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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 09:00
CICE : le secret un peu honteux des grandes entreprises françaises

Des millions d'euros sont accordés aux groupes tricolores sous forme de crédit d'impôt compétitivité. Seuls quelques-uns l'admettent.

 

Sources :  JDN l'économie demain par Justine Gay le 26 mars 2014 | mis à jour le 24 septembre 2015

Du temps, il en aura fallu au JDN pour convaincre quelques-uns des fleurons de l'économie française de dévoiler le montant du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) dont ils bénéficient. Du temps et d'innombrables relances. 

 

Pourtant, pour la petite histoire, c'est un homme du sérail, Henri Lachmann, ex-PDG de Schneider Electric, qui a aiguisé notre curiosité : "Qu'on ne me dise pas que les caissières de Carrefour contribuent à la compétitivité de la France", nous avait-il lancé lors d'une interview à l'automne dernier.

 

L'ancien patron s'insurgeait alors contre le mode de calcul de ce crédit d'impôt destiné à alléger le coût du travail qui, parce qu'il est assis sur le montant des rémunérations inférieures à 2,5 Smic (3 613,45 euros brut par mois en 2014), profite surtout aux entreprises issues de secteurs d'activité à forte concentration de métiers peu qualifiés, pas forcément exposés à la concurrence internationale qui plus est.

 

Ironie du sort, Schneider, qu'Henri Lachmann a dirigé pendant près de 10 ans, fait partie des 33 groupes sur les 49 contactés qui ont refusé de se prêter au jeu. Ils ne sont donc que 16 à nous avoir livré le montant de leur CICE au titre de 2013 et encore moins à nous avoir indiqué une estimation de la ristourne à imputer sur l'impôt dont ils s'acquitteront l'année suivante.

CICE : le secret un peu honteux des grandes entreprises françaises

Ces 16 grandes entreprises françaises cumulent une réduction d'impôt de 828,9 millions d'euros au titre de 2013, soit 8,3% du CICE, son coût total ayant été chiffré à 10 milliards d'euros. Un avantage fiscal qui devrait s'élever à 1,24 milliard d'euros pour ces mêmes entreprises lors du prochain exercice, puisque le taux du CICE passera de 4% de la masse salariale inférieure à 2,5 Smic au titre de 2013 à 6% au titre de 2014. Il ne représentera plus que 6,2% du CICE total, qui atteindra alors 20 milliards d'euros. Cela à condition que le montant et la structure de la masse salariale de nos 16 entreprises restent inchangés.

 

  • 16 entreprises totalisent à elles seules 8,3% du crédit d'impôt compétitivité emploi

 

Alors, quels autres enseignements peut-on tirer de ce faible échantillon de répondants ? D'abord que l'Etat fait un cadeau aux siens : les 6 premiers bénéficiaires sont des entreprises publiques ou avec une forte présence de l'Etat au capital. La Poste  arrive en tête, avec une baisse d'impôts de 297 millions d'euros en 2014 qui devrait bondir à 445,5 millions d'euros en 2015, selon nos estimations. Viennent ensuite la SNCF (118 millions d'euros au titre de 2013), PSA (80 millions d'euros), Orange (79 millions d'euros), EDF (68 millions d'euros) et Air France-KLM (40 millions d'euros, dont 28 pour Air France et 12 pour ses filiales).

 

A noter que les groupes dans lesquels l'Etat détient une participation se sont montrés plus coopératifs que les structures 100% privées. Les premiers ont répondu à 64% contre seulement 24% pour les secondes.

 

  • Parmi les répondants, les 6 premiers bénéficiaires sont des entreprises publiques ou avec une forte présence de l'Etat au capital

 

Les sociétés les plus silencieuses seraient-elles celles qui bénéficient le plus du CICE ? Pas forcément. Sur les trois banques interrogées, aucune n'a accepté de divulguer le montant de son crédit d'impôt, alors que la finance est censé être le secteur qui profite le moins du dispositif : selon le comité de suivi du CICE, seuls 35,1% de sa masse salariale est concernée, contre 89,9% dans l'hébergement-restauration par exemple. Sans surprise, Kering et LVMH, aussi spécialistes du luxe que du mutisme, ne se sont pas montrés plus loquaces.

 

A contrario, les deux géants du transport que sont Air France-KLM et la SNCF ont bien voulu indiquer au JDN le montant du crédit d'impôt qui leur était accordé.

 

Leurs homologues de l'énergie ont été presque aussi transparents : sur les trois interrogés, seul GDF SUEZ a refusé de nous communiquer son CICE. Dans l'hypothèse d'une masse salariale comparable à celle d'EDF, il est possible de l'estimer à 57 millions d'euros au titre de 2013 et à 85,5 millions d'euros au titre de 2014[2].

 

Un calcul similaire nous permet d'évaluer la réduction d'impôt accordée à Carrefour à 84 millions d'euros au titre de 2013 (126 millions pour 2014), à structure de masse salariale comparable à celle d'Auchan cette fois-ci[3]. C'est le mieux que nous puissions donner à Henri Lachmann.

 

Notes :

[1]  Estimation du JDN – et non de l'entreprise – à structure et montant de masse salariale constants

[2] Effectifs pris en compte dans ce calcul : 129 328 salariés d'EDF en France au 31 décembre 2012, d'après le site Internet du groupe, et 108 500 collaborateurs pour GDF Suez en France au 31 décembre 2011, selon un document de l'entreprise.

[3]   Effectifs pris en compte dans ce calcul : 52 000 salariés en CDI chez Auchan France, selon les chiffres publiés par LSA en mars 2013 et 115 000 collaborateurs chez Carrefour France, d'après les chiffres publiés par la direction emploi et carrières de Carrefour France en novembre 2011.

 

Méthodologie

Les entreprises interrogées pour ce dossier sont celles du Cac 40 ainsi que les sociétés non cotées présentes dans le classement Global 500 du magazine américain Fortune.

Les 33 entreprises n'ayant pas souhaité communiquer le montant de leur CICE au titre de 2013 sont les suivantes, classées par ordre alphabétique : Accor, Air Liquide, Airbus Group, Alcatel-Lucent, Alstom, ArcelorMittal, BNP Paribas, Bouygues, BPCE, Capgemini, Carrefour, CNP Assurances, Crédit agricole, Danone, Essilor International, Foncière Euris, GDF Suez, Gemalto, Kering, Legrand, LVMH, Michelin, Publicis Groupe, Renault, Saint-Gobain, Schneider Electric, Société générale, Sodexo, Solvay, Unibail-Rodamco, Vallourec, Vinci, Vivendi.

 

Pour en savoir plus :

- Les milliards envolés du crédit impôt recherche

- Crédit Impôt Recherche : la grande arnaque par le Parti de Gauche

- Renault : « Le contribuable finance les licenciements »

- Le CICE ? Il augmente le cash des entreprises, pas l’investissement

CICE : le secret un peu honteux des grandes entreprises françaises
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6 février 2015 5 06 /02 /février /2015 09:00
La BCE tente un coup d’État contre la Grèce

Les Économistes atterrés dénoncent la décision de la BCE qui viole la démocratie, renie ses propres engagements à tout faire pour éviter la déflation et pour sauver la zone Euro et fait le lit des forces politiques réactionnaires qui prospèrent toujours sur fond de crise totale. Ils appellent tous les démocrates à s’opposer avec la dernière énergie à cette décision inique de la BCE. Les choix du peuple Grec doivent être respectés.

 
Source : LES ECONOMISTES ATTERES le 05 février 2015 par Les Economistes Atterés

L’illusion d’une Banque centrale européenne pratiquant un assouplissement monétaire pour sortir la zone euro de la déflation n’a duré que deux semaines. Hier, la BCE a unilatéralement décidé de ne plus accepter les titres publics grecs en contrepartie des liquidités accordées aux banques, tout particulièrement aux banques grecques. Ainsi, Mario Draghi met en péril la zone Euro, rompant son engagement à « tout faire pour préserver l’Euro ».

 

Les banques grecques qui continuent à acheter des obligations de l’État, ne pourront donc plus les utiliser pour se refinancer auprès de la BCE. Elles pourront certes utiliser d’autres instruments, des titres privés. Mais ceux-ci risquent de devenir rares et surtout l’Etat grec aura de plus en plus de mal à trouver des fonds pour sortir de l’étau de la Troïka. C’est la sanction que la BCE inflige au nouveau gouvernement grec pour avoir osé envisager mettre fin à une austérité ayant saigné aux quatre veines le peuple grec.

 

Cette décision irresponsable, dogmatique et punitive, prise pour des raisons politiques, par des technocrates non-élus, aboutit à déstabiliser le système bancaire grec et de la zone euro. Elle est en contradiction flagrante avec l’article 127 du TFUE qui indique que « Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne ». Et cet article 3 indique que l’UE « œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée […] qui tend au plein emploi et au progrès social ».

 

La décision de la BCE va aggraver les difficultés d’élaboration et de mise en œuvre d’une politique alternative permettant de sortir de la crise. En coupant l’économie grecque de l’alimentation en monnaie reconnue dans toute la zone euro, elle sèmera la panique parmi la population grecque, sachant que les banques seront ainsi mises en grande difficulté pour répondre à sa demande. La BCE cherche-t-elle à susciter une panique bancaire ?

 

Le risque est bien celui d’un chaos économique et social, mais aussi celui du chaos politique. Avant même que soient ouvertes les négociations avec le nouveau gouvernement grec, la BCE envoie un signal à tous les pays membres de la zone euro : la démocratie ne compte plus. Les Grecs peuvent voter, leur vote est nul et non avenu. Tout nouveau gouvernement est contraint par les engagements pris par le précédent. On savait déjà que les institutions européennes n’avaient que faire des choix populaires depuis le contournement des référendums portant sur la conception des politiques à mener, on l’expérimente maintenant dans la mise en œuvre des politiques.

 

 Ce coup de force de la BCE va se retourner contre l’ensemble des peuples européens. Refuser de mettre en cause les politiques d’austérité c’est condamner la plupart des pays de l’UE au marasme. Le comble de l’absurde est atteint puisque même les pays en apparence prospères comme l’Allemagne, ne pourront éternellement vivre des déficits des autres.

 

- Télécharger le communiqué des ÉCONOMISTES ATTERÉS : ICI

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : La dette.... la dette ?

- Mon dossier Grèce

- Manifestation à Paris en réaction aux pressions de la BCE sur la Grèce

- Une annulation de la dette grecque n'aurait pas d'effet sur les impôts en France

- Putsch de la BCE : le gouvernement grec ne doit pas plier !

- Nous sommes avec la Grèce et l’Europe

- Alexis Tsipras se retrouve au pied du « mur de l’argent »

- Leçon grecque : plus aucun changement possible sans clash systémique

- Thomas Piketty: « on a fait de l’argent avec la dette grecque »

- Michel Sapin: «L’annulation de la dette grecque est une aberration, la renégociation est sur la table»

- Pour le FN, la Grèce doit rembourser sa dette

La BCE tente un coup d’État contre la Grèce
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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 10:33
Le programme de Syriza pour la Grèce

Programme Grec de Gouvernement : ce que fera un gouvernement Syriza
Transform! publie le programme de gouvernement de Syriza, dévoilé par Alexis Tsipras, le 15 septembre 2014, lors de la Foire Internationale de Salonique

 

Source : Le Parti de Gauche le 18 décembre 2014

- Le contexte de négociation

Nous exigeons la tenue immédiate d’élections parlementaires, ainsi qu’un mandat de négociation non équivoque, dans le but :

  • D’annuler la majeure partie de la valeur nominale de la dette publique, de sorte qu’elle devienne viable dans le contexte d’une « Conférence sur la Dette Européenne ». Cela s’est produit pour l’Allemagne, en 1953. Cela peut également se produire pour le Sud de l’Europe, et pour la Grèce.
  • D’inclure une « clause de croissance » dans le remboursement de la part restante, de façon à ce que la croissance, et non le budget, la finance.
  • D’inclure un délai de carence significatif pour le paiement des intérêts de la dette, de façon à consacrer ces fonds à l’aide à la croissance.
  • D’exclure l’investissement public des restrictions prévues par le Pacte de Croissance et de Stabilité.
  • D’aboutir à un « New Deal Européen » d’investissement public, financé par la Banque Européenne d’Investissement.
  • D’obtenir un assouplissement quantitatif de la part de la Banque Centrale Européenne, sous la forme d’achats directs d’obligations souveraines.
  • Enfin, nous déclarons qu’en ce qui nous concerne, le sujet du prêt de guerre auquel la Banque de Grèce fut contrainte, lors de l’occupation Nazie, n’est pas clos. Nos partenaires le savent. Dès que nous serons au pouvoir, ceci deviendra la position officielle du pays.


Sur la base de ce plan, nous nous battrons pour obtenir une solution viable au problème de dette de la Grèce, de sorte que notre pays soit en capacité de rembourser la dette restante à partir de la création de richesses nouvelles, et non du déficit budgétaire, qui absorbe les recettes de la société. Au moyen de ce plan, nous mènerons le pays, en toute sécurité, vers son redressement et la reconstruction de son appareil productif, en :

  • Augmentant immédiatement l’investissement public, d’au moins 4 milliards d’euros.
  • Réparant progressivement toutes les injustices causées par le Mémorandum.
  • Rétablissant progressivement, les niveaux de salaires et de pensions de retraite, de façon à accroître la consommation et la demande.
  • Accordant des incitations à la création d’emplois aux petites et moyennes entreprises ; subventionnant les dépenses énergétiques de l’industrie, en échange d’une clause de création d’emplois et de respect de l’environnement.
  • Investissant dans le savoir, la recherche, les nouvelles technologies, de façon à faire rentrer au pays les jeunes scientifiques, qui ont émigré en masse au cours des dernières années.
  • Reconstruisant l’État-providence, rétablissant le respect de la loi, créant un état méritocratique.


Nous sommes prêts à négocier, et nous œuvrons à la construction des alliances les plus larges possibles en Europe. Une fois de plus, le gouvernement Samaras en place, est prêt à accepter les décisions des créditeurs. 
L’alliance avec le gouvernement allemand, est la seule qu’il cherche à consolider. Telle est notre différence, et tel se présente, en fin de compte le dilemme : une négociation européenne, menée par un gouvernement Syriza, ou l’acceptation des termes imposés par les créditeurs à la Grèce, par le gouvernement Samaras. Négociation ou pas.

 

 

- Croissance ou austérité. Syriza ou la Nouvelle Démocratie. Cela dit, que se passera-t-il d’ici la fin des négociations ?

  • Avec SYRIZA, vers un Plan National de Reconstruction pour la société grecque.
  • Nous assumons nos responsabilités, et nous nous engageons auprès du peuple grec, à mettre en œuvre un Plan de National de Reconstruction, qui remplacera le Mémorandum dès nos premiers jours d’exercice du pouvoir, avant la fin des négociations, et quel qu’en soit le résultat. Le Plan National de Reconstruction se concentre sur quatre piliers principaux, visant à remédier à la désintégration économique et sociale, à reconstruire l’économie, à sortir de la crise.

 

 

Les quatre piliers du plan national de reconstruction

 

• Faire face à la crise humanitaire
• Redémarrer l’économie, promouvoir la justice fiscale
• Retrouver le plein emploi
• Transformer le système politique, afin d’approfondir la démocratie



- PREMIER PILIER : Faire face à la crise humanitaire. Coût total estimé 1 milliard 882 millions d’euros
Notre programme, visant à faire face sans attendre à la crise humanitaire, et d’un coût estimé à environ 2 milliards d’euros, correspond à une grille détaillée d’interventions de première urgence, qui permettront d’élever un bouclier de protection en faveur des couches sociales les plus vulnérables.

  • Électricité gratuite pour 300000 foyers, qui vivent à l’heure actuelle sous le seuil de pauvreté ; jusqu’à 300 kWh par mois et par famille, soit 3600 kWh par an. Coût total 59,4 millions d’euros.
  • Programme de repas subventionnés pour 300000 familles sans revenus. La mise en place se fera par l’intermédiaire d’une agence publique de coordination, en coopération avec les autorités locales, l’Église, et les organisations en charge de la solidarité. Coût total 756 millions d’euros.
  • Programme de promesse de logement. L’objectif à atteindre est la fourniture de 30000 appartements, dans un premier temps (30, 50, 70 m²), grâce à un système de loyers subventionnés, à 3 euros le m². Coût total : 54 millions d’euros.
  • Restitution de la prime de Noël, en tant que treizième mois, à 1262920 retraités dont la pension est inférieure ou égale à 700 euros par mois. Coût total 543,06 millions d’euros.
  • Soins médicaux, et pharmaceutiques gratuits, pour les chômeurs sans assurance. Coût total 350 millions d’euros.
  • Carte spéciale, donnant accès aux transports publics pour les chômeurs de longue durée, et pour les personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté.
  • Annulation du nivellement de l’impôt spécial à la consommation, sur le gazole domestique et automobile. Ramener pour les foyers le prix de base du chauffage au fuel à 0,90 euros par litre, au lieu des 1,20 en vigueur actuellement. Un bénéfice est attendu.



- DEUXIÈME PILIER : Redémarrer l’économie, promouvoir la justice fiscale. Coût total estimé : 6,5 milliards d’euros. Gain estimé 3 milliards d’euros.
Le deuxième pilier est centré sur des mesures destinées à redémarrer l’économie.
La priorité est donnée au soutien à l’économie réelle par la suppression d’impôts, au soulagement les citoyens qui plient sous le fardeau de la finance, à l’injection de liquidités, ainsi qu’à l’accroissement de la demande. 
Les impôts trop élevés, que paient la classe moyenne et ceux qui ne pratiquent pas l’évasion fiscale, prennent une partie importante des citoyens au piège d’une situation qui menace directement leur statut face à l’emploi, leurs biens privés, aussi modestes soient-ils, et jusqu’à leur existence physique, ainsi que le prouve le nombre sans précédent de suicides.


Règlement des obligations financières envers l’État et le fonds de sécurité sociale en 84 versements. 
Gain estimé : 3 milliards d’euros. Les mesures suivantes faciliteront la collecte des recettes annuelles que nous avons prévues (entre 5 et 15% du total dû) :

  • Arrêt immédiat des poursuites judiciaires, ainsi que des saisies/confiscations de comptes bancaires, résidences principales, salaires, etc … ; émission d’un certificat de décharge pour toutes les personnes concernées par la procédure de règlement-livraison.
  • Suspension, pour une durée de douze mois, des poursuites judiciaires, et de leurs mesures de mise en application, contre les débiteurs dont l’absence de revenus est prouvée, et qui prennent part à la procédure de règlement-livraison.
  • Abrogation du classement anticonstitutionnel des obligations financières impayées à l’État, parmi les infractions relevant du flagrant délit.
  • Abolition de l’acompte de 50% obligatoire sur la dette impayée, comme prérequis pour bénéficier d’une audience devant un tribunal. Un juge décidera du montant de l’acompte. Celui-ci s’élèvera à 10 – 20%, selon la situation pécuniaire du débiteur.


Abolition immédiate de l’impôt unifié sur la propriété (ENFIA), en vigueur actuellement. Création d’un impôt sur les propriétés étendues. Ajustement immédiat, à la baisse, du prix au m² des zones de propriété.
Coût estimé : 2 milliards d’euros. Cet impôt sera progressif, et son seuil d’exemption sera élevé. À l’exception des résidences de luxe, il ne s’appliquera pas aux résidences principales.
De plus, ne seront pas concernées les propriétés de petite taille, ni celles de taille moyenne.

 

Réinstauration du seuil de l’impôt annuel sur le revenu à 12000 euros. Augmentation du nombre de tranches du barème fiscal, afin de garantir une imposition progressive. Coût estimé : 1,5 milliard d’euros.

 

Dégrèvement sur les dettes personnelles, au moyen de la restructuration des créances en souffrance, par les individus, et par les entreprises. Ces nouvelles lois sur le dégrèvement comprendront : l’exonération partielle, au cas par cas, de la dette encourue par les personnes qui se trouvent aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté, ainsi que le principe général du réajustement de la dette impayée, de sorte que le service total de ses intérêts aux banques, à l’état, et aux fonds de sécurité sociale, n’excède pas le tiers des revenus du débiteur.

