L’Union européenne se prévaut des plus hautes valeurs. De par la voix de ses dirigeants comme de ceux de ses pays membres elle affirme représenter la démocratie, la liberté et la paix. Pourtant, elle en donne concrètement une image bien différente. Non seulement elle viole ses propres valeurs à de multiples reprises, mais elle développe une idéologie qui se trouve à l’opposé, en réalité, des valeurs qu’elle prétend incarner.
L’Union européenne prétend instaurer des règles communes et des solidarités entre les pays membres, et même au-delà ; les faits démentent tragiquement, et ceci de plus en plus, les idées de solidarité même en son sein. Le budget communautaire, pourtant réduit à moins de 1,25% du PIB, est appelé à se réduire encore.
Ces deux contradictions alimentent la crise à la fois politique et économique que connaît l’UE. Elles en minent les fondements et obscurcissent de manière considérable l’avenir.
Le traitement infligé à la Grèce est un bon exemple de la réalité des pratiques au sein de l’Union européenne ; ajoutons qu’il n’est hélas pas le seul. Mais, il sert de révélateur et il expose l’hypocrisie profonde de la construction européenne.
Rappelons les faits : la Grèce a connu une crise de la dette souveraine au début de 2010, dont les conséquences risquaient d’être couteuses pour les banques des principaux pays européens qui avaient prêté, en toute connaissance de cause et en raison de taux d’intérêt hautement rémunérateurs, à ce pays. Les différents plans qualifiés « d’aide » à la Grèce n’ont eu pour raison d’être que d’éviter un défaut afin de permettre aux banques privées, essentiellement françaises et allemandes, de se dégager et revendre les titres grecs qu’elles avaient achetés. Ces plans « d’aide » ont considérablement alourdie la dette. Ils ont eu pour contrepartie des plans d’austérité, mis en œuvre par ce que l’on a appelé la « Troïka », c’est à dire la Banque Centrale Européenne, la Commission Européenne et le Fond Monétaire International. Ces plans d’austérité ont à leur tour provoqué une crise économique et sociale de grande ampleur en Grèce, avec un taux de chômage de plus de 25%, une paupérisation galopante, et une destruction du système de protection sociale. Cette austérité a été imposée à la Grèce par des équipes d’experts envoyés par la « Troïka » qui sont venu s’installer dans les ministères et qui ont alors dicté leurs conditions.
A bout de force, mais aussi à bout de patience, exaspérés par l’humiliation permanente que représentait la présence des experts de la « Troïka », les électeurs grecs ont, le 25 janviers 2015, envoyés un message très clair : la population refuse l’austérité pour le compte des banquiers de Francfort ou de Paris. En portant au pouvoir une parti de gauche dont le programme promettait de mettre fin à cette austérité, tout en engageant des réformes que les autres gouvernements, tant socialistes (PASOK) que de centre-droit (Nouvelle Démocratie) s’étaient toujours refusées à faire, comme une réforme de l’assiette de l’impôt et de l’administration. Les dirigeants de SYRIZA ont décidé, pour tenter de mener à bien leur programme, de s’allier avec un parti de droite les « Grecs Indépendante ». Il faut ici rappeler que An.El est certes un parti de droite, mais d’une droite que l’on qualifierait de républicaine en France. Ce parti a d’ailleurs de bonnes relations avec Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. Il ne s’agit donc pas d’un parti d’extrême-droite comme le bave le triste sire Colombani[2]. Ils auraient pu s’allier avec un parti centriste, explicitement pro-européen (To Potami ou La Rivière) ou avec les débris du partit socialiste, le PASOK. Ils ont fait un choix qui n’apparaît étrange qu’à ceux qui ne comprennent pas l’enjeu de la souveraineté.
Loin de se réjouir de l’arrivée au pouvoir d’un parti, puis d’une coalition, décidé à aborder de front les problèmes structurels de la Grèce[3] qui s’appellent corruption, clientélisme et népotisme, l’Union Européenne n’a eu de cesse que de vouloir casser ce gouvernement, de lui imposer un autre programme que celui sur lequel il a été élu. Ce faisant, elle montre son total mépris de la démocratie dont ses dirigeants par ailleurs se gargarisent. Quelle que soit l’issue de la crise actuelle, que l’on ait un mauvais accord, un défaut, voir une sortie de l’Euro de la Grèce, l’attitude odieuse de l’Union Européenne restera dans les mémoires de tous les européens, mais aussi des autres. On découvre ici que l’Union européenne ne se comporte pas autrement que feu l’Union soviétique en imposant une théorie de la souveraineté limitée comme ce fut le cas à Prague en août 1968. Ce faisant, elle montre le peu de cas qu’elle fait de la démocratie. Si une communauté politique n’est plus maîtresse de son destin, il ne peut y avoir de démocratie en son sein. Si l’on en veut une preuve, rappelons cette citation de Monsieur Jean-Claude Juncker, le successeur de l’ineffable Barroso à la tête de la commission européenne : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». C’est l’affirmation tranquille et satisfaite de la supériorité d’institutions non élues sur le vote des électeurs, de la supériorité du principe technocratique sur le principe démocratique.
Une nouvelle lecture de l’Union européenne.
Ce révélateur grec incite alors à relire les autres actions de l’Union européenne.
Que ce soit sur les négociations commerciales internationales, qu’elle mène dans l’opacité la plus totale comme c’est le cas avec le Traité Transatlantique, que ce soit sur la question des OGM ou elle impose aux consommateurs européens des produits dont ils ne veulent pas pour le plus grand profit d’un géant de l’industrie nord-américaine, MONSANTO pour ne pas le nommer.
Que ce soit sur la question de la solidarité entre les pays membres. L’Italie a été laissée seule pour gérer la catastrophe humanitaire provenant de l‘intervention franco-britannique en Libye qui a abouti à la mort de Kadhafi. De même, la Grèce a été laissée bien seule pour faire face aux flux migratoires qui viennent de Turquie et du Moyen-Orient. De son côté, la France a été laissée quasiment seule dans la lutte contre l’islamisme radical au sud-Sahel (Mali, Niger) au moment où la Commission européenne lui demande de faire plus d’économie. Les fonds structurels, qui eurent un effet de modernisation important sur des pays comme le Portugal et la Grèce, sont aujourd’hui réduit à la portion congrue. Le budget de l’Union européenne, déjà dérisoire avec 1,23% du PIB, est appelé à être encore réduit, sous la pression combinée de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, dans les prochaines années.
Sur tous ces terrains on voit un recul profond avec les pratiques des années 1970 et 1980, quand on ne parlait pas d’Union européenne mais, plus simplement, de « Marché Commun » ou Communauté Economique Européenne. Ce recul s’accompagne d’une montée aux extrêmes dans le discours. Plus l’UE s’éloigne des principes de solidarité et de démocratie, plus elle en parle. Plus elle opprime les peuples des pays membres, plus elle se présente en libérateur pour les autres. On en a eu un tragique exemple avec la crise ukrainienne, où le comportement irresponsable de l’UE n’a pas été pour rien dans le déclenchement de la crise.
Dès lors, on voit bien la logique d’oppression où tombe l’UE de par sa volonté de nier le principe de souveraineté.
Une théorisation des thèses européistes et sa critique.
Un auteur hongrois, largement encensé par les institutions européennes, a voulu produire une réfutation du rôle fondamental de la Souveraineté, tel qu’il émerge des travaux de Bodin et de Jean-Jacques Rousseau. De ce point de vue Andras Jakab peut être considéré comme un idéologue du pouvoir européiste. Ses thèses sont parfaitement convergentes avec le discours tenu par l’Union Européenne. Jakab, après une analyse comparée des diverses interprétations de la souveraineté, avance pour le cas français que : « La souveraineté populaire pure fut compromise par un abus extensif de referenda sous le règne de Napoléon Ier et de Napoléon III, la souveraineté nationale pure ayant été perçue comme insuffisante du point de vue de sa légitimation[4]»
C’est soutenir qu’un abus pervertirait le principe ainsi abusé. Mais il ne peut en être ainsi que si l’abus démontre une incomplétude du principe et non de sa mise en œuvre. Viendrait-il à l’esprit des contemporains de détruire les chemins de fer au nom de leur utilisation par le Nazis dans la destruction génocidaire des Juifs et des Tziganes ? Or, ceci est bien le fond du raisonnement tenu par Jakab. Pourtant, il est loin d’être évident dans l’usage politique fait du plébiscite que cet usage soit le seul possible. Si un plébiscite est bien un instrument non-démocratique, tout référendum n’est, fort heureusement, pas un plébiscite. La confusion établie par l’auteur entre les deux notions est très dangereuse et pour tout dire malhonnête. La pratique qui consiste à assimiler référendum et plébiscite, car c’est de cela dont il est question dans le texte, est une erreur logique. La discussion se poursuit sur la portée qu’il faut attribuer à la décision du Conseil Constitutionnel concernant la Nouvelle Calédonie où il est dit que « la loi votée… n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution »[5]. Ici encore, on pratique de manière volontaire la stratégie de la confusion. Ce que reconnaît le Conseil Constitutionnel, en l’occurrence, c’est la supériorité logique de la Constitution sur la Loi. Ce n’est nullement, comme le prétend à tort Jakab l’enchaînement de la souveraineté. En fait, dire que le processus législatif doit être encadré par une Constitution ne fait que répéter le Contrat Social de Rousseau[6]. Ce qui est en cause est bien le parti pris de cet auteur est de refuser ou de chercher à limiter le concept de Souveraineté. Il fait appel pour cela aux travaux de Hans Kelsen[7]. On sait que, pour ce dernier, le droit d’un État est subordonné au droit international, ce dernier existant de manière implicite à travers un système de « lois naturelles » qui seraient propre à la condition humaine, servant alors de normes pour le droit des États.
Mais, on peut considérer que le Droit International découle au contraire du Droit de chaque État, qu’il est un Droit de coordination[8]. C’est la logique développée par Simone Goyard-Fabre[9]. Andras Jakab se voit alors obligé de reconnaître que : « malheureusement, du point de vue de la définition de la notion, la souveraineté comme telle n’est définie dans aucun traité international (peut-être parce qu’un accord sur cette question serait impossible »[10]. Il ajoute quelques lignes plus loin : « Mais l’acceptation totale du premier droit du souverain, c’est-à-dire l’exclusivité, n’est pas satisfaisante vu les défis nouveaux, notamment la mondialisation »[11]. Ce faisant il glisse, dans le même mouvement, d’une position de principe à une position déterminée par l’interprétation qu’il fait – et que l’on peut réfuter – d’un contexte. Cette démarche a été critiquée en son temps par Simone Goyard-Fabre : “Que l’exercice de la souveraineté ne puisse se faire qu’au moyen d’organes différenciés, aux compétences spécifiques et travaillant indépendamment les uns des autres, n’implique rien quant à la nature de la puissance souveraine de l’État. Le pluralisme organique (…) ne divise pas l’essence ou la forme de l’État; la souveraineté est une et indivisible“[12]. L’argument prétendant fonder sur la limitation pratique de la souveraineté une limitation du principe de celle-ci est, quant au fond, d’une grande faiblesse. Les États n’ont pas prétendu pouvoir tout contrôler matériellement, même et y compris sur le territoire qui est le leur. Le despote le plus puissant et le plus absolu était sans effet devant l’orage ou la sécheresse. Il ne faut pas confondre les limites liées au domaine de la nature et la question des limites de la compétence du Souverain.
On comprend bien, alors, que cette démarche a pour objet, consciemment ou inconsciemment, de nous présenter le contexte comme déterminant par rapport aux principes. La confusion entre les niveaux d’analyse atteint alors son comble. Cette confusion a naturellement pour objet de faire passer pour logique ce qui ne l’est pas : la subordination de la Souveraineté. Or, cette subordination est contraire aux principes du droit. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que l’article de Jakab ait reçu tant de distinctions des institutions de l’Union Européennes.
La souveraineté et les traités internationaux.
Les tenants de l’européisme avancent alors l’hypothèse que les traités internationaux limitent la souveraineté des États. On considère alors qu’ayant acquiescé au Traité de Maastricht, les pays membres de l’Union européenne se sont dessaisit d’une partie de leur souveraineté. Les traités sont en effet perçus comme des obligations absolues au nom du principe Pacta sunt servanda [13].
Mais, ce principe peut donner lieu à deux interprétations. Soit ces traités ne sont rien d’autre qu’une mise en œuvre d’un autre principe, celui de la rationalité instrumentale. Il implique donc de supposer une Raison Immanente et une complétude des contrats que sont les traités, deux hypothèses dont il est facile de montrer la fausseté, mais dans lesquels on retrouve la trace de la Grundnorm de Kelsen[14], déshabillée de ses oripeaux religieux. Mais, nul traité n’est rédigé pour durer jusqu’à la fin des temps. Soit on peut aussi considérer que ce principe signifie que la capacité matérielle des gouvernements à prendre des décisions suppose que toutes les décisions antérieures ne soient pas tout le temps et en même temps remises en cause. Cet argument fait quant à lui appel à une vision réaliste des capacités cognitives des agents. Un traité qui serait immédiatement discuté, l’encre de la signature à peine sèche, impliquerait un monde d’une confusion et d’une incertitude dommageables pour tous. Mais, dire qu’il est souhaitable qu’un traité ne soit pas immédiatement contesté n’implique pas qu’il ne puisse jamais l’être. Il est opportun de pouvoir compter, à certaines périodes, sur la stabilité des cadres qu’organisent des traités, mais ceci ne fonde nullement leur supériorité sur le pouvoir décisionnel des parties signataires, et donc sur leur souveraineté. C’est pourquoi d’ailleurs le droit international est nécessairement un droit de coordination et non un droit de subordination[15]. L’unanimité y est la règle et non la majorité. Cela veut dire que la communauté politique est celle des États participants, et non la somme indifférenciée des populations de ces États. Un traité n’est contraignant que pour ses signataires, et chaque signataire y jouit d’un droit égal quand il s’engage par signature, quelle que soit sa taille, sa richesse, ou le nombre de ses habitants[16]. Vouloir substituer le droit de subordination au droit de coordination n’a qu’une seule signification: la création d’un droit qui serait séparé du principe de souveraineté et n’aurait d’autre fondement à son existence que lui-même. Un tel droit, s’il se rattache ou prétend se rattacher à un principe démocratique, nie le principe de légitimité. Il est alors immoral en cela qu’il ne distingue plus le juste du légal.
Souveraineté et décision.
La question de la souveraineté ne dépend donc pas seulement de qui prend les décisions, autrement dit de savoir si le processus est interne ou externe à la communauté politique concernée. La souveraineté dépend aussi de la pertinence des décisions qui peuvent être prises sur la situation de cette communauté et de ses membres. Une communauté qui ne pourrait prendre, du fait de traités, que des décisions sans importance sur la vie de ses membres ne serait pas moins asservie que celle se trouvant effectivement sous la botte d’une puissance étrangère. Ceci rejoint alors une conception de la démocratie développée par Adam Przeworski. Pour cet auteur, la démocratie ne peut résulter d’un compromis sur un résultat. Toute tentative pour pré-déterminer le résultat du jeu politique, que ce soit dans le domaine du politique, de l’économique ou du social, ne peut que vicier la démocratie. Le compromis ne peut porter que sur les procédures organisant ce jeu politique[17]. De fait, on revient ici – et non sans raison – au décisionisme de Carl Schmitt. Il faut pouvoir penser la décision, c’est à dire un acte qui ne soit pas l’application mécanique d’une norme mais bien une création subjective d’un individu ou d’un groupe d’individu. Cette décision permet de penser l’innovation institutionnelle sans laquelle les hommes seraient condamnés à vivre dans une société stationnaire. Cette décision, qui définit en réalité qui détient la souveraineté dans une société, est au cœur du politique[18].
Or, cette tentative de prédéterminer le résultat du jeu politique, c’est très précisément ce à quoi tend toute la réflexion entamée dans les instances européennes et théorisée par Jakab. En cela, elle révèle tout le contenu anti-démocratique de la pensée européiste.
L’idéologie européiste et ses conséquences.
En fait, la construction de cette pensée d’une Souveraineté « hors sol », réduite à un principe que l’on n’applique pas, révèle le projet politique qui est porté, consciemment ou non, par son auteur : il faut limiter autant que possible la souveraineté nationale pour laisser le champ libre à l’Union Européenne[19]. Il n’est donc pas étonnant qu’il propose la solution d’une neutralisation de la Souveraineté, solution qui consiste à admettre son existence mais à la rejeter dans les limbes au profit de compromis concrets[20]. Il ne faut dès lors plus s’étonner de la dissolution des sociétés dans ce cadre car ce qui « fait société » est en réalité nié.
Le principe de souveraineté se fonde alors sur ce qui est commun dans une collectivité, et non plus sur celui qui exerce cette souveraineté[21]. La souveraineté correspond ainsi à la prise de conscience des effets d’interdépendance et des conséquences de ce que l’on a appelé le principe de densité. Elle traduit la nécessité de fonder une légitimation de la constitution d’un espace de méta-cohérence, conçu comme le cadre d’articulation de cohérences locales et sectorielles. Cette nécessité n’existe que comme prise en compte subjective d’intérêts communs articulés à des conflits.
On discerne ainsi les conséquences extrêmement négatives du tournant que les dirigeants de l’Union européenne ont voulu prendre et qui se révèle dans la manière dont ils traitent la Grèce, mais aussi dont ils abordent bien d’autres problèmes, de celui des réfugiés en Méditerranée à celui de nos relations commerciales avec les Etats-Unis dans le cadre du TTIP. Pour chercher à résoudre le dilemme de la souveraineté des Etats confrontée à celle des institutions européennes, ils ont cru bon de nier en réalité le principe de souveraineté. Et ce n’est pas un hasard si autour de ce terme et de son dérivé politique, je veux parler du souverainisme, se concentrent les avis de ceux qui relèvent toutes les contradictions et les incohérences de la construction européenne. Les partisans de l’Union européenne tel qu’elle existe ont alors tôt fait de prétendre que les souverainistes ne sont que des nationalistes. Mais, ce faisant, ils démontrent leur incompréhension profonde de ce qui est en jeu dans le principe de souveraineté. En fait l’ordre logique qui va de la souveraineté à la légalité par l’intermédiaire de la légitimité, et qui est constitutif de toute société. Cependant, constater cela ne fait que renvoyer l’interrogation à un niveau supérieur, celui des formes symboliques dans lesquelles se meuvent les représentations tant de la souveraineté que de la légitimité.
