposition, mais elle restait exceptionnelle. Elle deviendra la règle.

 

Certes, cet accord devra être majoritaire, c’est-à-dire signé par des syndicats représentant plus de la moitié des salariés lors des élections professionnelles. Mais si ce n’est pas le cas, les syndicats minoritaires (au moins 30 % des voix) pourront recourir au referendum auprès des salariés. Et le pouvoir de vanter cette démocratie directe en jouant le petit peuple des travailleurs contre les élus syndicaux, forcément bornés.

 

Bien entendu, la consultation des travailleurs n’est pas en soi condamnable. Mais la question posée n’est pas définie collectivement, loin s’en faut. Si des syndicats minoritaires peuvent impulser la consultation, son contenu demeure entre les mains du patronat et prend souvent l’allure d’un chantage où les salariés ont le choix entre Charybde et Scylla : soit accepter de travailler plus et/ou gagner moins, soit perdre leur emploi… Chez Bosch, à Vénissieux, les salariés avaient accepté en 2004 de travailler 36 heures payées 35 et de renoncer à une partie des majorations pour travail de nuit ; leurs sacrifices n’ont servi qu’à rendre la société plus présentable : leur usine a été vendue en 2010, et plus de 100 emplois ont disparu. Même scénario chez General Motors à Strasbourg, Continental à Clairoix, Dunlop à Amiens…

 

Les commentateurs vantent souvent les référendums chez Smart, où 56 % des salariés ont répondu favorablement à la hausse du temps de travail (pour la même rémunération) réclamée par l’actionnaire au nom de la défense de l’investissement et de la non-délocalisation. Mais ils oublient de préciser que si 74 % des 385 cadres consultés ont approuvé l’accord, seuls 39 % des 367 ouvriers les ont imités, car ce sont eux qui ont les charges de travail les plus éprouvantes. Faut-il rappeler qu’un cadre vit six ans de plus qu’un ouvrier ? Avec la nouvelle loi, les ouvriers se verront imposer l’intensification de leurs tâches.

 

D’une entreprise à l’autre, les salariés ayant une même qualification auront des droits fort différents. On pourrait même imaginer des travailleurs aux statuts totalement divergents sur un chantier avec plusieurs sous-traitants. En fait, comme l’explique fort bien le spécialiste du travail Pascal Lokiec, « cela conduit potentiellement au dumping social et complexifie la situation du salarié qui changera de droit applicable en même temps qu’il changera d’entreprise[3] ». Quant à l’emploi, il restera à quai ou encore plus sûrement plongera. Comme le montrent toutes les études, ce n’est pas la prétendue « rigidité » du code du travail qui fait le chômage, mais le manque de débouchés.

 

 

- Les élus socialistes aux ordres

Tout comme il oppose les travailleurs aux syndicats, les juges aux technocrates (qui seraient les mieux à même de fixer les pénalités patronale aux prud’hommes ou de définir les licenciements économiques), M. Hollande cherche à opposer les élus parlementaires au peuple français. Assuré avec ces orientations ultralibérales de ne pas bénéficier des voix des députés du Front de gauche et d’une partie des Verts pour faire passer sa loi, le chef de l’Etat réclame des élus socialistes qu’ils s’inclinent (même avec des états d’âme). Il menace donc d’employer la force du 49-3 — une disposition constitutionnelle qu’il qualifiait autrefois (avec lucidité) de « brutalité » et de « déni de démocratie ». La boucle est bouclée.

 

 

- Pour Jean-Luc Mélenchon, la vie quotidienne des gens va être détruite

Note

[1] le prochain numéro du Monde diplomatique, en kiosques le 2 mars, y consacrera un article

[2] « Le choix du toujours moins », Le Monde diplomatique, avril 2015
[3] Cité par Mathilde Goanec, « La future loi El Khomri achève définitivement les 35 heures », Mediapart, 18 février 2016.

 

Pour en savoir plus :

- Le texte intégral du projet de loi [à télécharger ici]

- Le communiqué de l'Ugict CGT : "Code du travail : le gouvernement veut donner les pleins pouvoirs aux chefs d'entreprise" [à lire ici]

- Le communiqué de la CGT : "Droit du travail : Le gouvernement hors la loi" [à lire ici]

- Le communiqué du SAF : Avant projet de loi El Khomri : des salariés flexibles et insécurisés [à lire ici]

- Décryptages dans la presse : à lire ici, ici, ici, et ici

 

et aussi :

- Mon dossier Loi Khomri/Valls

- un site internet dédié à la mobiisation :  Loi Travail : non, merci ! Le projet de réforme du droit du travail présenté par Myriam El Khomri propose de revenir des années en arrière. Mobilisons-nous !

- Avant projet de loi El Khomri : des salariés flexibles et insécurisés par Le Syndicat des Avocats de France

- Fortifions le code du travail : par Clémentine Autain, (Ensemble) , Olivier Besancenot, (NPA) , Eric COQUEREL, (Parti de gauche) , Gérard Filoche, (PS) , Willy Pelletier, (Fondation Copernic) , Pierre Laurent, (PCF) , Eric Beynel, (Solidaires) , Fabrice Angei, (CGT) et Noël Daucé, (FSU)

- Un gouvernement dit « de gauche » va faire ce que des gouvernements de droite n’ont jamais osé...

- La déchéance sociale après celle de la nationalité par Jean-Luc Mélenchon

- Pourquoi la réforme du code du travail met en péril la sécurité et la santé des salariés

Déluge de bombes sur le code du travail
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16 février 2016 2 16 /02 /février /2016 09:26
Ponctionner les comptes bancaires pour sauver les banques est devenu légal depuis août 2015

Pour être concret, veuillez imaginer la situation suivante : vous héritez, à la suite du décès de l’un de vos ascendants d’une habitation que vous revendez 200 000 € ou d’une assurance-vie d’un montant de 150 000 €. Vous placez momentanément cette somme en attendant de l’utiliser pour acquérir un autre bien par exemple. Imaginons que votre banque soit en grande difficulté financière et menacée de faillite ce qui n'est pas une utopie la troisième crise financière ayant commencé... dans l'indifférence générale.

Vous désirez récupérer votre argent pour faire une acquisition. Selon la nouvelle réglementation d’août2015, la banque n’est obligée que de vous rembourser 100 000 € (et 70 000 € si votre argent est géré par une compagnie d’assurances.) Ainsi, vous perdez dans le premier cas 100 000 € et dans le deuxième cas 50 000 € , et ce ,… en toute légalité !

Pour en savoir plus : Les banques ou l'art de faire payer les autres

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées et Le blogpatrimone.com par Hervé Debonrivage

- Voici maintenant le texte de l’expert en gestion financière.

"C’est bon ! Ne vous inquiétez plus, votre banque ne fera pas faillite. La prochaine crise peut arriver demain matin, les banques sont maintenant hors de danger.

 

Cette protection des banques est une excellente nouvelle (ironie) et doit son avènement dans une ordonnance publiée discrètement le 20 Août 2015 dernier. Cette ordonnance qui a pour objectif la résolution des crises bancaires en France prévoit 4 outils :

  • La cession d’activités : l’autorité de résolution cède des biens, droits, obligations, actions ou autres titres de propriété de l’entité en résolution à un tiers acquéreur. La banque qui menace de faire faillite est démantelée et vendue pour payer les dettes.
  • L’établissement-relais (« good bank ») : l’autorité de résolution crée un établissement en charge d’acquérir les biens, droits, obligations, actions ou autres titres de propriété de l’entité en résolution en vue d’une cession au meilleur prix dans un proche avenir.
  • La structure de gestion des actifs (« bad bank ») : l’autorité de résolution crée une structure de gestion des actifs en charge d’acquérir les biens, droits et obligations en vue de les liquider au meilleur prix.
  • Le renflouement interne  : l’autorité de résolution réduit et/ou convertit les éléments de passif de l’entité en résolution, à l’exception de ceux qui sont expressément identifiés comme ne pouvant pas faire l’objet d’une telle mesure.

- Soit le renflouement est utilisé dans le cadre d’une stratégie de « résurrection » et mis en oeuvre au bénéfice de l’entité en résolution si l’autorité de résolution estime que sa viabilité financière à long terme peut être restaurée.

- Soit le renflouement interne est utilisé dans le cadre d’une stratégie de démantèlement afin de capitaliser l’établissement-relais et de faciliter l’utilisation de la cession d’activités ou de la structure de gestion des actifs.

 

Dans tous les cas, l’efficacité de l’instrument de renflouement interne devrait être accrue avec le respect des entités pour une exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (MREL).

 

De ces quatre outils de résolution de la crise bancaire, c’est le point 4 qui est le plus intéressant, incompréhensible, mais très intéressant :

  • Le renflouement interne : l’autorité de résolution réduit et/ou convertit les éléments de passif de l’entité en résolution, à l’exception de ceux qui sont expressément identifiés comme ne pouvant pas faire l’objet d’une telle mesure
  • Le renflouement interne : Ponctionner les comptes bancaires, les transformer en action de la banque en faillite afin de sauver la banque.

 

De cette phrase totalement incompréhensible, il faut comprendre que l’ordonnance citée autorise les banques en difficultés à ponctionner les comptes bancaires de leurs clients afin de résoudre la crise bancaire.

 

Cette ordonnance prévoit donc l’extension du champ d’application de la procédure de renflouement interne (capacité à réduire unilatéralement les passifs et à convertir ces passifs en titres de capital) aux passifs détenus par les créanciers senior, notamment les dépôts non garantis par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution.

