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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 15:00
Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.
 
Pourquoi le déficit à 3% du PIB est une invention 100%... française généralisée à l'Europe ?
 
Guy Abeille était chargé de mission au ministère des Finances sous Giscard puis au début de l'ère Mitterrand. Il révèle pour La Tribune comment est né, en France et non en Allemagne, le sacro-saint ratio de 3% du PIB pour les déficits publics. A l'origine, il s'agissait d'imposer la rigueur aux ministres socialistes. Puis cette référence cardinale a fait école, bien qu'elle fut dépourvue du moindre sens économique.

Par les temps qui courent, les attentions sont focalisées sur les déficits publics. Il vous intéressera peut-être de savoir quelle est la toute origine du seuil de 3% de déficit public rapporté au PIB - référence devenue cardinale, et critère retenu par le traité de Maastricht.

Sources : La  Tribune Extraits du témoignage publié par Guy Abeille publié le 01/10/2010

Je suis un ancien chargé de mission.... du Ministère des Finances, où, jeune diplômé de l'ENSAE (Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique), je fus en fonction d'octobre 1977 à juin 1982, à la Direction du Budget, 1ère sous-direction....

 

J'y fus chargé de suivre, analyser et commenter au mois le mois l'exécution du budget de l'Etat, et de fournir tout au long de l'année, et de façon de plus en plus pressante quand approchait la fin de l'exercice budgétaire, la prévision de son solde d'exécution - en l'espèce, de son déficit. Cette mission se concrétisant par la rédaction d'une "note au ministre" mensuelle, révisée et visée par mon chef de bureau... et de là filant aux cabinets de Matignon et de l'Elysée.

 

Et en fin d'exercice, nous recevions mandat, selon la météo électorale - c'est à dire explicitement selon l'horizon des plus proches élections -, de jouer des marges de liberté que pouvaient nous ménager quelques zones de flou de la comptabilité publique pour améliorer (ou dégrader si les élections étaient à deux ans) le résultat qui serait pour finir gouvernementalement publié, transbordant donc d'un exercice à l'autre l'impedimentum de telles ou telles recettes ou dépenses miraculeusement devenues migratoires. En réalité, en ces temps rivoliens... c'était moi, et moi seul, qui, entre décembre et février (le mastodonte budgétaire, en certains de ses organes, s'étale de deux mois sur l'année suivante), étais officieusement chargé de faire preuve d'inventivité, de sagacité, et de doigté..., pour établir la liste chiffrée, et manuscrite (rien ne serait imprimé), de ce qu'il était possible de faire; ou de faire encore, car d'année en année nous finissions - moi, et ceux qui d'un goupillon cardinalice, hiérarchique et discret bénissaient mes trouvailles - par griller nos successives cartouches, ne pouvant revenir impunément sur une règle que nous avions nous même hautement, et bruyamment hélas, proclamée l'année précédente parce qu'elle arrangeait la présentation comptable voulue cette année-là par nos ministres. Cela sans autre soutien, on l'aura compris, que l'approbation - orale - donnée par mes autorités (habituellement le mistigri était lestement repassé jusqu'au cabinet du Ministre), et en prenant garde de ne pas faire trop monter le rythme des hoquets ni d'exagérer le niveau des remontrances qui ne manqueraient pas d'être, hoquets et remontrances, émis par la Cour des Comptes - mais deux années plus tard, en fait, au moment de la loi dite de règlement, à laquelle, au vrai, plus personne n'accorderait intérêt. Durant deux mois, ainsi, tout allait son train par téléphone et additions, ou soustractions, sur de petits papiers ; et début mars le rutilant résultat bugétaire était porté sur les fonts médiatiques (cela, il faut bien le reconnaître, mais telle est l'incurable myopie politico-technocratique, dans l'indifférence colossale éprouvée par l'électeur de base, pour la financière édification duquel pourtant toutes ces habiletés avaient été tissées).

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- L'entrée en déficits

J'en viens au seuil magique - pour un peu, chamanique - du déficit à 3% du PIB.

  • Le premier choc pétrolier se produit à l'automne 1973 : quadruplement du prix - la bombe la plus nocive de la guerre du Kippour est celle qui frappe l'économie mondiale. Exit les Trente Glorieuses.
  • La crainte première est celle du déséquilibre extérieur et de l'inflation : Giscard d'Estaing, tout nouveau Président, y répond par le "plan de refroidissement" Fourcade. Plan qui se traduit par un volontaire et notable excédent budgétaire. Stop and go d'anthologie: le plan de relance Chirac qui le suit en prend le contrepied (un modèle de relance keynésienne, qu'on cite encore dans les écoles). Nous sommes en 1975, les finances publiques viennent d'entrer lourdement dans le rouge. C'était il y a 35 ans. Nul ne le sait encore: la trappe s'est ouverte, elles n'en sortiront plus.
  • Pourtant, s'il ne tenait qu'à lui, Raymond Barre[1] gèrerait les finances à l'équilibre (on sait combien il aime à se portraiturer en bon père de famille). Giscard d'Estaing, c'est à dire la nécessité électorale (la gauche passe à un cheveu de la victoire en 1978), lui en impose autrement. Même l'exquis soulagement qu'apportent les législatives de mars 1978 ne lui donne pas le loisir de ressaisir ses principes. Car le vent souffle d'ouest, Thatcher et Reagan bientôt seront élus: après l'austérité des années 76-77, l'air se fait libéral (on se souvient des barristes "bois mort" et autres "canards boîteux", comprendre textile, sidérurgie...).
  • Ainsi après un premier tour de piste en début de septennat, arrive pour la fin du mandat la seconde figure du tango économique qu'aura conduit Giscard, accordéoniste télégénique mais de faible renom: un pas sur l'inflation (refroidissement Fourcade, austérité des premières années Barre), un pas sur le chômage (relance Chirac, libéralisation Barre). Le déficit, tenu en 1976 et 1977 en lisière des 25 milliards, bondit en 1978[2] à un, libéral faut-il croire, 41 milliards de francs.
  • Et voilà que fin 1979 débute le second choc pétrolier. Ainsi, tous les budgets de Giscard (sauf le premier), et de Barre, auront été en déficit. Pour des montants (hormis la relance Chirac, plus massive) légèrement supérieurs à 1% du PIB. Mais en ce temps, nul n'use de cette référence. Ce ratio est absent des esprits; il n'a pas d'existence.

 

Les dernières années, budgétairement Giscard d'Estaing n'a qu'un point de fixation : ne plus laisser au déficit franchir la ligne des 30 milliards de francs ; elle aurait à ses yeux une portée politique.

Les deux budgets d'avant la gauche s'y tiennent vaillamment (-31 milliards de francs chacune des années 1979 et 1980) ; au prix, s'il m'en souvient, d'un art de l'évitement dans la confrontation avec l'écueil comptable, qu'après trois années de pratique à la Direction du Budget, je commence à assez posséder.

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- Arrive 1981

Le budget a été présenté avec un déficit de 29 milliards de francs (on reconnaît là la limite fétiche, et un sens du marketing d'étiquette que nous aurons souvent vu à l'oeuvre chez Giscard d'Estaing, dès lors qu'il s'agissait de publier des chiffres - prière d'annoncer, par exemple, que les prix augmenteront de 9,9% et non de 10%).

 

Cependant, dans les quelques mois qui précèdent le vote, la compétition électorale est gagnée par de vives ardeurs, on a des inquiétudes, et tout Barre qu'on soit, il faut bien en accepter les contingences financières collatérales : on n'aurait garde de ne pas s'attacher ceux qui pourraient pencher pour soi, ou bien seraient possiblement tentés de regarder ailleurs; ces saisons ne sont guère propices à une gestion retenue des finances publiques.

 

Et quand, au terme du combat, la gauche tient sa victoire, on n'en est plus à résister sur la ligne des 30 milliards de francs. Sans que rien n'en eût filtré en dehors de nos murs (d'ordinaire le fonctionnaire est loyal), les élections ont fait sauter, sinon la banque - après tout, on n'en est encore qu'à sept années de dette -, du moins le seuil. Je me revois ainsi, au surlendemain de l'élection, enfiler un des longs couloirs du Louvre, dans l'aile Richelieu où depuis cent dix ans comme un coucou nichait le Ministère des Finances (aujourd'hui le marbre ailé d'Apollon poursuivant Daphné a remplacé l'airain terrible du Budgétaire traquant la Dépense stérile), pour donc informer le rond, le gai et l'affablement zézayant Jean-Paul Huchon, chef du bureau Agriculture et Communautés européennes (lier les deux c'est déjà toute une époque), lequel est au sein du Budget un des représentants connus de l'état-major socialiste (adjoint de Rocard à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine, il sera dès le 22 mai, et pour dix ans, son directeur de cabinet), l'informer que le déficit sur lequel il faut tabler, avant même tout geste du nouveau pouvoir, n'est pas en deçà des 30 milliards de francs jusqu'ici proclamés, mais maintenant au delà des 50 milliards: dans les chaleurs pré-électorales, le libéralisme de Giscard et de Barre s'est dénudé en libéralité.

 

Deux mois plus tard, la première loi de finances rectificative socialiste en prendra acte, actualisant le déficit à 55 milliards; et dès le début juin, sans attendre, Laurent Fabius va rendre ce chiffre public.

 

Car le ministre qui nous est dévolu s'appelle Laurent Fabius.... Laurent Fabius a obtenu d'inaugurer le titre, jusque là inconnu au bataillon, de Ministre délégué.... Ce qui lui donne, tout de même, droit de présence aux conseils des ministres, et, car il l'a obtenu, signature des lois de finances sans le ternissant voisinage de Jacques Delors, son ministre de prétendue tutelle.

  • Nous arrivons fin juin, et s'il y a urgence pour adapter l'action budgétaire à la nouvelle donne, plus grande elle est encore pour préparer le budget de l'année 1982, qui sera la première de plein exercice pour la gauche au pouvoir. Las ! Malgré l'autorité toute neuve due au Ministre délégué, et à son rang, il nous revient assez vite que, dans l'effervescence de cette aube nouvelle, camarade ! et l'inaccoutumance des néo-ministres aux règles de gouvernement, ces derniers multiplient à qui mieux mieux les visites du soir auprès du Président pour plaider in vivo leurs besoins en crédits (or, l'expérience séculaire du Budget montre qu'en réalité il n'existe pas de demandes de crédit qui ne soient authentiquement justifiées - le gouvernement, du moins le budgétaire, commence avec l'art de faire tomber l'oukase du refus). Et, au vu des données qui s'agglomèrent peu à peu sur mon bureau, il apparaît assez vite qu'on se dirige bon train vers un déficit du budget initial pour 1982 qui franchira le seuil, jusque là hors de portée mentale, des 100 milliards de francs, chiffre que les plus intrépides d'entre nous n'auraient même en secret pas osé murmurer.

 

 

- Une commande, un soir
C'est dans ces circonstances qu'un soir, tard, nous appelle Pierre Bilger..., devenu le tout récent n°2 de la Direction du Budget à son retour du poste de directeur de cabinet de Maurice Papon (...Ministre du Budget...).
Donc nous voici convoqués, c'est à dire moi-même, et Roland de Villepin, cousin de Dominique..., récent chef de bureau.... Formés à l'ENSAE, nous sommes considérés dans la faune locale comme appartenant à l'espèce, rare au Budget, des économistes (les autres sont des énarques, ces grands albatros de l'administration généraliste), et plus spécialement, car passablement mâtinés de mathématiques (nous sommes des ingénieurs de l'économie, en quelque sorte), de la sous-espèce des économistes manieurs de chiffres - sachant faire des additions, nous plaisante-t-on, en référence, évidemment, aux agrégés-sachant-écrire.

 

Bilger nous informe en quelques mots du ballet budgétaire élyséen en cours, et il nous fait savoir que le Président a urgemment et personnellement demandé à disposer d'une règle, simple, utilitaire, mais marquée du chrême de l'expert, et par là sans appel, vitrifiante, qu'il aura beau jeu de brandir à la face des plus coriaces de ses visiteurs budgétivores.

 

 

 

 

 

 

 

  • Il s'agit de faire vite. Villepin et moi nous n'avons guère d'idée, et à vrai dire nulle théorie économique n'est là pour nous apporter le soutien de ses constructions, ou pour même orienter notre réflexion. Mais commande est tombée du plus haut. Nous posons donc, d'un neurone perplexe, l'animal budgétaire sur la table de dissection.
  • Nous palpons du côté des dépenses, leur volume, leur structure, avec dette, sans dette, tel regroupement, tel autre, ou leur taux d'accroissement comparé à celui de l'économie. Il y aurait bien moyen de détailler à la main quelques ratios consommables, mais tout cela est lourd et fleure son labeur: norme flasque, sans impact, aucune n'est frappante comme une arme de jet, propre à marquer l'arrêt aux meutes dépensières. Nous retournons la bête du côté des recettes : impôts d'Etat sur revenu national ? mais les impôts fluctuent avec la conjoncture, plusieurs sont décalés d'un an... Surtout, nous ne pouvons échapper à l'attraction des prélèvements obligatoires, dont la fiscalité d'Etat n'est guère qu'une part : peut-on valablement se cantonner à elle ? le débat ne manquera pas de naître, à juste titre, et prendra vite le tour d'un brouhaha technique. Tout ça sera confus et sans force probante, au rebours du principe-étendard que nous avons reçu commande de faire surgir pour ostension publique. La route des recettes est coupée.

 

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

Donc ce sera le ratio déficit sur PIB. Simple; élémentaire même, confirmerait un détective fameux. Avec du déficit sur PIB, on croit tout de suite voir quelque chose de clair.

 

 

 

 

 

 

- Un critère douteux
Arrivé à ce point, un peu de réflexion s'impose.

- On commencera par noter que le déficit est un solde ; c'est à dire non pas une grandeur économique première, mais le résultat d'une opération entre deux grandeurs. Ce simple fait, trivial, emporte deux remarques.

 

- La deuxième observation touche à la pertinence du ratio lui-même : ne divise-ton pas des choux par des carottes ? Car un déficit n'est rien d'autre qu'une dette : il est le chiffre exact de ce qu'il faut, tout de suite, emprunter, c'est à dire, cigale, aller demander à d'autres ; et donc de ce qu'il faudra épargner - au fil des années suivantes - pour rembourser ceux qui auront prêté. Autrement dit, afficher un pourcentage de déficit par rapport au PIB, c'est mettre en rapport le flux partitionné, échelonné des échéances à honorer dans les années futures avec la seule richesse produite en l'année origine. Il y a discordance des temps[3]. Où l'on saisit que le seul critère pertinent est celui de la capacité de remboursement à horizon donné (qui est celui de l'emprunt) ; laquelle est elle-même fonction, non pas tant du déficit consenti une année donnée, que de la dette globale accumulée - cette année-là, mais aussi celles qui ont précédé et peut-être celles qui suivront - et de la prévision qu'en regard on peut faire des ressources futures, c'est à dire du couple croissance et rendement fiscal. Le reste n'est qu'affichage.

 

- Dernière observation enfin, plus générale : on conçoit bien qu'un déficit n'a pas le même sens économique selon qu'il est purement ponctuel, rupture dans une série d'années à l'équilibre, laquelle sera réabsorbée en une à trois années par la réactivation même de l'économie que ce choc aura provoquée (keynésianisme pur) ; ou selon qu'à l'inverse il n'est que le morne jalon d'une longue chronique de déficits, courant les décennies, installés, devenus entière partie prenante, mode de fonctionnement même de l'économie, si usuels, si métabolisés, à elle si consubstantiels que c'est le retour à l'équilibre, la désaccoutumance, qui a un effet de choc (du keynésianisme à rebours en somme). Je rappelle qu'en 2010, la France en est à sa... 36ème année de déficit ininterrompu, et donc de dette couche à couche empilée, cumulée - 36 années, bien plus qu'un tiers de siècle -, et dont elle ne pourra mécaniquement se délester d'un coup: à vue humaine il est probable qu'au point où nous en sommes et où en sont les perspectives longues de notre économie, nous finirons par avoir stocké, dans la meilleure des hypothèses, de la dette pendant pas loin d'un demi-siècle, continûment, tenacement, c'est à dire sans avoir jamais commencé de seulement la rogner ; laquelle, pour finir, soit sera remboursée (perspective vertueuse, ou bien enchanteresse), soit détruite (par inflation, ou restructuration comme on dit pudiquement), soit plus vraisemblablement aura été traitée par un mixte empirique des deux, c'est à dire fonction des rapports de force dans la partie à trois entre gouvernements, Banque Centrale et marchés.

 

 

Où l'on aura compris que fixer le projecteur sur le déficit d'une année donnée n'a guère de sens ; et que le rapporter au PIB de cette même année lui en fait perdre un peu plus. Le ratio déficit sur PIB peut au mieux servir d'indication, de jauge : il situe un ordre de grandeur, il soupèse une ampleur, et fournit une idée - mais guère plus - immédiate, intuitive de la dérive. Mais en aucun cas il n'a titre à servir de boussole ; il ne mesure rien : il n'est pas un critère. Seule a valeur une analyse raisonnée de la capacité de remboursement, c'est à dire une analyse de solvabilité : n'importe quel banquier (ou n'importe quel marché, ce qui revient au même) vous le dira.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Certes ; mais la question politique - politique, et non économique - demeure : comment transmuter le plomb d'une analyse raisonnée de solvabilité en l'or apparent d'une règle sonore, frappante, qui puisse être un mot d'ordre ? C'est, dans son prosaïsme, la question qui se pose à nous, et l'impossible auquel nous nous heurtons, en ce soir de juin 81.

 

 

- Fabriquer une norme
Pressés, en mal d'idée, mais conscients du garant de sérieux qu'apporte l'exhibition du PIB et de l'emprise que sur tout esprit un peu, mais pas trop, frotté d'économie exerce sa présence, nous fabriquons donc le ratio élémentaire déficit sur PIB, objet bien rond, jolie chimère (au sens premier du mot), conscients tout de même de faire, assez couverts par le statut que nous confèrent nos études, un peu joujou avec notre boîte à outil. Mais nous n'avons pas mieux. Ce sera ce ratio. Reste à le flanquer d'un taux. C'est affaire d'une seconde. Nous regardons quelle est la plus récente prévision de PIB projetée par l'INSEE pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de déficit qui bouge sur notre bureau pour le budget en préparation. Le rapport des deux n'est pas loin de donner 3%.

 

C'est bien, 3% ; ça n'a pas d'autre fondement que celui des circonstances, mais c'est bien.

 

 

 

 

Nous remontons chez Bilger avec notre 3% du PIB, dont nous sommes heureux, sans aller jusqu'à en être fiers. Et lui faisant valoir que....., foi d'économistes, c'est ce qu'actuellement nous avons de plus sérieux, de plus fondé en magasin. En tout cas de plus présentable.... On sait ce qu'il en est advenu.

 

 

- L'envol du 3%
Le Franc très vite plonge. Il faut écoper le vaisseau.

 

Dans le combat des influences qui se joue cet automne, Delors reprend la main. Il ose parler de pause (un spectre hante la gauche, celui de Blum en février 37 demandant "une pause nécessaire dans la montée des finances publiques..."). Et il est le premier à faire expressément savoir que le déficit ne doit plus franchir les 3% du PIB, et cela pour l'ensemble des comptes publics (il sera bien le seul à être aussi strict, et précis, et complet). Fabius d'affirmer hautement, trois semaines plus tard : "Pour le budget, j'ai toujours posé comme règle que le déficit n'était acceptable qu'à condition de ne pas dépasser un montant raisonnable, de l'ordre de 3% du PIB".

 

Ici, une station s'impose : ainsi viennent de naître, et, pire, d'infiltrer les esprits comme un contaminant, les notions de "déficit acceptable" et de "montant raisonnable" : tomber en très lourd déficit, cela ne s'analyse qu'en référence à l'année dont on parle et non au parcours d'endettement sur lequel on s'inscrit, et, ainsi myopement circonscrit, ce n'est plus un défaut de ressources qu'il faudra, au plus vite, remonter, c'est un acte par nature conforme à la raison, aux Lumières pour un peu, mais à la condition, bien entendu, car on est aussi l'ennemi pondéré de tout ce qui est excès, qu'on ne rajoute guère à tout ce qu'on doit déjà que, bah, bon an mal an, une centaine de milliards - acceptable, raisonnable... superbes déplacements du sens : ou ce que la langue assouplie à l'ENA fait de la rhétorique d'Ulm.