On ne doit pas s’étonner alors si, dans les différends pays de l’Union européenne, la colère monte. Les partis que l’on qualifie de « populistes » ou « d’extrême-droite » ne font que refléter cette colère.
Notes :
[1] Jacques Sapir : diplômé de l'IEPP en 1976, a soutenu un Doctorat de 3ème cycle sur l'organisation du travail en URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980) puis un Doctorat d'État en économie, consacré aux cycles d'investissements dans l'économie soviétique (Paris-X, 1986). A enseigné la macroéconomie et l’économie financière à l'Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à l'ENSAE (1989-1996) avant d’entrer à l’ École des Hautes Études en Sciences Sociales en 1990. Il y est Directeur d’Études depuis 1996 et dirige le Centre d'Études des Modes d'Industrialisation (CEMI-EHESS). Il a aussi enseigné en Russie au Haut Collège d'Économie (1993-2000) et à l’Ecole d’Économie de Moscou depuis 2005. Il dirige le groupe de recherche IRSES à la FMSH, et co-organise avec l'Institut de Prévision de l'Economie Nationale (IPEN-ASR) le séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie.
[2] Colombani J-M, « Quels chemins pour les grecs ? », in Direct Matin, n° 1630, 2 février 2015, p.3.
[4] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », in Jus Politicum, n°1, p.4, URL : http://www.juspoliticum.com/La-neutralisation-de-la-question,28.html
[5] Décision 85-197 DC 23 Août 1985, Voir : Jacques Ziller, « Sovereignty in France: Getting Rid of the Mal de Bodin », in Sovereignty in Transition. éd. Neil Walker, Oxford, Hart, 2003.
[6] Rousseau J-J., Du Contrat Social, Flammarion, Paris, 2001.
[7] Kelsen H., «La méthode et la notion fondamentale de la théorie pure du droit »Revue de Métaphysique et de Morale, T. 41, No. 2 (Avril 1934), pp. 183-204.
[8] Dupuy R.J., Le Droit International, PUF, Paris, 1963
[9] Goyard-Fabre S., “Y-a-t-il une crise de la souveraineté?”, in Revue Internationale de Philosophie, Vol. 45, n°4/1991, pp. 459-498.
[10] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », op.cit., p. 11.
[11] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », op.cit., p. 12.
[12] S. Goyard-Fabre, “Y-a-t-il une crise de la souveraineté?”, op.cit., p. 480-1.
[14] Kelsen H., «La méthode et la notion fondamentale de la théorie pure du droit »Revue de Métaphysique et de Morale, T. 41, No. 2 (Avril 1934), pp. 183-204.
[16] Point souligné dès le XVIIIè siècle par De Vattel, E., Le droit des gens, Londres, s.n., 1758, éd. de 1835. Il faut souligner ici que l’expression « doit des gens » souligne en réalité l’organisation des relations entre Nations.
[17] A. Przeworski, “Democracy as a contingent outcome of conflicts”, in J. Elster & R. Slagstad, (eds.), Constitutionalism and Democracy, Cambridge University Press, Cambridge, 1993, pp. 59-80.
[19] Wind M., Sovereignty and European Integration. Towards a Post-Hobbesian Order, Houndmills e.a., Palgrave, 2001
[20] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », op.cit., P. 22-23.
[21] Bodin J., Les six livres de la République, Librairie générale française, Paris, Le livre de poche, LP17, n° 4619. Classiques de la philosophie, 1993.
Citoyenneté, service public, laïcité Où sont les vrais républicains ?
Par Martine Billard, membre de la direction du Parti de gauche, Anicet Le Pors, conseiller d’État honoraire, ancien ministre et Pierre Serna, directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, professeur à Paris-I Panthéon- Sorbonne.
Source :l'Humanitéle 19 mai 2015 | mis à jour le 07 juin 2015
Sarkozy privatise jusqu’à la République par Martine Billard, membre de la direction du Parti de gauche
Le changement de nom de l’UMP n’est rien d’autre qu’une vulgaire opération de marketing pour faire oublier les turpitudes du parti de Nicolas Sarkozy. Ce mécanisme n’a rien de nouveau dans la sphère commerciale. Que faire lorsque le nom de votre entreprise est synonyme de corruption, de scandales ? Changer d’enseigne. Combien d’entreprises, d’ailleurs souvent liées à la droite, ont agi ainsi ces dernières décennies, le cas le plus emblématique étant la Générale des Eaux, devenue Vivendi puis Veolia… L’UMP s’inscrit donc dans une démarche similaire. Cela ne fera pas oublier les affaires auxquelles nombre de ses dirigeants sont mêlés (Karachi, Bygmalion…) et ne changera rien pour son président. Sarkozy il est, Sarkozy il restera, et le nouveau parti héritera des casseroles de l’ancien, malgré la tentative de blanchiment.
Dans l’histoire politique française, c’est au sein de la droite que les partis changent le plus souvent de nom. Et si la référence à la République est si présente depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce n’est pas un hasard. Ils ont longtemps porté un discours idéologique de rejet de la Révolution française, ainsi que de la laïcité, les rendant ainsi suspects de vouloir le rétablissement de la monarchie sous une forme ou une autre. À la Libération, la droite a besoin de reconstruire un parti qui rompt avec le discrédit de Vichy et de l’État français de Pétain. Le premier parti ainsi créé, le MRP (Mouvement républicain populaire), incorpore donc la référence à la République dans son nom. Les suivants, à l’exception du RPF de De Gaulle de 1947 à 1955, feront de même : l’UNR (Union pour la nouvelle République), l’UDR (Union pour la défense de la République) qui donnera lieu à l’expression d’« État UDR » tellement les gouvernements de cette époque, tous de droite, seront marqués par l’affairisme, le RPR (Rassemblement pour la République), lié lui aussi à nombre de scandales comme l’affaire des lycées d’Île-de-France, celle des emplois fictifs de la Mairie de Paris, celle des HLM de Paris…). À chaque fois, la dénomination change, mais les pratiques restent les mêmes.
Pas de nouveauté, donc, dans la démarche. Mais, cette fois-ci, Nicolas Sarkozy, qui ose tout, a décidé de s’accaparer totalement la République en s’appelant « Les Républicains » et même de privatiser cette dénomination en la déposant à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle), ce qui vaut protection juridique contre toute utilisation par des tiers. Et dès que les médias parleront des républicains, le premier réflexe sera de penser au parti de Nicolas Sarkozy. Vous pouviez vous dire anti-UMP ; dorénavant, vous deviendrez anti-« Républicains » !
Plus profondément, quelle parodie et quelle tristesse. Au moment où les valeurs républicaines – liberté, égalité, fraternité – sont attaquées de toutes parts (loi sur le renseignement, explosion des inégalités, montée de la xénophobie), c’est le parti qui, dans sa course derrière le FN, est le plus en pointe dans ces attaques qui s’approprierait la dénomination « Républicains ». La République n’appartient à personne, ou plutôt elle appartient à tous les Français. Personne n’a le droit de s’adjuger l’utilisation exclusive de républicain et encore moins cette droite qui n’a que le mot répression à la bouche, qui est obséquieuse pour les puissants et dure pour le peuple et qui dresse les Français les uns contre les autres. L’UMP devenue « ripouxblicains », c’est le beau nom de républicains qui sera sali, avec le risque que le rejet de la droite ne devienne le rejet de la République. Non, la droite revancharde, réactionnaire moralement et libérale économiquement, et socialement, ne peut privatiser ce qui est notre bien commun à tous.
C’est le fond qui manque le plus par Anicet Le Pors, conseiller d’État honoraire, ancien ministre
Il va de soi que l’on doit dénoncer la captation d’héritage par l’UMP. Toutefois, il me semble plus utile de se demander si cette captation n’est pas rendue possible par une insuffisante défense et une fructification déficiente de cet héritage par ses héritiers. La question et la réponse valent également pour le détournement par le Front national de valeurs républicaines. Trois thèmes, notamment, font l’objet de ces captations : la souveraineté, le service public, la laïcité.
La nation est et demeure le niveau le plus pertinent d’articulation du particulier et du général. Le refuge dans la religion du libéralisme européen, comme le dogme d’une irrévocabilité de l’euro font obstacle à toute recherche sur l’avènement d’une nouvelle civilisation fondée sur l’intervention active des peuples. Après l’échec du XXe siècle « prométhéen », nous sommes entrés dans une phase de décomposition sociale, de perte de repères, qui s’accompagne d’un double mouvement d’individuation et de mondialisation, laquelle n’est pas seulement celle du capital. S’ensuit, au sein de cette « métamorphose », la nécessité d’un double approfondissement concernant, d’une part, la citoyenneté (valeurs, moyens, dynamique), d’autre part, l’avènement d’un genre humain porteur de valeurs universelles, développant interdépendances, coopérations, solidarités. Seule la nation est en mesure d’animer la dialectique entre ces deux pôles. Seule la souveraineté nationale et populaire lui en donne le moyen. La République française se définit aujourd’hui dans cette responsabilité historique que ne peut assumer le libéralisme.
Le XXIe siècle a vocation à être l’« âge d’or » du service public. Les Français sont attachés au service public qui, depuis la fin du XIXe siècle, a fait l’objet dans notre pays d’une théorisation constante. Le service public, contesté par l’économie de marché, est consubstantiel à la République française. Mais dans la crise, cet attachement se traduit généralement par des comportements défensifs, alors que la socialisation objective des relations humaines invite à une autre ambition. La montée de l’« en-commun » appelle celle de services publics au plan mondial. Mais cette constatation en appelle une autre : celle de la nécessité de la propriété publique, car le service public ne peut être « hors sol ». « Là où est la propriété, là est le pouvoir ! » disions-nous. La formule ne serait-elle plus vraie ? Pourquoi ? La question doit être remise sur le chantier, car ce n’est pas l’invocation tous azimuts de « pôles publics », objets économico-politiques non identifiés, qui y répond.
La laïcité est normalement au cœur de la confrontation politique dans la République et dans le monde. À la lumière de l’expérience du siècle passé, il s’agit de sortir des idéologies messianiques, des religions – fussent-elles séculières – prétendant substituer la loi de transcendances à la loi des hommes. On n’est pas quitte avec la laïcité en la qualifiant d’ouverte, de positive, de raisonnable. Pas davantage en faisant preuve de complaisance à l’égard de comportements ostentatoires dans l’exercice du service public. Car, si la laïcité est liberté de conscience, elle est tout autant neutralité de l’État, ce qui est trop souvent oublié. Les juridictions administratives et judiciaires peinent à valider les règles de droit nécessaires. Les forces laïques ne répliquent aux atteintes que de manière insuffisante et confuse. La revendication est quasi inexistante. Serait-il, par exemple, si difficile de mettre en perspective la fin du régime concordataire d’Alsace-Moselle ? Là se ferait clairement la différence avec « Les Républicains ». Et pas seulement avec eux.
Le grand ami de la dynastie républicaine des Bush par Pierre Serna, directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française, professeur à Paris-I Panthéon- Sorbonne
Je me demande bien pourquoi les collègues universitaires, les spécialistes de la politique, les sociologues des partis s’étonnent tant de la volonté de capture du mot « républicain » par le camp de l’ancien président de la République. Même Marcel Gauchet y est allé de sa feinte ou cynique incantation à demander un adjectif après République, comme si la droite n’avait pas kidnappé depuis longtemps des symboles forts, issus de la Révolution française, censés représenter le peuple en colère, en révolte, en arme, libre et émancipé, à commencer par le bonnet phrygien comme emblème de feu le RPR de Jacques Chirac. Ainsi, ou bien on prend la posture scandalisé : il n’a pas le droit moralement de faire cela… quoi ? accaparer le mot République ! Comme si la République en soi, se suffisait… la République peut être celle de Bonaparte, par exemple, et, pourquoi ne pas l’écrire, celle de mai 1958 et de son quasi-coup d’État, sans parler de certains articles de notre Constitution, dont le fameux 16 qui donne tous les pouvoirs au président en cas de crise ! Ou bien on prend la posture critique, tant pis pour la République, la bourgeoise s’est vendue tant de fois, la faussement égalitaire est à bout de souffle et ne sert plus qu’à la reproduction des élites entre elles ! Les deux positions sont des impasses et le piège tendu fonctionne…
En effet, ces deux prises de position après le coup de bluff de Nicolas Sarkozy confondent République et démocratie, impossibles pourtant à penser en forme de synonymie, à moins de courir de graves dangers et de faire semblant d’ignorer qu’une république peut être autoritaire et qu’une démocratie, manipulée par le plébiscite, peut être pire. Pourtant, la Révolution et tout le XIXe siècle, et une grande partie de la gauche au XXe siècle, ont voulu et pensé une République démocratique, c’est-à-dire un régime de souveraineté du peuple – des citoyens mus par un espoir d’idéal – inscrit dans un horizon à atteindre : liberté, égalité fraternité jamais conquises, à désirer tout le temps, à édifier à chaque instant par le vivre-ensemble, le pouvoir être différent et le vouloir jouir des mêmes droits, à chaque moment de la vie civile, civique et privée.
Est-ce ce modèle français de République démocratique que revendique Nicolas Sarkozy ? Pas du tout et, une fois de plus, le débat mené de façon franco-française appauvrit la réflexion et rate la cible authentique : le président des « Républicains » envoie pourtant un message on ne peut plus clair. Il n’a pas de grande culture de la République démocratique de Robespierre, de Danton aussi, de Quinet, de Jaurès, de Péguy, de Jean Zay, de Germaine Tillion. En revanche, il est, reste et demeure fasciné par le modèle américain et son ultralibéralisme des plus violents par la casse sociale qu’il provoque. Le message devient plus clair : « Républicains », cela veut dire copier le parti des néoconservateurs les plus féroces qui soient de l’autre côté de l’Atlantique et, du même coup, vouloir forcer ses opposants à devenir les démocrates, aussi peu représentatifs d’une gauche républicaine et démocratique que le sont les partisans de Barack Obama ou de madame Clinton.
Nicolas Sarkozy ne veut pas accaparer la République comme on l’entend de ci et de là. Il veut simplement tourner la page de la République démocratique telle qu’elle s’est construite en France, avec ses luttes sociales, son éducation civique et civile, son instruction pour tous, son refus des communautarismes sectaires et son égalité comme objectif à réaliser pour construire la citoyenneté. Ce n’est pas tomber dans une américanophobie stérile que de pointer ce que masque le jeu autour du mot « républicain ». C’est plutôt tenter de dévoiler la part de cynisme de Nicolas Sarkozy à vouloir brouiller les cartes, par sa fascination des faucons américains et de leur république agressive et ploutocratique. Par pitié, ne jouons pas son jeu : ce n’est pas de l’histoire de France qu’il s’agit dans cette histoire de manipulation du mot « république », mais du refus à exprimer clairement de concevoir son avenir dans sa transformation en une petite Amérique, la succursale du clan Bush, les amis de vacances de Nicolas Sarkozy, ses protecteurs républicains.
Il y a soixante-et-onze ans, un programme social audacieux
L’histoire avancerait-elle à reculons ? Si le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), à la pointe du progrès économique et social, a pu s’appliquer à partir de 1944 dans un pays ravagé par la guerre, on ne voit pas pourquoi, dans une France et une Europe regorgeant de richesses, des changements de même ampleur ne seraient désormais qu’une aimable utopie incompatible avec les « contraintes » financières. En fait, tout dépend du rapport des forces politiques et sociaux...
Tout comme les systèmes de retraites et les dépenses de santé, l’organisation du travail ne pourrait donner lieu, nous dit-on, qu’à une seule « réforme » possible. Ce discours est actuellement dominant dans l’Europe occidentale du début du XXIe siècle, après plus de cinquante ans de paix et de croissance. Pourtant, dans la France dévastée de l’après-guerre, on a fait d’autres choix en appliquant Programme du Conseil National de la Résistance (CNR) élaboré dans la clandestinité et adopté le 15 mars 1944. Le progrès vers plus de justice sociale ne vaudrait donc qu’en temps de pénurie, tandis que l’abondance de la production justifierait l’extension de l’inégalité à tous les domaines de la société !
L’histoire du CNR, réuni pour la première fois en mai 1943 au 48, rue du Four, à Paris, à la barbe de l’occupant nazi, et son programme, adopté un peu moins d’un an plus tard, méritent davantage qu’un simple salut rhétorique. Dans la nuit de l’Occupation, pendant plusieurs mois, des résistants se réunirent au péril de leur vie, s’échangèrent des documents en vue de rédiger un programme destiné à définir la politique de la France au lendemain de sa libération, car ils avaient présents à l’esprit les événements ayant jalonné la politique de leur pays depuis une décennie.
Le CNR, qui rassemble les mouvements de résistance, les syndicats (CGT et CFTC), mais aussi les partis et tendances politiques (Parti radical, Parti socialiste, Parti communiste, Démocrates populaires, Alliance démocratique et Fédération républicaine) en lutte contre le régime de Vichy et l’occupant allemand, traduit la prise de conscience de la nécessaire unité du combat démocratique. Il s’appuie sur la mémoire des victoires, mais aussi des désillusions et de l’oubli des engagements qui ont accompagné les combats depuis une décennie.
De ce point de vue, le Front populaire avait été une réponse exaltante à la crise sociale, économique, aussi bien que morale et culturelle, de la France du début des années 1930. L’unité d’action des Partis communiste et socialiste, puis son élargissement au Parti radical, la réunification syndicale, mais aussi l’alliance avec le monde associatif, de 1935 à 1938, avaient permis de renverser le cours de l’évolution politique et sociale engagée par les forces de droite. En réponse aux discriminations contre les étrangers expulsés, à la marginalisation économique et culturelle des classes populaires, le Front populaire avait été l’occasion, pour les ouvriers notamment, de faire irruption sur la scène publique, d’y prendre leur place. En 1936, l’engagement massif des salariés dans les grèves, comme dans les manifestations, témoignait d’une forte politisation associant antifascisme et revendication sociale.