  • Nous mettons en place une organisation publique intermédiaire, chargée de la gestion de la dette privée, non pas en tant que structure de défaisance, mais à la fois comme gestionnaire des arriérés auprès des banques, et comme contrôleur bancaire, pour ce qui concerne la mise en œuvre des accords conclus.
  • Dans les jours prochains, SYRIZA déposera un projet de loi visant à étendre à l’infini la suspension des saisies de résidences principales, dont la valeur est inférieure à 300000 euros.
  • Ce projet comprendra également l’interdiction de vendre, ou de transférer, les droits sur les emprunts ou sur les prix du foncier, afin de confier des emprunts à des entreprises ou institutions financières non bancaires.
  • Mise en place d’une banque publique de développement, ainsi que de fonds communs de créances. Capital de démarrage ; 1 milliard d’euros.
  • Rétablissement du salaire minimum, à 751 euros. Coût nul.



- TROISIÈME PILIER : Plan national de retour au plein emploi. Coût estimé 3 milliards d’euros.
Notre plan de deux ans de retour au plein emploi, prévoit d’avoir pour effet une augmentation nette de 300000 emplois, dans tous les secteurs de l’économie – le privé, le public, le social. Un plan de ce type s’avère indispensable, si nous voulons intégrer les chômeurs de longue durée, en particulier les plus de 55 ans, mais aussi les jeunes chômeurs, dont la croissance économique n’affecterait pas le plus grand nombre. Notre plan réserverait des fonds à l’extension de l’assurance-chômage à de nouveaux bénéficiaires.

  • Remise en place du cadre institutionnel de protection des droits du travail, que les gouvernements signataires du Mémorandum, ont saccagé.
  • Réinstauration des soi-disant « répercussions » des accords collectifs ; des accords collectifs eux-mêmes, ainsi que de l’arbitrage.
  • Abolition de toute réglementation autorisant les licenciements massifs, injustifiables, ou encore la « location » d’employés. Coût nul.
  • Programme de création de 300000 emplois. Coût estimé la première année : 3 milliards d’euros.



- QUATRIÈME PILIER : Transformation du système politique, afin de renforcer la démocratie. Coût total estimé : 0 euro.
Dès la première année de gouvernement SYRIZA, nous engagerons le processus de reconstruction institutionnelle et démocratique de l’État. Nous donnerons les pleins pouvoirs aux institutions de la démocratie représentative, et nous introduirons de nouvelles institutions de démocratie directe.

  • Organisation de l’État en régions. Amélioration de la transparence, de l’autonomie économique, et du fonctionnement effectif des municipalités comme des régions. Nous donnerons les pleins pouvoirs aux institutions de démocratie directe, et en mettrons en place de nouvelles.
  • Donner du pouvoir à la participation démocratique citoyenne. Mise en place d’institutions nouvelles, comme la législation d’initiative populaire, le droit populaire de veto, le référendum d’initiative populaire.
  • Donner les pleins pouvoirs au Parlement, limitation de l’immunité parlementaire, abrogation du régime particulier des députés, qui frappe d’illégalité les poursuites judiciaires à leur encontre.
  • Réglementation du paysage audiovisuel, par le respect de conditions préalables, et l’adhésion à des critères stricts en matière de sécurité sociale, d’imposition, de financement. Remise en place de l’ERT (Télévision et radio Publiques), qui repartira de zéro.


Lors de l’estimation du coût du plan non négociable de mesures immédiates visant à restructurer la société, nous avons calculé le coût total du programme immédiat d’endiguement de la crise humanitaire, ainsi que les pertes fiscales liées à l’abolition de mesures fiscales monstrueuses. Il sera couvert de la manière suivante :

  • Avant tout, les procédures de règlement-livraison, et de compensation, devraient rapporter au minimum 20 milliards, sur un total de 68 milliards en arriérés, sur une période de sept ans. Cela reviendrait à ajouter 3 milliards d’euros aux recettes de l’État, la première année.
  • Deuxièmement, en s’attaquant avec vigueur à l’évasion fiscale ainsi qu’à la contrebande (en carburants, cigarettes, par exemple), ce qui requiert la résolution, la volonté politique, de s‘attaquer aux intérêts oligarchiques.
  • Pour ce qui concerne le capital de démarrage de l’organisation publique intermédiaire, ainsi que le coût de mise en place d’une banque publique de développement, et d’une structure de défaisance, le tout s’élevant à 3 milliards, nous les financerons à partir du soi-disant « coussin de sécurité » d’environ 11 milliards d’euros du Fonds Hellénique de Stabilité Financière, prévu pour le système bancaire.
  • Pour ce qui concerne le coût total du plan de retour au plein emploi, qui s’élève à 5 milliards d’euros, dont 3 correspondent au coût de la première année de mise en œuvre. Au cours de cette première année, le financement se fera grâce à : 1 milliard, provenant des « projets de ponts » du Cadre National de Référence Stratégique 2007-2013 ; 1,5 milliards provenant de son équivalent 2014-2020, et 500 millions d’autres instruments européens spécialisés dans l’aide à l’emploi

 

De plus, en raison de l’effort considérable qu’il faudra fournir pour rétablir le niveau des pensions de retraite, notre gouvernement ne mettra pas en vente les biens publics, mais en transférera une partie vers les fonds de sécurité sociale.


Il s’agit là de l’éventail minimum de mesures à prendre pour remédier aux conséquences catastrophiques de la Participation du Secteur Privé (PSI), pour les fonds de pension et les porteurs individuels d’obligations, et pour rétablir progressivement le niveau des pensions de retraite.

 

  • Coût total estimé du « PROGRAMME de SALONIQUE » : 11, 382 M.€
  • Recettes totales estimées : 12 M.€

Sur le même sujet :

- Mon dossier Grèce

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 09:00
Jacques Sapir : La zone euro ne survivra pas à l’année 2015

La Commission européenne a provisoirement validé le projet de budget 2015 présenté par la France, modifié dans le sens d’une accentuation de la réduction des déficits. La décision finale sera prise au printemps 2015 au moment où la France aura satisfait les exigences de la Commission européenne.

 

Source : RESEAU INTERNATIONAL par Valéria Smakhtina

Comment le fera-t-elle, si elle ne l’a pas fait depuis l’élection de François Hollande au poste de Président de la République en 2012 ? Aujourd’hui, la dette publique représente près de 95% du PIB, chiffre qui dépasse considérablement les 60 % demandés par l’Union européenne. De même avec le déficit public de 4,4 % contre maximum 3 % autorisés. Nous avons invité à débattre cette question le directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), le politologue Jacques SAPIR.

 

 

- Spoutnik : Que pensez-vous du projet de plan budgétaire 2015 de la France compte tenu de la situation économique actuelle au sein du pays et dans la zone euro ?

Jacques Sapir. Le projet de budget qui est en train d’être voté par le Parlement français et qui est aujourd’hui pratiquement finalisé ne correspond absolument pas aux besoins de l’économie française. Il est clair que dans ce projet de budget vous avez, à la fois, une insuffisance de l’effort de l’Etat en matière d’investissement et vous avez un excès de pression fiscale, en particulier, sur les ménages et sur les petites et moyennes entreprises. La combinaison de ces deux facteurs va être extrêmement perverse sur les résultats de l’économie française.

 

Spoutnik. La Commission européenne a rendu son avis sur les projets de budget 2015 des pays de la zone euro. Quant à la France, elle n’a pas constaté de « manquement grave », mais elle craint que le projet budgétaire présente un risque de non-respect des règles du pacte de stabilité et de croissance, qui prévoit un déficit public inférieur à 3% du PIB et une dette publique sous les 60% du PIB. Comment pourriez-vous commenter ce pronostic de la politique économique de la France ?

 

Jacques Sapir. Effectivement, la Commission européenne fait une observation très juste : le projet de budget est compatible avec une croissance relativement forte, la croissance qui est prévue est de l’ordre de 1,2 %. Il est tout à fait clair que jamais la France ne pourra avoir en 2015 cette croissance. Donc, la Commission européenne met en garde, évidemment, le gouvernement français contre le fait que les objectifs de déficit ne seront pas tenus. De ce point de vue, elle a raison.

 

Mais de l’autre côté, il faut comprendre que le projet de budget de la France essaie de faire un équilibre entre, à la fois, le besoin de stabiliser le déficit budgétaire et la nécessité de relancer l’économie et, d’une certaine manière, de développer la dépense publique. Ici, on se retrouve avec une contradiction qui est propre à la Commission européenne. La Commission européenne voudrait, à la fois, que l’Europe se développe, mais elle impose des politiques budgétaires qui, au contraire, vont plonger l’Europe dans la récession.

 

A partir de là, on peut dire que, bien sûr, ce que propose la Commission européenne n’est pas juste, même si elle fait des observations justes, sur le budget de la France. Fondamentalement, la seule manière pour la France de retrouver une forte croissance et, à terme, évidemment, d’avoir un espoir de consolider et de stabiliser son budget et de réduire fortement son déficit, le seul espoir serait une amélioration très forte de la compétitivité de l’économie française qui passe, en réalité, par une sortie de la zone euro et par une dévaluation massive du franc retrouvé dans cette nouvelle situation monétaire.

 

 

- Spoutnik : Est-il vraiment possible que la France sorte de la zone euro et, par conséquent, de l’Union européenne ?

Jacques Sapir. Il y a deux problèmes. Faut-il sortir de la zone euro ? Oui, bien sûr. Je pense que la zone euro ne survivra pas à l’année 2015. Maintenant, faut-il sortir de l’Union européenne ? S’il s’agit de l’Union européenne telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, c’est probable. A partir du moment où la zone euro n’existera plus, l’Union européenne elle-même sera largement modifiée et, dans ce cas-là, on peut parfaitement estimer que la France pourrait rester dans une Union européenne largement modifiée.

 

Spoutnik. Vous évoquez, plutôt, des démarches à long terme, mais pour revenir à court terme, qu’est-ce que la France pourra faire maintenant pour réconcilier, d’une part, un projet de budget qui n’est pas compatible avec ses besoins et, d’autre part, avec ce que lui demande la Commission européenne ?

 

Jacques Sapir. C’est tout le problème ! La France, ou elle donne satisfaction à la Commission européenne et elle rentre en récession, ou elle ne donne pas satisfaction à la Commission européenne et elle maintient une croissance très faible voire une espèce de stagnation, mais elle voit ses déficits exploser. En réalité, elle ne peut ni donner satisfaction à la Commission européenne, ni relancer sa croissance tant qu’elle reste dans la zone euro.

 

Tant que les hommes politiques n’auront pas pris conscience de cette contradiction de l’économie française et ne reconnaîtront pas la réalité de cette contradiction, ils seront amenés à connaître des positions de basculement, un jour, plus d’austérité, puis, immédiatement, regardant les conséquences de cette austérité, faire de la relance, cette relance recreuse les déficits, il s’agit de la balance commerciale ou du déficit du budget, donc, on revient à l’austérité. D’une certaine manière, on parcourt le cercle des différentes politiques économiques possibles à toute vitesse et on revient toujours à son point de départ.

 

Commentaire. A l’origine, la création de la zone euro n’était pas un choix économique, mais politique. Dans les années 1989-1991, François Mitterrand voulait utiliser la puissance monétaire de Bundesbank de façon à ce que cela permette à l’Hexagone d’exercer une influence prépondérante. Comme la monnaie unie était la condition de la France pour la réunification allemande après la chute du mur de Berlin, le pays a accepté. 20 ans plus tard, le rôle de l’Allemagne a changé, ainsi que la situation économique en Union européenne. Surévaluation, baisse des salaires et de la croissance, divergences économiques entre Etats membres, impossibilité d’ajuster les déséquilibres commerciaux : la monnaie unique présente une catastrophe économique pour tous les Etats membres, surtout, pour les économies dites « à risque ».

 

En tant que membre de la zone euro, la France ne peut pas régler ses problèmes par elle-même, mais doit se résigner aux standards et aux exigences souvent dictés à la Commission européenne par la « locomotive allemande ». Ainsi, pour éviter une récession profonde, le pays doit soit influencer la politique allemande, soit rétablir sa souveraineté monétaire.

 

La France ne serait pas la première à revenir à la monnaie nationale. A l’époque où les pays de l’Union européenne ratifiaient le traité de Maastricht, la Tchécoslovaquie prenait le sens inverse. Après avoir partagé une même monnaie pendant plusieurs années, deux Etats, tchèque et slovaque, ont choisi d’introduire des monnaies nationales distinctes. La situation actuelle rappelle cet exemple de 1993. Car les économies « à risque » de la France, de l’Espagne et de l’Italie ne pourront éviter une catastrophe qu’en menant des politiques monétaire et budgétaire indépendantes, adaptées aux réalités économiques différentes des pays du continent européen. Quant à l’euro, il pourrait déborder du cadre européen et constituer un concurrent du dollar.

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28 janvier 2015 3 28 /01 /janvier /2015 09:00
Comment ne pas rembourser la dette illégitime ?
Sources :  L'Humanité par Sandro Poli coresponsable commission économie du Parti de Gauche - 19/12 2014

- La droite et la social-démocratie européennes se posent la même question : comment rembourser la dette ?

Au contraire, pour Jean-Luc Mélenchon et le Parti de gauche, la dette ne sera pas remboursée. Ce constat est partagé par de nombreux économistes, dont l’éditorialiste du Financial Times, Wolfgang Munchau, pour qui « la gauche radicale a raison à propos de la dette en Europe ». Il s’agit donc pour nous d’engager un tout autre débat : comment ne pas rembourser la dette ? On estime à 59 % le stock de dette publique pouvant être considéré comme illégitime, soit 1 200 milliards d’euros. Ces milliards proviennent de l’accumulation depuis 1985 d’intérêts ou de cadeaux fiscaux au bénéfice des financiers à l’origine de la crise de 2008. Il existe trois façons de ne pas rembourser : l’austérité financière, le défaut de paiement, l’impôt général sur le capital.

 

 

- L’austérité financière consiste à restreindre le montant des intérêts réels perçus par les détenteurs de capitaux.

Ainsi, Carmen Reinhart rappelle dans une étude de 2011 que la baisse des dettes publiques à la suite de la Seconde Guerre mondiale s’est faite principalement par des politiques inflationnistes ou contraignant les taux nominaux. Conséquence, sous le seul effet de ces politiques, les taux d’intérêt réels sont négatifs 50 % du temps entre 1945 et 1980 ! Entre 1945 et 1955, la dette diminue de moitié aux États-Unis et passe de 215 % à 138 % du PIB au Royaume-Uni. Le défaut de paiement, ou restructuration, consiste à abaisser le montant des emprunts en cours ou à allonger leur maturité. Entre 1930 et 1945, environ 15 % des pays développés font défaut chaque année. C’est le cas de la France en 1932 : elle choisit d’étendre certaines maturités à soixante-quinze ans et d’abaisser les taux de ses emprunts. Ce sera à nouveau le cas en 1934 pour sa dette américaine, un défaut correspondant alors à 24 % de son PIB ! Contrairement aux idées reçues, l’étude des données historiques montre que l’activité économique augmente de 16 % sur les quatre années qui suivent la restructuration.

 

 

- La taxation du patrimoine est avancée notamment par Thomas Piketty.

Il s’agit de prendre à César ce qui ne lui appartient pas. À ces 1 200 milliards de dettes illégitimes correspondent 1 200 milliards de créances illégitimes, d’autant plus que 5 800 milliards sommeillent dans les paradis fiscaux, dont 40 % appartiennent à des ménages européens. Un impôt général sur le capital, couplé à la lutte contre les paradis fiscaux, permettrait donc à l’État de faire payer la dette à ceux qui profitent de son accumulation. L’Islande a d’ailleurs suivi ce modèle en 2012 puis 2014 s’agissant de sa dette immobilière.

 

Chacune de ces trois options affaiblira le pouvoir des détenteurs de capitaux : il ne s’agit pas d’un choix politiquement neutre. Pour l’instant, le rapport de forces est favorable aux prêteurs, qui détiennent en partie le pouvoir médiatique et financent les partis de la Ve République. Le passage à la VIe République sera l’occasion de répudier ces dettes issues du passé ! Comme l’écrivait Marx : « Le crédit public et le crédit privé sont le thermomètre économique permettant de mesurer l’intensité d’une révolution. Dans la mesure où ils baissent, l’ardeur et la force créatrice de la révolution montent. »

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : La dette.... la dette ?

- Faut-il vraiment payer toute la dette ?

- Joseph Stiglitz montre qu’une suspension du paiement de la dette peut être bénéfique pour un pays et sa population

- Quand le « Financial Times » soutient les propositions de la gauche radicale en Europe

Comment ne pas rembourser la dette illégitime ?
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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 09:00
Les 1% possèdent 50% du monde. La nausée devant le rapport 2015 d’Oxfam

Ce 19 janvier 2015, Oxfam publie son dernier rapport sur la répartition des richesses dans le monde. Sans surprise, les 1% s’accaparent une part toujours plus grande des richesses par rapport aux années précédentes. Les chiffres qui donnent le tournis  font voler en éclat quelques certitudes. Voici notre sélection de 6 chiffres clés de l’étude dont on peut tirer un enseignement.

 

Sources : Mr Mondialisation 19 janvier 2015

Le rapport consultable gratuitement en ligne révèle une fois encore l’ampleur des inégalités dans le monde. Sur la base des données fournies par le Crédit Suisse, l’ONG tire quelques chiffres et conclusions qui font froid dans le dos.

 

 

- La « moitié de la terre » appartiendra sous peu au 1%

 

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Comme si la crise avait profité aux plus fortunés, on constate dans l’étude d’Oxfam que 2008 fut une année charnière. Alors que la part des richesses semblait augmenter au profit des 99%, tout bascule après 2008 en faveur des 1%. 

 

Très précisément, ce sont 48% des richesses qui sont détenues par les 1%, laissant 52% aux moins riches.

 

La courbe semble indiquer que la tendance pourrait aller en s’accentuant. D’ici deux ans, les 1% les plus riches vont cumuler à eux seuls plus de richesses que 99% de la population.

 

 

- Les 52% restants bénéficient aux 99%, mais pas vraiment…

On pourrait croire que les 99% se partagent le pactole des 52% des richesses restantes. C’est loin d’être aussi évident. En réalité, seulement 20% du monde restant (les plus riches de la planète exceptés les 1%) se partagent les 52% de la richesse, celle n’appartenant pas aux 1%… Donc, si on oublie un instant les 1% milliardaires, 20% du monde profite de la quasi totalité des richesses disponibles. Si vous faites partie de la classe moyenne occidentale, vous êtes probablement dans cette catégorie des 20%. Ce qui signifie que les 80% de la population, soit la majorité, doit aujourd’hui vivre sur les restes d’autres restes…

 

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- 80 % de la population mondiale se partage 5,5 % des richesses

Si on enlève les 1% des plus riches et les 20% « moins riches » , il ne reste que 5,5% des richesses à partager entre 80% de la population. En d’autres termes, la majorité actuelle du monde doit se contenter des miettes. Derrière des chiffres impressionnants, ceci peut se caractériser dans les faits soit par un manque d’accès à des ressources, soit par la misère, la maladie, la famine ou la mort.

 

Les critiques diront qu’il suffit que ces 80% se développent à leur tour sans nécessairement s’accaparer les richesses des plus riches. Cependant, le partage des ressources dans un espace limité qu’est la terre ne donne pas vraiment raison à cette hypothèse. Si le développement doit effectivement se dérouler dans une mesure juste, ceci ne suffira pas pour justifier un équilibre de la répartition des richesses, donc de l’accès aux ressources.

 

Notons que seulement 80 personnes se partagent 1 900 milliards de dollars en 2014, soit 600 milliards de plus en 4 ans, la moitié du monde, alors que 3,5 milliards de personnes les moins riches doivent se partager les mêmes richesses que ces 80 personnes extrêmement fortunées. 

 

 

- Les riches encore plus riches, les pauvres toujours plus pauvres

 

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On vous a probablement répété l’idée que l’augmentation des richesses est profitable à tous ? C’est peut-être vrai dans une certaine mesure, localement, avec un système de partage efficace. Mais à l’échelle mondiale, où la finance et un capitalisme de connivences règnent, rien ne semble plus faux depuis la crise. Ainsi, l’étude constate que dans la période où le patrimoine des plus riches explose de manière démesurée, celui des moins riches a fortement diminué, jusqu’à un croisement de courbes. Fin de la « théorie du ruissellement ».

 

 

- 30% des milliardaires sont américains. 90% sont des hommes.