 

Dorénavant, c’est officiel depuis le 20 Août dernier, les épargnants pouvoir voir leur épargne ponctionner pour sauver la banque dans laquelle ils ont déposé leur argent.

 

 

- Cela vous semble incroyable, c’est pourtant bien la réalité.

 Vous y voyez une atteinte au droit de propriété ? Vous avez raison !

Néanmoins, rassurez vous, le renflouement interne (=la ponction des comptes bancaires) ne devrait pas concerner les capitaux protégés par le fond de garantie des dépôts (100 000€ par personne et par banque et 70 000€ par personne et par compagnie d’assurance vie). Mais quelle est la valeur d’un tel engagement ? 

 

Nous ne sommes plus très loin de la proposiion du FMI dirigée par Christine LAGARDE : Ponctionner 10% de l’épargne pour rembourser l’ensemble des dettes et résoudre la crise (cf »Une taxe de 10% sur l’épargne : La solution du FMI pour sortir du surendettement ?)

 

Vous ne croyez pas cela possible, je vous laisse le soin de consulter le texte de l'ordonnance en question : 

 "Le renflouement interne ne devrait cependant être actionné après que les actionnaires (détenteur d’action des banques ou de parts sociales des banques coopératives), et les détenteurs d’obligations de la banque en question ne soient sollicités".

 

Rappelez-vous, Chypre à connu ça en Mars 2013 (cf « ALERTE !! CHYPRE : Au final, c’est l’épargnant qui paiera la facture de la crise !!) : Les épargnants ont payé la résolution de la crise bancaire par une ponction d’une partie de l’épargne qui dépassait 100 000€. L’ordonnance qui vient d’être publiée légalise cette possibilité pour la France. Vous voilà prévenu !

 

Maintenant, la prochaine crise peut arriver !

On a la certitude que les banques seront sauvées !

Les épargnants seront spoliés…"

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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 09:17
En 1991, la guerre en Irak a été la première guerre suivie en live à la télévision.

En 1991, la guerre en Irak a été la première guerre suivie en live à la télévision.

Il y a 25 ans, une coalition de 49 pays envahissait l’Irak. La guerre, l’embargo qui a suivi, une nouvelle guerre et une occupation ont laissé derrière eux un pays sans ressources. Mais l’Irak n’est pas mort. L’opposition et les protestations n’ont jamais cessé et sont l’antidote contre le militarisme et l’occupation.

 

Sources : Solidaire par Dirk Adriaensens le 15 janvier 2015

- La guerre du Golfe de 1991

Le 17 janvier 1991, 29 pays, parmi lesquels la Belgique et quelques pays arabes, envahissaient l’Irak. Le but était de chasser l’armée irakienne du Koweit, qu’elle avait envahi en août 1990. En 43 jours, une coalition internationale effectuait 100 000 bombardements aériens, lançait 450 roquettes Tomahawk et larguait 265 000 bombes. Une grande partie des infrastructures sociales et économiques d’Irak était détruites. Le pays était rejeté dans l’ère pré-industrielle pour une très longue période. 

 

En 1991, la guerre en Irak a été la première guerre suivie en live à la télévision. Les premiers bombardements sur Bagdad, le 17 janvier, ont été montrés en direct et de manière quasi triomphale sur CNN (photos ci-dessus). Beaucoup d’images infographiques ont également été utilisées pour illustrer les prétendues « frappes chirurgicales ». En réalité, celles-ci ont été bien moins précises que les images le laissaient croire. Elles ont coûté le vie à des milliers de gens, alors qu’on évoquait des « dommages collatéraux ».  

 

Le 26 février, l’Irak se retirait du Koweit. Les troupes qui se repliaient étaient également attaquées. Rien que là, on a compté 25 000 morts irakiens. Au total, 125 000 militaires irakiens ont trouvé la mort, contre 125 Américains. 

 

Après le retrait irakien du Koweit, le Conseil de sécurité des Nations Unies organisait un embargo jusqu’à ce que toutes les armes non-conventionnelles (chimiques, biologiques et atomiques) soient détruites. La commission des Nations unies UNSCOM était chargée de cette mission. Jusqu’au mois d’août, 340 équipes UNSCOM ont contrôlé 9 346 sites où des armes auraient pu être entreposées. Après ces contrôles, il n’y avait plus d’armes de destruction en Irak. L’embargo serait d’application jusqu’en mai 2003, après la chute du président Saddam Hussein. 

 

La guerre du Golfe a coûté 676 milliards de dollars, ce qui correspondait à ce moment-là à la moitié du montant de la dette du tiers-monde.

 

 

- Après la guerre militaire, la guerre économique : l’embargo 

Le nombre de morts dus à l’embargo est énorme. D’après les chiffres du ministère irakien de Santé publique (chiffre pour fin 2002), 1 806 915 victimes civiles, dont 750 000 enfants de moins de 5 ans, sont mortes à cause de l’étranglement économique. Avant la guerre du Golfe, l’Irak importait 70 % de sa nourriture : pour 2 à 3 milliards de dollars par an. Sous l’embargo, à peine la moitié entrait encore dans le pays. La production locale n’a pas non plus pu se rétablir. 

 

L’embargo a été une punition collective, imposée à toute la population irakienne pour exercer une pression sur le gouvernement irakien. Les changements que le pays subissait après dix ans de sanctions sont incommensurables. Les indicateurs de base (alphabétisation, santé, enseignement...) qui mesurent le niveau de bien-être des gens étaient en Irak avant l’embargo parmi les meilleurs du monde. En 2000, l’Irak régressait jusqu’au 20 % les plus bas. En dix ans, la mortalité infantile passait de l’une des plus basses au monde à l’une des plus hautes. 

 

Même quand la guerre du Golfe était officiellement terminée, il y avait encore des bombardements tous les jours sur une grande partie du pays. Entre 1991 et 2001, les forces armées américaines et britanniques ont effectué 280 000 vols de combat au dessus de l’Irak et tué des centaines de civils.

 

L’infrastructure était également gravement touchée. L’Irak a quand même réussi à reconstruire toute seule une partie importante de ses infrastructures vitales.

 

Highway of Death (l’autoroute de la mort) : l’attaque sur les troupes irakiennes qui se retiraient du Koweït vers l’Irak via l’autoroute côtière a fait à elle seule 25 000 morts. L’avant du convoi a été bombardé. Comme il y avait des champs de mines sur les côtés, impossible de prendre une autre voie. Des milliers de soldats irakiens réfugiés dans des tranchées ont été enterrés vivants dans le sable par des bulldozers. (Photo Joe Coleman / Wikimedia Commons)

 

- Les buts stratégiques des États Unis

Les États-Unis avaient cinq buts stratégiques pour le Moyen-Orient : 

  • Assurer le contrôle des réserves pétrolières du Moyen-Orient pour déterminer les quantités produites et faire baisser les prix. 
  • Maintenir les structures politiques de la région, surtout celles des Émirats et de l’Arabie saoudite qui assuraient le contrôle de l’Occident sur le pétrole. 
  • Détruire le potentiel économique et militaire de l’Irak.
  • Installer des bases militaires pour imposer les diktats de l’Occident.
  • Sécuriser la suprématie d’Israël sur tous les pays arabes.

Comme grand producteur de pétrole, l’Irak avait nationalisé ce secteur en 1972 et investissait les revenus de ce pétrole pour son propre développement. Les pouvoirs occidentaux et les compagnies pétrolières n’ont jamais pu l’accepter.

 

Dans les années 1990, la France et la Russie avaient conclu des accords avec l’Irak pour exploiter le pétrole irakien après la levée des sanctions. Ces contrats concernaient au total 1 100 milliards de dollars. Les États-Unis étaient exclus de l’accès au développement futur des plus grandes réserves de pétrole au monde (à un près). 

 

L’Occident avait aussi un problème par rapport à l’économie socialiste (socialisante) d’Irak. A la fin de l’année 2000, le gouvernement irakien décidait de ne plus travailler avec le dollar pour les opérations pétrolières parce qu’il était une « monnaie ennemie ». Toutes les transactions se faisaient, depuis la fin de 2000, en euros, et le siège des comptes pétroliers n’étaient plus situé aux USA mais à Paris. « Dans le monde réel (...), le seul facteur à la base de la prospérité américaine est le maintien du dollar comme monnaie de réserve mondiale. Ceci ne peut se faire que si les pays producteurs de pétrole gardent le dollar pour calculer le prix du pétrole. Le dernier clou au cercueil de Saddam Hussein a été sa décision de commencer à vendre son pétrole en euros », commente Richard Benson, analyste de Citibank et Chase Manhattan.

 

Tout cela était une raison suffisante pour les États Unis pour entreprendre une action déterminante et envahir une nouvelle fois l’Irak.

 

 

- Invasion illégale et occupation de l’Irak

Le 19 mars 2003, les États-Unis et la Grande-Bretagne attaquaient illégalement l’Irak. 41 000 vols de combat étaient effectués et 27 000 bombes étaient larguées. A peu près 200 000 soldats prenaient part aux opérations au sol. Les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne n’avaient pas l’approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies pour une telle attaque. Ils ont alors eu recours à des mensonges pour pouvoir envahir l’Irak : ce pays détiendrait des armes de destruction massive et aurait un lien avec les terroristes d’Al Qaïda ; et la guerre apporterait la démocratie en Irak... Le président Bush et ses ministres ont menti exactement 935 fois entre le 11 septembre 2001 et le 19 mars 2003 pour justifier leur invasion. Et cette désinformation a été coûteuse. En 2009, le ministère américain de la Défense a dépensé au moins 4,7 milliards de dollars pour « gagner les cœurs et les esprits » dans le pays et à l’étranger. 

