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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 09:00
Jean-Luc Mélenchon : Contributions sur l'Allemagne "L'Allemagne de Merkel met l'Europe dans l'impasse"

Source : le Blog de jean-Luc Mélenchon avril 2013, modifié le 21 juin 2019

- Main dans la main, mais avec quels Allemands ? [1]

Les menaces de troubles aux frontières de l’Union sont visibles. Mais l’intérieur de l’Union n’en est pas exempt. Nombre viennent du fond de l’histoire et cantonnent dans les mémoires. Je veux être direct : je ne vois pas, par exemple, que les relations des Allemands avec tous leurs voisins soient définitivement apaisées. Nous-mêmes, Français, ferions bien d’admettre que la génération dirigeante de l’Allemagne réunifiée n’est plus celle que le remord raisonnait et que la division en deux Etats contenait. Aux dirigeants allemands décomplexés, devraient correspondre des dirigeants français dessillés. Avoir consenti à ce que les Allemands soient plus nombreux[2] que les Français dans le Parlement européen est une faute. Cette décision est en contradiction avec l’esprit des fondateurs franco-allemands de l’Union européenne ! De Gaulle et Adenauer s’étaient exprimé sans aucune ambigüité sur ce sujet pour dire que seule l’égalité, en toutes circonstances, donnait une base solide à la relation entre nos deux pays. Mon avis est qu’on n’assure pas la paix entre nos peuples si on préfère ses illusions aux réalités. Les gargarismes sur le couple franco-allemand doivent céder la place aux réalisations concrètes. Construire des relations étroites avec les Allemands, c’est un devoir permanent de notre pays. Et chacun doit s’y atteler à la place qu’il occupe. A la mienne, je m’y suis astreint. En créant le Parti de Gauche, nous avons voulu que notre meeting de lancement se fasse la main dans la main avec notre alter-ego allemand, et notre inspirateur, Oskar Lafontaine, président de Die Linke. Un mois auparavant, nous sommes allés en délégation à sa rencontre pour solliciter son parrainage. Le dialogue ne s’est jamais interrompu depuis. A l’opposé, comme il est décevant de voir à quelles gesticulations pusillanimes est réduite la relation officielle entre Paris et Berlin ! Je le dis avec gravité et je me fiche bien de l’air habituel sur le sujet : « tout va très bien madame la marquise » ! Car l’Europe va au-devant de secousses internes. Leur onde de choc doit être maitrisée. La relation entre Français et Allemands est toujours, pour finir, le point sensible où s’infectent toutes les fièvres. La matière abonde.

 

 

- Le modèle allemand est un échec [3]

L’actualité internationale, et surtout européenne confirme chaque jour la supériorité de l’analyse dominante dans l’autre gauche à propos de la crise et des solutions à y apporter. Il est heureux de lire à la une du "Monde" des mises en garde contre le risque de récession que portent les politiques d’austérité. Il est extraordinaire de lire aussi un long papier sur les récriminations contre le risque d’une « Europe allemande ». Des diagnostics convergents y soulignent l’absurdité d’imposer à toute l’Europe une politique taillée sur mesure pour un modèle économique par ailleurs défaillant. Bien sûr, l’enquête ne va pas jusqu’à me donner la parole alors que c’est ma thèse depuis des mois et qu’on m’a auparavant copieusement injurié pour cela. Mais tout de même : l’important est que cette idée avance et qu’on en tire toutes les conséquences avant que le désastre qui guette soit consommé. Ce qui est certain c’est que les dirigeants allemands ne vont pas faire les malins longtemps. Comme nous l’avons dit, l’attaque de la finance n’a pas de fondement économique. Seulement des causes politiques. Les failles du système permettaient une attaque spéculative. Au lieu de la briser, les grands chefs européens l’ont approuvée en mettant en cause la fiabilité des Grecs puis en augmentant le pouvoir des agences de notation. Par conséquent il était évident qu’un après l’autre tous les pays seraient attaqués et même l’Allemagne. C’est fait ! Les taux d’intérêts sur la dette allemande aussi décollent.

 

  • Des succès en trompe l'oeil [4]

Le « modèle allemand » est la nouvelle coqueluche médiatique. Nicolas Sarkozy s'enthousiasme : « Tout mon travail, c'est de rapprocher la France d'un système qui marche, celui de l'Allemagne. » Une fascination partagée par l'entourage de François Hollande. Test : les investisseurs font-ils davantage confiance à l'Allemagne qu'à la France ? Non. La France est largement devant l'Allemagne pour les investissements directs étrangers : plus de 1 milliard de dollars en France contre 674 millions en Allemagne, selon les statistiques publiées par la Cnuced. Les Allemands sont-ils meilleurs que nous en matière de dette ? Non. En 2010, l'Allemagne avait une dette de 83,2 % du PIB contre 81,7 % pour la France, selon Eurostat. L'Allemagne est donc tout autant que la France en dehors de la limite des 60 % du PIB exigée par le Pacte de stabilité. La croissance allemande est-elle meilleure que chez nous ? Non plus. Sur la dernière décennie, elle a été inférieure à celle de la zone euro et moindre qu'en France. D'ailleurs, le « modèle allemand » n'a pas protégé ce pays de la crise : avec une chute de 4,9 % du PIB, il a subi en 2009 une récession deux fois plus importante qu'en France. L'embellie en 2010 est donc un rattrapage. Au final, par rapport à 2008, l'Allemagne marque encore un retard de croissance plus grand qu'en France.

 

  • L’Allemagne n’est pas épargnée par la crise [5]

"Et si l'Allemagne n'était pas si exemplaire". C'est le titre provocateur que le journal Le Monde avait déjà donné à un précédent article dans son édition du 20 novembre 2011. Heureuse sortie. Je me sens moins seul à le dire ! Ma tribune sur le sujet parue dans « Les Echos » il y a quinze jours n’avait pas du tout retenu l’attention. Pas même celle de tous ceux qui me reprochent de ne « pas être assez sur le fond » et trop dans « les petites phrases ». Dans cet article, il est question de la situation budgétaire et économique de l'Allemagne. Car à y regarder de plus près, le "modèle allemand" est encore moins glorieux que ce que j’en disais. L'article du « Monde » cite Sylvain Broyer, un économiste de la banque Natixis. Que dit-il ? Que "le déficit allemand est honteusement tronqué !". Oui vous avez bien lu, "honteusement tronqué". Voilà qui devrait attirer la critique de Nicolas Sarkozy contre les "fraudeurs" et autres "voleurs". En tout cas, on voit que les Grecs ne sont pas les seuls accusés d'avoir maquillé leurs comptes. L'économiste de Natixis évoque un mécanisme légal mais "peu éthique" selon Le Monde. Ce mécanisme a été utilisé après la crise de 2008 : l'Allemagne n'a pas comptabilisé dans son déficit public des dizaines de milliards d'euros d'aides ou de garanties à l'économie et aux banques. Ces sommes ont été regroupées dans un fonds spécial, "Sondervermögen" en allemand. Certes elles sont comptabilisées dans le poids de la dette allemande qui a atteint 83,2% du PIB en 2010. Mais ces aides et garanties ne sont pas comptées dans le déficit public. Cela permet à l'Allemagne d'afficher des chiffres flatteurs. Mais faux. Selon Le Monde qui reprend les chiffres de Natixis "sans cette astuce le déficit allemand en 2009 n'aurait pas été de 3,2% mais de 5,1%" du PIB.

 

  • Une dette plus élevée que celle de l’Espagne

"Maintenant l’Europe parle allemand !". C'est ce qu'a affirmé Volker Kauder, le président du groupe de la droite allemande, CDU-CSU, au Bundestag, mardi 15 novembre 2011. Incroyable arrogance de bravache ! Les déclinistes et autres amis du « modèle allemand » ont dû gémir de plaisir ! Mais là encore, Le Monde explique que les libéraux et conservateurs allemands n'ont pas de raison d'être aussi fiers d'eux. Le quotidien rapporte des propos très sévères de Jean- Claude-Juncker, président de l'Eurogroupe : "En Allemagne, on fait souvent comme si le pays n'avait aucun problème, comme si l'Allemagne était exempte de dettes tandis que tous les autres auraient des dettes excessives. L'Allemagne a une dette plus élevée que celle de l'Espagne. Seulement personne ne veut le savoir". On sait ce que je pense du ratio habituel qui rapporte la dette sur le PIB. Mais puisque c'est celui qu'utilise les libéraux pour faire peur, utilisons-le aussi. Que voit-on ? L'Allemagne fait moins bien que neuf Etats de la zone euro. L'Allemagne est donc dixième sur dix-sept Etats. Voilà pour le "modèle allemand". Et sa dette en valeur continue de croître en 2011 de 25 milliards d'euros, malgré une croissance de 3%.

 

  • Un pays en déclin démographique

Un autre argument contre le mythe du "modèle allemand" : l'argument démographique. C'est un élément central. Je l'ai déjà évoqué plusieurs fois, notamment dans la tribune que j'ai publiée le 4 novembre dans le journal "Les Echos". Le Monde cite un économiste allemand. Il s'agit de Henrik Enderlein, de la « Hertie School of governance » qui s’écrit en anglais mais qui est basée à Berlin. C'est un ancien de la BCE et il est diplômé de Sciences-Po Paris. Selon lui, le déclin démographique "va entraîner une baisse massive des recettes du gouvernement. Dans le même temps, le vieillissement de la population va faire exploser les coûts de la sécurité sociale et de l'assurance-maladie". Pour accréditer cette idée, le journal du soir fait aussi référence à une étude de 2010 de la Banque des règlements internationaux. Celle-ci chiffre l'explosion des dépenses de santé en Allemagne à 10% du PIB en 2035 à cause du vieillissement de la population. Le déclin démographique coûtera très cher. Et il pèse d'ores et déjà sur la vision de l'économie. Les Allemands doivent gérer leur richesse actuelle en prévision d'un avenir plus difficile. Nous, les Français, nous avons beaucoup d'enfants et notre population va croître. Il faut donc, par exemple, des enseignants pour éduquer ces enfants. Des soins adaptés, des équipements collectifs. Et assez de projets pour que chacun trouve sa place. C’est autant de postes de travail à pourvoir, d’activités dynamisées. C'est pourquoi l'austérité budgétaire est encore plus néfaste chez nous qu'ailleurs où elle fait pourtant aussi de sérieux dégâts sociaux. Et à force d'imposer des tours de vis partout, les libéraux allemands ne martyrisent pas seulement les autres peuples. Ils se tirent aussi une balle dans le pied. Car l'austérité appliquée partout, y compris en Allemagne, contracte l'activité. Cette année, la croissance allemande devrait atteindre 3% du PIB. Sans même regarder de quoi est faite cette "croissance", les libéraux s'extasient devant ce résultat. Qu'ils en profitent. Cela ne durera pas. D'ailleurs, l'article du Monde le dit. Il cite les prévisions de la Deutsche Bank pour l'an prochain. La croissance devrait chuter à 0,9%. Au mieux[6].

 

 

- Un modèle de recul social [7]

  • Recul de l’espérance de vie

Lundi 12 décembre 2011, le gouvernement Merkel a dû reconnaître que l'espérance de vie des Allemands pauvres avait reculé. C'est Matthias Birkwald, un de nos camarades de Die Linke, qui avait interpellé le gouvernement sur le sujet. En Allemagne, les parlementaires peuvent obliger le gouvernement à fournir des chiffres précis. Et les chiffres qu'il a obtenus sont très peu flatteurs pour l'Allemagne. Des journaux aussi différents que L'Humanité et L'Expansion s'en sont fait l'écho. L'espérance de vie des Allemands les plus pauvres est passée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2010. Moins deux ans en une décennie! Et la situation est encore pire dans l'ancienne Allemagne de l'Est. Là, l'espérance de vie des plus pauvres a reculé de 77,9 ans en 2001 à 74,1 ans en 2010. Moins 3,8 ans en une décennie. En 2001, l'espérance de vie des plus pauvres était supérieure en ex-RDA qu'en moyenne pour toute l'Allemagne. Dix ans plus tard, la moyenne en ex-RDA est inférieure à la moyenne allemande. Voilà un des aspects du bilan du passage au capitalisme !

 

  • Baisse des pensions de retraite

Ce recul social est la conséquence directe des réformes anti-sociales votées par les sociaux-démocrates, les Verts et la droite allemande. Celles-là même dont François Hollande a déclaré « qu'elles ont trop tardé en France ». Les réformes du gouvernement SPD-Verts de Gerhard Schröder ont augmenté le nombre de travailleurs pauvres et la précarité de l'emploi. Donc les retraités ont désormais des pensions de retraites plus faibles et peuvent moins bien se faire soigner, se nourrir, se chauffer, etc. Dans le même temps, le report de l'âge de la retraite a accentué ce phénomène en augmentant le nombre de salariés qui partent à la retraite en étant au chômage, à temps-partiel, ou avec un faible salaire. Les chiffres publiés lundi indiquent en effet que seulement un quart des Allemands âgés de 60 à 64 ans occupaient en mars 2011 un emploi soumis à cotisations sociales. Et moins d'un sur cinq occupait un emploi à temps complet. Notre camarade Matthias Birkwald a ainsi pu démontrer que le relèvement de l'âge de la retraite « ne représente rien d'autre qu'un grand plan de réduction des retraites qui touche avant tout les plus faibles revenus et ceux qui occupent les emplois les plus pénibles ». Mais le report de l'âge de la retraite n'a pas seulement rendu plus difficile l'accès à une retraite décente. Il a aussi épuisé davantage les travailleurs allemands en les obligeant à travailler plus longtemps. C'est la grande leçon que nous opposons en France et en Allemagne contre le relèvement de l'âge de départ en retraite. Les libéraux expliquent qu'il faut repousser la retraite car l'espérance de vie augmente. Nous répondons que l'espérance de vie augmente car on a abaissé l'âge de la retraite. Et que le relèvement de l'âge de la retraite fera baisser l'espérance de vie. Les chiffres de Madame Merkel viennent de nous donner raison !

 

  • Le chômage de masse existe en Allemagne

Le taux de chômage en Allemagne est-il vraiment plus faible que chez nous ? Non. Officiellement de 6 % contre 9,9 % en France, il a été facialement dégonflé grâce à la réforme sociale-démocrate. Elle a rayé des comptes 1,5 million de sans-emploi. Cela correspond exactement à la baisse du chômage affichée depuis 2002. En septembre dernier, le journal « Die Welt » a aussi révélé que 200.000 chômeurs âgés avaient été radiés. Le ministère allemand du Travail a reconnu que 57 % des seniors chômeurs n'étaient plus comptés. Autre artifice : la généralisation du chômage partiel, invisible dans les statistiques. Ainsi, en 2010, selon Eurostat, il concernait 26,2 % des salariés allemands contre 17,8 % des salariés français.

 

 

- L’Allemagne prise à son propre piège [8]

Quand il leur faut trouver une référence pour leur politique, Hollande et Ayrault finissent dorénavant par se réclamer du soi-disant "modèle allemand". Un mantra efficace pour se gagner l’affection des médiacrâtes sans imagination qui règnent sur le tout Paris médiatique. Leur jubilation faisait plaisir à voir à l’annonce du plan Gallois[9] dans son emballage communicationnel de « pacte » je ne sais quoi. Pourtant, le modèle allemand, quelle pantalonnade ! Qui va se charger de dire à Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont deux erreurs parallèles ?

 

Fin septembre, dans l'émission « Des paroles et des actes » sur France 2, Jean- Marc Ayrault s'était même vanté d'aller « plus vite que Schröder ». Plus vite dans le mur ? Et François Hollande, dans un lourd clin d’oeil de communicant en panne avait parlé de son « agenda 2014 » pour faire écho à « l’agenda 2010 » du cher Gerhard. La plupart des téléspectateurs n’ont pas dû mesurer quelle décadence morale et intellectuelle un tel projet représente dans le mouvement socialiste français. La ligne « Blair-Schröder », du nom des deux grands liquidateurs de la social-démocratie européenne, a été pendant au moins une décennie ce dont le socialisme français se tenait publiquement à distance et dont il voulait incarner la négation positive. Mais j’admets que cet aspect du drame politique que nous sommes en train de vivre ne puisse intéresser que ceux qui connaissent le prix dans l’histoire des grands glissements de terrain idéologique. Ici je vais donc en rester à des considérations concrètes, il en faut pour soutenir un point de vue engagé qui veut faire appel à la raison de ceux qu’il veut convaincre.

 

  • Le modèle libéral « Schröder-Merkel » a abîmé l’Allemagne

Il suffit de faire le bilan social de la situation allemande pour comprendre qu'une politique de gauche n'a rien à voir avec ce qui a été entrepris là-bas quand bien même c’est le chancelier « social-démocrate » Gerhard Schröder qui l’a mise en place. En Allemagne, la situation des travailleurs et des chômeurs est pire qu'en France. Les réformes des sociaux-libéraux, poursuivies par les libéraux de Merkel ont précarisé l'ensemble des classes populaires. C'est ce que dit le Bureau international du travail. Dans ce rapport, le Bureau international du travail explique clairement les données du problème posé : « Le gouvernement Schröder a engagé une série de réformes du marché du travail à compter de 2003. [...] Cependant, la plupart des réformes ont principalement entraîné une déflation salariale dans les secteurs des services, où de nouveaux emplois, pour la plupart à bas salaires, sont apparus. Ces politiques de déflation salariale ont non seulement eu des conséquences sur la consommation des ménages, qui est restée à la traîne par rapport aux autres pays de la zone euro [...] mais elles ont aussi provoqué une accentuation des inégalités de revenu, à un rythme jamais vu. Au niveau européen, les autres pays membres estiment de plus en plus que seules des politiques de déflation salariale encore plus strictes résoudront leur problème de compétitivité, ce qui est d’autant plus décourageant qu’on voit mal dans quelle mesure ces politiques de déflation salariale en Allemagne ont contribué à une hausse de l’emploi, qui était à peine plus élevé en 2006 qu’en 1991 ».

 

  • Un désastre social

Tel est, au-delà des mots d’allégresse et des recommandations des médiacrates, la réalité du modèle proposé en exemple et le bilan social de l’Allemagne. Pourquoi n’est-il jamais évoqué ? Si le témoignage du BIT peut être déclaré suspect dans la mesure où son nom pourrait suggérer une tendresse excessive pour les salariés, voyons chez les libéraux eux-mêmes. Il s’agit de la fondation IFRAP. Très libérale. Que dit-elle ? « En mars 2012, près de 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat à salaire modéré (« mini-job »). Parmi eux, seuls 4,76 millions n’avaient pas d’autre salaire que ce mini-job. Près d’un million de jeunes vivent avec ce revenu, qui est généralement majoré de l’allocation « Hartz IV » de 375 euros. En Allemagne, la libéralisation du marché du travail s’est faite au détriment du bas salaire individuel et des parents isolés. En effet, les statistiques de l’Union européenne sur le revenu et le niveau de vie (EU-SILC) le montrent très clairement : le risque de pauvreté des travailleurs seuls allemands est de 14% et de près de 30% pour des parents isolés. Il l’est de 40% si on y inclut les chômeurs. Ces chiffres sont nettement inférieurs en France. » Je précise que sur les 5 millions de mini-jobbers, 3,5 millions sont des femmes. Evidemment.

 

  • Un désastre économique

Au-delà du coût social, cette politique est un désastre économique. Le Bureau international du travail insiste aussi sur le fait que les "réformes" allemandes ne peuvent pas être généralisées à toute l'Europe. Il explique que l'Allemagne est même en grande partie responsable de la crise actuelle dans la zone euro ! « Comme les coûts unitaires de main-d’oeuvre en Allemagne ont baissé par rapport à ceux des concurrents durant la décennie écoulée, il en est résulté des pressions sur la croissance dans ces économies, avec des conséquences néfastes pour la viabilité des finances publiques. Et, surtout, les pays en crise ne pouvaient pas recourir aux exportations pour pallier l’insuffisance de la demande intérieure car leur secteur manufacturier ne pouvait pas bénéficier de la hausse de la demande globale en Allemagne ».

 

L’Allemagne se comporte comme le passager clandestin de l’Union européenne La « stratégie allemande » arrive à sa limite. Ces dernières années, l'Allemagne s'est comportée comme le passager clandestin de l'Union européenne. Elle profitait de la demande de ses voisins pour exporter. Et pour leur faire la leçon. Mais pendant ce temps la contraction des salaires allemands empêchaient les autres pays de faire de même. La farce s’épuise. L’Allemagne s'est prise à son propre piège. A force de vouloir imposer l'austérité salariale et budgétaire à toute l'Europe, elle a scié la branche sur laquelle elle est assise. L'austérité généralisée plonge l'Europe dans la récession. L'austérité française, italienne, grecque, espagnole ou portugaise prive les entreprises allemandes de clients. Et comme les salaires allemands sont trop bas pour compenser, l'Allemagne s'enfonce à son tour dans le marasme économique. Le mois dernier, le chômage a progressé en Allemagne pour le septième mois consécutif. La hausse du nombre de chômeurs a même été deux fois plus forte que ce qu'attendaient les principaux économistes. Quelqu’un a prévenu Ayrault ? Et Hollande ?

 

  • Le mirage du « modèle allemand » a vécu

Le mirage du modèle allemand commence à se disperser. Même dans le sacrosaint registre financier où, parait-il, rien n’est plus sûr et fiable que le coupon allemand ! Mais oui : ces derniers mois, l'Allemagne a aussi rencontré des difficultés sur les marchés financiers. Le 5 septembre 2012, l'Etat allemand a cherché à placer 5 milliards d'euros de titres de dette. A longue échéance : septembre 2022. Il n'a pas trouvé preneur pour la totalité. Il n'a reçu des offres qu'à hauteur de 3,93 milliards d'euros. Ainsi donc à horizon de dix ans, l'Allemagne inquiète les financiers ! C'est normal, elle vieillit et repose sur un modèle archaïque. Quelqu’un prévient Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont dépassées ?

 

  • Un modèle de croissance non généralisable en Europe[10]

La croissance allemande basée sur les exportations est-elle un modèle généralisable ? Non. 65 % des exportations allemandes sont destinées à la demande des autres pays européens. Si ces derniers imitaient le « modèle allemand » en contractant leurs achats, l'export made by Germany s'écroulerait. De plus, ces exportations ne révèlent pas une plus grande performance technique. Selon Eurostat, 16 % de celles-ci concernent des produits de haute technologie. En France, c'est 26 % des exportations. L'OCDE note que les Français travaillent 154 heures de plus par an que les Allemands. Et la productivité des travailleurs français est la plus élevée d'Europe. Elle a progressé sur la dernière décennie deux fois plus vite qu'en Allemagne.

 

  • Un danger pour la France

Peut-on importer le « modèle allemand » ? Non. La démographie allemande est trop différente de la France. Le taux de fécondité allemand est moitié moindre qu'en France. Depuis trente ans, il y a donc davantage de décès que de naissances outre-Rhin. Le pays est donc poussé à privilégier une économie de rente. La France a un besoin vital d'activité. D'ici à 2060, la population allemande devrait passer de 82 à 65 millions d'habitants. Celle de la France devrait passer dès 2050 à 73 millions d'habitants.

 

On ne peut donc pas transposer le « modèle allemand » en France. D'ailleurs, est-ce souhaitable ? Les Français veulent-ils vraiment aller plus loin dans la contraction des salaires et la précarité de l'emploi ? Car c'est là l'unique secret qui distingue l'Allemagne des autres pays depuis dix ans. Ce bilan d'une décennie d'application des lois sociales-démocrates sur l'emploi est un désastre social. 20 % des salariés sont des travailleurs pauvres. 5 millions de travailleurs doivent se contenter de mini-jobs à 400 euros par mois, sans protection sociale. Faute de SMIC, 2 millions de salariés gagnent moins de 6 euros par heure, alors qu'aucun salarié ne peut gagner moins de 7,06 euros net de l'heure en France. En dix ans, l'intérim a augmenté de 130 % et les CDD de 22 %. Résultat de cette politique de compression salariale : selon l'OCDE, c'est une baisse record de la part du travail dans le PIB allemand : de 76 % à 67 % en sept ans. Neuf points de PIB pris aux travailleurs. Et un taux de pauvreté de 20 % plus élevé en Allemagne qu'en France.

 

Pour moi, chez nous, la priorité est au contraire de rallumer le moteur de l'activité en rendant aux salariés les 10 points de la richesse produite qu'ils ont perdus au profit du capital depuis trente ans. Le « modèle allemand » est un leurre. Etendu à l'ensemble de l'Union européenne, il mènerait tout droit à la récession. L'intérêt général nous appelle à en finir avec cette fascination morbide pour l'Allemagne. Il faut soutenir le coeur vivant et productif de notre économie.

 

 

- Le danger d’une "Europe allemande"[11]

A la fin du sommet européen de décembre 2011[19], Angela Merkel était satisfaite. Elle a d'ailleurs remercié Nicolas Sarkozy pour avoir "bien coopéré". Elle a gagné. La BCE n'interviendra pas. Elle ne peut toujours pas prêter directement aux Etats. Elle ne pourra pas non plus prêter au « Mécanisme européen de stabilité » (MES). Ce «MES» est la chose qui organise l’intervention financière de l’Union Européenne. Je n’entre pas dans le détail. Vous le trouverez sur mon blog européen. En tous cas une concession de pure forme a été accordée à Sarkozy pour donner le change. La BCE aidera à la gestion administrative dudit Mécanisme prévu pour aider les Etats… mais elle n’y mettra pas un centime. La seule piste de respiration financière évoquée dans l'accord est de recourir plus fortement au FMI. Lequel sera davantage financé par la BCE. Vu ? Non. Je suis certain que vous ne suivez pas. A ce point de complexité il est peu probable que beaucoup d’entre vous suivent encore ce qui se passe. Pour ma part j’ai consacré une longue séance de travail au sujet avec mes assistants pour décrypter le contenu de l’accord conclu. Je peux assurer qu’au point où tout en est, on peut affirmer que l’opacité est sans doute un objectif pour ceux qui pilotent depuis des mois les opérations européennes ! L’opacité est un des moyens de la tyrannie du fait accompli que pratiquent ces sommets et leurs « accords historiques » à répétition. Comment discuter ce qu’on ne comprend pas ?

 

  • Verrous imposés aux autres pays de l’Union européenne

Cette fois-ci encore apparaît une nouvelle créature institutionnelle qui vient prendre sa place dans l’usine à gaz européenne. Celle-là s’appelle « l’union de stabilité financière ». USB ! Génial non ? La réponse à la crise de l’Union Européenne : l’USB ! Les contours de cette nouvelle union sont d'ailleurs eux aussi opaques. On ne sait pas si elle comptera 23, 24, 25 ou 26 membres. Puisqu'outre le Royaume-Uni qui n'y participera pas, la Hongrie, la Suède et la République tchèque ont aussi émis des réserves sur leur participation finale. Le contenu par contre est connu. Il est le suivant : regrouper et "renforcer" sous un même label toutes les mesures autoritaires décidées depuis 18 mois. On prend toutes les décisions déjà prises, on les durcit et on rebaptise le paquet qui les contient. Dans l’emballage on retrouvera donc le "Pacte de stabilité et de croissance renforcé, la mise en oeuvre du semestre européen, la nouvelle procédure concernant les déséquilibres macro-économiques et le pacte pour l'euro plus." A cette liste de carcans et de verrous, l'accord signé ajoute la « règle d'or » pour tous. Cette règle d'or est présentée comme "une nouvelle règle budgétaire" qui va plus loin que toutes les contraintes fixées jusqu'alors depuis le traité de Maastricht. De la limitation du déficit public à 3 % du PIB, on passe désormais au choix à "l'équilibre ou l'excédent des budgets des administrations publiques". Un véritable garrot ! L’équilibre budgétaire à perpétuité ! Il sera considéré comme respecté si le déficit reste en dessous de 0,5 % du PIB. C’est ici une surenchère tellement forcée qu’on se demande si elle a un sens réel. En effet l'Union Européenne n'arrivait déjà même pas à appliquer le Pacte de stabilité à 3 % du PIB. Elle invente pourtant une nouvelle règle plus dure encore! Le point commun de toutes ces contraintes est évidemment d'imposer l'austérité partout, à tous et tout le temps. En imposant la même politique en toute circonstance à 23 pays, cet accord prépare l'asphyxie économique et sociale de tout le continent. La nouvelle "Union de stabilité budgétaire" marque donc l'avènement de ce que je propose désormais d'appeler « l'Europe austéritaire ».

 

  • Opacité et autorité sont les moyens de l’austérité

« Austéritaire » est un mot fabriqué pour désigner la finalité et le moyen. La finalité c’est l’austérité. Le moyen tient en trois mots : opaque, autoritaire, inégalitaire. Opaque ? On a vu. Autoritaire ? Voyons. Toute la force de contrainte de l'UE est désormais concentrée vers son objectif unique : l'austérité. Pour cela, les mécanismes de surveillance et de sanction sont encore renforcés. En cas de non-respect des règles, les sanctions seront automatiques. Mais l’origine de la décision est désormais totalement hors des mains des gouvernements. Le Conseil, qui réunit les gouvernements des Etats n'interviendra même plus pour approuver la mise en place de sanctions. C'est la Commission qui les décidera toute seule. Certes le Conseil pourra ensuite suspendre cette décision. Mais il ne peut le faire que si 85 % des membres sont d’accord pour s’opposer. C’est ce que l’on appelle la « majorité inversée ». Une merveille de trouvaille ! Quant au Parlement européen, il n'a même jamais été envisagé de le consulter alors même qu'il s'agit d'appliquer des amendes automatiques de plusieurs centaines de millions d'euros à des peuples en difficultés. Opaque et autoritaire, donc.

 

L'Europe austéritaire est aussi inégalitaire. Face à la difficulté tous ne seront pas égaux pour prendre les décisions. L'accord a prévu une majorité qualifiée pour gérer en urgence le mécanisme de sauvetage des Etats en difficulté. Aux précédentes étapes, cette majorité qualifiée avait été fixée à 80 %. Or ici on ne parle pas de voix calculées en fonction de la population des Etats mais en fonction de leur quote-part financière au sein du Mécanisme de stabilité qui est elle-même calculée sur la base des parts détenues au capital de la BCE dans la zone euro. Avec une majorité qualifiée à 80 %, seuls deux Etats avaient concrètement un droit de véto sur la gestion du fameux fonds de sauvetage : la France et l'Allemagne. Dans l'accord signé vendredi on est passé à 85 % ce qui fait rentrer l'Italie dans ce club très fermé des Etats à droit de véto. La perversité de la présentation consiste à faire croire que ce mécanisme est destiné à empêcher les "petits Etats" de bloquer les décisions. En fait il les oblige en cas de besoin à obtenir les bonnes grâces des trois puissants. Leurs chefs de gouvernement n’ont pas fini d’être convoqués pour être admonestés ou renvoyés comme l’ont été déjà Papandréou et Berlusconi. A ce sujet notons que l'Italie n'était pas digne d'avoir un droit de véto avec son précédent gouvernement. Mais elle l'est devenu depuis que son gouvernement est aux ordres de la Commission européenne et applique avec zèle la rigueur. Une telle Europe hiérarchisée et contrainte où une poignée d'Etats gouverne des dizaines de peuples contre leur gré ne peut pas durer. Qui prendra la décision en France pour modifier la Constitution et y introduire la règle d’or ? Qui va décider de transposer les règles de « l’union pour la stabilité budgétaire » ? Il s’agit du plus important transfert de souveraineté jamais décidé. La souveraineté budgétaire est le coeur de la souveraineté populaire. L’actuelle assemblée n’a pas été élue en connaissance de cause sur ce sujet puisqu’il n’était pas présent dans le débat de l’époque. L’Assemblée Nationale n’est donc pas légitime pour décider seule sur ce sujet. C’est le référendum qui est le moyen démocratique adapté à la circonstance.