  • Une seule voie nous reste : le déficit. Le déficit, d'abord, du citoyen lambda au Président de format courant, ça parle à tout le monde : être en déficit, c'est être à court d'argent ; ou, si l'on préfère, tirer aujourd'hui un chèque sur demain, qui devra rembourser. Ensuite, le déficit a depuis Keynes acquis ses lettres de noblesse économique : il figure vaillamment dans les théories, il est une des plus visiblement opératoires variables des modèles. Lui seul, c'est évident, a la carrure et la netteté pour nous tirer d'affaire. Le déficit ! mais qu'en faire ? à quelle contrainte le plier pour en extraire une norme ?
  • Le coup est vite joué. La bouée tous usages pour sauvetage du macro-économiste en mal de référence, c'est le PIB : tout commence et tout s'achève avec le PIB, tout ce qui est un peu gros semble pouvoir lui être raisonnablement rapporté.
    • La première, c'est qu'un même déficit peut être obtenu par différence entre des masses dont l'ampleur est sans comparaison : 20 milliards sont aussi bien la différence entre 50 et 70 milliards qu'entre 150 et 170.
    • Or, et c'est la deuxième remarque, on conviendra qu'il ne peut être tout à fait indifférent à la marche de l'économie que la masse des dépenses et recettes publiques soit d'une certaine ampleur (moins de 35% du PIB, comme aux USA ou au Japon) plutôt que d'une autre, bien plus grande (nettemment plus de 50% comme en France ou dans les pays scandinaves) ; sans même parler du contenu de chacune des masses : ce n'est pas la même chose d'aspirer un certain volume de recettes avec une TVA à 10% et un impôt sur le revenu montant jusqu'à 80%, qu'avec une TVA à 20% et un impôt sur le revenu de 30% au pire ; ou bien encore d'aligner un même volume de dépenses, mais avec 5% de subventions d'investissement dans un cas ou 20% dans l'autre. On voit donc que s'intéresser au déficit en soi, à son montant seul, n'a qu'un sens relatif. Première observation.
    • 1% serait maigre, et de toute façon insoutenable : on sait qu'on est déjà largement au delà, et qu'en éclats a volé magistralement ce seuil ;
    • 2% serait, en ces heures ardentes, inacceptablement contraignant, et donc vain ; et puis, comment dire, on sent que ce chiffre, 2% du PIB, aurait quelque chose de plat, et presque de fabriqué. Tandis que trois est un chiffre solide ; il a derrière lui d'illustres précédents (dont certains quon vénère). Surtout, sur la route des 100 milliards de francs de déficit, il marque la dernière frontière que nous sommes capables de concevoir (autre qu'en temps de guerre) à l'aune des déficits d'où nous venons et qui ont forgé notre horizon.
    • Mitterrand déleste le budget 1982, en cours de finition (on le présente en septembre), du déficit de 120 milliards où il se propulsait jusqu'à celui de 95 milliards qui sera annoncé, soit bien visiblement moins que le seuil symbolique - chiffon... rouge pour marchés en émoi - des 100 milliards de francs (nos 3% du PIB). Et c'est en août que Fabius..., pour la première fois dans toute l'histoire de la langue publique universelle (car nul encore nulle part, serait-ce à l'étranger, n'a jamais avancé ce ratio), réfère le déficit au PIB - pour le rendre bénin sans doute, et couvrir sa rudesse d'une gaze savante: car enfin, ces 2,6% du PIB qu'il cite aux journalistes sans s'y appesantir, presque comme en passant, comme une chose qui serait dans les moeurs, et du moins ne saurait inquiéter qui a fait des études et sait de quoi il parle, ces 2,6%, que pèsent-ils au fond, sinon le poids d'une pincée de PIB ? - et non la centaine de milliards de francs que rajoutés aux autres il faudra un jour, avant la fin des temps, ou avant la faillite, par l'impôt rembourser.
    • Mais l'automne déjà, ses bourrasques ; et le Franc balayé avec les premières feuilles : il faut dévaluer (dans la govlangue on dit "réajuster"), non sans avoir âprement négocié, négocié et plaidé, comme de juste, comme chaque fois, avec l'Allemagne - l'Allemagne au mark toujours trop fort, à l'inflation trop faible, à l'industrie trop fiable, l'Allemagne, ce modèle irritant et exténuant voisin qui construit sa confiance, interne et externe, comme ses machines-outils et comme ses berlines, sur le long terme, et sans désemparer, sans versatilité, unanime à ne pas tolérer que quiconque jamais y porte une ébréchure, tandis que nous changeons de pied, désunis, impatients et fragiles, plus inquiets d'affirmer une autorité que de faire autorité, plus sensibles à l'effet produit sur le théâtre de l'intelligence qu'à l'effort soutenu dans l'avancée commune.
Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

Dès lors dans les déclarations - Fabius, Delors, Mauroy - le 3% du PIB revient comme une antienne. Il est le phare qui balise la route (quand il n'est guère que le quinquet qui suit la descente à la dette). Tandis que les attaques contre le Franc reprennent de plus belle, et que la préparation du budget 83, sous la pression énervée des ministres, livre des premiers scénarios assez époustouflants (à son plus haut le décompte produit un déficit de 210 milliards de francs), le 3% du PIB, désormais bien en selle, devient le marqueur proclamé, martelé, d'une "politique maîtrisée des finances publiques" - en somme, on peut dévaler la pente de l'endettement sur un cheval qu'on cravache, mais à la condition, raisonnable, qu'il ne s'emballe pas. Le petit calcul discutable, mais malin, et tout de circonstance que nous avons commis un soir d'il y a quelques mois est maintenant devenu une norme publique, qui vaut principe, affiché, assumé, presque revendiqué, pour la conduite du gouvernement. Assurément, un succès assez rare.

 

  • Ce calcul, ce principe, il lui reste à recevoir encore, par les voies les plus solennelles, l'onction du Président. C'est chose faite le 9 juin 1982... ; lors de sa seconde conférence de presse du septennat, le Président dans son intervention liminaire déclare: "Le déficit est d'environ 3% et il ne faut pas qu'il dépasse ce pourcentage appliqué au produit intérieur brut. J'attends du gouvernement qu'il respecte - je n'ai pas lieu d'en douter sachant l'engagement du gouvernement tout entier - ce plafond de 3% et pas davantage." (... sachant l'engagement du gouvernement tout entier : on imagine qu'un ange - armé d'un coupe-coupe budgétaire -, fors Delors, sur les ministres passe).

 

Le processus d'acculturation est maintenant achevé ; on a réussi à déporter le curseur : ce qui est raisonnable, ce n'est pas de voir dans le déficit un accident, peut-être nécessaire, mais qu'il faut corriger sans délai comme on soigne une blessure ; non, ce qui est décrété raisonnable c'est d'ajouter chaque année à la dette seulement une centaine de milliards (en francs 1982). C'est cela, désormais, qu'on appelle "maîtrise" : en dessous de 3% du PIB, dors tranquille citoyen, la dette se dilate, mais il ne se passe rien - quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt, dit le proverbe chinois ; quand le sage montre l'endettement, l'incompétent diplômé regarde le 3% du PIB.

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- Extension du domaine du ratio
Puis un jour le traité de Maastricht et le TSCG[4] parurent sur le métier. Ce 3%, on l'avait sous la main, c'est une commodité ; en France on en usait, pensez ! chiffre d'expert ! Il passe donc à l'Europe ; et de là, pour un peu, il s'étendrait au monde.

 

Sans aucun contenu, et fruit des circonstances, d'un calcul à la demande monté faute de mieux un soir dans un bureau, le voilà paradigme: sur lui on ne s'interroge plus, il tombe sous le sens (à vrai dire très en dessous), c'est un critère vrai. Construction contingente du discours, autorité de la parole savante, l'évidence comme leurre ou le bocal de verre (celui dans lequel on s'agite, et parade, sans en voir les parois) : Michel Foucault aurait adoré.

 

Parfois lorsque j'entends, repris comme un mantra, le 3% du PIB, je m'amuse de ce trois que nous avons choisi. Me revient le souvenir du numero deus impare gaudet - le nombre impair plaît à la divinité - qu'on trouve dans Virgile. Et la traduction qu'en donne Gide dans Paludes : le nombre deux se réjouit d'être impair. Et il a bien raison, ajoute Gide.

Le 3% du PIB se réjouit d'être critère... Et il a bien raison.

 

 

  • Et en 2016..... ?

- L’inventeur des "3% de déficit" avec lesquels les Etats européens continuent de se débattre doute de la validité économique de son équation

Sources : La Rédaction de France Info mercredi 24 février 2016

Guy Abeille, créateur du fameux objectif de 3% de déficit public avec lesquels les Etats européens continuent de se débattre aujourd’hui, a reconnu mercredi soir sur France Info qu’"avec le recul", il aurait "peut-être la main qui tremblerait" au moment d’établir cette équation.

 

L’ancien chargé de mission à la direction du Budget sous François Mitterrand avait alors divisé la "perspective de déficit de 100 milliards de francs" avec le produit intérieur brut, ce qui avait donné 3%.
 
Il s’est toutefois interrogé sur la "validité économique" de ce chiffre de nos jours, même si cet objectif  reste "une règle qui permet de rassurer en particulier les marchés et de mettre une barrière, qui sert de référence. "

Notes :

[1] passe aux manettes de l'économie en 1976

[2] Dette française : les aveux effarants de Michel Rocard sur la loi de 1973

[3] « l’endettement public atteint 1 650 milliards d’euros sur un PIB de 1 950 milliards d’euros, soit 85 % du PIB » ; Absurde. Le PIB, c’est le PIB d’une année. La dette, ça court sur plusieurs années ; C’est comme si on comparait les revenus d’une personne sur 1 an avec l’emprunt qu’il a fait sur 25 ans pour acheter son appartement ; dans ce cas, son niveau d’endettement serait non pas de 85 %, mais peut-être de 200 % ou 300 % ! La durée moyenne d’un emprunt d’Etat est de 7 ans et 30 jours : il faut donc comparer le niveau d’endettement au PIB de la France pendant 7 ans, soit près de 14 000 milliards d’euros ; Et une dette de 1 650 milliards d’euros, ça fait seulement 12% du PIB de la France sur 7 ans..... moins que l'endettement de nombre de ménages qui parfois dépassent les 30% des revenus !

[4] TSCG : Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance impose une « règle d’or » : les États doivent afficher des comptes publics « en équilibre ou en excédent ». Aux 3 % de déficit budgétaire maximum, imposé par le traité de Maastricht, le TSCG ajoute que le déficit structurel (calculé sur la croissance du PIB à moyen terme) ne doit pas dépasser 0,5 %,...

 

Pour en savoir plus :

Commentaires de J.L. Mélenchon après l’adoption du TSCG

- Nous déclarons la mort du Traité de l’austérité (TSCG)

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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 12:40
Plans de sauvetage de la Grèce : 77 % des fonds sont allés à la finance

Une étude d’Attac montre que les «  plans de sauvetage  » mis en oeuvre par les institutions de l’Union européenne et les gouvernements européens sauvent les banques, pas la population.

Depuis mars 2010, l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) ont attribué 23 tranches de financement au prétendu « sauvetage de la Grèce », pour un total de 206,9 milliards d’Euros. Ils n’ont cependant fourni presque aucune précision sur l’utilisation exacte de ces énormes sommes, provenant de fonds publics. C’est pourquoi Attac Autriche a entrepris une étude sur cette question : au moins 77% de l’argent du plan de sauvetage ont bénéficié directement ou indirectement au secteur de la finance.

 

Sources : Syriza le 28/08/2014 par Maxime Vangelis (Traduit de l’anglais par Muriel Carpentier, Coorditrad.)

- Les résultats en détails :

  • 58,2 milliards d’Euros (28,13%) ont servi à recapitaliser les banques grecques —au lieu de restructurer ce secteur trop grand et moribond de manière durable et de laisser les propriétaires des banques payer pour leurs pertes.
  • 101,331 milliards d’Euros (48,98%) sont allés aux créanciers de l’État grec. Parmi lesquels 55,44 milliards d’Euros ont été utilisés pour rembourser des bons du Trésor arrivés à échéance —au lieu de laisser les créanciers assumer le risque pour lequel ils avaient préalablement perçu des intérêts. 34,6 autres milliards d’Euros ont servi de prime d’incitation pour obtenir l’accord des créanciers sur le prétendu « allègement [1] » en mars 2012. 11,3 milliards d’Euros ont été affectés au rachat de la dette en décembre 2012, lorsque l’État grec a racheté des bons presque sans valeur à ses créanciers.
  • 43,7 milliards d’Euros (22,46%) ont alimenté le budget de l’État ou n’ont pu être clairement affectés.
  • 0,9 milliard d’Euros (0,43%) ont constitué la contribution de la Grèce au financement du nouveau fonds de sauvetage, le MES.

 

« Le but des élites politiques n’est pas de secourir la population grecque mais de sauver le secteur financier » conclut Lisa Mittendrein d’Attac Autriche. « Ils ont utilisé des centaines de milliards d’argent public pour sauver les banques et autres acteurs financiers —en particulier leurs propriétaires— de la crise qu’ils ont provoquée. »

 

 

 

 

 

 

 

-  Les élites politiques ont trompé le public en affirmant prendre des « mesures de sauvetage »

Les résultats du rapport d’Attac Autriche réfutent les affirmations publiques des institutions et chefs d’Etat européens, selon lesquelles c’est la population grecque qui a bénéficié desdits « plans de sauvetage ». C’est plutôt elle qui paie pour sauver les banques et les créanciers en subissant une brutale course à l’austérité, ainsi que les catastrophiques conséquences sociales que l’on sait.

 

 

-  Des milliardaires et des fonds spéculatifs bénéficiaires des « sauvetages »

Parmi ceux qui ont bien été sauvés, on compte le clan multimilliardaire Latsis, l’une des plus riches familles grecques, qui détient en grande partie l’Eurobank Ergasias sauvée par l’État [2]. Des spéculateurs en ont aussi profité : lors du rachat de la dette en décembre 2012, le fonds spéculatif Third Point a empoché 500 millions d’Euros grâce aux fonds publics européens [3]. « Quand Barroso, le président de la Commission européenne, a qualifié le prétendu plan de sauvetage de la Grèce d’acte de solidarité [4], la question est : solidarité avec qui  », note Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France et professeur d’économie financière à l’Université Paris 13.

 

 

-  34,6 milliards d’Euros supplémentaires en paiements d’intérêts

43,6 milliards d’Euros tout au plus (22,46%) desdites « enveloppes de sauvetage » ont été affectés au budget de l’État. Il faut cependant comparer ce montant à celui d’autres dépenses de l’État au cours de la même période, qui n’ont pas bénéficié à toute la population : plus de 34,6 milliards d’Euros ont encore été versés aux créanciers en paiement d’intérêts sur des bons du Trésor en attente (du 2e trimestre 2010 au 4etrimestre 2012 [5]). En outre, l’État grec a affecté une autre enveloppe de 10,2 milliards d’Euros au budget de la défense (2010 et 2011 [6]). Selon certains initiés, Berlin et Paris auraient pressé la Grèce de ne pas réduire ses dépenses militaires parce que cela aurait porté préjudice aux fabricants d’armes allemands et français [7].

 

 

-  Ce n’est pas le premier renflouement des banques

« L’étude de nos amis d’Attac Autriche prouve que le prétendu sauvetage de la Grèce s’avère être un autre renflouement des banques et des riches particuliers » affirme Dominique Plihon. Les banques européennes ont déjà reçu 670 milliards d’Euros de soutien direct de la part de l’État (hors garanties) depuis 2008 [8]. Pourtant le secteur financier reste instable en Grèce comme dans toute l’Europe. Ce que démontre une fois encore le récent versement de deux tranches supplémentaires destinées aux recapitalisations des banques pour 23,2 milliards d’Euros depuis décembre 2012.

 

 

- Les élites politiques échouent à mettre en œuvre les régulations nécessaires…

Les coupes de l’État grec ont frappé si fort les banques locales que l’État est contraint à s’endetter à nouveau pour voler à leur secours avec un renflouement d’un milliard d’Euros. « Au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis le krach financier, les politiques européens n’ont pas réussi à réglementer les marchés financiers et à adopter un régime de faillite des banques. Aussi les contribuables sont-ils toujours contraints de venir en aide en cas de pertes, tandis que les propriétaires des banques s’en tirent en toute impunité. Les gouvernements doivent cesser de donner de telles opportunités de chantage au secteur de la finance » critique Dominique Plihon.

 

 

- … et volent au secours du secteur bancaire grec corrompu

Ce qui est encore pire, c’est que les milliards du plan de sauvetage vont aux banques grecques, même si certaines d’entre elles ont recours à des méthodes douteuses pour remplir les conditions officielles d’éligibilité. En 2012, un rapport de Reuters a révélé les pratiques scandaleuses des banques utilisant un système de Ponzi basé sur des sociétés offshore pour donner un coup de pouce à des prêts non garantis de l’une à l’autre. Elles ont procédé de la sorte pour sembler être encore en mesure d’attirer des capitaux privés et répondre ainsi aux critères de recapitalisation par l’État [9]. « Alors que les élites politiques grecques et européennes exigent le sang et les larmes du peuple grec, elles ferment les yeux sur les accords secrets entre les oligarques financiers, qui sont en fait les principaux bénéficiaires de l’argent du sauvetage accordé à la Grèce », confirme l’économiste Marica Frangakis, membre de l’Institut Nicos Poulantzas d’Athènes et membre fondatrice d’Attac Grèce.

 

 

- La manipulation opaque des fonds publics

« Les résultats de l’étude d’Attac Autriche révèlent que, depuis 2008, le principal objectif de la politique de gestion de la crise de nos gouvernements est de sauver les fortunes des plus riches. Les élites politiques acceptent un énorme taux de chômage, la pauvreté et la misère pour sauver un secteur financier incurable. Le gouvernement autrichien a, lui aussi, participé à cette ligne de conduite inhumaine pendant des années », ajoute Dominique Plihon. Il est d’ailleurs inquiétant de constater que les responsables de la Troïka et du FESF rendent à peine compte de leur gestion des fonds publics. « C’est un scandale que la Commission européenne publie des centaines de pages de rapport mais ne parvienne pas à préciser où l’argent est exactement allé », explique Dominique Plihon. « Nous appelons les responsables à imposer une réelle transparence et à indiquer à qui profitent véritablement les paiements. »

 

 

- Le changement radical de politique se fait attendre

Un changement de cap radical se fait attendre dans la politique européenne de gestion de la crise. « Nos gouvernements volent au secours des banques européennes et des riches à coups de milliards et de milliards de fonds publics tout en racontant à leurs électeurs que l’argent est versé à la population grecque. Cela doit cesser », revendiquent Dominique Plihon et Marica Frangakis. Les banques « too big to fail [10]  » doivent être divisées et remises au service de l’intérêt public plutôt qu’à celui des profits privés. Les créanciers et les riches doivent payer leur part des coûts de la crise, tandis que le secteur financier doit être sévèrement réglementé. « Après les ravages de trois années d’austérité imposée, la Grèce a besoin, plutôt que d’enrichir l’oligarchie financière, de véritables mesures de secours qui profitent réellement à l’ensemble de la population ainsi que des mesures de financement pour le rétablissement de l’économie grecque », conclut Dominique Plihon.

 

 

- D’autres détails qui interpellent…

En outre, l’enquête menée par Attac a mis en lumière plusieurs points qui interpellent dans le prétendu « plan de sauvetage de la Grèce » :

  • À plusieurs reprises, l’UE et le FMI sont revenus sur leurs déclarations et ont suspendu les versements promis pendant des semaines voire des mois pour faire pression sur la démocratie grecque : à l’automne 2011 pour empêcher la tenue d’un referendum sur la politique d’austérité ; en mai-juin 2012 pour augmenter les chances des partis amis de la Troïka lors des élections législatives. En suspendant les fonds promis, la Troïka contraint le gouvernement grec à émettre des obligations à court terme pour éviter la faillite imminente. Ces « bons du Trésor », arrivant à échéance en quelques semaines ou quelques mois, revêtent un taux d’intérêt plus élevé, ce qui augmente de fait la dette publique grecque. Une preuve de plus que la réduction de la dette n’est pas la principale préoccupation de la Troïka mais plutôt un prétexte pour poursuivre la destruction de l’État providence et des droits des travailleurs.
  • Une tranche d’1 milliard d’Euros versée en juin 2012 a essentiellement servi à financer la contribution obligatoire de la Grèce au remplaçant du FESF, le MES. Le FESF a ainsi financé son propre successeur —certes pas directement mais en accroissant la dette du gouvernement grec.
  • Klaus Regling, directeur général du FESF et du MES, a fait de nombreux allers-retours entre la politique et le monde de la finance au cours de sa carrière. Avant de rejoindre le FESF, il a travaillé tour à tour pour le gouvernement allemand, pour le fonds spéculatif Moore Capital Strategy Group, pour la Commission européenne comme directeur général aux Affaires économiques et financières, ou encore pour le fonds spéculatif Winton Futures Fund Ltd. Regling constitue ainsi un exemple symbolique de l’étroite imbrication des marchés financiers et de la politique, qui explique en partie pourquoi la politique de gestion de la crise de l’UE vise principalement à sauver le secteur de la finance.
  • Selon ses comptes annuels, la masse salariale du FESF s’élevait à 3,1 millions d’Euros en 2011 [11]. Selon les médias, 12 personnes travaillaient cette année-là au FESF [12], soit une moyenne de 258.000 EUR dépensée par personne. Le directeur général Klaus Regling aurait gagné 324.000 EUR, plus un supplément de salaire par année [13]. Ceux qui touchent de telles sommes contrôlent la réduction du salaire minimum brut mensuel grec à 580 EUR (510 EUR pour les jeunes) [14].