La caricature serait-elle proche de la réalité ? L’étude révèle également que la richesse est très injustement répartie surtout de manière géographique et sexuelle. La richesse a une forte tendance à se concentrer dans les pays occidentaux et dans les mains de la gente masculine. L’argent étant directement lié au pouvoir, on vous laisse tirer les conclusions que vous voudrez quant à l’égalité des sexes toute relative, chez les petits comme chez « les grands » de ce monde.

 

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- Ces milliardaires investissent dans le lobbying pour manipuler les règles.

Face à ces chiffres impressionnant, la tolérance voudrait qu’on puisse au pire se réjouir de la réussite d’une poignée d’individu, au mieux détourner le regard. Mais ces richesses ne sont pas simplement des chiffres stockés dans des ordinateurs. Ils ont le pouvoir de modeler le monde à travers le lobbying.

 

Qu’est-ce que ceci indique ? Que les intérêts particuliers d’une poignée d’individus font obstacle à un monde plus juste. En effet, pour préserver leur pouvoir, ces 1% ont tout intérêt à investir dans des outils légaux comme des lobbies dont la puissance n’est plus à démontrer. Rien qu’à Bruxelles, c’est près de 5 kimomètres carrés de bâtiments qui sont consacrés au lobbying. Ceci apparait comme étant un obstacle majeur au développement d’une société sereine et tout aussi grave encore, à la préservation de l’environnement et donc de notre capacité à survivre ensemble sur terre. Rappelons enfin que ceci se déroule alors que 4 des 9 limites planétaires sont déjà franchies si on en croit les dernières études publiées dans Science ce début 2015.

 

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- Voici la (petite) bonne nouvelle !

La « bonne nouvelle » si on en croit Oxfam, c’est que l’Humanité baigne dans la richesse. Il y a largement assez pour tous.

 

Concrètement, Oxfam indique 9 solutions pour endiguer cet accaparement de la richesse mondiale produite par tous et chacun.

Parmi ces solutions :

  • des services publics 100% gratuits ;
  • un revenu de base universel !

 

Notons également qu’en 20 ans, le nombre d’affamés est passé de 24% à 14% de la population mondiale. L’extrême pauvreté recule, mais beaucoup trop lentement alors qu’une pauvreté « normale » semble se maintenir… Mobilisons-nous !

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20 janvier 2015 2 20 /01 /janvier /2015 18:43
Projet de loi sur la transition énergétique : l’énergie ne doit pas servir la finance !

Ce projet de loi s’inscrit dans la volonté de casser les services publics pour les livrer à la voracité des marchés financiers, à la spéculation, comme l’exigent les directives de l’Union européenne.

 

Le 8 avril 1946 a été votée la loi de nationalisation d’EDF-GDF, dans la foulée des conquêtes sociales arrachées au patronat, comme la Sécurité sociale,…

 

Après l’ouverture à la concurrence en 2007 pour les particuliers, 11 millions de français sont à ce jour en situation de précarité énergétique, tandis que les dividendes versés aux actionnaires ont explosé !

 

-Sinon, quelles conséquences ?

Derrière les intentions affichées (lutte contre le réchauffement climatique,…) il y a les véritables objectifs. Entre autres :

  • Hausse continue du prix de l’énergie, déjà plus de 75% pour le gaz et 25% pour l’électricité !

  • Régionalisation de la distribution, avec des tarifs différents selon les régions (la fin de la péréquation tarifaire)!

  • Danger sur la continuité de la fourniture d’énergie et problème de sureté d’approvisionnement !

  • Casse de l’outil industriel, garant du service public et suppressions d’emplois !

  • Mise en concurrence et privatisation des barrages hydrauliques (création de SEM – Sociétés d’économie mixte). La part de l’Etat et des collectivités territoriales ne pourrait dépasser 34 % !

 

- Et bien d’autres raisons qui font que les usagers, citoyens, élus et personnels ont des intérêts communs à défendre.

 

Il est donc important de se rassembler :

 

Avec le Syndicat CGT Energie 17

Réunion publique

vendredi 23 janvier 2015 – 18 h 30

Salle de L’Arsenal (Place Marcet) La Rochelle

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19 janvier 2015 1 19 /01 /janvier /2015 12:09
L’économie de la mer, horizon politique

7 février 2014 par Nicolas Lambert et le 17 janvier 2015 par Jean Luc Mélenchon
Source :
Carnet carthographique

Les océans représentent 70% de la surface de la planète. Plus des deux-tiers de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres d’une côte. La mer est obligatoirement la nouvelle frontière de l’humanité“. Voilà comment parle de ce nouvel horizon, J.L. Mélenchon qui n’a de cesse de tenter de faire rentrer la question de la mer dans le débat public [Cf. faire entrer la mer en politique] et aussi [Cf. La mer, avenir de l'humanité].

 

Ce positionnement, s’il n’est pas dénué d’universalisme est d’autant plus intéressant et stratégique pour la France que notre territoire national représente la deuxième plus grande surface maritime du monde, juste derrière les États-unis. Pour contribuer au débat, j’ai donc réalisé une carte par anamorphose montrant le poids des états en fonction de la surface de leur zone exclusive économique*.

 

Sur la carte en image de couverture de cet article, la taille des pays est proportionnelle à leur surface maritime territoriale. Les 5 premiers pays sont représentés en bleu foncé.

 

(*) D’après le droit de la mer, une zone économique exclusive (ZEE) est un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources. Elle s’étend à partir de la ligne de base de l’État jusqu’à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum. Le terme est parfois abusivement appliqué aussi aux eaux territoriales et aux extensions possibles du plateau continental au-delà de ces 200 milles marins.

 

 

- 17 janvier 2015 : forum de la Mer- introduction de Jean-Luc Mélenchon

- L'économie de la mer : rencontre avec Jean-Marie Biette

Jean-Luc Mélenchon reçoit Jean-Marie Biette, journaliste chez «Le Marin» et auteur de «La mer est l'avenir de la France», pour parler de l'économie de la mer.

Pour en savoir plus :

- mon dossier économie de la mer

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17 janvier 2015 6 17 /01 /janvier /2015 09:00
La dépense publique sauve la France de la dépression

La politique de l'offre ne marche pas !

 

Mois après mois, le gouvernement se ravise. Fin 2012, il tablait sur une croissance annuelle du PIB de 2 % (en volume) à compter de 2014. On a finalement une quasi-stagnation : 0,4 % (après déjà 0,3 % en 2012 et en 2013), avec le risque sérieux de ne guère faire mieux l’an prochain. La réduction promise des déficits publics et de la dette publique n’a pas davantage eu lieu. Fin 2012, le gouvernement prévoyait un déficit de 2,2 % du PIB pour 2014, il est finalement le double, à 4,4 %. La dette publique prévue à 90,5 % s’établit à 95,3 %. Comment expliquer ces « erreurs » de prévision ? A chaque fois, le gouvernement a sous-estimé l’impact récessif de sa politique. L’austérité budgétaire et salariale étouffe l’activité. Cela réduit d’autant les recettes fiscales et augmente mécaniquement les déficits et les dettes, puisque ceux-ci sont calculés par rapport à un PIB… qui se contracte.

 

Sources : Les Economistes Atterés par Christophe Ramaux le Jeudi 27 Novembre 2014

- La dépense publique soutient massivement l’activité.

Ce qui est vrai de façon générale l’est plus encore lorsque le privé se porte mal. Or, la grande crise ouverte en 2007 est celle du régime néolibéral qui pendant des années avait soutenu la demande par la dette privée en lieu et place de la hausse des salaires. Depuis 2007, le privé est contraint de se désendetter. Cela entraîne un choc négatif de demande. Si le public ne prend pas le relais, c’est la catastrophe assurée : baisse de production mais aussi baisse des prix, ce qui finalement rend impossible le désendettement. Le FMI, lui-même, a finalement reconnu cela. Preuve qu’il a poussé loin sa conversion au néolibéralisme, le gouvernement ne l’admet toujours pas.

 

A l’échelle mondiale, les plans de relance monétaire et budgétaire ont permis que la Grande récession ouverte en 2007 ne se transforme pas en Grande dépression. Mais les dirigeants européens ont refusé de reconnaître ce rôle positif de l’intervention publique. Après une brève parenthèse keynésienne en 2008 et 2009, ils ont, contre l’avis même des Etats-Unis, pris le tournant vers l’austérité. Quatre ans après, le bilan est affligeant. Les pays qui ont été le plus loin dans l’austérité budgétaire (Grèce, Portugal, Espagne…) connaissent une véritable dépression. Leur PIB s’effondre. Et leur dette publique, loin de se réduire, augmente fortement (on retrouve « l’effet dénominateur »).


La France a, elle aussi, pris le chemin de l’austérité, ce qui explique son enlisement dans la stagnation. Mais cette austérité a été moins brutale qu’en Europe du Sud de sorte qu’elle n’est pas en dépression. Cela mérite d’être souligné : c’est grâce à la dépense publique, cette grande galeuse selon les libéraux, que nous échappons pour l’heure à la dépression.

 

 

- Depuis 2011, la demande du privé est dramatiquement orientée à la baisse

Moins 1,5 milliard (Md) pour la consommation des ménages et surtout moins 13 Mds pour leur investissement en logement (les chiffres sont en volume) ; l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 2,6 Mds. Si le PIB a néanmoins augmenté de 21,6 Mds entre 2011 et 2014, c’est grâce à la dépense publique. La « dépense de consommation finale » des administrations publiques tout d’abord (+26,8 Mds) constituée de consommations individuelles (éducation, médicaments, soin, etc.) et collectives (justice, police, etc.). L’investissement public (+1,5 Md) ensuite qui n’a pas complètement fléchi sur la période. S’y ajoutent les prestations sociales en espèces (retraite, allocations familiales et chômage, etc.). Entre 2011 et 2014, le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a régressé (-0,9 % en 2012, 0 % en 2013 et +0,7 % prévu en 2014) ce qui explique la compression de la consommation des ménages. Mais il aurait régressé bien plus si les prestations sociales en espèces (retraite, allocation chômage et familiales, etc.) qui en représentent plus d’un tiers ne l’avaient pas soutenu. Elles ont en effet augmenté de plus de 20 Mds depuis 2011.


Au final, la somme des contributions directes de la dépense publique s’est élevée à environ 50 milliards ces trois dernières années, soit 2,3 points de PIB et 3,5 points si l’on retient l’hypothèse réaliste d’un multiplicateur budgétaire de l’ordre de 1,5. L’austérité budgétaire a bien eu lieu (la hausse de la dépense publique est passée de 2% par an entre 2002 et 2011 à 1,2 % en 2012 et 2013 puis 0,9 % en 2014). Mais c’est parce que légère hausse de la dépense publique il y a eu néanmoins que la France a échappé à la dépression.

 

Loin de tirer cette leçon, le gouvernement planifie une nouvelle baisse de 50 Mds de la dépense publique sur les trois prochaines années[1]. Il s’agit certes d’une baisse, non pas « sèche », mais par rapport à la hausse prévue. C’est cependant un nouveau coup de frein. La hausse des dépenses serait réduite à 0,2 % en 2015, puis 0,5 % en 2016 et… 0 % en 2017 ! Le gouvernement prévoit simultanément un retour à la croissance : 1 % pour 2015, 1,7 % en 2016 1,9 % en 2017, puis 2 % à partir de 2018. Partant, il escompte une baisse de la dette publique à partir de 2017 (98 % en 2016 et 92,9 % en 2019). Mais il sous-estime, à nouveau, l’impact récessif de ces décisions. Déjà, il apparaît clairement que la croissance sera bien moindre que le 1 % prévu l’an prochain.

 

Note :

[1] Pour une critique du Projet de loi de finance 2015, voir le document réalisé en commun par les Économistes atterrés, Attac et la Fondation Copernic « Budget 2015 : un mauvais tournant », http://atterres.org/article/budget-2015-un-mauvais-tournant-0

 

 

- Il est temps de porter un autre regard sur la dépense publique

Il faut en premier lieu cesser de se méprendre sur le sens de certains chiffres. Si la dépense publique (1 200 Mds) « équivaut » à 57 % du PIB, cela ne signifie aucunement qu’il ne reste que 43 % pour le privé. Car la dépense publique n’est pas une part du PIB : la dépense privée, calculée à son instar, équivaut à plus de 200 % du PIB.


La dépense publique compte en fait deux grandes composantes. D’un côté des prestations sociales (retraite, soins, médicaments, allocations familiales ou chômage…) qui sont versées aux ménages et soutiennent massivement leur consommation auprès du… privé. L’autre principal volet de la dépense publique sert à payer les fonctionnaires et les investissements indispensables pour faire vivre les services publics (éducation, etc.). Ces derniers ne sont pas « improductifs » : non seulement ils déterminent la puissance économique à long terme d’un pays, mais ils augmentent d’emblée le PIB, car un fonctionnaire y contribue, est productif. La valeur ajoutée par les administrations publiques s’élève à 355 milliards, cela représente 1/3 de celle des sociétés non financières.


Au final, la dépense publique soutient près de la moitié des débouchés en France, que ce soit directement, via la production de services publics, ou indirectement, via les prestations sociales qui soutiennent la consommation auprès du privé. Il faut décidément cesser de la regarder comme une « charge ».

 

Ex : En période de crise la culture n'est pas un coût pour la nation... alors que ce secteur économique contribue à la richesse nationale. La valeur ajoutée des activités culturelles est, en 2011, équivalente à celle de l'agriculture et des industries agroalimentaires cumulées.

La dépense publique sauve la France de la dépression
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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 09:00
Des rémunérations exorbitantes, scandaleuses… et déconnectées de toute réalité

Source : Conscience Citoyenne Responsable par 2ccr le 24 décembre 2014, le Blog de jean Luc Mélenchon

Je précise tout d’abord très clairement que la cible visée ici est : premièrement, les 50 ou 100 PDG des plus grandes entreprises françaises, deuxièmement, les premières centaines des dirigeants américains les mieux payés. Quand à ceux qui se pensent plus riches qu’ils ne sont, rappelons que 20% des français croient faire partie des 1% les plus riches, je pense sincèrement que souvent ils se trompent de combat et qu’un meilleur partage des richesses conduirait à une société apaisée, moins violente et plus ouverte sur l’avenir.

 

Ceci étant dit, on entend parfois que ces hausses de rémunérations sont liées au fait que les entreprises ont grandi, et réalisent plus de bénéfices. C’est tout simplement faux : on constate  qu’il n’en est rien, et que, bien au contraire, la rémunération des PDG ramenée aux bénéfices de leur entreprise est 6 à 10 fois supérieure au consensus historique. D’ailleurs, il n’y a pas de raison dans l’absolu que cette rémunération soit directement indexée sur le volume des profits… Le service rendu par le PDG d’une entreprise de 100 000 salariés est-il 10 fois supérieur à celui d’une entreprise de 10 000 salariés ?

 

Cela rend illisible toute l’échelle de rémunération des entreprises et du pays : en quoi un PDG rendrait-il plus de services au pays que les plus dirigeants de la justice, de la défense, de l’éducation, du pouvoir politique ? Le président d’un pays n’a-t-il pas une responsabilité écrasante par rapport à un grand patron ? Et quoi, il faudrait payer M. Obama 20 milliards de dollars par an alors ? Le salaire des patrons de Hedge Funds est écœurant – surtout quand on sait que ce sont ceux qui se sont enrichis en pariant sur l’écroulement des subprimes…

 

Intéressons-nous maintenant à l’évolution de la structure de la rémunération, entre salaire fixe et salaire variable, qui est pour moi un aspect fondamental du problème. La croissance de la rémunération indexée sur le cours de bourse est patente – alors que la stabilité a prévalu pendant 60 ans… Le phénomène n’a pas touché que le Top 50, le Top 500 est dans le même cas. Le salaire fixe ne compte plus que pour 15 % du total… La part fixe du salaire est désormais négligeable, la fortune des PDG se faisant par l’évolution des cours boursiers, avec lesquels elle est très corrélée, bien plus qu’avec l’évolution des profits. A contrario, le pouvoir d’achat des travailleurs américains n’a connu aucune progression en quinze ans.

 

Et en France me direz-vous ? Les niveaux atteints en 2007 ont été incroyables – 23 M€ pour le record ! Toujours dû uniquement à la Bourse. Mais évidemment, cela n’a pas duré : la Crise a raboté les cours boursiers, et donc les rémunérations. Du coup, les grands dirigeants ont trouvé la parade : en revenir aux fondamentaux ! Beaucoup ont vu leurs salaires fixes et variables augmenter, et les stock-options sont de plus en plus remplacées par des distributions d’actions gratuites. On ne peut plus gagner les mêmes fortunes, mais au moins, à tous les coups on gagne ! Ainsi, le même phénomène s’observe en France, seule l’ampleur des rémunérations étant nettement moins élevée. Rappelons toutefois que 10 M€ par an, c’est environ 50 000 € par jour travaillé…

 

Cette question souffre finalement de l’absence de repère : combien payer « les meilleurs PDG » ? Aujourd’hui c’est 10 M€, mais pourquoi ceci plutôt que 1 M€ ou 100 M€, l’entreprise faisant des milliards d’euros de résultat ? On conçoit bien qu’il ne peut y avoir de « marché » en l’espèce, de véritable loi de l’offre et de la demande efficiente, puisqu’il s’agit de fixer la borne supérieure. Tordons le cou au discours de “laissons le marché fixer le prix”, puisqu’il n’y pas de marché efficient ; si tel était le cas, tous nos PDG devraient être chinois ou indiens et payés 200 000 € par an…Et ce, pour une raison simple : les comités de rémunération qui fixent le salaire des PDG sont constitués de patrons ou d’anciens patrons ! Bref, les patrons fixent le salaire des patrons, ce qui ne peut qu’entraîner des hausses sans fin, à fortiori quand le capitalisme français souffre d’une endogamie chronique : rappelons en effet que le cercle des administrateurs du CAC 40 est particulièrement fermé, puisque 98 des administrateurs (22%) détiennent 43% des droits de vote.

 

Des propositions : Jean Luc Mélenchon candidat aux Présidentielles 2012 pour le Front de Gauche

 

- Taxer les riches avec le revenu maximum et le salaire maximum

L'idée de la taxation des riches progresse. Elle est la clef de la solution de ce qu'il est convenu d'appeler la crise de la dette publique. Elle est au cœur des propositions que le Front de Gauche défend depuis deux ans pour le partage des richesses. Avec notamment le salaire maximum et le revenu maximum.

 

 

- Des inégalités indécentes et néfastes

  • Les patrons du CAC 40 gagnent en moyenne 300 fois le revenu médian des Français.

Un patron du CAC 40 gagne ainsi en 1 jour ce qu’un smicard gagne en 1 an.

  • Les 500 + gros actionnaires français détiennent 15 % du PIB contre 6 % il y a 10 ans

10 % les plus riches = 25 % des revenus du pays (et ont capté 33 % des hausses de revenus de 2004 à 2007)
10 % les moins riches = 3,5 % des revenus du pays

 

Depuis 1998 :
- pour les 0,01% les plus riches (6 000 personnes) : + 51 % de revenus
- pour les 90% les moins riches (23 millions de salariés) : + 3,1 % de revenus
Les revenus des 6 000 plus riches ont augmenté 17 fois plus vite que ceux de 23 millions de personnes = un enrichissement indu, sans cause économique légitime

 

Carlos Goshn, Renault/Nissan : 770 ans de SMIC (6 000 emplois supprimés)
Chris Viehbacher, Sanofi-Aventis : 590 ans de SMIC (3 000 emplois supprimés)
Christophe de Margerie, Total : 375 ans de SMIC
Gérard Mestrallet, GDF/Suez : 280 ans de SMIC
Henri de Castries, AXA : 265 ans de SMIC
Lakshi Mittal, Arcelor : 216 ans de SMIC
Baudoin Prot, BNP : 200 ans de SMIC
Didier Lombard, France Télécom : 140 ans de SMIC

 

- Pour un salaire maximum dans les entreprises
= pas de salaire supérieur à 20 fois le salaire le plus bas
Ce plafonnement permettrait de contraindre les patrons à augmenter les plus bas salaires avant de s’augmenter : cela permettrait d'enclencher un cercle vertueux en faveur de l'augmentation prioritaire des bas salaires.

 

 

- Pour un revenu maximum autorisé
= taxation à 100 % des revenus (tous revenus confondus) au-delà de 20 fois le revenu médian

 

 

- Qui serait concerné par la taxation à 100 % ?