 

 

- Le coût de la guerre : plus de 3 000 milliards de dollars

Le budget de la Défense des États-Unis a augmenté de 335 milliards de dollars en 2001 à 637 milliards de dollars en 2015. Le prix Nobel d’économie Joseph E. Stiglitz a déclaré à ce sujet : « Une guerre gratuite n’existe pas. L’aventure de l’Irak a sérieusement affaibli l’économie américaine et la misère va bien plus loin que la crise des hypothèques. On ne peut pas dépenser 3 milliards de dollars pour une guerre ratée à l’étranger sans en ressentir le mal à l’intérieur du pays. » 

 

D’après Stiglitz, les États Unis dépensent en ce moment 5 milliards de dollars par an en Afrique : « 5 milliards d’euros, c’est environ 10 jours de combats. Cela vous donne une idée du gaspillage de moyens. »

 

 

- La destruction intentionnelle de l’État irakien 

Après 25 ans de guerre, d’embargo, d’occupation et de chaos, il est évident que la destruction de l’État irakien a été voulue sciemment par les États-Unis. Les architectes américains de cette guerre avaient déjà prédit depuis des années qu’une invasion de l’Irak provoquerait la fin de l’État irakien. Dans un rapport de 1996, des auteurs néoconservateurs décrivaient l’inévitable déclin de l’Irak après une invasion militaire, affirmant qu’un changement de régime mènerait à « un déchirement de l’Irak par la politique des seigneurs de guerre, des voleurs, des clans, des sectes et des familles importante. » Ces mêmes auteurs sont pourtant par la suite devenus les défenseurs les plus agressifs d’une invasion. Les effets désastreux du point de vue culturel et humain de la destruction de l’État irakien de 2003 à 2011 – déjà fort affaibli par la guerre du Golfe en 1991 et par les sanctions économiques – sont énormes. Plus d’un million et demi de citoyens ont perdu la vie, l’infrastructure sociale – électricité, eau potable, égouts et institutions publiques – était détruite, des académiciens et des professionnels étaient assassinés, à peu près 2,5 millions de personnes devenaient des réfugiés dans leur pays (IDP) et 2 764 000 personnes ont fui. 

 

 

- Socialement et écologiquement invivable 

La destruction sociale est inestimable. Le niveau de l’enseignement et de la santé se situent aujourd’hui encore loin en dessous de celui d’avant l’invasion. Les minorités nationales irakiennes (chrétiens, Assyriens, Mandéens...) sont au bord de l’éradication. Certaines de ces minorités religieuses et ethniques irakiennes ont cohabité en paix dans la région pendant plus de 2 000 ans. Les droits des femmes ont été complètement supprimés, comme le droit à la protection de la maternité, le permis de travail et les soins de santé. De grandes parties du pays sont devenues écologiquement invivables. Des régions entières sont contaminées par l’uranium appauvri et par d’autres pollutions militaires, des millions de tonnes de déchets ont été abandonnés et ont non seulement porté atteinte au système écologique fragile de façon irréversible mais ont également provoqué une forte augmentation des malformations génétiques et des cancers. Le bas niveau de l’eau des lacs et rivières a provoqué des catastrophes parce que l’absence d’égouts a rendu l’eau impropre à la consommation humaine et animale. 

 

Du point de vue économique, l’Irak est devenu un immense paradis du marché libre, où les Irakiens n’ont aucun pouvoir. 

 

 

- L’occupation crée l’opposition 

L’opposition contre l’occupation étrangère a commencé tout de suite après l’invasion. Des officiers de l’armée irakienne, avec l’appui de la population, ont commencé immédiatement une guérilla qui a débouché sur une véritable rébellion civile. L’opposition a mené en moyenne 185 attaques par jour contre les forces d’occupation (chiffre de juin 2007). Les voitures piégées et autres attaques kamikazes ne sont qu’une petite partie de toutes les attaques. 90% des attaques kamikazes en Irak ont été effectuées par des combattants étrangers liés à Al Qaïda en Irak, et non pas seulement par l’opposition, d’après les statistiques de l’armée américaine elle-même. Les troupes irakiennes de sécurité du gouvernement comptaient 330 000 hommes. En mars 2011 ils étaient 670 000. Ils étaient souvent utilisés comme unités de choc pour l’armée d’occupation et il n’est donc pas étonnant qu’ils aient également été visés par l’opposition. 

 

En 2008, 157 800 militaires américains, plus de 150 000 mercenaires, 41 000 membres de la « National Police » (précédemment les escadrons de la mort) et 144 000 personnes des services de surveillance devaient essayer de maîtriser l’opposition massive irakienne. 

 

 

- Les américains sèment les germes de conflits 

Quand, en juillet 2013, le diplomate américain Paul Bremer créait l’organe de direction provisoire, l’Iraqi Governing Council (IGC), il a sélectionné les gens sur base de leur provenance religieuse et ethnique,  mentionnant leur appartenance derrière leur nom. L’identité irakienne a été totalement effacée du dictionnaire des occupants. Au lieu de construire un État avec des droits et des devoirs égaux pour tous les citoyens, les arabes sunnites ont été marginalisés, et le gouvernement, surtout constitué de certains groupes chiites et kurdes, les a très mal traités. La poudrière en Irak a été créée par l’occupation américaine. 

 

Le 15 décembre 2001, une marche internationale pour la paix avait lieu à Bruxelles. (Photo Solidaire, Salim Hellalet)

- La sale guerre 

Quand les armées américaine et britannique ont été confrontées à une opposition sérieuse, ils ont changé drastiquement leur tactique. « La seule façon que nous avons de gagner, c’est de passer à des moyens conventionnels. Nous devrons jouer leur jeu. Guérilla versus guérilla, terrorisme versus terrorisme. Nous devons terroriser les Irakiens et les obliger à se soumettre », ont-ils estimé. Pendant la période qui a suivi, des rapports ont vu le jour à propos des escadrons de la mort et de purification ethnique. Les médias ont, eux, parlé de « violences sectaires ». Une partie de la violence était peut-être spontanée, mais il y a cependant des preuves écrasantes que la plus grande partie était le résultat des plans décrits par les divers experts américains en décembre 2003. 

 

La firme de sécurité américaine Blackwater USA a recruté des mercenaires venant du Chili, de Pérou, d’Argentine, de Colombie et du Guatemala. Dans ces pays, on a de l’expérience pour les sales guerres. Les militaires y étaient bien entraînés à fréquenter les éléments subversifs internes. Le but n’était pas d’identifier les vrais combattants de l’opposition, de les arrêter et de les assassiner mais d’atteindre la population civile. C’était une stratégie de terrorisme d’Etat pour couper le lien entre la population et l’opposition et pour briser l’appui de la population à la guérilla. 

 

Des milliers d’Irakiens ont disparu entre 2005 et 2007. Certains étaient attrapés par les milices et chargés sur des camions, d’autres avaient l’air de disparaître tout simplement. Au plus fort des assassinats sectaires, entre 50 et 180 corps étaient largués tous les jours dans les rues de Bagdad. Beaucoup étaient décapités ou abattus par balles et portaient des traces de torture. 

 

 

- « Retrait » des troupes d’Irak

Le 21 octobre 2011, le président américain Obama annonçait le départ des dernières troupes. L’opposition irakienne y a beaucoup contribué. Cependant, le retrait des troupes ne signifiait pas la fin de l’occupation. L’empreinte américaine est toujours solidement présente. Une mission complète américaine de 16 000 personnes était maintenue en Irak, dans la plus grande ambassade américaine du monde. De plus, les États-Unis maintiennent toujours des «conseillers» dans tous les ministères irakiens. 

 

 

- Opposition pacifique d’une partie de la société 

A côté de l’opposition armée l’Irak, des protestations pacifiques d’un mouvement ouvrier fort et de groupes d’intérêt de la classe moyenne sont nées dans les années après l’invasion. Les autorités ont réagi brutalement contre les grèves. Les syndicats indépendants sont interdits et les travailleurs n’ont pas droit à des négociations collectives ni à la grève. Pour museler les protestations, plus de 44 % du budget du régime est consacré à la « sécurité ». Entre-temps, le citoyen irakien vit 18h par jour sans électricité, n’a souvent pas d’eau potable (70%) ou d’équipements sanitaires (80%). A Bagdad, près des deux tiers des eaux usées coulent toujours directement dans les rivières. 

 

En 2011 et 2013, il y a eu des centaines de milliers de manifestants dans les rues. Leurs exigences : suppression de la peine de mort, renforcement des services de base, pas de division entre groupes ethniques et religieux, arrêt de la corruption, lutte contre le sectarisme sous toutes ses formes et maintien de l’unité nationale.