 

Sources et notes

[1] NdT : traduction du terme imagé haircut , correspondant dans cet usage à une décote directe de la créance.

 

[2] Tagesschau (2012) : Milliardenhilfen für den Milliardär, 4 juin 2012,http://www.tagesschau.de/wirtschaft/latsis100.html

 

[3] Der Spiegel (2012) : Schuldenrückkauf : Hedgefonds verdient halbe Milliarde mit Griechenland, 19 décembre 2012 / http://www.spiegel.de/wirtschaft/unternehmen/hedgefonds-verdient-halbe-milliarde-mit-griechischem-schuldenrueckkauf-a-873758.html

[4] Commission européenne (2010) : Statement of President Barroso following his meeting with Mr Georgios Papandreou, Prime Minister of Greece, 6 décembre 2010 /http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-10-730_en.htm

[5] Eurostat (2013) : Comptes non-financiers trimestriels des administrations publiques, 16 avril 2013 /http://epp.eurostat.ec.europa.eu

[6] Eurostat (2013) : Dépenses des administrations publiques par fonction (CFAP), 16 avril 2013 /http://epp.eurostat.ec.europa.eu

[7] Transnational Institute (2013) : Guns, Debt and Corruption. Military Spending and the EU crisis, 14 avril 2013 / http://www.tni.org/briefing/guns-debtcorruption , p. 11f.

[8] Der Standard (2013) : Bankenrettungen kosteten EU-Staaten 670 Milliarden, 22 avril 2013 /http://derstandard.at/1363708829426/Bankenrettungen-kosteten-EU-670-Milliarden-Euro

[9] Reuters (2012) : Special Report : Clandestine Loans were used to fortify Greek bank, 16 juillet 2012 /http://www.reuters.com/article/2012/07/16/us-greecebanks-idUSBRE86F0CL20120716

[10] NdT : idiotisme, littéralement « trop grandes pour échouer ».

[11] FESF (2011) : Financial Statements, Management report and Auditor’s report, 31 décembre 2011 /http://www.efsf.europa.eu/about/corporategovernance/annual-accounts/index.htm, p. 37.

[12] CNBC (2011) : EFSF : CNBC explains, 20 octobre 2011, http://www.cnbc.com/id/44685464

[13] Die Welt (2012) : Fürstliche Gehälter : ESM-Chef verdient mehr als Bundeskanzlerin, 7 juillet 2012http://www.welt.de/wirtschaft/article108056431/ESM-Chefverdient-mehr-als-die-Bundeskanzlerin.html

[14] OCDE (2013) : Salaires minimum à prix courant en monnaie nationale, 16 avril 2013 /http://stats.oecd.org/

 

Sur le même sujet :

- Mon dossier Grèce

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5 septembre 2014 5 05 /09 /septembre /2014 13:00
N'en déplaise à Manuel Valls, les entreprises ne créent pas l’emploi

« Ce sont les entreprises qui créent l'emploi ». Cet argument d'autorité, point névralgique du néolibéralisme est devenu l'unique boussole des gouvernements Valls, la justification de tous les cadeaux distribués au patronat. C'est en son nom que le premier ministre a annoncé, le 28 août, devant un MEDEF comblé, sa feuille de route menaçante pour le Code du Travail et la représentation des salariés dans les entreprises.

Discours truffé d’inexactitudes, qu'en est-il en réalité ?

 

Sources : Le Monde Diplomatique par Frédéric Lordon

- Les irresponsables du pacte de responsabilité*

En effet, il ne se passe plus une semaine sans que le gouvernement socialiste français affiche son ralliement aux stratégies économiques les plus libérales : « politique de l’offre », amputation des dépenses publiques, stigmatisation du « gâchis » et des « abus » de la Sécurité sociale. Au point que le patronat hésite sur le cap à tenir. Et que la droite avoue son embarras devant tant de plagiats...

 

Il faut avoir sérieusement forcé sur les boissons fermentées, et se trouver victime de leur propension à faire paraître toutes les routes sinueuses, pour voir, comme s’y emploie le commentariat quasi unanime, un tournant néolibéral dans le « pacte de responsabilité » de M. François Hollande [1]. Sans porter trop haut les standards de la sobriété, la vérité appelle plutôt une de ces formulations dont M. Jean-Pierre Raffarin nous avait enchantés en son temps |2] : la route est droite et la pente est forte — mais très descendante (et les freins viennent de lâcher).

 

 

- En réalité, le tournant rectiligne ne fait qu’approfondir la logique du quinquennat telle qu’elle a été posée dès ses tout premiers mois.

Pauvre logique, qui transpire les stratégies du désespoir et de la renonciation. Car les tendances longues de la trahison idéologique se mêlent ici aux calculs égarés de la panique quand, ayant abandonné toute idée de réorienter les désastreuses politiques européennes, et par conséquent privé de toute possibilité de relance, on ne voit plus pour se sauver du naufrage complet que le radeau de La Méduse : « l’entreprise » comme ultime providence, c’est-à-dire... le Mouvement des entreprises de France (Medef) comme planche de salut. Géniale trouvaille au bord de l’engloutissement : « La seule chose qu’on n’a pas essayée, c’est de faire confiance aux entreprises |3]. »

 

Ah ! la riche idée : faire confiance aux « entreprises »... Faire confiance au preneur d’otages en se jetant dans ses bras, persuadé sans doute que l’amour appelle invinciblement l’amour — et désarme les demandes de rançon.

 

 

- La prise d’otages du capital

Contrairement à ce que clamerait dans un unisson d’horloges synchronisées la cohorte éditorialiste, scandalisée qu’on puisse parler de « prise d’otages », il n’y a pas une once d’outrance dans le mot, dont il faut même soutenir qu’il est analytiquement dosé au plus juste. Il est vrai que l’altération perceptive qui fait voir les lignes droites sous l’espèce de « tournants » est en accord avec cette autre distorsion qui conduit à voir des « prises d’otages » partout — chez les cheminots, les postiers, les éboueurs et plus généralement tous ceux qui se défendent comme ils le peuvent des agressions répétées dont ils sont l’objet — sauf où il y en a vraiment. Car le capital a pour lui tous les privilèges de la lettre volée d’Edgar Poe [4], et sa prise d’otages, évidente, énorme, est devenue invisible à force d’évidence et d’énormité.

N'en déplaise à Manuel Valls, les entreprises ne créent pas l’emploi

- Agir sur la capacité de dépense des clients

Comme Karl Marx l’avait remarqué, le capitalisme, c’est-à-dire le salariat, est une prise d’otage de la vie même ! Dans une économie monétaire à travail divisé, nulle autre possibilité de reproduire la vie que d’en passer par l’argent du salaire... c’est-à-dire l’obéissance à l’employeur. Et, s’il n’y avait eu la conquête de haute lutte des institutions de la protection sociale, on ne voit pas bien ce qui séparerait la logique profonde de la mise au travail capitaliste d’un pur et simple « marche ou crève ».

 

Le capital ne prend pas en otage que la vie des individus séparément, mais également (en fait, d’un seul et même tenant) leur vie collective, celle-là même dont la politique fait normalement son objet. Cette captation a pour principe majeur que toute la reproduction matérielle, individuelle et collective, est désormais entrée sous la logique de l’accumulation du capital — la production des biens et des services qui reproduisent la vie n’est plus effectuée que par des entités économiques déclarées capitalistes et bien décidées à n’opérer que sous la logique de la marchandisation profitable. Et pour principe mineur la capacité d’initiative dont jouit le capital : le capital financier a l’initiative des avances monétaires qui financent les initiatives de dépense du capital industriel, dépenses d’investissement ou dépenses de recrutement.

 

Aussi les décisions globales du capital déterminent-elles les conditions dans lesquelles les individus trouvent les moyens — salariaux — de leur reproduction. C’est ce pouvoir de l’initiative, pouvoir d’impulsion du cycle de la production, qui confère au capital une place stratégique dans la structure sociale d’ensemble ; la place du preneur d’otages, puisque tout le reste de la société n’en finit pas d’être suspendu à ses décrets et à son bon vouloir.

 

 

- S’il n’est pas déféré à toutes ses demandes, le capital pratiquera la grève de l’investissement

« Grève » : n’est-ce pas là le mot qui dans la boîte à deux neurones de l’éditorialiste quelconque déclenche habituellement l’association avec « prise d’otages » ? Il suffit alors de prendre un peu de recul pour mieux mesurer l’efficacité du rançonnement, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 1980 jusqu’aux dispositions scélérates de l’Accord national interprofessionnel (ANI), en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au contrat à durée indéterminée (CDI), le travail le dimanche [5], etc. Liste gigantesque des butins de guerre dont il faut pourtant comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment tant qu’il ne se trouvera pas en face de la puissance du capital une puissance de même échelle, mais de sens opposé, pour le ramener autoritairement à la modération, car, une telle énumération l’atteste suffisamment, le capital n’a aucun sens de l’abus.

 

Mais le pire, dans toute cette affaire, c’est peut-être l’irrémédiable inanité de la stratégie de M. Hollande et de ses conseillers, esprits entièrement colonisés par la vue Medef du monde et qui n’ont d’autre point de départ de toutes leurs réflexions que la prémisse, l’énoncé princeps du néolibéralisme, il est vrai répété partout, entré dans toutes les têtes sur le mode de l’évidence indubitable : « Ce sont les entreprises qui créent l’emploi. » Cet énoncé, le point névralgique du néolibéralisme, est la chose dont la destruction nous fait faire un premier pas vers la sortie de la prise d’otages du capital.

 

En tout cas, dans « les entreprises ne créent pas d’emploi », il ne faut certainement pas voir un énoncé à caractère empirique — que les vingt dernières années confirmeraient pourtant haut la main en tant que tel. Il s’agit d’un énoncé conceptuel, dont la lecture correcte n’est d’ailleurs pas « les entreprises ne créent pas d’emploi », mais « les entreprises ne créent pas l’emploi ». Les entreprises n’ont aucun moyen de créer par elles-mêmes les emplois qu’elles offrent : ces emplois ne résultent que de l’observation du mouvement de leurs commandes, dont, évidemment, elles ne sauraient décider elles-mêmes, puisqu’elles leur viennent du dehors — c’est-à-dire du bon vouloir dépensier de leurs clients, ménages ou autres entreprises.

 

 

- La vérité par M. Jean-François Roubaud

Dans un éclair de vérité fulgurant autant qu’inintentionnel, c’est M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et saint Jean Bouche d’or, qui a vendu la mèche, à un moment, il est vrai, voué à être puissamment révélateur : celui de la discussion des « contreparties ». Comme on sait, à l’instant T moins epsilon qui précède la conclusion du « pacte », le patronat jure sur la tête du marché qu’il s’ensuivra des créations d’emplois par centaines de mille et, comme de juste, à l’instant T plus epsilon, on n’est tout d’un coup plus sûr de rien... Ne nous emballons pas, en tout cas il faut nous faire confiance.

 

N'en déplaise à Manuel Valls, les entreprises ne créent pas l’emploi

Et voilà ce gros nigaud de Roubaud qui déballe tout sans malice ni crier gare : « Encore faut-il que les carnets de commandes se remplissent... », répond-il en toute candeur à la question de savoir si « les entreprises sont prêtes à embaucher en échange » [6]. C’est pas faux, Roubaud ! Si les entreprises produisaient elles-mêmes leurs propres carnets de commandes, la chose se saurait depuis un moment, et le jeu du capitalisme serait d’une déconcertante simplicité. Mais non : les entreprises enregistrent des flux de commandes sur lesquels elles n’ont que des possibilités d’induction marginale (et, à l’échelle agrégée de la macroéconomie, aucune possibilité du tout), puisque ces commandes ne dépendent que de la capacité de dépense de leurs clients, laquelle capacité ne dépend elle-même que de leurs carnets de commandes à eux [7], et ainsi de suite jusqu’à se perdre dans la grande interdépendance qui fait le charme du circuit économique.

 

A quelques variations près, réglées par la concurrence intersociétés, la formation des carnets de commandes, dont M. Roubaud nous rappelle — pertinemment — qu’elle décide de tout, ne relève donc pas des entreprises individuellement, mais du processus macroéconomique général. Passives face à cette formation de commandes, qu’elles ne font qu’enregistrer, les entreprises ne créent donc aucun emploi, mais ne font que convertir en emplois les demandes de biens et de services qui leur sont adressées, ou qu’elles anticipent. Là où l’idéologie patronale nous invite à voir un acte démiurgique devant tout à la puissance souveraine (et bénéfique) de l’entrepreneur, il y a donc lieu de voir, à moins grand spectacle, la mécanique totalement hétéronome de l’offre répondant simplement à la demande externe.

 

 

- On dira cependant que les entreprises se différencient, que certaines réduisent mieux leurs prix que d’autres, innovent davantage, etc.

Ce qui est vrai. Mais qui n’a d’effet, in fine, que sur la répartition entre elles toutes de la demande globale... laquelle demeure irrémédiablement bornée par le revenu disponible macroéconomique. Ne peut-on pas aller chercher au-dehors un surplus de demande au-delà de la limite du revenu interne ? Oui, on le peut. Mais le cœur de l’argument n’en est pas altéré pour autant : les entreprises enregistrent, à l’export comme à domicile, des demandes que, par construction, elles ne peuvent pas, individuellement, contribuer à former, et elles se borneront (éventuellement) à convertir ces commandes en emplois. Aucun geste « créateur » du type de celui que revendique l’idéologie patronale là-dedans. Les entrepreneurs et les entreprises ne créent rien, en tout cas en matière d’emploi — ce qui ne veut pas dire qu’elles ne font rien : elles se font concurrence pour capter comme elles peuvent des flux de revenu-demande et font leur boulot avec ça.

 

Tout cela signifie que nous n’avons pas à déférer à toutes leurs extravagantes demandes au motif qu’elles détiendraient le secret de la « création des emplois ». Elles ne détiennent rien du tout.

 

 

- Mais si l’emploi n’est pas créé par les entreprises, par qui l’est-il donc, et à qui devraient aller nos soins ?

La réponse est que le « sujet » de la création des emplois n’est pas à chercher parmi les hommes ; en vérité, le sujet est un non-sujet, ou, pour mieux dire, la création des emplois est l’effet d’un processus sans sujet, un processus dont le nom le mieux connu est la conjoncture économique — terrible déception de ceux qui attendaient l’entrée en scène d’un héros. La conjoncture économique est en effet ce mécanisme social d’ensemble par quoi se forment simultanément revenus, dépenses globales et production. Elle est un effet de composition, la synthèse inassignable de myriades de décisions individuelles, celles des ménages qui vont consommer plutôt qu’épargner, celles des entreprises qui lanceront ou non des investissements. Drame pour la pensée libérale héroïsante : il faut avoir la sagesse intellectuelle de s’intéresser à un processus impersonnel.

 

Mais s’y intéresser, on le peut, et très concrètement, même ! Car la conjoncture est un processus qui, dans une certaine mesure, se laisse piloter. C’est précisément l’objet de cette action qu’on appelle la politique macroéconomique. Mais, de cela, le gouvernement « socialiste », ligoté consentant aux contraintes européennes, a manifestement abdiqué toute velléité. Il ne lui est alors plus resté qu’à dévaler avec tout le monde la pente de l’idéologie libérale entrepreneuriale pour former le puissant raisonnement selon lequel « si ce sont les entreprises qui créent les emplois, alors il faut être très gentil avec les entreprises ».

 

Reconnaissons qu’à la profondeur où cette ânerie est désormais enkystée, mesurable à la vitesse éclair à laquelle elle vient à la bouche de l’éditorialiste quelconque, le travail d’éradication va demander du temps. Mais la politique se portera mieux, c’est-à-dire un peu plus rationnellement, quand ses discours commenceront à être à peu près purgés de toutes les contrevérités manifestes, et manifestement attachées à un point de vue très particulier sur l’économie, et quand les schèmes de pensée automatique que ces contrevérités commandent auront été désactivés.

 

 

- Les entreprises ne créent pas l’emploi : elles « opèrent » l’emploi déterminé par la conjoncture.

Si on veut de l’emploi, c’est à la conjoncture qu’il faut s’intéresser, pas aux entreprises. Mais faire entrer ça dans une tête « socialiste »... Il est vrai que, parmi le programme chargé des conversions symboliques à opérer, il y a à défaire l’habitude irréfléchie qui consiste à donner le Parti socialiste pour la gauche et à donner (très inconsidérément) de la gauche au Parti socialiste. Alors que, rappelons-le, et il met d’ailleurs assez d’effort comme ça pour qu’on n’en doute plus et qu’on puisse l’en « créditer », le Parti socialiste, c’est la droite, mais une droite complexée. A propos de laquelle, d’ailleurs, du train où vont les choses, il va bientôt falloir se demander ce qu’il lui reste exactement de complexes...

 

Une version longue de cet article est en ligne sur le blog de l’auteur, La pompe à phynance

 

Notes :

* Pour en savoir plus : pacte de responsabilité : une erreur historique !

[1] Proposé en janvier par M. Hollande, le « pacte de responsabilité » offre aux entreprises un allégement de cotisations sociales de 30 milliards d’euros... dans l’espoir que celles-ci voudront bien, en contrepartie, créer des emplois.

[2] Lorsqu’il était premier ministre de M. Jacques Chirac, entre 2002 et 2005.

[3] M. Matthias Fekl, député proche de M. Pierre Moscovici, cité par Lénaïg Bredoux et Stéphane Alliès, « L’accord sur l’emploi fracture la gauche », Mediapart, 6 mars 2013.

[4] Dans la nouvelle d’Edgar Allan Poe La Lettre volée (1844), tous les protagonistes recherchent fébrilement un billet d’une importance décisive qu’ils supposent caché, mais qui est en fait posé en évidence sur un bureau.

[5] Lire Gilles Balbastre, « Eternel refrain du travail le dimanche », Le Monde diplomatique, novembre 2013.

[6] « Jean-François Roubaud : “Il faut passer au plus vite aux actes, avec des mesures immédiates” », Les Echos, Paris, 3 janvier 2014.

[7] Commandes de travail pour les ménages salariés, commandes de biens et de services pour les entreprises clientes.

 

Pour en savoir plus :

- Idée reçue « Ce sont les entreprises qui créent l’emploi »

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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 13:16
Si on parlait du......... coût du capital

À en croire le gouvernement et les médias, la crise économique que nous traversons serait due au « coût » du travail. Les Français seraient trop payés, ne travailleraient pas assez longtemps et auraient des acquis sociaux trop élevés qui limiteraient la compétitivité des entreprises.

 

Tout dément pourtant cette thèse patronale.

 

 

 

 

- Aujourd’hui, lorsque les entreprises font des profits, 80 % sont destinés à rémunérer les actionnaires.

- Un salarié travaille en moyenne vingt-six jours par an pour les actionnaires, contre neuf jours par an au début des années quatre-vingt.

 

C’est ce coût du capital exorbitant qui détruit l’emploi, qui jette les gens dans la rue, qui ravage la planète. En analysant le coût du capital et ses conséquences, les économistes qui ont contribué à cet ouvrage proposent une critique radicale du capitalisme d’aujourd’hui. Ils permettent ainsi de trouver les formules de son renversement.

 

- les auteurs de cet ouvrage :

- Guillaume Etiévant, expert auprès des comités d’entreprise et des organisations syndicales, est secrétaire national du Parti de Gauche à l’Économie et au Travail. Il est membre du bureau de la Fondation Copernic.