Ceux qui gagnent plus de 360 000 euros annuels, c'est à dire plus de 30 000 euros mensuels = 0,05 % des contribuables, soit 15 000 ultra-riches

 

 

- Une mesure qui rendrait l'impôt sur le revenu plus progressif :

- Création de 9 nouvelles tranches progressives du taux supérieur actuel de 40 % jusqu'à 100 % : soit un impôt à 14 tranches comme en 1981
- 5 % des contribuables les plus riches seraient concernés par  cette augmentation progressive des tranches. Les contribuables concernés par ces nouvelles tranches gagnent plus de 70 000 euros de revenus annuels, soit 6 000 euros mensuels.

 

 

- Cela ne pénaliserait pas l'économie :

- le revenu moyen des 3 millions de chefs d’entreprise du pays est de 40 000 euros annuels, soit nettement moins que les 70 000 euros à partir desquels la taxation serait relevée
- le revenu moyen des patrons d'entreprises entre 50 et 100 salariés est de 110 000 euros annuels
–> donc nettement en dessous du plafond de 360 000 euros proposé pour la taxation à 100 %.

Le revenu maximum ne pénaliserait donc nullement l'économie productive mais frapperait l'accumulation spéculative des rentiers qui se concentre dans les secteurs de la finance, de la communication et du show-business qui vampirisent toute l'économie.



- C'est possible et il existe des précédents :

- de 2002 à aujourd'hui, le taux supérieur de l'impôt sur le revenu est rapidement passé de 52 % à 40 %
- jusqu'en 1986, le taux supérieur était à 65 % (avec 14 tranches contre 5 aujourd'hui) et il dépassait même les 90 % sous la IIIème République
- aux USA Roosevelt avait porté le taux supérieur à 91 % et il est resté à 70 % jusqu'en 1980
- un revenu maximum a été instauré dés la révolution française dans le décret du 4 août 1789 qui, en abolissant les privilèges, plafonnait à 3 000 livres annuelles les revenus tirés de rentes

 

Pour en savoir plus :

- Et pourquoi pas un salaire maximum ?

- Le revenu maximal : une nécessité

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22 décembre 2014 1 22 /12 /décembre /2014 09:00
Jacques Généreux : "Le seul moyen de faire bouger l’Europe, c’est de violer les traités " !

Le 23/10/2014

« Ce sont des imbéciles heureux ! Une stupidité absolue ! Ils croient que dans un pays en récession, le seul moyen de redémarrer c’est de relancer la compétitivité. »

 

L’économiste Jacques Généreux, membre du Parti de gauche, était l’invité du vingt-huitième numéro d’Objections. Alors que les Chefs d'Etat sont réunis à Bruxelles, et que François Hollande refuse de publier la lettre envoyée par la commission Européenne au sujet du déficit, il estime que la France doit « désobéir ».

 

Son argumentation reste pleinement d'actualité au moment ou le parlement a définitivement adopté le budget 2015 sur lequel 'frondeurs' du PS et députés EELV se sont contentés de s'abstenir confirmant ainsi leur appartenance à la majorité gouvernementale et leur soutien au gouvernement.

 

Pour Jacques Généreux : "Le seul moyen de faire bouger l’Europe, dit-il, c’est de violer les traités ».

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17 décembre 2014 3 17 /12 /décembre /2014 09:01
Quand l’austérité tue

Les conséquences sanitaires des politiques économiques

 

Rigueur ou relance ? Si, depuis le début de la crise financière de 2007, les gouvernements européens ont choisi, les experts poursuivent leurs délibérations… avec d’autant plus de prudence qu’ils font rarement partie des premières victimes des coupes budgétaires. Soumettre les politiques économiques aux critères d’évaluation de la recherche médicale permettrait toutefois de trancher la question.

 

Sources : Le Monde diplomatique par Sanjay Basu et David Stuckler[*], octobre 2014

« Merci d’avoir participé à ce test clinique. Vous ne vous rappelez peut-être pas avoir donné votre accord, mais vous avez été enrôlé en décembre 2007, au début de la Grande Récession. Votre traitement n’a pas été administré par des médecins ou des infirmières, mais par des politiciens, des économistes et des ministres des finances. Dans le cadre de cette étude, ils vous ont fait suivre, ainsi qu’à des millions d’autres personnes, l’un des deux protocoles expérimentaux suivants : l’austérité ou la relance. L’austérité est un médicament destiné à réduire les symptômes de la dette et du déficit, pour traiter la récession. Elle consiste à diminuer les dépenses gouvernementales en matière de couverture médicale, d’assistance aux chômeurs et d’aide au logement.

 

« Si vous avez reçu une dose expérimentale d’austérité, vous avez peut-être remarqué de profonds bouleversements dans le monde qui vous entoure. Si en revanche vous faites partie du groupe de la relance, votre vie n’a peut-être pas été bouleversée par le chômage et la récession. Il est même possible que vous vous trouviez aujourd’hui en meilleure santé qu’avant la crise... » Ce message ne vous sera jamais adressé. Et pourtant…

 

Afin de déterminer les meilleurs traitements, les chercheurs en médecine ont recours à des « essais randomisés contrôlés » à grande échelle (1). Dans le domaine de la politique, il se révèle difficile, voire impossible, d’enrôler toute une société dans des tests d’une telle envergure pour expérimenter des mesures sociales. Toutefois, il arrive que des dirigeants politiques, confrontés à des problèmes similaires, optent pour des lignes d’action différentes. Pour les scientifiques, ces « expériences naturelles » offrent la possibilité d’étudier les conséquences sanitaires d’options politiques (2).

 

Nous avons ainsi analysé des données provenant des quatre coins du monde au cours de diverses périodes de récession, en mesurant l’impact social des mesures d’austérité et de relance. Plusieurs de nos résultats étaient prévisibles. Quand les gens perdent leur travail, ils risquent davantage de se tourner vers la drogue, l’alcool ou de développer des tendances suicidaires, comme aux Etats-Unis au cours des années 1930 ou en Russie durant la période des privatisations massives des années 1990. Mais, au cours de nos recherches, nous avons également découvert que certaines communautés, voire des nations entières, jouissent d’une meilleure santé depuis l’effondrement de leur économie. Pourquoi ?

 

 

- Une leçon pour les peuples

Deux pays illustrent les résultats de nos travaux concernant l’Europe empêtrée dans la crise de la dette depuis la fin des années 2000 : l’Islande (3) et la Grèce (4).

 

Sur la période 2007-2010 — les pires années de la crise —, le taux de mortalité a diminué régulièrement en Islande en dépit d’une légère hausse (non significative) des suicides à la suite de l’effondrement des marchés. Lors de nos recherches sur les récessions en Europe, nous avions découvert que les crises bancaires provoquent généralement une augmentation à court terme des accidents cardiaques. Mais tel n’est pas le cas en Islande.

 

En octobre 2008, confronté aux répercussions de la crise des subprime aux Etats-Unis et aux engagements inconsidérés de ses banques, Reykjavík a dans un premier temps fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour mettre en place un plan de sauvetage. Celui-ci s’accompagnait de recommandations favorables à l’instauration d’une politique d’austérité, en particulier dans le système de santé publique — qualifié par le FMI de « bien de luxe » —, qui aurait dû subir une baisse de financement de 30%.

 

Les Islandais ont refusé ce plan en manifestant massivement. Un événement inattendu s’est alors produit début 2010. Le président islandais a demandé au peuple ce qu’il souhaitait : fallait-il absorber la dette privée pour renflouer les banquiers en réduisant drastiquement le budget du gouvernement ou refuser de payer pour investir dans la reconstruction de l’économie ? Interrogés par référendum, 93 % des Islandais ont choisi la seconde option.

 

Au total, en pleine période de récession, l’Islande a choisi de continuer à accroître ses dépenses consacrées à la protection sociale, déjà passées, entre 2007 et 2009, de 280 milliards de couronnes (environ 1,6 milliard d’euros) à 379 milliards de couronnes (environ 2,3 milliards d’euros), soit de 21 à 25 % du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses supplémentaires, décidées après 2010, ont par exemple financé de nouveaux programmes d’« allégement de dettes » pour les propriétaires dont le bien immobilier valait désormais moins que le montant de leur emprunt. L’opération a permis d’éviter une explosion du nombre de sans-abri. En 2012, l’économie islandaise croissait de 3 %, et le chômage descendait au-dessous de 5 %. Au mois de juin de la même année, l’Islande a effectué des remboursements sur ses dettes plus tôt que prévu. Le FMI a dû reconnaître que l’approche unique de l’Islande avait entraîné une reprise « étonnamment » forte (5)…

 

Plus au sud, la Grèce a servi de laboratoire pour étudier les effets des politiques d’austérité. En mai 2010, le FMI lui a proposé un prêt aux conditions habituelles : privatiser les entreprises et les infrastructures publiques, amputer les programmes de protection sociale. Comme en Islande, les manifestants grecs réclamaient un référendum national sur cet accord, mais le plan d’austérité fut appliqué sans être voté : contrairement à ce qui s’est passé en Islande, la démocratie a été suspendue.

 

Face à la progression du chômage, aux expropriations de masse et à l’augmentation des dettes privées, de nombreux Grecs se sont tournés vers les programmes de protection sociale pour survivre. Or, déjà très affaiblis par les mesures d’austérité, ceux-ci n’étaient pas en mesure d’absorber l’augmentation soudaine du nombre de bénéficiaires. A mesure que les budgets des hôpitaux diminuaient, consulter un médecin devenait de plus en plus difficile. Les files d’attente pour avoir accès à un thérapeute ont doublé, puis triplé. Dans un entretien accordé au New York Times, le chef du département d’oncologie à l’hôpital Sotiria, au centre d’Athènes, le docteur Kostas Syrigos a raconté l’histoire d’une patiente atteinte du pire cancer du sein qu’il ait jamais vu. Les réformes imposées par la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) l’avaient empêchée de se soigner depuis un an. Quand elle s’est présentée dans une clinique clandestine, où travaillaient des médecins bénévoles, la tumeur avait percé la peau et commençait à suinter sur ses vêtements. La femme souffrait atrocement et tamponnait sa plaie purulente avec des serviettes en papier (6).

 

En mai 2010, juste après la mise en place du premier plan de sauvetage du FMI, la compagnie pharmaceutique Novo Nordisk a quitté le marché grec car l’Etat lui devait 36 millions de dollars. Ce retrait a non seulement coûté des emplois, mais également privé cinquante mille diabétiques d’insuline.

 

Le taux de suicide a augmenté, en particulier chez les hommes : entre 2007 et 2009, avant même le plan du FMI, il avait bondi de 20 %. Le 4 avril 2012, Dimitris Christoulas s’est ainsi rendu place Syntagma, en plein centre-ville d’Athènes. Il a gravi les marches du Parlement, placé une arme contre sa tempe et déclaré : « Je ne me suicide pas. Ce sont eux qui me tuent. » Une lettre retrouvée dans sa sacoche expliquait : « Le gouvernement (...) a détruit mon seul moyen de survie, qui consistait en une pension très respectable que j’ai payée seul pendant trente-cinq ans (...). Puisque mon âge avancé ne me permet pas de réagir de manière active (quoique, si un Grec saisissait une kalachnikov, je serais juste derrière lui), je ne vois pas d’autre solution pour finir dignement ma vie et ne pas me retrouver à fouiller dans les poubelles pour me nourrir. »

 

Les associations de soutien psychologique ont constaté une multiplication par deux des appels à l’aide. Et il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg. Certains Grecs ont sans doute préféré ne pas appeler au secours en raison de la stigmatisation qui entoure la détresse psychologique dans le pays : l’Eglise orthodoxe refuse par exemple d’enterrer ceux qui se suicident. De nombreux médecins considèrent l’augmentation du nombre de « blessures indéterminées » et d’autres causes mystérieuses de décès comme la manifestation de suicides déguisés pour sauver l’honneur des familles.

 

Pendant quarante ans, des programmes de pulvérisation d’insecticides avaient empêché les maladies transmises par les moustiques de se développer en Grèce. A la suite des coupes drastiques opérées dans les budgets alloués au sud du pays, une épidémie de virus du Nil occidental a éclaté en août 2010, tuant soixante-deux personnes. Le paludisme a fait son retour pour la première fois depuis 1970. Les autorités ont également constaté une recrudescence d’infections par le VIH au centre d’Athènes, du jamais-vu en Europe depuis des années : entre janvier et octobre 2011, les nouveaux cas ont été multipliés par dix chez les usagers de drogues. Entre-temps, les crédits alloués aux programmes d’échange de seringues avaient été supprimés. L’usage de l’héroïne a augmenté de 20 % entre 2010 et 2011, notamment chez les jeunes, frappés par un taux de chômage de 40 %.

 

Avec un budget amputé de presque 50 %, le ministre de la santé grec n’avait guère de marges de manœuvre. Cependant, une issue politique demeurait : l’option démocratique. En novembre 2011, au moment où l’épidémie de VIH a été constatée, le premier ministre Georges Papandréou a ainsi tenté la solution islandaise, annonçant un référendum sur une seconde cure d’austérité. Le peuple grec voyait clairement que les mesures d’austérité ne fonctionnaient pas. En dépit des coupes budgétaires, la dette publique continuait à s’envoler (165% du PIB en 2011). Mais, sous la pression de la « troïka » et d’autres gouvernements européens, notamment français et allemand, M. Papandréou a annulé le référendum avant d’être poussé à la démission.

 

Comme ce fut le cas en Islande, le FMI a finalement admis, en 2012 : « Nous avons sous-estimé les effets négatifs de l’austérité sur l’emploi et l’économie (7). » Mais imposer cette épreuve à la Grèce représentait moins une stratégie économique qu’un projet politique. Mme Angela Merkel, la chancelière allemande, a ainsi présenté le plan d’aide octroyé à Athènes comme une leçon inculquée au reste de l’Europe : « Ces pays peuvent voir que le chemin emprunté par la Grèce n’est pas facile. Ils feront donc tout ce qu’ils peuvent pour l’éviter (8).  »

 

Les politiques économiques ne sont ni des agents pathogènes ni des virus qui provoquent directement la maladie, mais la « cause des causes » : le facteur sous-jacent qui détermine qui sera exposé aux plus grands risques sanitaires. Voilà pourquoi la moindre modification d’un budget national peut avoir des effets considérables — et parfois involontaires — sur le bien-être de la population.

 

Nous disposons désormais d’éléments sérieux nous permettant de conclure que le véritable danger pour la santé publique n’est pas la récession en tant que telle, mais l’adoption de politiques d’austérité pour y faire face. Autant dire que, si l’« expérience grecque » avait été menée selon des critères aussi rigoureux que des tests cliniques, elle aurait été interrompue depuis longtemps par un conseil d’éthique.

 

[*] Respectivement docteur en sociologie et professeur de médecine, auteurs de Quand l’austérité tue. Epidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine (Autrement, Paris, 2014), d’où est tiré cet article.
 

Notes :

(1) Lire Bruno Falissard, « Soigner le malade ou la maladie ? », Le Monde diplomatique, juin 2014.

(2) NDLR. Les auteurs s’appuient sur les travaux les plus récents ainsi que sur leurs propres études, publiées par les revues scientifiques The Lancet, British Medical Journal ou PLOS Medicine. Leurs sources peuvent être consultées sur notre site.

(3) Sur la crise islandaise, lire Silla Sigurgeirsdóttir et Robert Wade, « Quand le peuple islandais vote contre les banquiers », et « Une Constitution pour changer d’Islande ? », Le Monde diplomatique, respectivement mai 2011 et octobre 2012.

(4) Sur la crise grecque, lire notre dossier « Le laboratoire grec », Le Monde diplomatique, février 2013.

(5) Fonds monétaire international, « Iceland : Ex post evaluation of exceptional access under the 2008 stand-by arrangement » (PDF), rapport n° 12/91, Washington, DC, avril 2012.

(6) The New York Times, 24 octobre 2012.

(7) The Guardian, Londres, 1er février 2002.

(8) British Broadcasting Corporation (BBC), Londres, 2 mai 2010.

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10 décembre 2014 3 10 /12 /décembre /2014 08:43
«Les enjeux des Sociétés Publiques Locales (SPL) »

Un outil au service de la privatisation des services publics et de la casse de l'emploi public.

 

Sources : Le blog de Gabriel Amard, Président de « La Gauche par l'exemple »

- La défense des services publics est au coeur de toutes les échéances électorales

Si nous voulons avoir un avis pertinent sur les Sociétés Publiques Locales (SPL), nous ne pouvons faire pas abstraction du le contexte dans lequel elles ont créées par le législateur, en 2010.

  • Nous ne sommes pas dans un contexte économique de relance propice au financement du développement des services publics qu'ils soient nationaux ou locaux ?

  • Nous ne sommes pas dans un environnement politique qui privilégie l'intérêt général face aux intérêts privés ;

  • Les contrats de partenariat public-privé (PPP) constituant selon le Sénat « une bombe à retardement budgétaire »  (ce qui n'empéche pas le gouvernement de les multiplier, véritable scandale), il fallait trouver "autre chose".

 

 

- C'est dans ce contexte qu'ont été créées les S.P.L. !

Aussi il convient de se poser la question de savoir si la mise en place d'une SPL est une bonne chose ou pas, pour la gestion des deniers publics et les citoyens qu'elle doit servir.

Dans I'esprit du législateur, trois principes prévalent pour crééer des SPL :

- leur marché est un territoire ;
- leur métier, le développer ;
- leur valeur ajoutée, c'est associer les atouts de l 'entreprise privée aux valeurs du public.

 

Rien que les termes utilisés font peur.

  • Sociétés anonymes fonctionnant avec un conseil d'administration (composé d'élus avec rémunération es qualité d'actionnaires), les SPL sont régies par le droit privé.

  • Les salariés et leur gestion relèvent eux aussi du droit privé.

  • Ainsi, après avoir ouvert le service public aux contrats de type CDD et CDI, c'est une étape supplémentaire qui est franchie dans la casse du statut de fonctionnaire.

  • Désormais, pour gérer un service public, voilà un outil de plus pour faire exécuter ces missions de service public par des emplois de droit privé.

 

Cette réalité justifierait a elle seule que les élus locaux s'opposent partout au transfert ou à la création de missions de service public sous couvert de SPL.

 

C'est d'autant plus vrai qu'avec 1061 entreprises publiques locales sous couvert de SEM (Sociétés d'Economie Mixte) ou de SPLA (Sociétés Publiques Locales d'Aménagement) et 50 796 emplois en équivalent plein temps au 20 mai 2010, les décideurs locaux ne sont pas démunis d'outils en la matière.

 

 

- Le danger des SPL vont bien au delà des conséquences sur les seuls agents publics concernés !

  • Car ces entreprises publiques locales sont, pour le législateur qui les a créées en 2010 avec une majorité de parlementaires de tous bords, " un nouveau mode d'intervention (pour les collectivités locales) capable de moderniser la gestion des services publics locaux ".

  • Il faudrait avoir vécu sur une ile déserte ces trente dernières années pour ne pas comprendre que " modernisation du service public " a toujours rimé avec " casse du service public ".

  • Les SPL sont bien un outil permettant d'externaliser les services publics et de contourner certaines obligationsqui leur sont faites actuellement.

  • La possibilité de faire de la sous-traitance sans passer de marchés publics en est une.

  • Car ce nouveau mode de gestion met notamment à mal la règle de la séparation de l'Ordonnateur et du Comptable, règle de transparence des comptes publics.

  • Plus de souplesse, nous dit-on ? " Procédure est mère de liberté" réponds pour sa part le Parti de Gauche.

  • Si un nombre important de SPL se créent en France, lorsque celles-ci feront appel à un grand nombre de soustraitants le législateur décidera-t-il alors, sous couvert d'efficacité et de financement d'ouvrir le capital aux actionnaires privés qui seront partie prenante des missions de service public effectuées par leurs propres entreprises privées ?

 

 

- Les SPL sont un outil au service de la casse des procédures publiques.

  • A l'heure où les collectivités locales ont de plus en plus de mal a trouver des banques qui leur prêtent de I'argent, la question se pose réellement de savoir quel intérêt les banques trouvent à financer les SPL.

  • Car c'est une nouvelle fois tout bénéfice pour ces banques là.

  • En effet, si elles sont peu disposées à financer du service public en prêtant aux collectivités, elles financent plus aisément les emprunts des SPL.

  • Pourquoi ? Parce que les SPL peuvent, en échange, déposer leurs comptes dans ces mêmes banques.

  • Les personnels du Trésor public apprécieront !... Voilà encore une activité qui leur échappe et I'emploi public fragilisé par la baisse de I'activité dans ces trésoreries, contribuant encore à l'aggravation de la désertification des territoires.