Mais la démocratisation amorcée par l’action conjointe d’un mouvement populaire et du gouvernement était très vite retombée ; nombre de réformes promises avaient été abandonnées, le spectre de la guerre divisant ceux qui, jusqu’alors, avaient dénoncé le militarisme. La politique à l’égard de l’Espagne républicaine, de 1936 à 1938, avait provoqué de premières failles que le pacte germano-soviétique, en août 1939, allait élargir. La division des composantes du Front populaire accompagna la mise en cause des institutions républicaines par des forces conservatrices qui situaient désormais l’ennemi à l’intérieur du pays. La défaite militaire de 1940 face à l’armée allemande fut aussi celle d’une République qui, après avoir répudié les enthousiasmes de 1936, laissa la place à un régime de revanche sociale et de réaction.
L’Etat français, qui prétendait, sous l’autorité du maréchal Pétain, établir une révolution nationale associée à la collaboration avec l’occupant, mit en œuvre une politique au service des grands intérêts économiques, reléguant à nouveau le monde du salariat dans un rôle subalterne. Le Front populaire fut, en tant que tel, rendu responsable de la défaite. Le procès de Riom au début de 1941, qui devait populariser cette thèse grâce à la mise en accusation des anciens ministres, tourna au fiasco et dut être interrompu. Il reste que les divisions des forces du Front populaire et la fin de la République marquèrent fortement les débuts de la Résistance. Le chemin qui, de 1940 à 1943, mène de sa diversité à son unification fut difficile et complexe.
A la fin de l’année 1942, le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, l’entrée des troupes allemandes dans la zone sud de la France, la contre-offensive de l’armée soviétique à Stalingrad traduisent une modification du rapport des forces en faveur des nations unies contre les puissances fascistes. La place et le rôle à venir des résistances nationales se trouvent d’autant plus remis en question que les Britanniques et les Américains n’accordent qu’une importance minime à la résistance intérieure, et dénient à de Gaulle la qualité de seul représentant légitime de la France.
Les événements d’Afrique du Nord, marqués par des négociations et des compromis avec les militaires et l’administration de Vichy, donnent, début 1943, une grande acuité à cette question. Du côté de la Résistance intérieure, les difficultés étaient autres : elles tenaient à l’hétérogénéité des organisations et à la diversité de leurs objectifs. Les uns, tels les mouvements, nourrissaient de fortes préventions envers des partis politiques tenus pour responsables de la faillite de la République. Les forces politiques, elles, se trouvaient dans des situations très contrastées : si le Parti communiste pouvait se prévaloir d’une organisation et d’une activité indéniables forgées dans l’action clandestine depuis longtemps, il n’en allait pas de même des autres partis, à commencer par le Parti socialiste, dont la reconstitution était récente et dont nombre de ses anciens militants avaient préféré s’investir dans divers mouvements et réseaux. Le syndicalisme, que le régime de Vichy avait tenté d’intégrer dans des structures officielles, était encore marqué par les divisions internes avivées par le pacte germano-soviétique.
Ces préventions entre organisations traduisaient à la fois des désaccords tactiques et des héritages culturels et politiques différents. De même, les incompréhensions entre la Résistance intérieure et la France libre autour de De Gaulle reflétaient des divergences sur le rôle et la place des civils dans la perspective de la libération du pays. Le processus d’unification sera impulsé par l’action de Jean Moulin, qui en avait reçu la mission explicite de De Gaulle. Les contacts directs noués à Londres entre le Parti communiste et de Gaulle créent une situation favorable, de même que l’acceptation, par les alliés, de la constitution, à Alger, le 3 juin 1943, d’un Comité français de libération nationale, présidé par De Gaulle, et embryon d’un véritable gouvernement de la Résistance.
Ce contexte éclaire la formation du CNR, le 27 mai 1943, ainsi que sa composition. Finalement, l’organisme regroupe 8 représentants des mouvements de résistance, 6 des partis ou tendances politiques, 2 des syndicats. Ces forces n’avaient pas les mêmes titres à faire valoir en termes d’action sur le terrain et d’ancienneté dans le combat. La présence de partis politiques comme les radicaux (Marc Rucart) et surtout l’Alliance démocratique (Joseph Laniel) ou la Fédération républicaine (Jacques Debu-Bridel), nettement situées à droite, exprimait la volonté d’ouvrir la Résistance à des forces politiques devant faire contrepoids à l’influence communiste. Cette dernière s’appuyait sur l’action de son parti et de ses militants, notamment sur le terrain de la lutte armée dans le cadre des Franc-tireurs et partisans, eux-mêmes dépendant du Front national pour l’indépendance de la France, mouvement représenté au CNR par Pierre Villon. A côté du représentant de la CGT (Louis Saillant), qui se réunifie au même moment (accords du Perreux le 17 avril), figure pour la première fois le représentant de la CFTC (Gaston Tessier), ce qui traduit l’engagement du syndicalisme chrétien dans la Résistance, au moment où la majeure partie de la hiérarchie catholique continue d’apporter son soutien la politique de collaboration du régime de Vichy.
Définition d’une République nouvelle
Cette présence du catholicisme social est confirmée par la participation des Démocrates populaires au titre des partis politiques. C’est d’ailleurs leur représentant, Georges Bidault, qui, après l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin, prend la direction du CNR. C’est pendant l’hiver 1943-1944 que la rédaction d’un projet de texte commun est mis à l’ordre du jour. Il s’agit de répondre aux préoccupations de plusieurs partis et mouvements, en résonance avec les discussions qui se déroulaient à Alger, notamment à l’Assemblée consultative, au sujet de la politique à mettre en œuvre en France après la Libération. L’élaboration du document fut lente et laborieuse. Le texte adopté fut le fruit de discussions et d’échanges ralentis par les combats et la clandestinité. Les tensions et les différences d’appréciation reflétaient la diversité des organisations membres du CNR : les partis politiques du centre droit étaient réticents à l’égard de mesures économiques et sociales radicales, mais leur poids dans l’action résistante était faible, et tout le monde convenait de la nécessité de réformes profondes pour reconstruire le pays et la démocratie.
L’affirmation unanime des fondements démocratiques de la vie politique attestait une volonté commune de renouer avec la République, malgré la crise de 1940. En fait, la divergence principale portait sur l’équilibre à tenir entre, d’un côté, l’action immédiate et le rôle de la Résistance intérieure dans les combats en vue de la libération et, de l’autre, le programme de réformes, tant sociales et économiques que politiques, à définir pour la France d’après-guerre. Les socialistes avaient mis l’accent sur les réformes de structure, tandis que les communistes insistaient davantage sur la lutte armée, la mobilisation de masse contre l’occupant et le rôle des comités de base. Pour autant, avec l’appui des syndicats et des mouvements, on parvint à la définition de grands objectifs communs et de réformes.
Ce programme commun, qui s’inscrivait dans une tradition politique française longtemps marquée par les échéances électorales, avait, dans le contexte de la Résistance, un caractère très novateur en associant l’action avec un projet essentiellement centré sur les questions économiques et sociales, décisives pour le monde du travail, mais aussi pour la reconstruction du pays. Le réalisme des propositions tenait également à leur ancrage dans les revendications et les expériences des luttes conduites depuis le Front populaire.
La collusion des milieux économiques dirigeants avec l’occupant, les souffrances des salariés de l’industrie et des travailleurs agricoles, leur participation à l’action résistante, donnaient sa légitimité à un programme mettant l’accent sur les droits sociaux et l’égalité des citoyens, sur la primauté de l’intérêt général dans la gestion des ressources nationales et dans la définition d’une République nouvelle.
Note :
[1] Serge Wolikoff Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne et directeur de la Maison des sciences de l’homme de Dijon (article paru en mars 2004 et toujours d'une ardente actualité).
Où en est la gauche anti-austérité au pouvoir en Grèce depuis fin janvier ? Après cent jours de gouvernement, le Premier ministre Alexis Tsipras semble pris en tenaille, coincé entre, d’un côté, les exigences des créanciers du pays et, de l’autre, ses 2,2 millions d’électeurs qui attendent que les promesses soient tenues a minima. Voici un décryptage des points de blocages, des déceptions mais aussi de « la Grèce qui change malgré tout ».
Le nouveau gouvernement grec vient de passer le cap de cent jours au pouvoir. Il est donc possible de faire un bilan provisoire de son action. Dans ce texte je tenterai de recenser les principales difficultés rencontrées ainsi que les critiques qui lui sont adressées avant de décrire les aspects qui laissent entrevoir malgré tout un espoir de changement positif.
Le « compromis honorable » introuvable
Le premier constat qu’on fait à Athènes est que le temps semble suspendu. Rien n’a changé en apparence depuis trois mois. Tout le monde attend le résultat des négociations avec les créanciers qui s’éternisent. Le gouvernement de Tsipras paye aujourd’hui le prix de son inexpérience et de son impréparation : l’accord du 20 février n’a pas assuré le versement de la dernière tranche du précédent programme de financement, ni la liquidité nécessaire en provenance de la Banque centrale européenne (BCE). L’État grec se trouve donc constamment au bord de la cessation de paiements.
Pourtant le gouvernement a fait de nombreuses concessions face à la pression des institutions et le risque d’une faillite imminente. Il a également honoré l’ensemble de ses obligations envers les créanciers – plusieurs milliards d’euros déjà prélevés sur le budget de l’État qui du coup n’ont pas été utilisés pour relancer l’activité ou réparer les services publics. En effet, l’économie du pays stagne dans ce climat d’incertitude. Les prévisions de croissance pour l’année 2015 ont été revues fortement à la baisse de 1,4 % à 0,8 %. Le chômage reste extrêmement élevé. Et la Grèce n’a pas touché un euro de la part du mécanisme de soutien financier européen depuis bientôt un an.
Tsipras pris en tenaille à l’intérieur
Sur le front de la politique intérieure le premier ministre est coincé : d’un côté l’opposition et les médias dominants le pressent de « signer » avec les créanciers, quelques soient les conditions de l’accord. Pour ce faire ils brandissent des sondages douteux, supposés montrer que les Grecs sont « prêts à tous les sacrifices pour garder l’Euro » et reproduits largement par les médias européens. Ce que l’opposition veut c’est une compromission humiliante qui montrerait ainsi que la rhétorique anti-austéritaire de Syriza était bien du « populisme utopique ».
De l’autre côté l’aile gauche du parti et les millions d’électeurs de classes populaires et moyennes souffrant de la crise qui ont élu ce gouvernement attendent que celui-ci respecte a minima ses promesses électorales : pas de diminution des pensions et des salaires ; reforme de l’impôt pour plus de justice sociale ; régulation du marché de travail ; lutte contre la corruption, la fraude fiscale et les oligarques ; allégement du fardeau des dettes bancaires ; augmentation du salaire minimum…
Tsipras et son gouvernement doivent donc à tout prix obtenir des créanciers un accord « défendable » en interne, faute de quoi la popularité dont ils jouissent toujours risque de s’envoler et la majorité parlementaire qui les soutient imploser. Ceci d’autant plus que de nombreuses voix à gauche s’élèvent désormais pour critiquer leur gestion du pouvoir. En effet, des signes inquiétants se font jour : manque de transparence dans les processus de prise décision, concentration du pouvoir entre les mains du premier cercle de Tsipras, marginalisation d’un certain nombre de personnalités du parti, difficulté à s’ouvrir à la société civile.
Le cas emblématique de la télévision publique
Récemment, les critiques se sont cristallisées autour de la désignation de la direction de ERT, la radiotélévision publique ressuscitée après la fermeture décidée de manière autoritaire par le précédent gouvernement à l’été 2013 (Basta ! était sur place à l’époque). En effet, la loi définissant les nouveaux statuts de ERT ne comporte que peu de garanties au niveau de son indépendance face au pouvoir politique, du contrôle par les citoyens, de l’implication de salariés à sa gestion...
De plus, la désignation du nouveau président et du nouveau directeur exécutif se sont faites de manière opaque. Le processus a été conduit par le ministre Nikos Pappas, un proche de Tsipras, sans qu’un projet soit présenté formellement par les différents candidats, seulement des CV qui ont été “examinés dument” mais on ne sait pas par qui.
Les critiques ont été plus fortes encore en raison des personnalités choisies. Le président choisi pour la nouvelle ERT est Dionissis Tsaknis, un chanteur et compositeur populaire, proche des mouvements sociaux, dont les convictions exprimées publiquement sont très ancrées à gauche. Mais en même temps il n’a aucune expérience dans l’audiovisuel et c’est aussi l’un des artistes qui a le plus profité de la bulle des industries culturelles grecques dans les années 90 et 2000.
Son directeur exécutif, Lambis Tagmatarhis, est quant à lui un cadre expérimenté de l’audiovisuel en provenance du privé, proche de l’establishment médiatico-financier. Il symbolise l’ère des excès du paysage médiatique. Ce choix controversé avait comme objectif déclaré d’éviter de placer un proche de Syriza ou quelqu’un sans l’expérience requise. Mais il a conduit des nombreuses personnalités respectées comme le professeur Yorgos Pleios, le journaliste Yorgos Avgeropoulos ou l’ancien directeur technique de ERT Nikos Mihalitsis à refuser d’intégrer le conseil d’administration de la radiotélévision publique .
Un autre problème pour la nouvelle ERT sera la cohabitation en son sein de deux groupes d’anciens salariés : ceux, les plus nombreux, qui se sont battus pendant deux ans pour sa réouverture à travers la radiotélévision autogérée ERTopen et ceux qui n’ont pas hésité à intégrer NERIT, la structure fantomatique mis en place par le gouvernement précédent. Les tensions entre les deux seront donc inévitables.
Les tâches herculéennes
Ce recours à des dirigeants de l’ancien « régime » illustre également la difficulté que connaît ce gouvernement pour s’entourer des cadres aux compétences nécessaires à la gestion du pays. Les professionnels affirmés susceptibles d’être utiles dans de nombreux secteurs de l’administration ont souvent immigré ou sont politiquement incompatibles avec le programme de Syriza. D’autres sont tout simplement très bien payés dans le privé. Or, l’état lamentable des finances ne permet pas au gouvernement de proposer à ses collaborateurs des salaires décents par rapport à l’énormité des tâches à accomplir.
En effet, les cadres gouvernementaux se trouvent en première ligne. Disposant des budgets anémiques, voir inexistants, ils sont obligés de composer avec une administration peu efficace, lente et bureaucratique. Ils sont systématiquement confrontés à la corruption de certains agents et aux intérêts privés qui ont profité pendant des années des deniers publics.
A titre d’exemple, selon le témoignage d’une députée, lors d’une visite de l’une de plus grandes prisons du pays à Domokos aucune archive sur les marchés lucratifs de fournitures n’a été trouvée. Toutes les traces des pratiques douteuses du passé avaient tout simplement disparu. Autre exemple, on a découvert que la capacité d’accueil affichée des prisons grecques était largement surestimé par l’administration pénitentiaire. La surpopulation, déjà dramatique, est donc pire que ce qu’on croyait. Le ministère a été obligé d’entreprendre un nouveau comptage de la réelle capacité d’accueil des prisons du pays, calculée cette fois-ci en fonction des standards internationaux.
La bataille pour assainir les médias
Même situation au secrétariat général de la communication où Lefteris Kretsos, le nouveau responsable qui a quitté une carrière d’universitaire en Grande Bretagne pour assumer la fonction, a découvert des situations ubuesques : des journalistes payés par l’agence de presse public APE qui n’ont jamais mis les pieds dans les locaux, ni produit la moindre information ; des locaux à l’étranger inexploités voir abandonnés ; des archives audiovisuels publics dans un piteux état.
Kretsos, un proche de Pappas, est en première ligne dans la bataille que le gouvernement tente de mener contre les oligarques qui contrôlent les médias. Il a ainsi récemment exigé le paiement des sommes dues par les chaînes privées pour l’utilisation des fréquences. Les chaines ont justifié leur manquement en évoquant la mise à disposition gratuite du temps d’antenne aux partis politiques, censée compenser le prix de l’utilisation des fréquences. Une excuse qui sonne comme un aveux.
L’autre tâche urgente pour le secrétaire général à la communication est l’examen des conditions dans lesquelles les chaînes privées en quasi-faillite ont obtenu des prêts avantageux des banques, qui elles mêmes avaient été précédemment re-capitalisées avec de l’argent public. Une disposition de la loi de refondation de ERT prévoit que le gouvernement peut révoquer les licences des stations de télévision qui ne peuvent pas payer leurs dettes. Des hommes d’affaires Grecs mais aussi étrangers sont en embuscade pour récupérer les fréquences si redistribution il y a. Faute d’une régulation suffisante et strictement appliquée le risque de créer une nouvelle oligarchie médiatique est existant.
Le projet de ré-agencement du système médiatique grec inclut également l’assainissement du paysage de l’information en ligne. Pour ce faire le gouvernement entend favoriser les sites d’information qui assurent un journalisme de qualité et se fonde sur des modèles économiques transparents, au détriment de ceux qui dépendent des financements douteux et qui pullulent sur l’internet grec diffusant rumeurs et fausses informations. Si l’idée est louable sa mise en œuvre risque d’être compliquée.
La Grèce qui change malgré tout
Pour s’apercevoir que la Grèce est réellement en train de changer lentement, il faut s’éloigner du triste spectacle qu’offre la négociation avec les créanciers et s’intéresser à la politique de basse intensité qui vise à changer des pratiques et des mentalités fortement ancrées depuis longtemps. La reforme pénitentiaire en cours qui vise à désengorger les prisons et améliorer les conditions de vie des détenus, même si c’est à moyens quasiment constants, est à ce titre emblématique. Il s’agit d’insuffler une nouvelle mentalité dans un système inhumain qui pendant longtemps a fonctionné à l’écart de la société.
Le même effort, très compliqué, est déployé en direction de la police. Samedi dernier a ainsi eu lieu sur la place Syntagma, devant la parlement, le premier festival de cannabis au centre d’Athènes. Pas un seul policier en uniforme n’est venu perturber cette fête de la jeunesse athénienne qui a repris possession des lieux après des années de répression féroce instaurant un climat de terreur policière au cœur de la ville. Cependant le ministre de la police Panousis reste une bête noire pour des nombreux militants et électeurs de Syriza à cause de ses déclarations droitières répétées.
Autre front de ce type, le ministère de la Culture, longtemps mis au services d’une conception nationaliste et étroite de l’art et de l’histoire, tente de s’assainir et de s’ouvrir. Ainsi le secrétaire général à l’archéologie a par exemple découvert des services désorganises et des locaux délabrés. Il a également révélé des multiples manipulations politiques des fouilles en cours dans le nord de la Grèce visant à gonfler la « fierté nationale » et faire diversion des politiques austéritaires mises en œuvre par le précédent gouvernement.