- Nolwenn Neveu, professeure agrégée de sciences économiques et sociales, est coprésidente de la commission économie du Parti de Gauche.

- Laurent Cordonnier, Benjamin Coriat, Michel Husson, Paul Jorion, Jean-Luc Mélenchon et Hadrien Toucel ont également contribué à cet ouvrage.

 

- Pour commander : ici

 

 

- Le travail n’est pas un coût, il a un prix..., le problème, c'est le capital !

Le 7 mars 2018, Adrien Quatennens était l'invité de David Pujadas sur LCI. Au programme : "super riche, super profit : chance ou scandale ?"
 

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27 août 2014 3 27 /08 /août /2014 18:10
http://www.leconomiepolitique.fr/page.php?rub=07&srub=02&ssrub=01

http://www.leconomiepolitique.fr/page.php?rub=07&srub=02&ssrub=01

Source : le parti de Gauche Midi Pyrénées extrait de L'Economie politique n°63 juillet 2014

Définir ce que pourrait être une politique économique de gauche est, dans le contexte actuel, un exercice aussi périlleux que nécessaire. Plutôt que de dérouler un programme, cette contribution se borne à proposer des remarques de méthode, après avoir succinctement rappelé les raisons de l’échec de l’orientation de François Hollande.

 

Deux tâches semblent aujourd’hui indispensables si l’on veut esquisser un programme alternatif : abandonner le fétichisme des outils et des normes pour redéfinir les objectifs d’une politique de gauche, et prendre la mesure exacte du degré de rupture nécessaire.

 

- L’échec annoncé du « socialisme de l’offre »

La situation actuelle, économique et politique, peut au fond s’expliquer par le grand écart qui existe entre la profondeur de la crise et les postulats fondamentaux de la politique de François Hollande. La crise est profonde, tout le monde le reconnaît, mais sans en mesurer réellement l’ampleur et ce qu’elle implique. Cette crise est d’abord une perte considérable et irréversible de production, d’emplois et de productivité, bref une déviation durable par rapport à la trajectoire antérieure. A cela s’ajoute le fait que les rentiers n’ont pas « pris leurs pertes » et qu’un stock considérable de dettes s’est ainsi accumulé. Plus fondamentalement, cette crise est aussi celle d’un mode de fonctionnement particulier du capitalisme auquel il est difficilement concevable de revenir. Les politiques menées aujourd’hui en Europe visent pourtant à rétablir par la force ce mode de fonctionnement, en profitant de la crise pour faire passer les réformes structurelles qui équivalent à une régression du double point de vue des dépenses sociales et du statut du salarié.

 

Face à cette thérapie de choc, une orientation sociale-libérale pouvait-elle représenter une alternative viable ou au moins une tactique d’évitement ? Tel était en somme le projet de François Hollande qui reposait, avant même son supposé tournant du début de 2014, sur deux postulats essentiels : tout miser sur la reprise de la croissance et en même temps revenir à l’équilibre budgétaire.

 

François Hollande est depuis longtemps convaincu que la croissance est le seul moyen de créer des emplois, et le préalable à toute redistribution des richesses. C’est ce que montre bien un entretien accordé à cette même revue en 2008[1] , alors qu’il n’était encore que le premier secrétaire du Parti socialiste. A la première question, qui lui demandait s’il fallait « agir politiquement sur la répartition de la valeur ajoutée entre salaires et profits », sa réponse immédiate fut la suivante : « ce qu’il faut d’abord, c’est créer plus de valeur ajoutée. La gauche ne peut s’intéresser à la seule répartition. Elle doit régler l’insuffisance de création de la richesse. » Et il ajoutait - déjà - que le nécessaire soutien de la demande « ne peut être efficace que s’il s’accompagne d’une politique de l’offre. »

 

Pendant sa campagne, François Hollande avait tout aussi clairement affirmé la nécessité de « rééquilibrer nos comptes publics dès 2013 (...) pas pour céder à je ne sais quelle pression des marchés ou des agences de notation mais parce que c’est la condition pour que notre pays retrouve confiance en lui [2]. Dès décembre 2011, sa conseillère Karine Berger (alors directrice marchés et marketing chez Euler Hermes) chiffrait - déjà - à 50 milliards d’euros l’effort budgétaire à consentir [3]. Enfin, pour contrebalancer le fameux discours du Bourget désignant « le monde de la finance » comme son seul adversaire [4] , François Hollande s’était empressé de le rassurer : « la gauche a été au gouvernement pendant quinze années durant lesquelles nous avons libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n’y a pas de grande crainte à avoir . [5] »

 

Ce projet ne pouvait fonctionner, pour une raison simple qu’il était facile d’anticiper : les deux postulats ne sont pas compatibles [6]  : la croissance s’éloigne à proportion de l’austérité budgétaire, c’est un fait aujourd’hui bien établi. Quelques années plus tard, François Hollande est toujours dans l’attente du « retournement » de la conjoncture.

 

 

- Partir des objectifs

La question qui reste entière est au fond celle-ci : pourquoi un gouvernement de gauche ne mène pas vraiment une politique de gauche ? Avant d’essayer d’y répondre, il faut donc se demander ce que pourrait être cet autre « retournement », celui qui conduirait vers une véritable politique de gauche. Pour répondre à cette question préalable, il faut procéder à un autre retournement, qui consiste à définir une telle politique par ses objectifs, plutôt que comme une modalité supposée plus « sociale » d’adaptation à des contraintes acceptées comme telles. Il faut donc inverser les fins et les moyens et dire d’emblée ce que devraient être ces objectifs.

 

Ils pourraient être simplement résumés ainsi : assurer à toutes et tous un emploi et/ou un revenu décents, l’accès à des services publics de qualité et, pourrait-on dire aussi, une planète décente. Bref la common decency de George Orwell. Plutôt que fétichiser les contraintes et les outils, la bonne méthode est de partir de la définition des objectifs et d’utiliser tous les moyens de la puissance politique pour y parvenir.

 

Toute une série de règles ou de recommandations, doivent être reconsidérées de ce point de vue, qu’il s’agisse par exemple de la sortie de l’euro ou de l’équilibre budgétaire : ni l’une ni l’autre ne devrait être une fin en soi.

 

 

- L’emploi d’abord

On peut dérouler cette logique à partir de la question centrale qui est aujourd’hui celle de l’emploi. De ce point de vue, l’avenir est sombre : selon la Commission européenne, le taux de chômage devrait passer de 10,8 % en 2013 à 11 % en 2015, et de 12,1 % à 11,7 % pour l’ensemble de la zone euro [7] . On voit mal dans ces conditions comment on pourrait envisager un recul significatif du chômage de masse dans les années à venir. Il serait donc grand temps pour la gauche de faire d’un retour au plein emploi la priorité des priorités.

 

Il se trouve que les deux seules pistes possibles sont tout à fait contraires à l’air du temps : ce sont la réduction du temps de travail et l’Etat employeur en dernier ressort.

 

Cette dernière piste a été relancée récemment par Cédric Durand et Dany Lang [8] qui reprennent les suggestions de Hyman Minsky [9] . Cette référence est importante parce que Minsky a développé une critique rigoureuse du postulat cher à Hollande selon lequel « la croissance économique est désirable et (...) est réglée par l’investissement privé » [10]. Il renouait ainsi avec le véritable message de Keynes, pour qui « le problème vraiment fondamental » était « de fournir un emploi à chacun  » [11] et qui s’indignait ainsi : « La force de travail de l’ensemble des chômeurs est disponible pour augmenter la richesse nationale. Il serait fou de croire que l’on irait à la ruine financière si l’on cherchait à l’employer et qu’il serait plus raisonnable de perpétuer l’inactivité » [12].

 

Il y aurait là un retournement fructueux [13] et adapté aux pays les plus touchés par la crise. Une étude prospective récente [14] portant sur la Grèce compare plusieurs stratégies de sorties de crise (« plan Marshall », moratoire sur les intérêts de la dette, émission de nouveaux titres de la dette) et montre que, compte tenu de la faible élasticité-prix du commerce extérieur grec, la meilleure stratégie est celle de l’Etat employeur en dernier ressort, qui a des « effets immédiats dur le niveau de vie tout en réduisant l’impact sur la dette extérieure. »

 

Certes, cela suppose d’inverser la logique capitaliste, selon laquelle il faut être rentable pour être employable. C’est d’ailleurs le fond des analyses dominantes du chômage : ce dernier s’expliquerait toujours par un « coût du travail » trop élevé par rapport à la productivité individuelle des travailleurs les moins qualifiés, ou par rapport aux normes salariales s’établissant sur le marché mondial. De ce point de vue, les allégements de « charges » ont pour fonction de rendre rentables, donc employables, une partie des candidats à l’emploi. Mais le potentiel de créations d’emplois que l’on peut attendre de telles mesures est faible, coûteux, voire nul. Le principe de l’Etat comme employeur en dernier ressort remet au contraire les choses à l’endroit : il y a des millions de personnes qui cherchent un emploi d’un côté, des besoins à satisfaire de l’autre.

 

Pourquoi la société devrait-elle se priver de cet apport potentiel ? Un calcul de coin de table montre qu’un million d’emplois publics payés au salaire moyen coûterait à l’Etat 16,4 milliards d’euros [15] , à comparer par exemple aux 30 milliards d’euros accordés aux entreprises sans aucune garantie de création d’emplois.

 

Le deuxième grand retournement serait de renouer avec la réduction du temps de travail dans le secteur privé. La réduction de la durée du travail a, contrairement au discours patronal, fait ses preuves. Près de deux millions d’emplois ont été créés entre 1997 et 2002, et la courbe de l’emploi a franchi une spectaculaire marche d’escalier qui n’a pas été redescendue ensuite. [16]

 

 

- La peau de chagrin de la social-démocratie

Utopisme, surenchère, calculs de coins de table et politique de gribouille : on voit bien à quoi s’exposent de telles propositions. Ces réactions trop prévisibles posent cependant une question de fond :

  • pourquoi ce qui a fonctionné pendant des décennies [la recherche du plein emploi et la réduction du temps de travail] apparaissentt aujourd’hui comme autant d’inaccessibles mirages ?
  • Pourquoi des pistes qui auraient pu être en d’autres temps qualifiées de réformistes ou social-démocrates sont-elles dorénavant tenues pour ultra-radicales ?

 

Une explication de ce paradoxe nécessiterait une analyse de fond de la crise et de la période qui l’a précédée [17] . On peut l’esquisser de la manière suivante : depuis le milieu des années 1970, la productivité du travail a fortement ralenti. Or, c’étaient les gains de productivité élevés qui avaient permis la mise en place en France et en Europe d’un capitalisme relativement régulé et susceptible de redistribuer ces gains de productivité sous forme de créations d’emplois, de baisse de la durée du travail et de développement de l’Etat social. La source s’étant tarie, le capitalisme néo-libéral n’avait comme recours qu’une baisse de la part des salaires, la montée de la précarité du travail, et un grignotage de l’Etat social. La crise a fait éclater cette configuration fondamentalement instable et laisse les sociétés embourbées dans une récession chronique qui s’accompagne du maintien ou du creusement des inégalités, de l’enkystement du chômage de masse et de l’effet corrosif des réformes dites structurelles. Et cet épuisement des gains de productivité implique aussi un rétrécissement continu du champ social-démocrate parce que sa base matérielle s’est réduite comme une peau de chagrin.

 

On se trouve donc à la croisée des chemins. Le choix est entre une gestion « paramétrique » de la configuration héritée des décennies néo-libérales et une bifurcation systémique vers un autre modèle de développement. Le véritable levier qui permet de passer d’une orientation à l’autre est, contrairement au postulat fondamental de François Hollande, une modification significative de la répartition des revenus, et non la quête illusoire d’un taux de croissance élevé.

 

Compte tenu de la configuration néo-libérale, il n’y a en effet aucune garantie qu’un retour de la croissance conduise à une répartition plus égalitaire, et l’expérience montre que la défense des droits de tirage acquis sur la richesse par une étroite couche sociale est en soi un facteur récessif.

 

La question de la répartition est donc la question-clé que l’on peut rapporter aux deux leviers de créations d’emplois évoqués plus haut. La viabilité de la réduction du temps de travail suppose de revenir sur la captation des gains de productivité par les rentiers et la création ex nihilo d’emplois publics implique une réforme fiscale et un financement du déficit public en dehors des marchés financiers.

 

Mais le critère le plus décisif est la compatibilité avec la perspective d’une transition écologique. Il devrait être clair de ce point de vue que le « socialisme de l’offre » ne répond pas à ce critère. En donnant la priorité à la compétitivité et à l’équilibre budgétaire, il barre la route au financement public d’investissements utiles et donne la priorité à un projet assez vain de reconquête des parts de marché perdues. La priorité à l’emploi esquissée plus haut est au contraire compatible avec la nécessaire bifurcation vers un autre modèle de développement moins productiviste et plus centré sur la satisfaction des besoins sociaux. Elle ne conduit d’ailleurs pas forcément à la décroissance mais à un autre contenu de la croissance.

 

 

- Les ruptures nécessaires

Pour mettre en œuvre une telle orientation et sortir par le haut de la crise, il faudrait au fond, pour reprendre une forte formule de Patrick Artus : « accepter un rendement plus faible des placements, une rentabilité plus faible du capital [18] . » Ce principe, abstrait mais profondément juste, permet de mesurer l’ampleur du défi. Et l’on pourrait le décliner en répétant qu’aucune alternative n’est possible si on ne lève pas l’hypothèque de la dette et si on laisse inchangée la répartition des revenus. Les nécessaires ruptures ont donc deux cibles principales qui n’en sont au fond qu’une seule : il s’agit de revenir sur les privilèges accumulées par une couche sociale étroite et dont le maintien est en quelque sorte garanti constitutionnellement par les institutions et les traités européens.

 

Il faut alors distinguer deux points de vue. D’un côté, on peut raisonnablement considérer que ces ruptures sont totalement hors de portée dans la conjoncture politique et sociale actuelle. Mais, si de telles ruptures ne sont pas amorcées, alors il est tout aussi raisonnable de penser que la perspective des années à venir restera marquée par le chômage de masse et la régression sociale.

 

La limite fondamentale du social-libéralisme est alors la suivante : il se refuse à amorcer les ruptures nécessaires parce qu’elles impliqueraient un degré d’affrontement social qu’il n’est pas disposé à assumer. Et le capitalisme ne dégage plus (en tout cas en Europe) les gains de productivité qui constituaient la base matérielle de la social- démocratie [19].

 

 

- Un programme « à trois étages »

On peut alors se risquer à esquisser les grandes lignes d’un programme de transformation sociale qui devrait aller bien au-delà d’une politique « de demande », autrement dit une relance par la consommation. Il combinerait trois « étages » qui doivent s’emboîter :

 

1 - Le premier est celui de la rupture, qui poursuit trois objectifs : se donner les moyens d’une autre politique en se protégeant des mesures de rétorsion prévisibles, réparer les dégâts de la crise, et construire d’emblée une double légitimité. Légitimité sociale par l’amélioration immédiate des conditions d’existence de la majorité en donnant la priorité aux bas revenus (Smic et minima sociaux) ; légitimité européenne en rompant avec l’euro-libéralisme, non pas à la recherche d’une issue nationale, mais au nom d’un projet alternatif susceptible d’être étendu à l’ensemble de l’Europe.

 

2 - Le deuxième étage est celui de la bifurcation. Il vise à enraciner le processus de transformation notamment par des créations massives d’emploi (réduction du temps de travail et créations ex nihilo d’emplois utiles) et par la mise en place d’un nouveau statut du salarié. C’est le moyen d’enclencher le grand renversement qui doit déconnecter les emplois de la rentabilité dont ils peuvent être porteurs. Dans ce processus, la légitimité sociale peut se renforcer par les droits nouveaux des travailleurs notamment sous forme d’un contrôle sur les modalités de la réduction du temps de travail et sur la réalité des emplois créés.

 

3 - Enfin, le troisième étage est celui de la transition vers un nouveau mode de développement, fondé sur trois ensembles de principes :

  • démarchandisation et extension des services publics ;
  • relocalisations et nouvelles coopérations internationales ;
  • planification écologique et nouvelle politique industrielle.

 

Ces trois « étages » doivent être présents dès le départ, tout en prenant en compte les rythmes différents. Ainsi, la revalorisation du Smic et des minima sociaux est une mesure qui peut et doit être prise immédiatement. Mais elle n’est pas suffisante en soi et doit être combinée avec la mise en place d’un mode de satisfaction non marchand des besoins sociaux. Prenons l’exemple du logement : on sait que l’explosion des loyers est l’une des principales causes de la dégradation du niveau de vie.

 

Dans ces conditions, faut-il indexer les salaires sur les loyers ou encadrer ces derniers et entreprendre un programme de construction de logements ? Clairement, il faut basculer d’une logique de préservation immédiate du pouvoir d’achat à une logique d’offre de logements à des prix décents tout en sachant qu’elle ne peut avoir d’effets instantanés.

 

Cette démarche a le mérite d’apporter une réponse cohérente et adaptée à la nouvelle période ouverte par la crise. Elle peut, encore une fois, sembler utopique ou exagérément radicale. Mais, d’un autre côté, le projet social-libéral d’adaptation aux règles du jeu actuelles est suicidaire et c’est pourquoi Hollande semble condamné à suivre la même trajectoire que celle de Zapatero en Espagne. Seul un sursaut pourrait permettre de faire dévier cette trajectoire : un « retournement » n’y suffira pas.

 

 

Notes

[1] « Quelle politique économique pour la gauche ? », entretien avec François Hollande, L’économie politique n°40, octobre 2008.

[2] » Dès décembre 2011, sa conseillère Karine Berger (alors directrice marchés et marketing chez Euler Hermes) chiffrait - déjà - à 50 milliards d’euros l’effort budgétaire à consentir

[2] François Hollande, «  La dette est l’ennemie de la gauche et de la France  », LeMonde.fr , 16 juillet 2011.

[3] Marc Joanny et Jean-Baptiste Vey, «  Hollande pour un effort budgétaire de 50 milliards en 2012-2013  » décembre 2011, latribune.fr , 18 novembre 2011.

[4] Discours de François Hollande au Bourget , 22 janvier 2012.

[5] The left was in government for 15 years in which we liberalised the economy and opened up the markets to finance and privatisations. There is no big fear , «  François Hollande seeks to reassure UK and City of London  », The Guardian , 14 février 2012.

[6] Les mises en garde n’ont pas manqué ; voir par exemple le Manifeste des économistes atterrés , Octobre 2011.

[7] Commission européenne, Prévisions d’hiver 2014 : la reprise gagne du terrain , 25 février 2014.

[8] Cédric Durand et Dany Lang, «  L’Etat, employeur en dernier ressort  », Le Monde Economie , 7 janvier 2013.

[9] Hyman P. Minsky, «  The Strategy of Economic Policy and Income Distribution  », Annals of the American Academy of Political and Social Science , vol. 409, 1973 ; Stabilizing an Unstable Economy , McGraw-Hill, 2008 [1986].

[10] Economic growth is desirable, and the growth rate is determined by the pace of private investment .

[11] “The real problem fundamental yet essentially simple... [is] to provide employment for everyone ”, Keynes, Collected Writing , volume XXVII, 1980, p. 267, cité par Alan Nasser, «  What Keynes Really Prescribed  », CounterPunch , vol.19, n°19, 2012.

[12] “The whole of the labor of the unemployed is available to increase the national wealth. It is crazy to believe that we shall ruin ourselves financially by trying to find means for using it and that safety lies in continuing to maintain idleness”, Keynes, Collected Writing , volume XIX, 1981, p. 881, cité par Alan Nasser.

[13] Pour des propositions plus récentes et quelques exemples d’expériences, voir : Pavlina R. Tcherneva « Full Employment : The Road Not Taken  », Levy Economics Institute, March 2014.

[14] Dimitri B. Papadimitriou, Michalis Nikiforos, Gennaro Zezza «  Prospects and policies for the Greek economy  », Levy Economics Institute, February 2014.

[15] Ce calcul tient compte des prestations économisées, des recettes fiscales supplémentaires et des frais de fonctionnement induits. Voir Anne Debrégeas, «  Combien coûte un million d’emplois publics  », juillet 2013.

[16] Michel Husson et Stéphanie Treillet, «  La réduction du temps de travail : un combat central et d’actualité  », ContreTemps n° 20, 2014 ; Michel Husson, «  Unemployment, working time and financialisation : the French case  », Cambridge Journal of Economics , 2013.