 

 

- Les SPL sont donc aussi un outil au service de la MAP[1]

Les budgets annexes des collectivités liés au transports, à l'aménagement, à la collecte et au traitement des déchets ménagers, à l'eau, au chauffage, au service funéraire et même aux équipements culturels représentent des centaines de millions d 'euros. Encore une façon de contourner le service public.

 

 

- Et I'usager dans tout cela ?

  • Il n'est nulle part. Si dans une régie publique, nous devons cogérer le service public concerné avec les usagers, c'est impossible en SPL.

  • Si la démocratie des choix effectués se réalise dans les décisions des collectivités locales par les assemblées délibérantes régulières, dans lesquelles tous les élus locaux ont la possibilité de débattre et voter, c'est impossible en SPL.

  • Celles-ci font la part belle aux potentats de proximité et renforcent le pouvoir des notables locaux. En effet, les maires, présidents d'EPCI ou de conseils généraux, sont seuls dépositaires du capital apporté par leur collectivité et ont I'integralité du pouvoir de décision à l'assemblée générale des actionnaires de la SPL.

 

 

- Les SPL, c'est moins de démocratie, moins de proximité, moins de cogestion avec I'usager.

Dans la logique de financiarisation de l'économie et des services publics, avec la mise en place des métropoles qui éloignent le citoyen de la décision et offrent de grands marchés ouverts, les SPL seraient, pour ses initiateurs, amenées à se développer.

En la matière, rien d'étonnant. C'est même tout à fait cohérent, puisque c'est la même majorité parlementaire de droite qui a introduit dans la loi, la même année (en 2010), les SPL et les métropoles.

 

 

- Et aujourd'hui ?
Si les SPL ont été créées par la majorité de droite précédente, elles sont incontestablement un outil au service de la politique d'austérité menée par le gouvernement actuel et de restriction budgétaire pour l'ensemble des services publics tant dans leurs missions que dans l'emploi.

Ainsi, à La Rochelle, c'est bien par la création d'une SPL que la municipalité a, en 2011, (sous prétexte que le cadre juridique actuel serait trop pénalisant face à un durcissement de la concurrence) externalisé le service des pompes funèbres et du crématirium (seul l'élu PCF a voté contre).

 

Il est bien évident que la défense des services publics passera par l'exigence d'un refus de casse des missions et des emplois qui y sont attachés, y compris par une voie détournée avec la création de SPL.

 

Note :

[1] la MAP, ex RGPP (révision générale des politiques publiques) et de la destruction de l'emploi dans la fonction publique.

 

Pour en savoir plus :

- Les sociétés publiques locales et les sociétés publiques locales d'aménagement

Mais aussi

- Les SemOp, une fausse bonne idée pour gérer l’eau et l’assainissement

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9 décembre 2014 2 09 /12 /décembre /2014 09:00
Les secrets fiscaux bien gardés des entreprises pétrolières et minières françaises

 Sources : Observatoire des Multinationales par Anne-Sophie Simpere

- Que fait Total aux Bermudes ?

C’est l’une des questions qu’ont voulu poser quelques dizaines de députés à l’occasion du vote de la loi française transposant les directives européennes sur la transparence des entreprises extractives et forestières le 18 septembre à l’Assemblée nationale, puis le 16 octobre au Sénat. Cette transposition a permis quelques avancées modestes, mais on est encore très loin du niveau de transparence requis pour lutter effectivement contre la corruption et l’évasion fiscale.

 

La France était le premier pays à transposer ces directives européennes dans son droit national. Avec un double enjeu. D’une part, il s’agissait de s’assurer que les multinationales françaises du secteur extractif – Total, mais aussi Areva, GDF Suez, Eramet, et quelques autres - divulgueront bien leurs paiements aux États, comme le prévoit le texte européen. Cette transparence est un élément essentiel dans la lutte contre la corruption, dans un secteur réputé pour son opacité. Appliquée correctement, la loi française pourrait ainsi permettre de savoir ce que Total verse à la Birmanie, au Yémen ou au Gabon pour l’exploitation de leur pétrole, fournissant des informations indispensables aux administrations et à la société civile qui se penchent sur les revenus liés aux ressources naturelles.

 

 

- Démêler l’écheveau financier des grands groupes

Une quarantaine de députés français ont voulu aller encore plus loin, en proposant un reporting pays par pays complet pour les entreprises extractives et forestières. Autrement dit, il s’agissait de les obliger à divulguer leurs bénéfices ou leurs effectifs dans tous les pays où elles sont présentes, y compris dans les paradis fiscaux. Ce qui aurait aligné leurs obligations sur celles des banques [1]. Un outil clé pour aller au-delà de la lutte contre la corruption et s’attaquer directement à l’évasion fiscale, en gagnant une meilleure visibilité des opérations financières de ces groupes, dont la complexité et l’opacité permettent toutes sortes de manipulations [2].

 

« Seul un reporting pays par pays complet permet de détecter les pratiques abusives de transferts de bénéfices, et l’évasion fiscale. Cela implique d’avoir des informations non seulement sur les paiements faits aux gouvernements, mais aussi sur les chiffres d’affaires, les bénéfices, les effectifs et les subventions reçues par toutes les filiales des entreprises, dans tous les pays, y compris les paradis fiscaux », explique Lucie Watrinet de l’ONG CCFD-Terre Solidaire. Pourquoi, par exemple, les filiales nigériennes d’Areva seraient-elles déficitaires ? Une grande partie du yellow cake étant revendu en interne à la maison mère en France, il faudrait des informations sur toutes les activités du groupe pour comprendre les transactions entre les entités, et identifier comment les bénéfices sont localisés.

 

Or aujourd’hui, que ce soit pour la société civile ou les administrations fiscales, il est presque impossible d’identifier tous les lieux d’implantation des groupes internationaux. Selon un rapport du CCFD-Terre Solidaire publié l’année dernière, sur 883 entités annoncées au sein du groupe, Total ne révèle le nom que de 179 filiales. Même problème du côté de Perenco : Perenco Rep, la filiale titulaire de la concession de Muanda en République Démocratique du Congo, n’apparait sur aucun document publié par l’entreprise [3].

 

Le manque d’informations disponibles concerne très souvent des territoires dont l’opacité ou les conditions fiscales « optimales » inquiètent la société civile. Perenco a son siège opérationnel au Royaume-Uni et en France, mais ses holdings sont enregistrées aux Bahamas [4]. Les activités de Total en Angola sont gérées depuis les Bermudes, et les opérations en Mauritanie, au Mozambique ou au Venezuela sont contrôlées depuis les Pays-Bas [5]. Les activités de trading du groupe sont localisées en Suisse, via la filiale Totsa, qui achète par exemple le pétrole de Total Gabon.

 

 

- Du Gabon au Delaware : le spectre du transfert de bénéfices

Du côté du groupe minier Eramet, c’est une filiale appelée Comilog qui exploite le manganèse au Gabon, pour le revendre à Eramet Marietta, une filiale américaine localisée dans l’Ohio, mais qui, selon les informations du site de la SEC américaine, est enregistrée au Delaware [6]. Cet État est qualifié de « juridiction non-coopérative », autrement dit de paradis fiscal en plein cœur des États-Unis, par le Tax Justice Network. Eramet n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.

 

Ces transactions intra-groupes impliquent un risque de transfert des profits, visant à les localiser là où ils seront le moins imposés. Le risque est d’autant plus fort quand le réseau de filiales passe par des paradis fiscaux. Face à des multinationales tentaculaires, les administrations fiscales sont démunies. C’est particulièrement le cas dans les pays en développement, où sont souvent localisées les ressources minières ou pétrolières. « En cas d’inspection, c’est l’entreprise qui prend tout en charge et qui fournit les éléments. Nos administrations n’ont pas les moyens de le faire », rappelle Marc Ona Essangui, secrétaire exécutif de l’ONG gabonaise Brainforest. Résultat : selon l’OCDE, les pays du Sud voient s’envoler le triple de ce qu’ils reçoivent en aide au développement vers les paradis fiscaux. L’ONG Christian Aid avait estimé cette perte à 160 milliards de dollars chaque année.

 

 

- « Fiscalité négociée »

À l’époque de son adoption l’année dernière, la directive européenne sur la transparence des industries extractives avait déjà suscité l’opposition active des industriels à Bruxelles. Même chose cette année au niveau français. Total a déclaré sans ambages son opposition à la législation. « Nous sommes pour la transparence, nous sommes très actifs dans l’Initiative pour la Transparence dans les Industries extractives [7]. Mais cette directive européenne pose des problèmes de conflit avec les législations locales – quand celles-ci interdisent la publication des données –, elle crée une distorsion de concurrence avec les entreprises non-européennes qui n’y seront pas soumises, et elle néglige l’implication de la société civile », commente Jean-François Lassalle, directeur des affaires publiques du géant pétrolier français.

 

Les ONG contestent l’existence de législations interdisant formellement la diffusion de ces informations fiscales dans des pays comme la Chine, l’Angola, le Cameroun ou le Qatar. Certaines entreprises pétrolières ont publié leurs paiements dans ces pays sans que cela ait eu aucune répercussion, comme par exemple la norvégienne Statoil en Angola [8]. Et pour ce qui est de la « distorsion de concurrence », les réticences des entreprises extractives sont surtout fortes dans les pays où s’appliquent des régimes dits de « contrats de partage de production », car la fiscalité s’y négocie au cas par cas : divulguer des informations revient alors à jouer au poker à jeu ouvert.

 

Or le fait de négocier les conditions de taxation dans des contrats tenus généralement secrets est vivement critiqué par la société civile. Les associations dénoncent notamment les exemptions fiscales que les entreprises peuvent obtenir de cette manière, ainsi que les risques de corruption quand les impôts font l’objet de tractations confidentielles. C’est ce qu’illustre à sa manière la vive contestation qui a accompagné la renégociation des contrats miniers d’Areva au Niger. Durant des décennies, Areva s’était assurée divers avantages fiscaux sécurisés à travers des conventions minières signées sans contrôle démocratique ni information de la société civile. Au moment de leur renégociation l’année dernière, l’entreprise s’est refusée à y renoncer et à se soumettre à la législation de droit commun [9].

 

En imposant plus de transparence, la nouvelle loi française pourrait permettre de savoir ce qu’Areva paie pour l’uranium nigérien, mais aussi pour celui du Canada ou du Kazakhstan, ses deux autres principales sources d’approvisionnement. Une façon de pouvoir comparer les différentes conditions d’exploitation, et d’y voir un peu plus clair sur les régimes fiscaux appliqués.

 

 

- Des sanctions dérisoires

L’hostilité des entreprises pétrolières et minières – dont il faut rappeler que plusieurs ont l’État français parmi leurs actionnaires – aura-t-elle influé sur la transposition finalement retenue ? C’est ce que suggèrent la trentaine d’organisations de la société civile qui ont suivi les débats. Car si la loi finalement adoptée introduit effectivement l’obligation pour toutes les entreprises extractives et forestières françaises (ou cotées en France) de rendre publics les impôts, taxes et autres revenus qu’elles versent aux gouvernements des pays dans lesquelles elles opèrent, à partir de 100 000 euros, le texte reste beaucoup plus prudent sur la question des sanctions.

 

« L’adoption d’un texte de loi exigeant des industries extractives et forestières d’être transparentes est une importante avancée. Néanmoins, ce texte n’est pas suffisamment ambitieux en l’état. Par exemple, il ne prévoit pas de sanctions dissuasives qui décourageraient les entreprises de présenter des informations erronées, trompeuses ou incomplètes. La France a les moyens de montrer l’exemple, à l’instar de l’Angleterre qui prévoit un régime de sanctions beaucoup plus strict, » explique Laetitia Liebert, directrice de Sherpa. Une publication trompeuse ou erronée n’est punie que de 3 750 euros d’amende, pouvant être assortis d’une diffusion publique de la sanction. Rien d’insurmontable pour des groupes qui engrangent des millions de bénéfices et dont l’image est déjà écornée par de nombreux scandales...

 

 

- La France à contre-courant ?

Concernant le reporting pays par pays, dont François Hollande promettait encore en avril 2013 l’application à toutes les grandes entreprises françaises, les amendements déposés par les députés ont été systématiquement retoqués par le rapporteur du texte et le gouvernement. Motif invoqué : la France doit se préoccuper de la compétitivité de ses entreprises. Rendre les informations sur leurs activités publiques serait trop intrusif. « C’est aller à contre-courant de toutes les évolutions actuelles : le reporting pays par pays tel qu’on le demande est quelque chose vers lequel tout le monde va », s’agace Lucie Watrinet. « L’OCDE est en train d’élaborer un modèle dans ce sens, et le cabinet comptable PwC vient de révéler que la publication de ces données dans le secteur bancaire européen pourrait avoir un impact positif sur l’économie [10]. La France est passée à côté d’une opportunité d’étendre cette pratique aux secteurs extractifs et forestiers, alors que nous avions été les premiers à la promouvoir pour les banques : on est en pleine régression. »

 

De plus en plus de voix s’élèvent en effet pour défendre la transparence des entreprises multinationales, y compris du côté des cabinets fiscaux. Au-delà de l’effet positif sur la collecte d’impôt et les finances publiques, le risque réputationnel lié aux pratiques fiscales devient un enjeu important pour les groupes, vis-à-vis des consommateurs mais aussi des investisseurs.

 

Contrats négociés à huis-clos, flux financiers opaques, affaires de corruption… l’histoire des entreprises extractives et forestières est émaillée de pratiques douteuses, qui semblent être devenues pour elles une norme acceptable, voire un acquis à défendre. Dans cette perspective, la nouvelle loi française est un premier pas pour lever le voile. Reste qu’elle est encore largement insuffisante pour traquer les milliards d’euros envolés dans les paradis fiscaux. Les populations des États riches en ressources naturelles, souvent parmi les plus pauvres du monde, devront encore attendre avant de savoir ce que va faire le pétrole de leur pays dans de lointains archipels.

 

 

Notes :

[1La loi bancaire du 26 juillet 2013 introduit un reporting pays par pays complet pour les banques françaises.

[2Un récent rapport de l’ONG Transparency international évalue les politiques de transparence des plus grandes entreprises mondiales à l’aune de trois critères : les politiques de lutte contre la corruption, la transparence organisationnelle et le reporting pays par pays. Les deux entreprises extractives françaises incluses dans l’étude, Total et GDF Suez, se situent en milieu de classement avec une note de 3,9 sur 10 chacun - ce qui cache en fait une note très haute en termes de lutte contre la corruption, une note très basse en termes de transparence organisationnelle, et un zéro pointé en termes de reporting pays par pays. Voir ici une présentation du rapport.

[3Lire notre enquête et le rapport du CCFD.

[4Source.

[5Source.

[6Voir ici.

[7L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives est une initiative volontaire, initiée à partir de 2002. Elle prévoit la publication des paiements des entreprises extractives aux gouvernements des pays dans lesquels elles opèrent, et des revenus reçus par les gouvernements, dans le cadre de comités impliquant les entreprises, les États et la société civile. Cf. le site de l’ITIE.

[8Voir ici.

[9Voir le rapport d’Oxfam France.

[10Voir ici.

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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 10:02
L'Islande annule (encore une fois) une partie des emprunts immobiliers des ménages

Sources : Express.be par ·

C’était une promesse de campagne : le Premier ministre islandais, Sigmundur Davíd Gunnlaugsson, élu en 2013, a confirmé que le pays allait annuler une partie de la dette des ménages islandais qui avaient contracté des emprunts immobiliers avant la crise de 2008.

 

La mesure, appelée « Leidréttingin » (‘correction’), permettra aux foyers qui avaient souscrit des emprunts hypothécaires indexés sur l’inflation avant 2008 de bénéficier d’une annulation d’une partie de leur dette, à concurrence de 4 millions de couronnes islandaises (25 800 euros). Depuis le mois de juillet, 69 000 familles islandaises ont sollicité de pouvoir profiter de cette mesure. Celle-ci leur permettra de réduire leurs mensualités de 13 à 14% en moyenne, soit une réduction individuelle de 95 à 130 euros.

 

Le gouvernement a prévu de financer cette mesure, qui devrait lui coûter l’équivalent de 4,3% du PIB du pays, par une augmentation des taxes sur les actifs des banques mises en liquidation en 2008.

 

En février 2012, le gouvernement islandais avait déjà annulé l'équivalent de 13% du PIB en prêts hypothécaires. Plus d’un quart des ménages islandais avainent été concernés par cette mesure. A l’époque, il avait signé un accord avec les banques partiellement nationalisées, pour annuler la part de l’endettement des ménages qui dépassait 110% de la valeur de leur propriété. De plus, en  Juin 2010, un jugement rendu par la Cour Suprême islandaise avait statué que les prêts indexés sur des devises étrangères étaient illégaux et que les familles n'étaient plus tenues de rembourser la part qui correspondait aux pertes de change de la couronne islandaise.

 

En 2013, il avait également incité les citoyens à accélérer le remboursement de leur prêt immobilier en réduisant la taxation des cotisations versées à leur fonds de pension, lorsque celles-ci étaient utilisées pour anticiper le remboursement de leur emprunt.

 

Ainsi, l’endettement des Islandais devrait se réduire, pour ne plus représenter que 94% du PIB, contre 105% aujourd’hui. Le gouvernement compte également sur cette mesure pour stimuler la consommation et la croissance.

 

Par ailleurs, on a également appris hier qu’un tribunal islandais avait décidé de condamner condamner l’ancien CEO de la banque Landsbanki à 12 mois de prison, dont 9 avec sursis, pour manipulation de marché. Il rejoint ainsi Larus Welding ex-CEO de la banque Glitnir, ainsi qu’Hreidar Mar Sigurdsson, l'ancien CEO de la banque Kaupthing, et Sigurdur Einarsson, l’ex-président de son conseil, qui ont aussi été condamnés à des peines de prison.

 

Landsbanki, Glitnir, et Kaupthing étaient les 3 plus grosses banques de l’Islande. Elles s’étaient lancées dans une frénésie d’acquisitions, orchestrées par des hommes d’affaires islandais basés à l’étranger. En automne 2008, elles avaient accumulé l’équivalent du décuple du PIB du pays, lorsqu’elles se sont effondrées, ruinant le pays.

 

Ces condamnations illustrent l’approche différente adoptée par l’Islande par rapport au reste de la zone euro pour faire face à la crise financière. Contrairement à celle-ci, le pays n’a pas porté secours à ses banques en difficulté, mais il les a laissées faire faillite. Ce sont donc les créanciers de ces banques, et non les contribuables, qui ont subi les pertes correspondantes.

 

L'Islande est quasiment le seul pays du monde occidental à avoir lancé des poursuites au pénal contre les dirigeants de banques pour leur rôle dans la crise financière.

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier Islande

- Après son refus de payer sa dette, l’Islande fera le triple de la croissance de l’UE en 2012

L’Islande a laissé ses banques faire faillite, et jeté des banquiers en prison. Et voici ce qui s’est produit

- La débâcle islandaise en 211 pages

- Les Islandais refusent une seconde fois de payer pour la faillite de Icesave

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2 décembre 2014 2 02 /12 /décembre /2014 09:05
Les conséquences d’une sortie de l’Euro

Une chaîne publique, France 4 pour la nommer, a décidé de diffuser une série dite « interactive » qui est en réalité une forme particulièrement outrancière de propagande en faveur de l’Euro. Cette série, ANARCHY est supposée connaître 8 épisodes. Elle commence par une description apocalyptique d’une sortie de l’Euro. Il est toujours possible d’aimer se faire peur et d’inventer des terreurs imaginaires. Mais, sur un sujet de l’importance d’une possible sortie de l’Euro, il faut avant toute chose raison garder.

 

Sources : ZEJOURNAL par Jacques Sapir modifié le 6 juin 2015

- Sortie de l’Euro et dépréciation monétaire

Il faut ici faire la différence entre une sortie de l’Euro et la dépréciation de la monnaie après cette sortie de l’Euro. Ce qui pourrait poser un problème n’est pas tant la « sortie », dont on sait que techniquement elle est assez simple à mettre en œuvre, que la dépréciation de la monnaie « post-Euro », qu’on appelle cette monnaie le « Franc », ou « l’Euro-Franc » ou tout autre nom. Ceci implique que l’on s’interroge sur l’ampleur de cette dernière et sur les dynamiques possibles. Il faut donc chercher les possibles conséquences d’un tel mouvement.

 

Ces conséquences sont économiques et financières.