 

  • L’Europe austéritaire est condamnée

Voici la cerise sur le gâteau dégoûtant de ce sommet européen. Outre la célébration d'Angela Merkel, le sommet a aussi vanté les mérites des nouveaux gouvernements italiens et grecs mis en place sous le contrôle étroit de l'Union Européenne. Et de manière incongrue, les conclusions des chefs d'Etat félicitent d'ailleurs non seulement le gouvernement grec mais aussi "les partis qui lui apportent leur soutien". Cela signifie que le parti d'extrême-droite grec Laos se voit félicité officiellement par l'Union Européenne pour sa participation au gouvernement Papademos ! Au nom de l'austérité, tous les autres principes fondateurs de l'UE semblent s'être évanouis pour que la plus haute instance de l'UE en vienne à féliciter l'extrême-droite. Il y a encore quelques années, des réunions européennes étaient organisées pour s'inquiéter de la participation de l'extrême-droite à un gouvernement d'un Etat membre. Ce fut notamment le cas quand le parti d'Haider participa au gouvernement en Autriche. Signe d'un basculement, en une dizaine d'années l'Europe est donc passée des mises en garde contre l'extrême-droite aux félicitations. La déchéance est consommée. Comme l'a noté Bernard Thibaut de la CGT, "cette Europe-là est condamnée".

 

 

- Merkhollande a remplacé Merkozy[13]

  • Le pacte budgétaire n’a pas été renégocié

Le Conseil européen des 28 et 29 juin produit son lot habituel de dramatisation kitch. Comme à l’accoutumée, l’abus des grands mots a permis d’éluder l’analyse des détails. Quand on en fait des tonnes sur le sommet de la « dernière chance » pour « sauver l’euro » et ainsi de suite, il est si facile ensuite de se contenter de peu. Et davantage encore quand ces gesticulations ne servent en dernier ressort qu’à masquer ce qui se décide vraiment. Cette fois-ci de nouveau, l’agitation bavarde sur le sommet de la « dernière chance » occulte le reste. Un point essentiel de l’ordre du jour passe sous silence. Il s’agit de l’approbation des « recommandations par pays » faites par la Commission européenne le 30 mai dernier. C’est la dernière phase du Semestre européen. Ce semestre c’est l’examen de passage auquel tout gouvernement doit soumettre son budget. Il n’en est question nulle part. La comédie sur le compromis entre Allemands et Français où l’on échangerait de la croissance contre de la rigueur occupe tout l’espace médiatique et tout le temps de cerveau disponible. Ce n’est qu’une comédie. Le pacte budgétaire sera voté tel quel, sans renégociation, contrairement à ce qu’avait annoncé François Hollande. La preuve : ce document est voté tel quel par le Bundestag le vendredi alors même que se tient encore le sommet ! Pourquoi ? La stratégie de pression sur le gouvernement allemand, telle que l’on pouvait la comprendre après les déplacements spectaculaires de François Hollande pendant la campagne présidentielle auprès des socialistes allemands, s’est effondrée. Ses alliés ont capitulé. Il n’a donc plus de marge de manoeuvre. Il rend les armes à son tour. Le 20 juin, le SPD a totalement embrayé sur Merkel contre la mutualisation de la dette des Etats. Les Verts allemands ont fait de même. Le SPD a lâché François Hollande sur ses projets d’Eurobonds ou, à défaut, de « fonds d’amortissement de la dette ». Merkel peut ainsi se prévaloir de l’accord de toute son opposition et donc en fait de tout le Parti socialiste européen. Que reste-t-il alors du discours du nouveau gouvernement français ? Le « pacte de croissance ». Mais qu’est-ce que c’est ? Un trompe l’oeil. En vérité ce pacte est une compilation de décisions dérisoires déjà prises sous l’ère Sarkozy. Certaines sont déjà en deçà de celles que le Parlement européen avait lui-même amendées ! Mais avant d’en parler ici, il est temps, d’abord, de rafraîchir les idées en rappelant quelles « recommandations de la Commission européenne pour la France » ont été acceptées par le nouveau gouvernement.

 

  • Hollande accepte la rigueur budgétaire et l’orgie libérale

En tout premier lieu, la France accepte non seulement la rigueur budgétaire déjà mise en oeuvre par Sarkozy mais son approfondissement. En effet la Commission affirme que notre pays doit « garantir que le déficit excessif (audelà de 3% !) sera corrigé dans les délais fixés ». C’est-à-dire en 2013. Soixante milliards à retirer du circuit économique ! Ça c’est pour la continuité avec Sarkozy. Et maintenant l’alourdissement de l’ardoise. La Commission demande que « par la suite » la France « assure un effort d'ajustement structurel approprié pour progresser de manière satisfaisante par rapport à l'objectif budgétaire à moyen terme». Ce charabia volontairement réservé à la compréhension de ceux qui pratiquent la novlangue européenne veut dire que la France devra arriver ensuite le plus vite possible sous la barre des 0,5% de « déficit structurel ». Je suppose que ces informations gagneraient à être connues. Sans doute Jean-Marc Ayrault en réserve-t-il la primeur à sa déclaration de politique générale ? Le reste du document approuvé méritera alors d’être connu lui aussi. Les citoyens y apprendraient que leur gouvernement est d’accord pour se donner comme objectif la fameuse « TVA sociale ». En effet la Commission demande au gouvernement français « d’introduire un système fiscal (…) qui déplacerait la pression fiscale du travail vers d'autres formes de fiscalité pesant moins sur la croissance et la compétitivité extérieure, notamment les taxes vertes et les taxes sur la consommation ». Bien sûr il faut lire deux fois pour comprendre puisque c’est la langue des technocrates. Mais chacun peut voir noir sur blanc que la TVA est citée sans faux semblant. Le sigle est d’ailleurs explicitement énoncé dans les considérants du texte. Et chacun peut constater aussi quel est le rôle des « taxes vertes » dans la stratégie des libéraux.

 

On se gardera de croire que ce genre de document ne s’intéresse qu’aux aspects comptables de la gestion gouvernementale, en supposant que cet angle soit possible sans engager des orientations politiques plus larges. Mais de toute façon le texte ne cache rien des intentions générales des rédacteurs. Il envisage aussi quel sort réserver à des sujets plus éloignés de la tenue des comptes du budget de l’Etat. Ainsi pour les retraites. La Commission demande au gouvernement français de « poursuivre l'examen de la viabilité et de l’adéquation du système de retraite et à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire ». Je suppose que personne n’a besoin de mes talents de traducteur-décrypteur pour comprendre ce que cela veut dire. De toute façon les recommandations de la Commission incluent un feu d’artifice qui lèverait tout doute, s’il y en avait, dans l’esprit de mes lecteurs les plus sourcilleux. En effet la Commission demande au gouvernement français de « poursuivre les efforts pour supprimer les restrictions injustifiées dans les professions et secteurs réglementés, notamment dans le secteur des services et du commerce de détail ; à prendre de nouvelles mesures pour libéraliser les industries de réseau, notamment sur le marché de gros de l’électricité, pour développer les capacités d’interconnexion dans le domaine de l’énergie et pour faciliter l’arrivée de nouveaux opérateurs dans les secteurs du transport ferroviaire de marchandises et du transport international de voyageurs ». Une orgie libérale en quelque sorte.

 

Je n’achèverai pas sur ce chapitre sans évoquer une exigence tout à fait odieuse : la recommandation de déréglementer le marché du travail ! Rien de moins. A prendre très au sérieux car cela a déjà été mis en oeuvre en Espagne, en Grèce et en Italie sur ordre de la dite Commission. Ici elle demande à la France de réformer notamment « la procédure administrative applicable aux licenciements individuels ». Tout le texte est à l’avenant. Ainsi encore quand il est question des salaires. Pas un mot sur les salaires excessifs du sommet de la pyramide. Mais les écorcheurs n’oublient pas les mises en garde qui font peur à propos du salaire minimum. Certes il n’y a pas de préconisation précise. Mais la Commission y fait tout de même allusion. Elle demande au gouvernement de « veiller à ce que toute évolution du salaire minimum favorise la création d'emplois et la compétitivité ».

 

Une orgie libérale est donc en vue. Le gouvernement français n’a pas dit non. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il pense que les engagements à propos des « recommandations » de la Commission n’engagent pas vraiment ceux qui les votent ? Mais alors à quoi servent-ils ? Je vais le dire aux innocents qui croient s’émanciper d’une injonction venue de la Commission sans qu’il leur en cuise. Le plan de marche de la Commission est surtout un document de référence notamment pour les agences de notation et les bureaux d’évaluation financière de toutes sortes. Ceux qui s’en écartent après avoir pris des « engagements » et approuvé des « recommandations » le donnent à voir et à mesure aux évaluateurs des « marchés ». Et cela n’est jamais sans conséquences. Voilà pourquoi il est important de savoir si le gouvernement français accepte ces recommandations. Et s’il les accepte il est important de savoir s’il compte les mettre en oeuvre. Et sinon pourquoi il les a acceptés.

 

  • Les attrape-nigauds du « pacte pour la croissance et l’emploi » et de la « taxe sur les transactions financières »

Venons-en au fumeux « pacte pour la croissance et l’emploi » prétendument arraché au gouvernement allemand. Une pantalonnade ! Le document ne comporte aucune nouveauté par rapport à ce qui avait déjà été décidé. Contrairement à ce qui s’est beaucoup claironné de tous côtés, les bornes de ce « pacte » ont été clairement fixées par référence au passé récent où Sarkozy et Merkel menaient la barque. Car il est bien précisé qu’il s’appuiera « sur l'ensemble de mesures arrêtées lors des précédentes réunions » en la matière. Et, en cas d’oubli, il est bien dit que ce « pacte » respectera « le cadre des efforts d'assainissement budgétaire intelligent qui sont actuellement déployés ». Intelligent ? Dans ces conditions, que contient le « pacte pour la croissance et pour l’emploi » tel que « négocié » par Hollande, Merkel, Rajoy et Monti à Rome le 21 juin 2012 ? L’injection, paraît-il, de 120 à 130 milliards d'euros « pour la croissance ». Chiffre qui permet d’annoncer qu’il s’agit de « 1% du PIB européen ». Impressionnant ? Notons déjà que le PIB européen est de 14 000 milliards. 1% ferait 140 milliards et non 120 ! Quoiqu’il en soit, cette somme est dérisoire comparée aux milliards engagés récemment sans contrôle d’usage au profit des banques. Ainsi quand plus de 1000 milliards, rien que pour janvier et février 2012, ont été prêtés aux banques européennes pour trois ans et au taux de 1%. Personne n’en a vu la couleur dans l’économie réelle. On dit que même madame Merkel est déçue ! Cela tourne à la farce quand on découvre que cette somme de 120 milliards est acquise en mobilisant ce qui reste des « fonds structurels » inutilisés ! D’autant que pour savoir ce qui sera effectivement utilisé ou pas il y a doute aussi car le budget les a provisionnés jusqu’à 2013 ! Cela devient insupportable à entendre quand on sait que ces fonds « structurels » ainsi réaffectés sont ceux dont bénéficient prioritairement les régions les plus pauvres ainsi que les DOM et les TOM français. Enfin le ridicule vient de ce que ces fonds ne sont pas utilisés en raison même de la politique d’austérité. En effet ils cofinancent des projets conclus entre les Etats et le secteur privé. Mais les Etats sont invités à ne pas augmenter la dépense publique !……..

 

J’achève cette partie démoralisante de ma note avec la fausse victoire de « la taxe sur les transactions financières ». Les quatre dirigeants européens se sont mis d'accord pour adopter cette taxe dans le cadre d'une « coopération renforcée » c’est-à-dire un accord incluant au moins neuf Etats de l'UE. Quelle nouveauté ? Aucune ! Il n’y a strictement rien de nouveau là-dedans. La France de Sarkozy, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, la Grèce et le Portugal, ont annoncé en février 2012 qu’ils entraient en coopération renforcée pour la mise en place de cette taxe ! Je précise, comme je l’ai déjà fait à l’époque, qu’il s’agit d’une taxe déséquilibrée, trop favorable à la spéculation. En effet les produits dérivés, qui représentent plus de 80% des transactions financières, se verraient appliquer un taux d’imposition réduit. Je découvre à présent que cette taxe sera perçue sur une base très loin de l’« assiette assez large » promise par Hollande. Elle ne concernerait pas par exemple le marché des changes.

 

 

- L’Allemagne de Merkel met l'Europe dans l’impasse[14]

  • La domination allemande met en danger la construction européenne

Marginalisée pendant des décennies du fait de sa défaite et de sa division, autant que du poids de la honte des crimes nazis, l’Allemagne fédérale s’est, du coup, reconstruite et réunifiée en pesant chaque pas comme une étape vers son rétablissement en puissance. Pendant ce temps, hors de la parenthèse gaulliste et des vigilances de François Mitterrand, les Français ont été endormis. Ils l’ont été par les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens, alliés dans le projet européen à la sauce Jean Monnet. Ils se sont laissés porter par une situation de force qui semblait aller de soi pour toujours. D’un côté des calculateurs forcés, de l’autre des dilettantes frivoles. L’Allemagne a donc marqué ses points en s’occupant d’elle comme du sujet de l’histoire. Sa domination actuelle met en danger l’économie de chaque nation et la construction européenne elle-même. En plongeant l’Union entière dans la récession, l’Allemagne de Merkel menace l’économie générale du monde.

 

Je me suis déjà exprimé à de nombreuses occasions sur la question que pose la nouvelle Allemagne aux Français. Ce point n’a jamais retenu l’attention de mes commentateurs. C’est pourtant pour moi une question cruciale qui donne son sens à de nombreux aspects de ce que je crois utile de faire dans notre pays. La cécité volontaire de bon nombre de commentateurs a une racine dans la pensée dominante médiatiquement acceptée. Car, malheureusement, l’influence des déclinistes et la démission des élites politico-médiatiques ont amplement désarmé la conscience des risques inadmissibles qui résultent mécaniquement d’une domination allemande sur l’Europe. Quel risque ? Celui que fait peser la subordination de tous aux besoins étroits de quelques-uns surtout quand ces intérêts sont peu représentatifs de la condition générale des autres nations.

 

  • La politique européenne actuelle ne convient qu’aux vieux Allemands

Aujourd’hui, la politique européenne est exclusivement calculée pour répondre aux intérêts de la population vieillissante de l’Allemagne. Cette population qui dépend des fonds de pensions pour ses retraites est donc fascinée par les cours de bourse soutenus et l’existence d’un euro très fort. Le système qui y correspond est dorénavant construit. Il place l’Allemagne au centre d’un ensemble productif où les pays voisins du nord, qui étaient autrefois dans la mouvance du Mark, le sont tout autant autour de l’euro fort à la sauce berlinoise. Cet ensemble reçoit dorénavant le renfort stupide d’une tradition bien française de fascination et de capitulation des élites devant l’outre-Rhin. Celle-ci se nourrit à présent des recommandations du modèle libéral. La parole officielle est donc captive des figures imposées de l’adulation pour le « modèle » allemand. Ses faiblesses semblent invisibles vue du balcon de nos grands commentateurs.

 

  • Le « modèle » allemand sera bientôt à terre

Mais les Allemands, eux, sont plus lucides. Ils savent que leur transition démographique en cours peut les conduire au chaos. Leur chance actuelle sur ce plan : leur besoin vital d’immigration les voit se nourrir de la déconfiture des pays européens qui contraignent leur jeunesse à s’expatrier pour fuir le désastre que la politique allemande impose à tous ses partenaires. Mais cela ne règle rien, sur le fond : la décroissance de la population allemande déforme aux deux extrêmes d’âge la solidité du système productif, pour ne parler que de cela. D’un côté, moins de jeunes égale moins de main d’oeuvre formée aux nouvelles qualifications alors que le système d’enseignement allemand, centré sur l’apprentissage, ralentit déjà l’intégration des nouveaux savoirs de pointe. D’un autre côté, davantage de personnes âgées alourdit les dépenses sociales, par exemple pour la santé, et fragilise le système de financement de retraite. Oui de retraite. Car la retraite par capitalisation est, elle aussi, sensible à la démographie, cela va de soi. C’est d’ailleurs pourquoi s’élèvent déjà des voix en Allemagne pour réclamer un passage de la retraite à soixante-dix ans ! Vous avez bien lu : à soixante-dix ans ! Le soi-disant modèle allemand sera à terre bien avant qu’on ne le croit. Car il n’est pas loin du tout le moment où se croiseront les effets d’âge avec la récession en Europe et la concurrence des pays émergents sur les segments actuellement exportateurs de l’Allemagne. « Cinq ans » dit une huile allemande (Le Figaro 12 mars 2013) !

 

  • L’euro fort cher aux Allemands asphyxie l’Europe

J’ai dénoncé et montré tant de fois ici le rôle désastreux de l’euro fort ! A présent maintes voix s’élèvent pour dire de même que les analystes du Front de Gauche ! Le dernier pic de croissance connu en Europe eu lieu en l’an 2000. Il a correspondu à un euro valant 0,90 dollars. L’euro vaut aujourd’hui 1,35 ! Il est même monté jusqu’à 1,60 ! Un désastre économique ! Plus l’euro est cher, plus les marchandises se vendent difficilement sur le marché mondial où elles rencontrent d’autres marchandises libellées dans des monnaies plus faibles mais adossées à des économies puissantes comme celle des Etats-Unis ou du Japon et même des Anglais ! Tous les efforts les plus intenses de productivité, effectués au prix des larmes, sont annulés par le niveau de la monnaie. Les Allemands s’en moquent, en partie, car leurs produits sont destinés à des niches où ils ont peu de concurrents et où se positionne une clientèle riche. Ainsi suis-je stupéfait de voir reprocher aux constructeurs automobiles français de ne pas avoir « fait comme les Allemands » ? Qu’ont-ils fait ? En tous cas pas mieux que les ouvriers français qui travaillent mieux et produisent davantage. Non, les Allemands sont forts pour produire des voitures qu’achètent les riches, lesquels ne sont pas influencés dans leur décision d’abord par le prix d’achat, comme c’est le cas dans le segment des classes moyennes et populaires. En résumé, on comprend sans difficulté que dans des économies où l’on pratique de l’austérité, la vente à l’étranger est le coeur du modèle d’enrichissement. Ce n’est pas seulement anti-écologique ! C’est une prime donnée aux producteurs pour riches. Ça non plus ce n’est pas écologique ! Car cela pousse aux consommations ostentatoires et gaspilleuses. Et surtout cela détourne les objectifs de la production de la population à laquelle elle devrait d’abord s’intéresser : le grand nombre. Et c’est une incitation à faire baisser le cours des monnaies pour donner un avantage comparatif sans gain de productivité. Le contraire de ce que veulent nos chers Allemands qui nous infligent donc un absurde euro fort.

 

  • L’Allemagne paiera cher la politique rigide de Merkel

L’examen de la position allemande est souvent présenté d’une façon totalement biaisée. Tout se passe comme si l’Allemagne vertueuse exportait d’abord sur le marché mondial. En ce sens elle serait plus « agile » et « compétitive » sur le « marché monde » que nous pauvres lambins de Français. Cette analyse est fausse. L’Allemagne n’exporte sur le marché mondial qu’une petite partie de sa production. Et cela, comme tout le monde peut le vérifier, dans des segments étroits de la production ou pour mieux dire dans des « niches », telles que les machines-outils ou les engins de transport. Mais le gros de l’export se fait en direction du marché intérieur de l’Union européenne. C’est bien pourquoi l’Allemagne va payer elle-même cher le ralentissement de l’activité que provoque sa politique rigide de bureaucrate libérale sur le mode dogmatique estallemand qui est le style et l’histoire personnelle de madame Merkel. Puisque les clients ont été étranglés, le fournisseur le sera en même temps. Et par contagion le monde entier, car il faut rappeler que l’Union européenne représente le quart du PIB mondial.

 

  • Le miracle allemand se nourrit de la misère de l’Europe

Donc l’Allemagne réalise l’essentiel de ses performances dans le marché commun européen. On ne saurait mieux dire qu’en réalité elle y parvient sur le dos des autres et de nous Français en particulier grâce à un avantage compétitif indu qui est le dumping social. Le dumping social c’est payer son monde moins cher que le voisin. Que cette différence s’évalue en temps de travail réel ou en salaires rapportés à la productivité. C’est ce que font les Allemands. C’est l’équivalent invisible d’une dévaluation compétitive. Voilà ce que l’Allemagne inflige à ses voisins. Le système est très bien organisé grâce à l’Union européenne. D’abord est maintenu un niveau de salaire très bas dans l’est de l’Europe pour payer une main d’oeuvre très qualifiée. Ceci est obtenu grâce à l’interdiction d’harmonisation fiscale ou sociale que contient le Traité de Lisbonne. Ces pays fournissent des pièces détachées à très bon marché qui sont ensuite assemblées en Allemagne. Là sévit, depuis Schroeder, une discipline salariale maintenue par un système de contrainte des chômeurs particulièrement cruel. De même le coût des retraites est en bonne partie basculé sur le système par capitalisation qui, par définition, ne se finance pas à la source du travail et donc ne « pèse » pas sur lui, en apparence. De plus il n’apparaît dans aucun compte de l’Etat. L’ensemble permet des productions à bas prix, et un affichage de faible chômage du fait du vieillissement de la population et du travail forcé sous-payé des demandeurs d’emploi. Tel est le miracle allemand. Le problème qu’il pose c’est que, pour fonctionner, tout le reste de l’Europe doit se contenir et se soumettre à des diktats de plus en plus violents. Avec le nouveau mécanisme de surveillance européen, dont relèvent dorénavant la totalité des états européens sauf l’Allemagne, celle-ci a réussi à imposer ses normes de gestion de la dépense publique à toute l’Europe et le droit d’intervenir directement dans la confection des budgets nationaux. L’Europe se présente ainsi comme un système colonial. Il contraint tous ses membres au financement de la rente financière par le biais d’une police politique et budgétaire qui maintien un ordre favorable au développement d’un pays et même d’un seul.

 

L’Europe est allemande. Et ceux qui s’y soumettent ne peuvent y survivre qu’en le devenant eux-mêmes à leur tour, sans trop y croire. Les moulins à prières habituels s’abstiendront de m’infliger les dénonciations si grossièrement convenues sur mon « mépris » pour les autres peuples ou je ne sais quelle accusation de nationalisme qui ne font jamais que m’informer sur le niveau de mauvaise foi qui nous entoure. De toute façon je n’écris pas pour mes adversaires, ni pour les petites cervelles pavloviennes, mais pour ceux d’entrevous qui font l’effort, comme moi, d’entrer dans la difficulté des problèmes que nous affrontons, non pour y réciter des mantras, mais pour essayer de trouver des issues jouables. Pour moi, le vote du « Two Pack » et du « Six Pack » sont des seuils franchis dans la soumission de notre pays et du peuple qui le constitue. La perspective du Grand marché transatlantique est dorénavant officielle, ce qui est encore un franchissement de seuil. Le tout fait système. Une nouvelle page se tourne dans mon esprit à propos de ce qu’est en réalité cette Union.

 

 

- Je ne connais pas de "boche"[15]

J’ai été sévèrement fustigé pour ce que j’ai dit du changement de mentalité des dirigeants allemands à propos de l’Europe. Daniel Cohn-Bendit m’accusa de parler des « Boches ». Rien de tel n’existe dans ce livre[20]. Il ne l’a pas lu. Je suis le frère d’un autre allemand, Oskar Lafontaine. Je ne connais pas de boche. Mais je sais quelle est la droite allemande avec laquelle les amis « Grünen » de Cohn- Bendit n’hésitent pas à s’allier. J’ai suivi comme tout le monde le feuilleton des tergiversations de madame Merkel face à la crise grecque. Vous avez vu la morgue des conservateurs allemands dans les institutions financières européennes ? Vous êtes donc maintenant fixés. Il existe un parti pris puissant en Allemagne en faveur de la reconstitution d’une zone Mark maquillée en petite zone Euro. Ce serait une erreur totale et un mauvais pas pour notre pays de laisser faire. Pourtant, les uns refusent de voir, les autres ont déjà capitulé. Pour moi, il est tout à fait détestable de voir déjà des bonnes âmes proposer leur collaboration pour ce funeste projet, sous couleur d’harmonisation fiscale et sociale aux normes de notre voisin.

 

Notes :

[1] Extrait de Qu’ils s’en aillent tous – Vite la Révolution citoyenne !, novembre 2010

[2] Le Traité de Nice (26 Juillet 2001) attribue 99 sièges à l'Allemagne et 74 à la France.

[3] Publié sur mon blog le 25 novembre 2011

[4] Tribune publiée dans Les Echos le 4 novembre 2011

[5] Publié sur mon blog le 25 novembre 2011

[6] En 2012, la croissance en Allemagne a été de 0,7%

[7] Publié sur mon blog le 18 décembre 2011

[8] Publié sur mon blog le 7 novembre 2012

[9] Le rapport Gallois ou « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » a été remis le 5 novembre 2012 à Jean-Marc Ayrault.

[10]  Publié sur mon blog le 18 décembre 2011

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26 janvier 2015 1 26 /01 /janvier /2015 09:00
EUROGENDFOR, la force de police militarisée supranationale européenne... preuve d’une dérive dictatoriale de l’UE ?

Sources : LesObservateurs.ch via Source en italien (trad. D. Borer)

La force de police européenne (Eurogenderfor ou EGF) est le premier corps militaire de l'Union européenne à caractère supra-national. L'EGF est composé de forces de police militarisées (la gendarmerie pour la France)à  l'ordre de l'UE, prêtes à intervenir dans des zones de crise, sous l'égide de l'OTAN, de l'ONU, de l'UE ou de coalitions formées "ad hoc" dans divers pays.

 

L'Eurogendfor peut compter sur 800 "gendarmes" mobilisables en 30 jours, plus une réserve de 1'500 hommes; le tout est géré par deux organes centraux, un politique et un technique. Le premier est le comité interdépartemental de haut niveau nommé CIMIN (Comité Inter MInistériel de haut Niveau), composé de représentants des ministres des affaires étrangères et de la défense, de pays ayant adhéré au traité. Le second est le quartier général permanent (PHO), composé de 16 officiers et de 14 sous-officiers.

 

Les 6 tâches principales (commandant, vice-commandant, chef d'état major et sous-chefs des opérations, de la planification et de la logistique) sont réparties en rotation tous les deux ans parmi les différentes nationalités, selon les critères usuels de la composition des forces multinationales.

 

Il ne s'agit donc pas d'une vraie troupe armée européenne ou de la création d'une armée européenne unique, car dans ce cas elle dépendrait de la Commission et du parlement européen, mais d'un simple corps armé supranational qui jouit d'une pleine autonomie.

 

 

- Une force supranationale totalement indépendante des États

En fait, l'EGF n'est soumis ni au contrôle de parlements nationaux ni à celui du parlement européen mais est directement sous les ordres des gouvernements par l'intermédiaire du CIMIN cité plus haut.

  • L'article 21 du Traité de Velsen, suite auquel ce corps d'armée supranational a été créé, a prévu l'inviolabilité des locaux, des bâtiments et des archives de l'Eurogendfor ;
  • L'article 22 protège les propriété et les capitaux de l'Eurogenderfor d'éventuelles mesures exécutives pouvant venir des autorités judiciaires de n'importe quel pays ;
  • L'article 23 prévoit qu'aucune communication des officiers de l'EGF ne pourra être interceptée ;
  • L'article 28 prévoit que les pays signataires renoncent à demander des dédommagements en cas de dommages à la propriété, si ces dommages ont été faits dans le cadre de préparations ou d'exécutions d'opérations ;
  • L'article 29, enfin,  prévoit que les personnes appartenant à l'Eurogenderfor ne pourront être soumis à des procès suivis d'une sentence, que ce soit dans l'Etat hôte ou dans l'Etat d'accueil dans les cas liés à l'exécution de leur service : [3. Aucune voie d'exécution ne peut être pratiquée sur un membre du personnel de l'EUROGENDFOR lorsqu'un jugement a été prononcé contre lui dans l'Etat hôte ou l'Etat d'accueil s'il s'agit d'une affaire résultant de l'exécution du service].

 

Dans le Traité de Velsen, il y a un paragraphe entier intitulé "Missions and tasks", où l'on apprend que l'Erogenderfor pourra aussi se substituer aux forces de police civile d'un état, à n'importe quelle phase d'une crise et que son personnel pourra être soumis à l'autorité civile ou à un commandement militaire.

 

 

- Parmi les multiples tâches qui sont dévolues à l'EGF en voici quelques unes :

- garantir  la sécurité et l'ordre publique ;

- exécuter des tâches de police judiciaire (mais on ne comprend par pour le compte de quelle Autorité judiciaire...........) ;

- contrôler, conseiller et superviser la police locale, y compris dans les enquêtes pénales ;

- diriger la surveillance publique ;

- opérer comme police des frontières ;

- récolter des informations et développer des opérations de service secret.

 

En définitive l'Eurogendfor est le bras armé de l'Europe au service des gouvernements et de la finance pour garantir la "paix sociale" en période de crise (comme par exemple en Grèce ?) et le maintien du système économique et politique en place au service du capital.

 

 

 

 

 

 

En France, le projet de Loi de ratification du traité de Velsen a été déposé au Parlement le 3 février 2009 et a été définitivement ratifié par le parlement et promulgé au J.O. le 13 mars 2012 et est entré en vigueur le 1er juin 2012.    

 

En conclusion, ce dispositif signifie par exemple qu'en France, en cas de conflit social majeur dans lequel les forces de police seraient parties prenantes, dans la rue il y aurait pour assurer le "maintien de l'ordre établi en place", des forces de gendarmeries en tout ou partie étrangéres et qui n'auraient à répondre de leurs actions ni devant l'État et la justice française, ni devant la commission européenne.

 

Ne doit-on pas y voir la preuve d’une dérive dictatoriale de l’UE ?

 

Pour en savoir plus :

- Union Européenne : la dérive fascisante

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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 09:00
La loi Macron, ou comment revenir au contrat de travail du XIXe siècle

Ignorant délibérément qu’il ne peut y avoir de "liberté", de "consentement" ou de "volontariat" du salarié face à un employeur en position de force, la loi Macron met en œuvre le rêve du Medef, dans lequel le contrat remplace le droit du travail.

 

Source : Regards.frs entretien par Laura Raim

L’ex patron du Medef Denis Kessler œuvrait à « défaire méthodiquement le programme du CNR ». Une ambition somme toute modeste, comparée à celle d’Emmanuel Macron. Le ministre de l’Économie semble en effet décidé à renvoyer le contrat de travail à ses modalités du début du XIXe siècle, lui qui n’a pourtant que le mot « modernisation » à la bouche... Son projet de loi "pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques", adopté en commission dans la nuit de dimanche, tente en tout cas de faire un pas en ce sens.

 

 

- "Liberté et "consentement" du travailleur

Jusqu’à présent, le contrat de travail se caractérisait par un « lien de subordination juridique permanent », le salarié étant sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. C’est précisément pour compenser ce rapport fondamentalement inégalitaire qu’ont été élaborés le Code du travail puis les conventions collectives. Le Code, qui remonte à 1910, n’a cessé de se renforcer depuis, ses lois sociales obligeant l’employeur à payer non seulement l’acte productif, mais aussi le repos, les congés payés, le logement, le transport, la formation, la protection contre le chômage, les accidents du travail, la maladie et la vieillesse.

 

Des contraintes dont rêve de se débarrasser le Medef, qui se bat depuis 1999 pour passer d’un contrat du travail synallagmatique (supposant un échange d’obligations réciproques) et collectif à un contrat civil individuel négocié de gré à gré. « Nous préconisons une réforme de la Constitution afin de reconnaitre le droit à la négociation, et de permettre aux représentants des employeurs et des salariés de fixer les modalités d’application des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale », expliquait l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot aux Échos en 2006.