 

 

- Chaos, répression et néolibéralisme ont fait le succès de Daech

Après une année de protestations pacifiques, le Premier ministre irakien Maliki a envoyé son armée et ses milices armées contre les manifestants. Plusieurs villes ont été attaquées et bombardées par les troupes gouvernementales. De ce fait, les islamistes sunnites séparatistes ont commencé à gagner en influence. Malgré les contretemps subis par Daech au cours de l’occupation de l’Irak, le groupe parvenait déjà fin 2012 à porter le nombre de ses combattants actifs à environ 2 500. La terreur semée par Daech est effrayante, mais les méfaits des milices chiites et de l’armée gouvernementale, soutenus par l’étranger, le sont tout autant. A part l’Occident, les États du Golfe comme l’Arabie saoudite et l’Iran, la Turquie aussi commence à jouer un rôle en Irak.

 

Et, pendant ce temps, la population irakienne est prise entre l’enclume et le marteau. Le 15 juin 2015, au moins quatre millions d’Irakiens étaient des déplacés internes. 

Bagdad 2002. (Photo Solidaire, Antonio Gomez Garcia)

 

- La crise humanitaire dans un pays oublié

En 2015, par manque d’argent, les Nations unies ont gelé la plupart des programmes de santé en Irak. Lors d’un appel à donation portant sur au moins 60 milliards de dollars, à peine 5,1 millions sont rentrés. 

 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a dû fermer plus de 184 services de santé. Les réfugiés et les personnes déplacées n’ont de ce fait plus accès aux soins de première ligne, post-traumatiques, alimentaires et aux services de vaccination En Irak, au moins 8 millions de personnes, soit un tiers de la population, ont besoin aujourd’hui d’aide humanitaire. C’est 3 millions de plus que lors de la dernière enquête de mars 2015, avant l’arrêt des programmes santé des Nations unies.  

 

 

- 2015 : la population irakienne résiste à la terreur de Daech et à celle de son gouvernement 

Malgré la terreur semée par Daech, le peuple irakien ne s’avoue pas vaincu. Les protestations massives débutées le 31 juillet 2015 ont atteint un point culminant le 7 août. 

 

Pour la seule Bagdad, environ un demi-million de personnes ont défilé dans les rues en scandant des slogans contre le gouvernement corrompu. Des centaines de milliers d’autres ont manifesté dans les villes chiites du sud. Des slogans comme « Ni chiites, ni sunnites mais laïcité » et « Le régime religieux nous a trompés » montrent la vraie nature des protestations de la population irakienne. Celle-ci a exprimé sa profonde colère à propos de la pauvreté, de l’insécurité, du non-respect des droits fondamentaux et du gouvernement irakien corrompu et sectaire. 

 

Selon un récent sondage effectué pour la BBC, 66% de la population irakienne estime que le pays va dans la mauvaise direction. 90% croit qu’il est possible de dégager une solution diplomatique aux différends nationaux. 84% pense que Daech a une influence « fortement négative ». 56% est hostile aux attaques aériennes de la coalition. 

 

 

- Laissez l’Irak au peuple irakien 

Il y a actuellement diverses initiatives du monde associatif irakien et des anciens mouvements d’opposition en vue de résoudre les différends nationaux de façon pacifique. Ces tentatives de se mettre autour d’une table sont l’une après l’autre sabotées par le gouvernement irakien et ses conseillers étrangers. 

 

La vente d’armes augmente. L’Occident entame de nouvelles opérations terrestres et aériennes contre des villes syriennes et irakiennes. Cela ne fera que gonfler les rangs de Daech et accroître encore les risques d’actions terroristes en Europe et aux États-Unis. Le monde associatif et les mouvements d’opposition en Irak sont les seules forces qui peuvent venir à bout de Daech et des autres milices. 

 

L’Irak n’est pas morte. Ces dernières 25 années, la résistance et les protestations n’ont jamais cessé et constituent le contre-poison au militarisme et à l’occupation. Le peuple irakien veut reprendre son pétrole en mains propres et il veut une économie saine au service des gens et ce, dans un environnement paisible. L’intervention militaire n’est pas la solution. Celle-ci réside dans la nécessité d’écouter la société civile irakienne et de soutenir les initiatives en vue de la réconciliation. Une Irak vraiment démocratique, souveraine, est une condition absolue si on veut faire disparaître Daech.

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12 février 2016 5 12 /02 /février /2016 09:32
Réflexions sur le confusionnisme et le néofascisme

Au lendemain d’élections régionales dont le résultat a pu provoquer chez certains un sentiment momentané de soulagement malgré un taux d’abstention supérieur à 40 % et des niveaux inhabituels de votes blancs et nuls , il n’est pas inutile de rappeler que l’économie française, entrainée dans la politique déflationniste de l’Union européenne et de l’Euro, reste installée depuis la crise de 2008 dans une quasi stagnation , que le chômage continue à s’élever à des niveaux record , que le commerce extérieur reste durablement déficitaire.

Le gouvernement , enfermé désormais dans la forteresse autocratique de l’état d’urgence , continue à s’impliquer, dans ou hors OTAN, dans de multiples opérations guerrières contribuant à accroitre des tensions internationales dangereuses et qu’il affiche systématiquement une préférence marquée pour les gouvernements les plus réactionnaires : Ukraine, Arabie Saoudite, Qatar, Israël, Turquie en même temps qu’un soutien constant aux bourgeoises compradores africaines.

 

Sources : Le Grand Soir par Robert Charvin[1] | mis à jour le 23/08/2022

- Confusionnisme et neofascisme

S’il est une idéologie dominante aujourd’hui en France et dans de nombreuses régions du monde, c’est le « confusionnisme ». Les questions majeures qui déterminent l’essentiel des comportements sont noyées dans un fatras de références pseudo-morales, religieuses, instrumentalisées pour gommer les inégalités sociales, la précarité en voie de généralisation dans les pays développés, la fracture nord-sud et l’incapacité du système économique à avoir une quelconque efficacité contre la destruction de l’environnement.

 

Ce n’est pas encore un monde nouveau qui se profile à l’horizon, c’est le vieux monde poursuivant sa logique qui se dégrade à grande vitesse et accentue toutes ses perversions. La richesse se concentre entre quelques mains de moins en moins nombreuses dans un monde où les difficultés sociales et la crise environnementale s’aggravent, sans que le système dominant n’ouvre aucune issue.

 

En Amérique du Sud, après une dizaine d’années de victoires progressistes permettant d’affirmer pour la première fois l’indépendance vis-à-vis des États-Unis de plusieurs États et le recul de la pauvreté, la contre-révolution reprend le dessus, grâce à des alliances confuses extrême-droite – conservateurs et social-démocratie ! La Bolivie d’Evo Morales résiste, mais le Venezuela chaviste s’affaiblit tandis que l’Argentine change de camp : le retour des États-Unis et des grandes firmes privées s’annonce !

 

En Afrique, le désordre et la misère atteignent des sommets particulièrement depuis la destruction de la Libye par la France et les États-Unis qui a déstabilisé une large partie des États africains voisins. Les inégalités, la mal-gouvernance et les interventions extérieures renforcent le chaos qui se répand sous couleur de conflits religieux. Le développement n’a pas de réalité pour le plus grand nombre.

 

En Asie, la Chine qui a pour priorité l’édification d’une économie nationale puissante, n’a pas encore une stratégie lisible à l’échelle planétaire. Sa tradition exclut toute « précipitation » dans le domaine politique. Il est difficile de savoir ce qu’il en sera demain.

 

Les États-Unis, divisés entre conservateurs de plus en plus ultras et démocrates très modérés et dont les positions varient d’un État à l’autre au sein de la Fédération, poursuivent cependant quelle que soit la présidence une politique à visée hégémonique, usant du recours à la force ou de l’ingérence « soft » pour maintenir des intérêts économiques et stratégiques, sous couvert d’un humanitarisme frelaté. Son « exceptionnalisme » affirmé exclut tout respect de la légalité internationale.

 

Les États européens qui se sont ligotés dans le cadre de l’Union Européenne, qui n’a créé qu’une structure affairiste au service des lobbies les plus riches, est politiquement malade. Malgré des dispositions « constitutionnelles » pro-démocratiques, l’Union Européenne accepte sans réaction des gouvernements qui associent diverses droites et des mouvements fascisants (comme en Hongrie ou en Lettonie, par exemple). Elle se propose même d’accepter l’adhésion de la Turquie autoritaire, islamiste et opportuniste de l’A.K.P, tandis qu’elle n’a pas hésité à détruire la gauche grecque qui avait remporté les élections, avec un parfait mépris de la démocratie électorale. La social-démocratie qui, dans une période récente, était presque partout au pouvoir en Europe, n’a rien modifié à la situation sociale détériorée. Aujourd’hui, elle est souvent associée à la droite conservatrice, comme en Allemagne qui devient le modèle politique de la France et d’autres pays européens.

 

La France, quant à elle, a perdu tous ses repères. Il n’y a pas « modernisation » de la vie politique malgré la prétention de certains « socialistes » qui en réalité ne le sont pas. Il y a au contraire pourrissement de toutes les valeurs, effacement de tous les principes, sous l’égide d’un « tripartisme » dont les composantes FN, PS, ex-UMP sont dotées d’un programme quasi identique, chacune ayant fait les poubelles des deux autres. Le PS et l’ex-UMP ont intégré par exemple la ligne anti-immigration et les revendications autoritaristes du FN, tandis que le FN a récupéré des éléments du programme économique et social de la gauche. Au P.S, comme à l’ex-UMP, on ne combat pas le F.N, on l’évite au maximum, dans l’espoir du ralliement de ses électeurs et d’alliances (y compris contre-nature) éventuelles ultérieures. Le fascisme imbécile de Daesh conforte l’influence des pires ennemis de l’Islam en France et en Europe, qui cultivent surtout (c’est plus facile) le racisme anti-arabe, substitut au vieil antisémitisme, sous couleur de laïcité ou de défense de la civilisation.