  • Pour les conséquences financières elles concernent l’évolution de la dette exigible dans des monnaies différente que la monnaie ayant cours légal en France, mais aussi l’évolution du passif et de l’actif des banques et des sociétés d’assurance. Il faut ici signaler que l’épargne des français dans des banques et des établissements financiers français ne connaîtrait aucune modification, car tous les comptes seraient instantanément re-libellés en « franc » dans le cas d’une sortie de l’Euro. Les personnes qui prétendent qu’une sortie de l’Euro entraînerait une dépréciation de l’épargne des français ne savent tout simplement pas de quoi ils parlent ou bien mentent en connaissance de cause.
  • Pour ce qui est des conséquences économiques, une dépréciation de la monnaie enchérit le prix des importations provenant des pays par rapport auxquels on a déprécié, et baisse le prix des exportations vers ces mêmes pays. Cette baisse du prix des exportations peut se traduire par un fort accroissement des ventes, ce qui se calcule par l’élasticité Prix/Quantité. Inversement, la hausse du prix des importations provoque normalement soit une baisse des achats, soit des phénomènes de substitution des produits importés par des produits fabriqués sur le territoire national. Ici aussi il faut calculer l’élasticité Prix/Quantité mais aussi l’élasticité de substitution. D’une manière générale, et compte tenu des élasticités des imports et des exports dans l’économie française, on voit que l’on est gagnant dès que le niveau de dépréciation dépasse les 15%. Mais, on voit aussi que ceci entraîne une hausse des prix à l’intérieur du pays.

 

 

- Les conséquences économiques

Regardons d’abord les conséquences économiques. Avec plusieurs collègues nous avons estimé à 20-25% l’ampleur probable de cette dépréciation. Mais, il nous semble aussi que si la France sortait de la zone Euro, d’autres pays suivraient son exemple, et en particulier l’Italie, l’Espagne et le Portugal. Dans ces pays, la dépréciation probable de la monnaie serait plus importante qu’en France, de 25% à 30% en Italie, de 30% à 35% en Espagne. Cela implique que par rapport à ces pays le franc (ou quel que soit le nom de la monnaie française post-Euro) s’apprécierait. Une sortie de l’Euro provoquerait donc un mouvement de dépréciation de la monnaie française vis à vis du Dollar, des monnaies liées au Dollar, du Deutschemark et des monnaies liées de fait au DM, mais une appréciation par rapport à la nouvelle monnaie italienne, espagnole et portugaise. Il faut donc évaluer les conséquences de ce double mouvement. On sait qu’une forte dépréciation de la monnaie par rapport à la zone Dollar et à l’Allemagne aurait des conséquences très positives sur l’économie. Les conséquences sur la production, et donc sur l’emploi, seraient importantes, avec une hausse de la production par accroissement des exportations, mais aussi par le mécanisme de substitution aux importations. Les calculs, prudents, que nous avons réalisés montrent qu’il y aurait dans les 5 années suivant la sortie de l’Euro une croissance d’environ 22-25% du PIB en volume et une création nette de 1,3 à 2,5 millions d’emplois. L’impact sur le niveau d’inflation, et sur le pouvoir d’achat des français peu lui aussi être évalué. On sait qu’environ 45% de notre consommation est importée. Mais, ceci se divise en 25-27% en provenance de la zone Dollar et de l’Allemagne (et des pays assimilés) et 18-20% en provenance de pays où la dépréciation monétaire serait supérieure à celle de la France dans le cas d’une sortie de l’Euro. Si l’on considère qu’il n’y a pas de phénomènes de substitution, l’effet d’un éclatement de la zone Euro sur les prix intérieurs est le suivant.

 

La baisse du pouvoir d’achat serait donc de 100/105,58 soit de 5,3%. On est loin d’une baisse de 30% dont parlent des hommes politiques « pro-Euro » qui, ici encore, soit ne connaissent pas les mécanismes dont ils parlent, soit mentent comme des arracheurs de dents. En réalité, des mécanismes de substitution se mettraient rapidement en place. On peut donc considérer que la baisse effective du pouvoir d’achat serait plus proche de 4% que des 5,3% calculés. Cette baisse se traduirait par une bouffée inflationniste la première année, mais rapidement, dès la deuxième année, cette inflation issue de la dépréciation s’amenuiserait. Par ailleurs, le volume global des salaires versés dans l’économie française augmenterait au fur et à mesure que se créeraient des emplois. Bien entendu, une partie de cette augmentation se substituerait à des prestations sociales (assurance chômage). Mais, la baisse du volume de ces mêmes prestations sociales (du fait du retour à l’emploi d’un nombre important de personnes) permettrait de baisser les cotisations prélevées sur les salariés et sur les entreprises, ce qui se traduirait par un accroissement du salaire net plus rapide que celui du salaire brut. Ici encore, les estimations et les calculs que nous avons fait avec mes collègues montrent que dans un délai de trois ans après la sortie de l’Euro le pouvoir d’achat des français aurait augmenté substantiellement.

 

 

- Effets directs et indirects

Il faut ajouter que le mécanisme est en réalité cumulatif. Nous n’avons pas, jusqu’à présent, évoqué le rôle de l’investissement. Mais, si l’on assiste à un fort accroissement de la production en volume (que ce soit pour l’exportation ou pour la substitution aux importations) l’investissement des entreprises augmentera rapidement, et ceci contribuera à la croissance générale. C’est un effet indirect d’une sortie de l’Euro mais qui ne peut se manifester que dans le contexte d’une sortie de l’Euro. C’est pourquoi, en additionnant les effets directs et indirects nous estimons qu’une création nette de 2 millions d’emplois en 3 ans est probable, et ceci même en faisant des hypothèses pessimistes sur le retour à l’emploi de chômeurs de longue durée. On doit ici rappeler qu’une importante dépréciation de la monnaie conduit à provoquer un changement dans les prix relatifs entre les produits en fonction de leur composition en biens primaires et secondaires importés ou nationaux. Ce changement du prix relatif va entraîner une modification du comportement tant des acheteurs que des producteurs, ce qui va se traduire par une réallocation des flux d’investissement dans l’économie. Les effets indirects sont susceptibles d’être aussi importants et de plus longue durée que les effets directs d’une dépréciation. C’est ce qui est en général ignoré ou très largement sous-estimé par de nombreux auteurs quand ils considèrent l’impact d’une telle dépréciation.

 

 

- Les conséquences financières : la question des dettes

Venons en maintenant aux conséquences financières. Ces conséquences se concentrent sur la question des dettes, qui peuvent avoir été faites dans le droit français, auquel cas la transformation des sommes de l’Euro et Franc est de droit et automatique, et celles qui ont été faites dans un autre droit que le droit français. Il faut donc calculer non pas la proportion des acheteurs de dette français et étrangers, mais la proportion des contrats passés en droit français ou en droit étranger.

 

On constate que, pour les dettes publiques, l‘écrasante majorité est en droit français. Il n’y aura donc aucun problème à ce niveau là. Pour les dettes privées financières, soit les dettes émises par des établissements financiers (banques et assurance) on constate que les ¾ sont en droit français. Le quart émis en droit étranger sera réévalué du montant de la dépréciation du Franc vis à vis des monnaies dans lesquelles ces dettes ont été émises. Mais, une étude réalisé en 2013 sur le bilan des établissements financiers montrait aussi que ces établissements avait prêtés de l’argent « en droit étranger » dans des devises que l’on peut supposer fortes. Le calcul de la réévaluation et de la dépréciation de l’actif et du passif du bilan montrait que l’écart pour une dépréciation de -25% du Franc serait de l’ordre de 5 milliards d’Euros sur l’ensemble des établissements financiers français. C’est tout aussi négligeable que pour la dette publique. Reste le problème de la dette privée « non-financière », c’est à dire des ménages et des entreprises. Pour les ménages, 99,5% des dettes sont en droit français. Par contre, pour les entreprises, on voit qu’une part importante des dettes (54%) ont été émises en droit étranger. Mais, il s’agit de grandes d’entreprises qui réalisent une large part de leur chiffre d’affaires hors de France et en zone Dollar. La réévaluation de leur dette ira de pair avec la réévaluation de leur chiffre d’affaires, et le ratio d’endettement (Dette/Chiffre d’affaires) restera stable.

 

On constate que le discours alarmiste sur les implications d’une sortie de l’Euro quant aux dettes ne repose sur rien de solide et traduit soit une méconnaissance de ceux qui le tiennent soit une volonté de créer un effet de panique monté de toute pièce.

 

 

- Les capacités d’endettement dans l’économie française après une sortie de l’Euro.

Mais, si en statique le problème semble réglé, il n’en va pas de même nécessairement en dynamique. Autrement dit, si le stock de dettes ne posse pas de problème, que se passerait-il pour les nouvelles dettes et pour les taux d’intérêts ?

 

Il faut ici distinguer la question de l’endettement publique de l’endettement privé. Pour les entreprises, la capacité à s’endetter est liée à ce que le marché perçoit de leurs capacités à rembourser des dettes futures. Or, les entreprises françaises soit seront en expansion soit ne verront pas leur situation changée dans le cas d’une sortie de l’Euro. Les entreprises des constructions mécaniques, de l’automobile et de l’aéronautique devraient voir leurs perspectives de chiffre d’affaires et de profits s’améliorer de manière significative avec une sortie de l’Euro. Cela se traduirait par des conditions plus favorables pour leur endettement.

 

Pour la puissance publique, il est clair par contre que les taux d’intérêts des prêteurs étrangers reflèteraient le risque de change encourus s’ils prêtent à la France. Il faudra donc réorienter l’épargne française qui, actuellement, ne s’investit plus principalement en France vers des besoins en investissement français. Cela impliquera alors trois types de mesure. D’une part, il faudra établir un contrôle des capitaux portant principalement sur les mouvements spéculatifs. D’autre part, il faudra réintroduire un « plancher des effets publics » en pourcentage de l’actif applicable à toute banque souhaitant travailler en France, ce qui permettra de créer une demande pour des titres d’endettement français, qu’ils soient publics ou para-publics. Enfin, il faudra mettre fin à l’indépendance de la Banque de France et recréer les mécanismes d’alimentation en liquidité à court et moyen terme qui sont la contrepartie nécessaire de l’obligation pour les banques de détenir une certaine proportion de titres publics et para-publics dans leur bilan.

 

On mesure alors qu’une sortie de l’Euro ne se limitera pas, comme certains affectent de le croire, à un changement de dénomination monétaire et à une dépréciation de la monnaie. Une sortie de l’Euro implique, et c’est à mon avis là que se trouve une partie de l’intérêt de l’opération, une refonte profonde du système de financement de l’économie française et une limitation de la capacité des banques à réaliser des opérations spéculatives, à fort risque potentiel, sur l’étranger. De ce point de vue, une sortie de l’Euro implique bien un changement important dans les pratiques et dans les institutions financières. Ce changement devrait permettre de mettre en œuvre une « définanciarisation » progressive de l’économie française et de rééquilibrer le poids de l’industrie par rapport au poids de la finance. C’est en réalité l’enjeu profond et décisif d’une sortie de l’Euro.

 

 

- Effondrement ou réévaluation du Franc ?

Reste un troisième et dernier problème. Qu’adviendra-t-il du « Franc » une fois que la France sera sortie de l’Euro, et aura fait exploser la zone Euro ? Un certain nombre de personnes, essentiellement des politiques et non des économistes, disent que le « France » perdrait rapidement toute sa valeur. Il n’en est rien et, la France exportant une part importante de sa production, la demande pour la monnaie française resterait importante. Ici encore, on est typiquement sur une affirmation provenant de gens qui soient ne connaissent rien aux marchés des devises soit on décidé de créer de toute pièce une panique. Mais, si cela est vrai à moyen terme, on sait aussi qu’il peut y avoir des fluctuations très erratiques sur les marchés des changes quand des « grands acteurs », c’est à dire des banques, empruntent massivement pour acheter (ou pour vendre) une devise. De même, on ne peut exclure le fait que le « Franc » serve de monnaie refuge de deuxième ordre derrière le DM après l’éclatement de la zone Euro, et qu’il se réévalue fortement dans les 6 à 12 mois après la sortie de l’Euro. C’est un vrai problème car une réévaluation trop rapide du Franc par rapport au Dollar irait contre le développement d’un effet positif sur les exportations françaises et d’un effet de substitution. Il faudra alors prendre garde à ce risque pour ne pas répéter la désastreuse politique économique qui fut celle de la France avant l’Euro, dominée par le mythe du « Franc fort ».

 

Cela pose donc la question de savoir comment pourrait-on stabiliser la valeur nominale du « franc » sur le marché des changes, et mettre en place e cas échéant une dépréciation lente qui permettrait d’annuler l’impact de l’inflation (ou plus précisément de l’écart d’inflation) entre l’Allemagne et la France par exemple. L’utilisation de l’instrument des taux d’intérêts est inefficace pour contrôler la valeur nominale du taux de change. Les anticipations de profit dans le cadre d’une spéculation sur le taux de change sont telles, et dans un délai de quelques jours, que même des taux de 20% ne sont pas réellement dissuasifs. Aussi, sauf à disposer de réserves de changes extrêmement importantes (comme en Russie ou en Chine), le contrôle des capitaux et l’interdictions des positions spéculatives reste la meilleur arme. Il est clair que ces mesures entraînent à leur tour des coûts de transaction. Mais, ce derniers sont aujourd’hui, alors que l’essentiel des transactions sont informatisés, considérablement plus faibles qu’ils ne l’étaient il y a 30 au 40 ans. Par contre, cela demandera la réalisation d’un système expert capable de suivre et d’identifier les transactions en temps réel (je signale qu’un système de ce type fonctionne actuellement en Russie…) et la décision de confier à une autorité, qui pourrait être TRACFIN un pouvoir discrétionnaire pour appliquer les mesures prises dans le cadre d’un contrôle des capitaux.

 

La liberté totale des capitaux n’a pas démontré les avantages qu’on lui prête, en particulier pour faire baisser les coûts de financements. La raison en est simple : plus de 95% du financement des entreprises passe par des capitaux à moyen et long terme. Inversement, les mouvements de capitaux à court et très court terme représentent plus de 95% de l’ensemble de ces mouvements. Cela démontre, s’il en était besoin, que le système financier mondialisé fonctionne comme un immense casino et que l’on peut restreindre la liberté des banques et des quasi-banques à opérer librement sur le court et le très court terme sans provoquer de dommage à l’économie.

 

C’est la raison pour laquelle désormais même le FMI reconnait que des contrôles de capitaux sont parfaitement légitimes. Ceci converge avec la position présentée ci-dessus de la nécessité de changer radicalement de paradigme dans les institutions financières, de mettre fin aux pratiques de financiarisation, et pour cela d’établir des limites à la globalisation financière. Nul doute qu’une telle politique sera certainement considérée par certains comme représentant un « repli sur soi », conduisant à une France « rabougrie » pour reprendre les mots utilisés par notre Président de la République lors de sa dernière intervention sur TF1. En fait, on voit parfaitement quels intérêts seront lésés par des mesures de contrôle, ceux des spéculateurs qu’ils soient « institutionnels » (comme les banques et les sociétés financières) ou qu’ils soient individuels. Il est un comble que, par voix de presse et de publicité, ces intérêts arrivent à présenter comme un « bien commun » ce qui n’est que l’expression de leurs intérêts particuliers. Il conviendra donc d’appliquer avec toute la rigueur nécessaire le principe que nul ne peut détourner à son profit la notion d’intérêt commun.

 

 

  • Les discours sur une perte de 30% du pouvoir d’achat, un doublement de la dette, et un appauvrissement massif des français sont donc des propos qui sont tenus soit par des personnes ignorantes, soit au contraire par des personnes bien informées mais décidées à jouer la carte de la panique de la population pour maintenir leurs intérêts. Un peu de bon sens (et de science économique) montre quelle sera la réalité de la situation.

 

  • Le véritable problème dans une sortie de l’Euro, et une forte dépréciation monétaire, sera ailleurs : le boom provoqué par cette dépréciation ne risque-t-il pas d’inciter les agents économiques à vivre dans le court terme et à oublier que des réformes s’imposent si nous voulons que l’économie française conserve la dynamique qu’elle aura acquise lors d’une sortie de l’Euro ? A cette question, il n’est pas de réponse économique.

 

  • Mais il faudra, soyons en sûr, être vigilent et ne pas perdre de vue l’intérêt commun et les perspectives de long terme pour notre pays. Ceci impliquera la mise en place d’une véritable programmation stratégique de l’économie, utilisant en partie les instruments et les mécanismes qu’il aura fallu mettre en place avec la sortie de l’Euro. Telle est, en définitive, la leçon ultime que l’on peut tirer de cette perspective de fin de la monnaie unique qui s’imposera à court terme à la France mais aussi à des pays comme l’Italie et l’Espagne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

- Pour sauver l’euro, et les choix démocratiques, il faut une zone euro décentralisée par Philippe Legrain

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 09:00
Les multinationales prennent soin de leurs actionnaires avec des dividendes records

En 2014, les 1.200 plus grandes entreprises de la planète devraient redistribuer sous forme de dividendes 1.190 milliards de dollars. Et l'année prochaine s'annonce encore plus faste.

 

Sources : Blog de rené Blanchemanche le 18/11/2014

Les dividendes des 1.200 plus grandes entreprises mondiales devraient augmenter de 12,6% cette année, pour atteindre 1.190 milliards de dollars. C'est 133 milliards de dollars de plus que l’année précédente. Cela fera de 2014 le meilleur millésime en la matière depuis 2011. Mais, à en croire la société de gestion britannique Henderson, qui gère une centaine de milliards d’euros d’actifs, 2015 devrait être encore meilleur. Les dividendes versés devraient en effet atteindre 1240 milliards (+4,2%). De quoi relancer le débat sur la trop forte rémunération des actionnaires…

 

Rien que sur le troisième trimestre de cette année, le montant total des dividendes versés à atteint 288 milliards de dollars, en hausse de 3,8% par rapport au troisième trimestre 2013. Cela porte à 60% la hausse des dividendes mondiaux depuis la fin 2009. C'est bien sur l'effet du redressement des comptes des entreprises après le choc de la crise des subprimes, en 2007-2008, qui avait fait plonger l'activité économique sur toute la planète et réduit significativement les profits des entreprises. Depuis, les grands groupes ont fait le ménage, et l'économie mondiale est repartie.

 

Le chiffre de 1.190 milliards de dollars de dividendes versés tient compte des dividendes ordinaires et aussi des dividendes exceptionnels. Dont celui du britannique Vodafone, qui après avoir vendu Verizon Wireless, a versé 26 milliards de dollars d'exceptionnel à ses actionnaires : l'an prochain, le montant des dividendes versés en Grande-Bretagne devrait donc diminuer d'au moins 20 milliards de dollars.

 

- Etats-Unis et pays émergents en tête 

Cette année, comme depuis deux ans, les Etats-Unis feront mieux que le reste du monde, avec des hausses de profits plus élevées que la moyenne. Depuis fin 2009, ceux-ci ont augmenté de 70% (contre +60% pour l'ensemble du monde). Les pays émergents sont aussi un des grands moteurs de la croissance des profits. Les BRICs (Brésil, Russie, Inde et Chine) ont ainsi vu leurs dividendes augmenter de 136% depuis fin 2009 (toujours contre +60% pour l'ensemble du monde).

 

Et l’Europe continentale, dans tout cela ? Elle se redresse avec des profits qui devraient atteindre 230 milliards de dollars cette année, en hausse de 13%, mais reste très en retard depuis son décrochage de 2011. Au total, depuis fin 2009, les dividendes n'y ont cru que de 22%, bien en dessous des +60% qui représentent la moyenne mondiale. La France n'est pas mal classée dans ce tableau : cette année, elle a versé plus de 80 milliards d'euros de dividendes.

 

Mais c'est au prix d'un très gros effort, qui se fait au détriment de l'investissement. Ainsi, les seules entreprises du CAC40 ont versé 39 milliards d'euros de dividendes cette année au titre de l'année 2013. C'est un effet important, en hausse de 6%, surtout quand on sait qu'en 2013 ces mêmes entreprises du CAC 40 ont vu leur profit baisser de 8%, à 48 milliards d'euros...