 

Dans ces conditions, le salarié aurait toute "liberté" de "consentir" à travailler le dimanche, la nuit ou soixante heures par semaine, sans être bridé par les "rigidités du code du travail", qui représentent selon le député socialiste Jean-Marie Le Guen « un redoutable tabou national » et « un puissant répulsif de l’emploi ».

 

 

- Inégalité du rapport de force

Le texte d’Emmanuel Macron avance discrètement dans cette direction, en proposant de modifier l’article 2064 du code civil qui interdit de recourir à une simple convention à l’amiable pour les différends s’élevant à l’occasion d’un contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail (licenciement, harcèlement…). Le code civil estime en effet qu’en raison de l’inégalité du rapport de force, un différend entre un employeur et un salarié ne peut se régler par la même procédure qu’un différend entre deux particuliers. C’est donc sur ce point que veut revenir Macron. Comme  l'explique sur son blog Gérard Filoche, membre du bureau national du PS et ancien inspecteur du travail, non seulement le salarié pourrait alors "librement" renoncer aux droits du Code du travail, mais le règlement des litiges issu du nouveau contrat de droit civil ne pourrait plus être confié à la juridiction prud’homale.

 

En réalité, il ne s’agit pas de la première brèche qu’ouvre le gouvernement dans le droit du travail au nom du supposé "consentement" des employés : l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin 2013 permettent par exemple de ne pas respecter le plancher de vingt-quatre heures hebdomadaires pour les temps partiels avec « l’accord » du salarié. Quant au travail dominical promu par Macron, il serait réservé aux « volontaires ».

 

Reste que cette volonté d’isoler les salariés et de sortir les rapports de travail du périmètre de la loi pour les abandonner à la "liberté contractuelle" rappelle les mesures les plus socialement dévastatrices des débuts du capitalisme. Dans la foulée de la Révolution française et de la restructuration de la société au profit de la bourgeoisie, la loi Le Chapelier de 1791 avait prétexté de la lutte contre le corporatisme d’ancien régime et de la défense de la "liberté du travail" pour interdire les groupements professionnels et les coalitions ouvrières. Or, comme le dira Karl Marx : « Le travailleur libre, qui se rend sur le marché libre pour y vendre sa peau, doit s’attendre à être tanné. »

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Loi Macron

- Loi Macron : Parti de Gauche.... 8 raisons de s’y opposer

- Dans un document de 7 pages, la commission économie du Parti de Gauche analyse la loi Macron

- Parti de Gauche : Faisons échouer la Loi Macron !

- Loi Macron : blitzkrieg patronal contre les droits des salarié-es

- CGT&Loi Macron : le plafonnement des indemnités de licenciement est contraire à la Constitution

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 09:00
Les 1% possèdent 50% du monde. La nausée devant le rapport 2015 d’Oxfam

Ce 19 janvier 2015, Oxfam publie son dernier rapport sur la répartition des richesses dans le monde. Sans surprise, les 1% s’accaparent une part toujours plus grande des richesses par rapport aux années précédentes. Les chiffres qui donnent le tournis  font voler en éclat quelques certitudes. Voici notre sélection de 6 chiffres clés de l’étude dont on peut tirer un enseignement.

 

Sources : Mr Mondialisation 19 janvier 2015

Le rapport consultable gratuitement en ligne révèle une fois encore l’ampleur des inégalités dans le monde. Sur la base des données fournies par le Crédit Suisse, l’ONG tire quelques chiffres et conclusions qui font froid dans le dos.

 

 

- La « moitié de la terre » appartiendra sous peu au 1%

 

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Comme si la crise avait profité aux plus fortunés, on constate dans l’étude d’Oxfam que 2008 fut une année charnière. Alors que la part des richesses semblait augmenter au profit des 99%, tout bascule après 2008 en faveur des 1%. 

 

Très précisément, ce sont 48% des richesses qui sont détenues par les 1%, laissant 52% aux moins riches.

 

La courbe semble indiquer que la tendance pourrait aller en s’accentuant. D’ici deux ans, les 1% les plus riches vont cumuler à eux seuls plus de richesses que 99% de la population.

 

 

- Les 52% restants bénéficient aux 99%, mais pas vraiment…

On pourrait croire que les 99% se partagent le pactole des 52% des richesses restantes. C’est loin d’être aussi évident. En réalité, seulement 20% du monde restant (les plus riches de la planète exceptés les 1%) se partagent les 52% de la richesse, celle n’appartenant pas aux 1%… Donc, si on oublie un instant les 1% milliardaires, 20% du monde profite de la quasi totalité des richesses disponibles. Si vous faites partie de la classe moyenne occidentale, vous êtes probablement dans cette catégorie des 20%. Ce qui signifie que les 80% de la population, soit la majorité, doit aujourd’hui vivre sur les restes d’autres restes…

 

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- 80 % de la population mondiale se partage 5,5 % des richesses

Si on enlève les 1% des plus riches et les 20% « moins riches » , il ne reste que 5,5% des richesses à partager entre 80% de la population. En d’autres termes, la majorité actuelle du monde doit se contenter des miettes. Derrière des chiffres impressionnants, ceci peut se caractériser dans les faits soit par un manque d’accès à des ressources, soit par la misère, la maladie, la famine ou la mort.

 

Les critiques diront qu’il suffit que ces 80% se développent à leur tour sans nécessairement s’accaparer les richesses des plus riches. Cependant, le partage des ressources dans un espace limité qu’est la terre ne donne pas vraiment raison à cette hypothèse. Si le développement doit effectivement se dérouler dans une mesure juste, ceci ne suffira pas pour justifier un équilibre de la répartition des richesses, donc de l’accès aux ressources.

 

Notons que seulement 80 personnes se partagent 1 900 milliards de dollars en 2014, soit 600 milliards de plus en 4 ans, la moitié du monde, alors que 3,5 milliards de personnes les moins riches doivent se partager les mêmes richesses que ces 80 personnes extrêmement fortunées. 

 

 

- Les riches encore plus riches, les pauvres toujours plus pauvres

 

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On vous a probablement répété l’idée que l’augmentation des richesses est profitable à tous ? C’est peut-être vrai dans une certaine mesure, localement, avec un système de partage efficace. Mais à l’échelle mondiale, où la finance et un capitalisme de connivences règnent, rien ne semble plus faux depuis la crise. Ainsi, l’étude constate que dans la période où le patrimoine des plus riches explose de manière démesurée, celui des moins riches a fortement diminué, jusqu’à un croisement de courbes. Fin de la « théorie du ruissellement ».

 

 

- 30% des milliardaires sont américains. 90% sont des hommes.

La caricature serait-elle proche de la réalité ? L’étude révèle également que la richesse est très injustement répartie surtout de manière géographique et sexuelle. La richesse a une forte tendance à se concentrer dans les pays occidentaux et dans les mains de la gente masculine. L’argent étant directement lié au pouvoir, on vous laisse tirer les conclusions que vous voudrez quant à l’égalité des sexes toute relative, chez les petits comme chez « les grands » de ce monde.

 

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- Ces milliardaires investissent dans le lobbying pour manipuler les règles.

Face à ces chiffres impressionnant, la tolérance voudrait qu’on puisse au pire se réjouir de la réussite d’une poignée d’individu, au mieux détourner le regard. Mais ces richesses ne sont pas simplement des chiffres stockés dans des ordinateurs. Ils ont le pouvoir de modeler le monde à travers le lobbying.

 

Qu’est-ce que ceci indique ? Que les intérêts particuliers d’une poignée d’individus font obstacle à un monde plus juste. En effet, pour préserver leur pouvoir, ces 1% ont tout intérêt à investir dans des outils légaux comme des lobbies dont la puissance n’est plus à démontrer. Rien qu’à Bruxelles, c’est près de 5 kimomètres carrés de bâtiments qui sont consacrés au lobbying. Ceci apparait comme étant un obstacle majeur au développement d’une société sereine et tout aussi grave encore, à la préservation de l’environnement et donc de notre capacité à survivre ensemble sur terre. Rappelons enfin que ceci se déroule alors que 4 des 9 limites planétaires sont déjà franchies si on en croit les dernières études publiées dans Science ce début 2015.

 

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- Voici la (petite) bonne nouvelle !

La « bonne nouvelle » si on en croit Oxfam, c’est que l’Humanité baigne dans la richesse. Il y a largement assez pour tous.

 

Concrètement, Oxfam indique 9 solutions pour endiguer cet accaparement de la richesse mondiale produite par tous et chacun.

Parmi ces solutions :

  • des services publics 100% gratuits ;
  • un revenu de base universel !

 

Notons également qu’en 20 ans, le nombre d’affamés est passé de 24% à 14% de la population mondiale. L’extrême pauvreté recule, mais beaucoup trop lentement alors qu’une pauvreté « normale » semble se maintenir… Mobilisons-nous !

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 09:00
La dépense publique sauve la France de la dépression

La politique de l'offre ne marche pas !

 

Mois après mois, le gouvernement se ravise. Fin 2012, il tablait sur une croissance annuelle du PIB de 2 % (en volume) à compter de 2014. On a finalement une quasi-stagnation : 0,4 % (après déjà 0,3 % en 2012 et en 2013), avec le risque sérieux de ne guère faire mieux l’an prochain. La réduction promise des déficits publics et de la dette publique n’a pas davantage eu lieu. Fin 2012, le gouvernement prévoyait un déficit de 2,2 % du PIB pour 2014, il est finalement le double, à 4,4 %. La dette publique prévue à 90,5 % s’établit à 95,3 %. Comment expliquer ces « erreurs » de prévision ? A chaque fois, le gouvernement a sous-estimé l’impact récessif de sa politique. L’austérité budgétaire et salariale étouffe l’activité. Cela réduit d’autant les recettes fiscales et augmente mécaniquement les déficits et les dettes, puisque ceux-ci sont calculés par rapport à un PIB… qui se contracte.

 

Sources : Les Economistes Atterés par Christophe Ramaux le Jeudi 27 Novembre 2014

- La dépense publique soutient massivement l’activité.

Ce qui est vrai de façon générale l’est plus encore lorsque le privé se porte mal. Or, la grande crise ouverte en 2007 est celle du régime néolibéral qui pendant des années avait soutenu la demande par la dette privée en lieu et place de la hausse des salaires. Depuis 2007, le privé est contraint de se désendetter. Cela entraîne un choc négatif de demande. Si le public ne prend pas le relais, c’est la catastrophe assurée : baisse de production mais aussi baisse des prix, ce qui finalement rend impossible le désendettement. Le FMI, lui-même, a finalement reconnu cela. Preuve qu’il a poussé loin sa conversion au néolibéralisme, le gouvernement ne l’admet toujours pas.

 

A l’échelle mondiale, les plans de relance monétaire et budgétaire ont permis que la Grande récession ouverte en 2007 ne se transforme pas en Grande dépression. Mais les dirigeants européens ont refusé de reconnaître ce rôle positif de l’intervention publique. Après une brève parenthèse keynésienne en 2008 et 2009, ils ont, contre l’avis même des Etats-Unis, pris le tournant vers l’austérité. Quatre ans après, le bilan est affligeant. Les pays qui ont été le plus loin dans l’austérité budgétaire (Grèce, Portugal, Espagne…) connaissent une véritable dépression. Leur PIB s’effondre. Et leur dette publique, loin de se réduire, augmente fortement (on retrouve « l’effet dénominateur »).


La France a, elle aussi, pris le chemin de l’austérité, ce qui explique son enlisement dans la stagnation. Mais cette austérité a été moins brutale qu’en Europe du Sud de sorte qu’elle n’est pas en dépression. Cela mérite d’être souligné : c’est grâce à la dépense publique, cette grande galeuse selon les libéraux, que nous échappons pour l’heure à la dépression.

 

 

- Depuis 2011, la demande du privé est dramatiquement orientée à la baisse

Moins 1,5 milliard (Md) pour la consommation des ménages et surtout moins 13 Mds pour leur investissement en logement (les chiffres sont en volume) ; l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 2,6 Mds. Si le PIB a néanmoins augmenté de 21,6 Mds entre 2011 et 2014, c’est grâce à la dépense publique. La « dépense de consommation finale » des administrations publiques tout d’abord (+26,8 Mds) constituée de consommations individuelles (éducation, médicaments, soin, etc.) et collectives (justice, police, etc.). L’investissement public (+1,5 Md) ensuite qui n’a pas complètement fléchi sur la période. S’y ajoutent les prestations sociales en espèces (retraite, allocations familiales et chômage, etc.). Entre 2011 et 2014, le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a régressé (-0,9 % en 2012, 0 % en 2013 et +0,7 % prévu en 2014) ce qui explique la compression de la consommation des ménages. Mais il aurait régressé bien plus si les prestations sociales en espèces (retraite, allocation chômage et familiales, etc.) qui en représentent plus d’un tiers ne l’avaient pas soutenu. Elles ont en effet augmenté de plus de 20 Mds depuis 2011.


Au final, la somme des contributions directes de la dépense publique s’est élevée à environ 50 milliards ces trois dernières années, soit 2,3 points de PIB et 3,5 points si l’on retient l’hypothèse réaliste d’un multiplicateur budgétaire de l’ordre de 1,5. L’austérité budgétaire a bien eu lieu (la hausse de la dépense publique est passée de 2% par an entre 2002 et 2011 à 1,2 % en 2012 et 2013 puis 0,9 % en 2014). Mais c’est parce que légère hausse de la dépense publique il y a eu néanmoins que la France a échappé à la dépression.

 

Loin de tirer cette leçon, le gouvernement planifie une nouvelle baisse de 50 Mds de la dépense publique sur les trois prochaines années[1]. Il s’agit certes d’une baisse, non pas « sèche », mais par rapport à la hausse prévue. C’est cependant un nouveau coup de frein. La hausse des dépenses serait réduite à 0,2 % en 2015, puis 0,5 % en 2016 et… 0 % en 2017 ! Le gouvernement prévoit simultanément un retour à la croissance : 1 % pour 2015, 1,7 % en 2016 1,9 % en 2017, puis 2 % à partir de 2018. Partant, il escompte une baisse de la dette publique à partir de 2017 (98 % en 2016 et 92,9 % en 2019). Mais il sous-estime, à nouveau, l’impact récessif de ces décisions. Déjà, il apparaît clairement que la croissance sera bien moindre que le 1 % prévu l’an prochain.

 

Note :

[1] Pour une critique du Projet de loi de finance 2015, voir le document réalisé en commun par les Économistes atterrés, Attac et la Fondation Copernic « Budget 2015 : un mauvais tournant », http://atterres.org/article/budget-2015-un-mauvais-tournant-0

 

 

- Il est temps de porter un autre regard sur la dépense publique

Il faut en premier lieu cesser de se méprendre sur le sens de certains chiffres. Si la dépense publique (1 200 Mds) « équivaut » à 57 % du PIB, cela ne signifie aucunement qu’il ne reste que 43 % pour le privé. Car la dépense publique n’est pas une part du PIB : la dépense privée, calculée à son instar, équivaut à plus de 200 % du PIB.


La dépense publique compte en fait deux grandes composantes. D’un côté des prestations sociales (retraite, soins, médicaments, allocations familiales ou chômage…) qui sont versées aux ménages et soutiennent massivement leur consommation auprès du… privé. L’autre principal volet de la dépense publique sert à payer les fonctionnaires et les investissements indispensables pour faire vivre les services publics (éducation, etc.). Ces derniers ne sont pas « improductifs » : non seulement ils déterminent la puissance économique à long terme d’un pays, mais ils augmentent d’emblée le PIB, car un fonctionnaire y contribue, est productif. La valeur ajoutée par les administrations publiques s’élève à 355 milliards, cela représente 1/3 de celle des sociétés non financières.


Au final, la dépense publique soutient près de la moitié des débouchés en France, que ce soit directement, via la production de services publics, ou indirectement, via les prestations sociales qui soutiennent la consommation auprès du privé. Il faut décidément cesser de la regarder comme une « charge ».

 

Ex : En période de crise la culture n'est pas un coût pour la nation... alors que ce secteur économique contribue à la richesse nationale. La valeur ajoutée des activités culturelles est, en 2011, équivalente à celle de l'agriculture et des industries agroalimentaires cumulées.

La dépense publique sauve la France de la dépression
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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 09:00
Le « modèle » impérialiste allemand

Comme vous le constaterez dans la suite de ce texte, il n’y ni « miracle » ni « modèle » allemand de l’impérialisme. On observe cependant des particularités historiques et sociologiques dans le développement impérialiste de l’Allemagne.

 

Sources :  Le Grand Soir  par Robert BIBEAU le 16 janvier 2015 mis à jour le 14 mars 2016

- Quatre principes d’économie politique

Avant d’aborder l’étude du soi-disant « modèle » allemand de développement, nous allons présenter quatre principes qui fondent notre analyse. Selon la théorie marxiste de l’économie politique quatre principes régulent le développement capitaliste au stade impérialiste.

Ces principes sont :

1) Primauté de l’instance économique sur les instances politique et idéologique de la lutte des classes ;

2) Intégration systémique et interdépendance globale et mondiale des différentes économies « nationales » ;

3) Collusion temporaire et concurrence permanente entre puissances ;

4) Crises et guerres ponctuent le développement chaotique et anarchique de l’économie politique impérialiste. C’est la fidélité à ces principes qui oppose les économistes marxistes aux économistes opportunistes et réformistes.

 

- Le premier principe stipule que l’humanité s’est toujours socialement organisée pour produire et distribuer les biens nécessaires à son développement. C’est ce que Marx a appelé les différents modes de production sociaux. Sur la base d’un mode de production et de distribution des moyens de production, puis des services et des biens de consommation, les hommes ont établi des rapports de production (classes sociales, superstructure politique, culturel, morale, scientifique, administrative, militaire, etc.) conséquents avec ces moyens de production et avec ces forces productives. En dernière instance, c’est le développement économique d’une société qui détermine les orientations politiques et idéologiques de cette société.

 

- Le deuxième principe stipule qu’à l’étape de l’impérialisme, le mode de production capitaliste domine l’ensemble de l’économie globalisée, mondialisée et intégrée en un immense ensemble, non planifiée certes, mais tout de même imbriquée en un tout articulé. Ce qui implique qu’une crise financière, boursière, monétaire, une crise de surproduction, ou un déséquilibre de la balance des comptes nationaux dans un pays entraînent des répercussions sur les autres pays, partenaires et concurrents. Ainsi, quand les États-Unis essaiment leurs dollars dévalués (quantitative easing) ils perturbent le marché des changes monétaires de toute la planète et ils attaquent l’équilibre budgétaire de leurs alliés comme de leurs concurrents.

 

- Le troisième principe stipule que les multiples alliances que nouent et que dénouent les capitalistes monopolistes internationaux sont temporaires et révèle un équilibre précaire que les transformations économiques, la division internationale du travail et le développement des moyens de production remettent constamment en question. Les États-nations sont des pions qui servent à galvaniser les différentes sections de la classe bourgeoise derrière la section monopoliste hégémonique ; à légitimer les agressions guerrières et à embrigader la classe ouvrière « nationale » en faveur d’une clique capitaliste ou d’une autre.

 

- Le quatrième principe stipule que l’équilibre et la cohésion sont des situations fragiles et éphémères alors que les crises sont des contextes permanents et récurrents. Les situations de tensions et de crises – provoquées par la baisse tendancielle du taux de profit – entraînent des guerres impérialistes pour le partage des marchés, la conquête des bassins de ressources et l’attribution des zones d’exploitation de la force de travail. Ces guerres localisées dégénèrent éventuellement en guerres généralisées.

 

 

- Le « miracle » allemand

Comme vous le constaterez dans la suite de ce texte, il n’y ni « miracle » ni « modèle » allemand de l’impérialisme. On observe cependant des particularités historiques et sociologiques dans le développement impérialiste de l’Allemagne. Suite à leur défaite complète aux mains du consortium militaire américano-soviétique les capitalistes monopolistes allemands ont choisi de jouer la carte étatsunienne. Pendant un demi-siècle, de 1945 à 1995, ils ont développé leurs moyens de production industriels et leurs forces productives modernes, leurs alliances commerciales internationales en direction de la Scandinavie et de l’Est européen et en direction de l’Europe de l’Ouest (40% de leur commerce international) ; puis, en direction de l’Asie-Pacifique, mais toujours à l’ombre des porte-avions et des forteresses nucléaires étasuniennes. Depuis 1995 environ l’impérialisme allemand se sent restreint au sein de l’Alliance Atlantique et cherche la meilleure façon de défendre ses intérêts hégémoniques en Europe.

 

L’impérialisme allemand s’est construit une imposante puissance économique dans le domaine de l’industrie mécanique, de la fabrication de machines-outils, dans les sphères de l’industrie chimique, de l’électronique, des appareils électriques, des moyens de transport, de l’automobile et de l’équipement militaire. Le développement impérialiste allemand est intégré à la chaîne financière internationale via son capital financier, ses banques, ses compagnies d’assurance et ses places boursières mondialisées. Le capital financier allemand est partie intégrante d’un ensemble de capitaux dont les profits sont une part de la plus-value issue du procès mondial de valorisation du capital qui participe d’une division internationale du travail salarié. Il est futile de la part de la gauche bourgeoise de réclamer une distribution plus équitable du patrimoine mondial quand l’ensemble de la structure économique et commerciale impérialiste appel une concentration croissante du capital, fondement du « miracle » allemand notamment.

 

Inévitablement une telle puissance industrielle (la troisième en importance dans le monde) pousse les impérialistes allemands vers l’affrontement avec leur suzerain américain, car si la collusion entre chacals internationaux est temporaire, l’affrontement est permanent pour le partage des sources de matières premières, des marchés et des forces productives à exploiter. Le carcan étasunien paraît aujourd’hui trop restreint et il contraint l’expansion allemande. Mais comment se défaire d’un compère encombrant, gourmand, décevant, qui coure à la faillite et risque d’entraîner les impérialistes allemands dans ses rixes ? Comment se défaire d’un comparse qui retient vos réserves d’or aux fins de spéculation boursière et monétaire et qui plombe ainsi la monnaie européenne commune ce qui, à terme, fera chavirer le navire européen ? Comment se défaire d’un allié qui s’emmêle dans une série de conflits militaires qu’il perd invariablement, chaque défaite préparant les conditions de la suivante, sans espoir de revanche ?

 

 

- Le « syndrome » allemand

Le « syndrome » allemand dissimule le soi-disant « miracle » allemand. Analyser l’économie allemande c’est comme étudier le monde capitaliste à l’envers. En effet, la France est en crise de sous-productivité parce que le gouvernement de ce pays n’est pas parvenu à casser son mouvement ouvrier pour hausser suffisamment son niveau de productivité (d’exploitation de la main-d’œuvre). Il en est de même en Italie, en Espagne, au Portugal et en Grèce. La France, comme bien des pays impérialistes, se désindustrialisent parce que les ouvriers français refusent d’être surexploités au-delà d’un certain niveau si bien que nombre de capitalistes français sont devenus des rentiers – des tondeurs de coupons disait Lénine – qui placent leurs capitaux dans des entreprises allemandes, étasuniennes, multinationales françaises qui délocalisent leurs usines vers des pays à la main-d’œuvre servile et affamée. Ensuite, ils rapatrient (de moins en moins cependant) leurs profits pour les réinvestir et leur faire accomplir un nouveau cycle de reproduction élargie. Les capitalistes français n’y parviennent pas, sur le sol national français du moins, car les charges fiscales, même allégées, demeurent trop élevées et le chômage endémique réduit le pouvoir d’achat social des travailleurs, des commerçants et des producteurs de biens de consommation courante. L’endettement des ménages atteint un niveau record et l’État n’a plus les revenus pour soutenir l’achat et le gaspillage des marchandises. La France est en crise de surproduction relative pour cause de sous-productivité avérée.

 

Les capitalistes allemands de leur côté n’ont pas délocalisé, pas autant que ceux des autres puissances impérialistes mondialisées (6,5 millions de voitures allemandes produites sur le sol « national » contre 4,8 millions produites à l’étranger). Les capitalistes allemands sont parvenus à briser presque totalement le prolétariat allemand avec la complicité des syndicats allemands et des partis de la gauche bourgeoise allemande. La main-d’œuvre allemande est assujettie et soumise à des rendements très élevés si bien que ce prolétariat s’échine au travail sous des cadences infernales. Ce « miracle » des impérialistes allemands date des années trente (1930) quand la bourgeoisie allemande a contraint la petite bourgeoisie communiste et sociale-démocrate allemande à adhérer au Corporatisme nationaliste d’État, ce que l’on appelait alors le national-socialisme dont l’idéologie s’est perpétuée jusqu’à nos jours malgré la défaite nazie [1].

 

En France à la même époque l’impérialisme international accoucha d’une formule alternative. La social-démocratie, en collusion avec les pseudo communistes français accouchèrent du Front populaire national, un compromis bourgeois qui conservait le capitalisme sur pied contre une réduction des heures travailler et une augmentation des heures chômées, en plus de quelques babioles que le grand capital s’empressa de récupérer par l’inflation et l’augmentation des cadences de travail. Le résultat de ces deux formules de compromis de classes (Corporatisme national allemand et Front populaire national français) fut la Seconde Guerre mondiale.

 

Après la Seconde Guerre mondiale les capitalistes allemands avec l’aide étatsunienne ont maintenu le « miraculeux modèle de corporatisme national allemand » et ils ont accentué le « syndrome national chauvin » du prolétariat allemand en le culpabilisant d’avoir échoué dans la guerre génocidaire contre les capitalistes européens. L’impérialisme allemand, responsable de cette boucherie mondiale, est parvenu, en collusion avec la gauche bourgeoise, à faire expier le peuple allemand pour les crimes que ces capitalistes avaient commis. La classe ouvrière allemande rachète encore aujourd’hui cette défaite. Ce prolétariat ne pourra participer adéquatement à l’insurrection mondiale tant qu’il ne reniera pas totalement l’idéologie corporatiste nazie.

 

Les capitalistes germaniques tondent les coupons des entreprises installées en Allemagne et ailleurs sur le continent. Cette production effrénée crée un marché national pour les matières premières, l’énergie et les produits usinés nécessaires à la fabrication des produits finis à commercialiser. Pour un temps, le capitaliste allemand réussit encore à réinvestir profitablement son argent afin de lui faire réaliser une nouvelle plus-value et lui faire accomplir un nouveau cycle de reproduction élargie. Il est exact que le capitaliste allemand réinvestit son capital chez lui, non pas par patriotisme corporatiste, mais parce qu’il ne connaît aucun autre endroit au monde où le prolétariat est aussi docile et productif. Cependant, le « succès » allemand comporte un revers important. Si le prolétariat français, italien, belge, espagnol et portugais a du temps pour consommer, il n’a pas l’argent pour se rassasier. Le prolétariat allemand est en moyenne un peu plus fortuné, mais il n’a ni le temps, ni l’énergie, ni la capacité de consommer l’immensité des marchandises que produisent ces usines performantes. L’Allemagne doit impérativement exporter ses surplus. Mais où trouver de nouveaux débouchés capables de payer ces montagnes de marchandises de qualité ?

 

 

L’Allemagne est en crise de surproduction (relative) et la nécessité de trouver de nouveaux débouchés va la mener à affronter ses concurrents américains, japonais et chinois. Dans ce contexte la faiblesse industrielle russe contient la promesse de leur rapprochement, tout comme les immenses réserves de matières premières de Sibérie contiennent l’aveu de leurs intérêts réciproques. Les Étasuniens ne s’y trompent pas eux qui déclaraient récemment « Vue des États-Unis, l’Allemagne se trouve à la conjonction de dangers potentiels ; elle est le partenaire commercial occidental privilégié de l’Iran et un pays qui entretient des relations étroites avec la Russie » [2].

 

Les États-Unis, et ses partenaires ouest-européens d’un côté, la Chine sur le versant asiatique de l’Oural de l’autre, constituent les deux embuches qui s’opposent à l’alliance de l’Allemagne et de la Russie. Dorénavant, il faut regarder à l’Est comme à l’Ouest de l’Oural pour comprendre le monde impérialiste en cavale. La classe ouvrière du monde entier ne peut se réjouir de ces manigances entre grandes puissances. La guerre est la voie de sortie usuelle de ces disputes pour les marchés.

 

 

- L’Allemagne en chiffres

  • L’Allemagne compte 80 millions d’habitants (16e) et un PIB de 3 367 milliards $ (4e). La croissance du PIB ne sera que de 1,5 % en 2014. L’industrie contribue pour 30 % du PIB annuel allemand. La grande industrie embauche 8 millions de salariés, soit 33 % de la main-d’œuvre active. Les PME comptent 20 millions de salariés. L’Allemagne est le 3e producteur automobile dans le monde. L’Allemagne est l’un des cinq pays ateliers mondiaux (avec la Chine, le Japon, la Corée et Taiwan).

 

  • En 2012 les exportations ont totalisé 1 470 milliards $ (2e) et les importations 1 253 milliards $ (4e). La balance commerciale est bénéficiaire chaque année. Ceci entraîne que l’Allemagne est le banquier de l’Europe. Sa dette extérieure est de 6 905 milliards $ soit 81 % de son PIB.

 

  • Le taux de chômage officiel est de 5,5 % (peu crédible) et l’âge de la retraite est de 67 ans (contre 60 ans au Canada). Le revenu moyen d’un ménage allemand a baissé de 3 % depuis l’an 2000. La baisse a atteint 5 % pour les 10 % les plus pauvres. La pauvreté, en hausse constante, touche un enfant sur cinq. Preuve en est, les travailleurs pauvres représentaient en 2009, 20 % de la population active. Le salaire minimum a été fixé à 8,5 euros/heure et n’entrera en vigueur qu’en 2015. Pour les femmes qui travaillent à plein temps, c’est la galère. Peu ou pas de crèches, pas de cours l’après-midi dans les écoles allemandes et si les gamins ou les gamines n’aiment pas le sport, la seule alternative c’est de regarder la télé tout l’après-midi sous la surveillance de la grand-mère ou de la grand-tante – en espérant qu’elle n’habite pas trop loin. La fameuse prospérité que nos élites nous vantent ne se traduit en rien de façon concrète pour le ménage allemand. En revanche, quelle fierté légitime que de savoir que grâce à 10 ans de régression salariale et sociale, les finances du pays sont à l’équilibre et la pauvreté en Germinal !

 

Notes :

[1] Le Corporatisme d’État est une doctrine économique et sociale basée sur le regroupement de différents corps de métier au sein d’institutions défendant leurs intérêts. Le Corporatisme prétendait mettre travailleurs et employeurs sur un pied d’égalité, les uns et les autres ayant leurs syndicats et la corporation servant de médiateurs entre les intérêts divergents. Le Corporatisme est le fondement idéologique du fascisme.

[2] http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-allemagne-la-superpuis... et http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-allemagne-la-superpuis...

 

Pour en savoir plus :

- Allemagne : 12,5 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, un record

- En Allemagne, les femmes gagnent un cinquième de moins que les hommes

- Code du travail : le « modèle allemand », pas si flexible que ça

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29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 09:02
Abécédaire du pouvoir des médias

 « L’essence des médias n’est pas l’information. C’est le pouvoir. »

 

Le 18 novembre 2014, le célèbre journaliste John Pilger a participé à une série de Questions-Réponses avec Des Freedman, membre de la Media Reform Coalition  (coalition pour la réforme des média); c’était à l’occasion de la sortie du nouveau livre de Des Freedman «The Contradictions of Media Power» (les contradictions du pouvoir des médias.)