 

Plus personne ne s’y retrouve clairement, y compris dans l’intelligentsia, malade d’un pseudo humanitarisme et d’un droitdel’hommisme obsessionnels et inefficaces pour les droits de l’homme eux-mêmes. Cette pseudo-idéologie se voulant consensuelle contribue à tuer le politique de plus en plus discrédité, conduisant les citoyens au repli sur la vie privée et à l’indifférence vis-à-vis des luttes sociales. Le travail de mémoire de cette intelligentsia est discriminatoire. Complexée vis-à-vis de la Shoah, l’intelligentsia est devenue muette sur les massacres anticommunistes en Indonésie, au Vietnam, au Chili, etc. et oublie les massacres de la décolonisation. Cette intelligentsia-mode est aussi coupable d’un travail d’opacification des réalités socio-économiques et de la lutte des classes (concept devenu obscène), qui pourtant sous des formes complexes, avec des drapeaux renouvelés, se poursuit, malgré le sociétal médiatisé à outrance.

 

 

- Ce confusionnisme contribue fortement à préparer un avenir, sans que le pire soit certain, de type néo-fasciste

L’Histoire ne se répète pas, mais elle peut produire des phénomènes de même nature, par-delà les décennies, que l’on ne reconnaît pas. Les drapeaux n’ont pas la même couleur, le discours présente des différences, et surtout le style est différent.

 

Dans une société « américanisée », comme l’est la société françaises, dont plusieurs générations ont connu les « 30 Glorieuses », Mein Kampf (malgré sa réédition) est illisible, même si l’arabe a remplacé le juif et le bolchevik ! La pitoyable « pensée » d’un Zemour suffit !

 

Les Ligues et les milices n’ont plus guère d’intérêts en raison des réseaux et plus généralement des moyens offerts par les nouvelles techniques de communication. La propagande n’a plus besoin de grands meetings avec des « chefs » charismatiques : n’importe qui grâce à sa médiatisation répétitive peut passer pour un « superman » ou une « superwoman », malgré son inculture ou sa médiocrité banale.

 

L’apathie politique est entretenue par une inculture de masse, des spectacles simplistes et des jeux stupides. L’émotivité remplace le rationnel. Le contrôle social, par un formatage conservateur, remplace la répression, rendue néanmoins facile par la transparence des citoyens (grâce au net et aux services de type NSA), alors que les pouvoirs restent opaques. Tout est entrepris pour effacer les contre-pouvoirs : les juges, les forces politiques et syndicats revendicatifs, les intellectuels critiques.

 

D’authentiques leaders ne sont plus nécessaires pour rallier les foules : une « belle gueule » ou l’image d’un « père tranquille » suffisent pourvu qu’ils sachent manipuler avec efficacité les gens, comme des VRP du néo conservatisme, pour ajuster l’État et la société aux seuls intérêts des pouvoirs privés dominants qu’il ne faut surtout pas « déranger » !

 

 

- La manipulation la plus classique est l’instrumentalisation de la peur, toujours au service des dominants

Cette intoxication à la peur est entretenue plus ou moins subtilement, y compris en la dénonçant et en assimilant le courage au fait de rester aux terrasses des bistrots ! Le chômage, la précarité généralisée et organisée, la répression antisyndicale sélective (comme celle des agents d’Air France), le recrutement préférentiel à tous les niveaux de conformistes (par exemple, pour les professeurs d’économie), la valorisation constante de l’armée et de la police dont tous les actes sont applaudis, assurent l’entretien de la crainte chez les individus de plus en plus isolés les uns des autres.

 

Les actes terroristes aveugles sont encore plus déterminants : ils imposent la recherche de protecteurs, c’est-à-dire des plus puissants. Pourtant, Daesh et ses complices sont combattus dans l’ambiguïté des alliances contre nature avec l’Arabie Saoudite et le Qatar qui nourrissent le salafisme et par des « états d’urgence », pouvant devenir permanents.

 

Les « experts » choisis parmi les courtisans du pouvoir passent en boucle sur tous les médias, imposant l’idée que le désordre établi est « naturel », même s’il est douloureux et que tout ordre différent serait pire ou irréaliste.

 

Les programmes des partis eux-mêmes peuvent être aujourd’hui ni sophistiqués ni réalistes : la V° République française notamment, avec son présidentialisme outrancier, a habitué les citoyens à un combat politique de « têtes » et non de projets. A partir des sondages et des revendications, les « programmes » sont édifiés pour plaire, et peu importe qu’il ne soit pas question de les mettre en œuvre ou qu’ils restent inconnus du plus grand nombre. Le Parti nazi avait, par exemple, un programme social avancé avant 1933 et qui n’a vu le jour que très partiellement, la « gauche » nazie, qui souhaitait une « révolution » nationale et socialiste, ayant été rapidement éliminée. Le monde des affaires avait décidé ! Rien d’étonnant à ce que tous les partis proposent des programmes sociaux avancés, y compris le FN : la logique du système les rend impraticables ! Néanmoins, une large partie de la classe ouvrière a été séduite. Il est vrai qu’en 1936, le chômage avait été résorbé par l’économie de guerre. La seule dénonciation des « profits abusifs », l’idée d’ « unité nationale » associant partis et ouvriers et rendant « la dignité » aux salariés, l’antisémitisme et l’antibolchevisme (les deux n’étant pas dissociés à l’époque) fabriquant le bouc-émissaire nécessaire, l’origine populaire des dirigeants et leur style inédit, « antiélitiste », ont parfaitement fonctionné : le peuple allemand avait été profondément déçu de la Ière République née en 1919, non remis de la défaite, il avait subi de plein fouet la crise de 1929-1930. Le parti nazi a pu ainsi se composer pour un tiers d’ouvriers ! L’idée dominante, pour la grande majorité, était qu’il valait mieux être encaserné dans le nazisme que supporter la misère et l’insécurité avec les siens !

 

En France, à la veille de la guerre de 1939-40, les mots d’ordre des droites étaient simples : « La France aux Français », « honneur, ordre et propriété ». S’ajoutait l’hostilité venue de loin aux « judéo-marxistes », « ferment de la décomposition nationale » ! Aujourd’hui, à la crise économique et sociale, s’additionnent le souvenir de la guerre d’Algérie, source d’un racisme anti-arabe chronique et nourrissant l’anti-immigration, le simplisme venu de Bush et des États-Unis enseignant doctement le « Bien » et le « Mal » dans le monde, distinguant les « États voyous » du monde « civilisé » : dans « l’air du temps », la Russie, la Chine, l’Iran, le monde arabe, l’Islam sont les « méchants » étrangers d’aujourd’hui. Le dérivatif au mécontentement social est efficace : les antagonismes sociaux sont transformés en haine raciale, en xénophobie, en crainte généralisée des « pauvres » : le « réfugié », par exemple, devient « l’étranger type », venu d’on ne sait où, voler notre pain et notre travail, dangereux par nature. Les sommets sont atteints lorsque tous les conflits sont délibérément transformés en affrontements de type religieux !

 

Dans la plupart des pays européens, les droites extrêmes (y compris de type nazi, en Grèce, en Ukraine, dans les pays baltes), et le FN en France « surfent » sur ce climat sociopolitique confus mais pénétrant. Le FN, par exemple, est à la fois porteur de revendications populaires (qui ne l’engagent pas pour la suite) et reprend à son compte les réactions populaires les plus instinctives et les plus primitives, avec la complaisance des grands médias et des partis de gouvernement qui se dispensent à son égard de toute mesure répressive, en espérant au contraire pouvoir s’en servir. Les forces de droite extrême qui travaillent l’Europe et contaminent toute la société ont donc des origines précises.

 

De même, Daesh n’est pas de génération spontanée. Les puissances occidentales ont détruit dans le monde arabe toutes les forces qui les contestaient. L’Islam unifiant l’Empire Ottoman allié de l’Allemagne a été contourné par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale par l’utilisation des nationalismes locaux permettant le démembrement de l’adversaire turc. La France, la Grande Bretagne ont « fabriqué » les « États » du Moyen Orient, dans des cadres plus ou moins artificiels, en instrumentalisant les minorités et en accentuant les différents clivages ethniques ou religieux : le résultat a été une mosaïque ingouvernable et surtout sans contenu démocratique. Les États-Unis, après 1945, ont pris le relais des interventionnismes en tout genre, pétrole oblige. Les Occidentaux ont éliminé toutes les forces qui les dérangeaient : les communistes et progressistes, puis les nationalistes nassériens ou autres, pour ne soutenir que l’armée (comme en Égypte, financée directement par les États-Unis) ou des noyaux de privilégiés corrompus et de pratique dictatoriale. L’inévitable a suivi : une montée des Islamistes (en commençant par les Frères Musulmans, longtemps soutenus aussi par les Américains) a été la réponse de peuples brimés qui rêvent de leur ancien Califat et de sociétés moins misérables et moins soumises à l’étranger.