Enfin, le procès en cours des principaux dirigeants d'Aube dorée pour participation à une organisation criminelle est aussi un signal fort pour les populations d’origine étrangère. Ces-dernières peuvent de nouveau circuler sans peur dans les rues d’Athènes puisque les attaques racistes impunies ont drastiquement diminué (sans disparaître).
Dans la même veine, la libération des centaines de migrants des centres de détention immondes mis en place avec des fonds européens, la couverture maladie universelle, y compris pour les étrangers, le droit du sol remplaçant le droit du sang pour les enfants d’immigrés, le retrait des circulaires stigmatisant séropositifs et toxicomanes et la remise sur pied du système de soin pour les malades mentaux qui est en cours clôturent une période qui restera tristement célèbre dans l’histoire du pays : celle d’un racisme d’État violent et qui pour l’instant reste impuni.
Enfin, il faut ajouter aux points positifs évidement les mesures contre la pauvreté extrême – mais qui touchent une fraction seulement de ceux qui en ont besoin – , la réintégration des fonctionnaires licenciés injustement (dont les femmes de ménage du ministère de l’Économie et les employés de ERT), la reforme de l’Éducation nationale vers plus d’égalité et la mise en place d’une commission d’audit sur la dette par le Parlement. Des débuts encourageants mais dont la suite est conditionnée par l’issue des négociations avec les créanciers et la réussite, qui reste hypothétique, de la politique économique qui s’en suivra.
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens » assénait en janvier le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker. En réalité il ne peut tout simplement pas y avoir de démocratie dans le cadre des traités européens. L’hallucinant chantage auquel a été soumis le gouvernement Syriza, dix jours à peine après son accession au pouvoir en Grèce a sanctifié la toute-puissance de la Banque Centrale Européenne en matière de politique économique. La BCE, seule institution fédérale européenne, et la moins démocratique, entend désormais, sans aucun mandat populaire, décider des politiques mises en œuvre par des gouvernements souverainement élus.
Une banque centrale au service des banques privées
Ce n’est pas au nom, ni dans l’intérêt des peuples que la BCE agit. Elle en a depuis longtemps fait la preuve. Ses décisions et ses actes servent aveuglément les intérêts des banques et de la finance, au détriment des populations. Depuis le début de la crise financière la BCE a déployé des trésors d’imagination pour secourir et enrichir les banques privées, allant jusqu’à bouleverser ses pratiques, elle qui se montre si rigide sur ses statuts lorsqu’il s’agit de venir en aide aux Etats ruinés. A titre d’exemple, alors même que sous couvert des traités elle refuse de prêter aux Etats, la BCE a conduit, entre 2011 et 2012, des opérations de refinancement des banques privées à hauteur de 1000 md€ et à des taux d’intérêts dérisoires. Non contente d’accorder des prêts à taux réduit (jusqu’à 0.25% quand les Etats de la Zone Euro empruntaient sur les marchés à des taux de 4 à 5%) la BCE procéda à un rachat massif auprès des institutions financières de titres de dettes souveraines des pays de la Zone Euro, à des prix supérieurs à celui du marché –le tout sans exiger aucune contrepartie. Et en janvier dernier, la Banque centrale européenne a dévoilé son nouveau plan, qui prévoit le rachat de 1 000 milliards d’euros de dette sur le marché secondaire jusqu’à fin 2016. Parallèlement, elle refuse toujours d’acheter directement aux Etats des titres de dette.
La BCE pourrait pourtant aisément résoudre le problème des dettes souveraines en transformant ces créances en obligations perpétuelles avec des taux d’intérêt fixes et sans remboursement de capital – comme le propose la Grèce. Elle pourrait également faire le choix d’annuler simplement les créances qu’elle détient et racheter les titres détenus par d’autres Etats afin de les annuler. Au lieu de cela, elle exige des Etats, au nom d’un supposé intérêt européen, une rigueur budgétaire aberrante au regard de leur situation économique. Laquelle rigueur devant leur permettre de rembourser une dette qui provient pour une large partie, il faut le rappeler, des plans de sauvetage du secteur bancaire et de la récession provoquée par la crise financière.
Persécution économique
Pour décrire l’énormité de la violence imposée aux Etats à travers l’acharnement austéritaire, F. Lordon parle de « persécution économique ». Les pays de la zone euro, déjà dévastés par la spéculation des marchés, ont de surcroit dû se soumettre à des programmes d’austérité aussi drastiques que criminels. Ces programmes ont anéanti toute possibilité de reprise dans la zone euro et en ont fait la région la plus déprimée au monde. Véritables fléaux, ces programmes imposés par la troïka, BCE en tête, ont enfoncé dans la crise l’Europe et tout particulièrement la Grèce. De 2009 à 2014, la réduction des dépenses publiques a été de 28 % en Grèce. Les déficits ont été réduits au prix d’un désastre social et économique. En 2014, le PIB de la Grèce était inférieur de plus de 25 % à son niveau de 2007, il a chuté de 4.7% sur la seule année 2014. En 2014 le taux de chômage était de 26%, le taux de pauvreté avait augmenté de plus de 100%, portant à 46% la proportion de Grecs vivant en dessous du seuil de pauvreté, la mortalité infantile a augmenté de 43%.
Par son vote du 25 janvier 2015 le peuple grec a souverainement exigé la fin de cette persécution. Il réclamait la mise en place d’un programme, celui de Syriza, visant à sortir le pays de la crise humanitaire dans laquelle il est plongé : remboursement de la dette conditionné à la croissance économique, abaissement de l’obligation de surplus budgétaire de 4.5% à 1.5% sur 5 ans pour permettre la relance, taxation des plus riche, lutte contre l’évasion fiscale, plan de reconquête de l’emploi et de développement économique. La réaction ne s’est pas fait attendre : sans qu’aucun mandat ne lui ait été donné en ce sens, la BCE s’est brutalement soustraite à ses fonctions de Banque Centrale vis-à-vis de la Grèce en décidant d’interrompre la garantie de refinancement des titres bancaires Grecs. En menaçant ainsi de couper les liquidités à la Grèce, la BCE use d’une coercition parfaitement illégitime pour empêcher un gouvernement démocratiquement élu d’appliquer son programme.
Les négociations du mois de février entre la Grèce et l’Union européenne auraient sans doute connu une issue très différente si le gouvernement Tsipras avait davantage anticipé un tel chantage et préparé une alternative pour peser dans la négociation. Pour l’heure, faute d’avoir conçu une échappatoire crédible pour échapper au piège tendu par la BCE, ce gouvernement se trouve empêché de mettre en œuvre l’essentiel de son programme.
Préparer l’alternative
Si nous parvenions au pouvoir, nous serions probablement confrontés à une situation similaire. Il nous faut donc concevoir les alternatives qui nous permettraient d’appliquer notre programme.
Pour obtenir une refonte des traités européens permettant aux Etats d’appliquer des politiques favorables aux peuples, nous aurions à mener une bataille passant par la désobéissance aux traités et l’abrogation de la supériorité du droit européen sur le droit national. Si malgré notre politique de désobéissance les gouvernements attachés au fonctionnement technocratique de l’Union européenne continuaient à bloquer une révision des traités, nous serions prêts à assumer l’éclatement de la zone euro.
Pour peser dans les négociations, il faudra effectivement affirmer la possibilité d’une réforme unilatérale des statuts de la Banque de France lui permettant d’acheter des obligations d’État en son nom. Cette réquisition de la Banque de France serait accompagnée d’un contrôle strict des mouvements de capitaux. Cette désobéissance aux traités conduirait certains à demander notre exclusion de la zone euro, même si cela n’est pas prévu par les traités européens. Nous proposerions alors aux autres pays de l’actuelle zone euro un changement radical de structure monétaire, par l’instauration d’une monnaie commune. Cette monnaie aurait un taux de change unique vis-à-vis des monnaies extérieures à la zone euro, mais chaque pays membre de la zone conserverait une monnaie nationale. Ce sont alors d’autres solidarités qui naitraient, fondées sur un nouveau rapport de forces.
Nolwenn Neveu
Article paru dans A Gauche, l´hebdomadaire du Parti de Gauche
Au lieu de réaffirmer la laïcité, certains parlent aujourd’hui de l’affaiblir encore un peu plus en s’inspirant du concordat qui sévit encore en Alsace-Moselle. Ils ne veulent pas voir qu’avec la liberté de conscience, l’égalité de droits des croyants et des athées est essentielle. Ce principe républicain requiert la disparition des privilèges des religions, donc l’abrogation du concordat et non son extension.
Quelques repères historiques.
Le 9 décembre 1905, Marianne se sépare de Dieu. Non pour lui faire la guerre, mais pour s’émanciper de sa tutelle, tout en le libérant de son contrôle. La République reconduit, ainsi, la religion à sa vocation revendiquée de démarche spirituelle qui n’engage que ses fidèles. Elle met à égalité les divers croyants, les athées et les agnostiques, et s’élève à l’universel en se réservant pour le bien commun à tous.
Rompant avec le concordat napoléonien et avec le bonapartisme dominateur qui l’animait, elle ne nomme plus les prêtres, laissant ce soin aux autorités religieuses. Une telle liberté va de pair avec la suppression des privilèges financiers des religions concordataires. Désormais, les salaires des responsables religieux et la construction des lieux de culte seront à la charge des seuls fidèles. La laïcité s’accomplit, simple et limpide, comme la devise républicaine dont elle met en œuvre les principes : liberté de conscience, égalité de droits, universalité fraternelle de la chose publique, désormais dévolue à l’intérêt général et non aux intérêts particuliers des croyants.
Cet avènement laïc est une double émancipation. Comme dit le poète croyant Victor Hugo : « L’Etat chez lui, l’Eglise chez elle. » C’en est donc fini du concordat de 1802-1807, que Bonaparte Napoléon avait assorti d’un catéchisme impérial et d’un sacre propre à ressusciter la collusion de la religion et du pouvoir politique. Avec ce concordat, le droit divin était revenu, comme au temps de la monarchie absolue qui faisait du roi le « ministre de Dieu sur la Terre » (Bossuet). Lecteur de Machiavel, Napoléon ne restaurait les privilèges des religions que pour obtenir en retour une sacralisation de sa domination. Régression vers l’Ancien Régime, et non seuil de laïcisation, le concordat avait reconduit le gallicanisme, qui donne au chef politique un pouvoir religieux. Une balance à deux plateaux. D’un côté, de l’argent pour les cultes et les clergés ; de l’autre, une allégeance contrôlée. Je paie, donc je contrôle. Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon s’en explique. Ce qu’il dit des responsables ecclésiastiques est peu flatteur : « Je suis entouré de prêtres qui me répètent sans cesse que leur règne n’est pas de ce monde, et ils se saisissent de tout ce qu’ils peuvent. Le pape est le chef de cette religion du ciel, et il ne s’occupe que de la Terre. » Le mécénat intéressé, car il l’est presque toujours, achète donc l’allégeance. Ainsi, le pape Paul III commanda à Michel-Ange la fresque du Jugement dernier, et son successeur, Paul IV, fit censurer le chef-d’œuvre par Da Volterra, chargé de repeindre les nus, et surnommé « Il Braghettone » (« le culottier »). « Cachez ce sein que je ne saurais voir » (le Tartuffe, acte III, scène 2).
Transposons pour récuser un argument faussement évident.
La République devrait financer des mosquées voire des instituts de théologie musulmane, et elle pourrait ainsi les contrôler. Quelle étrange idée de la liberté religieuse ! Quel croyant peut accepter ce gallicanisme dominateur, qui en somme achète la soumission ? Chantage. « Je vous paie. Mais gare à ce que vous direz ! ». Voilà bien un retour à l’Ancien Régime, car la relation de dépendance entre les personnes prend la place de la loi républicaine. Une métaphore commune le dit : « Celui qui paie l’orchestre dicte la musique. » Oublie-t-on qu’en République ce n’est pas la domination qui joue, mais la loi commune à tous ? Une loi que le peuple se donne à lui-même, contrat de tous avec chacun et de chacun avec tous. L’égalité horizontale des contractants prend la place de la dépendance verticale. Et, pour obtenir le respect des droits humains, nul besoin de l’acheter. Un imam, qui appelle à battre une femme, comme l’imam Bouziane à Lyon en avril 2004, est passible de poursuites pénales pour incitation à la violence et mise en danger de l’intégrité physique d’une personne. Tel est l’état de droit, et il n’a rien à voir avec le chantage implicite du mécénat religieux. Il est illusoire et même révoltant de vouloir payer pour contrôler. C’est d’ailleurs faire preuve d’une sorte de mépris condescendant pour les fidèles d’une religion que de se substituer à eux pour la délivrer de ses dérives intégristes. La République se contente de dire le droit et de poser, ainsi, les limites de pratiques religieuses qui lui contreviendraient. En parallèle, les religions doivent procéder à une adaptation issue de l’intérieur et non achetée de l’extérieur.
Retour dans les départements concordataires d’Alsace-Moselle.
Les trois composantes du droit local y sont le concordat napoléonien, les lois allemandes dont une qui fait du blasphème un délit et d’autres qui créent des droits sociaux, et la loi Falloux qui installe les cours de religion dans les écoles publiques, avec demande obligée de dérogation pour les familles qui n’en veulent pas pour leurs enfants. Ces trois composantes sont distinctes et parfaitement dissociables. Si bien que l’abrogation du concordat et du délit de blasphème, ainsi que le transfert des cours de religion des écoles publiques à la sphère privée des familles n’entraînent nullement la suppression des droits sociaux spécifiques des alsaciens-mosellans.
Le concordat est une survivance archaïque et antirépublicaine, puisqu’il consacre des privilèges institutionnels et financiers pour les religions, au mépris de l’égalité des croyants et des athées. Il n’a aujourd’hui plus rien d’un accord équilibré, puisque ces privilèges n’ont désormais aucune contrepartie. Le président de la République, certes, nomme des responsables religieux, mais ce sont les autorités religieuses qui les choisissent. Le donnant, donnant napoléonien ne correspond plus à rien. Il ne reste plus que des privilèges, évidemment attentatoires à l’égalité et coûteux pour toute la République du fait qu’elle salarie les prêtres, les rabbins et les pasteurs. L’universel est sacrifié sur l’autel du particulier. Un comble en temps de crise et de vaches maigres pour les services publics communs à tous !
Il est temps d’abroger le concordat que certains voudraient bien étendre pour tuer définitivement la laïcité en communautarisant l’argent public. Dans le même esprit il y a mieux à faire pour la République que de financer des instituts privés de théologie musulmane sous prétexte de lutter contre les causes du fanatisme religieux. Le respect des lois laïques et républicaines, l’Ecole refondée pour instruire, et une politique sociale réaffirmée, peuvent y pourvoir de façon plus sûre.
Note :
[1] Henri PENA-RUIZ Ancien membre de la commission Stasi sur l'application du principe de laïcité
A la fin de la Seconde guerre mondiale, le Conseil National de la Résistance a créé un système de protection sociale solidaire, et nationalisé les grandes sociétés d’assurances privées, au motif que la souffrance ne devait pas être source de profit pour « les grandes féodalités ».
Cette Sécurité Sociale a rapidement agacé le patronat de l’époque. Dès 1948, la Chambre de Commerce de Paris s’en indignait : « La Sécurité sociale est devenue pour l’économie une charge considérable. Les salariés ont profité de traitements dont ils n’avaient peut-être pas un besoin certain, la moindre maladie a été le prétexte de repos. L’absentéisme s’est développé. »
En 2000, Claude Bébéar, alors PDG d’AXA®, crée l’Institut Montaigne, un thilk-tank d'économistes "indépendants"… financé par des banquiers et des assureurs (Areva®, Axa®, Allianz®, BNP Paribas®, Bolloré®, Bouygues®, Dassault®, Pfizer® ), qui dans les média est chargé de distiller le venin : le système de santé, déficitaire, doit être réformé de toute urgence. La preuve : le "trou de la Sécu" conséquence de l'irresponsabilité des malades et de la malhonnêteté des médecins. Jamais aucun de ces experts ne pointe qu’en 25 ans, 10% de la richesse nationale est passée des salariés aux dividendes financiers des actionnaires, entraînant une baisse cumulative des cotisations. La protection sociale des Français est donc constamment pointée comme coûteuse, irresponsable, un frein à la compétitivité et aux profits.
En 2004, Jacques Chirac, ami intime de Claude Bébéar, nomme à la tête de l’Assurance-Maladie Frederic Van Roekeghem, un ancien directeur du groupe AXA®. Proconsul nommé par l’Elysée, l’assureur Van Roekeghem peut enfin passer outre les avis des centrales syndicales et des syndicats médicaux, qui toutefois ne dénoncent pas la manipulation, trop heureux de garder leurs postes et leurs jetons de présence.
Dans le même temps, les assureurs entrent au Conseil de la Sécurité Sociale au sein de l’UNOCAM. Nommant et virant les directeurs de caisses locales comme il l’entend, Van Roekeghem s’entoure de sbires qui transforment la Sécu en intégrant les pires techniques de management : utilisation d’un langage commercial orwellien « C’est en changeant tous un peu qu’on peut tout changer », non-remplacement des agents retraités, transfert non rémunéré de la saisie informatique des feuilles de soins aux soignants, primes d’intéressement des médecins conseils, manipulation programmée des chiffres d'arrêts de travail " injustifiéés ", pouvoir disciplinaire discrétionnaire des directeurs de caisses sur les soignants, harcèlement des médecins. A force d’endoctrinement et de primes, les médecins-contrôleurs de la Caisse intégrent ce paradigme : utiliser les pires méthodes de management du privé "sauverait la Sécu ".
Début 2005, un petit arrangement entre amis permet à Xavier Bertrand, accessoirement ancien assureur chez AXA® lui aussi, de signer une convention avec les syndicats médicaux les plus proches du pouvoir en détruisant le système du médecin référent. Ouvrant la voie à la pénalisation des assurés, aux franchises sur les soins, le système du médecin traitant consiste en un magnifique tour de passe-passe, surchargeant les généralistes de travail administratif sans leur octroyer les moyens de payer un secrétariat, désespérant leur relève et hâtant leur disparition sur l’ensemble du territoire.