Nous avons extrait les meilleures citations de cette intervention de John Pilger, ce qui donne un aperçu de son expérience et de sa compréhension du pouvoir des médias ; nous pouvons tous en apprendre. Et il a véritablement été brillant (voir l'article original).

 

Sources : Le4esinge le 29 par John Pilger | mis à jour le 15/11/2021

- Aujourd’hui les médias sont, comme l’avait décrit le père de la propagande, Edward Bernays, “un gouvernement invisible”.

Ils font partie du gouvernement. Ils défendent les intérêts du gouvernement. Le premier ministre est un chargé de relation publique de profession, et pas des meilleurs. C’est tout ce qu’il est. Il ne doit pas être pris au sérieux, c’est juste son rôle. Cette position lui confère certains aspects du pouvoir. Mais le véritable pouvoir réside dans la propagande et les médias. C’est aujourd’hui le cas sur la planète entière.

 

Durant les prémices de l’invasion de l’Irak, le journalisme a joué un rôle critique dans la concrétisation de l’invasion. Particulièrement aux USA, qui ont – selon la constitution – la presse la plus libre du monde.

 

Quand je discute de cela avec nombre de collègues distingués aux Etats-Unis et ici, à la suite de l’invasion, ils étaient unanimes, si les journalistes aux postes concernés, à la télévision et dans les journaux (surtout à la télévision, à cause de son pouvoir), si ils avaient contesté les mensonges, s’ils les avaient confrontés, s’ils avaient fait ce qu’est censé faire un journaliste, s’ils avaient, comme le dit Dan Rather de CBS – posé les questions critiques, au lieu d’amplifier et de faire écho aux mensonges, s’ils avaient fait leur travail, ils pensent tous que l’invasion n’aurait pas eu lieu. Le fait qu’ils disent ça, et il s’agit de membres éminent des médias des deux côtés de l’Atlantique, que si les journalistes avaient fait leur travail, l’invasion aurait pu ne pas avoir lieu, et des centaines de milliers de gens seraient encore vivant aujourd’hui. C’est le véritable pouvoir des médias.

 

 

- Vous travaillez au sein d’un système qui est hostile à la vérité par nature.

Je ne dis pas ça en tant que satire, je le pense vraiment. Il est hostile à la vérité. Il suffit de constater la réaction des médias face aux lanceurs d’alertes comme Edward Snowden, Julian Assange. La réaction amère de ceux qui font honte aux médias, tous en chœur.

 

Il y a ce qu’on appelle la censure par omission. Vous ne discutez pas de ce que vous choisissez d’ignorer, mais ça passe à la trappe.

 

Si vous remontez à 2008, les histoires sur BBC News, dans tous les journaux, les banques étaient soudainement des fraudes. Quand la Northern Rock sest effondrée, les banques étaient des escrocs, elles étaient toutes exposées. Le Guardian était rempli d’articles en forme de pierres tombales sur comment les banques étaient pourries de l’intérieur. C’était LA News.

 

 

- Un aperçu.

Cette histoire s’est essoufflée après trois mois et totalement inversée, ce n’était plus les banquiers, mais cela découlait en fait d’une dette nationale et d’une histoire contrôlée qui était la et qui s’appelait austérité et cette dette devait être payée. Pourquoi? Pourquoi devait-elle l’être? Les gens que vous citez (46% des gens pensent que l’austérité va trop loin ou n’est pas nécessaire) c’est une majorité. Si vous obtenez cela dans les sondages, 46%, c’est une majorité. Cela prouve encore que la plupart des gens ont cerné les médias. Ils les ont cerné, en terme de guerre, d’économie, de mode de vie. Donc nous avons entrevu la vérité sur cette criminalité massive, toute cette architecture pourrie s’était effondrée, enfin presque. Les banques furent nationalisées, sans conditions. La conscience des raisons pour lesquelles c’était arrivé, qui fut présente pendant environ 6 mois, fut, grâce à un système de propagande très efficace, totalement effacée. Ce n’était plus la faute des banques, mais « nôtre faute ».

 

 

- Nous devrions arrêter d’utiliser le terme mainstream.

C’est une appellation erronée. Nous en sommes toujours à regarder à travers ce prisme qu’on appelle mainstream. Ce n’est pas du tout mainstream. C’est en réalité extrême. Qu’y-a-t-il de plus extrême qu’une multitude d’institutions qui propagent des guerres illégales et voraces, des mensonges sur les politiques économiques. Qu’y-a-t-il e plus extrême que cela? Il n’y a rien de mainstream là-dedans.

 

Le plus grand institut de propagande, en Angleterre, c’est la BBC. Et ce parce qu’il est le plus connu. Il bénéficie de la plus grande crédibilité. Sa renommée est mondiale. Par certains aspects ça peut être mérité. Dans le domaine de l’actualité et des affaires courantes, ça ne l’est absolument pas. Et, encore une fois, ce n’est pas satirique. Donc cette idée que l’on se concentre sur les démons, Murdoch, Le Daily Mail (assez mauvais)…d’une certaine façon le Mail et la BBC se complètent l’un l’autre et se suivent… il s’agit de comprendre le spectre de la propagande et la façon dont cela nous affecte.

 

 

- Les journalistes doivent-ils représenter le peuple ?

Oui, bien sûr, mais comme l’a dit Martha Gelhorn: « Tout journalisme doit se faire depuis la base, pas depuis le sommet ». Ce n’est quasiment jamais le cas. Et c’est quelque chose qu’il faut enseigner aux jeunes journalistes. Ces choses élémentaires que vous faites, les sources d’informations les plus fiables, la manière de chercher la vérité, doit se faire depuis la base. C’est mon expérience en tant que reporter. Et j’ai été amené à me rendre compte que ceux qui sont au-dessus de la base, particulièrement ceux d’en-haut, n’étaient pas des sources fiables d’information.

 

Sur le même sujet, pour en savoir plus :

- La manipulation de l’opinion publique selon son inventeur

- Edward Bernays : la fabrique du consentement ou comment passer du citoyen au consommateur

- L’indépendance journalistique ne se mesure pas seulement par son indépendance financière.

- Mélenchon: "Le pourvoyeur de voix de Le Pen, c'est le système médiatique"

- On en parle ! Les nouveaux chiens de garde

- "Main basse sur l'information" : Le brûlot sur la concentration des médias

- Médias français : qui possède quoi

- Aude LANCELIN : « Le Monde libre », un reportage sur la vie d’un égout, celui de Ia « la gôche » médiatique.

- Stratégies de manipulation

 

Abécédaire du pouvoir des médias

- Comment influencer les foules ? À travers la figure d’Edward Bernays (1891-1995), l'un des inventeurs du marketing et l'auteur de "Propaganda", un passionnant décryptage des méthodes de la "fabrique du consentement".

Si les techniques de persuasion des masses apparaissent en Europe à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les révoltes ouvrières, elles sont développées aux États-Unis pour convaincre les Américains de s’engager dans la Première Guerre mondiale. Peu connu du grand public, neveu de Sigmund Freud, l'auteur du livre de référence Propaganda et l'un des inventeurs du marketing, Edward Bernays (1891-1995) en fut l’un des principaux théoriciens. Inspirées des codes de la publicité et du divertissement, ces méthodes de "fabrique du consentement" des foules s’adressent aux désirs inconscients de celles-ci. Les industriels s’en emparent pour lutter contre les grèves avec l’objectif de faire adhérer la classe ouvrière au capitalisme et transformer ainsi le citoyen en consommateur. En 2001, le magazine Life classait Edward Bernays parmi les cent personnalités américaines les plus influentes du XXe siècle. Ce documentaire riche en archives retrace, à la lumière d’une analyse critique – dont celle du célèbre linguiste Noam Chomsky –, le parcours de celui qui, entre autres, fit fumer les femmes, inspira le régime nazi, accompagna le New Deal et fut l'artisan du renversement du gouvernement du Guatemala en 1954.

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22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 09:00
Jacques Généreux : "Le seul moyen de faire bouger l’Europe, c’est de violer les traités " !

Le 23/10/2014

« Ce sont des imbéciles heureux ! Une stupidité absolue ! Ils croient que dans un pays en récession, le seul moyen de redémarrer c’est de relancer la compétitivité. »

 

L’économiste Jacques Généreux, membre du Parti de gauche, était l’invité du vingt-huitième numéro d’Objections. Alors que les Chefs d'Etat sont réunis à Bruxelles, et que François Hollande refuse de publier la lettre envoyée par la commission Européenne au sujet du déficit, il estime que la France doit « désobéir ».

 

Son argumentation reste pleinement d'actualité au moment ou le parlement a définitivement adopté le budget 2015 sur lequel 'frondeurs' du PS et députés EELV se sont contentés de s'abstenir confirmant ainsi leur appartenance à la majorité gouvernementale et leur soutien au gouvernement.

 

Pour Jacques Généreux : "Le seul moyen de faire bouger l’Europe, dit-il, c’est de violer les traités ».

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18 décembre 2014 4 18 /12 /décembre /2014 09:00
Vladimir Poutine au sommet du club international Valdaï : «Ordre mondial, nouvelles règles ou pas de règles ?»

Sources : QUID.ma ACTUS&ANALYSES

Le président russe Vladimir Poutine a conclu les travaux de la 11ème session du Club de Valdaï qui s’est déroulée à Sotchi.

 

La session a été consacrée à l’« ordre mondial, nouvelles règles ou pas de règles». Les médias occidentaux ont ainsi ignoré quand ils n’ont pas déformé le discours de Poutine. Pour Dmitry ORLOV, de l’Oriental review « quoi que vous pensiez de Poutine, c’est probablement le discours politique le plus important depuis celui de Churchill, intitulé Rideau de fer, du 5 mars 1946. »

 

Dans un discours franc et puissant, Poutine a brutalement brisé le tabou occidental « en adressant ses propos directement au peuple, et dépassant ainsi les clans élitistes et les leaders politiques », ajoute l’Oriental review.

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 09:01
Quand l’austérité tue

Les conséquences sanitaires des politiques économiques

 

Rigueur ou relance ? Si, depuis le début de la crise financière de 2007, les gouvernements européens ont choisi, les experts poursuivent leurs délibérations… avec d’autant plus de prudence qu’ils font rarement partie des premières victimes des coupes budgétaires. Soumettre les politiques économiques aux critères d’évaluation de la recherche médicale permettrait toutefois de trancher la question.

 

Sources : Le Monde diplomatique par Sanjay Basu et David Stuckler[*], octobre 2014

« Merci d’avoir participé à ce test clinique. Vous ne vous rappelez peut-être pas avoir donné votre accord, mais vous avez été enrôlé en décembre 2007, au début de la Grande Récession. Votre traitement n’a pas été administré par des médecins ou des infirmières, mais par des politiciens, des économistes et des ministres des finances. Dans le cadre de cette étude, ils vous ont fait suivre, ainsi qu’à des millions d’autres personnes, l’un des deux protocoles expérimentaux suivants : l’austérité ou la relance. L’austérité est un médicament destiné à réduire les symptômes de la dette et du déficit, pour traiter la récession. Elle consiste à diminuer les dépenses gouvernementales en matière de couverture médicale, d’assistance aux chômeurs et d’aide au logement.

 

« Si vous avez reçu une dose expérimentale d’austérité, vous avez peut-être remarqué de profonds bouleversements dans le monde qui vous entoure. Si en revanche vous faites partie du groupe de la relance, votre vie n’a peut-être pas été bouleversée par le chômage et la récession. Il est même possible que vous vous trouviez aujourd’hui en meilleure santé qu’avant la crise... » Ce message ne vous sera jamais adressé. Et pourtant…

 

Afin de déterminer les meilleurs traitements, les chercheurs en médecine ont recours à des « essais randomisés contrôlés » à grande échelle (1). Dans le domaine de la politique, il se révèle difficile, voire impossible, d’enrôler toute une société dans des tests d’une telle envergure pour expérimenter des mesures sociales. Toutefois, il arrive que des dirigeants politiques, confrontés à des problèmes similaires, optent pour des lignes d’action différentes. Pour les scientifiques, ces « expériences naturelles » offrent la possibilité d’étudier les conséquences sanitaires d’options politiques (2).

 

Nous avons ainsi analysé des données provenant des quatre coins du monde au cours de diverses périodes de récession, en mesurant l’impact social des mesures d’austérité et de relance. Plusieurs de nos résultats étaient prévisibles. Quand les gens perdent leur travail, ils risquent davantage de se tourner vers la drogue, l’alcool ou de développer des tendances suicidaires, comme aux Etats-Unis au cours des années 1930 ou en Russie durant la période des privatisations massives des années 1990. Mais, au cours de nos recherches, nous avons également découvert que certaines communautés, voire des nations entières, jouissent d’une meilleure santé depuis l’effondrement de leur économie. Pourquoi ?

 

 

- Une leçon pour les peuples

Deux pays illustrent les résultats de nos travaux concernant l’Europe empêtrée dans la crise de la dette depuis la fin des années 2000 : l’Islande (3) et la Grèce (4).

 

Sur la période 2007-2010 — les pires années de la crise —, le taux de mortalité a diminué régulièrement en Islande en dépit d’une légère hausse (non significative) des suicides à la suite de l’effondrement des marchés. Lors de nos recherches sur les récessions en Europe, nous avions découvert que les crises bancaires provoquent généralement une augmentation à court terme des accidents cardiaques. Mais tel n’est pas le cas en Islande.

 

En octobre 2008, confronté aux répercussions de la crise des subprime aux Etats-Unis et aux engagements inconsidérés de ses banques, Reykjavík a dans un premier temps fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour mettre en place un plan de sauvetage. Celui-ci s’accompagnait de recommandations favorables à l’instauration d’une politique d’austérité, en particulier dans le système de santé publique — qualifié par le FMI de « bien de luxe » —, qui aurait dû subir une baisse de financement de 30%.

 

Les Islandais ont refusé ce plan en manifestant massivement. Un événement inattendu s’est alors produit début 2010. Le président islandais a demandé au peuple ce qu’il souhaitait : fallait-il absorber la dette privée pour renflouer les banquiers en réduisant drastiquement le budget du gouvernement ou refuser de payer pour investir dans la reconstruction de l’économie ? Interrogés par référendum, 93 % des Islandais ont choisi la seconde option.

 

Au total, en pleine période de récession, l’Islande a choisi de continuer à accroître ses dépenses consacrées à la protection sociale, déjà passées, entre 2007 et 2009, de 280 milliards de couronnes (environ 1,6 milliard d’euros) à 379 milliards de couronnes (environ 2,3 milliards d’euros), soit de 21 à 25 % du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses supplémentaires, décidées après 2010, ont par exemple financé de nouveaux programmes d’« allégement de dettes » pour les propriétaires dont le bien immobilier valait désormais moins que le montant de leur emprunt. L’opération a permis d’éviter une explosion du nombre de sans-abri. En 2012, l’économie islandaise croissait de 3 %, et le chômage descendait au-dessous de 5 %. Au mois de juin de la même année, l’Islande a effectué des remboursements sur ses dettes plus tôt que prévu. Le FMI a dû reconnaître que l’approche unique de l’Islande avait entraîné une reprise « étonnamment » forte (5)…

 

Plus au sud, la Grèce a servi de laboratoire pour étudier les effets des politiques d’austérité. En mai 2010, le FMI lui a proposé un prêt aux conditions habituelles : privatiser les entreprises et les infrastructures publiques, amputer les programmes de protection sociale. Comme en Islande, les manifestants grecs réclamaient un référendum national sur cet accord, mais le plan d’austérité fut appliqué sans être voté : contrairement à ce qui s’est passé en Islande, la démocratie a été suspendue.

 

Face à la progression du chômage, aux expropriations de masse et à l’augmentation des dettes privées, de nombreux Grecs se sont tournés vers les programmes de protection sociale pour survivre. Or, déjà très affaiblis par les mesures d’austérité, ceux-ci n’étaient pas en mesure d’absorber l’augmentation soudaine du nombre de bénéficiaires. A mesure que les budgets des hôpitaux diminuaient, consulter un médecin devenait de plus en plus difficile. Les files d’attente pour avoir accès à un thérapeute ont doublé, puis triplé. Dans un entretien accordé au New York Times, le chef du département d’oncologie à l’hôpital Sotiria, au centre d’Athènes, le docteur Kostas Syrigos a raconté l’histoire d’une patiente atteinte du pire cancer du sein qu’il ait jamais vu. Les réformes imposées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) l’avaient empêchée de se soigner depuis un an. Quand elle s’est présentée dans une clinique clandestine, où travaillaient des médecins bénévoles, la tumeur avait percé la peau et commençait à suinter sur ses vêtements. La femme souffrait atrocement et tamponnait sa plaie purulente avec des serviettes en papier (6).

 

En mai 2010, juste après la mise en place du premier plan de sauvetage du FMI, la compagnie pharmaceutique Novo Nordisk a quitté le marché grec car l’Etat lui devait 36 millions de dollars. Ce retrait a non seulement coûté des emplois, mais également privé cinquante mille diabétiques d’insuline.

 

Le taux de suicide a augmenté, en particulier chez les hommes : entre 2007 et 2009, avant même le plan du FMI, il avait bondi de 20 %. Le 4 avril 2012, Dimitris Christoulas s’est ainsi rendu place Syntagma, en plein centre-ville d’Athènes. Il a gravi les marches du Parlement, placé une arme contre sa tempe et déclaré : « Je ne me suicide pas. Ce sont eux qui me tuent. » Une lettre retrouvée dans sa sacoche expliquait : « Le gouvernement (...) a détruit mon seul moyen de survie, qui consistait en une pension très respectable que j’ai payée seul pendant trente-cinq ans (...). Puisque mon âge avancé ne me permet pas de réagir de manière active (quoique, si un Grec saisissait une kalachnikov, je serais juste derrière lui), je ne vois pas d’autre solution pour finir dignement ma vie et ne pas me retrouver à fouiller dans les poubelles pour me nourrir. »

 

Les associations de soutien psychologique ont constaté une multiplication par deux des appels à l’aide. Et il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg. Certains Grecs ont sans doute préféré ne pas appeler au secours en raison de la stigmatisation qui entoure la détresse psychologique dans le pays : l’Eglise orthodoxe refuse par exemple d’enterrer ceux qui se suicident. De nombreux médecins considèrent l’augmentation du nombre de « blessures indéterminées » et d’autres causes mystérieuses de décès comme la manifestation de suicides déguisés pour sauver l’honneur des familles.

 

Pendant quarante ans, des programmes de pulvérisation d’insecticides avaient empêché les maladies transmises par les moustiques de se développer en Grèce. A la suite des coupes drastiques opérées dans les budgets alloués au sud du pays, une épidémie de virus du Nil occidental a éclaté en août 2010, tuant soixante-deux personnes. Le paludisme a fait son retour pour la première fois depuis 1970. Les autorités ont également constaté une recrudescence d’infections par le VIH au centre d’Athènes, du jamais-vu en Europe depuis des années : entre janvier et octobre 2011, les nouveaux cas ont été multipliés par dix chez les usagers de drogues. Entre-temps, les crédits alloués aux programmes d’échange de seringues avaient été supprimés. L’usage de l’héroïne a augmenté de 20 % entre 2010 et 2011, notamment chez les jeunes, frappés par un taux de chômage de 40 %.

 

Avec un budget amputé de presque 50 %, le ministre de la santé grec n’avait guère de marges de manœuvre. Cependant, une issue politique demeurait : l’option démocratique. En novembre 2011, au moment où l’épidémie de VIH a été constatée, le premier ministre Georges Papandréou a ainsi tenté la solution islandaise, annonçant un référendum sur une seconde cure d’austérité. Le peuple grec voyait clairement que les mesures d’austérité ne fonctionnaient pas. En dépit des coupes budgétaires, la dette publique continuait à s’envoler (165% du PIB en 2011). Mais, sous la pression de la « troïka » et d’autres gouvernements européens, notamment français et allemand, M. Papandréou a annulé le référendum avant d’être poussé à la démission.

 

Comme ce fut le cas en Islande, le FMI a finalement admis, en 2012 : « Nous avons sous-estimé les effets négatifs de l’austérité sur l’emploi et l’économie (7). » Mais imposer cette épreuve à la Grèce représentait moins une stratégie économique qu’un projet politique. Mme Angela Merkel, la chancelière allemande, a ainsi présenté le plan d’aide octroyé à Athènes comme une leçon inculquée au reste de l’Europe : « Ces pays peuvent voir que le chemin emprunté par la Grèce n’est pas facile. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’éviter (8).  »

 

Les politiques économiques ne sont ni des agents pathogènes ni des virus qui provoquent directement la maladie, mais la « cause des causes » : le facteur sous-jacent qui détermine qui sera exposé aux plus grands risques sanitaires. Voilà pourquoi la moindre modification d’un budget national peut avoir des effets considérables — et parfois involontaires — sur le bien-être de la population.

 

Nous disposons désormais d’éléments sérieux nous permettant de conclure que le véritable danger pour la santé publique n’est pas la récession en tant que telle, mais l’adoption de politiques d’austérité pour y faire face. Autant dire que, si l’« expérience grecque » avait été menée selon des critères aussi rigoureux que des tests cliniques, elle aurait été interrompue depuis longtemps par un conseil d’éthique.

 

[*] Respectivement docteur en sociologie et professeur de médecine, auteurs de Quand l’austérité tue. Epidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine (Autrement, Paris, 2014), d’où est tiré cet article.
 

Notes :

(1) Lire Bruno Falissard, « Soigner le malade ou la maladie ? », Le Monde diplomatique, juin 2014.

(2) NDLR. Les auteurs s’appuient sur les travaux les plus récents ainsi que sur leurs propres études, publiées par les revues scientifiques The Lancet, British Medical Journal ou PLOS Medicine. Leurs sources peuvent être consultées sur notre site.

(3) Sur la crise islandaise, lire Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade, « Quand le peuple islandais vote contre les banquiers », et « Une Constitution pour changer d’Islande ? », Le Monde diplomatique, respectivement mai 2011 et octobre 2012.

(4) Sur la crise grecque, lire notre dossier « Le laboratoire grec », Le Monde diplomatique, février 2013.

(5) Fonds monétaire international, « Iceland : Ex post evaluation of exceptional access under the 2008 stand-by arrangement » (PDF), rapport n° 12/91, Washington, DC, avril 2012.

(6) The New York Times, 24 octobre 2012.

(7) The Guardian, Londres, 1er février 2002.

(8) British Broadcasting Corporation (BBC), Londres, 2 mai 2010.

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6 décembre 2014 6 06 /12 /décembre /2014 09:04
Prodigieuse métamorphose de la Bolivie
Après le victoire du Président Evo Morales
 
 

Source : Mémoire des luttes par Ignacio Ramonet  | 31-10-2014

Mais le plus spectaculaire ce sont les téléphériques urbains d’une extraordinaire technologie[1] futuriste, qui maintiennent au-dessus de la ville un ballet permanent de cabines colorées, élégantes et éthérées comme des bulles de savon. Silencieuses et non polluantes. Deux lignes fonctionnent désormais, la rouge et la jaune ; la troisième, la verte, sera inaugurée dans les prochaines semaines, permettant ainsi la création d’un réseau interconnecté de transport par câble de onze kilomètres, le plus étendu au monde. Cela permettra à des dizaines de milliers d’habitants de La Paz d’économiser en moyenne deux heures de temps de transport par jour.

 

« La Bolivie change. Evo tient ses promesses » affirment des affiches dans les rues. Et chacun le constate. Le pays est effectivement un autre pays. Il est très différent de celui que l’on a connu il y a à peine une décennie, lorsqu’il était considéré comme « l’Etat le plus pauvre d’Amérique latine après Haïti ». Corrompus et autoritaires pour la plupart, ses gouvernants passaient leur temps à implorer des prêts aux organismes financiers internationaux, aux principales puissances occidentales ou aux organisations humanitaires mondiales. Alors que les grandes entreprises minières étrangères pillaient le sous-sol, en payant à l’État des royalties de misère et en prolongeant la spoliation coloniale.

 

Relativement peu peuplée (quelques dix millions d’habitants), la Bolivie a une superficie de plus d’un million de kilomètres carrés (deux fois la France). Ses entrailles débordent de richesses : argent (on pense à Potosí...), or, étain, fer, cuivre, zinc, tungstène, manganèse, etc. Le salin d’Uyuni possède la plus grande réserve de potassium et de lithium du monde, celui-ci étant considéré comme l’énergie du futur. Mais, aujourd’hui, la principale source de revenus est constituée par le secteur des hydrocarbures, avec les deuxièmes plus grandes réserves de gaz naturel d’Amérique du Sud, et le pétrole, bien qu’en moindre quantité (environ 16 millions de barils par an).

 

Au cours des neuf dernières années, depuis l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir, la croissance économique de la Bolivie a été sensationnelle, avec un taux moyen annuel de 5 %. En 2013, le PIB a atteint 6,8 %[2], et en 2014 et 2015, selon le FMI (Fonds monétaire international), il sera également supérieur à 5 %... C’est le pourcentage le plus élevé d’Amérique latine[3]. Et tout ceci avec une inflation modérée et contrôlée inférieure à 6 %.

 

Le niveau de vie général a donc doublé [4]. Les dépenses publiques, malgré les importants investissements sociaux, sont également contrôlées à tel point que la balance courante offre un résultat positif avec un excédent budgétaire de 2,6 % (en 2014) [5]. Et bien que les exportations, principalement d’hydrocarbures et de produits miniers, jouent un rôle important dans cette prospérité économique, c’est la demande intérieure (+5,4 %) qui constitue le principal moteur de la croissance. Enfin, un autre succès inouï de la gestion du ministre de l’économie, Luis Arce : les réserves internationales en devises de la Bolivie, par rapport au PIB, ont atteint 47 % [6], plaçant pour la première fois ce pays en tête des pays d’Amérique latine, loin devant le Brésil, le Mexique ou l’Argentine. Evo Morales a indiqué que la Bolivie pourrait cesser d’être un pays endetté au niveau structurel pour devenir un pays prêteur. Il a révélé que « quatre États de la région », sans préciser lesquels, se sont déjà adressés à son gouvernement en lui demandant des crédits...

 

Dans un pays où plus de la moitié de la population est autochtone, Evo Morales, qui a été élu en janvier 2006, est le premier indigène à devenir président au cours des cinq derniers siècles. Et, depuis qu’il est au pouvoir, ce président différent a rejeté le « modèle néolibéral » et lui a substitué un nouveau « modèle économique social communautaire productif ». À partir de mai 2006, il a nationalisé les secteurs stratégiques (les hydrocarbures, l’industrie minière, l’électricité, les ressources environnementales) générateurs d’excédents, et il a investi une partie de ces excédents dans les secteurs générateurs d’emploi : industrie, produits manufacturés, artisanat, transport, agriculture et élevage, logement, commerce, etc. Il a ensuite consacré l’autre partie de ces excédents à la réduction de la pauvreté, grâce à des politiques sociales (enseignement, santé), des augmentations salariales (aux fonctionnaires et travailleurs du secteur public), des stimulations à l’intégration (les bons Juancito Pinto [7], la pension « dignité » [8], les bons Juana Azurduy [9]) et des subventions.

 

Les résultats de l’application de ce modèle ne sont pas seulement reflétés par les chiffres exposés ci-dessus, mais aussi par une donnée bien explicite : plus d’un million de Boliviens (soit 10 % de la population) sont sortis de la pauvreté. La dette publique, qui représentait 80 % du PIB, a diminué et en représente à peine 33 %. Le taux de chômage (3,2 %) est le plus faible d’Amérique latine, à tel point que des milliers de Boliviens émigrés en Espagne, en Argentine ou au Chili commencent à revenir, attirés par le plein emploi et l’accroissement remarquable du niveau de vie.

 

De plus, Evo Morales entreprend de construire un véritable État, qui n’était jusqu’à présent que plutôt virtuel. Il faut reconnaître que la géographie immense et torturée de la Bolivie (un tiers de hautes montagnes andines, deux tiers de terres basses tropicales et amazoniennes), ainsi que la fracture culturelle (36 nations ethno-linguistiques) n’ont jamais facilité l’intégration et l’unification. Mais ce qui ne s’est pas fait en presque deux siècles, le président Morales est décidé à le mettre en place pour en finir avec la dislocation. Cela passe tout d’abord par la promulgation d’une nouvelle Constitution, adoptée par référendum, qui établit pour la première fois un « État plurinational » et reconnaît les droits des différentes nations qui cohabitent sur le territoire bolivien. Ensuite, le lancement d’une série de travaux publics ambitieux (routes, ponts, tunnels) dans le but de connecter, articuler, desservir des régions dispersées pour que celles-ci et leurs habitants sentent qu’ils font partie d’un ensemble commun : la Bolivie. Cela ne s’était jamais fait. C’est pourquoi il y a eu tant de tentatives de sécession, de séparatisme et de fractionnement.

 

 

- Aujourd’hui, avec tous ces succès, les Boliviens se sentent - peut-être pour la première fois - fiers de l’être.

Ils sont fiers de leur culture autochtone et de leurs langues vernaculaires. Ils sont fiers de leur monnaie qui prend chaque jour un peu plus de valeur par rapport au dollar. Ils sont fiers d’avoir la croissance économique la plus élevée et les réserves de devises les plus importantes d’Amérique latine. Ils sont fiers de leurs réalisations technologiques comme ce réseau de téléphériques de dernière génération, ou de leur satellite de télécommunications Tupac Katari, ou de leur chaîne de télévision publique Bolivia TV [10]. Cette chaîne, dirigée par Gustavo Portocarrero, a réalisé le 12 octobre passé, jour des élections présidentielles, une démonstration frappante de son expertise technologique en se connectant en direct – pendant 24 h sans interruption – avec ses envoyés spéciaux dans environ 40 villes du monde (Japon, Chine, Russie, Inde, Iran, Égypte, Espagne, etc.) au cours desquelles les Boliviens résidant à l’étranger votaient pour la première fois. Une prouesse technique et humaine que peu de chaînes de télévision dans le monde seraient en mesure de réaliser.

 

Tous ces exploits – économiques, sociaux, technologiques – expliquent en partie la victoire écrasante d’Evo Morales et de son parti (le Mouvement vers le socialisme, MAS) aux élections du 12 octobre dernier [11]. Icône de la lutte des peuples indigènes et autochtones du monde entier, grâce à ce nouveau triomphe, Evo a réussi à briser divers préjugés importants. En effet, il prouve que la gestion gouvernementale n’use pas et qu’après neuf ans au pouvoir, quand on gouverne bien, on peut se faire réélire largement. Il prouve aussi que, contrairement à ce qu’affirment les racistes et les colonialistes, « les Indiens » savent gouverner et peuvent même être les meilleures gouvernants que le pays ait jamais eus. Il prouve que, sans corruption, avec honnêteté et efficacité, l’État peut être un excellent administrateur, et non pas une calamité systématique, comme le prétendent les néolibéraux. Enfin, Evo Morales prouve que la gauche au pouvoir peut être efficace ; qu’elle peut mener des politiques d’intégration et de redistribution de la richesse sans mettre en danger la stabilité de l’économie.

 

 

- Mais cette grande victoire électorale s’explique aussi, et peut-être surtout, par des raisons politiques.

Le président Evo Morales est parvenu à battre, idéologiquement, ses principaux adversaires regroupés au sein de la caste des entrepreneurs de la province de Santa Cruz, principal moteur économique du pays. Ce groupe conservateur qui a tout tenté contre le président, depuis la tentative de sécession jusqu’au coup d’État, a fini par se soumettre et se joindre finalement au projet présidentiel, en reconnaissant que le pays est en pleine phase de développement.