 

 

- Part de la zone dans les dividendes distribués (en %) :

 

- Croissance des dividendes par zone (base 100 fin 2009) :

 

 

 

Pour en savoir plus :

- Suisse : 49 Français parmi les 300 plus grosses fortunes du pays

- Ce que le Medef cache aux Français

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27 novembre 2014 4 27 /11 /novembre /2014 09:00
Élections aux États-Unis : quand des champions du CAC 40 (français) financent des extrémistes

Aux États-Unis qui votaient le 4 novembre pour renouveler leur Chambre des représentants et une partie du Sénat. Comme pour les précédentes campagnes électorales, l’argent coule à flots. Les entreprises françaises ne sont pas en reste : elles ont dépensé plusieurs centaines de milliers de dollars via leurs « political action committees ». Et soutiennent en majorité… les candidats du parti Républicain, la droite états-unienne, dont certains figurent parmi les plus rétrogrades en matière d’écologie ou de droits des minorités. Objectif affiché : entraver toute nouvelle régulation environnementale, sociale ou financière, alors que se négocie le futur traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis.

 

Sources : BASTA! par Olivier Petijean

Les élections de mi-mandat se sont déroulées le mardi 4 novembre aux États-Unis. En jeu, le renouvellement d’une partie du Congrès et du Sénat. Comme lors des précédents scrutins, l’argent coule à flots pour alimenter les campagnes électorales des futurs sénateurs et congressmen. Des sommes titanesques, comparées aux budgets d’une campagne présidentielle française, collectées par les « political action committees » (PACs). Ces structures sont créées par des grandes fortunes, des entreprises, des lobbies en tout genre pour financer les dépenses des candidats, ou acheter des annonces publicitaires dans les médias pour éreinter leurs adversaires. Et aux États-Unis, il n’existe aucune limite.

 

Exemple ? Le PAC lancé par Thomas Steyer, un milliardaire partisan d’Obama, et à la fibre écologiste, a récolté 76 millions de dollars pour soutenir les démocrates. En face, les frères Koch, à la tête d’un empire pétrochimique considéré comme l’un des plus gros pollueurs aux États-Unis, ou le milliardaire Karl Rove, un « stratège » politique présenté comme l’architecte des victoires de George Bush Junior, ont investi chacun plus de 20 millions de dollars en faveur des candidats républicains les plus conservateurs [1]. Ce déferlement d’argent peut jouer un rôle crucial : les Républicains, alignés idéologiquement sur leur frange la plus extrémiste, celle du tea party, ambitionnent de consolider leur mainmise sur la Chambre des représentants et de conquérir la majorité au Sénat, avec pour conséquence de bloquer encore davantage les institutions et d’empêcher l’adoption de toute nouvelle régulation sociale ou environnementale.

 

Une vingtaine de grandes entreprises françaises participent de près aux élections états-uniennes : leurs propres « political action committees » ont récolté près de trois millions de dollars. Et pour financer qui ? Les Républicains, en majorité, et quelquefois les plus réactionnaires de leurs candidats. Lors des élections présidentielles de 2012 aux États-Unis, Basta ! et l’Observatoire des multinationales avaient déjà publié une longue enquête sur l’implication financière des entreprises françaises dans la campagne électorale pour la Maison blanche – un sujet jusqu’alors totalement ignoré en France.

 

 

- Les entreprises françaises préfèrent les Républicains

Cette enquête avait révélé l’ampleur du soutien financier apporté par des entreprises telles que Sanofi, GDF Suez, Lafarge, Vivendi ou Areva à des candidats républicains, y compris ceux défendant les positions les plus réactionnaires, voire extrémistes [2]. Parmi les hommes et femmes politiques bénéficiant des largesses des « champions » du CAC 40 figuraient ainsi des proches du tea party – la droite extrême états-unienne –, des candidats qui prêchent le déni du changement climatique, le créationnisme, l’abrogation de toute forme de régulation environnementale, l’homophobie ou le renvoi des immigrés chez eux.

 

Deux ans plus tard, à quelques exceptions près, plusieurs grandes entreprises françaises, via leurs PACs, continuent de miser sur les mêmes écuries. Les données ci-dessous sont tirées du site opensecrets.org. qui collecte et met en ligne les déclarations transmises à la Commission électorale fédérale (Federal Electoral Commission, FEC). Il s’agit des chiffres déclarés au 24 octobre 2014.

 

  • Top 20 des entreprises françaises impliquées financièrement dans la campagne 2014

 

 

˜

Entreprise

Financements déclarés,

en dollars

Part des financements

aux Républicains

1 Sanofi 933 270 63%
2 Airbus 370 602 78 %
3 AXA 284 740 57%
4 Vivendi 218 330 47%
5 Areva 217 927 58%
6 BNP Paribas 119 250 32%
7 ArcelorMittal 93 360 63%
8 Michelin 56 416 74%
9 GDF Suez 56 200 55%
10 Lafarge 53 000 47%
11 Louis Dreyfus 48 450 89%
12 Arkema 47 600 64%
13 Société Générale 36 936 70%
14 Safran 36500 47%
15 Suez environnement 35 700 15%
16 Alcatel 33165 26%
17 Air Liquide 28750 59%
18 Danone 25850 0%
19 BPCE/Natixis 24150 27%
20 Sodexo 20490 76%

 

C’est Sanofi qui, via son comité d’action politique, investit le plus dans la campagne électorale. Au fil des scrutins, ses financements n’ont cessé d’augmenter et se dirigent de manière toujours plus marquée vers les Républicains : 210 000 dollars lors des élections de mi-mandat de 2010, 489 000 en 2012, et près du double cette année, dont les deux tiers au profit de la droite états-unienne. Une tendance que l’on ne peut manquer de mettre en rapport avec les options de son directeur exécutif récemment « débarqué », Chris Viehbacher, qui voulait diriger l’entreprise pharmaceutique depuis les États-Unis. En plus de sa contribution au PAC de Sanofi, celui-ci a d’ailleurs financé directement, à titre personnel, plusieurs figures de l’establishment républicain. Les financements d’Areva[3] sont eux aussi en hausse, quoique de manière plus modérée, avec une nette inflexion vers les Républicains. Michelin, Airbus et ArcelorMittal déclarent des chiffres globalement stables, mais de plus en plus nettement marqués en faveur des Républicains.

 

Autre cas notable : celui de la Société générale, particulièrement mise en cause suite à la publication de notre article en 2012. Deux ans plus tard, elle n’affiche plus que 36 936 dollars de financements. C’est vingt-cinq fois moins qu’en 2012 (933 670, à 83% pour les Républicains). Difficile de savoir si ces financements ont continué par un autre biais. Reste que le patron de la banque aux États-Unis, Craig Overlander, ne cache pas ses préférences : il a versé une contribution personnelle de 15 000 dollars au Comité national républicain pour les sénatoriales [4]. Quant à Danone, Alcatel et le groupe Banque populaire Caisse d’épargne, ils sont les rares à préférer les Démocrates.

 

 

- Bannir toute régulation

Qui sont les candidats qui bénéficient de ces largesses ? Les entreprises françaises ont tendance à privilégier les leaders républicains en place plutôt que les plus extrémistes du tea party. Mais la notion d’« extrémisme » semble devenue très relative au sein de la droite états-unienne dès lors que l’on touche à des sujets comme le changement climatique, les armes à feu, la fiscalité ou le droit à l’avortement. Parmi les candidats préférés des entreprises françaises, des personnalités politiques se sont particulièrement illustrés dans ce domaine. Areva, Sanofi et GDF-Suez ont ainsi dépensé plusieurs milliers de dollars en faveur de Ed Whitfield (Kentucky), auteur d’une législation bannissant toute régulation des gaz à effet de serre. Ces mêmes entreprises, aux côtés d’ArcelorMittal ou du groupe Louis Dreyfus, l’un des leaders dans le négoce de matières premières, ont ensemble accordé plus de 15 000 dollars à John Shimkus (Illinois), qui avait déclaré ne pas craindre la montée des mers parce que, selon la Bible, Dieu a promis à Noé que l’humanité ne serait plus jamais menacée par un déluge...

 

Si les Républicains conquièrent effectivement le Sénat, le mieux placé pour occuper la présidence du Comité de l’environnement et des travaux publics – une position stratégique – n’est autre que James Inhofe, sénateur de l’Oklahoma. Airbus, Sanofi, Areva et Michelin en ont fait un de leurs favoris. Problème : c’est aussi l’un des climato-sceptiques les plus fanatiques du parti républicain. Il considère que la question du changement climatique n’est qu’une vaste conspiration [5]. Il a aussi été classé comme le membre le plus à droite de tout le Sénat : il s’illustre régulièrement par son soutien à l’ultra-droite israélienne et par son combat contre les droits des immigrés ou des homosexuels.

 

 

- Armement, finance, médicaments : des intérêts bien compris

Après nos révélations de 2012, l’excuse la plus souvent avancée par les entreprises pour justifier ces financements pour le moins dérangeants est que les PACs sont des fonds créés officiellement par leurs employés. Les grands groupes concernés n’exerceraient donc aucune influence sur la destination des fonds collectés. Or, ces PACs sont souvent hébergés au sein des entreprises. Certaines ont même encouragé leurs employés à y contribuer. Et leurs plus gros donateurs ne sont autres que les dirigeants de ces entreprises, ce qui ne les empêche pas de financer par ailleurs les candidats républicains à titre personnel, comme Chris Viehbacher de Sanofi, Craig Overlander de la Société Générale, ou encore Clyde Selleck, le patron de Michelin aux États-Unis [6] : Chris Viehbacher pour Sanofi, le directeur général Louis Schorsch pour ArcelorMittal, le directeur général Allan McArtor et sa femme pour Airbus (aux côtés de Marc Paganini, président d’Aribus Helicopters et de Guy Hicks, directeur du bureau de Washington)]].

 

Étrangement, quelle que soit l’étiquette politique des candidats financés, leur profil et leur programme correspondent très étroitement aux intérêts des entreprises. Les financements accordés par BNP Paribas bénéficient par exemple à des hommes politiques hawaiiens, la banque y possédant une importante filiale, la First Hawaiian Bank. Cela explique pourquoi BNP Paribas penche plutôt vers les Démocrates, Hawaii étant un bastion historique de ce parti. Mais les autres PACs liés à BNP Paribas sont largement favorables aux Républicains. Autre exemple : les PACs de Michelin, Safran ou Airbus privilégient les candidats siégeant dans des comités déterminants pour les contrats d’équipement militaires. Parmi les principaux bénéficiaires de la générosité d’Airbus, on trouve ainsi Buck McKeon de Californie, président du Comité des forces armées de la Chambre des représentants (le Congrès), ou encore Jeff Miller de Floride, lui aussi membre du Comité des forces armées de la Chambre des représentants.

 

 

- Le traité de libre-échange en toile de fond

Il n’y a pas que les entreprises françaises qui s’immiscent dans la campagne électorale. Les entreprises européennes – en particulier des firmes britanniques et des banques suisses – sont de loin les plus impliquées. Ces multinationales favorisent elles aussi nettement les Républicains, davantage hostiles à toute forme de régulation, environnementale, sanitaire ou financière. Les banques, les firmes pharmaceutiques et chimiques et les industries d’armement apparaissent comme les principaux contributeurs. Le PAC de la banque suisse UBS a ainsi collecté plus de 1,3 million de dollars tandis que celui du groupe d’armement britannique BAE System y a investi plus de 800 000 dollars. Cette ingérence illustre l’interpénétration des intérêts politiques et économiques des deux côtés de l’Atlantique, alors même que se négocie un futur traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

 

Ces données ne constituent très probablement que la pointe de l’iceberg. Depuis la décision Citizens United de la Cour suprême américaine, en janvier 2012, toutes les barrières pour limiter l’influence de l’argent en politique sont tombées. Le fonctionnement de l’institution chargé de contrôler ces financements, la Federal Elections Commission (FEC), est délibérément entravé par ses membres républicains. Le nombre de procédures de contrôle ou de sanction initiées par la FEC s'est effondré. Les financements des entreprises peuvent être canalisés à travers des PACs, lesquels sont soumis à certaines obligations de transparence. Mais l’argent arrive aussi, et de plus en plus souvent, par d’autres biais : sociétés fantoches créées pour l’occasion, organisations à but non lucratif, ou encore associations professionnelles. N’étant pas soumises à l’obligation de déclarer la source de leur argent, ces structures permettent aux entreprises ou aux milliardaires de peser sur les campagnes électorales en toute discrétion. Aucun moyen ou presque de savoir si les entreprises françaises et leurs filiales y ont recours, et dans quelle mesure.

 

 

- Neutralité de façade

Les entreprises qui souhaitent maintenir une neutralité de façade ont également recours à des associations professionnelles. Elles leur permettent de mener campagne de manière souterraine contre une législation ou un candidat. Si l’on ne connaît pas le montant des donations éventuelles effectuées par les firmes françaises, on connaît au moins les organisations professionnelles dont elles sont des membres actives, en siégeant au conseil d’administration. C’est le cas pour la plus puissante d’entre elles, la Chambre de commerce états-unienne (US Chamber of Commerce). Autrefois chambre de commerce classique, elle s’est muée en véritable machine de guerre au service des lobbies économiques… et des candidats républicains. L’US Chamber of Commerce est pour l’instant le principal financeur de la campagne électorale 2014, avec 31,8 millions de dollars dépensés au 25 octobre, quasi exclusivement en faveur de candidats républicains, et dans les circonscriptions les plus contestées [7].

 

« Quand des grandes entreprises décident qu’elles veulent pousser leurs propres candidats mais qu’elles ne souhaitent pas que cela se voit, elles appellent l’US Chamber of Commerce »,  explique Lisa Gilbert de Public Citizen . On sait peu de choses sur ces généreux contributeurs. Mais deux entreprises françaises, Sanofi et Air Liquide, siègent, via leurs directeurs exécutifs, au Conseil d’administration de l’US Chamber of Commerce. Sans surprise, le lobby patronal est aujourd’hui l’un des principaux acteurs, à Washington comme à Bruxelles, de la promotion du traité de libre-échange transatlantique (TTIP).

 

 

- 150 millions de dollars en loblying

Les associations professionnelles sectorielles jouent aussi un rôle important dans la campagne. L’American Chemistry Council (Conseil américain de la chimie), grand défenseur du gaz de schiste et pourfendeur de la régulation des produits chimiques, a ainsi dépensé 2,4 millions de dollars. Air Liquide, Arkema, Solvay et Total en sont membres, et toutes, sauf Arkema, siègent à son conseil d'administration. Même phénomène pour l’American Petroleum Institute (Institut américain du pétrole), qui représente les intérêts de l’industrie pétrolière et gazière, ou PhRMA qui représente l’industrie pharmaceutique.

 

Les dirigeants des entreprises françaises expliqueront qu’ils ne font que suivre l’exemple – et souvent à une bien plus petite échelle – des entreprises nord-américaines avec lesquelles elles sont en concurrence. « Le système [états-unien] est totalement différent des usages européens », argumenteront-ils. Leurs entreprises doivent bien s’adapter ! Les entreprises françaises ne sont d’ailleurs pas avares en dépenses de lobbying. En quatre ans, vingt groupes français cotés ont ainsi dépensé près de 150 millions de dollars pour des actions de lobbying à Washington. Et on retrouve une partie de celles qui sont les plus impliquées dans l’actuelle campagne électorale, comme le montre le tableau ci-dessous [8].

 

  • Les 20 entreprises françaises les plus actives dans le lobbying à Washington

 

 

˜ Entreprise

Dépenses de lobbying déclarées

2010-2014, en millions de dollars

1 Sanofi 36,695
2 Airbus 18,965
3 Vivendi 15,32
4 Renault-Nissan 11,5
5 ArcelorMittal 7,97
6 Alstom 7,48
7 Alcatel-Lucent 6,31
8 Safran 5,792
9 Michelin 4,662
10 SNCF 3,95
11 AXA 3,89
12 Areva 3,58
13 Arkema 3,32
14 Sodexo 3,225
15 Pernod-Ricard 3,04
16 Lafarge 2,92
17 Air liquide 2,475
18 GDF Suez 2,28
19 Thales 1,84
20 Veolia 1,545

 

  • Problème :
    • Entre mener des actions de lobbying et s’immiscer directement dans une campagne électorale, en tentant d’influencer le résultat, il existe une frontière éthique.
    • Le rôle toujours croissant des entreprises et des milliardaires dans la vie politique est un sujet suffisamment polémique aux États-Unis – une importante campagne citoyenne est en cours pour limiter à nouveau rigoureusement le rôle de l’argent en politique – pour que des groupes français prennent davantage de précaution.
    • En particulier si c’est pour soutenir des candidats parmi les plus extrémistes. Et a fortiori lorsque ces groupes sont majoritairement ou partiellement propriété de l’État français, comme c’est le cas d’Airbus, d’Areva et de GDF Suez.
    • Les représentants de l’État au sein de ces groupes ont-ils pour mandat de cautionner le soutien financier à des climato-sceptiques ou des représentants de l’ultra-droite ?

 

 

- Entre business et idéologie

Ce que révèle l’implication des multinationales françaises dans la politique états-unienne, c’est aussi l’amalgame de plus en plus fort entre ce qui relève des « intérêts économiques bien compris » des entreprises et de l’idéologie. L’hostilité envers l’État régulateur, le déni du changement climatique ou de la gravité des diverses formes de pollutions, la promotion de la liberté individuelle… autant de points de convergence entre un certain radicalisme d’extrême-droite et la vision du monde néolibérale. C’est cette convergence nouvelle – inventée aux États-Unis depuis quelques années, et qui fonde aujourd’hui l’identité même du parti républicain – que les firmes françaises paraissent prêtes à encourager. Le feront-elles demain en France et en Europe ?

 

Notes

[1] Lire ici, en anglais.

[2La version longue de cette enquête est disponible ici.

[3] L'actionnariat d'AREVA est particulièrement stable. L'Etat français contrôle directement ou indirectement 86,52 % du capital d'AREVA. Le premier actionnaire est un établissement public, le Commissariat à l'Energie Atomique et aux énergies alternatives (CEA). La Banque Publique d'Investissement (BPI-Groupe) constitue également un actionnaire public de la société. Source

[4Lire ici.

[5Il est l’auteur d’un livre paru en 2012 intitulé Le plus grand hoax de tous les temps : comment la conspiration du changement climatique menace votre futur (The Greatest Hoax : How the Global Warming Conspiracy Threatens Your Future).

[6Voir ici.

[7Voir le rapport publié il y a quelques jours par l’ONG Public Citizen. Lire aussi cette enquête du Washington Post.

[8Ces données sont aussi tirées du site OpenSecrets.org. Elles sont vraisemblablement très incomplètes, pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos des financements politiques, notamment le rôle des associations professionnelles.

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25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 10:34
La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

Sources :  Blog de Jean-Luc Mélenchon le 05 novembre 2014 (Texte publié dans La Revue internationale et stratégique N°95 (IRIS))

La France dispose du deuxième territoire maritime du monde. «Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée ». Cette phrase de Richelieu porte toujours : le gouvernement de François Hollande méprise ce potentiel de notre pays. La mer est pourtant le nouvel horizon de l’humanité. Elle est aussi un bien commun essentiel gravement menacé. Et la France ? Son devoir est fixé par son rang. C’est une opportunité fantastique pour notre peuple dans le siècle qui commence. La mer a le goût du futur pour les Français.

 

 

- La mer, nouvelle frontière de l’humanité

La mer est d’abord un espace plus méconnu que la surface de Mars ! Cependant c’est l’espace le plus vaste de notre planète ! Plus étendu que le monde connu lui-même : les océans couvrent 70 % de la surface du globe. Observons que plus des deux-tiers de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres d'une côte. La suite se devine. Car l’expansion humaine a fini d’occuper l’essentiel de la surface disponible sur la terre ferme. Avec 7 milliards d’individus, l'humanité est vouée à se tourner davantage vers la mer pour y trouver les ressources qui lui manque à terre : alimentation, eau potable, énergie, etc. La France dispose d’un trésor.