Dans le même temps, à l’hôpital, se met en place la tarification à l’activité. Les directeurs d’hôpitaux, eux aussi nommés par le pouvoir politique, inculquent au personnel soignant la culture du résultat. Rapidement, les vieux, les sans-grade, les malades atteints de pathologies complexes et nécessitant, outre des explorations médicales, du « temps soignant », sont refoulés de l’hôpital, pour des raisons d’équilibre budgétaire.
En 2006, à sa prise de fonction, Guillaume Sarkozy déclare être « fier de prendre la direction de Médéric®, un acteur historique majeur de la protection sociale. Mon ambition est que Médéric® relève les défis des réformes à venir qui transformeront profondément l’intervention des acteurs complémentaires, notamment dans le domaine de la santé, pour jouer un rôle de premier plan dans l’amélioration des services de protection sociale. »
Stigmatisation des patients, dénigrement des soignants
En 2007, son frère Nicolas Sarkozy arrive au pouvoir et, au prétexte de la réduction des déficits, se lance dans la " responsabilisation " des patients en instaurant des franchises sur les soins. Philippe Seguin, président de la Cour des Comptes, propose une alternative : plutôt que de ponctionner 800 millions d’euros par an dans la poche des cancéreux et des diabétiques, la simple taxation des stock-options ramènerait 4 milliards par an dans les caisses de l’Etat. La proposition est évidemment passée à la trappe.
Confrontés en 2009 à une campagne vaccinale contre la grippe aussi calamiteuse sur le plan scientifique que financier, ces « représentants » se taisent courageusement, concentrant leur tir sur les médecins de ville, accusés de vouloir vacciner leurs patients par appât du gain. Ils évitent ainsi à Roselyne Bachelot-Narquin et à Nicolas Sarkozy d’avouer clairement qu’il ne leur est pas venu un instant à l’idée de baser un plan pandémique sur une espèce dont ils organisent la disparition.
En faisant une fois de plus preuve de leur indépendance d’esprit vis-à-vis des pouvoirs et des pseudo-experts, les médecins de ville renforcent la conviction des politiques : il n’y a rien à attendre d’un corps de métier aussi disparate, individualiste, rétif à toute directive administrative infondée : le magistère de la santé doit être retiré au corps médical. Béats d’admiration devant les vaccinodromes Bachelot, certains idiots utiles comme Jean-Luc Mélenchono et François Chérèqueaccompagnent la manœuvre, incapables de saisir que ce n’est pas aux pieds du peuple, mais aux pieds des assureurs que le politique compte déposer ce magistère.
En 2009, Frédéric Van Roekeghem innove en proposant aux généralistes une rémunération à la performance. Certains des items scientifiques en sont très discutables, voire contraires à l’intérêt des patients, le calcul de la rémunération en est opaque. Le but est de déterminer, au sein des soignants, les plus compliants. Ceux qui passent sous les fourches caudines de la CNAM pour quelques deniers pourront demain, pour une somme modique, être agréés par les réseaux des assureurs privés.
En 2010, de déremboursement en franchise, la « Sécu » ne rembourse bientôt plus que 50% des soins ambulatoires, en maintenant la pression sur les professionnels de santé les moins bien rémunérés, infirmiers, généralistes et spécialistes de secteur 1, pour les pousser à la disparition. Sous couvert d’améliorer la gestion, se créent alors des Agences Régionales de Santé, sous la houlette de Nicolas Sarkozy. Une flopée de pontes « de gauche » habitués des hauts salaires, dont Claude Evin, qui a vigoureusement soutenu la réforme des hôpitaux, s’y précipite pour accepter des postes, cautionnant la manœuvre. Au menu : restrictions financières, coupes claires et autoritarisme d’une administration pléthorique jamais satisfaite.
En 2010 toujours, la légalisation de la « télémédecine » fait les unes de la presse. Experts du ministère et charlatans 3.0 exaltent conjointement une industrialisation du soin qui réaliserait le rêve d’une médecine sans médecin, gérée à distance depuis un centre d’appel vers des objets connectés.
Au Congrès de la Mutualité cette année-là, Marisol Touraine vient plier le genou devant le véritable Ministre de la Santé, Etienne Caniard. Elle lui accorde le report de publication des frais de gestion des complémentaires, "dont nous connaissons les difficultés qu'elles créaient pour vous" . Le pauvre homme est probablement comme le député Thévenoud l’une des premières victimes de la phobie administrative, et Marisol Touraine ne veut pas l’accabler en le contraignant à révéler aux cotisants quel pourcentage de leur argent est réellement consacré au remboursement des soins, et quel pourcentage va au marketing, aux publicités calamiteuses de Chevalier et Laspalès, ou au sponsoring de rallyes automobiles. Sous les vivats des dirigeants de complémentaires, François Hollande annonce la mise en place de l’Accord National Inter-régimes (ANI). « Une mutuelle pour tous », lance fièrement l’ennemi de la finance. L’Association Diversité et Proximité Mutualiste ( ADPM) regroupant de petites mutuelles, dénonce sans être entendue les manoeuvres en cours de financiarisation du secteur au profit des grands groupes. Et très peu comprennent que cette prétendue avancée signe un recul supplémentaire de la solidarité : dans un pays où la Sécurité Sociale rembourserait chacun correctement, personne ne devrait se voir contraint de cotiser à une complémentaire…
Dans le même temps, tandis que Cahuzac et Morelle donnent des leçons de morale à la Terre entière, en flagrant conflit d’intérêt, des députés socialistes ex-administrateurs de mutuelles douteuses, de la MNEF à la LMDE, passent en force à l’Assemblée Nationale la loi sur les réseaux de soins, histoire de renforcer le pouvoir des assureurs sur les professionnels de santé.
Dans le même temps, les laboratoires de biologie médicale font l’expérience de la main-mise des ARS sur leur survie. Accablés par la loi Bachelot de démarches-qualité et d’évaluations onéreuses, ne pouvant faire face à l’avalanche de textes et de contraintes administratives, nombre de biologes sont contraints de vendre leur laboratoire à de grands groupes. Comme par hasard, le dossier est géré au gouvernement sous la houlette de Jérôme Cahuzac, alors ministre délégué au budget, et par certains de ses proches.
Diminuer le « coût » de la protection sociale et servir la finance
Et nous voici en 2015. Accélérant le mouvement, le gouvernement de reniement de François Hollande cherche à déréglementer le secteur de la santé, et à livrer les professionnels aux financiers et aux assureurs, appâtés par l’odeur du gain, tout en cherchant désespérément une mesure emblématique de gauche pour servir de caution sociale de sa politique antisociale : ce sera le tiers-payant généralisé.
Dans le même temps, au prétexte de la loi sur l’accessibilité aux personnes handicapées, le gouvernement met en péril la survie de nombre de cabinets médicaux isolés. Les moyens diffèrent, mais la technique est identique à celle qui a été utilisée avec succès pour les laboratoires de biologie médicale. Empiler les contraintes ingérables au tarif actuel de la consultation, forcer au regroupement dans des structures qui demain seront bradées aux complémentaires et aux financiers. Quand 50.000 médecins refusent telle ou telle directive imbécile, il est plus simple pour les ARS d’ordonner aux directeurs de 3000 maisons de santé de suivre les protocoles décidés en haut lieu.
Avec le TPG, il ne s’agit pas de diminuer le coût final pour les malades, mais de rendre l’assureur maître d’œuvre de la procédure médicale, selon l’adage qui veut que celui qui paie décide, surtout s’il a tout moyen de faire pression sur le professionnel. Lorsqu’elle répète en boucle dans les média que le tiers-payant généralisé ne coûtera rien à l’Etat, Marisol Touraine n’a pas tort, dans la mesure où la Sécurité Sociale est totalement incapable de gérer informatiquement 600 mutuelles complémentaires. Frédéric Van Roekeghem, qui a quitté son poste de fossoyeur après dix ans de bons et loyaux services pour retourner pantoufler dans le privé, a tellement dégraissé la Sécu que ses services ne sont même plus capables de comptabiliser correctement le nombre de patients ayant choisi tel ou tel médecin traitant. Comment son successeur, Nicolas Revel pourrait-il gérer correctement le règlement des soins aux professionnels ? De son côté, Etienne Caniard fait le tour des médias, annonçant comme un camelot de téléachat qu'il a dans ses cartons une solution informatique simple et fiable pour assurer le paiement aux professionnels, alors qu’encore aujourd’hui la majorité des complémentaires est incapable d’assurer correctement le règlement de la part mutualiste aux assurés bénéficiant du tiers-payant. Mais Marisol Touraine s’en moque. Ce qui lui importe, c’est l’effet d’annonce. C’est de marteler une fois de plus, comme Cahuzac, Morelle et Thévenoud avant elle, qu’elle est de gauche, et donc du côté des petits, des démunis, des pauvres et des sans grade, avant de monter en voiture pour aller dîner au Siècle.
Ultime retournement de veste d’un gouvernement aux abois et signe de l’amateurisme qui a accompagné tout au long le projet de loi Santé, Marisol Touraine lâche dans la dernière ligne sous la pression insistante des médecins les mutuassureurs en chargeant la seule Assurance-Maladie de gérer le tiers-payant, provoquant la colére dépitée d'Etienne Caniard. Le président de la Mutualité, qui n’a pas ménagé ses efforts de lobbyiste, voit s’éloigner avec ce flux unique l’accès direct des assureurs aux données des patients. Même son de cloche chez Cegedim, éditeur de logiciels pour l’industrie pharmaceutique dont le PDG… mis en examen dans l’affaire de la MNEF, fustige un dispositif « techniquement et juridiquement » intenable… qui protège encore un temps les données des patients… jusqu’au prochain décret ou amendement passé en douce.
Car derrière ce recul momentané, la menace est toujours présente, et de plus en plus clairement exprimée par les parlementaires « socialistes ». Olivier Véran, rapporteur de la Loi Santé, plaide en termes sibyllins pour une « redéfinition du panier de soins », tandis que Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche et spécialiste des affaires sociales, se prononce de manière plus franche pour le transfert de la médecine de ville, « les petits soins » aux assureurs, quand la Sécurité Sociale se concentrerait sur les pathologies lourdes : " Oui, il faut aller vers ce transfert, et y aller à fond... " Quand aux données de santé, que convoitent les assureurs… « il faut avancer sur l’open data, je le demande au gouvernement ». Pour que les choses soient parfaitement limpides, il assume de manière décomplexée, comme Denis Kessler à droite, l’abandon du pacte fondateur du Conseil National de la Résistance : « Le monde avance, le monde change. Et la Sécurité sociale de 1946 n’était sûrement pas ce que certains prétendent ».
Ce qui se joue ici, c’est une certaine façon d’exercer la médecine. C’est la destruction d’une médecine de l’individu, au profit d’une industrie de santé adossée aux appétits des actionnaires. Il y a deux ans, l’énoncer clairement aurait soulevé l’incompréhension. Mais après deux ans de règne de François Hollande, de reniement en reniement, il est évident que l’homme qui se proclamait ennemi de la finance est en fait son meilleur ami, et que pour passer sous les fourches caudines de la Commission Européenne, il est prêt à brader la santé et le système de protection social français en les livrant aux assureurs et aux financiers pour bien montrer sa capacité de « réformes » antisociales. Financiarisation du secteur santé, perte d’indépendance des professionnels… Hollande, Valls, Macron, Touraine, Moscovici, Cahuzac… Si la finance n’a pas de visage, elle a un gouvernement.
Christian Lehmann
PS : Je suis médecin généraliste depuis plus de trente ans. Trente années pendant lesquelles j’ai vu naître, grandir, vieillir, mourir, un grand nombre de patients. J’ai été le médecin généraliste de chacun d’entre eux, considéré comme un individu, et non pas une ligne de bilan comptable. Comme j’ai refusé hier d’être le larbin de l’industrie pharmaceutique, je refuserai demain d’être le larbin d’un assureur, fût-il caché sous le mot-valise « mutualiste ».
Une famille de cinq personnes au RSA gagnerait plus qu’une famille de même taille avec un salaire au Smic : ce calcul, complètement bidon, posté sur Facebook a eu un succès fou. Un calcul sérieux montre au contraire qu’une famille au Smic s’en sort un peu moins mal avec un « reste à vivre » (après les dépenses contraintes : loyer, électricité, transport...) de 1406 euros par mois contre 801 euros pour un foyer similaire au RSA, selon les calculs refaits par l’association ATD Quart Monde et Rue 89.
Qu’importe. L’idée selon laquelle les plus précaires abuseraient du système, aux dépens de « ceux qui travaillent », est décidément bien ancrée. Et allègrement relayée par certains politiques. Il y a deux ans Laurent Wauquiez déclarait ainsi que « un couple qui ne travaille pas, qui est au RSA, en cumulant les différents système des minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel une personne gagne un Smic. Ce n’est pas logique, c’est la société française qui tourne à l’envers ».
Combattre les idées reçues
ATD Quart Monde s’attaque frontalement à ces idées reçues avec une campagne. L’association montre qu’un couple ayant deux enfants et un Smic doit se débrouiller avec 1881 euros par mois (toutes aides sociales comprises). Alors qu’une famille de même taille avec un RSA dispose de seulement 1341 euros par mois. Précisons que la moitié seulement des ayant-droits au RSA le réclament, ce qui entraîne une « économie » annuelle d’environ 5 milliards d’euros.
« La fraude aux prestations sociales, évaluée à environ trois milliards d’euros, concernerait 1% des particuliers », rappelle ATD Quart Monde. 90% de ces trois milliards sont récupérés. Des sommes fort éloignées de la fraude aux prélèvements sociaux, estimée entre 8 et 12 milliards. Cette fraude concernait en 2007 10% des entreprises, selon leConseil des prélèvements obligatoires. Quant à la fraude fiscale, elle coûte chaque année 30 milliards d’euros à l’État français, selon unrapport du Sénat rendu public en juillet 2012.
C’est l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. L’Otan peut également être appelé Nato (acronyme anglais de «North Atlantic treaty organization»), l’Alliance ou encore l’Alliance atlantique. Concrètement, l’Otan est une alliance de pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Le texte de ce traité est signé le . L'OTAN regroupe actuellement 30 pays membres, dont la France, les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne ou encore la Turquie. Les derniers pays ayant intégré l’Otan Macédoine du Nord et le Monténégro (Pour voir l'intégrale).
Quel est son but ?
En théorie, maintenir la paix sur les continents américain et européen et assurer une défense commune contre les menaces extérieures. Avant tout par la diplomatie et par la collaboration politique. Mais si ces moyens ne sont pas suffisants, l’Otan possède des capacités militaires qui lui permettent de conduire des «opérations multinationales de gestion de crise», c’est-à-dire des interventions armées.
Notez que l’Otan obéit à un principe majeur: l’attaque de l’un ou plusieurs de ses membres doit être considérée comme une attaque dirigée contre tous, ce qui implique de répondre par une «défense collective». C’est l’article 5 du Traité de Washington, ou Traité de l’Atlantique Nord, le traité fondateur de l’Otan. Cet article 5 n’a été invoqué qu’une seule fois, en réponse aux attentats terroristes du 11-Septembre.
Quelle est son histoire ?
L’Alliance a été créée en 1949 pour assurer la sécurité du continent européen après la Seconde Guerre mondiale. Deux Etats préoccupent alors l’Otan: l’Allemagne et l’Union soviétique.
En 1991, l’empire soviétique n’existe plus, la Russie est à l’agonie économique, la guerre froide est terminée. Mais cette année-là marque le début des guerres de Yougoslavie, soit dix ans de conflits, d’abord en Slovénie, puis en Croatie, en Bosnie, au Kosovo et en Macédoine. L’Otan intervient en Bosnie en 1995 et au Kosovo en 1999. En 2001, les attentats du 11-Septembre font jouer un nouveau rôle à l’Otan, qui s’engage dans une « guerre contre le terrorisme ». En mars 2011, intervention militaire en Libye, et à partir du , l'ensemble des opérations sont conduites par l'OTAN dans le cadre de l'opération Unified Protector[1].
Et la France ?
7 mars 1966 : La France est donc l’un des membres fondateurs de l’OTAN. Malgré cela, le 7 mars 1966, le général DE GAULLE, alors président de la République française, annonce dans une lettre adressée au président américain, Lyndon B. JOHNSON, le retrait de la France de la structure militaire de l’OTAN. »La France, écrit-il, se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entravé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements intégrés et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’OTAN.«
7 novembre 2007 : La réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord est annoncée par le président de la République Nicolas Sarkozy au Congrès à Washington le 7 novembre 2007.
À l'Assemblée nationale, cette politique donne lieu à une motion de censure le 8 avril 2008 et à un vote de confiance le 17 mars 2009. Les deux votes sont favorables au gouvernement et le vote de confiance entérine le retour. Ce retour devient effectif lors du sommet de l'OTAN à Strasbourg-Kehl les 3 et 4 avril 2009.
Comment fonctionne l’Otan ?
Pour agir, l’Otan doit prendre des «décisions» qui doivent faire «consensus». Autrement dit, une décision doit être adoptée par chacun des membres. Dans les faits, il n’y a pas de vote à l’Otan. Les Etats discutent entre eux jusqu’à ce qu’une décision acceptable par tous soit prise. Il arrive que les pays membres conviennent de ne pas s’accorder sur un point particulier.
Pour éclairer les membres dans leur prise de décisions, des centaines d’experts et de responsables civils et militaires se rendent chaque jour au siège de l’Otan, à Bruxelles, pour échanger des informations et partager des idées.
Michel Collon : " Toutes les guerres de l'OTAN sont des guerres de pillage "
Exraits de " Ce soir ou jamais " du 22-05-2012 de Frédéric Taddeï.
OTAN : Pour aller plus loin
OTAN : mercenaires et propagande au service d’une machine de guerre 1/3
OTAN : mercenaires et propagande au service d’une machine de guerre 2/3
OTAN : mercenaires et propagande au service d’une machine de guerre 3/3
Voici une chronologie non-exhaustive des différentes interventions impérialistes des États-Unis dans le monde depuis le Manifest Destiny de 1845. Une idéologie de colonisation, sous la présidence de James Polk, selon laquelle les États-Unis ont pour mission divine d’apporter la démocratie et la civilisation vers l’Ouest, sur les terres amérindiennes.