 

Les succès électoraux du FN en France et de la droite extrême en Europe résultent de même des essais infructueux des partis de gouvernements (de droite ou de gauche), dont les pratiques sont identiques et dont les dirigeants professionnalisés (quelle que soit la sincérité de leurs électeurs) n’ont que des plans de carrière, liés qu’ils sont aux milieux d’affaires qui comptent sur eux pour faire à tout prix leur politique, sous couvert de ce qu’ils appellent « l’Entreprise » parée de toutes les vertus ! La vulgarité de pensée des Sarkozistes et les trahisons « socialistes » ont accoutumé les Français, notamment les jeunes, à la « pensée » de la droite extrême, accessible aux plus incultes et aux plus défavorisés, lassés d’attendre.

 

Pour seule perspective, la droite et la social-démocratie en France ont l’arrière-pensée de gouverner ensemble, avant ou après 2017. La seule question qui les sensibilise est le rapport de forces entre elles qui déterminera le rôle de l’une et de l’autre : comme en Allemagne ! Cette collaboration, qui se généralise en Europe, est l’aboutissement d’un long chemin parallèle, toujours profondément « respectueux » du système capitaliste, quels que soient les dommages qu’il provoque.

 

Mais rien n’exclut, si nécessaire, une alliance de toutes les droites, si par hasard, la complicité PS-ex-UMP buttait sur certains obstacles. Un fort courant néo-sarkoziste est tout disposé à cette autre collaboration, excluant éventuellement même la « gauche » la moins à gauche ! De son côté, un fort courant social-démocrate est prêt à toutes les alliances avec les droites, y compris en cassant le parti qui les abrite encore. Mais cette collaboration est plus dangereuse pour la suite : elle est donc source d’hésitations.

 

 

- En tout état de cause, la démocratie, qui se porte mal, s’en portera encore plus mal

Peut s’installer ainsi en France (mais pas seulement) dans un climat d’ « état d’urgence » permanent (voir les lois successives de 1996, 2001, 2003, 2004, 2006, 2014, 2015) sur le renseignement et la prorogation de l’état d’urgence pour 3 mois, reconductible) un régime ultra-présidentialiste, sans contestation réelle possible, se voulant acteur d’une « fin de l’histoire », celle des libertés (relatives) et des acquis sociaux qui survivent.

 

Les milieux d’affaires, dont les positions sont de plus en plus décisives, quant à eux sont en réflexion. Aujourd’hui le MEDEF de France condamne le FN, exclusivement pour son programme économique et social, dénoncé comme étant « d’extrême-gauche » ! Il est indifférent à son programme sociétal de type néofasciste. Cela peut « s’arranger » dans le futur, tout comme l’industrie lourde s’est en définitive associée au nazisme, comme l’aristocratie italienne s’est aussi ralliée au fascisme mussolinien, malgré son mépris de classe. Durant les affrontements politiques, en effet, les « affaires continuent », de même que Daesh sait conclure des contrats pétroliers avec différents trafiquants et diverses compagnies occidentales, tout en prônant la « pureté » de l’Islam ! Les milieux d’affaires ne sont pas dogmatiques : ils peuvent soutenir indifféremment les droites ou la fausse gauche, ou toutes les forces politiques simultanément, et si cela leur apparaît utile, ils n’ont pas d’hostilité de principe à l’instauration d’un régime autoritaire. Pour les affairistes, qui se prennent pour une nouvelle aristocratie, « la démocratie submerge les élites sous le flot des médiocres et des incompétents ». Ils sont pour « une société stable et efficace qui a besoin de l’autorité allant de haut en bas et de la responsabilité qui monte de bas en haut. Il faut favoriser et non entraver l’élévation des meilleurs, c’est la loi de la nature » On croirait entendre le MEDEF ou BFM ! Mais non, c’est l’auteur de Mein Kampf qui s’exprime !!

 

Il y a au sein du patronat le culte de la « libre » concurrence : elle en fait toujours faussée ! Par contre, elle est de plus en plus vive entre les individus : c’est la guerre de chacun contre tous pour parvenir à survivre, créant l’hostilité à l’égard des autres. Toutes les structures collectives craquent pour le plus grand profit des puissants. La conscience d’appartenir à une caste cohérente est vivante chez les privilégiés. Elle implose chez les démunis.

 

Les attentats islamistes de Daesh, financés par des alliés de la France (350 victimes en France en 30 ans) qualifiés trop souvent de « guerre », relèguent la crise sociale au second plan des préoccupations. Les éloges permanents aux « forces de l’ordre » et les méthodes de répression aident au développement d’un climat sécuritaire, dans lequel on met la justice à l’écart tandis que l’éducation nationale et tous les services publics font l’objet au contraire des critiques les plus systématiques. Les grands médias entre les mains des groupes financiers loin d’être un quatrième pouvoir, sont le relais des idées dans « l’air du temps ».

 

Tous les ingrédients du fascisme, mouture des années 2000, sont donc réunis. Le « capitalisme de la séduction », rendu possible par les « 30 Glorieuses » avec sa consommation de masse, ne fonctionne plus : la caste dominante estime ne plus avoir les moyens d’offrir aujourd’hui ce qu’elle fournissait hier. Un « capitalisme de l’oppression », plus ou moins délicate, tend à lui succéder. Pour faire avaliser cet autoritarisme, on renforce le « faste » entourant les « chefs » de l’État, pourtant plus mussolinien que républicain. On met en exergue les « valeurs » démocratiques mais on annihile les citoyens en les empêchant d’être des centres d’initiative. Le degré de « délicatesse » de l’oppression dépendra des réactions plus ou moins fortes qu’il suscitera nécessairement : en attendant, le système se sert de tous les événements et de tous les prétextes pour prévoir le pire, en discréditant les juges qui font leur métier. Le système ne manque pas d’ores et déjà de traiter avec une condescendance méprisante l’authentique opposition de gauche très affaiblie, tout comme la Commission Européenne a réduit à l’impuissance, avec arrogance, hier Syriza et demain sans doute Podemos ou le nouveau parti travailliste britannique !

 

Aucune perspective de progrès (ni même de croissance à retombée sociale) n’est réaliste dans le cadre du capitalisme financier. Il ne peut qu’essayer de produire des fictions manipulatrices ou frapper.

 

Beaucoup ne croient pas encore, surtout dans la « Patrie des Droits de l’Homme » à une telle régression, comme si les dictatures et les autoritarismes c’était toujours pour les autres ! Il y a amnésie sur l’Europe des années 1930-1940 ; il y a ignorance de certaines réalités en Europe de l’Est. Il y a volonté de ne pas savoir ce que vivent réellement les peuples du Sud. Il n’y a qu’une crainte stupide vis-à-vis des progrès de la Chine et de la volonté de la Russie de reprendre sa place dans le concert des Nations, traitées comme des ennemies.

 

Tout est en place pour que les archaïsmes politiques et économiques les plus frelatés apparaissent comme le comble de la modernité.

Un seul obstacle, heureusement de taille : l’intelligence et la mobilisation des citoyens.

 

Note :

[1] Par Robert Charvin, professeur émérite de droit à l’Université de Nice Sophia-Antipolis. Il était doyen honoraire de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Nice. Consultant Droit International, droit des relations internationales

 

Pour en savoir plus :

Dossier : Le FN/RN de Marine Le Pen, un néofascisme à la française

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10 février 2016 3 10 /02 /février /2016 09:23
Que penser du recul de l’espérance de vie en France ?

L’information est tombée il y a peu en arrière plan d’une actualité où les questions sécuritaires se disputent les couvertures aux questions identitaires. L’espérance de vie a reculé en France pour la première fois depuis 1969. [1]

 

Sources : Le Grand Soir par Sranan KHAIRI | 17 fevrier 2016

- Ce constat posé par l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE) semble d’importance. Et pourtant...

  • Et pourtant aucun responsable gouvernemental n’a crû bon s’exprimer sur le sujet. Pas même la Ministre de la Santé et des Affaires Sociales, Marisol Touraine. Ni dans la presse ni sur les réseaux sociaux sur lesquels s’étalent quotidiennement nos politiques.
  • Et pourtant la presse en fait peu de cas. Les chaînes d’infos en continu, si promptes à se saisir du moindre fait anxiogène, n’y ont pas accordé plus de 25 secondes (record atteint sur BFM-TV). Les journaux n’y ont consacré qu’un ou deux articles en pages intérieures. Qui plus est nos journalistes, seuls ou à l’aide "d’experts statistiques", se veulent rassurants : cela ne signifie rien. Ils le noient sous les autres paramètres démographiques (taux de natalité, de mortalité, de fécondité ou de mariages) et invoquent la canicule, la grippe, le papy boom et d’autres éléments non signifiants pour le transformer en anecdote conjoncturelle. [2]

 

Peu leur importe que les statistiques de l’INSEE, structurées par tranches d’âge, démontrent que ce recul est homogène. Donc peu susceptibles d’être expliquées par des crises sanitaires, par ailleurs récurrentes, ne touchant que des publics à risque.