 

C’est une victoire considérable que le vice-président Álvaro García Linera explique en ces termes : « Nous sommes parvenus à intégrer l’est de la Bolivie et à unifier le pays, grâce à la défaite politique et idéologique d’un noyau politique d’entrepreneurs ultraconservateurs, racistes et fascistes, qui ont conspiré pour un coup d’État et qui ont financé des groupes armés pour organiser une sécession du territoire oriental. Par ailleurs, ces neuf années ont montré aux classes moyennes urbaines et aux secteurs populaires de Santa Cruz qui étaient méfiants, que nous avons amélioré leurs conditions de vie, que nous respectons ce qui a été construit à Santa Cruz et ses spécificités. Nous sommes évidemment un gouvernement socialiste, de gauche et dirigé par des indigènes. Mais nous voulons améliorer la vie de tous. Nous avons fait face aux entreprises pétrolières étrangères, de même qu’aux entreprises de l’énergie électrique, et nous les avons mises à contribution pour pouvoir ensuite, avec ces ressources, donner de la puissance au pays, principalement aux plus pauvres, mais sans affecter ce que possèdent les classes moyennes ou le secteur des entrepreneurs. C’est pourquoi une rencontre a pu être réalisée entre le gouvernement et Santa Cruz, et celle-ci a été très fructueuse. Nous ne changeons pas d’attitude, nous continuons à dire et à faire les mêmes choses qu’il y a neuf ans. Ceux qui ont changé d’attitude face à nous, ce sont eux. À partir de là, commence cette nouvelle étape du processus révolutionnaire bolivien, qui est celui de l’irradiation territoriale et de l’hégémonie idéologique et politique. Ils commencent à comprendre que nous ne sommes pas leurs ennemis, qu’il est dans leur intérêt de faire de l’économie sans entrer dans la politique. Mais si, en tant qu’entrepreneurs, ils tentent d’occuper les structures de l’État et qu’ils veulent combiner la politique et l’économie, ils ne s’en sortiront pas. De même, il ne peut pas y avoir de militaires qui prennent également le contrôle civil, politique, car ils ont déjà le contrôle des armes. »

 

Dans son bureau du Palacio Quemado (palais présidentiel), le ministre de la Présidence, Juan Ramón Quintana, me l’explique avec une consigne : « Battre et intégrer. » « Il ne s’agit pas – me dit-il – de vaincre l’adversaire et de l’abandonner à son sort, en courant le risque qu’il se mette à conspirer avec son ressentiment de vaincu et qu’il se lance dans de nouvelles tentatives de renversement. Une fois battu, il faut l’incorporer, lui donner l’opportunité de se joindre au projet national dans lequel tous sont concernés, à condition que chacun admette et se soumette au fait que la direction politique, par décision démocratique des urnes, est menée par Evo et le MAS. »

 

 

- Et maintenant ? Que faire avec une victoire si écrasante ?

« Nous avons un programme [12] – affirme tranquillement Juan Ramón Quintana – nous voulons éradiquer la pauvreté, donner un accès universel aux services publics de base, garantir une santé et une éducation de qualité pour tous, développer la science, la technologie et l’économie de la connaissance, établir une administration économique responsable, avoir une gestion publique transparente et efficace, diversifier notre production, industrialiser, atteindre la souveraineté alimentaire et agricole, respecter la Terre mère, avancer vers une plus grande intégration latino-américaine et avec nos partenaires du Sud, intégrer le Mercosur et atteindre notre objectif historique, fermer notre blessure ouverte : récupérer notre souveraineté maritime et l’accès à la mer [13]. »

 

De son côté, le président Morales a exprimé son désir de voir la Bolivie devenir le « cœur énergétique d’Amérique du Sud » grâce à son potentiel énorme en matière d’énergies renouvelables (hydroélectrique, éolienne, solaire, géothermique, biomasse) en plus des hydrocarbures (pétrole et gaz). Ceci complété par l’énergie atomique civile produite par une centrale nucléaire de prochaine acquisition.

La Bolivie change. Elle progresse. Et sa prodigieuse métamorphose n’a pas encore fini de surprendre le monde.

 

Notes

[1] L’entreprise constructrice est la société autrichienne Doppelmayr-Garaventa.

[2] Lire Economía Plural, La Paz, avril 2014.

[3] Lire Página Siete, La Paz, 12 octobre 2014.

[4] Entre 2005 et 2013, le PIB par habitant a augmenté à plus de deux reprises (de 1 182 dollars à 2 757 dollars). La Bolivie n’est plus un « pays à faibles revenus » et a été déclarée « pays à revenus moyens ». Lire « Bolivia, una mirada a los logros más importantes del nuevo modelo económico » (La Bolivie, un regard sur les réussites les plus importantes du nouveau modèle économique), dans Economía Plural, La Paz, juin 2014.

[5] La bonne gestion des finances publiques a permis à la Bolivie de devenir le deuxième pays au plus fort excédent budgétaire d’Amérique latine au cours des huit dernières années.

[6] En chiffres absolus, les réserves internationales de la Bolivie sont d’environ 16 milliards de dollars. En 2013, le PIB était d’environ 31 milliards de dollars.

[7] Un montant de 200 bolivianos annuels (23 euros) est remis à chaque élève de primaire ou du secondaire de l’enseignement public qui a suivi tous ses cours avec assiduité. L’objectif est de lutter contre la désertion scolaire.

[8] Une pension que tous les Boliviens perçoivent à partir de 60 ans, même ceux qui n’ont jamais pu cotiser à une caisse de retraite.

[9] Une aide économique de 1 820 bolivianos (environ 215 euros) est fournie aux femmes enceintes et pour chaque garçon ou fille de moins de deux ans dans le but de diminuer les taux de mortalité infantile et maternelle.

[10] http://www.mixbolivia.com/2013/08/ver-en-vivo-canal-bolivia-tv.html

[11] Lire Atilio Borón, « ¿Por qué ganó Evo », América Latina en movimiento, ALAI, Quito, 13 octobre 2014.

[12] « Agenda patriótica 2025 : la ruta boliviana del vivir bien (Agenda patriotique 2025 : la route bolivienne du bien vivre) ». En 2025 sera fêté le bicentenaire de l’indépendance et de la fondation de la Bolivie.

[13] La Bolivie a saisi la Cour internationale de justice de La Haye. Lire El libro del mar, ministère des affaires étrangères, La Paz, 2014.

 

Pour en savoir plus :

- Quels premiers enseignements de la réélection de Evo Morales ?, par Christophe Ventura

- Evo Morales, une icône progressiste pour l’Amérique latine, par Mémoire des luttes

- Elections en Bolivie, par Mémoire des luttes

- Rencontre mondiale des mouvements populaires avec le Pape François, par Mémoire des luttes

- Les enjeux de l’élection présidentielle en Bolivie, par Christophe Ventura

- Le discrédit de la parole du président François Hollande, par Bernard Cassen

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5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 09:00
VIe République : Pierre Laurent et Christian Salmon débattent

Dans l'Humanité Dimanche. Un président élu pour en finir avec l’ère Sarkozy qui continue pourtant la même politique. Un président sanctionné à chaque élection, mais à propos duquel la question de sa légitimité ne se pose pas. Voilà la Ve République. Le constat s’impose de plus en plus largement qu’il est temps de passer à autre chose.

 

La socialiste Martine Aubry parle du besoin d’un « nouvel âge démocratique fondé sur de nouvelles institutions ». Jean-Luc Mélenchon construit un mouvement pour la VIe République où l’on trouve également des « socialistes affligés » et des responsables de Nouvelle Donne. Les communistes et les organisations du FG ont fait de la VIe République un élément central du programme « l’Humain d’abord »... Comment gagner cette nouvelle République ? Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, et Christian Salmon, auteur des « Derniers Jours de la Ve République », en débattent.

 

Source : L'Humanité Dimanche entretien réalisé par Stéphane Sahuc Vendredi, 21 Novembre, 2014

- L'Humanité Dimanche : L’idée qu’il faut passer à autre chose que la Ve République est assez largement partagée. À quoi attribuez vous ces convergences ?

Pierre Laurent. La très profonde crise du mode de développement, la crise démocratique que nous traversons et la crise institutionnelle ne font plus qu’un. Un des traits du néolibéralisme a été d’organiser la prise de pouvoir des grands intérêts du marché à tous les niveaux. Ils dictent leurs normes, leurs lois... en s’employant sans cesse à matraquer qu’« il n’y a qu’une seule politique possible ». Pour sortir de la crise, la reconquête du pouvoir citoyen et la reconstruction de la souveraineté populaire sont devenues indispensables. Dans ce contexte, la présidentialisation extrême du régime, qui est devenue le masque de cette confiscation, est un anachronisme et un obstacle de taille. Avec François Hollande, la contradiction explose au visage de tout le pays, parce que les Français l’avaient élu pour changer.

 

Christian Salmon. C’est devenu évident pour tous : la Ve République agonise. Nous sommes les témoins abasourdis de l’autodestruction de l’État. La crise que nous traversons n’est plus seulement économique et sociale, ce n’est plus seulement une crise politique, elle touche à la dorsale des institutions. Depuis le traité de Maastricht et l’acte unique européen, alors que la vie politico-médiatique se focalisait de plus en plus sur la conquête du pouvoir présidentiel, les attributions du président se dissipaient, se dispersaient. À l’abri de l’élection présidentielle, qui accrédite tous les cinq ans le mythe d’une nation souveraine, nous avons « un gouvernement d’affaires courantes ». L’essentiel se joue ailleurs. Il n’est jusqu’au budget de l’État qui doit être soumis à l’approbation de Bruxelles...

 

 

- L'Humanité Dimanche : Est-ce à dire que nous ne vivons plus en démocratie ?

Christian Salmon. C’est pour le moins une démocratie de « basse intensité », parasitée par la puissance des médias, organisée pour brouiller tout débat démocratique et installer, à coups de talk-shows et d’éditoriaux, les évidences partagées du néolibéralisme. Le choix électoral est préempté par la machine médiatico-sondagière qui ne propose aux citoyens que d’arbitrer des ambitions individuelles et qui réduit les enjeux collectifs à des problèmes de gestion... et les problèmes de gestion à des problèmes de comptabilité. C’est pourquoi l’émergence d’une alternative au néolibéralisme passe par un changement institutionnel.

 

Pierre Laurent. C’est comme une démocratie empoisonnée de l’intérieur. Le virus présidentialiste, avec toute la machine médiatique qui l’accompagne, mine la démocratie réelle. Elle se vide de son sang, qui est le pouvoir des citoyens, le pouvoir de tous. Nous devenons des spectateurs, parfois des fans, et de moins en moins des acteurs qui décident. Ce qui est dangereux, c’est que ce système continue d’être présenté comme le summum de la démocratie. Ceux qui ont toujours combattu les idéaux démocratiques de la République ont beau jeu de dire : « Toutes ces vieilles lunes sont à jeter aux orties. » La VIe République, c’est l’idée qui peut sauver la République d’un discrédit.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Les défenseurs de la Ve objectent que ses institutions sont un rempart face aux « surenchères populistes ».

Christian Salmon. Rien n’est moins sûr. Ce fut longtemps le cas, mais ça ne l’est plus. Du septennat, on est passé au quinquennat. On a inversé le calendrier électoral pour éviter les risques de cohabit at ion. Le s soc ialistes ont expérimenté les primaires pour démocratiser le choix de leur candidat. Résultat : on est en campagne permanente ! L’élection du président au suffrage universel était la mère des batailles politiques, désormais elle surdétermine toutes les stratégies des acteurs. À peine l’élection présidentielle passée, on pense à la suivante. La légitimité présidentielle est contestée par tous ceux qui s’imaginent lui succéder.

 

Pierre Laurent. Tout à fait d’accord. L’écart, chaque fois plus grand, entre l’illusion du grand changement qui atteint son paroxysme avec l’élection présidentielle et la déception, l’amertume qui suivent, creuse à vitesse accélérée le fossé démocratique dans lequel la République est en train de s’abîmer. Et plus la République paraît impuissante, plus le thème du recours est séduisant. Dans cette fuite en avant, on décrédibilise les militants, les partis, les élus locaux, les collectivités locales, les politiques publiques, mais jamais la fonction présidentielle. On nous dit seulement : « Ce président n’est pas l’homme fort qu’il nous faut », en focalisant le débat sur la recherche de celle ou celui qui devra le remplacer. À ce jeu-là, les « populistes » ont le beau rôle.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Mais ces questions institutionnelles sont-elles de nature à intéresser, à mobiliser les Français ?

Pierre Laurent. À chaque fois que je discute avec des Français, je suis frappé d’une chose. Leur dégoût, leur colère, leur désarroi vont toujours de pair avec une grande disponibilité pour la chose publique. Dans leurs critiques comme dans les propositions qu’ils avancent, la question démocratique est toujours présente. Bien entendu, ils ne parlent pas d’emblée de la VIe République, mais « qui décide, où et comment, sous le contrôle de qui ? », voilà une question qui les passionne. Et au fond, c’est cela le sujet de la VIe République. La France dispose d’une expertise populaire incroyable. Le tissu associatif est pétri des valeurs républicaines. Ce que ne supportent plus les Français, c’est le mépris officiel dans lequel sont tenues toutes ces énergies. Rendre du pouvoir au peuple, c’est une des solutions les plus efficaces face à la crise. Je crois d’ailleurs que nous devrions faire de cette question – avec la protection des politiques publiques et des services publics – un des thèmes majeurs des élections départementales et régionales à venir.

 

Christian Salmon. Les Français se détournent de la politique parce qu’ils sentent confusément que les dés sont pipés. Mais quand il y a des enjeux réels))) qui concernent par exemple la souveraineté nationale, ils s’en emparent. Exemple, le débat sur le référendum constitutionnel de 2005. Or, que s’est-il passé ? Sarkozy se fait élire en 2007 avec le projet de revenir sur le non des Français. Ce sera chose faite à Lisbonne quelques mois plus tard. En 2012, Hollande promet qu’en cas de victoire, il renégociera le pacte budgétaire européen. Une fois élu, il oublie ses promesses. Je raconte dans mon livre (1) une réunion secrète qui s’est tenue à Bercy au cours de laquelle Michel Sapin félicite le directeur du Trésor d’avoir mis en échec le projet de séparation des activités de dépôt et de spéculation annoncé par le candidat Hollande dans son discours du Bourget. Quand le ministre des Finances et des Comptes publics se réjouit de l’échec d’une réforme voulue par le président, c’est une preuve supplémentaire que la scène politique est complètement désinvestie et disqualifiée. Hollande aura au moins démontré qu’il ne suffit plus de changer de président pour changer de politique, il faut changer de République...

 

 

- L'Humanité Dimanche : Pour redonner de la souveraineté au peuple, certains évoquent, notamment, la possibilité d’un système de révocation des élus...

Pierre Laurent. Je comprends cette proposition comme le moyen de reprendre du contrôle sur des élus qui tournent le dos systématiquement à leurs engagements. Cela dit, c’est une réponse courte. Quand on ouvre le débat avec les Français, ils avancent des idées plus fécondes à mes yeux : le contrôle citoyen dans la construction des décisions, l’observatoire des engagements, le statut de l’élu qui permettrait l’accès à la fonction d’une plus grande diversité de la population, la proportionnelle... En somme, le problème ne peut pas être seulement de savoir comment on chasse un élu mais plutôt comment démocratiser tout l’espace démocratique.

 

Christian Salmon. J’y suis évidemment favorable. Mais c’est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. La question de la souveraineté est une question cruciale. La souveraineté étatique ne se confond pas avec la souveraineté populaire. Mais l’une et l’autre sont battues en brèche depuis trente ans par la mondialisation néolibérale. La crise de souveraineté affecte tous les États. Elle est aggravée par la construction européenne qui a, de manière concertée, organisé des abandons massifs de souveraineté (la monnaie et le contrôle des frontières). Mais nulle part, elle ne semble de manière aussi caricaturale qu’en France où le chef d’État, à qui sont dévolus tous les pouvoirs constitutionnels, apparaît désormais comme un homme soumis aux marchés et aux agences de notation et qui doit négocier ses marges de manoeuvre avec la Commission de Bruxelles ou la chancellerie à Berlin. C’est le paradoxe terminal de la Ve République, qui confie tous les pouvoirs à un souverain sans monnaie ni frontières. Un souverain sans souveraineté.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Dans ce cas, compte tenu des abandons que vous évoquez, est-ce qu’inscrire la souveraineté populaire dans le cadre national, y compris en changeant de République, sera suffisant ?

Christian Salmon. C’est une étape indispensable mais non suffisante. Il faut revenir sur un certain nombre de traités européens signés depuis 2005. Reconstituer les bases d’une souveraineté nationale en matières budgétaire, monétaire, en termes de stratégie industrielle, de contrôle du territoire. L’Union européenne a créé une terrible dislocation de la souveraineté en dissociant la puissance d’agir et les pouvoirs représentatifs : d’un côté, une bureaucratie anonyme (à Bruxelles ou à Strasbourg), qui dispose du pouvoir réel, de l’autre, des hommes politiques sous surveillance... D’un côté, des décisions sans visage, de l’autre des visages impuissants... Démocratiser cela signifie remettre les décisions et les visages à leur place. La VIe République française ne doit pas signifier un repli sur soi, elle doit faire lever un vent de démocratisation dans toute l’Europe.

 

Pierre Laurent. J’ajoute que la souveraineté populaire, pour être pleine et entière, doit s’exercer à tous les niveaux, local, national, européen, mondial, en articulant ces différents niveaux sans les opposer. Au plan local, la suppression de la clause de compétence générale des collectivités locales (2) est une atteinte grave au principe de souveraineté populaire. Car elle prive des élus de l’autosaisissement d’un domaine de compétence qu’ils jugent d’intérêt général. C’est une atteinte à la libre administration des collectivités élues, qui est un pan à part entière de l’exercice de la souveraineté des citoyens. Au plan national, la souveraineté budgétaire est directement attaquée par les procédures européennes, et il faut la retrouver. Sur d’autres enjeux, comme la question climatique ou celle de la paix, la souveraineté doit s’exercer dans un cadre multilatéral et partagé. C’est l’ONU qui devrait le constituer. En matière de souveraineté, la question ne devrait pas être : « Où l’exercer ? », mais plutôt : « Comment l’exercer pleinement, c’est-à-dire partout ? »

 

 

- L'Humanité Dimanche : Mais comment gagner cette VIe République ?

Pierre Laurent. Il ne faut pas se poser cette question pour après la conquête du pouvoir, mais dès maintenant. Le processus de conquête du pouvoir doit se construire sur un mode collectif, partagé, participatif. C’est un immense défi. Et nous devons saisir toutes les occasions, comme nous l’avions fait pour le traité sur la communauté européenne ou, aujourd’hui, sur le traité transatlantique, d’expérimenter de nouvelles formes de partage du pouvoir et des savoirs. La question des savoirs est fondamentale parce qu’elle est, dans nos sociétés complexes, une des conditions d’un exercice partagé et démocratique du pouvoir. Je suis fier personnellement que le Parti communiste ait toujours cherché à être un lieu de création, de diffusion et de partage des savoirs, pour le dire autrement, un espace de démocratisation populaire en actes. C’est sûrement l’exigence majeure. Concevoir la démocratie comme le chemin à construire et pas seulement comme un but.

 

Christian Salmon. C’est la chose la plus difficile. La Ve République est née du chaos et pourrait bien y reconduire si un processus démocratique n’accouche pas d’une République rénovée, plus égalitaire, plus participative. Je suis d’accord avec Pierre Laurent, le but, c’est aussi le chemin. La VIe République ne saurait être le cadeau ou la concession du prince. À la question de savoir quelle est la meilleure Constitution, de Gaulle répondait, dans son discours de Bayeux en 1946, en citant le sage Solon : « Ditesmoi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ? » L’époque on la connaît, avec ses avancées technologiques, ses risques écologiques, ses inégalités criantes, mais aussi les possibilités de nouvelles formes de délibération démocratique qu’elle offre grâce à Internet par exemple... Quant au peuple, c’est « nous », une entité mouvante et diverse. Montesquieu disait : « Il arrive que le peuple soit si éclairé qu’il ne soit plus indifférent à rien. » Souhaitons alors que le peuple – nous – soit assez éclairé pour ne plus être indifférent à luimême et aux autres, capable d’inventer les formes de cette nouvelle République à naître. Il n’y a pas d’autre définition de l’espoir.

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

Entretien réalisé par Stéphane Sahuc
Vendredi, 21 Novembre, 2014
- See more at: http://www.humanite.fr/vie-republique-pierre-laurent-et-christian-salmon-debattent-558318#sthash.xErpSfB8.dpuf

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 09:00
Élections aux États-Unis : quand des champions du CAC 40 (français) financent des extrémistes

Aux États-Unis qui votaient le 4 novembre pour renouveler leur Chambre des représentants et une partie du Sénat. Comme pour les précédentes campagnes électorales, l’argent coule à flots. Les entreprises françaises ne sont pas en reste : elles ont dépensé plusieurs centaines de milliers de dollars via leurs « political action committees ». Et soutiennent en majorité… les candidats du parti Républicain, la droite états-unienne, dont certains figurent parmi les plus rétrogrades en matière d’écologie ou de droits des minorités. Objectif affiché : entraver toute nouvelle régulation environnementale, sociale ou financière, alors que se négocie le futur traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis.

 

Sources : BASTA! par Olivier Petijean

Les élections de mi-mandat se sont déroulées le mardi 4 novembre aux États-Unis. En jeu, le renouvellement d’une partie du Congrès et du Sénat. Comme lors des précédents scrutins, l’argent coule à flots pour alimenter les campagnes électorales des futurs sénateurs et congressmen. Des sommes titanesques, comparées aux budgets d’une campagne présidentielle française, collectées par les « political action committees » (PACs). Ces structures sont créées par des grandes fortunes, des entreprises, des lobbies en tout genre pour financer les dépenses des candidats, ou acheter des annonces publicitaires dans les médias pour éreinter leurs adversaires. Et aux États-Unis, il n’existe aucune limite.

 

Exemple ? Le PAC lancé par Thomas Steyer, un milliardaire partisan d’Obama, et à la fibre écologiste, a récolté 76 millions de dollars pour soutenir les démocrates. En face, les frères Koch, à la tête d’un empire pétrochimique considéré comme l’un des plus gros pollueurs aux États-Unis, ou le milliardaire Karl Rove, un « stratège » politique présenté comme l’architecte des victoires de George Bush Junior, ont investi chacun plus de 20 millions de dollars en faveur des candidats républicains les plus conservateurs [1]. Ce déferlement d’argent peut jouer un rôle crucial : les Républicains, alignés idéologiquement sur leur frange la plus extrémiste, celle du tea party, ambitionnent de consolider leur mainmise sur la Chambre des représentants et de conquérir la majorité au Sénat, avec pour conséquence de bloquer encore davantage les institutions et d’empêcher l’adoption de toute nouvelle régulation sociale ou environnementale.

 

Une vingtaine de grandes entreprises françaises participent de près aux élections états-uniennes : leurs propres « political action committees » ont récolté près de trois millions de dollars. Et pour financer qui ? Les Républicains, en majorité, et quelquefois les plus réactionnaires de leurs candidats. Lors des élections présidentielles de 2012 aux États-Unis, Basta ! et l’Observatoire des multinationales avaient déjà publié une longue enquête sur l’implication financière des entreprises françaises dans la campagne électorale pour la Maison blanche – un sujet jusqu’alors totalement ignoré en France.

 

 

- Les entreprises françaises préfèrent les Républicains

Cette enquête avait révélé l’ampleur du soutien financier apporté par des entreprises telles que Sanofi, GDF Suez, Lafarge, Vivendi ou Areva à des candidats républicains, y compris ceux défendant les positions les plus réactionnaires, voire extrémistes [2]. Parmi les hommes et femmes politiques bénéficiant des largesses des « champions » du CAC 40 figuraient ainsi des proches du tea party – la droite extrême états-unienne –, des candidats qui prêchent le déni du changement climatique, le créationnisme, l’abrogation de toute forme de régulation environnementale, l’homophobie ou le renvoi des immigrés chez eux.

 

Deux ans plus tard, à quelques exceptions près, plusieurs grandes entreprises françaises, via leurs PACs, continuent de miser sur les mêmes écuries. Les données ci-dessous sont tirées du site opensecrets.org. qui collecte et met en ligne les déclarations transmises à la Commission électorale fédérale (Federal Electoral Commission, FEC). Il s’agit des chiffres déclarés au 24 octobre 2014.

 

  • Top 20 des entreprises françaises impliquées financièrement dans la campagne 2014

 

 

˜

Entreprise

Financements déclarés,

en dollars

Part des financements

aux Républicains

1 Sanofi 933 270 63%
2 Airbus 370 602 78 %
3 AXA 284 740 57%
4 Vivendi 218 330 47%
5 Areva 217 927 58%
6 BNP Paribas 119 250 32%
7 ArcelorMittal 93 360 63%
8 Michelin 56 416 74%
9 GDF Suez 56 200 55%
10 Lafarge 53 000 47%
11 Louis Dreyfus 48 450 89%
12 Arkema 47 600 64%
13 Société Générale 36 936 70%
14 Safran 36500 47%
15 Suez environnement 35 700 15%
16 Alcatel 33165 26%
17 Air Liquide 28750 59%
18 Danone 25850 0%
19 BPCE/Natixis 24150 27%
20 Sodexo 20490 76%

 

C’est Sanofi qui, via son comité d’action politique, investit le plus dans la campagne électorale. Au fil des scrutins, ses financements n’ont cessé d’augmenter et se dirigent de manière toujours plus marquée vers les Républicains : 210 000 dollars lors des élections de mi-mandat de 2010, 489 000 en 2012, et près du double cette année, dont les deux tiers au profit de la droite états-unienne. Une tendance que l’on ne peut manquer de mettre en rapport avec les options de son directeur exécutif récemment « débarqué », Chris Viehbacher, qui voulait diriger l’entreprise pharmaceutique depuis les États-Unis. En plus de sa contribution au PAC de Sanofi, celui-ci a d’ailleurs financé directement, à titre personnel, plusieurs figures de l’establishment républicain. Les financements d’Areva[3] sont eux aussi en hausse, quoique de manière plus modérée, avec une nette inflexion vers les Républicains. Michelin, Airbus et ArcelorMittal déclarent des chiffres globalement stables, mais de plus en plus nettement marqués en faveur des Républicains.

 

Autre cas notable : celui de la Société générale, particulièrement mise en cause suite à la publication de notre article en 2012. Deux ans plus tard, elle n’affiche plus que 36 936 dollars de financements. C’est vingt-cinq fois moins qu’en 2012 (933 670, à 83% pour les Républicains). Difficile de savoir si ces financements ont continué par un autre biais. Reste que le patron de la banque aux États-Unis, Craig Overlander, ne cache pas ses préférences : il a versé une contribution personnelle de 15 000 dollars au Comité national républicain pour les sénatoriales [4]. Quant à Danone, Alcatel et le groupe Banque populaire Caisse d’épargne, ils sont les rares à préférer les Démocrates.

 

 

- Bannir toute régulation

Qui sont les candidats qui bénéficient de ces largesses ? Les entreprises françaises ont tendance à privilégier les leaders républicains en place plutôt que les plus extrémistes du tea party. Mais la notion d’« extrémisme » semble devenue très relative au sein de la droite états-unienne dès lors que l’on touche à des sujets comme le changement climatique, les armes à feu, la fiscalité ou le droit à l’avortement. Parmi les candidats préférés des entreprises françaises, des personnalités politiques se sont particulièrement illustrés dans ce domaine. Areva, Sanofi et GDF-Suez ont ainsi dépensé plusieurs milliers de dollars en faveur de Ed Whitfield (Kentucky), auteur d’une législation bannissant toute régulation des gaz à effet de serre. Ces mêmes entreprises, aux côtés d’ArcelorMittal ou du groupe Louis Dreyfus, l’un des leaders dans le négoce de matières premières, ont ensemble accordé plus de 15 000 dollars à John Shimkus (Illinois), qui avait déclaré ne pas craindre la montée des mers parce que, selon la Bible, Dieu a promis à Noé que l’humanité ne serait plus jamais menacée par un déluge...

 

Si les Républicains conquièrent effectivement le Sénat, le mieux placé pour occuper la présidence du Comité de l’environnement et des travaux publics – une position stratégique – n’est autre que James Inhofe, sénateur de l’Oklahoma. Airbus, Sanofi, Areva et Michelin en ont fait un de leurs favoris. Problème : c’est aussi l’un des climato-sceptiques les plus fanatiques du parti républicain. Il considère que la question du changement climatique n’est qu’une vaste conspiration [5]. Il a aussi été classé comme le membre le plus à droite de tout le Sénat : il s’illustre régulièrement par son soutien à l’ultra-droite israélienne et par son combat contre les droits des immigrés ou des homosexuels.

 

 

- Armement, finance, médicaments : des intérêts bien compris

Après nos révélations de 2012, l’excuse la plus souvent avancée par les entreprises pour justifier ces financements pour le moins dérangeants est que les PACs sont des fonds créés officiellement par leurs employés. Les grands groupes concernés n’exerceraient donc aucune influence sur la destination des fonds collectés. Or, ces PACs sont souvent hébergés au sein des entreprises. Certaines ont même encouragé leurs employés à y contribuer. Et leurs plus gros donateurs ne sont autres que les dirigeants de ces entreprises, ce qui ne les empêche pas de financer par ailleurs les candidats républicains à titre personnel, comme Chris Viehbacher de Sanofi, Craig Overlander de la Société Générale, ou encore Clyde Selleck, le patron de Michelin aux États-Unis [6] : Chris Viehbacher pour Sanofi, le directeur général Louis Schorsch pour ArcelorMittal, le directeur général Allan McArtor et sa femme pour Airbus (aux côtés de Marc Paganini, président d’Aribus Helicopters et de Guy Hicks, directeur du bureau de Washington)]].

 

Étrangement, quelle que soit l’étiquette politique des candidats financés, leur profil et leur programme correspondent très étroitement aux intérêts des entreprises. Les financements accordés par BNP Paribas bénéficient par exemple à des hommes politiques hawaiiens, la banque y possédant une importante filiale, la First Hawaiian Bank. Cela explique pourquoi BNP Paribas penche plutôt vers les Démocrates, Hawaii étant un bastion historique de ce parti. Mais les autres PACs liés à BNP Paribas sont largement favorables aux Républicains. Autre exemple : les PACs de Michelin, Safran ou Airbus privilégient les candidats siégeant dans des comités déterminants pour les contrats d’équipement militaires. Parmi les principaux bénéficiaires de la générosité d’Airbus, on trouve ainsi Buck McKeon de Californie, président du Comité des forces armées de la Chambre des représentants (le Congrès), ou encore Jeff Miller de Floride, lui aussi membre du Comité des forces armées de la Chambre des représentants.

 

 

- Le traité de libre-échange en toile de fond

Il n’y a pas que les entreprises françaises qui s’immiscent dans la campagne électorale. Les entreprises européennes – en particulier des firmes britanniques et des banques suisses – sont de loin les plus impliquées. Ces multinationales favorisent elles aussi nettement les Républicains, davantage hostiles à toute forme de régulation, environnementale, sanitaire ou financière. Les banques, les firmes pharmaceutiques et chimiques et les industries d’armement apparaissent comme les principaux contributeurs. Le PAC de la banque suisse UBS a ainsi collecté plus de 1,3 million de dollars tandis que celui du groupe d’armement britannique BAE System y a investi plus de 800 000 dollars. Cette ingérence illustre l’interpénétration des intérêts politiques et économiques des deux côtés de l’Atlantique, alors même que se négocie un futur traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

 

Ces données ne constituent très probablement que la pointe de l’iceberg. Depuis la décision Citizens United de la Cour suprême américaine, en janvier 2012, toutes les barrières pour limiter l’influence de l’argent en politique sont tombées. Le fonctionnement de l’institution chargé de contrôler ces financements, la Federal Elections Commission (FEC), est délibérément entravé par ses membres républicains. Le nombre de procédures de contrôle ou de sanction initiées par la FEC s'est effondré. Les financements des entreprises peuvent être canalisés à travers des PACs, lesquels sont soumis à certaines obligations de transparence. Mais l’argent arrive aussi, et de plus en plus souvent, par d’autres biais : sociétés fantoches créées pour l’occasion, organisations à but non lucratif, ou encore associations professionnelles. N’étant pas soumises à l’obligation de déclarer la source de leur argent, ces structures permettent aux entreprises ou aux milliardaires de peser sur les campagnes électorales en toute discrétion. Aucun moyen ou presque de savoir si les entreprises françaises et leurs filiales y ont recours, et dans quelle mesure.