[17] Michel Husson, «  Le capitalisme embourbé  », dans Hadrien Buclin, Joseph Daher, Christakis Georgiou et Pierre Raboud (dir.), Penser l’émancipation , Offensives capitalistes et résistances collectives , La Dispute, 2013.

[18] Patrick Artus, «  Et maintenant, que faut-il faire  ? », Natixis, Flash n° 42, 29 janvier 2008.

[19] Michel Husson, «  Economie politique du social-libéralisme  », Mouvements n 69, printemps 2012.

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26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 16:00
DANGER ! Avec les SEM à opération unique les "majors" du privé vont pouvoir devenir opérateurs publics

Encore un mauvais coup porté à nos services publics !

 

Sources : d'aprés ATTAC16

Passé inaperçu, le Journal Officiel a publié le 2 Juillet 2014 la loi « Sociétés d'Economie Mixte à opérateur unique » adoptée par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Cette proposition de loi avait été déposée par 2 sénateurs UDI (Jean Léonce Dupont et Hervé Marseille). A noter que des projets identiques avaient été déposés par un sénateur PS ( Daniel Raoul) et un sénateur UMP( Antoine Lefèvre) : Belle unanimité.... le patronat leur en sera reconnaissant !

 

 

- La SEM à opération unique est un PPP (Partenariat Public-Privé) !
Alors que les PPP commencent à avoir mauvaise presse le projet de loi, le texte définitif n’évoquent jamais, et pour cause le Partenariat Public Privé. Mais la SEM à opération unique est belle et bien un Partenariat Public Privé Institutionnalisé (PPPI), ce que confirme "Les Echos" : elle est en tout point calquée sur les principes et la réglementation communautaire sur les PPPI.

  • La SEM à opération unique (SEMOP) = société anonyme composée d’au moins 2 actionnaires : Collectivité Territoriale + 1 partenaire privé : « actionnaire opérateur ». La collectivité Territoriale pourra être minoritaire ! Certes, c’est un représentant de la Collectivité Locale qui sera président du CA, mais quel poids aura l’entité publique lorsqu’elle ne détiendra que la minorité de blocage ( 34% du capital) ?
  • La SEM est constituée pour conclure un contrat avec la ( les) Collectivité(s) Territoriale(s) partenaire(s) : Contrat de longue durée pour une mission globale : construction, aménagement, exploitation, gestion d’un investissement public ou d’un service public. Voilà donc la Délégation de service public (DSP) ou les contrats de partenariats assimilés planqués sous l’appellation SEM à opération unique. Voilà donc aussi le carcan d’un contrat global de longue durée dans lequel l’entité publique sera enfermée !

 

 

- La SEM à opération unique comme tout PPP c’est la main mise des grands groupes et consortiums sur la commande publique et la gestion des services publics :

  • Seule, la sélection de l’actionnaire privé donne lieu à une procédure de mise en concurrence ( procédure d’ appel public à manifestation d’intérêt). « L’actionnaire opérateur » sélectionné deviendra de facto le maître d’œuvre de la mission globale. La mise en concurrence ne s’exerce pas clairement sur la prestation mais plutôt sur les ressources financières de l’actionnaire privé ! Les contrats de sous-traitance devront être inclus dans son offre. Les PME, artisans et architectes locaux se trouvent donc de fait écartés ou relégués au rôle de sous traitant.
  • La proposition de loi n’apporte aucune garantie sur les possibilités pour l’entité publique de garantir un réel service public aux usagers . Quel poids aura la collectivité locale minoritaire sur les choix de politique tarifaire, les choix des publics à cibler etc.? Seules, la régie ou l’investissement en maîtrise d’ouvrage publique permettent de faire fonctionner des services publics véritablement au service du public
  • Les contrats de partenariats sont conçus comme un contrat dérogatoire à la commande publique . Il faut donc justifier de critères d’urgence ou de complexité ou d ‘efficience économique pour pouvoir y recourir. L’étude préalable comparant MOP et contrat de partenariat est certes généralement biaisée pour démontrer la supériorité du contrat de partenariat. Avec la SEM à opération unique ces derniers remparts tombent puisqu’il n’est plus nécessaire d’apporter la preuve de l’efficience économique du contrat de la SEM. Comment dès lors, ne pas craindre des dérives de coûts encore supérieures à celles constatées avec les contrats de partenariat ?
  • Une grande opacité entoure les PPP. Le citoyen n’a pas accès aux données juridico-financières et comptables qui sont protégées par le secret industriel et commercial. La proposition de loi pour la SEM à opération unique n’apporte aucune garantie quant à la transparence des contrats . Le citoyen aura-t-il accès aux données financières : entre autres, les montages financiers mis en place par l’ « actionnaire opérateur » , la rémunération des actionnaires, les clauses de partage des risques ? Seule le coût prévisionnel global de l’opération en moyenne annuelle semble devoir figurer dans la délibération de la collectivité locale. Bien faible garantie !

 

 

- La SEM à opération unique c’est la porte ouverte à toutes les dérives et les conflits d’intérêts !

  • Les élus locaux , devant les contraintes budgétaires( entre autres, la difficulté d’accéder aux emprunts) et les baisses de dotation cherchent des stratégies pour continuer à investir et répondre aux besoins de leurs électeurs. Dans le même temps, on assiste au démantèlement des services techniques des collectivités locales. Dans ce contexte, la société SEM à opération unique, société hybride, peut apparaître comme un moindre mal qui apporte des ressources financières et techniques en donnant l’illusion de garder un pouvoir décisionnel. Mais le rapport de force sera fortement déséquilibré !
  • Pour la collectivité territoriale, le coût de l’opération n’apparaît pas en endettement mais en budget de fonctionnement. Un excellent moyen de produire de la « dette cachée » donc la porte ouverte à toutes les dérives ! La Cour des comptes et les rapports de L’IGF ont dénoncé nombre de dérives des PPP ! Obligation était faite depuis 2010 de faire apparaître le coût des loyers d’ investissement des contrats de partenariat dans l’endettement de la Collectivité territoriale. Avec la SEM à opération unique voilà cette obligation contournée !

 

La SEM à opération unique n’est donc qu’une nouvelle forme de privatisation rampante !

 

 

 

 

Certains députés ont d'ailleurs fait part de leurs craintes de voir les Semop occasionner des dérives pires encore que celles des partenriats public-privé (PPP), et notamment de devenir un outil privilégié des grands groupes industriels.

 

Ainsi, le député Front de Gauche du Nord Marc Dolez a affirmé lors des débats : « Alors que les Sem traditionnelles associent souvent des acteurs privés locaux, les futurs partenaires au sein des Sem à opération unique seront des mastodontes des secteurs concernés, qu’il s’agisse de l’environnement, du bâtiment ou des transports »... « Quelles
marge de manoeuvre dont disposeront alors les collectivités pour peser sur les choix et décisions si le partenaire est un grand groupe ? ».

 

 

La bataille parlementaire ayant été "perdue", c'est maintenant au niveau local que l'action va devoir être mise en oeuvre pour, comme à Cognac, en empêcher la mise en oeuvre.

 

 

 

 

 

 

Pour en savoir plus sur les SEM :

- Consulter le texte sur les Semop adoptée par l’Assemblée le 7 mai 2014

- Les contrats de partenariat public-privé : « une bombe à retardement budgétaire », selon le Sénat

- L'Assemblée plébiscite la Sem à opération unique

- Le vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes dénonce la création des SEM

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20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 21:20
Dette française : les aveux effarants de Michel Rocard sur la loi de 1973

Sources : BLOGPARES publié le 8 janvier 2013 par El Don

Fin décembre 2012, au micro d’Europe 1, dans l’émission « Médiapolis », face à des journalistes relativement atones au regard des propos tenus, Michel Rocard a été l’auteur de déclarations effarantes, quoique connues déjà de pas mal de monde, sur les causes de la dette française. Il ne fait que confirmer que la crise de la dette actuelle est bien une création et non le résultat de comportements dispendieux fautifs. Les pigeons ne sont pas ceux que l’on croit.

 

Sieur Rocard revient sur la fameuse loi bancaire de 1973, dite Pompidou ou Rothschild qu’il qualifie de « stupéfiante ». Cette loi , rappelons-le, interdit à la Banque Centrale de prêter directement à la France  et  l’oblige désormais à prêter d’abord à des banques privées qui reprêteront ensuite à l’Etat français, prélevant au passage des sommes considérables par une simple hausse des taux de crédit.

 

Selon Michel Rocard, « La Banque de France a financé l’Etat français sans intérêts depuis sa création en  1801 jusqu’en 1973 et si on en était resté là, notre dette ne serait aujourd’hui que de 16 ou 17 % du PNB »[...] « et non à 90,  91% du PNB ». Soit, pour le dire autrement, à trois fois rien et on en serait pas là comme aujourd’hui. Ni l’Union européenne puisque cette loi scandaleuse a été reprise par le traité de Maastricht.

 

Exit tous ces traités qui s’empilent depuis comme le TSCG, le MES le MES, et sans doute bien d’autres choses dont on rapporte quotidiennement les horreurs.

 

Comment ne pas être scandalisé voire indigné par cette loi et même par le ton  morne et blasé de Michel Rocard? Par ailleurs, n’en déplaise au triste auteur de cet article du monde destiné à ceux qui osent critiquer cette loi, Michel Rocard n’est pas un extrémiste de droite ni un extrémiste de gauche, pas plus que nous d’ailleurs.

 

 

- On fait quoi maintenant ? On continue la pigeonnade ou on arrête ?

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Reste à essayer de comprendre le pourquoi de cette loi pour le moins « scélérate » pour reprendre le qualificatif somme toute assez juste de Dupont-Aignan . Comment peut-on renoncer à des prêts à taux zéro et s’imposer des taux à 4, 5% au bénéfice de banques ou de marchés privés ?

 

Pour Etienne Chouard, la loi Pompidou retirant à l’Etat français le droit d’imprimer sa propre monnaie a été une opération à grande échelle menée par les élites et leurs grandes banques privées, qui aujourd’hui amène les plus riches à ne plus payer d’impôts. Selon lui, c’est un renversement des valeurs depuis la révolution citoyenne de 1789. C’est ce qu’Etienne  Chouard (et bien d’autres) appellent une contre-révolution.


- Enquête sur la Loi du 3 janvier de Pierre-Yves Rougeyron

Il montre, point par point, comment la France a été mise en esclavage par la dette avec juste un simple texte anodin. Il montre comment l'élite des hautes fonctionnaires a renoncé, pas à pas, à la Nation française, à son âme et à son indépendance. C'est l'histoire des manipulations successives, organisées et pilotées pour ne profiter qu'à une seule entité : les banques privées.

 

Grâce à cette loi, la France a été conquise sans bruit, sans une balle tirée et sans aucune résistance : chaque semaine, ce sont 4 nouveaux milliards, empruntés par l'État pour payer retraites, salaires et aussi... intérêts de la dette, qui s'ajoutent aux 1700 milliards déjà dus, alors qu'au même moment 800 emplois industriels sont détruits chaque jour. Ce livre est le récit de la pire trahison de l'Histoire de France.

 

Sur le même sujet, pour en savoir plus :

- Dette publique et "loi Rothschild" : le silence des médias

 

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20 août 2014 3 20 /08 /août /2014 09:15
Photos : CC A. Golden (Une) et CC Gonzalo

Photos : CC A. Golden (Une) et CC Gonzalo

Sources : BASTAMAG par Agnès Rousseaux modifié le 8 février 2015

La dette ? Une construction sociale, fondatrice d’un pouvoir arbitraire, estime David Graeber, anthropologue et économiste états-unien, considéré par le New York Times comme l’un des intellectuels les plus influents actuellement. Les pays pauvres et les personnes endettées sont aujourd’hui enchainés aux systèmes de crédit. Piégés dans des relations basées sur la violence, les inégalités et justifiées par la morale, décrit l’auteur, dans un ouvrage qui retrace 5000 ans d’histoire de la dette. « Rembourser ses dettes » est devenu un dogme, impossible à contester. Et si, malgré tout, on décidait d’effacer l’ardoise ? Avec le mouvement Occupy Wall Street, David Graeber lance des actions de désobéissance civile pour démontrer l’absurdité du système capitaliste actuel. Entretien.

 

 

- Basta ! : A quel moment dans l’histoire le crédit est-il apparu ? Qu’est-ce qu’une dette ?

David Graeber [1] : La dette est une promesse, qui a été pervertie par les mathématiques et la violence. On nous a raconté une histoire : « Il était une fois des gens qui utilisaient le troc. Voyant que cela ne marchait pas très bien, ils ont créé la monnaie. Et l’argent nous a amené le crédit. » Du troc au crédit, une sorte de ligne droite nous amènerait donc à la situation actuelle. Si on regarde plus attentivement l’histoire, cela s’est passé bien différemment ! Le crédit a d’abord été créé. La monnaie physique est apparue quelques milliers d’années plus tard. Cela permet de poser les questions différemment : comment sommes-nous passés d’un système où les gens disaient « je vous dois une vache », à un système où l’on peut mesurer la valeur exacte d’une dette ? Ou l’on peut assurer, formule mathématique à l’appui, que « 340 poulets sont équivalents à cinq vaches » ? Comment une promesse, une obligation de remboursement, est devenue une « dette » ? Comment l’idée que nous devons une faveur a-t-elle été quantifiée ?

 

 

- Basta ! : En quoi quantifier une dette est-elle un problème ?

David Graeber : Quantifiable, la dette devient froide, impersonnelle et surtout transférable : l’identité du créancier n’a pas vraiment d’importance. Si je promets de vous rencontrer à cinq heures demain, vous ne pouvez pas donner cette promesse à quelqu’un d’autre. Parce que la dette est impersonnelle, parce qu’elle peut être exigible par des mécanismes impersonnels, elle peut être transférée à une autre personne. Sans ces mécanismes, la dette est quelque chose de très différent. C’est une promesse qui repose sur la confiance. Et une promesse, ce n’est pas la négation de la liberté, au contraire, c’est l’essence de la liberté ! Être libre, c’est justement avoir la capacité de faire des promesses. Les esclaves ne peuvent pas en faire, ils ne peuvent pas prendre d’engagements auprès d’autres personnes, car ils ne sont pas sûrs de pouvoir les tenir. Être libre, c’est pouvoir s’engager auprès d’autrui.

 

 

- Basta ! : Au contraire, le « remboursement de la dette » est devenu un dogme moral...

David Graeber : La dette a été transformée en une question d’arithmétique impersonnelle, en l’essence même de l’obligation morale. C’est ce processus que nous devons défaire. Il est fascinant aussi de voir le lien entre la notion de dette et le vocabulaire religieux, de constater comment les premières religions débutent avec le langage de la dette : votre vie est une dette que vous devez à Dieu. La Bible par exemple commence avec le rachat des péchés... Devenue dogme moral, la dette justifie les dominations les plus terribles. On ne peut comprendre ce qu’elle représente aujourd’hui sans un détour par cette longue histoire de la dette comme justification morale de relations de pouvoir inégales. Le langage de la dette permet de justifier une relation de pouvoir arbitraire. Et il est très difficile d’argumenter face à un pouvoir arbitraire sans adopter le même langage.

 

 

- Basta ! : Vous citez l’exemple de la mafia...

David Graeber : Parler de dette devient un moyen pour décrire des relations inégales. Les mafieux ont compris cela : ils utilisent souvent le terme de dette, même si ce qu’ils font est en réalité de l’extorsion. Quand ils annulent ou reportent certaines dettes, cela passe pour de la générosité ! C’est comme les armées qui font payer un tribut aux vaincus : une taxe en échange des vies épargnées. Avec le langage de la dette, on dirait que ce sont les victimes qui sont à blâmer. Dans de nombreuses langues, dette, culpabilité et péché sont le même mot ou ont la même racine.

 

La monnaie, qui permet de quantifier précisément la valeur d’une dette, apparaît d’ailleurs dans les situations de violence potentielle. L’argent est aussi né du besoin de financer les guerres. La monnaie a été inventée pour permettre aux États de payer des armées professionnelles. Dans l’Empire romain, la monnaie apparait exactement là où stationnent les légions. De la même façon, le système bancaire actuel a été créé pour financer la guerre. Violence et quantification sont intimement liés. Cela transforme les rapports humains : un système qui réduit le monde à des chiffres ne peut être maintenu que par les armes.

 

 

- Basta ! : Il y a aussi une inversion : le créancier semble être devenu la victime. L’austérité et la souffrance sociale sont alors considérées comme un sacrifice nécessaire, dicté par la morale…

David Graeber : Absolument. Cela permet par exemple de comprendre ce qui se joue en Europe aujourd’hui. L’Europe est-elle une communauté de partenaires égaux ? Ou y a-t-il une relation de pouvoir entre entités inégales ? Est-ce que tout peut être renégocié ? Quand une dette est établie entre égaux, elle est toujours traitée comme une promesse. Nous renégocions des promesses tout le temps, car les situations changent : si je vous promets de vous voir demain à cinq heures, si ma mère meurt, je ne suis pas obligé de tenir ma promesse.

Les gens riches peuvent être incroyablement compréhensifs concernant la dette des autres riches : les banques états-uniennes Goldman Sachs et Lehman Brothers peuvent se concurrencer, mais quand quelque chose menace leur position générale de classe, soudain elles peuvent oublier toutes les dettes contractées si elles le veulent. C’est ce qui s’est passé en 2008. Des trillions de dollars de dettes ont disparu, parce que cela arrangeait les puissants. De la même façon des gens pauvres vont être très compréhensifs les uns envers les autres. Les prêts que l’on fait à des proches sont finalement souvent des cadeaux. C’est lorsqu’il y a des structures d’inégalités, que soudain la dette devient une obligation morale absolue. La dette envers les riches est la seule à être vraiment « sacrée ». Comment se fait-il que Madagascar soit en difficulté quand il doit de l’argent aux États-Unis, mais que lorsque ce sont les États-Unis qui doivent de l’argent au Japon, c’est le Japon qui est en difficulté ? Le fait notamment que les États-Unis ont une puissante armée change le rapport de force...

 

 

- Basta ! : Aujourd’hui, on a l’impression que la dette a remplacé les droits : les droits à la formation ou au logement se sont transformés en droit au crédit ?

David Graeber : Certains utilisent leur maison pour financer leur vie en contractant de plus en plus de prêts hypothécaires. Leurs maisons deviennent des distributeurs de billets. Les micro-crédits pour faire face aux problèmes de la vie se multiplient, en substitution de ce qui était auparavant assuré par l’État-providence, qui donnait des garanties sociales et politiques. Aujourd’hui, le capitalisme ne peut plus offrir un bon « deal » à tout le monde. On sort de l’idée que chacun pourrait posséder un bout du capitalisme : aux États-Unis, chacun était censé pouvoir investir dans les entreprises, qui en fait exploitent chacun. Comme si la liberté consistait à posséder une part de notre propre exploitation.

 

 

- Basta ! : Puis les banquiers ont transformé la dette en produits bancaires, échangeables comme de la monnaie...

David Graeber : C’est incroyable ! Il y a six ans, même des gens très intelligents disaient : « Que ces gens sont brillants, ils ont créé de l’argent à partir de rien ». Ou plutôt avec des algorithmes tellement complexes, que seuls des astrophysiciens pouvaient les comprendre. Mais cette incroyable sophistication s’est révélée être une escroquerie ! J’ai eu récemment des entretiens avec de nombreux astrophysiciens, qui m’ont affirmé que ces chiffres ne veulent rien dire. Tout ce travail semble très sophistiqué, mais en fait il ne l’est pas. Une classe de personnes a réussi à convaincre tout le monde qu’ils étaient les seuls à pouvoir comprendre. Ils ont menti et les gens les ont cru. Soudain, un pan de l’économie a été détruit, et on a vu qu’eux-mêmes ne comprenaient pas leurs instruments financiers.

 

 

- Basta ! : Pourquoi cette crise n’a-t-elle pas changé notre rapport à la dette ?