 

 

- L’entrée en mer a commencé

N’en parlons pas au futur. L’entrée de l’humanité en mer a déjà commencé. Elle a débuté sur le mode néolibéral productiviste : la cupidité commande. Le saccage est largement engagé. Directement, par le pillage, ou comme conséquence des pratiques à terre. Du peu qu’on en voit, le pire est déjà là. Ainsi cette immense zone morte de 22 000 km² dans le golfe du Mexique : la vie marine y a totalement disparu, à cause des pollutions d'origine agricole ruisselant dans le Golfe. Face à Cassis, la calanque de Port-Miou se remplit des boues rouges de l’usine de bauxite. Quant à l’explosion du trafic maritime, on sait son prix en termes de dégazages sauvages ou de naufrages volontaires des vieilles carcasses (beaching). La haute mer n’est pas épargnée, comme en atteste ce sixième continent, fait de milliards de déchets plastiques flottants empilés sur plus de vingt mètres.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

Et pourtant la mer nous fait vivre déjà un bouleversement inouï. Certes, la pisciculture est souvent une abomination pire que celle des élevages porcins. Pour autant, elle est un exemple particulièrement spectaculaire si l’on veut bien y réfléchir. Pour la première fois de l’Histoire, en 2013, les quantités de poissons produits par l'aquaculture égalent les quantités pêchées ! Le temps de la « cueillette » en mer est en train d'être dépassé. Exactement comme la chasse a été remplacée par l'élevage il y a près de dix mille ans.

 

 

- La mer, un bien commun menacé

La mer est indispensable à l’écosystème qui rend possible la vie humaine. Toutes les généalogies d’êtres vivants ont commencé en mer. Elle reste le grand régulateur de notre écosystème. Elle absorbe 80 % de la chaleur produite par la planète et 20 % des émissions de CO2. Sans les mers, le changement climatique serait plus rapide, le sort de la vie humaine probablement déjà réglé. La mer est donc un bien commun de l’humanité. La question n’est pas de savoir s’il faut s’intéresser à elle, mais comment et pour quoi faire. Va-t-on reproduire au large les mêmes dégâts que ceux provoqués à terre ? Ou bien en entrant en mer de façon maîtrisée n’allons-nous pas du coup changer le mode de production terrestre ? La France peut agir de façon décisive. Elle ira en tête de ce nouvel âge de l’expansion humaine. « Liberté-égalité-fraternité » est une meilleure préparation à l’universalisme maritime que l’étroit appel au « deutschen Volke » invoqué sur la façade du Bundestag ou le stupide « in God we trust » proclamé sur chaque dollar ! Sinon ? Voyez la pente prise : aujourd’hui, ce bien commun est tellement malmené ! Saccagé par le productivisme. Pillé par l’appropriation privée. Déchiré par les tensions entre et à l’intérieur des nations.

 

 

- La menace du productivisme

Ce n’est sans doute qu’un début. Premier réservoir des ressources rares, la mer aiguise de féroces appétits. Elle contient 90 % des réserves d'hydrocarbures de la planète et 84 % des réserves de minerais et de métaux. Allons-nous laisser les firmes transnationales exploiter ces ressources comme elles l'entendent ? Les marées noires sur les côtes n’ont-elles pas suffi à nous alerter ? Elles se multiplieront si nous laissons exploiter les hydrocarbures qui se trouvent au fond des mers, comme ce projet de forage à 3 000 mètres de fond face au cap Horn, ou au large de la Guyane française. La mer est la première réserve de biodiversité. Nous connaissons à peine 15 % de la faune et de la flore marines. Cette merveille sera-t-elle détruite alors même qu’elle contient tant de réponses concrètes aux limites actuelles de la connaissance en biologie ?

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- La mer, au cœur des tensions politiques et géopolitiques

La mer est à l’origine de tensions géopolitiques. Certes, ce n’est pas nouveau. Mais les tensions existantes se renforcent et de nouvelles se créent. La lutte pour l'appropriation de l’espace maritime fait rage. Dans chaque nation, ce sont les conflits d'usage entre pêcheurs et plaisanciers, entre implantations d’éoliennes et zones de pêche. Il en va de même entre les nations. Des îlots au sous-sol maritime prometteur, hier ignorés, deviennent des enjeux pour lesquels se déploient navires de guerre russes, japonais ou chinois. Le réchauffement climatique et la fonte des glaces de l'Arctique aiguisent les appétits. Les zones libérées des glaces ne sont pas toutes cartographiées. Où passe la frontière entre la Russie et le Canada ? À qui appartiennent le sol et le sous-sol marins ? La France est muette. Jusqu’à ce qu’au Sud, la Terre Adélie française soit disputée ?

 

 

- La menace de la privatisation

Partout, la privatisation de tous les usages de ce bien commun est à l'œuvre. Voyez en Grèce la privatisation du port du Pirée à Athènes, ou la vente à la découpe du littoral. Le Parlement français vient, pour sa part, d’autoriser les mercenaires privés à protéger les navires pour compenser le désengagement de la Marine nationale. Et l'Union européenne (UE) a acté la création de droits de pêche qui pourront se vendre ou s’acheter. Cela revient à reconnaître un droit de propriété sur une partie de la ressource avant même qu’elle n’ait été récupérée. D’où vient ce droit ? Quelle est sa légitimité ? De tels droits transférables développent la financiarisation de la pêche au profit des grands groupes. Comme l’a dit si justement Isabelle Autissier lors des Assises écosocialistes de la mer organisées par le Parti de Gauche en janvier 2014 à Toulon : « ceux-là placent de l’argent dans le poisson comme ils en placeraient dans la chaussette. Et le jour où il n’y a plus de poissons, ils retournent dans la chaussette. Le pêcheur, lui n’a pas d’autre choix que de préserver la ressource ». Le capitalisme financier est une maladie mortelle pour la biomasse marine !

 

 

- Faire entrer la politique en mer

Parfois la mer est là en politique. Comme touche d’évasion exotique de programmes austères. Hors sujet ! Les questions maritimes interpellent directement le cœur des raisonnements politiques.

 

 

- Un enjeu de civilisation

La mer est au carrefour des grandes bifurcations de notre temps. La bifurcation anthropologique d’abord : l’humanité est plus nombreuse et plus urbaine que jamais. Et c’est sur les littoraux que se trouvent les plus grosses et les plus dynamiques concentrations de populations. Puis vient la bifurcation géopolitique : la concurrence du leadership mondial des États-Unis par la Chine se traduit en termes maritimes, les États-Unis s’arc-boutent sur l’Alliance atlantique pour se tourner plus fortement vers le Pacifique d’un point de vue commercial ou militaire. La bifurcation climatique donne encore plus de poids aux enjeux maritimes. Imaginons les conséquences sociales de la montée du niveau des mers. Imaginons les conséquences géopolitiques de l’ouverture régulière des routes maritimes passant par le pôle Nord : que deviennent alors les canaux de Suez et de Panama ? Et s’il est possible d’éviter les canaux, pourquoi limiter la taille des navires et donc des ports ? La carte de la puissance économique en sera bouleversée. La mer est au cœur des enjeux planétaires.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Une responsabilité particulière pour la France

Selon le service hydrographique et océanographique de la Marine, notre pays compte 18 000 kilomètres de côtes. Surtout, avec 11 millions de km², nous disposons du deuxième territoire maritime du monde, juste derrière les États-Unis ! Ce territoire représente plus de seize fois notre territoire terrestre. C’est alors un changement de paradigme national : 97 % du territoire maritime français se situe dans nos outre-mers, si souvent dédaignés. C’est surtout un enjeu international. La France a le 41e territoire terrestre du monde. Mais en additionnant les territoires terrestre et maritime, la France est le sixième géant du monde, juste derrière le Brésil, mais devant la Chine ou l’Inde ! Combien de Français savent que le territoire national s’est accru de 10 % sans une guerre, dans les années 2000 ? Cela parce que la France, avec le programme Extraplac, a pu remettre à temps à l’Organisation des Nations unies (ONU) les preuves scientifiques prouvant la continuité physique des nouveaux territoires maritimes connus avec ceux déjà reconnus à notre pays. Sur cette nouvelle mappemonde, la France n’est plus la petite nation « occidentale » qu’a fait d’elle son adhésion à l’OTAN. C’est une puissance universaliste présente sur les cinq continents dans leur contexte maritime. Ses alliances sont nécessairement altermondialistes plutôt qu’atlantistes.

 

 

- La France défaite

Cette responsabilité et ce formidable potentiel sont totalement ignorés.

 

 

- Prétendue compétitivité contre intérêt général

La poursuite aveuglée de la « politique de l’offre » conduit à un rabougrissement de la pensée dont notre politique maritime est l’une des premières victimes. Les exemples sont légion. Le président de la République ne s’est jamais exprimé sur le sujet. Il n'y a pas une ligne sur la mer dans le rapport de Louis Gallois sur la compétitivité du pays ni dans le Pacte de compétitivité que le gouvernement Ayrault a présenté dans la foulée ! Quant aux 34 « plans filières » de la « nouvelle France industrielle » présentés par Arnaud Montebourg, ce n’est guère mieux. À peine une trace. On y trouve tout juste dix mots sur les énergies marines, noyés dans l'ensemble du plan sur les énergies renouvelables. Et un seul des 34 plans concerne spécifiquement la mer : il s'agit de la filière de construction des « navires écologiques ».

 

 

- Libéralisme contre indépendance nationale

Mais même dans cette filière, l’inaction est de mise si l’on en juge par l’absence de réaction gouvernementale au départ de l’actionnaire coréen STX, détenteur de 66% des chantiers navals de Saint-Nazaire. Pourtant, l’État est déjà actionnaire à hauteur de 34 %. Le départ de STX pourrait être l'occasion de retrouver une participation majoritairement publique et nationale dans ce groupe. Ce serait un atout précieux pour engager la conversion de la filière, pour construire mieux et déconstruire proprement les navires. 120 navires de guerre à démanteler, 5 000 bateaux de pêche, 20 000 bateaux de plaisance en fin de vie chaque année sont ignorés. Mais le gouvernement laisse faire. Comme il laisse Veolia couler le plan de sauvetage de la SNCM, qui prévoyait l’achat de quatre navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié qui auraient dû être produits à Saint-Nazaire.

 

Le cas Alstom est emblématique de ce laisser-faire contraire à l’intérêt national maritime. Alstom est un pionnier des hydroliennes et des éoliennes offshore, désormais à moitié abandonnées à General Electric. L’entreprise a même remporté l’appel d’offres pour l’implantation du premier champ d’hydroliennes au large des États-Unis. Notre Marine nationale dépend aussi directement de cette entreprise pour les turbines de ses plus éminents vaisseaux : le porte-avions Charles de Gaulle et les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. C’est par la mer que l’avenir d’Alstom est le plus intimement lié à l’indépendance nationale. À cette démission s’ajoute une politique d’économies mutilantes : la politique d’austérité frappe durement le secteur. Le budget de l’État pour la Mer a ainsi été réduit de 5 % en 2013, puis de 2 % en 2014. Et ce n’est pas fini : le plan de 50 milliards d’euros d’austérité prévu pour la période 2015-2017 va encore frapper.

 

 

- La mer, nouvel horizon français

Dans le secteur maritime aussi, tout est à reconstruire. L’intérêt général doit reprendre le dessus. Dès lors la mer nous invite à rebâtir la France elle-même.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Vive la « souveraineté maritime »

C’est de la souveraineté du pays, et donc de son peuple, dont il est question. L’heure est venue pour la France de reconquérir sa « souveraineté maritime ». Cela commence par la connaissance et la protection du territoire national. La Marine nationale doit avoir les moyens de protéger nos côtes, nos fonds marins mais aussi les navires battant pavillon français face aux pirateries. La défense du pavillon français passe également par la lutte contre les pavillons de complaisance et le dumping. Nous devons pouvoir lutter contre la pêche illégale avec nos propres moyens de surveillance et d’arraisonnement. Nous devons pouvoir protéger nos littoraux et l’écosystème marin sous notre souveraineté : la lutte contre les pollutions nécessite des moyens pour l'action de l'État en mer et pour les douanes.

 

Notons encore ceci : notre souveraineté en matière d'approvisionnement pétrolier par la mer implique une option protectionniste pour développer une flotte sous cocon. Je note ce point pour que l’on comprenne l’enchaînement de décisions qui conduisent de la souveraineté en mer à l’industrie. Pour garantir la souveraineté de notre approvisionnement, l’arsenal législatif existant est insuffisant. La loi de 1992, qui fixe un quota minimum d'importation de pétrole brut sous pavillon français, doit être étendue aux produits raffinés et le quota déjà fixé doit être relevé. Cela suppose que nous soyons capables de construire, réparer, démonter et recycler nous-mêmes les navires affectés à cette tâche.

 

 

- Un laboratoire de l’écosocialisme

Parler de la mer, c’est reconsidérer ce que nous faisons à terre. Le lien est évidemment physique. Le tsunami à Fukushima nous enseigne qu’un fait naturel prend un impact nouveau avec la présence d’installations humaines sur les côtes. La hausse du niveau des mers concernera tout le monde. La question se pose sous nos yeux, sur nos littoraux. La moitié de la population française vit à moins de 100 kilomètres d’une côte. Combien d'installations faudra-t-il déménager ? Qui va organiser cela ? Le marché ? Songez à l’aéroport de Nice par exemple, construit partiellement sur une avancée en mer. Pensez à la centrale nucléaire du Blayais, sur l’estuaire de la Gironde, que la tempête de 1999 a déjà failli noyer. La mer grignote le bâti que l’argent roi lui impose sans précaution. Et comment relancer nos ports sans développer, à terre, les zones multimodales nécessaires ? Mais le lien est surtout intellectuel. Il s’agit du modèle de développement, de la gestion des biens communs, de la prise en compte de l’impératif écologique. La mer est un domaine concret de l'écosocialisme. Elle ne peut être l’espace réservé à une pratique écologique tandis que tout continuerait comme avant à terre. L’aval commande ici l’amont ! L’économie de la mer étend nécessairement le modèle de l’économie écologique à tout le système productif.

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- Un formidable potentiel d’énergies renouvelables

L’une des applications les plus évidentes est dans le processus de transition énergétique. Au niveau mondial, on estime que la mer est une réserve énergétique quatre-vingt fois supérieure aux besoins actuellement recensés. Pour sortir des énergies carbonées – et du nucléaire –, il nous faudra produire de l'électricité autrement. Notre territoire dispose d'un énorme potentiel. La France a ainsi le deuxième gisement hydrolien d’Europe, permettant de produire de 3 à 5 gigawatts soit l’équivalent de deux à trois centrales nucléaires. Il faut y ajouter l’éolien offshore, l’exploitation de l’énergie mécanique des mers ou encore des différences de température entre le fond et la surface des mers. Nos outre-mer peuvent montrer la voie et trouver un espace de développement en visant l’autonomie énergétique. Mais le littoral métropolitain est tout aussi riche. L’un et l’autre peuvent, en toute hypothèse, extraire l’électricité naturellement contenue dans l’eau. Encore faut-il s’en donner les moyens ! Quel spectacle lamentable de voir nos champions industriels s’affronter au lieu de coopérer : Alstom produit des éoliennes offshore avec EDF contre GDF, mais des hydroliennes avec GDF contre EDF ! À quand un pôle public de l’énergie permettant de faire travailler ensemble ces entreprises ? J’ajoute que l’exploitation de ce potentiel d’énergies marines ne s’oppose nullement aux activités des pêcheurs si j’en crois ce qu’on m’a dit à Saint-Malo : les pêcheurs s'apprêtent à utiliser les pieds des éoliennes pour élever des homards.

 

 

- Le nouvel or sera-t-il vert ?

La mer fournit aussi des pistes solides pour sortir du pétrole. Par exemple pour produire du plastique à partir d'algues. Les brevets sont en Bretagne. Ils permettent déjà de fabriquer des coques de téléphone, des porte-cartes et même des jouets de plage ! On est encore loin de concurrencer les productions plastiques à base de pétrole. Mais la commande publique pourrait aider à cette conversion, par exemple en équipant de porte-cartes en algues les usagers des transports en commun.

 

Il en va de même des algocarburants. À surface égale, les algues produisent trente fois plus de carburants que les agrocarburants comme le colza. De plus, les conditions de production d’algues sont relativement simples à réunir : de l’eau, du soleil et du CO2. Pourtant, notre production reste résiduelle. Car aujourd’hui, la production d’algocarburants coûte dix à quinze fois plus cher que celle d’agrocarburants, si l’on met de côté le coût social et humain de cette production. Le marché sera donc incapable d’intégrer cette alternative dans le mix énergétique.

 

Autre exemple : l’algoculture pour l’alimentation. C’est également l’une des clés du monde de demain. Il est illusoire et dangereux de vouloir nourrir en protéines 7 milliards d’êtres humains uniquement par l’élevage animal ou la pêche. Même la pisciculture n’y suffira pas. Par contre, la micro-algue spiruline produit neuf tonnes de protéines par hectare cultivé, soit neuf fois plus que le soja !

 

Au-delà des algues, plusieurs organismes marins offrent à la science et à la médecine des horizons nouveaux. Bien sûr, la recherche est encore en cours et il ne peut être question d’idéaliser la science et la technique sans réfléchir à leur utilisation. Mais comment taire l’espoir formidable que représentent les essais de création d’un sang humain de substitution à partir de l’hémoglobine du ver de vase Arenicola marina ? Ou les potentialités offertes à la recherche contre le cancer par les travaux sur les cellules des éponges ? Dans tous ces domaines, les Français marchent en tête du savoir-faire.

 

 

- La mer, volant d’entraînement pour la relance de l’activité

Une fois bien compris le potentiel à notre portée, il faut raisonner. L’austérité et la politique de l’offre condamnent le pays à l’anémie durable et généralisée. Laisser au marché le soin de découvrir les produits demandés, c’est s’interdire de peser sur le choix des activités à développer et se rendre incapable de faire régresser les activités écologiquement insoutenables. L’économie de la mer est à l’inverse le moyen d’une relance écologique de l’activité. Elle constitue un volant d’entraînement de premier plan : les activités choisies, à leur tour, opèrent une sélection de demandes et de consommations. Notre scénario de relance est donc sélectif. L’économie de la mer est un point d’entrée. Elle couvre un champ très large : recherche, construction et déconstruction navale, algoculture, pisciculture, biotechnologie, énergie, tourisme bleu, etc. L’impact de la relance traverse tous les secteurs et toutes les régions. Par exemple, les hydroliennes et éoliennes offshore consomment des aciers fins produits en Lorraine. L’effet d’entraînement traverse tous les métiers. Car l’investissement et les salaires distribués finissent par atteindre tous les compartiments d’activité, notamment ceux qui vivent directement de la consommation populaire, comme les commerçants. Voilà résumé comment relancer l’activité par une planification écologique de l’entrée en mer, et des investissements publics pour la réorienter en même temps. L’économie de la mer peut être le point de départ d’un engrenage vertueux. Elle produit déjà plus de 50 milliards d’euros de richesses par an, soit 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et emploie déjà plus de 300 000 personnes. On sait donc que c’est possible !

La France, puissance maritime qui s’ignore (J. L. Mélenchon)

- L’économie de la mer se prépare aussi à terre

Un tel appel d’air serait-il soutenable par notre population active ? Oui, en nombre. Non, pour ce qui concerne les qualifications professionnelles disponibles. J’ai connu, comme ministre de l’Enseignement professionnel, la situation de la région de Saint Nazaire, en 2001. La croissance était de plus de 2 %. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée était paralysante. Ici, je n’évoque que la situation du chantier naval. Car ce type de chantier met en mouvement des dizaines de métiers dont on n’imagine pas à première vue qu’ils sont concernés. Par exemple, il faut beaucoup de menuiserie pour construire un bateau. En fait, tous les métiers du second œuvre du bâtiment sont sollicités, en plus de toutes les tâches strictement liées à la métallerie. Un chantier naval, en période de plein emploi régional et donc de pénurie de main-d’œuvre, fonctionne comme un aspirateur à main-d’œuvre qualifiée. Non seulement il en manque sur le chantier, et cela se paie d’une intensification des cadences, mais il en manque également partout ailleurs chez les artisans et les entreprises de la région. Notre relance impliquera donc un terrible coup de collier éducatif pour préparer la main-d’œuvre qualifiée nécessaire, de l’ingénieur à l’ouvrier hautement qualifié.

 

Bien commun, souveraineté nationale, politique économique, transition écologique, qualifications professionnelles : la mer est un domaine d’intérêt général. C’est de la reconstruction du pays et de l’horizon du peuple français qu’il est question. C’est donc un formidable défi lancé à l’intelligence. Mettons nos pas dans ceux de Fernand Braudel : « La mer… À elle seule, elle est un univers, une planète ». Il est temps de s’emparer des enjeux posés par la mer à la civilisation humaine. Il est temps pour la France de donner l’exemple.

 

Jean-Luc Mélenchon
Député européen.

 

Le présent texte à votre disposition en téléchargement

Les possessions maritimes de la France - Crédit photo : Ifremer

Les possessions maritimes de la France - Crédit photo : Ifremer

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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