 

 

- Neutralité de façade

Les entreprises qui souhaitent maintenir une neutralité de façade ont également recours à des associations professionnelles. Elles leur permettent de mener campagne de manière souterraine contre une législation ou un candidat. Si l’on ne connaît pas le montant des donations éventuelles effectuées par les firmes françaises, on connaît au moins les organisations professionnelles dont elles sont des membres actives, en siégeant au conseil d’administration. C’est le cas pour la plus puissante d’entre elles, la Chambre de commerce états-unienne (US Chamber of Commerce). Autrefois chambre de commerce classique, elle s’est muée en véritable machine de guerre au service des lobbies économiques… et des candidats républicains. L’US Chamber of Commerce est pour l’instant le principal financeur de la campagne électorale 2014, avec 31,8 millions de dollars dépensés au 25 octobre, quasi exclusivement en faveur de candidats républicains, et dans les circonscriptions les plus contestées [7].

 

« Quand des grandes entreprises décident qu’elles veulent pousser leurs propres candidats mais qu’elles ne souhaitent pas que cela se voit, elles appellent l’US Chamber of Commerce »,  explique Lisa Gilbert de Public Citizen . On sait peu de choses sur ces généreux contributeurs. Mais deux entreprises françaises, Sanofi et Air Liquide, siègent, via leurs directeurs exécutifs, au Conseil d’administration de l’US Chamber of Commerce. Sans surprise, le lobby patronal est aujourd’hui l’un des principaux acteurs, à Washington comme à Bruxelles, de la promotion du traité de libre-échange transatlantique (TTIP).

 

 

- 150 millions de dollars en loblying

Les associations professionnelles sectorielles jouent aussi un rôle important dans la campagne. L’American Chemistry Council (Conseil américain de la chimie), grand défenseur du gaz de schiste et pourfendeur de la régulation des produits chimiques, a ainsi dépensé 2,4 millions de dollars. Air Liquide, Arkema, Solvay et Total en sont membres, et toutes, sauf Arkema, siègent à son conseil d'administration. Même phénomène pour l’American Petroleum Institute (Institut américain du pétrole), qui représente les intérêts de l’industrie pétrolière et gazière, ou PhRMA qui représente l’industrie pharmaceutique.

 

Les dirigeants des entreprises françaises expliqueront qu’ils ne font que suivre l’exemple – et souvent à une bien plus petite échelle – des entreprises nord-américaines avec lesquelles elles sont en concurrence. « Le système [états-unien] est totalement différent des usages européens », argumenteront-ils. Leurs entreprises doivent bien s’adapter ! Les entreprises françaises ne sont d’ailleurs pas avares en dépenses de lobbying. En quatre ans, vingt groupes français cotés ont ainsi dépensé près de 150 millions de dollars pour des actions de lobbying à Washington. Et on retrouve une partie de celles qui sont les plus impliquées dans l’actuelle campagne électorale, comme le montre le tableau ci-dessous [8].

 

  • Les 20 entreprises françaises les plus actives dans le lobbying à Washington

 

 

˜ Entreprise

Dépenses de lobbying déclarées

2010-2014, en millions de dollars

1 Sanofi 36,695
2 Airbus 18,965
3 Vivendi 15,32
4 Renault-Nissan 11,5
5 ArcelorMittal 7,97
6 Alstom 7,48
7 Alcatel-Lucent 6,31
8 Safran 5,792
9 Michelin 4,662
10 SNCF 3,95
11 AXA 3,89
12 Areva 3,58
13 Arkema 3,32
14 Sodexo 3,225
15 Pernod-Ricard 3,04
16 Lafarge 2,92
17 Air liquide 2,475
18 GDF Suez 2,28
19 Thales 1,84
20 Veolia 1,545

 

  • Problème :
    • Entre mener des actions de lobbying et s’immiscer directement dans une campagne électorale, en tentant d’influencer le résultat, il existe une frontière éthique.
    • Le rôle toujours croissant des entreprises et des milliardaires dans la vie politique est un sujet suffisamment polémique aux États-Unis – une importante campagne citoyenne est en cours pour limiter à nouveau rigoureusement le rôle de l’argent en politique – pour que des groupes français prennent davantage de précaution.
    • En particulier si c’est pour soutenir des candidats parmi les plus extrémistes. Et a fortiori lorsque ces groupes sont majoritairement ou partiellement propriété de l’État français, comme c’est le cas d’Airbus, d’Areva et de GDF Suez.
    • Les représentants de l’État au sein de ces groupes ont-ils pour mandat de cautionner le soutien financier à des climato-sceptiques ou des représentants de l’ultra-droite ?

 

 

- Entre business et idéologie

Ce que révèle l’implication des multinationales françaises dans la politique états-unienne, c’est aussi l’amalgame de plus en plus fort entre ce qui relève des « intérêts économiques bien compris » des entreprises et de l’idéologie. L’hostilité envers l’État régulateur, le déni du changement climatique ou de la gravité des diverses formes de pollutions, la promotion de la liberté individuelle… autant de points de convergence entre un certain radicalisme d’extrême-droite et la vision du monde néolibérale. C’est cette convergence nouvelle – inventée aux États-Unis depuis quelques années, et qui fonde aujourd’hui l’identité même du parti républicain – que les firmes françaises paraissent prêtes à encourager. Le feront-elles demain en France et en Europe ?

 

Notes

[1] Lire ici, en anglais.

[2La version longue de cette enquête est disponible ici.

[3] L'actionnariat d'AREVA est particulièrement stable. L'Etat français contrôle directement ou indirectement 86,52 % du capital d'AREVA. Le premier actionnaire est un établissement public, le Commissariat à l'Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA). La Banque Publique d'Investissement (BPI-Groupe) constitue également un actionnaire public de la société. Source

[4Lire ici.

[5Il est l’auteur d’un livre paru en 2012 intitulé Le plus grand hoax de tous les temps : comment la conspiration du changement climatique menace votre futur (The Greatest Hoax : How the Global Warming Conspiracy Threatens Your Future).

[6Voir ici.

[7Voir le rapport publié il y a quelques jours par l’ONG Public Citizen. Lire aussi cette enquête du Washington Post.

[8Ces données sont aussi tirées du site OpenSecrets.org. Elles sont vraisemblablement très incomplètes, pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos des financements politiques, notamment le rôle des associations professionnelles.

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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 10:34
La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

Sources :  Blog de Jean-Luc Mélenchon le 05 novembre 2014 (Texte publié dans La Revue internationale et stratégique N°95 (IRIS))

La France dispose du deuxième territoire maritime du monde. «Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée ». Cette phrase de Richelieu porte toujours : le gouvernement de François Hollande méprise ce potentiel de notre pays. La mer est pourtant le nouvel horizon de l’humanité. Elle est aussi un bien commun essentiel gravement menacé. Et la France ? Son devoir est fixé par son rang. C’est une opportunité fantastique pour notre peuple dans le siècle qui commence. La mer a le goût du futur pour les Français.

 

 

- La mer, nouvelle frontière de l’humanité

La mer est d’abord un espace plus méconnu que la surface de Mars ! Cependant c’est l’espace le plus vaste de notre planète ! Plus étendu que le monde connu lui-même : les océans couvrent 70 % de la surface du globe. Observons que plus des deux-tiers de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres d'une côte. La suite se devine. Car l’expansion humaine a fini d’occuper l’essentiel de la surface disponible sur la terre ferme. Avec 7 milliards d’individus, l'humanité est vouée à se tourner davantage vers la mer pour y trouver les ressources qui lui manque à terre : alimentation, eau potable, énergie, etc. La France dispose d’un trésor.

 

 

- L’entrée en mer a commencé

N’en parlons pas au futur. L’entrée de l’humanité en mer a déjà commencé. Elle a débuté sur le mode néolibéral productiviste : la cupidité commande. Le saccage est largement engagé. Directement, par le pillage, ou comme conséquence des pratiques à terre. Du peu qu’on en voit, le pire est déjà là. Ainsi cette immense zone morte de 22 000 km² dans le golfe du Mexique : la vie marine y a totalement disparu, à cause des pollutions d'origine agricole ruisselant dans le Golfe. Face à Cassis, la calanque de Port-Miou se remplit des boues rouges de l’usine de bauxite. Quant à l’explosion du trafic maritime, on sait son prix en termes de dégazages sauvages ou de naufrages volontaires des vieilles carcasses (beaching). La haute mer n’est pas épargnée, comme en atteste ce sixième continent, fait de milliards de déchets plastiques flottants empilés sur plus de vingt mètres.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

Et pourtant la mer nous fait vivre déjà un bouleversement inouï. Certes, la pisciculture est souvent une abomination pire que celle des élevages porcins. Pour autant, elle est un exemple particulièrement spectaculaire si l’on veut bien y réfléchir. Pour la première fois de l’Histoire, en 2013, les quantités de poissons produits par l'aquaculture égalent les quantités pêchées ! Le temps de la « cueillette » en mer est en train d'être dépassé. Exactement comme la chasse a été remplacée par l'élevage il y a près de dix mille ans.

 

 

- La mer, un bien commun menacé

La mer est indispensable à l’écosystème qui rend possible la vie humaine. Toutes les généalogies d’êtres vivants ont commencé en mer. Elle reste le grand régulateur de notre écosystème. Elle absorbe 80 % de la chaleur produite par la planète et 20 % des émissions de CO2. Sans les mers, le changement climatique serait plus rapide, le sort de la vie humaine probablement déjà réglé. La mer est donc un bien commun de l’humanité. La question n’est pas de savoir s’il faut s’intéresser à elle, mais comment et pour quoi faire. Va-t-on reproduire au large les mêmes dégâts que ceux provoqués à terre ? Ou bien en entrant en mer de façon maîtrisée n’allons-nous pas du coup changer le mode de production terrestre ? La France peut agir de façon décisive. Elle ira en tête de ce nouvel âge de l’expansion humaine. « Liberté-égalité-fraternité » est une meilleure préparation à l’universalisme maritime que l’étroit appel au « deutschen Volke » invoqué sur la façade du Bundestag ou le stupide « in God we trust » proclamé sur chaque dollar ! Sinon ? Voyez la pente prise : aujourd’hui, ce bien commun est tellement malmené ! Saccagé par le productivisme. Pillé par l’appropriation privée. Déchiré par les tensions entre et à l’intérieur des nations.

 

 

- La menace du productivisme

Ce n’est sans doute qu’un début. Premier réservoir des ressources rares, la mer aiguise de féroces appétits. Elle contient 90 % des réserves d'hydrocarbures de la planète et 84 % des réserves de minerais et de métaux. Allons-nous laisser les firmes transnationales exploiter ces ressources comme elles l'entendent ? Les marées noires sur les côtes n’ont-elles pas suffi à nous alerter ? Elles se multiplieront si nous laissons exploiter les hydrocarbures qui se trouvent au fond des mers, comme ce projet de forage à 3 000 mètres de fond face au cap Horn, ou au large de la Guyane française. La mer est la première réserve de biodiversité. Nous connaissons à peine 15 % de la faune et de la flore marines. Cette merveille sera-t-elle détruite alors même qu’elle contient tant de réponses concrètes aux limites actuelles de la connaissance en biologie ?

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- La mer, au cœur des tensions politiques et géopolitiques

La mer est à l’origine de tensions géopolitiques. Certes, ce n’est pas nouveau. Mais les tensions existantes se renforcent et de nouvelles se créent. La lutte pour l'appropriation de l’espace maritime fait rage. Dans chaque nation, ce sont les conflits d'usage entre pêcheurs et plaisanciers, entre implantations d’éoliennes et zones de pêche. Il en va de même entre les nations. Des îlots au sous-sol maritime prometteur, hier ignorés, deviennent des enjeux pour lesquels se déploient navires de guerre russes, japonais ou chinois. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces de l'Arctique aiguisent les appétits. Les zones libérées des glaces ne sont pas toutes cartographiées. Où passe la frontière entre la Russie et le Canada ? À qui appartiennent le sol et le sous-sol marins ? La France est muette. Jusqu’à ce qu’au Sud, la Terre Adélie française soit disputée ?

 

 

- La menace de la privatisation

Partout, la privatisation de tous les usages de ce bien commun est à l'œuvre. Voyez en Grèce la privatisation du port du Pirée à Athènes, ou la vente à la découpe du littoral. Le Parlement français vient, pour sa part, d’autoriser les mercenaires privés à protéger les navires pour compenser le désengagement de la Marine nationale. Et l'Union européenne (UE) a acté la création de droits de pêche qui pourront se vendre ou s’acheter. Cela revient à reconnaître un droit de propriété sur une partie de la ressource avant même qu’elle n’ait été récupérée. D’où vient ce droit ? Quelle est sa légitimité ? De tels droits transférables développent la financiarisation de la pêche au profit des grands groupes. Comme l’a dit si justement Isabelle Autissier lors des Assises écosocialistes de la mer organisées par le Parti de Gauche en janvier 2014 à Toulon : « ceux-là placent de l’argent dans le poisson comme ils en placeraient dans la chaussette. Et le jour où il n’y a plus de poissons, ils retournent dans la chaussette. Le pêcheur, lui n’a pas d’autre choix que de préserver la ressource ». Le capitalisme financier est une maladie mortelle pour la biomasse marine !

 

 

- Faire entrer la politique en mer

Parfois la mer est là en politique. Comme touche d’évasion exotique de programmes austères. Hors sujet ! Les questions maritimes interpellent directement le cœur des raisonnements politiques.

 

 

- Un enjeu de civilisation

La mer est au carrefour des grandes bifurcations de notre temps. La bifurcation anthropologique d’abord : l’humanité est plus nombreuse et plus urbaine que jamais. Et c’est sur les littoraux que se trouvent les plus grosses et les plus dynamiques concentrations de populations. Puis vient la bifurcation géopolitique : la concurrence du leadership mondial des États-Unis par la Chine se traduit en termes maritimes, les États-Unis s’arc-boutent sur l’Alliance atlantique pour se tourner plus fortement vers le Pacifique d’un point de vue commercial ou militaire. La bifurcation climatique donne encore plus de poids aux enjeux maritimes. Imaginons les conséquences sociales de la montée du niveau des mers. Imaginons les conséquences géopolitiques de l’ouverture régulière des routes maritimes passant par le pôle Nord : que deviennent alors les canaux de Suez et de Panama ? Et s’il est possible d’éviter les canaux, pourquoi limiter la taille des navires et donc des ports ? La carte de la puissance économique en sera bouleversée. La mer est au cœur des enjeux planétaires.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Une responsabilité particulière pour la France

Selon le service hydrographique et océanographique de la Marine, notre pays compte 18 000 kilomètres de côtes. Surtout, avec 11 millions de km², nous disposons du deuxième territoire maritime du monde, juste derrière les États-Unis ! Ce territoire représente plus de seize fois notre territoire terrestre. C’est alors un changement de paradigme national : 97 % du territoire maritime français se situe dans nos outre-mers, si souvent dédaignés. C’est surtout un enjeu international. La France a le 41e territoire terrestre du monde. Mais en additionnant les territoires terrestre et maritime, la France est le sixième géant du monde, juste derrière le Brésil, mais devant la Chine ou l’Inde ! Combien de Français savent que le territoire national s’est accru de 10 % sans une guerre, dans les années 2000 ? Cela parce que la France, avec le programme Extraplac, a pu remettre à temps à l’Organisation des Nations unies (ONU) les preuves scientifiques prouvant la continuité physique des nouveaux territoires maritimes connus avec ceux déjà reconnus à notre pays. Sur cette nouvelle mappemonde, la France n’est plus la petite nation « occidentale » qu’a fait d’elle son adhésion à l’OTAN. C’est une puissance universaliste présente sur les cinq continents dans leur contexte maritime. Ses alliances sont nécessairement altermondialistes plutôt qu’atlantistes.

 

 

- La France défaite

Cette responsabilité et ce formidable potentiel sont totalement ignorés.

 

 

- Prétendue compétitivité contre intérêt général

La poursuite aveuglée de la « politique de l’offre » conduit à un rabougrissement de la pensée dont notre politique maritime est l’une des premières victimes. Les exemples sont légion. Le président de la République ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Il n'y a pas une ligne sur la mer dans le rapport de Louis Gallois sur la compétitivité du pays ni dans le Pacte de compétitivité que le gouvernement Ayrault a présenté dans la foulée ! Quant aux 34 « plans filières » de la « nouvelle France industrielle » présentés par Arnaud Montebourg, ce n’est guère mieux. À peine une trace. On y trouve tout juste dix mots sur les énergies marines, noyés dans l'ensemble du plan sur les énergies renouvelables. Et un seul des 34 plans concerne spécifiquement la mer : il s'agit de la filière de construction des « navires écologiques ».

 

 

- Libéralisme contre indépendance nationale

Mais même dans cette filière, l’inaction est de mise si l’on en juge par l’absence de réaction gouvernementale au départ de l’actionnaire coréen STX, détenteur de 66% des chantiers navals de Saint-Nazaire. Pourtant, l’État est déjà actionnaire à hauteur de 34 %. Le départ de STX pourrait être l'occasion de retrouver une participation majoritairement publique et nationale dans ce groupe. Ce serait un atout précieux pour engager la conversion de la filière, pour construire mieux et déconstruire proprement les navires. 120 navires de guerre à démanteler, 5 000 bateaux de pêche, 20 000 bateaux de plaisance en fin de vie chaque année sont ignorés. Mais le gouvernement laisse faire. Comme il laisse Veolia couler le plan de sauvetage de la SNCM, qui prévoyait l’achat de quatre navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié qui auraient dû être produits à Saint-Nazaire.

 

Le cas Alstom est emblématique de ce laisser-faire contraire à l’intérêt national maritime. Alstom est un pionnier des hydroliennes et des éoliennes offshore, désormais à moitié abandonnées à General Electric. L’entreprise a même remporté l’appel d’offres pour l’implantation du premier champ d’hydroliennes au large des États-Unis. Notre Marine nationale dépend aussi directement de cette entreprise pour les turbines de ses plus éminents vaisseaux : le porte-avions Charles de Gaulle et les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. C’est par la mer que l’avenir d’Alstom est le plus intimement lié à l’indépendance nationale. À cette démission s’ajoute une politique d’économies mutilantes : la politique d’austérité frappe durement le secteur. Le budget de l’État pour la Mer a ainsi été réduit de 5 % en 2013, puis de 2 % en 2014. Et ce n’est pas fini : le plan de 50 milliards d’euros d’austérité prévu pour la période 2015-2017 va encore frapper.

 

 

- La mer, nouvel horizon français

Dans le secteur maritime aussi, tout est à reconstruire. L’intérêt général doit reprendre le dessus. Dès lors la mer nous invite à rebâtir la France elle-même.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Vive la « souveraineté maritime »

C’est de la souveraineté du pays, et donc de son peuple, dont il est question. L’heure est venue pour la France de reconquérir sa « souveraineté maritime ». Cela commence par la connaissance et la protection du territoire national. La Marine nationale doit avoir les moyens de protéger nos côtes, nos fonds marins mais aussi les navires battant pavillon français face aux pirateries. La défense du pavillon français passe également par la lutte contre les pavillons de complaisance et le dumping. Nous devons pouvoir lutter contre la pêche illégale avec nos propres moyens de surveillance et d’arraisonnement. Nous devons pouvoir protéger nos littoraux et l’écosystème marin sous notre souveraineté : la lutte contre les pollutions nécessite des moyens pour l'action de l'État en mer et pour les douanes.

 

Notons encore ceci : notre souveraineté en matière d'approvisionnement pétrolier par la mer implique une option protectionniste pour développer une flotte sous cocon. Je note ce point pour que l’on comprenne l’enchaînement de décisions qui conduisent de la souveraineté en mer à l’industrie. Pour garantir la souveraineté de notre approvisionnement, l’arsenal législatif existant est insuffisant. La loi de 1992, qui fixe un quota minimum d'importation de pétrole brut sous pavillon français, doit être étendue aux produits raffinés et le quota déjà fixé doit être relevé. Cela suppose que nous soyons capables de construire, réparer, démonter et recycler nous-mêmes les navires affectés à cette tâche.

 

 

- Un laboratoire de l’écosocialisme

Parler de la mer, c’est reconsidérer ce que nous faisons à terre. Le lien est évidemment physique. Le tsunami à Fukushima nous enseigne qu’un fait naturel prend un impact nouveau avec la présence d’installations humaines sur les côtes. La hausse du niveau des mers concernera tout le monde. La question se pose sous nos yeux, sur nos littoraux. La moitié de la population française vit à moins de 100 kilomètres d’une côte. Combien d'installations faudra-t-il déménager ? Qui va organiser cela ? Le marché ? Songez à l’aéroport de Nice par exemple, construit partiellement sur une avancée en mer. Pensez à la centrale nucléaire du Blayais, sur l’estuaire de la Gironde, que la tempête de 1999 a déjà failli noyer. La mer grignote le bâti que l’argent roi lui impose sans précaution. Et comment relancer nos ports sans développer, à terre, les zones multimodales nécessaires ? Mais le lien est surtout intellectuel. Il s’agit du modèle de développement, de la gestion des biens communs, de la prise en compte de l’impératif écologique. La mer est un domaine concret de l'écosocialisme. Elle ne peut être l’espace réservé à une pratique écologique tandis que tout continuerait comme avant à terre. L’aval commande ici l’amont ! L’économie de la mer étend nécessairement le modèle de l’économie écologique à tout le système productif.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Un formidable potentiel d’énergies renouvelables

L’une des applications les plus évidentes est dans le processus de transition énergétique. Au niveau mondial, on estime que la mer est une réserve énergétique quatre-vingt fois supérieure aux besoins actuellement recensés. Pour sortir des énergies carbonées – et du nucléaire –, il nous faudra produire de l'électricité autrement. Notre territoire dispose d'un énorme potentiel. La France a ainsi le deuxième gisement hydrolien d’Europe, permettant de produire de 3 à 5 gigawatts soit l’équivalent de deux à trois centrales nucléaires. Il faut y ajouter l’éolien offshore, l’exploitation de l’énergie mécanique des mers ou encore des différences de température entre le fond et la surface des mers. Nos outre-mer peuvent montrer la voie et trouver un espace de développement en visant l’autonomie énergétique. Mais le littoral métropolitain est tout aussi riche. L’un et l’autre peuvent, en toute hypothèse, extraire l’électricité naturellement contenue dans l’eau. Encore faut-il s’en donner les moyens ! Quel spectacle lamentable de voir nos champions industriels s’affronter au lieu de coopérer : Alstom produit des éoliennes offshore avec EDF contre GDF, mais des hydroliennes avec GDF contre EDF ! À quand un pôle public de l’énergie permettant de faire travailler ensemble ces entreprises ? J’ajoute que l’exploitation de ce potentiel d’énergies marines ne s’oppose nullement aux activités des pêcheurs si j’en crois ce qu’on m’a dit à Saint-Malo : les pêcheurs s'apprêtent à utiliser les pieds des éoliennes pour élever des homards.

 

 

- Le nouvel or sera-t-il vert ?

La mer fournit aussi des pistes solides pour sortir du pétrole. Par exemple pour produire du plastique à partir d'algues. Les brevets sont en Bretagne. Ils permettent déjà de fabriquer des coques de téléphone, des porte-cartes et même des jouets de plage ! On est encore loin de concurrencer les productions plastiques à base de pétrole. Mais la commande publique pourrait aider à cette conversion, par exemple en équipant de porte-cartes en algues les usagers des transports en commun.

 

Il en va de même des algocarburants. À surface égale, les algues produisent trente fois plus de carburants que les agrocarburants comme le colza. De plus, les conditions de production d’algues sont relativement simples à réunir : de l’eau, du soleil et du CO2. Pourtant, notre production reste résiduelle. Car aujourd’hui, la production d’algocarburants coûte dix à quinze fois plus cher que celle d’agrocarburants, si l’on met de côté le coût social et humain de cette production. Le marché sera donc incapable d’intégrer cette alternative dans le mix énergétique.

 

Autre exemple : l’algoculture pour l’alimentation. C’est également l’une des clés du monde de demain. Il est illusoire et dangereux de vouloir nourrir en protéines 7 milliards d’êtres humains uniquement par l’élevage animal ou la pêche. Même la pisciculture n’y suffira pas. Par contre, la micro-algue spiruline produit neuf tonnes de protéines par hectare cultivé, soit neuf fois plus que le soja !

 

Au-delà des algues, plusieurs organismes marins offrent à la science et à la médecine des horizons nouveaux. Bien sûr, la recherche est encore en cours et il ne peut être question d’idéaliser la science et la technique sans réfléchir à leur utilisation. Mais comment taire l’espoir formidable que représentent les essais de création d’un sang humain de substitution à partir de l’hémoglobine du ver de vase Arenicola marina ? Ou les potentialités offertes à la recherche contre le cancer par les travaux sur les cellules des éponges ? Dans tous ces domaines, les Français marchent en tête du savoir-faire.

 

 

- La mer, volant d’entraînement pour la relance de l’activité

Une fois bien compris le potentiel à notre portée, il faut raisonner. L’austérité et la politique de l’offre condamnent le pays à l’anémie durable et généralisée. Laisser au marché le soin de découvrir les produits demandés, c’est s’interdire de peser sur le choix des activités à développer et se rendre incapable de faire régresser les activités écologiquement insoutenables. L’économie de la mer est à l’inverse le moyen d’une relance écologique de l’activité. Elle constitue un volant d’entraînement de premier plan : les activités choisies, à leur tour, opèrent une sélection de demandes et de consommations. Notre scénario de relance est donc sélectif. L’économie de la mer est un point d’entrée. Elle couvre un champ très large : recherche, construction et déconstruction navale, algoculture, pisciculture, biotechnologie, énergie, tourisme bleu, etc. L’impact de la relance traverse tous les secteurs et toutes les régions. Par exemple, les hydroliennes et éoliennes offshore consomment des aciers fins produits en Lorraine. L’effet d’entraînement traverse tous les métiers. Car l’investissement et les salaires distribués finissent par atteindre tous les compartiments d’activité, notamment ceux qui vivent directement de la consommation populaire, comme les commerçants. Voilà résumé comment relancer l’activité par une planification écologique de l’entrée en mer, et des investissements publics pour la réorienter en même temps. L’économie de la mer peut être le point de départ d’un engrenage vertueux. Elle produit déjà plus de 50 milliards d’euros de richesses par an, soit 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et emploie déjà plus de 300 000 personnes. On sait donc que c’est possible !

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- L’économie de la mer se prépare aussi à terre

Un tel appel d’air serait-il soutenable par notre population active ? Oui, en nombre. Non, pour ce qui concerne les qualifications professionnelles disponibles. J’ai connu, comme ministre de l’Enseignement professionnel, la situation de la région de Saint Nazaire, en 2001. La croissance était de plus de 2 %. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée était paralysante. Ici, je n’évoque que la situation du chantier naval. Car ce type de chantier met en mouvement des dizaines de métiers dont on n’imagine pas à première vue qu’ils sont concernés. Par exemple, il faut beaucoup de menuiserie pour construire un bateau. En fait, tous les métiers du second œuvre du bâtiment sont sollicités, en plus de toutes les tâches strictement liées à la métallerie. Un chantier naval, en période de plein emploi régional et donc de pénurie de main-d’œuvre, fonctionne comme un aspirateur à main-d’œuvre qualifiée. Non seulement il en manque sur le chantier, et cela se paie d’une intensification des cadences, mais il en manque également partout ailleurs chez les artisans et les entreprises de la région. Notre relance impliquera donc un terrible coup de collier éducatif pour préparer la main-d’œuvre qualifiée nécessaire, de l’ingénieur à l’ouvrier hautement qualifié.

 

Bien commun, souveraineté nationale, politique économique, transition écologique, qualifications professionnelles : la mer est un domaine d’intérêt général. C’est de la reconstruction du pays et de l’horizon du peuple français qu’il est question. C’est donc un formidable défi lancé à l’intelligence. Mettons nos pas dans ceux de Fernand Braudel : « La mer… À elle seule, elle est un univers, une planète ». Il est temps de s’emparer des enjeux posés par la mer à la civilisation humaine. Il est temps pour la France de donner l’exemple.

 

Jean-Luc Mélenchon
Député européen.

 

Le présent texte à votre disposition en téléchargement

Les possessions maritimes de la France - Crédit photo : Ifremer

Les possessions maritimes de la France - Crédit photo : Ifremer

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7 novembre 2014 5 07 /11 /novembre /2014 09:25
Le voile n’est ni arabe ni islamique... et l'abaya !

Du voile..... au burkini en passant par l'abaya

 

 

La dénomination « voile islamique » suggère explicitement que le port du voile est une prescription de la religion musulmane, alors que, d’une part, il ne semble pas s’imposer dans toutes les communautés musulmanes, et que, d’autre part, il a existé et il existe encore dans des communautés non musulmanes. Le voile féminin a une longue histoire qui date de plusieurs millénaires avant l’Islam.

La première preuve textuelle du port du voile vient de la Mésopotamie, où le culte de la déesse Ishtar était associé avec la prostitution sacrée. Ishtar est représentée voilée. Dans un hymne, l’Exaltation d’Inanna(nom sumérien donné à Ishtar), écrit vers 2300 avant J.C. par le grand prêtre du dieu de la Lune à Ur, cette déesse est appelée hiérodule (prostituée sacrée) d’An, An étant le plus ancien dieu des Sumériens.

 

 

Sources : TUNISIADaily par Hannibal GENSERIC | mis à jour le 21/09/2023

- Le premier document légal qui mentionne les prostituées sacrées, ou hiérodules, est le Code d’Hammourabi, qui date de 1730 av. J.-C.

Le code mentionne les fonctionnaires du culte. À Sumer, la hiérodule à la tête des servantes du culte, est appelée l’épouse ou la sœur du dieu. Elle avait sa maison attitrée et elle était protégée contre les atteintes aux mœurs de la même manière que les femmes mariées, en se couvrant d’un voile. Par la prostitution sacrée, la puissance de la fertilité de la déesse est transférée au roi. Celui-ci était regardé en Mésopotamie comme garant de la fertilité du pays et de son peuple, et en général de la prospérité et du bien-être du royaume. Chaque année au nouvel an, le souverain était tenu « d’épouser » l’une des prêtresses d’Inanna, afin d’assurer la fertilité des terres et la fécondité des femelles.

 

 

- Chez les anciens sémites, ancêtres des Cananéens, des Phéniciens, des Hébreux et des Arabes

Chez ces peuples qui ont vécu des milliers d’années avant l’Islam, on avait déjà imposé le voile aux femmes pour se couvrir les cheveux. En effet, les anciens sémites considéraient la chevelure de la femme comme le reflet de la toison du pubis.