David Graeber : A cause d’un profond déficit intellectuel. Leur travail idéologique a été tellement efficace que tout le monde est convaincu que le système économique actuel est le seul possible. Nous ne savons pas quoi faire d’autre. Alors nous posons un morceau de scotch sur le problème, prétendant que rien ne s’est passé. Où cela nous mènera-t-il ? A une nouvelle panne. Nous entrons désormais dans une nouvelle étape : celle du jeu défensif. Comme la plupart des justifications intellectuelles du capitalisme s’effondrent, ses promoteurs attaquent aujourd’hui toutes les alternatives possibles. En Grande-Bretagne, après la crise financière, la première chose qu’ont voulu faire les responsables économiques a été de réformer le système scolaire, pour le rendre plus compétitif. En réalité, le rendre plus semblable au système financier ! Pourquoi ? Sans doute parce que l’enseignement supérieur est un des seuls espaces où d’autres idées, d’autres valeurs, peuvent émerger. D’où la nécessité de couper court à toute alternative avant qu’elle ne puisse émerger. Ce système éducatif fonctionnait pourtant très bien jusqu’à présent, alors que le système financier a failli de manière spectaculaire. Il serait donc plus pertinent de rendre le système financier semblable au système éducatif, et non l’inverse !

 

 

- Basta ! : Aujourd’hui, aux États-Unis, des gens sont emprisonnés pour incapacité à rembourser leurs dettes. Vous citez l’exemple d’un homme condamné à la prison en 2010 dans l’État de l’Illinois pour une durée illimitée, tant qu’il n’aura pas réussi à rembourser 300 dollars...

David Graeber : Aux États-Unis, des gens sont emprisonnés parce qu’ils n’ont pas réussi à payer les frais de citation en justice. Alors qu’il est presque impossible de poursuivre des banques pour des saisies illégales ! Les banques peuvent toujours aller voir la police pour leur demander de vous arrêter pour défaut de paiement, même si tout le monde sait qu’il s’agit d’une saisie illégale. Pouvoir financier et pouvoir politique sont en train de fusionner. Police, collecteurs d’impôts, les personnes qui vous expulsent de vos maisons, opèrent directement dans l’intérêt des institutions financières. Peu importe votre revenu, quelqu’un signe votre expulsion [2] et la police vous fait sortir de votre maison.

 

Aux États-Unis, tout le monde croyait faire partie de la classe moyenne. Ce n’est pas vraiment une catégorie économique, plutôt une catégorie sociale et politique : on peut considérer que font partie de la classe moyenne les citoyens qui se sentent plus en sécurité quand ils voient un policier, que l’inverse. Et par extension, avec toutes les autres institutions, banques, écoles... Aujourd’hui, moins de la moitié des Américains considèrent qu’ils font partie de la classe moyenne, contre les trois quarts auparavant. Si vous êtes pauvres, vous supposez que le système est contre vous. Si vous êtes riches, vous avez tendance à croire que le système est avec vous. Jusqu’à présent aucun banquier n’a été mis en prison pour des actes illégaux durant la crise financière. Et des centaines de manifestants ont été arrêtés pour avoir tenté d’attirer l’attention sur ces faits.

 

 

- Basta ! : La dette provoque toujours contestation et désordre dans les sociétés, écrivez-vous. Et depuis 5000 ans, les insurrections populaires commencent très souvent par la destruction des registres de dette...

David Graeber : La dette semble être le plus puissant des langages moraux jamais créés pour justifier les inégalités et les rendre « morales ». Mais quand tout explose, c’est avec une grande intensité ! L’historien britannique Moisis Finley défendait l’argument que dans le monde antique, il n’y avait qu’une seule demande révolutionnaire : abolir les dettes, et ensuite redistribuer les terres. De la décolonisation de l’Inde à l’Amérique latine, les mouvements d’abolition des dettes semblent partout une priorité. Lors de révolutions paysannes, une des premières actions des insurgés est de trouver les registres de dettes pour les brûler. Puis les registres de propriété des terres. La raison ? La dette, c’est pire que si vous dites à quelqu’un qu’il est inférieur, esclave, intouchable. Car cela signifie : « Nous ne sommes pas fondamentalement différents, vous devriez être mon égal, mais nous avons conclu un contrat d’affaires et vous avez perdu. » C’est un échec moral. Et cela peut engendrer encore plus de colère. Il y a quelque chose de profondément insultant, dégradant avec la dette, qui peut provoquer des réactions très violentes.

 

 

- Basta ! : Vous réclamez un jubilé, c’est-à-dire un effacement des dettes – dettes souveraines des États mais aussi dettes individuelles. Quel impact économique cela aurait-il aujourd’hui ?

David Graeber : Je laisse les détails techniques aux économistes... Cela supposerait notamment de revenir à un système public pour les pensions de retraite. Les précédentes annulations de dettes n’ont jamais concerné toutes les dettes. Mais certains types de dettes, comme les dettes de consommation ou la dette souveraine des États, pourraient être effacées sans réels effets sociaux. La question n’est pas de savoir si l’annulation de dette va avoir lieu ou pas : les gens qui connaissent bien la situation admettent que cela va évidemment arriver. La Grèce, par exemple, ne pourra jamais rembourser sa dette souveraine, elle sera progressivement effacée. Soit avec de l’inflation – une manière d’effacer la dette qui a des effets délétères – soit par des formes d’annulation directe. Est-ce que cela arrivera « par en bas », sous la pression des mouvements sociaux, ou « par en haut », par une action des dirigeants pour tenter de préserver le système ? Et comment vont-ils habiller cela ? Il est important de le faire de manière explicite, plutôt que de prétendre à un simple « rachat » de la dette. Le plus simple serait de dire qu’une partie de la dette est impayable, que l’État ne garantit plus le paiement, la collecte de cette dette. Car pour une grande part, cette dette existe uniquement parce qu’elle est garantie par l’État.

 

 

- Basta ! : L’effacement de la dette des États, c’est la banqueroute. Les experts du FMI ou de la Banque mondiale seront-ils un jour d’accord avec cette option ?

David Graeber : Le FMI annule actuellement des dettes en Afrique. Les experts savent que la situation actuelle n’est pas viable. Ils sont conscients que pour préserver le capitalisme financier et la viabilité à long terme du système, quelque chose de radical doit avoir lieu. J’ai été surpris de voir que des rapports du FMI se réfèrent à mon livre. Même au sein de ces institutions, des gens proposent des solutions très radicales.

 

 

- Basta ! : Est-ce que l’annulation de dettes signifie la chute du capitalisme ?

David Graeber : Pas nécessairement. L’annulation de dettes peut aussi être un moyen de préserver le capitalisme. Mais à long terme, nous allons vers un système post-capitaliste. Cela peut paraître effrayant, puisque le capitalisme a gagné la guerre idéologique, et que les gens sont convaincus que rien d’autre ne peut exister que cette forme précise de capitalisme financier. Il va pourtant falloir inventer autre chose, sinon dans 20 ou 30 ans, la planète sera inhabitable. Je pense que le capitalisme ne sera plus là dans 50 ans, mais je crains que ce qui arrive ensuite soit encore pire. Nous devons construire quelque chose de mieux.

 

 

- Basta ! : Dans le cadre du mouvement Occupy Wall Street, vous êtes l’un des initiateurs de la campagne Rolling Jubilee. Quels sont ses objectifs et son impact ?

David Graeber : C’est un moyen de montrer à quel point ce système est ridicule. Aux États-Unis, des « collecteurs » achètent de la dette, à 3% ou 5% du montant de la dette initiale, et vont ensuite tenter de recouvrer la totalité de l’argent en faisant payer les personnes endettées. Avec la campagne Rolling Jubilee, nous faisons comme ces collecteurs de dette : nous achetons collectivement nous-mêmes de la dette – ce qui est parfaitement légal – et ensuite, au lieu d’exiger leur remboursement, nous effaçons ces dettes ! Quand nous atteindrons un niveau où cela commence à avoir un effet réel sur l’économie, ils trouveront sans doute un moyen de rendre ça illégal. Mais pour le moment, c’est un bon moyen de mettre en évidence l’absurdité du système (sur cette campagne, lire notre aticle «Strike debt  : un plan de sauvetage du peuple par le peuple»). En complément, nous développons le projet « Drom », Debt resistors operation manuel, qui fournit des conseils légaux et pratiques aux personnes endettées.

 

La façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes. Pour lancer un mouvement de désobéissance civile contre le capitalisme, on peut commencer par là. Sauf que les gens le font déjà ! Un Américain sur sept est poursuivi par un collecteur de dettes. 20 % au moins des prêts étudiants sont en situation de défaut. Si vous ajoutez les prêts hypothécaires, sur les 80 % de la population qui sont endettés aux États-Unis, entre un quart et un tiers sont déjà en situation de défaut de paiement ! Des millions d’Américains font déjà de la désobéissance civile par rapport à la dette. Le problème est que personne ne veut en parler. Personne ne sait que tout le monde le fait ! Comment réunir tous ces gens isolés ? Comment organiser un mouvement social si tout le monde a honte de ne pas réussir à rembourser ses dettes ? À chaque fois que vous refusez de payer une dette médicale, une dette « odieuse » créée par la collusion entre gouvernement et financiers – qui piège les gens dans des dettes que vous n’avez d’autre choix que de subir – vous pouvez dépenser votre argent pour quelque chose de socialement important. Nous voulons encourager les « coming-out » sur cette résistance au système. Fédérer cette armée invisible de gens qui font défaut, qui sont déjà sur le terrain de bataille, s’opposant au capitalisme par une résistance passive.

Propos recueillis par Agnès Rousseaux

 

David Graeber, Dette, 5000 ans d’histoire, Editions Les liens qui libèrent, 2013, 620 pages. Vous pouvez commander le livre dans la librairie la plus proche de chez vous, à partir du site Lalibrairie.com.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes

[1Docteur en anthropologie, économiste, ancien professeur à l’Université de Yale, David Graeber est actuellement professeur à la London School of Economics. Il est selon le New York Times l’un des intellectuels les plus influents actuellement. Et est l’un des initiateurs du mouvement Occupy Wall Street.

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 10:29

Frédéric Lordon est un économiste et philosophe français d'inspiration spinoziste né le 15 janvier 1962. Il est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne. Il est membre du collectif « Les Economistes atterrés »

 

Difficile de résumer en une phrase tous les propos que Frédéric Lordon peut aborder en 10 mn.

Mais plus que jamais ici sa parole est de salubrité publique.

- Et pendant que nous y sommes...... comment se debarasser du capitalisme ?

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14 août 2014 4 14 /08 /août /2014 10:16
Nous avons un gouvernement qui mène une politique "imbécile"

Le Conseil constitutionnel a censuré une partie du volet social du pacte de responsabilité. Jacques Généreux, économiste, ancien secrétaire national à l’économie du Parti de gauche et maître de conférences à Sciences Po Paris, nous décrypte cette décision dans le contexte économique français actuel.

- Politique économique : le changement ça doit être maintenant

Pour Guillaume Duval dans Alternatives Economiques l'Europe, menacée par la déflation, retombe dans la stagnation. Il faut d'urgence arrêter la course au moins disant social et l'austérité budgétaire excessive qui plombent la demande intérieure en France et en Europe. Et c'est possible.

 

Explication en six points..... lire la suite ICI

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13 août 2014 3 13 /08 /août /2014 16:28
La solidarité avec le peuple palestinien à la sauce du gouvernement algérien

 L'Algérie, le gaz et Israël...

 

À première vue, l’information a de quoi surprendre. Mais elle émane du très sérieux Observatoire italien, « La lettre confidentielle de l’Adriatique et de la Baltique ». Autant dire une source sûre, car ce genre de publication économique -dont l’abonnement ou le prix à l’article est conséquent- est avant tout destiné aux experts et aux investisseurs. Les informations qui y sont publiées relèvent en effet de « l’intelligence économique » et, à ce titre, sont passées au crible de la vérification avant d’être diffusées.

 
- De quoi s’agit-il donc ?
D’après un article publié le 31 juillet dernier par l’Observatoire italien, l’Algérie commencerait à livrer du gaz à Israël à compter du 1er août. Bien sûr, pas directement, mais via l’Égypte dont les gazoducs d’Al-Arish, dans le nord-Sinaï, alimentent Israël. Le contrat prévoit l’importation par l’Égypte d’environ 500 millions de m3 de gaz algérien par jour, grâce à un financement des Émirats Arabes Unis.
 
 
http://tlaxcala-int.org/upload/gal_8685.jpg
Le gazoduc sous-marin d'El Arish à Ashqelon récupère au passage le gaz volé par Israël aux Gazaouis
 
Après la visite éclair du maréchal Al-Sissi à Alger, le 25 juin dernier, des fuites concernant ce contrat gazier à des prix préférentiels -la moitié du prix du marché- avaient commencé à circuler. Auparavant, début mai, une source haut placée au ministère égyptien de l’Énergie avait indiqué que l’Algérie avait accepté d’envoyer en urgence six livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) à l’Égypte et qu’un accord entre l’Egyptian Natural Gas Holding Company serait signé avec le groupe public algérien Sonatrach. L’Égypte, dont les relations avec le Qatar sont au plus bas, doit importer 400 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour pour faire fonctionner ses centrales électriques durant la délicate période estivale. Le surplus de gaz algérien serait donc livré à Israël, selon différentes sources rapportées par le journal égyptien Al-Osbou’ et le quotidien algérien Al-Chorouk.
 
Mais pour comprendre la nature réelle de ce contrat, il est nécessaire de se plonger dans les réseaux de corruption qui ont la mainmise sur les contrats gaziers entre l’Égypte et Israël. La convention de livraison de gaz à Israël par l’Égypte remonte à 2005, et avait été suspendue par le président Mohamed Morsi, peu après son élection, dans le cadre d’un programme de lutte contre la corruption. Ce contrat, unique en son genre, portait sur la livraison de 1,7 milliards de m3 de gaz naturel pendant 20 ans. Et à un prix défiant toute concurrence ! À savoir entre 70 cents et 1,5 dollar par million de BTU (l’unité anglaise de mesure de la quantité de l’élévation de la température de un degré Fahrenheit à pression atmosphérique constante) ; et pour un prix de revient pour la compagnie israélienne de 2,5 dollars exemptés d’impôts de la part de l’Égypte. C’est le contrat de corruption le plus important d’Égypte, le prix le plus bas du marché tournant autour de 8 à 10 dollars le million de BTU ! Avec un manque à gagner pour l’Égypte estimé entre 500 million et 1,8 milliards de dollars, selon des experts internationaux.
 
http://tlaxcala-int.org/upload/gal_8686.jpg
 
Il existait d’ailleurs un précédent à ce type de contrat. En 2000, la société israélienne Egyptian Mediterranean Gas (EMG) avait été créée spécialement, par Hussein Salem et Yossi Maiman, le magnat israélien de l’énergie. Tous deux sont des ex-agents secrets de leurs pays respectifs ! Ce contrat, d’une durée de 25 ans, avait été signé sous la supervision de Sameh Fahmy, ministre égyptien du Pétrole entre 1999 et 2011. Arrêté pour son rôle dans l’affaire peu de temps après le soulèvement de janvier 2011, l’ex-ministre a été condamné à 15 ans de prison en juin 2012 tandis que son comparse égyptien, Hussein Salem, l’a été à la même peine mais par contumace, et n’a jamais été extradé. Ils ont été laissés en liberté et leur procès est actuellement en révision.
 
Après le coup d’État du maréchal Al-Sissi, en juillet 2013, et son élection à la présidence de la République un an après, il semblerait donc que les autorités égyptiennes aient décidé de reprendre les livraisons de gaz naturel en direction d’Israël. Mais elles se sont retrouvées confrontée à un problème de taille : l’insuffisance de la production de gaz égyptien, doublée de l’arrêt des livraisons du Qatar pour cause de cessation de paiement, a plongé l’Égypte dans la pénurie énergétique. Résultat : de graves difficultés à approvisionner son marché interne. Depuis 2011, les Égyptiens sont en effet quotidiennement plongés dans le noir. Et cette année, les entreprises de production se voient même dans l’obligation de stopper une fois par jour leurs machines durant cinq heures. C’est dire l’urgence !

Autre difficulté de taille : des plaintes ont été déposées contre l’Égypte devant la Banque Mondiale et des tribunaux internationaux pour rupture de contrat. EMG réclame 8 milliards de dollars et le géant espagnol de l’énergie, Union Fenosa demande 6 milliards de dollars. Par-dessus le marché, l’Égypte s’est déjà endettée à hauteur de 6 milliards pour le gaz qu’elle a acheté à des compagnies pour son usage intérieur. Au total, la dette et les engagements de l’Égypte pourraient se monter à 20 milliards de dollars. Ce qui pourrait potentiellement entraîner la banqueroute de l’Égypte, selon l’analyste des énergies Mika Minio-Paluello.

Bref, une sérieuse épée de Damoclès qui explique pourquoi l’Égypte cherche aujourd’hui à se tirer de ce « mauvais pas » en tentant de poursuivre ses livraisons. Précisons qu’à l’époque de sa signature, ce contrat avait été supervisé par les USA qui le considèrent comme une garantie de l’arrimage de l’Égypte à Israël. Interviewé par Al-Jazeera, Edward Walker, l’ex-ambassadeur US en Égypte, expliquait : « C’est le genre d’accord qui aidait à cimenter le traité [de paix] israélo-égyptien et c’est pourquoi nous avons toujours été très positifs à son sujet sans entrer dans le côté corruption de la chose ». Et d’ajouter, concernant justement l’aspect corruption du contrat : « Cela se ramène toujours à ceci : est-ce que ça suffit au bénéficiaire pour arroser tout le monde ? Et je pense que la réponse est oui, et c’est pour cela que tout a commencé et qu’on a pu surmonter les problèmes politiques ». En clair, cela signifie que ce sont les réseaux de corruption présents au sein des États - appelés « l’État profond »- qui déterminent l’orientation politique et économique de ces derniers. En l’occurrence, la nature de leurs relations avec Israël. Il ne faut donc pas s’étonner du manque de fermeté de la plupart des pays arabes concernant l’agression israélienne de Gaza !


Dès lors, même si l’Algérie officielle se défend de livrer du gaz à Israël, il n’est pas exclu que des « hommes de l’ombre » activent pour une normalisation des relations économiques entre les deux pays, à défaut d’une normalisation diplomatique au grand jour. Avec, évidemment, la bénédiction du nouvel allié régional, à savoir les USA !
 
http://tlaxcala-int.org/upload/gal_8687.jpg
Fraternellement réunis à la 166ème session du Comité militaire de l'OTAN à Bruxelles, des généraux algériens, égyptiens et israéliens côte à côte (janvier 2012)

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11 août 2014 1 11 /08 /août /2014 14:55
Osons le protectionnisme

Mondialisation libérale ou protectionnisme solidaire, il faut choisir !

 

Le libre-échange est une idéologie réactionnaire qui enchaîne les peuples au capitalisme financier et productiviste de notre époque. Nous lui opposons une voie progressiste permettant à la souveraineté populaire d’engager une transformation radicale de notre modèle économique et social. Notre protectionnisme n’est pas une fin en soi mais l’outil de la transition écosocialiste que nous proposons pour la France et l’Europe. C’est un levier puissant pour garantir des droits sociaux élevés et surmonter la crise écologique.

 

Cet ouvrage reprend la bannière, trop délaissée par la gauche, de l’affrontement avec le dogme libre-échangiste et la construction libérale de l’Europe, que la signature du Grand Marché Transatlantique est censée couronner. Il est temps d’en sortir ! 

 

Cette contribution pose les jalons d’un autre modèle d’échange international, en avançant des mesures concrètes pour une gauche ambitieuse et crédible.

 

- Boris Bilia, haut fonctionnaire et statisticien-économiste, responsable du secteur Argumentaires du Parti de Gauche, coauteur du Manifeste pour une Révolution fiscale et du Manuel citoyen d’économie.  

- Sandro Poli, doctorant en économie est coprésident de la commission Économie du Parti de Gauche et coauteur du Manuel citoyen d’économie.

 

Le livre est disponible  ICI

 

 

- Débat : osons le protectionnisme ! Quelles armes face au libre échange ?

Avec François Ruffin (journaliste, il crée le journal d'extrême-gauche Fakir), Susan Georges (ex vice-présidente d'Attac France) et Martine Billard (co-présidente du Parti de Gauche)

Sur le même sujet, lire aussi :

- Qu’est-ce que le protectionnisme ?

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10 août 2014 7 10 /08 /août /2014 11:03
Les socialistes préparent l’omerta sur la vie des affaires

C'est aussi la fin de la liberté d'expression des salariés dans les entreprises qui est visée !

 

Le groupe PS a déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale le 16 juillet courant  une proposition de loi instaurant un délit de violation du secret des affaires. Même si ses concepteurs le démentent, cette réforme constituerait une menace sur le droit à l'information, aux lanceurs d'alerte et remettrait en cause la liberté d'expression des salariés sur et dans leur entreprise si chérement acquise.