 

Il faut dire que, tant Le Monde que L’Humanité, Le Figaro, L’Express, Le Point ou Libération n’ont fait que... reproduire ou retoucher une dépêche de l’Agence France Presse (AFP) rédigée à la va-vite... Seul Le Point ayant par ailleurs l’honnêteté de le mentionner. [2] Le Point, seul organe à avoir ensuite publié une tribune sur le sujet rédigée par un médecin, leur "chroniqueur santé", le Dr Laurent Chevalier, nutritionniste. Dr Chevalier qui, bien que péchant en ne l’analysant qu’au travers de l’objet de sa spécialité, considéra cet événement pour ce qu’il est : un signal d’alarme.[3]

 

Un signal d’alarme car l’évolution de l’espérance de vie est le meilleur indicateur de l’évolution globale d’une société, en particulier de son état social. Si les déterminants de la santé sont multiples, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a en effet démontré de longue date que le premier d’entre eux est la distribution des richesses. Plus déterminant que le nombre de médecins ou de lits d’hospitalisation par habitant. Plus déterminant que le niveau d’éducation. Plus déterminant que la pyramide des âges. Plus déterminant que le niveau moyen ou médian de richesses.[4]

 

 

- Pays dont l’espérance de vie a reculé entre 2005 et 2015 (OMS, Banque Mondiale).
Ainsi, alors que l’espérance de vie est en augmentation constante dans toutes les zones du monde depuis l’ère post-coloniale, seuls quelques pays en guerre ou connaissant une grave crise sociale l’ont vu transitoirement reculer. Il en a été ainsi lors de la guerre du Vietnam, sous la dictature chilienne, en Afghanistan lors des opérations américaines, en Russie suite à l’effondrement de l’Union Soviétique,...[5].

 

Un signal d’alarme car depuis 2005, seuls 8 pays dans le monde ont vu ou voient leur espérance de vie reculer : l’Espagne, la Grèce, l’Irak, la Libye, le Portugal, la Syrie, la Tunisie... et maintenant la France [5]. Nul n’est besoin de s’étendre sur le cas de la Syrie (en plein désastre), de l’Irak (se remettant péniblement de l’illusion du nouvel ordre post-soviétique), de la Libye (toujours chaotique) ou de la Tunisie (dont l’Etat ne maîtrise plus rien d’autre que les coups de matraques).

 

Il n’aura pas échappé que sur ces 8 pays, 4 font partie de l’Union Européenne. Que la Grèce, l’Espagne et le Portugal sont en pleine débâcle, sacrifiés sur l’autel des intérêts de la préservation des patrimoines européens constitués. Que la France est le pays-pivot entre "l’Europe du sud" en perdition et le reste de l’Union. Que l’Union Européenne est le seul "trou noir économique" dans le monde aux dires mêmes des très orthodoxes Fonds Monétaire International (FMI) et Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Que ces derniers adressent des rapports alarmistes à nos chefs d’Etats depuis 2010 et leur préconisent des mesures qui paraissent "gauchistes" (diminution drastique des impôts sur le travail, levée des secrets bancaires, taxation des patrimoines,...) au vu de celles que nous connaissons. Que nos dirigeants (inutile d’incriminer d’obscurs eurocrates, l’Union est dirigée par les gouvernements nationaux) y restent sourds. Qu’ils paraissent toujours persuadés que "la croissance" reviendra mécaniquement. Que "serrons les fesses et préservons nos intérêts en attendant" semble être leur mot d’ordre.

 

 

- Quelques uns nieront ces réalités. Il n’y a rien à leur opposer. Que peut-on répondre à la pensée magique ?

Certains objecteront que l’espérance de vie en France étant élevée, il était inévitable qu’elle s’infléchisse. Que l’on a atteint un plafond biologique. Rien n’est plus faux. De nombreux pays, pas seulement le Japon toujours cité en exemple, dont l’espérance de vie est supérieure à celle de la France continuent à la voir augmenter. Un plafond biologique existe certainement mais il est assurément loin d’être atteint. Ainsi, dans un bel élan d’optimisme quant à l’état de la France, l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) prédisait dans un rapport de 2010 que l’espérance de vie continuerait à augmenter continuellement jusqu’à dépasser 100 ans[6].

 

D’autres répondront qu’une inflexion avec un recul se limitant à un an ne peut permettre de conclusions définitives. Ils ont raison.

 

Il n’en demeure pas moins que ce recul doit nous inquiéter. Qu’on ne peut que constater qu’il s’inscrit parfaitement dans le contexte européen. Qu’on ne peut nier que les indicateurs sociaux demeurent au rouge. Que lorsque l’espérance de vie recule, il est urgent de s’interroger sur les politiques futures. Que le désintérêt manifeste de nos dirigeants pour cette question tient de l’irresponsabilité.

 

Notes :

[1]. INSEE, Evolution de l’espérance de vie à divers âges jusqu’en 2015, INSEE, 2016

[2]. Le Monde, L’espérance de vie recule pour la première fois depuis 1969, 19/01/2016 ; Libération, L’espérance de vie recule pour la première fois depuis 1969, 19/01/2016 ; L’Humanité, France : diminution de l’espérance de vie, 19/01/2016 ; Le Figaro, Recul de l’espérance de vie et baisse des naissances... le bilan morose de 2015, L’Express, L’espérance de vie recule, la faute au baby boom ?, 19/01/2016 et Le Point, L’espérance de vie recule et les naissances baissent en France, 19/01/2016

[3]. Le Point, Laurent Chevalier - Baisse de l’espérance de vie, sortons du déni !, 21/01/2016

[4]. World Health Organization, Database on Health and poverty, untill 2016

[5]. Statistiques officielles de World Health Organization et de World Bank, ONU.

[6]. Vallin J. et al., Espérance de vie : peut-on gagner trois mois par an indéfiniment ?, INED, "Population et Société", n°473, déc 2010

 

Pour en savoir plus :

- L'espérance de vie recule, mais sans doute pas la vôtre

- À 35 ans, un ouvrier a une espérance de vie inférieure de sept ans à celle d'un cadre. D'où proviennent les inégalités sociales de santé

- L’espérance de vie s’accroît, les inégalités sociales face à la mort demeurent

- Espérance de vie : des inégalités au point mort

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9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 09:12
Compteurs Linky : pour la cour d'Appel de Bordeaux, l'installation n'est pas obligatoire
  • Pour le Président du directoire d'ERDF, Linky n'est pas obligatoire !
  • Les communes ont leur mot à dire sur le changement des compteurs d’électricité parce qu’ils leur appartiennent. Du coup refuser un Linky est possible !
  • Qu'en pensent les membres de la majorité municipale rochelaise ?
  • Les raisons inavouables de son déploiement à marche forcée[1] ;
  • Pour la France insoumise, il faut envisager un équipement alternatif aux compteurs Lincky pour ceux qui le souhaitent
  • Pour la cour d'Appel de Bordeaux, l'installation n'est pas obligatoire [4]

 

Sources : l'Humanité - le Parti de Gauche du Gard mis à jour le 09/10/2022

Electricité "le compteur qui communique arrive chez vous" titre Sud-Ouest. Pour l'Humanité, « Le compteur Linky est arrivé, avec lui de nombreuses questions » annonçant le début de leur déploiement, expliquant qu’il était difficile voire impossible de refuser l’installation de ce compteur controversé. La raison est, précisions-nous, « que les compteurs n’appartiennent pas aux « abonnés-clients » mais aux distributeurs (ERDF en étant le principal) ».

 

Ça a généré un bon nombre de courriels des lecteurs, parmi eux celui d’un conseiller municipal de Saint-Macaire (Gironde). Leur intérêt est qu’ils posent tous la question de la propriété des compteurs d’électricité mais aussi de gaz et d’eau.

 

Ce qui est certain est qu’ils ne sont pas la propriété des propriétaires ou locataires des lieux où ils sont installés. C’est ERDF ou un autre distributeur qui seraient donc propriétaires du compteur et qui pourraient ainsi y accéder (article 29 de la loi de transition énergétique du 17 août 2015) et changer le compteur existant pour un Linky (décret n° 2010-1022 du 31 août 2010).

 

« Non, selon le courriel que nous a envoyé Stéphane Lhomme, conseiller municipal de Saint-Macaire. Les compteurs appartiennent aux collectivités locales (communes, intercommunalités) qui les concèdent à ERDF. Beaucoup d’entre elles l’ignorent. Les Linky appartiennent donc aux communes, c’est un fait avéré et non discuté. De ce fait cela pose la question du remplacement d’office des compteurs par ERDF, sans l’accord du propriétaire des lieux. »

 

Cette information est confirmée par Charles Antoine Gautier, chef du département Energie de la FNCCR (fédération nationale des collectivités concédantes et régies). Dans un entretien à Maire Info, le journal de l’AMF (Association des Maires de France), il confirme que « les collectivités concédantes du réseau d’électricité sont propriétaires des compteurs actuels et des Linky qui commencent à se mettre en place. ERDF n’en est que le concessionnaire. »

 

Linky_Poster_Danger_Stop_Compteur_Mouchard_Linky_Arnaque

 

La raison de ce débat sur la propriété des compteurs Linky est due, selon lui, à un problème de financement que les communes ne peuvent assumer seules. Exact, sauf que c’est le consommateur qui va casquer. Car le CPL Linky a déjà la réputation d'être "le compteur qui va faire disjoncteur votre portefeuille".

 

 

Rappelons que la pose du Linky et la dépose de l’ancien compteur sont gratuites, de même que le compteur lui-même. Cependant un décret du 31 août 2010 relatif aux dispositifs de comptage sur les réseaux publics d’électricité prévoit que le financement soit assuré par les consommateurs via le TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) à raison de 1 à 2 euros par mois prélevés sur les factures d’électricité… jusqu’à atteindre le coût du compteur Linky (de 120 à 240 euros).

 

Sans oublier la CSPE (contribution au service public de l’électricité) qui est passé à 27 centimes d’euro par kWh le 1er janvier 2016 et qui sert aussi à financer ce type de dispositif.

 

 

- Alors, ça change quoi pour les consommateurs que les communes soient propriétaires des compteurs ?