 

Si le voile des courtisanes et des danseuses est attesté au Proche-Orient ancien, il est cependant principalement un attribut de l’épousée et, à certaines époques, de la femme mariée. La documentation du IIe millénaire av. J.-C. montre que dans les familles royales syriennes du xviie s. avant J.C, il est d’usage de poser un voile sur la tête de la « fiancée ». La même pratique est décrite à Emar (une cité mésopotamienne située sur la rive de l’Euphrate dans le nord-ouest de l’actuelle Syrie), dans le rituel d’installation de la grande prêtresse au temple de Ba’al, dieu phénicien, qui constitue symboliquement un mariage avec la divinité : la femme sort de chez elle et « on couvre sa tête comme une épousée avec une écharpe bariolée provenant de la maison de son père » (D. Arnaud, Recherches au pays d'Astata Emar VI.3, no 369 l. 63-64).

 

Dans la seconde moitié du IIe millénaire, le voile devient, en Assyrie, un signe distinctif des femmes mariées et plus largement des femmes honorables. Le § 40 des Lois assyriennes décrit longuement les femmes qui peuvent se voiler en public (épouses, veuves, Assyriennes, filles de famille, concubines accompagnant leur maîtresse et prêtresses - qadištu mariées), et celles auxquelles ce privilège est interdit (célibataires, prostituées, esclaves). Le port du voile est un devoir pour les premières mais non une obligation : aucune sanction n’est prévue contre elles si elles sortent nu-tête ; au contraire, les secondes sont punies de peines corporelles (bastonnade, essorillement c’est-à-dire action de leur couper les oreilles) et humiliantes (effusion de poix sur la tête de la prostituée). La non dénonciation du port illicite du voile est passible de châtiments corporels semblables.

 

Le voile est ainsi, au moins dans les « statuts urbains » d’Assour, l’expression d’une discrimination juridique qui sert de base à un discours moralisant.

 

 

- Le voile dans la tradition juive 

La tradition du voile s’observe aussi dans la Bible, comme en témoigne l’histoire de Rebecca (Genèse 24), qui, mariée à distance à Isaac par un serviteur d’Abraham mandaté pour cela, se couvre de son voile dès qu’elle aperçoit son mari. La tradition juive a longtemps considéré qu’une femme devait se couvrir les cheveux en signe de modestie devant les hommes.

 

Selon Dr Menahem M. Brayer (Professeur de Littérature Biblique à l’Université Yeshiva de New York) dans son livre  »The Jewish woman in Rabbinic literature’‘, plusieurs siècles avant J.C., les femmes juives avaient pour habitude de sortir en public avec une couverture sur la tête et, souvent, ne laissaient paraître qu’un œil libre pour pouvoir marcher dans la rue. Il rapporte quelques citations d’anciens rabbins réputés, “ce n’est pas bien pour les filles d »Israël de sortir avec les têtes dévoilées” et “Maudit soit l’homme qui laisse les cheveux de son épouse être vus, une femme qui expose ses cheveux apporte la pauvreté.”

 

La loi rabbinique interdit la récitation de bénédictions ou les prières en présence d’une femme mariée tête nue ; car le dévoilement des cheveux de la femme est assimilé à la nudité. Aujourd’hui, la plupart des femmes juives pieuses ne se couvrent pas les cheveux, sauf dans la synagogue. Chez les intégristes juifs, comme la secte hassidique, les femmes continuent à se voiler les cheveux ou à porter une perruque pour cacher leurs cheveux.

 

Aujourd’hui, des femmes juives sont voilées à Tel-Aviv

La « frumka » est une tenue vestimentaire adoptée ou imposée à certaines femmes juives par des groupes ultra-orthodoxes regroupé sous le terme de « Haredim ». Elles ont l’obligation de porter un voile et un large manteau masquant tout leur corps et sont interdites de maquillage ainsi que de téléphone cellulaire… en public. Ceci afin de préserver le statut et le respect des femmes pour elles-mêmes en application des enseignements de la religion juive, qui appelle au respect de la moralité et à la décence….

 

 

- Le voile dans la tradition chrétienne

Chez les chrétiens, c’est Saint Paul qui, le premier, a imposé le voile aux femmes. Dans l’épître aux Corinthiens, il écrit « Toute femme qui prie ou parle sous l’inspiration de Dieu sans voile sur la tête commet une faute comme si elle avait la tête rasée. Si donc une femme ne porte pas de voile, qu’elle se tonde ou plutôt qu’elle mette un voile, puisque c’est une faute pour une femme d’avoir les cheveux tondus ou rasésL’homme ne doit pas se voiler la tête, il est l’image et la gloire de Dieu mais la femme est la gloire de l’homme car ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit porter la marque de sa dépendance ».

 

Saint Tertullien, dans son traité réputé « Sur le fait de Voiler de Vierges », a écrit : “Jeunes femmes, vous portez vos voiles dans les rues, donc vous devriez les porter dans l’église, vous les portez quand vous êtes parmi les étrangers, portez- les aussi parmi vos frères”. Dans le droit canon de l’Église catholique aujourd’hui, il y a une loi qui exige des femmes de couvrir leurs têtes dans l’église. La raison pour le voile, pour les chefs de l’Église, est que “la couverture de la tête est un symbole de la soumission de la femme à l’homme et à Dieu” : la même logique présentée par Saint Paul dans le Nouveau Testament.

 
  • Certaines sectes chrétiennes, comme les Amish et les Mennonites, gardent leurs femmes voilées de nos jours.

 

 

- Que dit le Coran sur le voile

« Que dit le Coran sur le voile ? Rien. Mais strictement rien. Nulle part, il n’est question de la tête de la femme. Le mot « cheveux » (sha’ar, شعر) n’y existe tout simplement pas. Dieu ne dit ni de les couvrir ni de les découvrir. Ce n’est pas Sa préoccupation principale, et Il ne fit pas descendre le Coran pour apprendre aux gens comment se vêtir. Le terme ash’âr, اشعار  pluriel de sha’ar, n’y intervient qu’une seule fois (XVI : 80) pour désigner le poil de certains animaux domestiques. Rien, donc, dans le Coran, ne dit aux femmes explicitement de se couvrir les cheveux« . Mohamed Talbi [1]

 

Rappelons ici que c’est le Calife Omar Ibn Al Khattab, qui avait imposé le port du voile à toutes les femmes musulmanes de son époque et en avait interdit le port aux esclaves. Ce Calife « bien guidé » faisait fouetter toutes les esclaves qui « osaient » arborer le voile ou se « permettaient » de se couvrir la tête. En agissant ainsi, ce calife ne fait donc qu’imposer une tradition non seulement païenne mais, en plus, anté islamique : c’était celle des Assyriens, datant de 2.000 ans avant l’Islam ! Il nous rappelle le Mollah Omar, grand chef des Talibans afghans de triste réputation.

 

 

- Conclusions

La burqa, selon le spécialiste de l’Islam et politologue français Olivier Roy, est une invention récente du mouvement intégriste wahhabiste dans les pays du Golfe et au Pakistan. Le niqab et la burqa, , ces deux « linceuls pour femmes vivantes », n’ont jamais existé au Maghreb, jusqu’à une époque récente.

 

  • Niqab et burqa sont les archétypes de ce qu’il y a de pire honte imposée aux femmes.

 

- En effet,

  • quiconque accepte qu’un visage soit couvert nie l’humanité de l’autre.
  • Quiconque accepte de côtoyer un être vivant, entièrement recouvert, emballé comme un sac, intégralement masqué, et donc sans aucune identité visible, se fait, qu’il le veuille ou non, le collaborateur de cette vile et insupportable négation.

 

- Qui, en effet, se cache depuis toujours le visage ?

  • Les bourreaux, et les égorgeurs accomplissant leurs crimes.
  • Les kamikazes islamistes qui se dissimulent dans la foule pour accomplir leur forfait ;
  • Les racistes du Ku Klux Klan.
  • Les esclaves perdus des tristes comédies sadomasochistes.
  • Les pénitents de rituels médiévaux,
  • Les voleurs, braqueurs, et autres hors-la-loi, pour qui l’anonymat est une seconde nature.
  • Sans parler des pédophiles et autres crapules sexuelles.

 

Il apparait donc clairement que :

  • Les premières apparitions du voile avaient pour but de cacher les prostituées aux yeux de la population, et de discriminer ainsi les prostituées des autres femmes. Les femmes « respectables » étaient celles qui n’étaient pas voilées.

  • Dans les traditions sémitiques et moyen orientales archaïques, bien avant l’apparition de l’Islam, le voile avait pour but de signifier l’appartenance et la soumission de la femme à l’homme : en premier lieu le mari (si elle est mariée), sinon son père, son frère, voire son oncle (si les autres sont décédés).

  • De tout temps et en tout lieu, les sectes intégristes de toutes les religions ont perpétué cette tradition archaïque.

  • Aujourd’hui, le voile a une signification politique et sectaire, il n’a rien à voir avec la religion musulmane. Il est assez incroyable que les pays réputés démocratiques, comme la France, autorisent le voile (burqa, hijab, …) et interdisent le port de la croix gammée.

 

Mustapha Kemal Ataturk, président de la Turquie de 1923 à 1938, avait trouvé la bonne astuce en faisant voter une loi qui contredit tout simplement celle des Assyriens, du calife Omar et du mollah Omar : « Avec effet immédiat, toutes les femmes turques ont le droit de se vêtir comme elles le désirent. Toutefois toutes les prostituées doivent porter la burqa. » Dès le lendemain, on ne voyait plus de burqa en Turquie.

 

  • Mais le monde musulman n’a pas tous les jours un Kemal Ataturk ou un Habib Bourguiba.

 

Aujourd’hui que la Turquie et la Tunisie, qui étaient socialement les pays les plus modernes du monde musulman, vivent sous des dictatures islamistes avec tout ce que cela comporte comme assassinats politiques et de procès d’inquisition, le monde musulman fait un formidable bond en arrière, encouragé en cela par un Occident obnubilé par l’odeur nauséabonde du gaz et du pétrole. Pour s’en convaincre, il n’y qu’à voir avec quel empressement les présidents américain ou français, toute honte bue, s’aplatissent devant les rois arabes, les pires despotes des temps modernes.

Par Hannibal GENSERIC

 

Août 2023 : Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale, déclare que le port de l’abaya sera désormais interdit en milieu scolaire

- Jean-Luc Mélenchon août 2023 : ABAYA ! LA PRISE DE TÊTE DE TROP

Abaya : lettre à mes compatriotes sur la laïcité et la République par Antoine Léaument, député France insoumise

 

Le voile n’est ni arabe ni islamique... et l'abaya !
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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 10:10
Retour sur les événements de Hong Kong

Source : RESISTANCE FER par D.R

Nos médias (les médias du capital, ne l’oublions pas !) adorent les manifestants hongkongais qui, par milliers prétendent-ils, brandissent des parapluies pour exiger la démocratie, la pure, la vraie, l’authentique !

Il paraît que le gouvernement chinois n’est pas d’accord. Il préférerait désigner lui-même les hommes qui dirigeront Hong Kong. Alors, qui a raison, les manifestants ou le gouvernement chinois ? Attention aux réponses un peu trop spontanées !

Nous qui avons l’expérience de cette démocratie dont rêvent, paraît-il, certains Hongkongais, on sait bien que celui qui gagne ce genre d’élection est celui qui a le soutien du capital : la presse lui passe la soupe tous les jours, les sondeurs expliquent qu’il est incontournable et les experts montrent que son programme est vraiment tout ce qu’il y a de plus raisonnable. En somme, le vainqueur est celui qui dispose de grosses sommes d’argent attribuées à sa campagne par ceux qui en disposent, et qui comptent avoir comme « élus » des gens qui prendront soin de leurs intérêts !

On l’a bien vu en France en 2007 lorsque la presse, les sondeurs et les experts ont largement contribué à promouvoir Nicolas Sarkozy. Les mêmes, en 2012, ont soutenu François Hollande ! On constate (comme c’est surprenant !) que l’un et l’autre mènent des politiques relevant de la même stratégie… en faveur du capital !

Dans le cas particulier de Hong Kong, on remarque que la méthode employée par les manifestants se rapproche des « révolutions orange » : une revendication soi-disant démocratique, un emblème simple à reconnaître (ici, les parapluies) et l’occupation permanente d’un lieu central.

Le gouvernement chinois et les Hongkongais ont bien repéré ce qui se tramait.
La main étasunienne et britanique ne fait aucun doute ! Cette revendication « démocratique », si elle était effectivement mise en œuvre, aurait en effet comme conséquence à court terme de séparer Hong Kong de la Chine, et de revenir sur l’accord de rattachement de 1997.

Car si on parle auourd'hui de rattachement, c’est qu’il y avait auparavant séparation : pendant les
guerres de l'opium au milieu du XIXème siècle, les puissances coloniales avaient obligé le gouvernement chinois de l’époque à concéder des territoires à leur profit exclusif, sous forme de bail de long terme. C’est ainsi que Hong Kong, territoire chinois, est devenu britannique. À l’époque, les Chinois ont parlé de « traités inégaux », dont fait partie le traité de Nankin.

Les Britanniques pensaient bien que Hong Kong leur appartenait toujours. Mais, au terme de ce long bail centenaire, le gouvernement chinois a fait valoir ses droits et signifié à la Grande-Bretagne qu’il ne serait pas renouvelé : Hong Kong allait redevenir une terre chinoise, gouvernée par la Chine.

La République populaire de Chine et le Parti communiste chinois avaient bien préparé l’affaire : pour convaincre les Britanniques de ne pas faire d’histoire et apaiser les craintes de l’économie hongkongaise, l’accord proposé se résumait en : « un pays, deux systèmes » (c’est d’ailleurs la même proposition que fait la Corée du Nord à la Corée du Sud depuis 1953 : « un pays, deux système »).


L’économie de Hong Kong relève donc d’un système capitaliste, sous contrôle de Pékin. Hong Kong n’est donc pas « un pays indépendant » : c’est une province chinoise, mais administrée de façon très spécifique.

Il est certain que la Chine n’envisage pas un instant de revenir en arrière. Les guerres de l’opium sont bel et bien terminées et Hong Kong restera à la Chine.

Le gouvernement chinois a donc expliqué que le futur gouverneur de Hong Kong sera élu par les habitants du territoire. Cependant, les candidats ne pourront pas être des hommes sous influence faisant campagne avec des financements étasuniens et britanniques : Pékin propose donc des candidats qui portent le principe simple, mais complexe : « un pays, deux systèmes »…

Ce type de filtre est-il légitime ? Oui, parce que le « laisser-faire » favorise de fait la fortune, l’argent de l’étranger anglo-saxon, et, dans le cas particulier de Hong Kong, aurait pour but une nouvelle séparation.

On aura remarqué que le gouvernement chinois traite l’affaire par la négociation et un usage prudent des forces de police. Mais il ne cède pas. L’humiliation des traités inégaux du XIXème siècle n’est pas oubliée ! Aujourd’hui, la Chine a réglé les questions de frontières avec la plupart de ses voisins, en particulier la Russie. Reste la question de Taïwan et celles, en suspens, avec le Japon et le Vietnam.

Il y a là une tentative manifeste des États-Unis de déstabiliser la Chine. Il y en aura d’autres, soyons-en certains. N’accordons aucun crédit à ces manœuvres !

 

Pour en savoir plus :

- Des émeutes prodémocratie à Hong Kong

- Hong Kong : les États-Unis derrière le mouvement des parapluies ?

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21 octobre 2014 2 21 /10 /octobre /2014 13:40
Pourquoi l'austérité n'est pas la bonne politique économique
La situation de la zone euro le prouve : l'austérité a échoué. Le taux de chômage est à son plus haut et la récession menace à nouveaux plusieurs pays. Il est temps d'abandonner cette théorie totalement discréditée.
 
Source : Les Echos.frs par Joseph E. Stiglitz[1]

Selon un vieil adage, si les faits ne correspondent pas à la théorie, il faut changer la théorie. Mais trop souvent il est plus facile de garder la théorie et de changer les faits. C'est en tout cas ce que semblent croire la chancelière Angela Merkel et d'autres dirigeants européens partisans de l'austérité. Malgré les faits qui sautent aux yeux, ils continuent à nier la réalité.

 

 

- L'austérité a échoué.

Mais ses défenseurs prétendent le contraire sur la base de la preuve la moins tangible qui soit : l'économie n'est plus en chute libre. Mais si tel est le critère utilisé, on pourrait tout aussi bien affirmer que sauter d'une falaise est le meilleur moyen d'arriver en bas.

 

Toute crise se termine un jour. Il ne faut donc pas conclure à la réussite d'une politique du seul fait de la reprise économique, mais l'évaluer à l'aune des dommages dus à la crise et du temps qu'il aura fallu pour en sortir.

 

 

- De ce point de vue, l'austérité a été un désastre complet.

C'est évident si l'on considère les pays de l'UE qui sont à nouveau au bord de la stagnation, si ce n'est d'une récession, avec un chômage qui reste à des sommets et dans beaucoup de pays un PIB réel par habitant (corrigé de l'inflation) toujours inférieur à son niveau d'avant-crise. Même dans les pays qui s'en sortent le mieux comme l'Allemagne, depuis la crise de 2008 la croissance est tellement faible que dans d'autres circonstances on la qualifierait de lamentable.

 

Les pays les plus touchés sont en dépression. Il n'y a pas d'autres mots pour décrire l'économie de l'Espagne ou de la Grèce où près d'un quart de la population (et plus de la moitié des jeunes) est au chômage. Conclure que l'austérité est efficace parce que le taux de chômage a diminué de deux points de pourcentage ou parce que l'on entrevoit le frémissement d'une maigre reprise fait penser au barbier du Moyen Age qui prétendait que la saignée est un bon remède parce que le malade n'est pas encore mort.

 

En extrapolant les données sur la modeste croissance de l'Europe depuis 1980, j'ai calculé que le niveau de production de la zone euro est aujourd'hui inférieur de 15 % à ce qu'il aurait été si la crise financière de 2008 n'avait pas eu lieu. En valeur absolue c'est une perte cumulée de quelque 6.500 milliards de dollars dont 1.600 seulement pour cette année. Encore plus préoccupant, cette pente augmente au lieu de diminuer

 

 

- Autrement dit, la durée de la récession affecte le potentiel de croissance de l'Europe.

Les jeunes gens qui devraient acquérir des compétences sont inactifs et, lorsqu'ils auront un travail, leur salaire sera inférieur à ce qu'il aurait été en période de plein-emploi.

 

Quant à l'Allemagne, elle pousse les autres pays à adopter une politique qui affaiblit leur économie - et leur démocratie. Quand, à de multiples reprises, les citoyens votent en faveur d'un changement de politique (ils sont avant tout préoccupés par les mesures concernant leur niveau de vie) mais qu'on leur dit que les décisions se prennent ailleurs ou qu'ils n'ont pas le choix, la démocratie et la foi dans le projet européen en pâtissent.

Il y a trois ans les Français ont voté en faveur du changement. A la place du changement ils subissent une dose supplémentaire d'austérité au bénéfice des entreprises. L'une des propositions les mieux enracinées en matière d'économie est de rechercher un multiplicateur budgétaire équilibré - l'augmentation simultanée des impôts et des dépenses pour stimuler l'économie. Ce multiplicateur peut être particulièrement élevé si les impôts visent les riches et que les dépenses sont orientées vers les pauvres.

 

Mais sous les applaudissements de l'Allemagne, le soi-disant gouvernement socialiste de la France baisse la fiscalité des entreprises et diminue les dépenses - une recette pour affaiblir l'économie presque à coup sûr. Cette politique repose sur l'idée que la baisse de la fiscalité des entreprises va stimuler l'investissement. C'est une absurdité. C'est l'insuffisance de la demande qui limite l'investissement (tant aux Etats-Unis qu'en Europe), et non les impôts. Etant donné que la plupart des investissements sont financés par la dette et que le versement des intérêts est déductible des impôts, le niveau de la fiscalité des entreprises n'a que peu d'effet sur l'investissement.

 

De la même manière, on encourage l'Italie à accélérer les privatisations. Mais le Premier ministre Matteo Renzi a raison de dire que brader les biens du pays n'a guère de sens. Ce sont des considérations à long terme et non des impératifs financiers à court terme qui doivent déterminer les secteurs à privatiser.

 

La privatisation des retraites, par exemple, s'est révélée fort coûteuse pour les pays qui ont tenté l'expérience. Le systéme de santé aux Etats-Unis, qui est majoritairement privatisé, est le moins efficace du monde.

 

Toute la souffrance infligée aux Européens est d'autant plus tragique qu'elle est inutile. L'Allemagne et d'autres faucons ont doublé la mise sur l'austérité, jouant l'avenir de l'Europe sur une théorie discréditée de longue date alors que les preuves de son inefficacité s'accumulent !

 

 

 

 

 

 

Note
[1] Joseph E. Stiglitz, est prix Nobel d'économie et professeur à l'université Columbia  à New York
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20 octobre 2014 1 20 /10 /octobre /2014 13:49
La manipulation de l’opinion publique selon son inventeur

Le parti qui maintient l'ordre, c'est le parti médiatique ! (Jean-Luc Mélenchon à ONPC)

 

Le présent article propose une analyse du contexte historique et des fondements idéologiques de la théorie de la manipulation de l'opinion publique élaborée par Edward Bernays. Sauf indication contraire, l'ensemble des citations entre guillemets sont extraites du Propaganda (1928), dans sa traduction française parue en 2007 aux éditions Zones/La Découverte.

 

Sources : AGORAVOX Le média citoyen

La manipulation de l'opinion publique repose avant tout sur la manipulation du langage et, par là, des représentations mentales qui y sont associées. De ce point de vue, la propagande est d'autant moins une invention du XXe siècle que l'opinion publique et la presse était déterminantes en Europe depuis le XVIIIe siècle. La grande nouveauté de la « nouvelle propagande » d'Edward Bernays fut d'ériger la manipulation de l'opinion publique en une doctrine élaborée puisant aux sciences sociales et mise en oeuvre dans des techniques très abouties. Son époque était extrêmement favorable à l'éclosion d'une telle doctrine, autant du fait des découvertes anthropoliques et sociologiques que du large consensus de la société américaine autour du principe de la démocratie libérale.

 

 

- EDWARD BERNAYS (1891-1995), père de la « Nouvelle propagande »

La théorie de la manipulation de l’opinion publique est née au début du XXe siècle, au cœur même de la démocratie libérale des États-Unis. Son inventeur et théoricien fut Edward Bernays (1891-1995). Émigré à New-York avec sa famille peu après sa naissance, il suivit des études d’agriculture voulues par son père, avant de se tourner vers le journalisme. Collaborateur à la Medical Review of Reviews, sa vocation à « fabriquer les consentements » lui apparut à l’âge de 21 ans, lorsqu’il s’engagea à faire jouer une pièce de théâtre dont le sujet – jugé scandaleux pour l’époque – semblait interdire qu’elle pût un jour être montée. Pour y parvenir, il inventa une technique qui devait devenir l’un des grands classiques des relations publiques et qui consistait à faire d’un objet de controverse une noble cause à laquelle le public ne manquerait pas d’adhérer.

 

L’immense succès de la pièce convainquit Bernays de se consacrer entièrement à ce qu’il devait appeler pudiquement les « relations publiques ». Sa notoriété de publiciste ne cessa dès lors de croître, ce qui lui valut d’intégrer la Commission of Public Information, organisme créé par le gouvernement américain le 13 avril 1917 afin d’amener la population à soutenir sa décision, prise sept jours plus tôt, d’entrer en guerre. Cette commission fit la démonstration qu’il était possible de mener à bien et sur une grande échelle un projet de retournement d’une opinion publique fortement rétive. Comme à d’autres membres de la commission, ce succès inspira à Bernays l’idée de proposer en temps de paix, aux pouvoirs politiques comme aux entreprises, l’expertise d’ingénierie sociale développée durant la guerre : « C’est bien sûr, écrit-il, l’étonnant succès qu’elle [la commission] a rencontré pendant la guerre qui a ouvert les yeux d’une minorité d’individus intelligents sur les possibilités de mobiliser l’opinion, pour quelque cause que ce soit. »

E. Bernays (à droite) et S. Freud, (à gauche)

E. Bernays (à droite) et S. Freud, (à gauche)

Entre 1919 et l’éclatement de la crise en octobre 1929, Edward Bernays[2] devint non seulement le plus célèbre « conseiller en relations publiques » (désignation qu’il créa sur mesure en 1920, sur le modèle de l’expression « conseiller juridique »), mais également le plus éminent théoricien et apôtre des relations publiques.

 

Puisant aux sciences sociales – psychologie, sociologie, psychologie sociale, psychanalyse et autres – et à leurs techniques – sondages, consultation d’experts et de comités, etc. –, il s’efforça d’en définir les contours et les fondements philosophiques et politiques dans différents écrits, le plus significatif de ses ouvrages restant à ce jour son Propaganda rédigé en 1928. Affinant continuellement sa pratique, il multiplia les campagnes et les succès, dont le plus retentissant fut d’avoir amené, en 1929 pour l’American Tobacco Company, les femmes américaines à fumer. Nous reviendrons sur les plus caractéristiques de ses techniques de manipulation de l’opinion publique, mais il convient de dire d’abord quelques mots de l’idéologie politique qu’il contribua fortement à diffuser et qui devait marquer de façon indélébile les démocraties libérales de l’après-guerre.

 

 

- La « Nouvelle propagande »

Dans les années 1890, le physiologiste russe Ivan Pavlov (1849-1936) découvrit les lois fondamentales de l’acquisition et de la perte des « réflexes conditionnels », c’est-à-dire des réponses réflexes, comme la salivation, qui ne se produisent que de façon conditionnelle. Ses travaux sur la physiologie de la digestion furent très largement repris par la psychologie soviétique naissante pour fonder sa conception « mécaniste » de la psychologie humaine. La propagande soviétique devait en faire le plus grand usage avec le conditionnement idéologique, mais il devait aussi apparaître que de telles méthodes suscitaient des résistances insurmontables chez une petite minorité, y compris dans le cadre d’un programme de « rééducation » associant sous-alimentation et lavage de cerveau.

Ivan Petrovitch Pavlov en 1904.

Ivan Petrovitch Pavlov en 1904.

Ivan Petrovitch Pavlov[3] avait une conception similaire, également inspirée des travaux d’Ivan Pavlov, connut un immense succès aux États-Unis jusqu’à la fin des années 1940. Lancée en 1913 par John B. Watson (1878-1958), qui lui donna le nom de behaviorisme, elle s’inspirait directement des travaux de Pavlov. Une erreur de traduction en avait cependant sensiblement modifié le sens : la notion pavlovienne de « réflexes conditionnels » avait été rendue en anglais par celle de « réflexes conditionnés », laissant ainsi entendre que le conditionnement du sujet dépendait moins de sa nature même que de l’action d’un tiers. C’était s’affranchir d’un déterminisme naturel pour adopter un déterminisme voulu et contrôlé par les auteurs du conditionnement : en bref, une instrumentalisation. Edward Bernays expose ainsi les principes du behaviorisme alors en vogue dans les universités américaines : « [Il] assimilait l’esprit humain à ni plus ni moins qu’une machine, un système de nerfs et de centres nerveux réagissant aux stimuli avec une régularité mécanique, tel un automate sans défense, dépourvu de volonté propre. […] Une des doctrines de cette école de psychologie affirmait qu’un stimulus souvent répété finit par créer une habitude, qu’une idée souvent réitérée se traduit en conviction. Ce procédé est illustré on ne peut mieux par une réclame longtemps considérée comme idéale, du point de vue de la simplicité et de l’efficacité : "ACHETEZ (avec, le cas échéant, un index pointé vers le lecteur) les talons en caoutchouc O’Leary. MAINTENANT !". »

John Broadus Watson, père du béhaviorisme, vers 1916-1920[4].

John Broadus Watson, père du béhaviorisme, vers 1916-1920[4].

Le coup de génie de Bernays fut de se détourner de ce modèle dominant aux États-Unis pour élaborer un modèle, non pas de conditionnement des individus, mais de manipulation des masses. Adepte enthousiaste du déterminisme psychique mis en lumière par son oncle, il regardait comme absurde que l’on pût réduire le psychisme de l’homme à une mécanique cérébrale sujette au seul déterminisme physiologique et environnemental. Il ne tenait rien en plus grande considération que les théories structuralistes de Freud, toujours en honneur en Europe. Mais nourris aux travaux de Trotter, Le Bon, Wallas et Lippmann, il lui apparaissait tout aussi clairement que « le groupe n’avait pas les mêmes caractéristiques psychiques que l’individu, [et] qu’il était motivé par des impulsions et des émotions que les connaissances en psychologie individuelle ne permettaient pas d’expliquer. » « D’où, naturellement, la question suivante : si l’on parvenait à comprendre le mécanisme et les ressorts de la mentalité collective, ne pourrait-on pas contrôler les masses et les mobiliser à volonté sans qu’elles s’en rendent compte ? ». Tel était le but de la « nouvelle propagande » dont il était l’inventeur.

 

Ce contrôle – ou, plus exactement, manipulation – des masses fondé sur la psychologie collective présentait une indéniable « avancée » sur le conditionnement de l’individu pratiqué à grande échelle aux États-Unis et en Union soviétique : en agissant sur les masses à leur insu, « la nouvelle propagande » ne contrevenait ouvertement ni à la liberté individuelle, ni aux principes démocratiques des États libres. Si cette méthode commença d’être pratiquée dans le domaine politique aux Etats-Unis dès le milieu des années 1920, le premier régime européen qui en fit une application systématique fut le régime nazi. Si l’on en croit le témoignage oculaire du journaliste américain Karl von Weigand, Joseph Goebbels avait dans sa bibliothèque, en 1933, le Crystallizing Public Opinion de Bernays, et s’en servait pour élaborer sa propagande. De fait, les gigantesques rassemblements organisés par le parti nazi à travers tout le pays et la mise en scène qui les accompagnait répondaient moins à la volonté de conditionner les individus qu’à celle de manipuler les masses.

 

 

- Fondements idéologiques de la « Nouvelle propagande »

« Une conséquence logique de notre société démocratique »

Edward Bernays concevait sa nouvelle propagande comme une « conséquence logique » de la société démocratique américaine. En démocratie, l’adhésion de l’opinion publique est indispensable, et l’on ne saurait lui faire grief d’être parti du constat suivant : « Compte tenu de l’organisation sociale qui est la nôtre, tout projet d’envergure doit être approuvé par l’opinion publique. ». Le propos de Bernays n’était en rien révolutionnaire. Réaliste, il ne prétendait pas aller à l’encontre des grandes tendances de son époque, mais en tirer le meilleur parti. Du reste, le régime démocratique n’avait pas de plus fervent épigone que lui : ne lui devait-il pas son invention des « relations publiques » et son immense succès ?

 

Dans son De la Démocratie en Amérique, Tocqueville avait remarquablement analysé le risque de « tyrannie de la majorité » inhérent aux régimes démocratiques, soulignant combien la démocratie américaine y était organiquement sujette : « Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique. […] la majorité trace un cercle formidable autour de la pensée. Au-dedans de ces limites, l’écrivain est libre ; mais malheur à lui s’il ose en sortir. » Mais ce qui était, dans la pensée de Tocqueville, un danger que les mécanismes constitutionnels devaient pouvoir tempérer en accordant les protections nécessaires à la minorité, apparaît clairement, dans l’esprit de Bernays, comme un fait irrésistible – une fatalité, pourrait-on dire, s’il l’avait seulement déploré. Bien plus, Bernays voyait dans la majorité et la tyrannie qu’elle peut exercer le moyen pour les dirigeants d’imposer leurs décisions et de neutraliser en toute légalité la résistance de la minorité, puisque celle-ci doit, en démocratie, se plier à la volonté de la majorité. Ce que Bernays avait parfaitement compris, c’est que les régimes démocratiques, pour peu que la cristallisation de l’opinion publique dans le sens souhaité permette de créer une majorité, offrent aux dirigeants la possibilité d’imposer n’importe quelle décision, sans avoir à risquer de s’exposer à la réprobation générale qu’entraîneraient des mesures de coercition contre la minorité.