Au début du XXème siècle, le président Théodore Roosevelt a repris le concept afin de justifier l’expansionnisme et l’interventionnisme des États-Unis hors de ses frontières quand les intérêts américains étaient menacés. Il déclara notamment : « Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté. »
Sources :MECANOBLOG par·par Bao| mis à jour le 07/02/2024
1846 : Mexique. A l’issue d’une guerre qu’ils avaient programmées et provoquées, les États-Unis s’emparent de la moitié du territoire mexicain. Ce territoire conquis s’appelle aujourd’hui : la Californie, le Nevada, l’Utah, l’Arizona, le Nouveau-Mexique, le Colorado (en partie).
1852-1853 : Argentine. Les Marines débarquent et s’installent à Buenos-Aires pour protéger les intérêts américains face à une révolution.
1853 : Nicaragua. Protection des citoyens et intérêts américains pendant des troubles politiques.
1853-1854 : Japon. « Pland’ouverture du Japon » et expédition Perry qui conduit, avec les navires de guerre américains, à forcer le Japon à ouvrir ses ports aux États-Unis. Attendant une réponse du Japon l’autorisant à se rendre dans ce pays, le contre-amiral américain Perry, opère une démonstration navale de force et débarque par deux fois. Il obtient des autorités de Naha, sur l’île d’Okinawa, la gestion d’une concession minière. Il opère la même démonstration de force dans les îles de Bonin afin d’obtenir des facilités commerciales.
1854 : Nicaragua. Pour venger une offense faite au ministre-président américain en poste au Nicaragua : destruction de la vile de Greytown (San Juan del Norte).
1855 : Uruguay. Les armées américaines et européennes débarquent pour protéger les intérêts américains au cours d’une tentative de révolution à Montevideo.
1859 : Chine. Intervention destinée à protéger les intérêts des États-Unis à Shanghai.
1860 : Angola. Intervention en Afrique occidentale portugaise pour assurer la sécurité des citoyens et des biens américains pendant une révolte indigène à Kissembo.
1890 - Dakota du Sud. Le massacre de Wounded Knee est une opération militaire qui s'est déroulée le 29 décembre 1890 à Wounded Knee dans le Dakota du Sud, aux États-Unis. Entre 150 et 300 Amérindiens de la tribu Lakota miniconjou (dont plusieurs dizaines de femmes et des enfants) sont tués par l'armée des États-Unis.
1893 : Hawaii. Sous couvert officiel de protéger les vies et les biens des américains, cette intervention visa à mettre en place un gouvernement provisoire sous l’autorité de Sanford D. Dole.
1894 : Nicaragua. Intervention militaire pour protéger les intérêts américains à Bluefields à la suite d’une révolution.
1898 : Cuba. Sous prétexte de libérer l’île de la tutelle espagnole, les États-Unis s’installent et imposent une base militaire, la possibilités d’investissements financiers américains et un droit d’intervention dans les affaires intérieures du pays.
1898 : Porto-Rico, Hawaii, Wake, Guam. Sous prétexte de défaire la tutelle espagnole, les États-Unis s’installent et imposent une base militaire, la possibilités d’investissements financiers américains et un droit d’intervention dans les affaires intérieures du pays.
1898 : Philippines. L’archipel est vendu aux USA par l’Espagne (décembre 1898), les philippins se soulèvent contre les États-Unis (février 1899), les États-Unis envoie 70 000 militaires qui mettront trois ans pour mater le soulèvement (des milliers de pertes humaines).
1903 : Colombie. Les États-Unis fomentent une révolution à l’issue de laquelle ils créent de toute pièce la République de Panama qui lui assure le contrôle du canal et des bénéfices qu’il génère.
1914-1918 : Première Guerre Mondiale.
1915 : Haïti. Nouvelle intervention et occupation des troupes américaines pendant 19 ans.
1916 : République Dominicaine. Quatrième intervention et maintien des troupes américaines pendant 8 ans.
1926 : Nicaragua. Nouvelle intervention et expédition de 5000 militaires pour contrer une révolution.
1940-1945 : Deuxième Guerre Mondiale.
- 1945 : Début de la Guerre Froide entre les États-Unis et l’URSS.
- 1945 : Japon. Bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki.
1945-46 : Chine. Bombardements.
1946 : Philippines. Colonie américaine jusqu’à l’occupation japonaise, les Philippines accèdent à leur indépendance en 1946 en concédant aux États-Unis un droit illimité d’exploitation des ressources naturelles du pays au titre des dommages de guerre. Jusqu’en 1992 les États-Unis conservent 23 bases militaires et participent à la répression des opposants communistes ou musulmans.
1947 : Grèce. Les États-Unis volent au secours de la dictature de colonels mise en place par les britanniques et menacée par la guérilla des gauchistes. Les États-Unis livrent 74 000 tonnes de matériels militaires et d’armements et envoient 250 « conseillers » militaires sur le terrain, assurant ainsi la victoire des forces de droite en 1949.
1950 : Porto Rico. Les troupes américaines qui stationnent en permanence écrasent un mouvement d’indépendance. Deux ans plus tard, Porto Rico se voit accorder le statut d‘État libre associé aux États-Unis.
1950-1953 : Corée. Les forces armées de la Corée du Nord franchissent le 38ème parallèle et pénètrent en Corée du Sud. A la « demande » des Nations-Unies, les États-Unis acceptent d’aider à repousser l’agression armée. 2 millions de coréens trouvent la mort au cours de cette guerre.
1950-53 : Chine. Nouveaux bombardements.
1953 : Iran. Opération Ajax, un coup d’État orchestré par la CIA est mené par l’armée et les grands propriétaires fonciers après que les britanniques aient organisés le boycott des compagnies pétrolières iraniennes suite à leur nationalisation en 1951. Les États-Unis soutiennent pendant les 25 ans qui suivent l’homme fort du pays, le Shah d’Iran. Celui-ci s’enfuira en 1978 devant le raz-de-marée de la Révolution Islamique de l’ayatollah Khomeiney en exil. Deux ans plus tard, en 1980, la guerre entre l’Iran et l’Irak sera une aubaine pour les industries d’armements, notamment américaines.
1954 : Guatemala. Opération PBSUCCESS, des mercenaires entraînés par la CIA au Honduras et au Nicaragua renversent, avec l’aide de l’aviation américaine, le gouvernement démocratique du président Arbenz Guzman remplacé par une junte militaire réclamée par Eisenhower.
1958 : Liban. Des milliers de Marines sont envoyés à Beyrouth pour empêcher le renversement du gouvernement pro-américain et protéger les intérêts américains dans la région.
1958 : Indonésie. Bombardements par les militaires et combattants islamistes appuyés par les États-Unis contre le gouvernement démocratique de Sumatra.
1960 : Guatemala. Bombardements.
1961 : Cuba. Opération Mongoose, armés et entraînés par la CIA, plus de 1000 exilés cubains débarquent dans la Baie des Cochons avec l’espoir de provoquer une rébellion contre le gouvernement castriste en place très populaire. Le soulèvement n’a pas lieu, les mercenaires sont rejetés à la mer, les États-Unis imposent un embargo à Cuba.
1961-1972 : Vietnam. Pendant 11 ans, les États-Unis, prenant le relais de l’armée française, utilisent tout leur arsenal militaire y compris des armes chimiques pour venir à bout d’un mouvement révolutionnaire nationaliste d’indépendance. La plus longue guerre dans laquelle se sont embarqués les États-Unis causera la mort de plus d’un million de combattants vietnamiens, quatre millions de civils et près de 60000 soldats américains.
1961-1972 : Laos et Cambodge. Bien qu’officiellement pas en guerre avec ces deux pays, les États-Unis y effectuèrent d’incessantes attaques aériennes et d’innombrables massacres de populations.
1961 : Congo. Assassinat du premier ministre Patrice Lumumba par les services secrets belges soutenus par la CIA.
1962 : Cuba. Crise des missiles.
1964 : Panama. Les Marines qui protègent les intérêts américains du canal de Panama écrasent une révolte visant à nationaliser ce secteur stratégique. Après avoir protégé et utilisé le dictateur panaméen pour leurs attaques contre le Nicaragua sandiniste, les USA s’en débarrassent. 26 000 soldats américains envahissent le pays sous couvert de le faire comparaître devant les tribunaux américains pour trafic de drogue. Des centaines de civils périssent sous les bombardements.
1964 : Brésil. Renversement du président Joao Goulart par un putch militaire soutenu par la CIA et instauration de la dictature du maréchal Castelo Branco.
1964 : Congo. Bombardements pour réprimer la révolte nationaliste de gauche soutenue par l’Organisation de l’Unité Africaine.
1965 : Indonésie. Prétextant une tentative de putch des communiste pourtant proche du pouvoir de Sukarno, une opération militaire sanglante dont les dirigeants sont téléguidés par la CIA est menée. Des centaines de milliers d’indonésiens sont victimes d’une chasse à l’opposant, la longue et meurtrière carrière de l’homme de paille américain Suharto commence pour culminer au Timor Oriental.
1965 : République Dominicaine. Sous le couvert de l’Organisation des États Américains, les États-Unis interviennent militairement pour contrer une prétendue menace communiste et provoquent un coup d’État contre le président Juan Bosch élu démocratiquement. La bataille de Saint-Domingue fait quelque 10 000 victimes.
1965 : Pérou. Bombardements.
1967-69 : Guatemala. Formation des forces armées guatémaltèques du président Julio César Mendez Montenegro par les forces spéciales américaines pour contrer les attaques des rebelles gauchistes.
1970 : Oman. Soutien logistique de la CIA et formation par des conseillers américains, les troupes iraniennes tentent d’envahir le sultanat pour contrer l’insurrection communiste dite Guerre du Dhofar.
1970 : Moyen-Orient. Implication militaire des États-Unis auprès d’Israël dans les guerres qui ont lieu dans cette région du globe.
1973 : Chili. Suite à la réforme agraire et aux nationalisations, les États-Unis, par l’intermédiaire de la CIA et de la firme ITT, fomentent un coup d’État militaire qui conduit à l’extermination du président élu de gauche Salvador Allende. Des milliers de morts, de femmes et d’enfants enlevés et torturés, et l’installation de la dictature d’extrême-droite du général Pinochet conseillé par la CIA.
1975-1999 : Timor Oriental. Les États-Unis soutiennent sans faillir l’invasion et l’annexion conduite par l’Indonésie de Suharto. Un tiers de la population est décimée en près de 25 années. Alors qu’en 1999 lors d’un référendum, 80% de la population du Timor Oriental choisit l’indépendance, les États-Unis soutiennent les exactions et la terreur de milices téléguidées par l’armée indonésienne qui s’opposent à l’indépendance. Les États-Unis finissent par accepter, sous la pression internationale, l’idée d’une force de maintien de la Paix de l’ONU.
1979-1989 : Afghanistan. Opération Cyclone, soutien logistique aux Moudjahidins du commandant Massoud pour contrer l’invasion de l’URSS. Soutien à Oussama Ben Laden appuyé par les services secrets pakistanais, l’ISI, dans le recrutement, la formation et l’envoi de combattants islamistes sur le front afghan.
1980-1990 : Salvador. Les États-Unis s’engagent militairement aux côté des forces gouvernementales, de l’oligarchie au pouvoir et des escadrons de la mort de l’armée salvadorienne pour contrer la guérilla marxiste du FMLN. En 1980, l’archevêque Romero, très populaire chez les pauvres, est assassiné par des hommes proches de la CIA. En dix ans, la guerre civile a fait plus de 100 000 morts.
1981-1988 : Nicaragua. Les États-Unis n’acceptent pas la série de réformes que les Sandinistes du président Daniel Ortega arrivés au pouvoir en 1979 engagent. Les États-Unis apportent leur soutien aux Contras basés au Honduras. En 1986, le scandale de l’Irangate révèle que le produit financier des ventes d’armes américaines à l’Iran a servi a financer les Contras.
1982-1984 : Liban. Les troupes phalangistes du Liban soutenues par Israël et les États-Unis expulsent et massacrent des Palestiniens.
1983 : Grenade. Opération Urgent Fury, embourbés au Liban, les États-Unis font une démonstration de force en envahissant la minuscule île de la Grenade prétextant de la sécurité de quelques citoyens américains et pour renverser le dirigeant Maurice Bishop suite à son coup d’Etat pacifique contre le régime autoritaire du Premier Ministre Eric Gairy. Huit ans plus tard, le Wall Street Journal qualifie cette démonstration d’« invasion des banques », l’île est devenue un paradis pour la fraude financière et l’évasion fiscale.
1986 : Libye. Suite aux attentats anti-américains en Europe, l’aviation américaine bombarde des villes libyennes, faisant des centaines de victimes parmi les civils et les officiels.
1986 : Les États-Unis sont condamnés pour « usage illégal de la force » contre le Nicaragua par la Cour internationale de justice de La Haye.
1988 : Iran. Opération Praying Mantis de la marine américaine contre les deux plateformes pétrolières iraniennes, Sassan & Sirri, durant la guerre Iran-Irak et suite aux dégâts de la frégate USS Samuel B. Roberts causés par une mine iranienne.
1989 : Philippines. L’aviation américaine prête main-forte aux forces gouvernementales pour contrecarrer un des nombreux coup d’État contre la présidente Corazon Aquino, farouche opposante aux communistes et aux indépendantistes musulmans.
1989 : Panama. Opération Just Cause, le président George H.W. Bush ordonne la prise de contrôle du canal de Panama et renverse le dictateur militaire Manuel Noriega, agent double de la CIA, suite au prétexte de l’exécution d’un soldat américain par des soldats panaméens.
1991 : Fin de la Guerre Froide entre les États-Unis et l’URSS.
1991 : Irak. Allié précieux des États-Unis dans la région durant de longues années, le dictateur Saddam Hussein envahit le Koweït sans en référer à la superpuissance. Les États-Unis, n’acceptant pas de perdre le contrôle d’une partie des ressources pétrolières du Golfe, déclarent la guerre à l’Irak en janvier 1991 et mettent en place une coalition militaire internationale qui, avec le soutien de l’ONU, libère le Koweït. L’Irak est placé sous embargo.
1993-1994 : Somalie. Fiasco des opérations Restore Hope I et II, en appui à l’ONU, pour mettre fin à la guerre civile du seigneur de guerre Mohamed Aidid.
1994 : Haïti. Ayant occupé Haïti de 1915 à 1934 puis soutenus les deux effroyables dictatures de François et Jean-Claude Duvalier de 1957 à 1986, les États-Unis se montrent favorables au renversement par coup d’État, en 1991, contre le dictateur Raoul Cédras remplacé par le le président en exil Jean-Bertrand Aristide escorté par 22000 soldats américains. Parmi les militaires impliqués dans le coup d’État, le colonel François qui a été formé, comme les dictateurs latino-américains Noriega et d’Aubuisson, dans la même académie militaire américaine. Trois ans plus tard les États-Unis interviennent militairement pour remettre en scelle le président déchu.
1995 : Yougoslavie. Bombardements en Bosnie-Herzégovine en soutien aux forces armées de l’ONU/OTAN.
1996 : Somalie. Soutien de la CIA dans l’assassinat de Mohamed Aidid.
1998 : Irak. Les États-Unis et l’Angleterre reprennent leurs bombardements sur l’Irak et se fixent comme objectif l’élimination physique de Saddam Hussein et la mise en place d’un gouvernement de remplacement.
1998 : Soudan. Opération Infinite Reach, en riposte aux attentats terroristes contre les ambassades américaines de Nairobi au Kenya et de Dar-es-Salaam en Tanzanie, l’armée américaine détruit un complexe pharmaceutique d’Al-Shifa supposé servir de lieux de production d’armement chimique à des fins terroristes.
1998 : Afghanistan, Opération Infinite Reach, bombardements massifs par la marine américaine de quatre camps d’entrainement dont Al Badr, El Farouq et Zawhar Kili, dirigés par Oussama Ben Laden, ex-agent de la CIA, lors d’un sommet de hauts responsables de plusieurs milices islamistes. L’attaque américaine provoqua la mort de cinq agents secrets pakistanais de l’ISI.
1998 : Timor Oriental. Soutien logistique à l’ONU pour son indépendance.
1999 : Yougoslavie. Au mois de mars, sous l’impulsion des États-Unis, l’OTAN bombarde le Kosovo et la Serbie ou s’opposent l’Armée de Libération du Kosovo qui depuis 1998 mène des opérations de guérilla et les forces de polices serbes qui, de leur côté, prennent en otage les populations civiles. Des centaines de bombes à uranium appauvri sont testées par les États-Unis. A noter que L’ambassadeur du Canada en Yougoslavie, James Bissett, écrivait en 2001 : « Depuis 1998, la Central Intelligence Agency (CIA) avec l’aide du Special Air Service (SAS) britannique livrait des armes à l’armée de libération du Kosovo (UCK) et leur assurait une formation militaire, dans le but d’une insurrection armée. […] et, une fois la région embrasée, l’intervention de l’OTAN deviendrait possible et justifiée »VoirICI
11 septembre 2001 : Début de la Guerre contre le Terrorisme. Lancement de l’opération Enduring Freedom à l’échelle du globe.
2001 à 2021 : Afghanistan. Opération Active Endeavour, suite aux attentats du 11 septembre attribués à l’organisation Al-Qaïda dirigée par Oussama Ben Laden, les États-Unis forment une coalition internationale, implantent des bases au Pakistan et bombardent massivement le pays. Les Taliban sont renversés. Les États-Unis ne parviennent pas à imposer leur « protégé » (l’ancien roi), un gouvernement de transition est mis en place. Les prisonniers de guerre se voient déniés par les États-Unis de leurs droits internationaux reconnus par les conventions internationales, certains sont déportés sur la base militaire américaine de Guantanamo à Cuba et subissent un régime d’exception contraire aux principes internationaux et à la législation américaine elle-même. Derrière ces événements, les États-Unis légitiment leur allié dictateur du Pakistan, assurent peu à peu leur mainmise sur le transit des ressources naturelles régionales[1] [2].
2002 : Irak, Iran etCorée du Nord. Les États-Unis placent ces pays au nombre des composantes de l’Axe du Mal, la nouvelle doctrine militaro-mystique de mise en place de « guerres préventives » contre tous ceux qui ne s’alignent pas sur les États-Unis.
2002 : Phillipines. Opération Enduring Freedom, soutien économique et militaire au gouvernement philippin contre les guérillas.
2002 : Corne de l’Afrique. Opération Enduring Freedom.
2002 : Géorgie. Opération Enduring Freedom, formation de plusieurs bataillons d’infanterie de l’armée géorgienne dans la vallée du Pankissi.
