Encore un mauvais coup porté à nos services publics !
Passé inaperçu, le Journal Officiel a publié le 2 Juillet 2014 la loi « » adoptée par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Cette proposition de loi avait été déposée par 2 sénateurs UDI (Jean Léonce Dupont et Hervé Marseille). A noter que des projets identiques avaient été déposés par un sénateur PS ( Daniel Raoul) et un sénateur UMP( Antoine Lefèvre) : Belle unanimité.... le patronat leur en sera reconnaissant !
La SEM à opération unique est un PPP (Partenariat Public-Privé) !
Alors que les PPP le projet de loi, le texte définitif n’évoquent jamais, et pour cause le Partenariat Public Privé. Mais la SEM à opération unique est belle et bien un Partenariat Public Privé Institutionnalisé (PPPI), ce que confirme "" : elle est en tout point calquée sur les principes et la réglementation communautaire sur les PPPI.
- La SEM à opération unique (SEMOP) = société anonyme composée d’au moins 2 actionnaires : Collectivité Territoriale + 1 partenaire privé : « actionnaire opérateur ». La collectivité Territoriale pourra être minoritaire ! Certes, c’est un représentant de la Collectivité Locale qui sera président du CA, mais quel poids aura l’entité publique lorsqu’elle ne détiendra que la minorité de blocage ( 34% du capital) ?
- La SEM est constituée pour conclure un contrat avec la ( les) Collectivité(s) Territoriale(s) partenaire(s) : Contrat de longue durée pour une mission globale : construction, aménagement, exploitation, gestion d’un investissement public ou d’un service public. Voilà donc la Délégation de service public (DSP) ou les contrats de partenariats assimilés planqués sous l’appellation SEM à opération unique. Voilà donc aussi le carcan d’un contrat global de longue durée dans lequel l’entité publique sera enfermée !
La SEM à opération unique comme tout PPP c’est la main mise des grands groupes et consortiums sur la commande publique et la gestion des services publics :
- Seule, la sélection de l’actionnaire privé donne lieu à une procédure de mise en concurrence ( procédure d’ appel public à manifestation d’intérêt). « L’actionnaire opérateur » sélectionné deviendra de facto le maître d’œuvre de la mission globale. La mise en concurrence ne s’exerce pas clairement sur la prestation mais plutôt sur les ressources financières de l’actionnaire privé ! Les contrats de sous-traitance devront être inclus dans son offre. Les PME, artisans et architectes locaux se trouvent donc de fait écartés ou relégués au rôle de sous traitant.
- La proposition de loi n’apporte aucune garantie sur les possibilités pour l’entité publique de garantir un réel service public aux usagers . Quel poids aura la collectivité locale minoritaire sur les choix de politique tarifaire, les choix des publics à cibler etc.? Seules, la régie ou l’investissement en maîtrise d’ouvrage publique permettent de faire fonctionner des services publics véritablement au service du public
- Les contrats de partenariats sont conçus comme un contrat dérogatoire à la commande publique . Il faut donc justifier de critères d’urgence ou de complexité ou d ‘efficience économique pour pouvoir y recourir. L’étude préalable comparant MOP et contrat de partenariat est certes généralement biaisée pour démontrer la supériorité du contrat de partenariat. Avec la SEM à opération unique ces derniers remparts tombent puisqu’il n’est plus nécessaire d’apporter la preuve de l’efficience économique du contrat de la SEM. Comment dès lors, ne pas craindre des dérives de coûts encore supérieures à celles constatées avec les contrats de partenariat ?
- Une grande opacité entoure les PPP. Le citoyen n’a pas accès aux données juridico-financières et comptables qui sont protégées par le secret industriel et commercial. La proposition de loi pour la SEM à opération unique n’apporte aucune garantie quant à la transparence des contrats . Le citoyen aura-t-il accès aux données financières : entre autres, les montages financiers mis en place par l’ « actionnaire opérateur » , la rémunération des actionnaires, les clauses de partage des risques ? Seule le coût prévisionnel global de l’opération en moyenne annuelle semble devoir figurer dans la délibération de la collectivité locale. Bien faible garantie !
La SEM à opération unique c’est la porte ouverte à toutes les dérives et les conflits d’intérêts !
- Les élus locaux , devant les contraintes budgétaires( entre autres, la difficulté d’accéder aux emprunts) et les baisses de dotation cherchent des stratégies pour continuer à investir et répondre aux besoins de leurs électeurs. Dans le même temps, on assiste au démantèlement des services techniques des collectivités locales. Dans ce contexte, la société SEM à opération unique, société hybride, peut apparaître comme un moindre mal qui apporte des ressources financières et techniques en donnant l’illusion de garder un pouvoir décisionnel. Mais le rapport de force sera fortement déséquilibré !
- Pour la collectivité territoriale, le coût de l’opération n’apparaît pas en endettement mais en budget de fonctionnement. Un excellent moyen de produire de la « dette cachée » donc la porte ouverte à toutes les dérives ! La Cour des comptes et les rapports de L’IGF ont dénoncé nombre de dérives des PPP ! Obligation était faite depuis 2010 de faire apparaître le coût des loyers d’ investissement des contrats de partenariat dans l’endettement de la Collectivité territoriale. Avec la SEM à opération unique voilà cette obligation contournée !
|
Pour en savoir plus sur les SEM :
- Consulter le texte sur les Semop adoptée par l’Assemblée le 7 mai 2014
- Les contrats de partenariat public-privé : « une bombe à retardement budgétaire », selon le Sénat
- L'Assemblée plébiscite la Sem à opération unique
- Le vice-président du conseil national de l’Ordre des architectes dénonce la création des SEM
commenter cet article …