 

Bernays dissociait la démocratie, à laquelle il ne croyait pas, du régime démocratique, qu’il regardait comme un fait incontournable de son époque. S’il ne croyait pas à la démocratie, c’est qu’il la considérait à la fois comme une utopie et un ferment d’instabilité et d’anarchie. Compte tenu de l’ignorance et de la versatilité qu'il attribuait au peuple, une société fonctionnelle ne pouvait être, selon lui, qu’oligarchique.

 

Une « nécessité » indispensable au « bon fonctionnement » de nos sociétés

Bernays ne considérait pas seulement sa « nouvelle propagande » comme une conséquence logique des sociétés démocratiques, mais également comme une nécessité indispensable à leur « bon fonctionnement ». Depuis l’idéologie des Lumières qui façonna la mentalité des élites occidentales à partir du milieu du XVIIIe siècle, il était acquis par les élites dirigeantes des États-Unis et d’Europe que la légitimité des dirigeants tenait à leur raison qui, éclairée par les lumières de la philosophie nouvelle, les plaçait au-dessus d'un peuple jugé inapte au gouvernement de lui-même. Mieux que quiconque, Voltaire sut exprimer le profond mépris des Lumières pour les masses obscures : « Au peuple sot et barbare, il faut un joug, un aiguillon et du foin. », et cette phrase si souvent dénoncée par Henri Guillemin : « L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne ». La philosophie politique des Lumières – le despotisme éclairé connu à l’époque sous le nom de « nouvelle doctrine » – fut profondément marquée par cette forme de ségrégation emprunte d’un profond mépris de la haute aristocratie, du haut clergé et des autocrates – totalement acquis à l’idéologie des Lumières à la fin du XVIIIe siècle – pour la petite noblesse, le bas clergé et le peuple. L’idée que seule une élite éclairée est à même de gouverner et de juger de ce qui est bon pour le peuple fut durablement implantée dans l’esprit des élites occidentales. Contrairement à l’Europe, où la crédibilité des Lumières pâtit de leur indéfectible soutien aux pires autocraties du XVIIIe siècle et de la critique marxiste de la révolution bourgeoise, les États-Unis firent de la « nouvelle doctrine » la pierre angulaire de leur Constitution. C’est par l’américanisation que le despotisme éclairé opéra un retour en force en Europe, particulièrement dans l’idéologie de la construction européenne conçue outre-Atlantique.

Tommaso Padoa-Schioppa, l’un des despotes éclairés de la construction européenne [5]

Tommaso Padoa-Schioppa, l’un des despotes éclairés de la construction européenne [5]

Complètement imprégné du bien-fondé du despotisme éclairé, Bernays regardait comme indispensable au bon fonctionnement des régimes démocratiques qu’ils soient en réalité dirigés par une oligarchie libre de toute contrainte démocratique. Ne considérant pas le peuple comme le détenteur du pouvoir autrement que par une sorte de fiction juridique (à laquelle il tenait, du reste), ni l’opinion publique comme une sorte de contre-pouvoir salutaire, il voyait en elle une contrainte et une menace d’instabilité dont les dirigeants ont le devoir de s’affranchir en la manipulant. Bernays allait même plus loin, en affirmant œuvrer au bien de l’humanité. La manipulation ne rendait-elle pas la répression et la subversion aussi inutiles l’une que l’autre, en donnant à l’élite dirigeante une totale liberté d’action et au peuple l’illusion de la liberté ; n’offrait-elle pas l’immense avantage de la stabilité et d’un assujettissement sans douleur du peuple ? Donner à une « minorité d’individus intelligents » la possibilité de manipuler à sa guise l’opinion publique, c’était, selon Bernays, assurer la paix sociale et prévenir les guerres.

 

 

- Les « Nouveaux Propagandistes » et le « Gouvernement invisible »

Edward Bernays reconnaissait la qualité de faiseur d’opinion à toute personne investie d’une autorité politique, économique ou sociale. Il lui paraissait évident que « si l’on entreprenait de dresser la liste des hommes et des femmes qui, par leur position, sont ce qu’il faut bien appeler des ‟faiseurs d’opinion”, on se retrouverait vite devant la longue kyrielle des noms recensés dans le Who’s Who. ». Mais il a tendance à voir dans ces autorités officielles les relais, conscients ou non, d’« hommes de l’ombre » dont « le pouvoir est parfois flagrant » : « Généralement, on ne réalise pas à quel point les déclarations et les actions de ceux qui occupent le devant de la scène leur sont dictées par d’habiles personnages agissant en coulisse. ».

Jean Monnet et Robert Schuman [6]

Jean Monnet et Robert Schuman [6]

En raison de l’influence dont elles jouissent sur leurs opinions publiques, les autorités institutionnelles sont clairement une cible, consentante ou non, d’intérêts cachés ou discrets, hommes de l’ombre, lobbies, etc. : « À partir du moment où l’on peut influencer des dirigeants – qu’ils en aient conscience ou non et qu’ils acceptent ou non de coopérer –, automatiquement on influence aussi le groupe qu’ils tiennent sous leur emprise. » Il est donc essentiel de cerner les personnalités qui ont autorité sur le groupe ciblé et, si possible, de les inclure dans des structures informelles destinées à les utiliser dans le sens voulu, soit qu’elles en partagent les convictions, soit qu’elles en retirent un intérêt quelconque, soit encore que cette appartenance leur paraisse indispensable à leur carrière ou à leur vanité.

 

Les observations de Bernays furent mises en œuvre à grande échelle par les milieux politiques et économiques américains pour assurer la prépondérance de leurs intérêts dans le monde. Il semble que la Pilgrim’s Society fut le creuset de cette politique de mainmise. Société secrète anglo-américaine fondée le 11 juillet 1902 au Carlton, elle se donna pour but officiel de « promouvoir la paix éternelle et l’entraide entre les États-Unis et le Royaume-Uni » ; en fait, d’asseoir la suprématie anglo-saxonne dans le monde. Dès 1941, elle servit à la politique de satellisation du Royaume-Uni par les États-Unis, à laquelle Churchill consentit en 1943 malgré les mises en garde de De Gaulle.

Dîner de la Pilgrim’s Society, 09/01/1951

Dîner de la Pilgrim’s Society, 09/01/1951

Le schéma de la Pilgrim’s Society[7] fut soigneusement reproduit pour les groupes d’influence créés spécifiquement pour chacune des entreprises de satellisation :

  • le Council on Foreign Relations (1921) : créé par un groupe d’avocats et de banquiers réunis autour d’Elihu Root afin « d’aider les officiels du gouvernement, les dirigeants des entreprises, les journalistes, les enseignants et les étudiants, les leaders civils et religieux, des citoyens […] à mieux comprendre le monde ainsi que les choix de politique étrangère que doivent faire tant les États-Unis que d’autres pays » – en clair, d’orienter le choix des décideurs américains et étrangers dans le sens voulu par l’élite politique et économique des États-Unis –, il regroupe quelques 5.000 membres (300 à l’origine), dont plusieurs membres de la Pilgrim’s Society, du Bilderberg Group et de la Commission trilatérale. Georges Clémenceau, Gérald Ford, David Rockefeller, Paul Warburg, Paul McNamara et Colin Powell figurent parmi les noms les plus illustres.
Elihu Root, président du premier Council on Foreign Relations [8]

Elihu Root, président du premier Council on Foreign Relations [8]

  • le Bilderberg Group (1954) : créé à l’initiative des diplomates polonais et fédéralistes européens Joseph Retinger et Andrew Nielsen, il reçut dès l’origine le patronage du prince Bernhard des Pays-Bas, de l’ex-Premier ministre belge Paul Van Zeeland, du dirigeant d’Unilever Paul Rijkens, du directeur de la CIA Walter Bedell Smith et du conseiller d’Eisenhower, Charles Douglas Jackson. Selon Denis Healey, l’un des initiateurs de la conférence de Bilderberg de 1954 et membre du Comité Directeur pendant 30 ans, le groupe aurait été formé, lui aussi, dans le but d’annihiler les risques de guerre en favorisant l’intégration des économies nationales et en obtenant des États qu’ils transfèrent leur souveraineté à des organismes exécutifs supranationaux : « Dire que nous cherchions à mettre en place un gouvernement mondial unique est très exagéré, mais pas totalement absurde. Nous autres à Bilderberg pensions qu’on ne pouvait pas continuer à se faire la guerre éternellement et à tuer des millions de gens pour rien. Nous nous disions qu’une communauté unique pouvait être une bonne chose. » Le groupe comprend environ 130 membres, dont plusieurs membres de la Pilgrim’s Society et de la Commission trilatérale.
Première réunion du groupe, à l’Hôtel Bilderberg (Pays-Bas), du 29 au 31 mai 1954[9]

Première réunion du groupe, à l’Hôtel Bilderberg (Pays-Bas), du 29 au 31 mai 1954[9]

  • le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe (1955) [10] : créé par Jean Monnet après l’échec du projet de Communauté européenne de défense (CED) face à l’opposition des gaullistes et des communistes, il se donnait pour but de de préparer le traité pour le Marché commun et l'Euratom – en somme, de travailler à l’intégration euro-atlantiste, à l’élargissement de la construction européenne au Royaume-Uni, et à une filière américaine d'approvisionnement contre l'indépendance nucléaire française. Il se composait en 1965 de 44 personnalités, dont 9 socialistes des six membres de la CECA, 12 démocrates-chrétiens, 7 libéraux et assimilés, et 16 membres des syndicats ouvriers.
Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, 8ème session, Paris, 11/07/1960 [10]

Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, 8ème session, Paris, 11/07/1960 [10]

  • la Commission Trilatérale (1973) : créée à l’initiative des principaux dirigeants du Bilderberg group et du Council on Foreign Relations, dans le but de « promouvoir et construire une coopération politique et économique entre l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord et l’Asie Pacifique » – en réalité, de satelliser les pays d’Asie non communistes, au premier chef desquels le Japon – elle réunit 300 à 400 personnalités, parmi lesquelles David Rockefeller, Henry Kissinger, Zbigniew Brzezinski, Jean-Louis Bruguière et Jean-Claude Trichet, qui préside le groupe européen.
  •  

    • les groupes bilatéraux entre les Etats-Unis et leurs satellites, notamment la French-American Foundation (1976) : Créée à Washington par les présidents Gérald Ford et Valéry Giscard d’Estaing sur l’initiative de Henry Kissinger, dans le but d’« œuvrer au renforcement des relations entre la France et les États-Unis » – c’est-à-dire de re-satelliser la France après la parenthèse gaullienne –, elle brille moins par ses membres que par son « programme phare » des Young Leaders. Financé par la CIA et de grands groupes (dont de très grands groupes français, auxquels s’ajoute l’Université Paris I !), ce programme vise à formater les futures élites qui seront ensuite placées aux postes clés. Parmi les anciens Young Leaders, on trouve François Hollande, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Najat Vallaut-Belkacem, Ernest-Antoine Seillère, Nicolas Dupont-Aignan, Bernard Laroche, Alain Juppé, Éric Raoult, Valérie Pécresse, Jacques Toubon, Jean-Marie Colombani, Alain Minc et Christine Ockrent, pour ne citer qu’eux.

     

    Il est saisissant de constater que ces groupes choisirent exactement la même « noble cause » – garantir la paix et promouvoir l’entraide entre pays – que Bernays jugeait indispensable au camouflage de buts inavouables. Leur véritable finalité apparaît néanmoins clairement à la lumière des observations de Bernays. En réunissant de manière informelle l’ensemble des dirigeants les plus influents du « monde libre » sous la tutelle des États-Unis, l’objectif de ces groupes est de promouvoir les intérêts des États-Unis et de l’Otan auprès des dirigeants mondiaux, généralement « à l’insu de leur plein gré », l’idée centrale étant de les persuader de l’omnipotence des États-Unis, au moyen notamment d’une narrative scénarisée dans laquelle s’inscrivent, par exemple, les théories grossières de la fin de l’histoire et du choc des civilisations. Ces groupes furent constitués pour manipuler les dirigeants des pays satellites et entretenir chez eux le sentiment quasi-hégélien que l’hégémonie américaine est un processus inexorable dont l’achèvement marquera la fin de l’histoire.

     

    Le grand nombre de leurs participants, l’absence de factions partisanes et de règles de votes et de majorité, le partage du pouvoir que cela supposerait avec un grand nombre de personnes et d’autres pays que les Etats-Unis, l’absence même de décisions formelles prises au cours de ces meetings, montrent assez que ces groupes agissent sans doute moins en organes de gouvernement mondial qu'en réseaux constitués en vue d’asseoir un tel gouvernement, projet qui se heurtait dans les années 1960 au bloc communiste et à la politique de la France, et qui bute aujourd’hui sur ce que les américains appellent avec dédain the Rest of the World, Russie et Chine en tête.

     

     

    - Faut-il conclure qu’un tout petit nombre de personnes est en mesure de diriger le monde à leur guise ?

    Bernays est conduit à admettre que « […] tous tant que nous sommes, nous vivons avec le soupçon qu’il existe dans d’autres domaines des dictateurs aussi influents que ces politiciens [de l’ombre]. ». En bon manipulateur, il reste toutefois réaliste en rappelant que la nouvelle propagande, aussi achevée soit elle, restera toujours sujette à des aléas hors de tout contrôle : « Trop d’éléments échappent toutefois à son contrôle pour qu’il puisse espérer obtenir des résultats scientifiquement exacts. […] le propagandiste doit tabler sur une marge d’erreur importante. La propagande n’est pas plus une science exacte que l’économie ou la sociologie, car elles ont toutes les trois le même objet d’étude, l’être humain. » 

     

     

    - Conclusion : « Cétait avant que les gens n'acquièrent une conscience sociale »

    La machine construite par Edward Bernays a longtemps paru implacable. Jamais les opinions publiques ne furent assujetties à des manipulations d'une telle ampleur, que ce soit à des fins consuméristes par la publicité ou à des fins politiques dans les médias. Malgré ses « succès » considérables, elle ne le fut pourtant qu’un temps et uniquement à l’égard les peuples des États-Unis et de leurs États satellites. Comme Bernays lui-même le soulignait, il peut toujours surgir des obstacles imprévus qui lui font échec, tels que les référendums français et néerlandais de 2005. Surtout, la nouvelle propagande, qui fête son centenaire, s’est émoussée. Ceci, Edward Bernays l’avait aussi compris avant les autres. Quelques années avant sa mort en mars 1995, il reconnut, non sans nostalgie, devant le journaliste Stuart Ewen : « C’était avant que les gens n’acquièrent une conscience sociale ». Depuis plusieurs années, cette conscience sociale déplorée par Bernays devient, lentement mais sûrement, une conscience politique qui pourrait bien permettre un jour à la France de recouvrer son indépendance et aux Français leur liberté. 

     

    Notes :

    [1] La construction européenne a été financée par les américains....

    [2] Edward Bernays et Sigmund Freud, dont il était le double neveu de Sigmund Freudet et il vouait une admiration sans bornes.

    [3] Ivan Petrovitch Pavlov en 1904. Convaincu que le marxisme reposait sur des postulats erronés, il eut ces mots fameux, parlant du communisme : « Pour le genre d’expérience sociale que vous faites, je ne sacrifierais pas les pattes arrières d’une grenouille ! » Ayant reçu le Prix Nobel de médecine en 1904, il fut toutefois autorisé à continuer ses travaux pendant la période soviétique. Il eut la douleur de les voir récupérés par des idéologies scientifiques – au premier rang desquelles la psychologie soviétique et le behaviorisme – qui heurtaient profondément sa foi orthodoxe et son personnalisme chrétien.

    [4] John Broadus Watson, père du béhaviorisme, vers 1916-1920. Décidé à faire de la psychologie une science objective au même titre que la physique, il entendait se cantonner à l’étude rigoureuse des comportements tels qu’on peut les observer en réponse à des stimuli, en excluant tout aspect introspectif, émotionnel ou humanisant. Afin de démontrer que tous les comportements humains peuvent s’expliquer sans recourir à la notion de conscience et qu’ils ne diffèrent en rien des comportements des animaux, il eut l’idée de soumettre un bébé prénommé Albert à une expérience aussi célèbre que controversée. Aidé de son assistante Rosalie Rayner (à droite sur la photo), qui devint par la suite sa femme, il conditionna ce bébé à avoir peur d’un rat blanc en produisant un son violent – en frappant une barre métallique avec un marteau – à chaque fois qu’il lui présentait le rat au toucher. Il pensait ainsi démontrer que la théorie du comportement simple qu’Ivan Pavlov avait déduite de ses études sur les animaux rendait compte des comportements humains. Si le succès des totalitarismes du XXe siècle sembla d’abord lui donner raison, les résistances qu’ils suscitèrent signèrent l’échec de son idéologie scientifique. Le conditionnement behaviorien est un thème majeur des romans dystopiques d’Aldous Huxley (Le Meilleur des mondes) et de Georges Orwell (1984).

    [5] Tommaso Padoa-Schioppa, l’un des despotes éclairés de la construction européenne,  ancien ministre de l'Economie et des Finances italien (2006-2008), ancien membre du directoire de la Banque Centrale Européenne et Président du think-tank Notre Europe. Dans un article intitulé Les enseignements de l’aventure européenne paru dans le 87e numéro de la revue Commentaire (automne 1999), il écrivait : « La construction européenne est une révolution, même si les révolutionnaires ne sont pas des conspirateurs blêmes et maigres, mais des employés, des fonctionnaires, des banquiers et des professeurs […]. L'Europe s'est formée en pleine légitimité institutionnelle. Mais elle ne procède pas d'un mouvement démocratique […]. Entre les deux pôles du consensus populaire et du leadership de quelques gouvernants, l'Europe s'est faite en suivant une méthode que l'on pourrait définir du terme de despotisme éclairé. » Jacques Delors tiendra des propos similaires lors d’une conférence à Strasbourg, le 7 décembre 1999 : « L'Europe est une construction à allure technocratique et progressant sous l'égide d'une sorte de despotisme doux et éclairé ».

    [6] Jean Monnet et Robert Schuman sont un bon exemple du mécanisme manipulatoire décrit par Bernays : si tous deux prenaient leurs instructions au Département d’État américain[1], le premier était l’homme des milieux d’affaires anglo-saxons et incarnait l’homme de l’ombre (« Si c’est au prix de l’effacement que je puis faire aboutir les choses, alors je choisis l’ombre ... »), tandis que le second, archétype de l’homme politique inoxydable, était chargé de présenter bien et de faire adopter par la classe politique et l’opinion publique françaises les projets atlantistes. La France étant, au sortir de la guerre, la « première puissance démocratique [vocable qui, dans la terminologie des relations publiques, désigne un satellite des États-Unis d’Amérique, de la même façon qu’il désignait un satellite de Moscou dans la terminologie soviétique. La France perdra ce label démocratique pendant la présidence de De Gaulle] du continent » (Dean Acheson, dans sa lettre à Robert Schuman du 30/04/1949), il fallait que la paternité de la construction européenne conçue par Washington soit attribuée de préférence à un Français. La fameuse Déclaration Schuman du 09/05/1950 fut conçue outre-Atlantique par les services du Secrétaire d’État américain Dean Acheson, avant d’être rédigée et transmise à l’intéressé par Jean Monnet.

    [7] Dîner de la Pilgrim’s Society, 09/01/1951. Son logo officiel – que l’on aperçoit ici entre les deux drapeaux, au-dessus du tableau – a pour devise « Hic et ubique » (Ici et partout). Patronnée par la reine d’Angleterre, la Pilgrim’s Society a réuni des membres aussi influents que Paul Warburg (banquier et promoteur de la Federal Reserve), John Pierpont Morgan (fondateur de la banque du même nom), Jacob Schiff (directeur de la Kuhn Loeb, banque concurrente de la J. P. Morgan), William MacDonald Sinclair (archidiacre anglican de Londres), Henry Codman Potter (évêque épiscopalien de New-York), Grover Cleveland (ancien président américain), Joseph Kennedy (patriarche de la famille Kennedy), Henry Kissinger, Margaret Thatcher… sans oublier Jean Monnet.

    [8] Elihu Root, président du premier Council on Foreign Relations, avocat d’affaires, Secrétaire d’État, Secrétaire à la Guerre, sénateur et prix Nobel de la paix en 1912. Dans le premier numéro de la revue Foreign affairs, lancée en septembre 1922 par le Council on Foreign Relations, il écrivit qu’isolationniste ou pas, l’Amérique était devenue une puissance mondiale et que le public devait le savoir. Le véritable objectif du Council on Foreign Relations transparaît également dans sa devise – « Ubique » (Partout), référence directe à la paternité de la Pilgrim’s Society – et dans le programme de cinq ans lancé en 2008 et intitulé International Institutions and Global Governance : World Order in the 21st Century, dont l’un des buts est de « promouvoir un leadership constructif des États-Unis ».

    [9] Première réunion du groupe, à l’Hôtel Bilderberg (Pays-Bas), du 29 au 31 mai 1954. Une réunion préparatoire avait eu lieu le 25/09/1952, à l’hôtel particulier de François de Nervo (Paris), en présence d’Antoine Pinay, alors Président du Conseil, et de Guy Mollet, patron de la SFIO. En furent ou en sont membres Georges Pompidou, Dominique Strauss-Kahn, Beatrix des Pays-Bas, Henry Kissinger, Javier Solana, David Rockefeller, George Soros et Bernard Kouchner.

    [10] Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, 8ème session, Paris, 11/07/1960. Groupe de pression créé par Jean Monnet à Paris le 13/10/1955, le Comité rassemblait des responsables syndicaux et des chefs des partis politiques démocrates-chrétiens, libéraux et socialistes de l’Europe des Six. Parmi les hommes politiques français, figuraient : Pierre Pflimlin, Robert Lecourt, René Pleven, Valéry Giscard d’Estaing, Antoine Pinay, Gaston Defferre, Guy Mollet, Maurice Faure, François Mitterrand, Raymond Barre, Jacques Delors, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jean Lecanuet et Alain Poher. 

     

    Pour en savoir plus sur le même thème :

    - Interview de Poutine du 4 juin 2014, information tronquée par TF1
    - Daniele Ganser : Les historiens, le 11-Septembre et les armées secrètes de Gladio
    - 9 anciens responsables du renseignement américain écrivent une lettre ouverte à Obama pour dénoncer sa politique sur la Russie
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    - Le rapport du CIDE sur les réseaux pédocriminels en France et ailleurs

    - Edward Bernays : la fabrique du consentement ou comment passer du citoyen au consommateur

    - Abécédaire du pouvoir des médias

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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 09:15
Comment peut-on être socialiste ?

Comment fonctionne le petit monde des militants et des élites PS ? En disséquant la « société des socialistes », Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki dressent le portrait à la fois sombre et pathétique d’un parti recroquevillé sur lui-même, au grand désespoir de ses militants.

 

Sources : La Société des socialistes[1]. le PS aujourd'hui, Rémi Lefebvre et Frédéric Sawiki[2]

- « Il faut avoir le cœur bien accroché pour rester au ps. »

Michel, l’auteur de ce propos, est bien placé pour le savoir : il est militant socialiste à Lille. Propos paradoxal, mais que le lecteur fera sans doute sien s’il lit jusqu’au bout le très riche essai que Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki ont consacré au Parti socialiste. Sans parti pris, les deux politistes dressent, à coups de statistiques, de rappels historiques et d’une enquête de terrain, un tableau clinique très sombre du principal parti de la gauche française. Partant de la conviction que « pour comprendre ce que font et disent les socialistes, il faut comprendre ce qu’ils sont et la société qu’ils forment », ils décrivent un parti de plus en plus hermétique, homogène socialement et ayant du mal à avoir une vision de la société et une ligne idéologique claires. Ils rejoignent en cela les critiques ordinairement adressées au PS, mais en montrant, grâce à leur vaste information, les mécanismes ordinaires, quotidiens, qui font de la « société socialiste » ce qu’elle est aujourd’hui.

 

Le début de l’ouvrage, qui retrace l’histoire du socialisme français, rappelle tout d’abord quelques faiblesses structurelles du PS. S’il a, sur les vingt-cinq dernières années, gouverné le pays pendant quinze ans, il est, parmi les partis sociaux-démocrates européens, l’un des plus faibles en termes de scores électoraux (27,8 % en moyenne au premier tour des législatives entre 1981 et 2005). Joue ici la spécificité de la situation française, notamment un Front national à 8-10 % des électeurs inscrits et une extrême gauche encore vivace. Reste que, contrairement à l’Allemagne ou à l’Angleterre, le socialisme français a toujours eu du mal à s’arrimer aux classes populaires (la CGT refusant notamment, dès la naissance de la SFIO en 1905, toute collaboration). Il n’a pas réussi à s’imposer à gauche comme l’avait fait le PC avant lui.

 


- Le socialisme français n’a donc jamais été complètement « populaire ».

Mais cela n’empêche pas le PS d’aujourd'hui d’être marqué par une fermeture inédite aux groupes sociaux situés en bas voire au milieu de l’échelle sociale. Au sein des élites notamment (élus, membres du Conseil national et des cabinets ministériels), qui, de plus en plus, ont été recrutées au sein des classes supérieures et, en large majorité, dans la fonction publique. Mais le constat vaut aussi pour les militants qui s’embourgeoisent, avec un très faible recrutement au sein des classes populaires (5 %), des salariés précaires (4 %) et des chômeurs (3 %). 59 % des adhérents appartiennent au secteur public. Le vieillissement est particulièrement inquiétant : l’âge moyen de l’adhérent socialiste est de 55 ans, et seuls 14 % d’entre eux ont moins de 40 ans.

 

Déjà peu représentative, la société des socialistes se replie un peu plus sur elle-même à cause de la rétractation des réseaux que le PS avait tissés au cours des années 1970 avec d’autres organisations ou mouvements, et qui lui offraient un « ancrage social » significatif. Ainsi du « monde » laïc et de ses figures de proue, les instituteurs, qui se font de plus en plus rares dans un PS où la cause laïque (lutte contre l’école privée et pour l’élitisme républicain) a été « ringardisée ». « Avant, la laïcité, c’était une fierté et une évidence… Maintenant c’est un défaut, on me traite de laïcarde », témoigne une élue socialiste. Idem pour le lien avec l’extrême gauche étudiante, qui avait pourtant fourni un certain nombre de figures actuelles du PS (Lionel Jospin, Julien Dray, Henri Weber…), mais que la pratique du pouvoir a défait, pour ne laisser place qu’à une « détestation croisée bien établie ». Le monde associatif s’est lui professionnalisé (la dimension militante passant au second plan) alors que le PS ne promouvait guère ceux qui militaient dans les deux sphères. Les syndicats, enfin, se tiennent désormais à distance du politique – la CFDT notamment qui, échaudée par ses expériences passées avec le PS, proclame sa neutralité (« ni de gauche, ni de droite »).



- R. Lefebvre et F. Sawicki insistent sur le fait que ce sont ces liens rompus et la faible implantation du PS qui « (accroissent) la volatilité de l’électorat socialiste

Cette réalité condamne le PS à faire fluctuer sa ligne idéologique ». Cela éclaire aussi les raisons de l’usage intensif des sondages : « Faute de réseaux puissants irriguant la société, les élites socialistes sont de fait conduites à s’appuyer sur des formes de production non “mobilisées” de l’opinion publique comme les sondages. » Et ce n’est sans doute pas non plus un hasard si la vision socialiste de la société dénie toute conflictualité sociale (« ouvrier » est un terme rare au PS) pour se nourrir avant tout des travaux sociologiques sur l’individu et les valeurs postmatérialistes (François de Singly, Marcel Gauchet) qui dessinent des individus « entrepreneurs de leur propre vie », selon l’expression, d’Alain Ehrenberg, qui fait florès.

 

De fait, les militants d’origine populaire se font rares, ce que les deux politistes expliquent aussi par la généralisation, au sein du PS, d’une « culture du débat » qui valorise la réflexion collective, la libre expression des militants. Or cette « intellectualisation », en faisant appel aux ressources culturelles personnelles, en technicisant le débat et en dévalorisant le rapport populaire au parti fait de remise de soi et de loyalisme, favorise la relégation des militants les plus modestes. Une militante ouvrière témoigne ainsi : « On n’avait pas besoin de discuter, de débattre parce qu’on avait tous les mêmes idées… Je vois bien dans les réunions maintenant, ils passent leur temps à faire des grands débats intellectuels, y en a qui sont jamais d’accord… »

 

Ce sont les pratiques les plus ordinaires du militantisme (tractage) qui sont ainsi dévalorisées mais aussi, par conséquent, les dimensions collectives et identitaires de l’appartenance partisane (nuits de collage d’affiches, fêtes de sections) qui se perdent. Etonnamment, le PS semble tolérer, voire encourager, un militantisme distancié. La conséquence en est que la dimension cynique des comportements prend une place prépondérante au sein du parti, où « le militant est un loup pour le militant », selon André (40 ans de parti). Un « univers hobbesien », donc, où l’on « ne s’aime pas, ou peu » et où « rapporter les prises de positions des militants aux positions dans l’espace partisan relève d’un quasi-réflexe (...) ». Certes, rappellent les auteurs, le cynisme en politique ne date pas d’aujourd’hui, mais la nouveauté est que la concurrence touche toute la communauté militante, du sommet jusqu’à la base, et que la « lutte pour les places », contrairement à d’autres milieux militants, y est peu déniée. Selon un militant de Villeneuve-d’Ascq, « y a pas beaucoup de fraternité dans le parti, c’est un milieu très dur. Les amitiés sont jamais durables. Y en a qui vendraient leur mère ».
 


- Difficile donc de « militer au ps et d’y rester tant intérêts, croyances et convictions, dispositions, ajustements à l’institution s’y articulent difficilement ».

Cela explique, selon les deux chercheurs, une certaine forme de « malheur militant » qui, dans les entretiens qu’ils ont menés, s’exprime à travers les registres de l’insatisfaction (« on ne s’y retrouve pas »), de la déception, de la frustration (« il n’est pas facile de militer »). Malgré tout, et malgré leur grande lucidité, les militants semblent peu enclins à la défection, sans doute parce que, toujours à cause de la rétractation des réseaux socialistes, il est désormais difficile de reconvertir son militantisme socialiste. On voit donc se multiplier les formes de « distance à l’engagement » : ne pas voter socialiste aux élections, voter « oui » à la Constitution européenne lors du référendum interne pour ne pas cautionner Laurent Fabius en se promettant de voter « non » dans l’urne, adhérer à Attac ou encore, dans un autre registre, afficher délibérément son cynisme et valoriser la distance critique en raillant « l’engagement total » du militant de base…

 

C’est au final un portrait quelque peu pathétique du PS que dessinent R. Lefebvre et F. Sawicki. Un PS incapable d’affirmer ce qu’est être socialiste aujourd’hui – « on ne sait plus pourquoi on est socialiste », répètent les militants – et donc « condamné à décevoir ». Y a-t-il néanmoins des raisons d’espérer ? Les deux chercheurs en voient dans l’histoire du PS qui, dans les années 1970, avait réussi sa rénovation en redonnant leur place aux militants, en limitant les mandats, en s’ouvrant aux autres organisations… Reste qu’un tel élan se fait attendre, au risque de faire perdre leurs dernières illusions aux militants. Un risque que résume cette formule attribuée à Pierre Mauroy : « Si les dégoûtés s’en vont, ne resteront plus que les dégoûtants. »

 

Notes

[1] Editions "Le Croquant", 2006, 255 p., 18,50 €. Xavier Molénat Mis à jour le 15/06/2011

[2] Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki sont professeurs de science politique à l’université Lille-II, membres du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Céraps). R. Lefebvre a dirigé (avec Christian Le Bart) La Proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques, Presses universitaires de Rennes, 2005. F. Sawicki a notamment publié Les Réseaux du parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan, Belin, 1997.

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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