2002 : Irak. Les États-Unis font pression sur la communauté internationale pour lancer un corps expéditionnaire en Irak visant au renversement de Saddam Hussein, à l’instauration d’un gouvernement favorable à leurs intérêts, à l’obtention des principales parts de marchés de la reconstruction du pays après bombardements, à l’octroi de concessions sur les immenses ressources pétrolières du pays. Fin 2002, les USA et leurs alliés anglais ont massés des dizaines de milliers de soldats sur-équipés sur place, prêts à une offensive.
2003 : Irak.Les États-Unis outrepassent les décisions de l’ONU et envahissent l’Irak dans la nuit du 19 au 20 mars, avec le soutien de l’Angleterre. Un déluge de feu s’abat sur le pays et la population dont déjà près de 500 000 personnes sont mortes en 10 ans du fait du blocus économique (800 missiles Tomahawk, 23 000 bombes à uranium, à fragmentation, mini-nucléaire). Un mouvement mondial d’opposition à la guerre et à l’agression militaire des États-Unis se développe en faveur de la paix et pour le respect du droit international. La majorité des pays de la planète condamnent l’agression américaine contre un pays souverain. Par cet acte les USA ouvre la voix dangereuse et criminelle à la doctrine de la guerre préventive permettant d’attaquer tout pays ne se soumettant pas à la conception impérialiste américaine.
2003 : Sao Tomé-et-Principe. Intervention suite à une tentative de coup d’État militaire contre le président Fradique de Menezes.
2004 : Haïti.Intervention militaire avec l’aide de la France pour chasser le président Jean-Bertrad Aristide.
2004 à nos jours : Pakistan. Début de la guerre du Waziristan contre les nombreux mouvements de Taliban. Bombardements réguliers par des drones de l’armée américaine et de la CIA.
2004 : Algérie. Soutien militaire au gouvernement dans sa lutte contre le GSPC devenu AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique).
2004 : Kyrghizstan.Opération Enduring Freedom.
2008 à nos jours : Somalie.Bombardements de plusieurs camps islamistes d’Al-Shabaab supposés être liés à Al-Qaïda.
2008-2009 : Palestine. Soutien financier et logistique à l’armée israélienne dont l’envoi de 3000 tonnes de munitions en prélude à l’opération Plomb Durci dans la Bande de Gaza contre le Hamas.
2009-2010 : Yémen.Bombardements par l’aviation américaine de plusieurs camps de la rébellion zaïdites des Houthis soutenus par l’Iran et en conflit contre le gouvernement yéménite depuis 2004, dit Insurrection de Sa’dah.
2011 : Lybie.Intervention militaire de 2011 en Libye.
2014-2015 : Irak et Syrie (en cours) : Guerre contre l'État islamique
2017 :Venezuela. Le directeur de l’Agence Centrale de Renseignement des États-Unis (CIA), Michael Richard Pompeo, révéle publiquement la tenue de plusieurs réunions avec la Colombie et le Mexique pour évaluer les « manœuvres qui pourraient être appliquées depuis ces nations en vue d’obtenir un meilleur résultat » dans les efforts menés pour « changer le gouvernement du Venezuela ». Voir ICI
Janvier 2024 : Moyen-Orient.À défaut de faire pression sur Israël pour interrompre le carnage mené à Gaza, Joe Biden a préféré ouvrir un nouveau front au Yémen et bombarder les Houthis, qui prennent pour cible les navires de commerce d’Israël et de ses alliés dans le détroit de Bab-el-Mandeb[3].
Après le coup d’État soutenu par les États-Unis en Bolivie contre Evo Morales en novembre 2019, voici un aperçu de tous les coups d’État auxquels les États-Unis ont participé en Amérique latine.
L’automatisation d’aujourd’hui prend non seulement la forme de bras robotiques, mais aussi d’intelligences artificielles. Selon plusieurs études, 50 % des métiers seraient automatisables d’ici dix ou vingt ans. Une évolution qui pourrait se révéler violente sans contrôle social et politique.
Sources :l'Humanité par Pierric Marissal Lundi, 16 Mars, 2015
Depuis bientôt un an, dans le fonds de pension de Hong Kong spécialisé dans la biotechnologie Deep Knowledge Ventures, le conseil d’administration est présidé par Vital, un algorithme. Cette intelligence artificielle trône parmi les patrons en costumes, décide des investissements, rédige des rapports financiers, des cas cliniques ou encore des analyses sur l’état des brevets. Elle fait tout cela en quelques secondes, en s’appuyant sur d’énormes bases de données mises à jour en temps réel. Vital fonctionne un peu à la manière d’Ambush, Cobra, Guerilla ou Ninja, ces intelligences artificielles agressives, en charge de spéculer sur les marchés financiers et qui mettent, petit à petit, les traders et analystes financiers au chômage technologique.
Les emplois automatisables ne sont plus seulement les plus pénibles et répétitifs, mais concernent aussi des métiers qualifiés. Les études se multiplient et convergent : l’université d’Oxford, le Massachusetts Institute of Technology ou l’Institut Bruegel envisagent que jusqu’à 50 % des métiers seront automatisables à l’horizon 2025-2035 : télémarketeurs, analystes, secrétaires, dockers, employés de banque, réceptionnistes, arbitres sportifs, chauffeurs, caissiers, comptables, ouvriers assembleurs, conducteurs de trains…
« Il y a toujours eu des destructions d’emplois liées à l’évolution technologique, rappelle Yann Le Pollotec, responsable de la révolution numérique au PCF. Mais ces processus étaient beaucoup plus lents qu’aujourd’hui. Il y a eu déjà des phases d’accélération, par exemple au XIXe siècle en Angleterre, qui avaient créé un chômage foudroyant. Mais on restait dans un rythme de remplacement, de création destructrice, dirait Schumpeter. Aujourd’hui, nous sommes dans une autre situation, tout cela va beaucoup plus vite et changer de métier, se former, demande beaucoup de temps. » C’est d’autant plus vrai que l’automatisation et la numérisation entraînent aussi une baisse importante du nombre d’heures de travail nécessaires pour accomplir une tâche. « Cela concerne les emplois qualifiés, experts comptables, journalistes, médecins ou avocats, explique Yann Le Pollotec. On numérisait 25 % de la production d’informations humaines en 2000, on en est aujourd’hui à 98 % en France. Avec cet océan de données et à l’aide d’algorithmes pour naviguer dedans, là où il fallait trente avocats mobilisés pour analyser un dossier, rechercher de la documentation, des jurisprudences… il n’en faut plus que trois aujourd’hui. Le métier d’avocat ne disparaît pas, il faudra toujours plaider, mais il y en aura besoin de beaucoup moins. »
Troisième facteur aggravant pour l’emploi, ces nouvelles technologies ont tendance à faire de plus en plus travailler le consommateur au profit de celui qui vend le service. Cette habitude est déjà prise à la pompe à essence, ou au supermarché par exemple : avec les caisses automatiques, le consommateur fait le travail des caissiers et des pompistes. Mais bien davantage encore : lorsqu’on passe une commande chez Amazon ou qu’on tape une requête dans Google, on travaille gratuitement pour ces fournisseurs de services. On donne nos données, on nourrit les algorithmes qui permettent aux moteurs de proposer des suggestions… Les entreprises du numérique font travailler gratuitement les consommateurs, qui, lorsqu’ils commandent sur Amazon, ont l’impression d’économiser de l’argent mais détruisent des emplois.
Une nouvelle étude du très libéral Boston Consulting Group, publiée le 10
février, se félicite que ces évolutions technologiques vont faire économiser à échelle mondiale 16 % du coût du travail en coupant dans la main-d’œuvre, à court terme.
Dans son article paru dans l’ouvrage collectif Le capitalisme a-t-il un avenir ? (éditions La Découverte), le sociologue Randal Collins explique que ce nouveau chômage technologique représente avant tout un véritable risque pour la classe moyenne qui occupe ces métiers qualifiés et relativement bien payés. Pour lui, ne subsisterait, en termes d’emploi, que ce qui ferait appel aux qualités propres à l’Homme, comme la créativité et l’imagination… Mais leur nombre est restreint. Resteraient également les métiers qui serviront à entretenir ces cerveaux, qui seront sous-prolétarisés. Des emplois non qualifiés devraient ainsi subsister, très mal payés, ceux qui coûteraient plus cher à automatiser. Le salaire de l’homme est en concurrence avec le coût d’investissement du robot. Et dans cette course à la compétitivité, l’humain n’est pas sûr de gagner. Foxconn, le principal sous-traitant d’Apple, a commencé à remplacer ses ouvriers chinois par des robots sur ses lignes de montage. Son objectif est de mettre à la porte la majorité de ses salariés, soit un million d’ouvriers, qui ne sont pourtant payés qu’à peine plus de 300 euros par mois. Autre exemple, Microsoft a remplacé tous ses vigiles et gardiens de sécurité par des robots mobiles d’1,50 mètre, munis de caméras, de capteurs et de détecteurs de mouvements et de sons.
« Cela pose de vraies contradictions au capital, constate Yann Le Pollotec. Pour fonctionner, il a besoin de clients qui consomment. Si le chômage explose, la consommation s’effondre. Il y a bien eu un moment le levier du crédit, mais, on l’a vu aux États-Unis avec la crise des subprimes, il a ses limites. » S’ils sont heureux de couper dans leurs coûts de main-d’œuvre, certains patrons s’inquiètent de cette fuite en avant, Bill Gates en tête. Certains libéraux proposent ainsi l’instauration d’un revenu universel de base, un genre de RSA, pour tenter de faire perdurer le système malgré tout. « Parmi les solutions plus progressistes, il y a celle que nous, au Parti communiste, mettons en avant, c’est la sécurité emploi-formation, explique Yann Le Pollotec. Comme l’automatisation ne détruit pas le travail mais l’emploi salarié, l’idée est d’utiliser la richesse et le gain de productivité permis par les robots pour développer les services publics et le secteur des biens communs. »
Une autre idée intéressante, avancée notamment par le philosophe Bernard Stiegler, est le revenu universel de contribution, qui propose qu’à partir du moment où on contribue d’une manière ou d’une autre à l’intérêt général, on perçoive un revenu décent et proportionnel à la contribution apportée à la société. Cela s’inspire des bons côtés du régime des intermittents du spectacle. Pour Yann Le Pollotec, « la réduction du temps de travail peut aussi améliorer la situation, mais cela ne suffira pas. Alors qu’avec un juste partage de la richesse et une maîtrise sociale et politique de ces technologies, on peut aller vers une société de l’abondance ».
Le projet de loi du gouvernement sur le « dialogue social » prépare un affaiblissement de la représentation du personnel dans les entreprises. Particulièrement visé, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et, avec lui, la protection de la santé des salariés.
Sources :l'Humanité par :Fanny Doumayrou avec Kevin Boucaud, Kareen Janselme, Thomas Lemahieu et Olivier Morin
S’il fallait une raison supplémentaire de se mobiliser dès ce jeudi 9 avril, les salariés qui l’ont d’ores et déjà prévu (et tous les autres) en ont une : le projet de loi sur le « dialogue social » concocté par le ministère du Travail. Le 21 janvier dernier, patronat et syndicats se séparaient sans avoir pu conclure d’accord sur la question.
Les prétentions du Medef, sans être pleinement satisfaites, sont largement prises en compte dans la version que l’Humanité, comme d’autres rédactions, a pu se procurer : remise en cause des comités d’hygiène et de sécurité, des prérogatives des CE, voire de leur existence, interdiction des syndicats de pénétrer dans les TPE... tout un éventail régressif se présente qui bat en brèche les droits conquis par les salariés de se défendre et à être défendus.
Quand il s’est agi de légiférer sur l’ANI, le gouvernement s’était interdit et avait interdit au Parlement toute modification de ce premier coin dans le Code du travail. Dans le cas présent, rien ne l’oblige à écrire sous la dictée de Pierre Gattaz.
Il pourrait choisir, au contraire, de réparer l’anomalie démocratique, soulevée par la CGT, qu’un salarié ait des droits collectifs différents selon la taille de l’entreprise qui l’embauche. Ou entendre les idées qu’expriment des syndicalistes dans nos colonnes.
Suicides, dépressions, explosion des troubles musculosquelettiques (TMS), mal-être généralisé au travail... Les indicateurs de la santé des travailleurs sont au rouge. Mais pas assez, apparemment, pour que le gouvernement juge important de renforcer les moyens de résistance des salariés face au rouleau compresseur des objectifs de renta-bilité dans les entreprises.
Son avant-projet de loi sur le « dialogue social », qui devrait être présenté le 22 avril en Conseil des ministres, inflige au contraire un sérieux coup de rabot à la représentation du personnel dans les entreprises, et tout particulièrement à l’institution spécialisée dans les questions de santé et de conditions de travail : le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Dans la négociation entre patronat et syndicats sur ce sujet, qui a capoté en janvier, le Medef prévoyait carrément de supprimer les CHSCT et ses attributions importantes que sont le droit d’ester en justice et celui de recourir à une expertise aux frais de l’employeur. Ce projet a servi d’épouvantail, au point que le texte du gouvernement peut paraître « moins pire », voire « modéré ». Il n’en prépare pas moins un recul important pour les possibilités d’organisation des salariés dans les entreprises. Comme promis à l’issue de la négociation en janvier, le gouvernement a écarté l’idée du Medef de fusionner en un seul « conseil d’entreprise » les actuels comités d’entreprise (CE), délégués du personnel et CHSCT. Mais son projet emprunte une autre voie de simplification, qui aura des effets importants.
1 - Les CHSCT survivent, mais tres affaiblis
Le texte prévoit d'élargir le dispositif actuel de délégation unique du personnel (DUP). Actuellement, l'employeur peut l'im-poser dans des entreprises entre 50 et 200 salariés, pour regrouper le CE et les DP, et ainsi faire baisser le nombre de mandats et d'heures de délégation. Le texte élargit le dispositif jusqu'au seuil de 300 salariés, et surtout il y intègre le CHSCT.
Sur le papier, les trois institutions perdurent, mais dans les faits, ce sont les mêmes délégués, trans-formés en hommes-orchestres, qui devront assumer les différentes attributions. Avec le risque évident que les questions économiques, notamment dans les entreprises en difficulté, prennent le pas sur les questions de santé et de conditions de travail. Le droit à l'expertise est conservé, mais il pourrait être bouleversé par la création d'une « expertise commune » aux questions relevant du CE et du CHSCT, qui risque là encore de faire reculer la pertinence « santé au travail ».
Dans les entreprises de plus de 300 salariés, un accord majoritaire pourra opérer un « regroupement » des trois institutions, avec les mêmes dérives possibles. Au passage, le gouvernement, qui ne jure que par le « dialogue social », diminue sa fréquence : la périodicité des réunions entre élus du personnel et direction passe d'une fois par mois aujourd'hui, à une fois tous les deux mois.
Les questions d'hygiène et sécurité devront être évoquées au moins une fois par trimestre, ce qui correspond au rythme actuel de réunions du CHSCT. La question sensible du nombre d'élus et d'heures de délégation en fonction de la taille des entreprises est renvoyée à des décrets.
« On peut casser le thermomètre, ça n'empêchera pas la fièvre de monter »
Alain Alphon-Layre, en charge de la santé au travail à la CGT. « La délégation unique du personnel (DUP), qui regroupait jusqu'ici les délégués du personnel et le CE dans les entreprises de moins de 200 salariés, sera étendue à celles de moins de 300 salariés. Au lieu d'être désignés, les salariés siégeant au CHSCT seront donc élus. Mais on peut considérer qu'il y a aura moins de réunions annuelles pour traiter des dangers et des conditions de travail.
On est dans un contexte économique européen où l'on parle de donner la priorité à l'emploi, sans se préoccuper de la manière dont on travaille. Or, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles. On peut casser le thermomètre, mais ça n'empêchera pas la fièvre de monter. La CGT jouera son rôle auprès des parlementaires pour faire infléchir la loi et remettre le travail au centre du débat. »
2 - Une rationalisation tous azimuts
Difficile de résumer l'ensemble des mesures de simplification des institutions représentatives du personnel contenues dans le projet, qui revisite l'ensemble de leur fonctionnement. Les dix-sept thèmes actuels sur lesquels un employeur doit consulter le comité d'entreprise chaque année sont fondus en trois gros blocs de consultation annuels, sur les orientations stratégiques, la situation financière et économique, enfin la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi.
Une rationalisation qui permettra peut-être de clarifier l'agenda, mais qui crée des fourretout indigestes faisant reculer la pertinence des échanges et des avis rendus. En cas de projet de réorganisation, le texte renforce la centralisation des consultations, auprès d'instances les plus éloignées du terrain.
Le comité central d'entreprise serait consulté sur le projet, les comités d'établissement ne l'étant plus que sur les mesures d'adaptation locales. De même, l'instance nationale de coordination des CHSCT, une innovation issue de l'ANI de 2013, serait la seule à même de commander une expertise et à être consultée, les CHSCT locaux ne l'étant que sur des mesures spécifiques à leur périmètre local. Ce désaisissement des élus de terrain diminue les possibilités de mobilisation des salariés.
« L'information et la consultation devraient être permanentes »Julien Gonthier, membre du secrétariat de l'Union syndicale Solidaires. « L'idée de regrouper toutes les obligations d'information-consultation du comité d'entreprise en trois grandes procédures annuelles émane directement du patronat.
Au mieux, c'est une incompréhension totale de la vie dans les entreprises. Au pire, c'est une attaque frontale contre les droits des travailleurs! Cela met à mal une prérogative essentielle des CE, la veille économique. Pour les élus du personnel, il est essentiel de disposer d'informations économiques en continu. L'information et la consultation devraient être permanentes pour permettre aux salariés d'exercer leurs droits.
Là, on nous présente un projet qui consiste à déconnecter les procédures d'information et de consultation des moments et des terrains où les choses se jouent. On remplace des obligations importantes par du pur formalisme. »
3 - La négociation échappe aux syndicats
Les modalités de négociation dans l'entreprise passent, elles aussi, à la moulinette de la simplification. Les thèmes de négociations obligatoires sont fondus en trois grands chapitres (salaire et temps de travail, qualité de vie au travail, gestion des emplois et des parcours professionnels) qui gardent la même périodicité qu'aujourd'hui. Mais un accord majoritaire pourra espacer ces discussions : les négociations annuelles pourront devenir trisannuelles, les trisannuelles pourront passer à un rythme quinquennal.