 

Sources : extraits du blog  Sans langue de bois  par Gerard Karageorgis le 23 Juillet 2014

- C’est une proposition de loi liberticide que les députés du groupe PS ont déposée le 16 juillet 2014, sur le bureau de l’Assemblée nationale

Sous le prétexte de lutter conte l’espionnage dont les entreprises peuvent être victimes et de défendre leurs intérêts économiques, le texte, qui est une variante de la réforme envisagée par la droite sous Nicolas Sarkozy, constituerait, s’il était adopté – et même si ses auteurs s’en défendent –, une grave menace pour la liberté de la presse, et pour les lanceurs d’alerte ayant connaissance de dérives au sein d’un établissement industriel ou d’un groupe financier. Alors que dans le monde entier, de nombreuses grandes démocraties entérinent des législations progressistes pour accroître la transparence sur les questions d’intérêt public, la France avance, elle, à reculons, et protège le vieux capitalisme opaque qui est, de longue date, l’un de ses signes distinctifs.

 

Cet inquiétant projet visant à organiser l’omerta sur la vie des affaires n’est, certes, pas récent. Voilà des lustres que le patronat et les milieux financiers parisiens en rêvent. Faute d’obtenir la dépénalisation de la vie des affaires qu’ils ont longtemps espérée, ils ont fait de cette réforme visant à instaurer un délit de violation du secret des affaires l’un de leurs chevaux de bataille. Et sous le quinquennat précédent, celui de Nicolas Sarkozy, la croisade a bien failli aboutir. Comme l’a fréquemment chroniqué Mediapart dans "Une proposition de loi pour organiser l'omerta sur l'économie", un élu de l’UMP, Bernard Carayon, s’est longtemps fait remarquer en bataillant pour obtenir une telle loi sur le secret des affaires. Après avoir écrit un rapport en 2003, à la demande du premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, il a souvent mené campagne pour l’adoption de dispositions liberticides, protégeant les entreprises de la curiosité légitime des salariés, citoyens et donc des journalistes.

 

Et il a été à deux doigts d’y parvenir. Le 23 janvier 2012, l’Assemblée nationale a en effet voté, avec les seules voix des députés de l’UMP, une proposition de loi dont il avait pris l’initiative, avec le soutien du ministre de l’industrie de l’époque, Éric Besson, et qui avait pour objet d’instaurer un nouveau délit, celui de violation du secret des affaires. Rendant compte de cette délibération des députés, ma consœur de Mediapart en pointait tous les dangers. Elle signalait d’abord que la notion même de secret des affaires, telle qu’elle était définie dans la proposition de loi, était dangereusement extensive.

 

Ce secret des affaires était en effet ainsi défini : « Constituent des informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers, de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique, ne présentant pas un caractère public, dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique et technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle, et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci. » Pour mémoire, la proposition de loi de Bernard Carayon peut être téléchargée ICI ou consultée LA.

 

Du même coup, c’est le droit à l’information des citoyens qui s’en trouvait menacé.

Et ma consœur le montrait également, en s’interrogeant sur les enquêtes que Mediapart n’aurait pas pu publier dans le passé, sans enfreindre la loi, si une telle législation répressive avait à l’époque existé. Au diable l’enquête sur le scandale Adidas-Crédit lyonnais ! À la poubelle, les enquêtes sur les ramifications luxembourgeoises du groupe Bolloré ! À la poubelle aussi, nos enquêtes sur toutes les dérives de ce qu’il est convenu d’appeler le « private equity », c’est-à-dire le secteur particulièrement opaque des fonds d’investissement qui spéculent sur le dos des PME non cotées ! Et à cette liste d’entreprises dont il serait devenu défendu de parler, il aurait fallu bien d’autres noms : Elf, Vivendi, BNP Paribas… Au diable, en somme, l’investigation économique indépendante qui, en France, n’est pourtant guère florissante…

 

 

- Les journalistes sommés d'être « de bons patriotes »

Les sanctions prévues par cette proposition de loi étaient en effet très lourdes. « Le fait de révéler à une personne non autorisée à en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise (…) une information protégée relevant du secret des affaires (...) est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende », prévoyait le texte. Et Bernard Carayon ne manquait jamais une occasion de rappeler que les journalistes devraient bientôt se dispenser d’être trop curieux. Dans un entretien au Nouvel Observateur, il faisait en effet valoir que « les professionnels de l'information [seraient] appelés à être aussi de bons patriotes »

 

Mais pendant un temps, on a pu penser que les choses allaient en rester là.

Pour le plus grand déplaisir de ces milieux d’affaires, mais pour la plus grande satisfaction des citoyens attachés à l’indispensable transparence sur les sujets d’intérêt public. L’élection présidentielle a, en effet, monopolisé toutes les attentions. Et le débat parlementaire autour de cette sulfureuse proposition n’a pas dépassé l’examen du texte en première lecture devant l’Assemblée.

 

Résultat : après l’élection présidentielle et l’accession de François Hollande à l’Assemblée, la réforme a paru définitivement enterrée. Cela semblait d’autant plus probable que, dans les mois précédent le scrutin, la proposition de Bernard Carayon avait déchaîné une vive polémique. Tous les syndicats de journalistes l’avaient dénoncé. Même l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef), qui n’est pourtant pas réputée pour être rebelle, avait dit son indignation par la bouche de son président, Serge Marti : « Il est à craindre que quelques scandales récents (Mediator, implants mammaires…) n'auraient pas éclaté avec une telle loi », s’était-il à juste titre insurgé.

 

Mais voilà ! En ce domaine comme en tant d’autres, il n’a pas fallu attendre beaucoup pour que les dirigeants socialistes tournent casaque. Dans le cas présent, c’est l’éphémère ministre des finances, Pierre Moscovici, qui s’est surtout distingué à Bercy pour son empressement à devancer les moindres désirs des milieux patronaux, qui a tombé le masque le premier. Dès le 1er octobre 2012, il a ainsi organisé au ministère des finances une première réunion interministérielle pour examiner la possibilité d’exhumer cette réforme en faveur du secret des affaires (Lire Moscovici exhume le secret des entreprises).

 

Pendant quelques temps, on a pu, cependant, rester incrédule, pensant que Pierre Moscovici conduisait de dérisoires intrigues pour essayer de séduire les milieux d’affaires mais que cela ne préjugeait en rien des intentions réelles du gouvernement.

 

Et pourtant si, tout est là ! Car depuis plusieurs mois, les choses se sont soudainement accélérées. Et les menaces sur le droit à l’information des citoyens se sont renforcées. D’abord, une très inquiétante jurisprudence a commencé à s’installer, venant consolider ce secret des affaires, avant même qu’il n’ait force de loi. Dans le courant du mois de mars 2014, le site marseillais d’information Tourmag (adhérent, comme Mediapart, du Spiil, le Syndicat de la Presse d'Information Indépendante en ligne) a ainsi été condamné par la Cour de cassation, pour avoir brisé le secret des affaires et révélé un plan social qui concernait 484 personnes et que comptait mettre en œuvre le tour opérateur TUI (groupe Nouvelles frontières). On peut se reporter aux informations sur ce sujet de nos confrères de Marsactu, également implanté à Marseille.

 

A l’époque, le Spiil avait très vivement réagi, dans un communiqué : « Depuis plusieurs années, la liberté d’expression et de l’information, garantie par la loi sur la presse de 1881, est mise en danger par des décisions de justice au plus haut niveau, celui de la Cour de cassation. Les incursions de droits spéciaux — protection de la vie privée, responsabilité civile (article 1382 du Code civil), par exemple — dans le droit de la presse se font de plus en plus fréquentes. Ce mouvement s’accélère. Ces derniers jours, Atlantico (écoutes Sarkozy) et Mediapart (affaire Bettencourt) ont été sanctionnés sur le fondement de la protection de la vie privée. Mais aussi il prend de l’ampleur. TourMaG, site de presse spécialisé dans l’actualité économique du secteur du tourisme, vient d’être condamné pour avoir publié des informations économiques et sociales incontestées concernant TUI, un opérateur économique majeur de ce secteur. Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, il s’agirait d’une violation du Code du Travail et de la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Demain, quel autre droit spécial viendra ainsi fragiliser l’autonomie du droit de l’information ? »

 

Et puis au même moment, les partisans d’une réforme instaurant une chape de plomb sur les entreprises, pour les mettre à l’abri de toute curiosité, sont repartis à la charge. D’abord, comme Mediapart s'en est fait l'écho, la Commission européenne a mis au point dès le moins de novembre 2013 une proposition de directive européenne en ce sens. Pour mémoire, voici ce projet de directive qui peut être téléchargée ICI ou consultée LA.

 

 

- De fausses garanties pour la presse

Et puis, sans attendre que cette directive aboutisse, un groupe de travail informel s’est constitué peu après, autour de Jean-Jacques Urvoas, président socialiste de la commission des lois à l’Assemblée nationale, pour élaborer une nouvelle proposition de loi, transposant sans attendre le futur texte européen.

C’est donc ce groupe de travail qui a fini par accoucher de la nouvelle proposition de loi sur le bureau de l’Assemblée. Cette proposition de loi peut être téléchargée ICI ou consultée LA.

 

Preuve que ce n’est pas une initiative solitaire, elle porte la signature de son principal concepteur, Jean-Jacques Urvoas mais aussi celle de Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, de Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, ou encore de Pierre Moscivici. Traduisons : le danger d’une nouvelle loi liberticide s’est brutalement rapproché.

 

Dans l’exposé des motifs, les signataires s’appliquent certes à rassurer et prétendent que le secret des affaires sera juste une protection pour sauvegarder les intérêts économiques ou technologiques des entreprises, mais ne pèsera pas sur le droit à l’information des citoyens. Ils soulignent que le secret des affaires ne sera pas opposable «  à toute personne dénonçant une infraction, à l’image des journalistes ou des lanceurs d’alerte ». « Avec ces nouvelles dispositions législatives, la dénonciation de violation de la loi demeurerait possible et rien ne s’opposerait au dévoilement d’un scandale tel que celui du Mediator, les médias ne risqueraient aucune condamnation. Comme l’a parfaitement établi la Cour européenne des droits de l’Homme, la presse joue un rôle fondamental dans notre vie démocratique, ce texte n’y changera rien », explique l’exposé des motifs.

 

Mais on comprend sans peine que cette garantie n’en est pas une, pour de très nombreuses raisons.

D’abord, pour les journalistes qui conduisent des investigations économiques, la recherche d’informations ne se limite évidemment pas à celles qui ont trait à des infractions pénales. Il y a ainsi beaucoup d’informations qui sont à l’évidence d’intérêt public tout en portant sur des faits qui ne sont entachés d'aucune illégalité mais que la direction d’une entreprise souhaite cachée. Comme dans l’affaire Tourmag, la préparation d’un plan social entre précisément dans ce cas de figure : les journalistes pourraient-ils donc être poursuivis pour violation du secret des affaires s’ils révèlent une information de cette nature ? Même interrogation : la presse pourrait-elle toujours dévoiler les généreux plans de stock-options ou autres golden parachute que les figures connues du CAC 40 s’octroient périodiquement et qui choquent à bon droit l’opinion ? Si certaines de ces rémunérations font l’objet d’obligations légales de transparence, ce n’est pas le cas pour toutes…

 

En clair, une loi instaurant un secret des affaires aurait pour effet d’installer progressivement une jurisprudence interdisant, de facto, à la presse de faire son office.

 

 

 

 

 

 

Et pour les lanceurs d’alertes, l’effet serait tout aussi dissuasif. Car pour beaucoup d’entre eux, qui alertent la presse, ils n’ont pas toujours connaissance du caractère délictueux des faits qu’ils veulent dénoncer. Ou alors, ils n’ont connaissance que d’une partie de ces faits, sans savoir précisément l’incrimination pénale dont ces faits pourraient faire l’objet. Avec une loi sur le secret des affaires, ils seraient donc vivement conviés, par prudence, à se taire.

 

La loi risquerait de jouer un rôle d’inhibition d’autant plus fort que la proposition socialiste prévoit aussi des sanction très lourdes, en cas d’infraction. « Le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 du code de commerce, est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. La peine est portée à 7 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France », édicte-t-elle.

 

De surcroît, les contrevenants pourraient être passibles de « l’interdiction des droits civiques, civils et de famille », de « l’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal, soit d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, soit d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. »

Les socialistes préparent l’omerta sur la vie des affaires

 

- Tollé parmi les syndicats de journalistes

Avec un tel arsenal répressif, on comprend qu’un potentiel lanceur d’alertes y regarderait à deux fois avant de jouer son rôle citoyen. La décision du groupe socialiste de reprendre à son compte la proposition de loi que le Medef avait dictée à l’UMP, à quelques petites variantes qui ne changent pas grand-chose, est donc d’autant plus stupéfiante que dans le même temps, la grande loi promise par François Hollande pendant sa campagne présidentielle sur le secret des sources des journalistes – et offrant un statut protecteur aux lanceurs d’alertes – est sans cesse différée (Lire : "la loi sur le secret des sources des journalistes est de nouveau reportée"). Alors que le projet de loi devait être examiné le 16 janvier, le débat a été repoussé au 14 mai avant d’être de nouveau différé sine die.

 

Dès le premier report, en janvier, les syndicats de journalistes avaient fait part de leurs très vives inquiétudes. Le SNJ s’était dit « surpris et choqué » (on peut lire son communiqué ICI). De son côté, le SNJ-CGT avait interpellé « le gouvernement pour connaître les raisons inavouées (inavouables ?) à ce jour, de cette décision aussi soudaine qu’intolérable et qui constitue un très grave retour en arrière malgré les engagements au plus haut sommet de l’État ».

 

Quelles raisons inavouables ?

Sans doute sont-elles aujourd’hui un peu plus transparentes : contre le droit à l’information des citoyens, les dirigeants socialistes semblent privilégier l’omerta souvent défendue par les entreprises. Et ce choix est d’autant plus préoccupant que le capitalisme français est, parmi les grandes démocraties, l’un des plus opaques; et le journalisme d’investigation sur les entreprises est sans doute, en France, l’une des formes de journalisme parmi les plus sous-développées.

 

 

- Que l’on veuille bien examiner en effet les règles de fonctionnements du capitalisme français.

Il a importé du modèle anglo-saxon tout ce qui a trait à l’enrichissements des mandataires sociaux (stock-options…) et les principales règles de gouvernance, et surtout celles du profit pour l’actionnaire (« share holder value ») Toutes les règles… mais pas celles de la transparence, auxquelles les marchés financiers accordent beaucoup d'importance. Sur ce plan, les milieux d’affaires parisiens ont gardé les règles d’opacité qui étaient la marque du vieux capitalisme français, truffé de passe-droits et de conflits d’intérêts. Le secret des affaires, s’il devait être instauré, viendrait donc conforter ces mauvais penchants.

 

Et dans cette culture française assez peu démocratique, celle de la monarchie républicaine, la presse a souvent été placée dans une situation de dépendance, croquée qu’elle a été, titre après titre, par les grands oligarques du système parisien. Et le résultat est celui que l’on sait : alors qu’il existe une forte tradition de journalisme d’investigation économique dans la plupart des grands pays anglo-saxons, la France ne peut pas en dire autant. L’enquête en économie est peu fréquente ; et les journaux économiques se limitent, le plus souvent, a être une presse de « services » et très peu – ou pas du tout – d’investigation.

 

Le résultat,  c’est qu’il est difficile de pratiquer l’investigation. Et que l’on s’y expose souvent à de très fortes rétorsions. Si peux m’autoriser à citer ma propre expérience, voici ce dont je peux moi-même témoigner : pour avoir conduit une longue et difficile enquête prémonitoire sur les Caisses d’épargne, j’ai été mis en examen douze fois en 2009 (comme Edwy Plenel en sa qualité de directeur de la publication), avant de gagner cette confrontation judiciaire et de faire condamner la banque pour poursuites abusives. Si une loi sur le secret des affaires avait alors existé, sans doute aurais-je été à l’époque condamné à ce titre, car j’avais révélé de nombreux faits sur la banque, qui n’étaient pas illégaux, mais qui ont conduit à la crise gravissime de la banque.

 

Et cette « judiciarisation » du travail journalistique est constante. Pour ne parler que de la période récente, j’ai encore fait l’objet voici quelques semaines de deux plaintes en diffamation, initiée par la Société nationale immobilière (SNI – filiale de la Caisse des dépôts), et par son président André Yché, visant pas moins de six articles apportant de nombreuses révélations sur les dérives du premier bailleur social français. Dans le contexte présent, je sais que Mediapart et moi-même pourrons lors du procès apporter les preuves nombreuses du sérieux de nos enquêtes en même temps de leur bonne foi. Mais avec une loi sur le secret des affaires, nous irions tout droit vers une condamnation, aussi séreuse que soient nos enquêtes.

 

Voici l’effet pernicieux auquel cette loi pourrait conduire, si un jour elle devait être adoptée : elle renforcerait encore davantage l’opacité du capitalisme français et l’anémie de la presse économique. De tous les grands pays, la France est déjà celui qui avait déjà la conception la plus extensive du « secret défense », auquel se heurte périodiquement la justice, quand elle cherche à faire le jour sur des contrats de corruption ; elle va maintenant avancer en éclaireur pour organiser le secret des affaires. C’est, en somme, une proposition de loi très dangereuse pour les libertés publiques et le droit de savoir des citoyens, qui est pourtant un droit fondamental, garanti par la Déclaration des droits de l’homme.

http://www.priceminister.com/offer/buy/54165877/L-Affaire-Clavaud-Livre.html

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- C'est aussi la fin de la liberté d'expression des salariés dans les entreprises qui est visée !

Le respect de la citoyenneté et des libertés à l’entreprise est une condition essentielle d’efficacité économique et de développement. C’est un combat permanent qu’il convient de poursuivre avec détermination et ce à quoi s'emploie la CGT (notamment) sur les lieux de travail.

 

Ainsi, en 1986, un ouvrier des usines Dunlop de Montluçon était licencié pour avoir dénoncé ses conditions de travail, dans une interview donnée au journal « L’Humanité ».

 

C’était le début de "L'affaire CLAVAUD" qui devenant un enjeu national, allait marquer un tournant essentiel dans la reconnaissance et la défense des libertés à l’entreprise.

 

Après deux ans de procédure, la Cour de cassation confirmait la réintégration d’Alain CLAVAUD, premier exemple de retour à son emploi d’un salarié non titulaire d’un mandat syndical ou électif.

 

  • Le 31 décembre 1992, la loi posait enfin le principe de protection des libertés individuelles et collectives à l’entreprise.

 

La proposition de loi liberticide que les députés du groupe PS ont déposée le 16 juillet 2014, sur le bureau de l’Assemblée nationale rappelle avec force que les entraves à la liberté d’expression, la négation des droits de la personne au nom de la compétitivité n’ont pas disparu. Bien au contraire, le parti socialiste, les pouvoirs publics donnent l’exemple du mépris de l’individu et du recul des droits sociaux.... car ce sont aussi les salariés et leurs syndicats que l'on veut faire taire !

 

Comme le soulignait la CGT, le respect de la citoyenneté et des libertés à l’entreprise est une condition essentielle d’efficacité économique et de développement. C’est un combat à poursuivre avec détermination.

 

Pour en savoir plus, lire aussi :

- Mon dossier Loi Macron

- Une proposition de loi pour organiser l'omerta sur l'économie

- L'assemblée nationale vote l'omerta sur les entreprises

- Moscovici exhume le « secret des entreprises »

- Secret des affaires: un projet de directive organise l'omerta

- Les députés introduisent le "secret des affaires" dans la loi

- Macron pour le « secret des affaires » exemple HSBC swiss leaks

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9 août 2014 6 09 /08 /août /2014 11:25
Crédit Photo :  DR

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Sources : NPA  par Patrick Saurin  |   | Propos recueillis par Henri Wilno
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7 août 2014 4 07 /08 /août /2014 19:45
Avec Gaspar, c'est notre pouvoir d'achat qui part !

Sources : greenIT.fr mis à jour le 22 mars 2017

Le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici, et le ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Philippe Martin ont confirmé fin septembre 2013 leur soutien au principe de la généralisation du compteur à gaz communicant "Gazpar" porté par GrDF. Ce déploiement devrait concerner à terme 11 millions de compteurs à gaz, à installer entre 2015 et 2022.

 

Gazpar émet par liaison radio les index de relevés permettant de connaître à tout moment la consommation réelle d’un client. Son déploiement simplifiera la facturation : elle sera basée directement sur la consommation réelle et il ne sera plus nécessaire de recourir à des estimations.