Et bien, les conseils municipaux peuvent prendre une délibération s’opposant à l’installation de Linky chez les habitants avec leur appui… à l’exemple de Saint-Macaire qui a également refusé Gazpar, l’alter-égo de Linky pour le gaz. La délibération du conseil municipal de Saint-Macaire peut être lue avec intérêt en pièce jointe.

 

Par ailleurs, la loi de transition énergétique ne sanctionne pas le refus individuel de changer son compteur existant contre un Linky. Il faut le savoir même si ERDF prévoit de la contourner.

 

En effet, le conseiller municipal de Saint-Macaire révèle que « la CRE (commission de régulation de l’énergie) a prévu de taxer 19 euros HT par mois le relevé manuel des compteurs à tous ceux qui refusent Linky (dont le relevé se fait à distance). » C’est probablement illégal et davantage une menace qui ne manquera pas de faire l’objet de poursuite devant les tribunaux.

 

En toile de fond, c’est la suppression ou la compression de nombreux emplois chez les distributeurs et les fournisseurs d’énergie et d’eau.

 

  • D'ailleurs, le tribunal administratif de Toulouse a tranché en faveur de la commune de Blagnac, qui a publié un arrêté interdisant à Enedis de changer un compteur sans l’accord du propriétaire[2].
  • Pendant que la cour administrative d’appel de Nantes a dit le contraire au motif indiqué qu’" aucun motif d’ordre public ne permettait au maire de prendre une mesure d’interdiction au déploiement sur le fondement de ses pouvoirs de police générale "; estimant en sus que " la propriété des ouvrages des réseaux publics de distribution d’électricité, dont font partie les compteurs, est attachée à la qualité d’autorité organisatrice du réseau public de distribution d’électricité "[3].

 

 

- Usagers et élus peuvent-ils les refuser ?

L’opposition des communes à l’installation des Linky prend de l’ampleur et la forme de délibérations. Est-ce légitime et légal ? Analyse jridique.

Les usagers peuvent-ils refuser un Linky ? Pour en savoir plus, c'est ICI

 

 

- Les usagers appelés à se mobiliser pour exiger des pouvoirs publics qu'ils arrêtent de déploiement du Linky

Compteurs Linky : pour la cour d'Appel de Bordeaux, l'installation n'est pas obligatoire
  • Une pétition est à votre disposition, c'est ICI
  •  

     

    - Le président d'ERDF : Linky n'est PAS obligatoire

    Intervention très intéressante du président du directoire d'ERDF, Philippe MONLOUBOU, devant l'Assemblée Nationale le 2 février 2016, où on apprend de sa propre bouche que :

    1. le compteur Linky n'est pas obligatoire
    2. le Linky en zones de campagne utilisera des liaisons en radiofréquences, comme les Smart Meters américains, sources de nombreux dégâts matériels et sanitaires
    3. Les modules domestiques de visualisation fonctionneront en liaison par radiofréquences
    4. C'est le *marché*, et donc les intérêts des industriels, qui décidera des utilisations du Linky, et non l'intérêt des consommateurs
    5. L'objectif réel du Linky, derrière les allégations fantaisistes d'économie d'énergie et de meilleure maitrise de la consommation par le client , est de participer à l'installation de la "smart grid" qui se met en place au niveau mondial : tous les appareils connectés en permanence au réseau planétaire. Et Philippe MONLOUBOU est fier que sont entreprise soit "déjà un opérateur de Big Data, qui est une nécessité".

     

 

- Pour la France insoumise, il faut envisager un équipement alternatif aux compteurs Linky pour ceux qui le souhaitent

Sources : la France insoumise Assemblée nationale

Muriel Ressiguier, députée de la 2ème circonscription de l’Hérault, attire l’attention de Mme la ministre de la santé sur l’inquiétude grandissante concernant le programme d’installation des compteurs « Linky » sur notre territoire.

 

" Depuis la Loi de transition énergétique du 18 août 2015, l’État a lancé un immense programme d’installation de compteurs d’électricité intelligents, par la société Enedis (ancienne ERDF, et filiale à 100 % d’EDF), pour respecter la transposition d’une directive européenne dans l’article 341-4 du code de l’énergie.

 

Au total, ce sont 35 millions de ces compteurs communicants qui doivent être installés dans tout le pays d’ici à 2021. À la fin mars 2017, 3 millions et demi étaient déjà en fonction. D’ici la fin de l’année, il est prévu que le rythme de pose passe à 35 000 compteurs par jour pour atteindre cet objectif. Le but affiché est de gérer en temps réel l’énergie en récoltant à distance les données directement chez les particuliers via les compteurs « Linky ». Concrètement, les données transmises par les compteurs s’effectuent au moyen de la technologie CPL (Courant porteur en ligne), qui les achemine sous forme d’impulsions électriques, à travers les circuits domestiques normaux. Or, ces circuits ne sont pas blindés, ce qui permettrait d’éviter le rayonnement des champs électromagnétiques artificiels qui les traversent.

 

Toutefois, si l’on reprend en détail la directive européenne 2009/72/CE, elle s’attarde moins sur la maitrise des consommations ou la recherche de préservation de la planète que sur l’ouverture et la mise en concurrence au sein du marché intérieur commun aux Etats membres : « Le marché intérieur de l’électricité, dont la mise en œuvre progressive dans toute la Communauté est en cours depuis 1999, a pour finalité d’offrir une réelle liberté de choix à tous les consommateurs de l’Union européenne, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises, de créer de nouvelles perspectives d’activités économiques et d’intensifier les échanges transfrontaliers, de manière à réaliser des progrès en matière d’efficacité, de compétitivité des prix et de niveau de service et à favoriser la sécurité d’approvisionnement ainsi que le développement durable. » et n’impose pas une technologie spécifique.

 

Or, de plus en plus de citoyens font part de réticences vis-à-vis des équipements Linky en raison des risques pour la santé, liés à l’exposition à des champs électromagnétiques artificiels, hypothétiquement cancérigènes : un risque sanitaire encore méconnu et sans doute sous-estimé. Pour rappel, depuis 2011, les radiofréquences sont officiellement classées dans la catégorie 2B des agents physiques « potentiellement cancérigènes » par le CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer), organe de l’OMS.

 

Un rapport de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses), publié en 2016, puis révisé en juin 2017, fait état « d’incertitudes sur les effets sanitaires pour les fréquences mises en œuvre » et appelle à « poursuivre l’étude de ces effets potentiels ».

 

Face aux craintes exprimées, appliquant le principe de précaution et soucieux de l’intérêt général, les maires de plus de 400 communes ont pris position. Ils ont refusé ou demandé un moratoire concernant la pose des nouveaux compteurs, s’appuyant sur le 5ème alinéa de l’article L2212-2 du Code Général des Collectivités selon lequel le maire peut faire usage de ses pouvoir de police générale « pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques », « prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser (…) les pollutions de toute nature (…) les maladies épidémiques ou contagieuses … » et «  pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure ». Mais les préfectures sont revenues sur les délibérations municipales.

 

C’est pourquoi, je vous demande de bien vouloir envisager la possibilité par l’Etat de se tourner vers un équipement alternatif, non producteur de champs électromagnétiques, et ce, afin d’éviter un nouveau scandale sanitaire potentiel. "

 

  • La France insoumise dépose une PROPOSITION DE LOI tendant à permettre aux consommateurs et aux maires de s’opposer à l’installation de compteurs électriques Linky... rejetée par la majorité gouvernementale[5].

 

Note :

[1] Compteur Linky : les raisons inavouables de son déploiement à marche forcée

[2] Le tribunal administratif de Toulouse a tranché en faveur de la commune de Blagnac, qui a publié un arrêté interdisant à Enedis de changer un compteur sans l’accord du propriétaire.

[3] Compteurs Linky : des communes s’y opposent, la justice rejette leurs recours

[4] Compteur Linky : l'installation n'est pas obligatoire pour la cour d'Appel de Bordeaux

[5La France insoumise dépose une PROPOSITION DE LOI tendant à permettre aux consommateurs et aux maires de s’opposer à l’installation de compteurs électriques Linky... rejetée par la majorité gouvernementale.

 

Pour en savoir plus :

- Avec Gaspar, c'est notre pouvoir d'achat qui part !

- Linky : le compteur qui va faire disjoncter votre portefeuille

- « Les collectivités seront bien propriétaires des compteurs Linky »

- Les Communes peuvent refuser les compteurs communicants Linky, Gazpar, et "eau" !

- modèle de lettre de refus de Linky et explications

- le refus de la commune de Saint-Macaire (délibération en pièce jointe)

- Le point sur les nouveaux compteurs Linky : Linky : un compteur avantageux, mais pour qui ?

- Doubs : la commune de Larnod ne "like" pas le compteur électrique Linky

- LINKY : Lettre de refus à adresser à ERDF - Robin des Toits - 29/01/2016

- L’Allemagne renonce à la généralisation du compteur intelligent

- Les compteurs d’électricité intelligents déjà piratés

- Compteurs Linky: il faut lever l'ambiguïté sur la propriété

- A Carmaux, l’installation du « compteur communicant » Linky est suspendue sine-die

- Compteurs Linky, leur installation forcée est-elle bien réglo ?

- Île de Ré : un retraité relaxé de "violences" après avoir expulsé un technicien Linky

- Coûteux, compliqué, pas si utile... La Cour des comptes épingle le compteur électrique Linky

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