Et surtout, le texte met fin au monopole syndical de négociation, en ouvrant la possibilité aux employeurs de négocier un accord d'entreprise avec un élu du personnel, quand il n'y a pas de délégué syndical. Cette possibilité existe déjà, mais dans des cas marginaux. Elle serait élargie à toutes les entreprises, et l'accord ainsi conclu ne serait plus validé par une commission paritaire de branche. Les employeurs auront les coudées franches pour obtenir des accords au rabais avec des interlocuteurs choisis, échappant au contrôle des syndicats et des branches, et même du comité d'entreprise lui-même, qui ne sera plus consulté.
Une perspective d'autant plus inquiétante que les réformes successives donnent toujours plus de possibilités aux accords d'entreprise de déroger au Code du travail.
« Un vrai contournement des syndicats » Marie-Alice Medeuf Andrieu, secrétaire confédérale de FO
« La possibilité de transformer les négociations annuelles en négociations trisannuelles est une vraie victoire pour le patronat. Les années sans négociation, les entreprises pourront voir leurs bénéfices progresser sans avoir à redistribuer aux salariés, qui perdront en pouvoir d'achat. En donnant la possibilité à des salariés non mandatés de négocier dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, le gouvernement effectue un vrai contournement des syndicats. Avec ce signal que les représentants syndicaux ne sont pas indispensables, nous allons assister à une vraie fragilisation des syndicats et ainsi à un affaiblissement de la capacité des salariés à être défendus correctement. Ce qui va une nouvelle fois renforcer le pouvoir du patronat. »
4 - Une représentation dans les TPE, mais en service minimum
C'est la « grande » avancée du texte, mais elle peinera à compenser le reste! Les salariés des très petites entreprises (TPE, moins de dix salariés) accèdent enfin à une possibilité de représentation, avec la création de « commissions régionales paritaires interprofessionnelles » composées chacune de vingt membres. Elles pourront donner aux salariés et aux employeurs des « conseils utiles » sur la législation ou les conventions collectives applicables, elles pourront débattre des problématiques de salaires, emploi, formation, etc.
Mais le niveau régional n'en fait pas une instance de proximité, et surtout ses membres « n'ont pas accès aux entreprises », stipule le texte, ce qui empêche toute intervention ou appui réel aux salariés. L'autre avancée du texte consiste à « valoriser » les parcours des représentants du personnel, mais là encore le progrès reste modeste. Alors que la discrimination syndicale sous toutes ses formes est prégnante dans les entreprises, la seule mesure concrète est de faire bénéficier certains délégués de la moyenne des augmentations individuelles des collègues de la même catégorie.
« Si on veut aider le dialogue social dans l'entreprise, il faut pouvoir s'en approcher »Philippe Antoine, conseiller conférédal CGT en charge des TPE « Nous sommes très loin de ce que voulait la CGT. Nous voulions des commissions paritaires départementales, c'est-à-dire de proximité, pour l'ensemble de ces salariés et avec des moyens correspondants. Nous voilà avec treize commissions régionales interprofessionnelles qui s'occuperont de secteurs non couverts par un accord (qui existent dans l'artisanat, les professions libérales et l'agriculture NDLR), donc de 2,6 millions de salariés : c'est impossible !
Et chaque représentant élu à la commission n'aura droit qu'à cinq heures par mois en plus des heures de réunion! Leur mission sera de donner des informations et du conseil aux salariés et aux employeurs mais sans pouvoir entrer dans l'entreprise. Si on veut aider le dialogue social dans l'entreprise, il faudrait pouvoir s'en approcher. De plus, on ne leur a pas confié les activités sociales, contrairement aux commissions paritaires dans l'artisanat. Enfin, aucun financement spécifique ne leur a été dédié. »
Renforcer la négociation aux dépens de la Loi
La casse du Code du travail continue. Le premier ministre Manuel Valls a confié le 1er avril à l'ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, une réflexion « pour élargir la place de l'accord collectif dans notre droit du travail et la construction de normes sociales ». En clair, comment permettre aux branches et surtout aux entreprises de créer leurs propres règles, aux dépens d'une législation protectrice commune à l'ensemble des salariés. Le gouvernement veut donc renforcer une tendance à l'oeuvre depuis le début des années 1980, et qui explique, paradoxalement, la prise de poids du Code du travail qui recense les possibilités de dérogation à la loi.
La plupart des américains passent leur vie à travailler pour d’autres, à rembourser leurs dettes à d’autres personnes et à exécuter des tâches que d’autres leurs ont confié.
Nous n’aimons pas nous considérer comme des serviteurs ou des esclaves, mais c’est ce que la vaste majorité d’entre nous est. Le mécanisme de notre aliénation est juste devenu plus complexe avec le temps. L’emprunteur devient de fait le serviteur de son créancier et la plupart d’entre nous entrent dans la spirale de la dette très tôt dans la vie adulte. En fait, ceux qui font des études supérieures pour « recevoir une éducation » vont probablement entrer dans la vie active avec une quantité phénoménale de dette. Et il ne s’agit là que du commencement du processus d’accumulation de la dette. Aujourd’hui, si vous additionnez les prêts hypothécaires, les prêts à la consommation et les prêts étudiants, les ménages américains ont une dette moyenne de 203163$. Les ménages cumulent une dette totale supérieure à 11 billions de dollars. Et alors que la plupart des américains ne le réalisent pas, la somme totale que nous aurons remboursé à la fin de notre vie sera bien plus importante que celle que nous avons emprunté. En fait, lorsque vous avez recours au crédit à la consommation, vous pouvez facilement au final avoir remboursé plusieurs fois la somme que vous avez emprunté. [NDT : du fait du paiement des intérêts]
Nous nous tuons donc au travail pour payer toute cette dette, et la vaste majorité d’entre nous ne travaille pas dans son propre intérêt. A l’inverse, notre travail rend les entreprises possédées par d’autres personnes plus rentables. Alors, si nous gaspillons les meilleures années de notre vie à réaliser du profit pour le compte d’autrui, que fait de nous le service de la dette que nous devons à d’autres et qui les enrichit ?
Les termes de serviteur et d’esclave ont aujourd’hui une connotation très négative et on les utilise rarement.
A la place, nous utilisons le mot « employé » qui nous renvoie une meilleure image de nous-même.
Mais y a t-il une telle différence en réalité ?
Voici la définition que Google donne du mot « serviteur » :
« Une personne qui exécute des tâches pour le compte d’autrui, particulièrement une personne employée à domicile pour des tâches domestiques ou comme servant. »
Voici comment Google définit le mot « esclave » :
« Une personne qui est la propriété légale d’autrui et forcée de lui obéir. »
Et voici la définition de Google pour « employé » :
« Une personne employée en échange d’un salaire ou d’un traitement, particulièrement à un niveau non-exécutif »
La plupart d’entre nous n’est pas la « propriété légale » d’une autre personne au sens littéral, mais dans un sens plus large nous devons tous répondre aux ordres de quelqu’un.
Il y a toujours quelqu’un à qui nous devons obéir.
Et nous avons tous des obligations que nous devons honorer sous peine d’en affronter les conséquences.
Sur ce point, les américains sont aujourd’hui plus dépendants que jamais vis à vis du système. Le nombre des petites entreprises indépendantes est tombé à un plus bas historique et le pourcentage d’américains travaillant à leur compte est tombé à un niveau sans précédent ces dernières années. Dés le plus jeune âge nous sommes conditionnés pour travailler dur de manière à avoir un « bon travail » et être des rouages efficaces du système.
Mais est-ce là tout le sens de la vie ? Etre le rouage efficient d’un système qui profite à d’autres ?
Peut-être pensez-vous que rien de ceci ne s’applique à votre cas personnel. Mais si quelqu’un vous demande ce que vous possédez réellement, qu’allez-vous lui répondre ?
Etes-vous le propriétaire de votre véhicule ? La plupart des américains ne le sont pas.
Aujourd’hui le montant moyen des prêts pour l’acquisition d’un véhicule est de 27000$ et beaucoup d’entre eux ont une durée de six ou sept ans.
Et qu’en est-il de votre maison ? En êtes vous vraiment propriétaire ?
Ce n’est pas le cas non plus pour la plupart des américains.
En fait les banques sont bien davantage les propriétaires de nos maisons et de nos propriétés que nous.
Mais, même dans le cas où vous avez intégralement remboursé le prêt de votre maison, cela signifie t-il que vous en êtes vraiment propriétaire ?
Pas forcément si vous considérez ce qui peut vous arriver si vous ne payez pas vos taxes de propriété.
S’ils peuvent effectivement saisir votre bien en cas de non paiement des taxes de propriété, le possédez-vous vraiment ?
Cela mérité réflexion.
Et qu’en est-il de tous vos biens ? Les possédez-vous ?
Mais un grand pourcentage d’entre nous s’est placé dans les conditions de l’esclavage afin d’acquérir les biens matériels qui nous entourent. Aujourd’hui, le ménage américain moyen qui possède au moins une carte de crédit est endetté en moyenne de 15950$ en crédits à la consommation. Et si vous n’honorez pas vos traites, les sociétés de crédit vont lâcher leurs chiens à vos trousses.
Avez-vous déjà rencontré un spécialiste du recouvrement ?
Ils peuvent être très brutaux. Ils utilisent la brutalité comme méthode de travail. En fait ils sont si doués que les sociétés de recouvrement de créances sont en très bonne santé financière.
Le paragraphe suivant provient d’un article de CNN :
« Yachts. Hôtels particuliers. Dîners extravagants. La vie est belle pour les fondateurs d’une des plus importantes société de recouvrement de créances gouvernementales.La société,Linebarger Goggan Blair & Sampson, est chargée de recouvrer les créances d amendes de péage, de tickets de stationnement et les arriérés de ta.xes
Alors que les des contrats gouvernementaux qui les autorise à poursuivre les débiteurs pour lesettes sont au départ souvent minimes, la firme basée à Austin prélève des frais élevés qui peuvent augmenter la facture de centaines, voir de milliers de dollars.
Après avoir transformé une petite société juridique du Texas à la fin des années 70 en une firme centrale de recouvrement de la dette fédérale, les fondateurs et les cadres de direction brassent maintenant des millions de dollars.»
Et je n’ai pas encore mentionné le montant de notre dette collective. Nous avons volontairement choisi de nous asservir au niveau local, régional, et national.
Il est déjà assez triste que nous nous infligions cela à nous même, mais nous faisons de même avec les futures générations d’américains avec la plus grande montagne de dettes de l’histoire de la planète. Le paragraphe suivant est tiré de mon précédent article intitulé : « Barack Obama affirme que ce dont l’Amérique a réellement besoin c’est de beaucoup plus de dette »
« Lorsque Barack Obama a prêté serment, la dette nationale était de 10,6 billions de dollars. Aujourd’hui elle dépasse les 18 billions de dollars. Et avant même qu’on nous affirme que les déficits allaient être réduits, la dette nationale a augmenté de plus d’un billion de dollar lors de l’exercice fiscal 2014. Mais ce n’est pas assez pour Obama.Il a affirmé que nous devions sortir de cette période « d’austérité stupide » et voler de l’argent à nos enfants et nos petits enfants encore plus vite. De plus, Obama veut encore augmenter les taxes. Son budget prévoit 2 billions de dollars de revenus supplémentaires provenant de l’augmentation des taxes sur la prochaine décade. Il présente toujours cette hausse des taxes comme « des hausses d’impôts pour les riches » mais elles finissent toujours par toucher également la classe moyenne. Mais le fait que le congrès adopte ou non le nouveau budget d’Obama n’est pas le point le plus important. La réalité du problème c’est que les démocrates et les républicains sont également responsables de ce désastre. Les générations futures font d’ors et déjà face à la plus grande montagne de dettes de l’histoire et les deux partis veulent encore faire grimper cette montagne. Leur seul point de désaccord concerne la vitesse à laquelle cette montagne doit grandir. C’est une honte nationale, mais la plupart des américains en sont venus à trouver ça normal. Si nos enfants et nos petits-enfants en ont l’opportunité, ils nous maudiront pour ce que nous avons fait. »
Alors pouvons-vous vraiment nous qualifier de « patrie des braves et terre de la liberté » ?
N’est-ce pas la vérité que la majorité d’entre nous est aujourd’hui profondément asservie ?
Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...
L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez ci-dessous la dernière partie.
Partie 3
Source :Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.
Être de culture et ordre globalitaire
Cette stratégie contre-hégémonique prend sens dans une critique globale d’un économisme qui consiste à ne lire la société qu’en fonction des rapports de force dans le monde productif. Dès l’origine, le marxisme porte en lui un axiome intenable : la primauté des conditions de production sur les structures mentales de représentation du réel. Après la linéarité des processus historiques, Mélenchon attaque un autre pilier d’une lecture matérialiste de l’histoire : l’opposition entre infrastructure et superstructure. Le bannissement ad vitam aeternam des représentations dans l’insignifiance constitutive de la superstructure biaise la compréhension des phénomènes sociaux contemporains.
Par conséquent, Mélenchon fustige la mutilation méthodologique qui consiste à réaliser une « découpe stricte entre infrastructure des rapports réels de production et superstructure intellectuelle, culturelle et artistique » (débat suivant la projection du documentaire Rêver le travail). C’est la vision anthropologique même de l’Homme qui est tronquée puisque l’imbrication être de culture-être social se révèle inopérante dans le catéchisme marxiste. Au contraire, chez Mélenchon, « les êtres humains sont d’abord des êtres de culture, en même temps et même avant que des êtres sociaux » (ibid.). Les conséquences pratiques de ce renversement doivent être prises dans leur intégralité : « On ne penche pas à gauche à la seule lecture de son bulletin de paie » (À la conquête du Chaos). Il aime à rajouter qu’on ne fait pas des révolutions pour « des différentiels d’inflation » mais toujours pour « des idées si abstraites que la dignité ou la liberté ».
« Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel et dans un modèle social. »
Sa démonstration semble limpide : pour qu’une société où un petit nombre se gave sur le dos d’un grand nombre fonctionne, il faut que le très grand nombre soit d’accord ou résiste mollement. C’est donc, pour Mélenchon, par une forme d'envoûtement que le système capitaliste se perpétue. Notre quotidien est régi par une structure implicite : « Chaque être incorpore la logique du système productiviste par ses consommations » (p. 132). Ainsi, une culture individualisante fondée sur la réalisation de soi par la consommation de biens et de services fait littéralement corps en chacun de nous. Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel – consommer pour être – et dans un modèle social – « le moins cher s’opère au prix du sang et des larmes : délocalisation, baisse des salaires, abandon des normes sanitaires et environnementales… » (p. 133). Cet ordre est théorisé par Jean-Luc Mélenchon sous la dénomination globalitaire : il « produit, selon la paraphrase du Manifeste de Parti Communiste que l’on doit à Miquel Amoros, à la fois l’insupportable et les hommes capables de le supporter ».
L’ordre est premièrement global. Il est partout. À la fois culturel et économique, il s’appuie sur les secteurs de la production pour contaminer l’école, le service public, la vie familiale ou les relations amicales. De l’ordre de l’ineffable, Mélenchon guette ses apparitions sporadiques jusqu’à l’incorporation et le conditionnement. La spécificité de la globalité moderne, par rapport aux systèmes du passé, réside dans son unicité : il n’existe plus de monde extérieur concurrent. Contre-empire, contre-culture et contre-valeurs ont été happés par un mécanisme holisteproduisant un monde sans bord où l’ailleurs se confond avec l’ici. Deuxièmement, il est totalitaire puisqu’« il formate l’intimité de chacun » (p. 131). L’ordre social le plus efficace n’est pas celui imposé de l’extérieur, mais celui qui s’incorpore dans l’être, celui qu’on s’approprie alors qu’il nous est dicté, celui qu’on s’impose à soi-même. L’ordre globalitaire s’immisce dans chaque interstice de l’existence. Le contrôle collectif se réalise par « ses aspects non politiquement visibles » : par le comportement d’autrui culturellement formaté par l’appareil culturel dominant, les médias.
Toutefois, Mélenchon reconnaît la responsabilité historique de sa famille politique : le système globalitaire n’a pu prospérer que sur les ruines de ce qu’il appelle la « mémoire-savoir ». Il analyse que la gauche moderne, sombrant dans la « culture de l’instantanéité », a totalement désinvesti la production de cette mémoire collective des conflits sociaux – « l’école du mouvement social » – comme contrepoids à l’information marchande globalisée. En effet, la conséquence directe s’est manifestée dans l’abolition de la pensée critique, actualisée dans les luttes concrètes, qu’a historiquement portée le mouvement ouvrier. De surcroît, faire péricliter la mémoire légitime la stratégie de « disqualification du passé » à l’heure où il apparaît comme un refuge de valeurs morales et de traditions minimales opposables à la modernité globalitaire.
Extrait de l'affiche Les nouveaux chiens de garde
L’écosocialisme
Le tableau est quasiment complet. L’ultime étape correspond à la synthèse doctrinale de ses influences philosophiques successives. Deux synthèses majeures jalonnent le parcours intellectuel de Jean-Luc Mélenchon. La première, propre à l’histoire politique française, s’incarne dans la figure de Jean Jaurès et permet d’opérer une synthèse entre socialisme et République, entre marxisme et philosophie des Lumières, entre matérialisme et idéalisme : la République sociale. Cette inspiration jaurésienne se retrouve chez Mélenchon dans nombres de sujets, comme la question des institutions politiques du socialisme ou la recherche d’une imbrication des émancipations politiques, juridiques, économiques et sociales – la dialectique des émancipations du philosophe Henri Penä-Ruiz.
« Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? »
La seconde vint se greffer avec l’apparition d’un nouveau paradigme que le vieux mouvement socialiste français a dû intégrer à son corpus initial, au risque de renier quelques-uns de ses fondamentaux. L’écologie – discours savant sur l’interaction des organismes vivants avec leur environnement – entra dans le débat public à force d’alertes de scientifiques et de catastrophes dites naturelles à répétition. Mélenchon reconnaît volontiers sa dette intellectuelle à l’égard des Verts. Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? Comment allier le développement illimité des forces productives et la société d’abondance que propose le communisme avec la finitude des ressources terrestres ? Aggiornamento de la pensée ou art de la synthèse conceptuelle, l’écosocialisme soumet une interpénétration des approches matérialistes, du socialisme, du communisme, de la philosophie des Lumières, de l’universalisme, du républicanisme et de la laïcité.