La politique de l'offre ne marche pas !
La dépense publique soutient massivement l’activité.
Ce qui est vrai de façon générale l’est plus encore lorsque le privé se porte mal. Or, la grande crise ouverte en 2007 est celle du régime néolibéral qui pendant des années avait soutenu la demande par la dette privée en lieu et place de la hausse des salaires. Depuis 2007, le privé est contraint de se désendetter. Cela entraîne un choc négatif de demande. Si le public ne prend pas le relais, c’est la catastrophe assurée : baisse de production mais aussi baisse des prix, ce qui finalement rend impossible le désendettement. Le FMI, lui-même, a finalement reconnu cela. Preuve qu’il a poussé loin sa conversion au néolibéralisme, le gouvernement ne l’admet toujours pas.
A l’échelle mondiale, les plans de relance monétaire et budgétaire ont permis que la Grande récession ouverte en 2007 ne se transforme pas en Grande dépression. Mais les dirigeants européens ont refusé de reconnaître ce rôle positif de l’intervention publique. Après une brève parenthèse keynésienne en 2008 et 2009, ils ont, contre l’avis même des Etats-Unis, pris le tournant vers l’austérité. Quatre ans après, le bilan est affligeant. Les pays qui ont été le plus loin dans l’austérité budgétaire (Grèce, Portugal, Espagne…) connaissent une véritable dépression. Leur PIB s’effondre. Et leur dette publique, loin de se réduire, augmente fortement (on retrouve « l’effet dénominateur »).
La France a, elle aussi, pris le chemin de l’austérité, ce qui explique son enlisement dans la stagnation. Mais cette austérité a été moins brutale qu’en Europe du Sud de sorte qu’elle n’est pas en dépression. Cela mérite d’être souligné : c’est grâce à la dépense publique, cette grande galeuse selon les libéraux, que nous échappons pour l’heure à la dépression.
Depuis 2011, la demande du privé est dramatiquement orientée à la baisse
Moins 1,5 milliard (Md) pour la consommation des ménages et surtout moins 13 Mds pour leur investissement en logement (les chiffres sont en volume) ; l’investissement des entreprises a lui-même baissé de 2,6 Mds. Si le PIB a néanmoins augmenté de 21,6 Mds entre 2011 et 2014, c’est grâce à la dépense publique. La « dépense de consommation finale » des administrations publiques tout d’abord (+26,8 Mds) constituée de consommations individuelles (éducation, médicaments, soin, etc.) et collectives (justice, police, etc.). L’investissement public (+1,5 Md) ensuite qui n’a pas complètement fléchi sur la période. S’y ajoutent les prestations sociales en espèces (retraite, allocations familiales et chômage, etc.). Entre 2011 et 2014, le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a régressé (-0,9 % en 2012, 0 % en 2013 et +0,7 % prévu en 2014) ce qui explique la compression de la consommation des ménages. Mais il aurait régressé bien plus si les prestations sociales en espèces (retraite, allocation chômage et familiales, etc.) qui en représentent plus d’un tiers ne l’avaient pas soutenu. Elles ont en effet augmenté de plus de 20 Mds depuis 2011.
Au final, la somme des contributions directes de la dépense publique s’est élevée à environ 50 milliards ces trois dernières années, soit 2,3 points de PIB et 3,5 points si l’on retient l’hypothèse réaliste d’un multiplicateur budgétaire de l’ordre de 1,5. L’austérité budgétaire a bien eu lieu (la hausse de la dépense publique est passée de 2% par an entre 2002 et 2011 à 1,2 % en 2012 et 2013 puis 0,9 % en 2014). Mais c’est parce que légère hausse de la dépense publique il y a eu néanmoins que la France a échappé à la dépression.
Loin de tirer cette leçon, le gouvernement planifie une nouvelle baisse de 50 Mds de la dépense publique sur les trois prochaines années[1]. Il s’agit certes d’une baisse, non pas « sèche », mais par rapport à la hausse prévue. C’est cependant un nouveau coup de frein. La hausse des dépenses serait réduite à 0,2 % en 2015, puis 0,5 % en 2016 et… 0 % en 2017 ! Le gouvernement prévoit simultanément un retour à la croissance : 1 % pour 2015, 1,7 % en 2016 1,9 % en 2017, puis 2 % à partir de 2018. Partant, il escompte une baisse de la dette publique à partir de 2017 (98 % en 2016 et 92,9 % en 2019). Mais il sous-estime, à nouveau, l’impact récessif de ces décisions. Déjà, il apparaît clairement que la croissance sera bien moindre que le 1 % prévu l’an prochain.
Note :
[1] Pour une critique du Projet de loi de finance 2015, voir le document réalisé en commun par les Économistes atterrés, Attac et la Fondation Copernic « Budget 2015 : un mauvais tournant », http://atterres.org/article/budget-2015-un-mauvais-tournant-0
Il est temps de porter un autre regard sur la dépense publique
Il faut en premier lieu cesser de se méprendre sur le sens de certains chiffres. Si la dépense publique (1 200 Mds) « équivaut » à 57 % du PIB, cela ne signifie aucunement qu’il ne reste que 43 % pour le privé. Car la dépense publique n’est pas une part du PIB : la dépense privée, calculée à son instar, équivaut à plus de 200 % du PIB.
La dépense publique compte en fait deux grandes composantes. D’un côté des prestations sociales (retraite, soins, médicaments, allocations familiales ou chômage…) qui sont versées aux ménages et soutiennent massivement leur consommation auprès du… privé. L’autre principal volet de la dépense publique sert à payer les fonctionnaires et les investissements indispensables pour faire vivre les services publics (éducation, etc.). Ces derniers ne sont pas « improductifs » : non seulement ils déterminent la puissance économique à long terme d’un pays, mais ils augmentent d’emblée le PIB, car un fonctionnaire y contribue, est productif. La valeur ajoutée par les administrations publiques s’élève à 355 milliards, cela représente 1/3 de celle des sociétés non financières.
Au final, la dépense publique soutient près de la moitié des débouchés en France, que ce soit directement, via la production de services publics, ou indirectement, via les prestations sociales qui soutiennent la consommation auprès du privé. Il faut décidément cesser de la regarder comme une « charge ».
Ex : En période de crise la culture n'est pas un coût pour la nation... alors que ce secteur économique contribue à la richesse nationale. La valeur ajoutée des activités culturelles est, en 2011, équivalente à celle de l'agriculture et des industries agroalimentaires cumulées.
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