 

 

- Un déploiement injustifié
« Ces nouveaux compteurs faciliteront en outre la réalisation d’économies d’énergie et aideront les citoyens à mieux maîtriser leur consommation. Par exemple, des alertes pourront leur être transmises au-delà d’un seuil d’énergie consommée » explique le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie sur son site.

 

Sauf que, selon la CRE, (Commission de régulation de l'énergie) les économies mesurées concrètement en Irlande et au Royaume-Uni ne dépasse pas 3 % de la facture énergétique… Le déploiement de ce nouveau compteur au frais du contribuable ne semble donc pas justifié.

 

« Ce dispositif permet également d’améliorer la performance des gestionnaires de réseaux : réduction des coûts directs d’acquisition de données de comptage, diminution des réclamations, meilleure connaissance du parc des compteurs » ajoute le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie sur son site. La CRE explique dans son rapport que les gains opérationnels réalisés par GrDF ne compensent pas le coût du projet, qui s’élève à 1 milliard d’euros.

 

Grâce à la CRE, on comprend mieux ce qui se passe : le gouvernement nous refait le coût du Linky. Les citoyens vont financer la mise en place d’un dispositif permettant à des sociétés privées de réaliser plus de bénéfices…

 

 

- Pourquoi ne pas mutualiser l’intelligence des compteurs ?
Comme ces anciennes entreprises publiques privatisées n’ont aucun intérêt à collaborer, rien n’est fait pour mutualiser l’infrastructure de communication entre le client et l’opérateur.

 

Les usagers vont donc devoir financer trois compteurs intelligents ou lieu d’un seul :

  • Linky pour l’électricité,
  • Gazpar pour le gaz,
  • et certainement un troisième pour l’eau à plus ou moins long terme.

 

Le coût du Linky est évalué entre 120 et 240 euros par foyer. Multipliez ce chiffre par 3 et vous aurez une petite idée du coût de « l’intelligence » et de la non mutualisation : jusqu’à 840 euros par foyer en 3 ans.

 

Pourtant, techniquement, il est tout à fait possible de mutualiser de nombreux composants de ces trois compteurs intelligents, notamment l’électronique qui stocke et formate les informations, le modem radio et/ou CPL qui les envoie, et le réseau chargé de transporter ces données jusqu’à l’opérateur.

 

Il serait d’autant plus judicieux de mutualiser ces infrastructures que le coût environnemental de ces compteurs est important, notamment à cause de l’électronique qu’ils embarquent. Par ailleurs, un seul modem radio / CPL est plus que largement suffisant pour transmettre 3 paquets de données de quelques octets toutes les heures.

 

- Tout ceci étant dit, indépendamment de "Gazpar" le mode de calcul des tarifs doit être radicalement revu.

- Il faut en particulier les désindexer du prix du pétrole. La transparence doit être le maître mot en ce qui concerne les stocks disponibles et la réalité du prix d'achat aux producteurs.

- La fixation de tarifs de l'énergie doit être réformée et démocratisée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des questions qui n'ont pas de réponse :

1 - N'y a t-il pas un risque de piratage du système (au bénéfice de l'opérateur) ? Quelles garanties pour l'usager, quels contrôles ?

2 - Que se passera t'il si il y a un clash énergétique (pic de froid en hiver), ces compteurs si intelligent, pourront-ils l'anticiper ?
3 - Les initiateurs du Gazpar mettent en avant 1,5% d'économie de gaz : ne peut on pas mieux faire, et ou est l'impact environnementale ?

4 - Que va t-on faire des 11 millions de compteurs gaz encore fonctionnels et robustes ? Vont ils être détruits (quel coût du recyclage) et quel impact sur  la ressource pour en fabriquer de nouveaux ?

 

Pour en savoir plus :

- Compteurs Linky : Les collectivités en seront bien propriétaires

- Compteurs Linky, leur installation forcée est-elle bien réglo ?

- Linky, Gazpar : quelles données sont collectées et transmises par les compteurs communicants ?

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5 août 2014 2 05 /08 /août /2014 14:30
Que faire avec 46 milliards d’euros ? Testez l’évaluateur des dépenses publiques.

Sources : L'observatoire des inégalités

Le gouvernement a choisi de réduire les prélèvements. La baisse atteindra 46 milliards d’euros chaque année à partir de 2017. Cette somme aurait pu servir à construire des logements sociaux, à ouvrir des places de crèche ou des commissariats de quartier, entre autres. Notre « Évaluateur des dépenses publiques » permet de chiffrer le coût de ces mesures.

 

- Que feriez-vous avec 46 milliards d’euros[1] à dépenser pour la collectivité ?

Baisser les cotisations des entreprises et les impôts des ménages, comme le gouvernement l’a décidé ? Ou créer des places de crèche, des commissariats de quartier, des logements sociaux, un minimum social pour les jeunes ? L’Observatoire des inégalités vous permet d’évaluer le coût de mesures qui auraient pu contribuer à moderniser notre pays.

 

- Avec 46 milliards d’euros, il était possible de répondre à des besoins concrets

Les 46 milliards de baisse de prélèvements par année (à partir de 2017) auraient permis d’accorder, par exemple, un minimum social de 500 euros par mois à 200 000 jeunes (1,2 milliard), de rénover et construire chaque année 100 000 logements sociaux (trois milliards), d’ouvrir 200 000 nouvelles places de crèche supplémentaires pour quatre milliards d’euros, de créer 300 commissariats dans les quartiers sensibles pour environ un milliard d’euros, d’allouer un chèque autonomie de 500 euros mensuels à 500 000 personnes âgées démunies (trois milliards), de créer 200 000 emplois d’aides éducative en milieu scolaire (cinq milliards), de proposer un chèque loisirs-culture de 350 euros par an à 14 millions de jeunes de moins de 20 ans (4,8 milliards), de créer 200 000 emplois d’utilité publique par an (quatre milliards), de rendre accessibles les bâtiments publics aux personnes à mobilité réduite (deux milliards pour une année), ou encore de rénover 6 000 places de prison par an (un milliard).... Pour plus de détails, le lecteur peut se reporter à notre note méthodologique.

 

Cet inventaire à la Prévert a un côté absurde. Il ne s’agira jamais de faire tout cela en même temps, même si potentiellement ce serait envisageable. Il montre simplement l’univers du possible, très large. Nous aurions aussi pu allonger la liste des urgences. Chiffrer des écoles de la deuxième chance, des murs antibruit, des financements pour les énergies renouvelables, des bourses pour les étudiants, des tablettes pour les écoliers, le remboursement de certains soins coûteux comme les prothèses dentaires, etc.

 

Parmi toutes ces mesures (dont nous avons largement surestimé les coûts) proposées dans notre outil, rares sont celles qui ne dépassent pas le clivage politique gauche/droite. Toutes ou presque sont considérées comme des urgences. Les deux bords politiques reconnaissent que nos prisons sont dans un état indigne, que l’on manque de policiers dans les cités où le trafic de drogue se développe, qu’une partie des personnes âgées aux faibles revenus finissent leur vie dans des conditions indignes.

 

En même temps, nous avons délibérément limité nos mesures aux besoins sociaux de la population. Nous aurions pu aussi envisager un volet destiné au soutien des entreprises à la création d’emplois. Par exemple un fond de dix milliards d’euros par an destiné à soutenir la recherche, le développement, ou les nouvelles technologies. Pourquoi pas, pour encourager l’envie d’entreprendre, un fond de garantie pour la création d’entreprise ? L’impact serait bien plus fort que la réduction de cotisations sociales qui va aussi bien nourrir les multinationales les plus profitables que les PME qui se débattent.

 

Notre « Évaluateur des dépenses publiques » est destiné à susciter un débat sur les services publics et leurs rôles, sur les besoins collectifs. Ce qui frappe avant tout, c’est l’absence de réflexion collective sur ce sujet, remplacée par une logique comptable qui part de l’a priori idéologique (et médiatiquement entretenu) que les prélèvements sont trop élevés en France. Nombreux sont ceux qui intègrent l’idée que l’État n’a plus d’argent dans les caisses, alors qu’en même temps il se prive d’une somme qui représente l’équivalent du budget de l’enseignement primaire et secondaire.

 

 

- Des emplois utiles pour beaucoup moins cher

L’argument mis en avant par les partisans de la baisse des cotisations des entreprises est la création d’emplois, la contrepartie du « pacte de responsabilité ». Selon Valérie Rabault, rapporteure socialiste du budget, les mesures de baisses de prélèvements auraient pour effet de créer 190 000 emplois à l’horizon 2017. 40 des 46,6 milliards prévus sont destinés aux entreprises. Chaque emploi coûterait donc 216 000 euros, soit un salaire de 18 000 euros par mois, environ 9 000 euros nets sans les cotisations patronales et salariales [2]. Même si l’effet était deux fois plus important, la dépense n’aurait aucun sens.

 

Heureusement, le coût net ne sera pas si élevé. Ces emplois entraînent de l’activité, donc des recettes fiscales. Le chiffrage n’a de sens qu’en comparaison avec d’autres options en matière de création d’emplois. Par exemple, subventionner 200 0000 emplois associatifs à hauteur de 20 000 euros annuels par emploi (beaucoup d’associations en créent avec bien moins) dans l’humanitaire, l’environnement, l’action caritative, la culture, le soutien scolaire ou dans d’autres domaines jugés d’utilité publique, coûterait quatre milliards, moins de dix fois le manque à gagner du pacte de responsabilité. Dans notre « Évaluateur des dépenses publiques », nos 200 000 emplois d’aides éducative coûtent cinq milliards. Et eux aussi entraînent de l’activité, donc un coût net bien moins grand. La comparaison est sans appel.

 

L’impact des baisses de dépenses
Le gouvernement prévoit 50 milliards de baisses de dépenses par an d’ici 2017. L’impact économique de cette décision dépend du type de dépense. S’il s’agit de prestations sociales, qui bénéficient en grande partie aux plus modestes (beaucoup sont versées sous conditions de ressources), l’effet est fortement et rapidement négatif. Si elles concernent les commandes publiques, l’effet va se répercuter sur l’activité des entreprises privées prestataires de services aux collectivités. Si l’on réduit le nombre de fonctionnaires, il y aura une conséquence directe sur le nombre d’emplois global, un impact sur la croissance (les salaires de ces derniers alimentent l’activité), mais aussi sur les services rendus (moins de sécurité dans les rues, plus d’élèves par classe, etc.). Au total, selon les prévisions du ministère des Finances, citées par la rapporteure du budget, le plan de réduction des dépenses de 50 milliards devrait détruire 250 000 emplois à l’horizon 2017.

Pour autant, dépenser pour dépenser n’a pas plus de sens que la réduction des prélèvements. Ce n’est pas l’effort budgétaire lui-même qui est en cause. L’endettement et le niveau considérable du déficit public
 [3] ne sont pas les seules ni même les principales raisons pour lesquelles il faut réduire les dépenses. Celles-ci sont prélevées dans le porte-monnaie de chaque citoyen, qui ne peut l’accepter que si elles servent l’intérêt général et qu’elles ont une utilité sociale démontrée. La réduction des dépenses inutiles (chasse aux niches fiscales et à la fraude, services publics en doublon, coûts surévalués des commandes publiques, dépenses militaires, etc.) doit permettre de répondre à des nouveaux besoins, à moderniser l’action de l’État.

 

- Comment en est-on arrivé là ?

Il est difficile de répondre à cette question. Il faut comprendre comment le parti socialiste s’est converti aux baisses d’impôts à partir de la fin des années 1980. La gauche économique moderne et influente est celle de la politique de l’offre [4] (lire notre article Pourquoi le gouvernement renonce à réformer les impôts). Elle ne craint pas de remettre en cause les « tabous », nouveau nom des « acquis sociaux ». Elle utilise une comparaison des dépenses publiques en Europe totalement biaisée [5], notamment parce qu’en France les retraites sont pour l’essentiel financées par les prélèvements obligatoires alors qu’ailleurs les prélèvements privés sont plus développés.

 

De nombreux facteurs jouent, de l’emprise de la société de communication (médias, sondeurs, etc.) sur le parti socialiste [6], à la proximité entre ses dirigeants et les élites du pouvoir, en passant par la sociologie des militants. Les baisses d’impôts qui ont eu lieu de 2000 à 2009 ont coûté au moins 80 milliards, selon le rapporteur du budget UMP de l’époque Gilles Carrez [7]. Elles n’ont jamais relancé l’activité et l’emploi et pourtant, on recommence. A partir de 2010, les gouvernements se sont résolus à augmenter les impôts devant l’ampleur des déficits. Une partie des baisses antérieures ont été annulées. Les prélèvements ont augmenté de 65 milliards entre 2011 et 2013. C’était de trop. A partir de l’été 2013, le ministre de l’économie Pierre Moscovici lui-même lance la thèse d’un « ras-le-bol fiscal », qui sera ensuite largement relayée (lire notre article La construction du ras-le-bos fiscal) en utilisant des sondages sans valeur ce qui constitue une tactique ancienne. Pour comprendre l’utilisation suicidaire des sondages voir "Hollande : les sondages qui tuent", Louis Maurin, Rue 89, novembre 2013.

 

La difficulté actuelle n’est pas propre à la gauche. Quelques-uns à droite, surpris par le revirement du Parti socialiste se lancent dans la surenchère : toujours plus de baisses d’impôts, toujours moins de dépenses publiques. Ces politiques ne peuvent se faire qu’au détriment des catégories populaires, celles là même qui paient les conséquences de la crise et le font savoir dans les urnes. Plutôt que d’alimenter le vote extrême en se livrant à la démagogie, de droite comme de gauche, conservateurs ou progressistes, chacun des camps ferait mieux de réfléchir aux besoins de la population et à la façon d’y répondre.

 

Combien vont coûter les baisses d’impôts ?
Le coût des baisses de prélèvements, 46,6 milliards d’euros, est un montant annuel, une fois que toutes les mesures entrent en activité, c’est-à-dire en 2017. Contrairement à ce que beaucoup pensent, il ne s’agit pas d’un montant à étaler sur quatre années, de 2014 à 2017. Une baisse de cotisations entraîne un coût supplémentaire une année donnée qui se maintient l’année suivante, sauf à revenir en arrière en augmentant à nouveau les taux. 11,6 milliards de pertes de recettes sont prévues dès 2014, 29 milliards en 2015 et 40 milliards en 2016. De 2014 à 2017, la collectivité aura perdu 128 milliards d’euros (la somme cumulée de chaque année).

Économiquement, le coût pour la collectivité n’est pas aussi élevé. Les diminutions de prélèvements vont accroître l’activité, ce qui va faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État. Le coût réel dépend de ce que les économistes appellent l’effet « multiplicateur ». Le coût brut n’a d’intérêt qu’en comparaison des dépenses qui auraient pu être effectuées à la place, dont nous donnons quelques exemples dans notre outil, qui elles aussi auraient un impact. Du point de vue de la conjoncture, les économistes s’accordent pour dire qu’une hausse de dépenses a un effet supérieur à une baisse de prélèvements, dont une partie est directement épargnée. A long terme, la différence se fait dans la nature des activités. Une dépense publique doit répondre à un besoin collectif réel, sinon elle stérilise une partie de la
croissance économique.

 

Notes

[1Cette somme est celle qui est chiffrée par Valérie Rabault, la rapporteure socialiste du budget, dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ;

[2Chiffre obtenu en divisant le coût de la baisse des charges, 40 milliards par an en 2017 par 190 000 emplois créés ;

[3Le montant du déficit public est de 88 milliards d’euros et la dette de 1,9 milliard, selon l’Insee. Chaque année la collectivité vers l’équivalent de 40 milliards de frais d’intérêt pour rembourser sa dette.

[4Voir récemment « Refusons les recettes de la vieille gauche taxophiles », Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen, Le Monde, 26 juin 2014. En 1999, Laurent Fabius, alors ministre des Finances, raillait déjà les « dépensolâtres », pour défendre les baisses d’impôts.

[5Voir « Dépenses publiques : des comparaisons piégées », Louis Maurin, Alternatives Economiques, septembre 2013. Lire en ligne sur notre site.

[6Comme bien entendu les autres partis.

[7] Rapport d'information n° 2689, Gilles Carrez, député, 30 juin 2010. Voir aussi « » Que faire de la dette ? « ’, Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, mai 2014.

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 15:30
Photo : AFP-Nelson Almeida

Photo : AFP-Nelson Almeida

En annonçant à Fortaleza (Brésil), la création de leur propre banque de développement et de leur propre fonds de devises, les pays émergents des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du sud) sont en passe non seulement de torpiller l’ordre monétaire international, mais de déclencher une révolution géopolitique à l’échelle planétaire.

 

Sources : Politis.fr propos recueillis par Le Yéti l Mis à jour le 25 juillet  2015

Car si le projet des BRICS va à son terme, c’est bien l’hégémonie américaine héritée de la Seconde guerre mondiale et l’omnipotence du roi-dollar consacrée lors des accords de Bretton Woods en 1944 qui seront battues en brèche.

 

Résumons succinctement les conditions techniques de l’opération :

  • la Nouvelle banque de développement (NBD) aura un capital initial autorisé de 100 milliards de dollars ;
  • chaque pays membre participera selon ses moyens ; d’autres pays pourront s’adjoindre à la fine équipe, mais les BRICS se réserveront une part de contrôle minimum de 55% du total.
  • l’ensemble sera opérationnel avant la prochaine réunion des BRICS, dès 2015 ; le siège de la banque sera située à Shangaï ;
  • les échanges entre les pays membres s’effectueront directement dans l’une ou l’autre des monnaies de leur cru (et non plus en passant par le billet vert US).

 

- Les conséquences géopolitiques

Les conséquences de ces décisions sont sans appel pour le vieil ordre occidental chancelant :

  • Le dollar y perd son hégémonie de monnaie-étalon qui permettait entre autres aux Etats-Unis de faire financer leur énorme dette par les autres pays ;
  • la Banque mondiale et le FMI, pièces maîtresses du système occidental, perdent une grande part de leurs moyens exclusifs de pression ;
  • L’arme de dissuasion financière dont disposait exclusivement Washington voit sa force d’impact considérablement réduite ;
  • un bouleversement d’envergure en matière de répartition des ressources mondiales apparaît comme de plus en plus probable à assez brève échéance (notons que lors du sommet de Fortaleza, Vladimir Poutine a aussi proposé une association énergétique à ses partenaires).

 

- Vers un nouvel ordre monétaire international

Le camp occidental tente bien sûr de faire bonne figure devant l’annonce. Quand ils ne font pas silence, ses médias s’emploient à essayer d’en banaliser la portée. Mais le camouflet est cuisant pour le vieux système néolibéral septuagénaire. Et la réponse de Poutine aux sanctions américaines et européennes, cinglante.

 

Pour tout dire, il ne fallait pas être fin analyste pour savoir que les mesures radicales prises par les BRICS pendaient depuis longtemps aux nez du suzerain américain et de ses commensaux européens.

 

Il y eut cette alerte d'octobre 2009. Puis ce tout récent accord gazier entre la Russie et la Chine, précipité par les manigances de l’Otan en Ukraine (après l’Irak, la Libye, la Syrie...), mais aussi par les inconséquences financières de la Fed qui, en janvier 2014, firent vaciller les monnaies des BRICS.

 

En décrétant leur émancipation, les pays émergents ouvrent la voie à une refondation de l’ordre monétaire global, condition sine qua non à l’avènement du monde d’après.

 

Pour en savoir plus :

- Un pas vers la fin de l’hégémonie du dollar ?

- Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, l’irrésistible ascension des cinq

- Les BRICS et les sanctions favorisent le developpement de nouveaux échanges de la Russie avec l’Amérique latine

- La Russie et la Chine annoncent le découplage commercial du Dollar – La fin pour les Etats-Unis est proche

- Séisme : Russie et Chine abandonnent officiellement le pétrodollar

- BRICS, quand la peur change de camp

- Jean-Luc Mélenchon : "Les BRICS changent le monde"

- Les BRICS invitent la Grèce à les rejoindre

- L’histoire de deux ordres mondiaux

- La Banque de développement des BRICS devient réalité

- OCS à Oufa, un premier pas vers une alternative internationale

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1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 09:39
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31 juillet 2014 4 31 /07 /juillet /2014 00:11
Dénoncer le chantage à la dette publique par Eric Toussaint

Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), était à l’Université d’été d’Attac à Nîmes fin juillet 2013. Il revient sur les différentes raisons pour lesquelles une partie de la dette publique peut être considérée comme illégitime.

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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