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15 août 2024 4 15 /08 /août /2024 13:40
De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

Le coup d’état du 2 décembre 1851, l’expédient et le spectre

 

 

La fin de la IIe République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent. Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons.... car comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans[19]

 

 

Source : Francis DASPE | mis à jour le 03/09/2024

- Au moins autant que la séparation des pouvoirs, c’est l’articulation entre exécutif et législatif qui définit la nature réelle des institutions d’un système politique.
En France, la I° République avait fait le choix en 1792 de se passer de président de la République. Le souvenir vivace de la tyrannie à peine renversée expliquait ce parti pris. C’était affaiblir le pouvoir exécutif et tabler sur un pouvoir législatif dominant, renforcé par le choix de l’assemblée unique avec la Convention.


Un demi-siècle plus tard, la II° République opta pour un président de la République élu au suffrage universel direct[1] (masculin, faut-il préciser). C’était donner au pouvoir exécutif une légitimité populaire lui permettant de peser, même si une limite d’importance lui était assignée : le non renouvellement du mandat présidentiel. La fortune de ces deux République fut identique : toutes deux se terminèrent par un coup d’état militaire[2][3].

 


- La fin de la II° République offre matière à réflexion à la lueur des événements du moment présent.
Sans verser bien évidemment dans l’anachronisme, il est cependant possible d’établir quelques analogies ou comparaisons. Le 2 décembre 1851, le coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la II° République, sonne le glas de cette dernière[3].

  • C’est le dénouement d’une crise aiguë opposant depuis quasiment trois ans le pouvoir législatif (incarné par le « parti de l’ordre ») et le pouvoir exécutif (le président).
  • Le conflit opposait donc une Assemblée nationale majoritairement conservatrice et monarchiste à un président de la République au parcours sinueux. Les deux se réclamaient pareillement du vote populaire : le président élu au suffrage universel masculin direct en décembre 1848[4], l’assemblée de celui de mai 1849[5]. Pourtant, ils avaient été des alliés de circonstance au cours de l’année 1848.


La II° République, sociale à ses débuts, celle des ateliers nationaux, représentait à la fois une menace et un scandale pour les possédants. Leur réaction fut rapide et violente pour mette à l’ordre du jour dans un même élan la répression politique et la régression sociale. Le général Cavaignac fut l’homme de la situation : le parti de l’ordre (re)naissant l’utilisa en conséquence à l’occasion des journées de juin 1848 (avant cela il y avait déjà eu la répression brutale de la manifestation du 15 mai 1848 qui se traduisit un an plus tard par la condamnation des chefs républicain au procès de Bourges). Mais pour l’élection présidentielle de décembre, Cavaignac était déjà discrédité et essoré. Le choix du parti de l’ordre se reporta alors sur Louis-Napoléon Bonaparte.


🔴 Chacun pensait utiliser l’autre et le manipuler à son profit.

  • Mais le divorce survint rapidement, notamment à l’occasion des élections législatives de mai 1849[5] qui virent la victoire du parti de l’ordre, c’est-à-dire du camp conservateur et monarchiste.

 

- Louis Napoléon Bonaparte tenta de s’affranchir quelque peu du pouvoir législatif en formant en octobre 1849 un gouvernement dévoué à sa personne.

Ce fut le « ministère des commis » dirigé par le général d’Hautpoul. Aujourd’hui, on parlerait sans nul doute de gouvernement technique d’obligés. La tentative est cependant irrésistiblement vouée à l’échec, car la Constitution est claire à ce sujet : c’est l’Assemblée nationale qui vote les lois que le gouvernement doit ensuite appliquer. Et elle en profite pour faire passer des lois conservatrices qui déplaisent au Président : loi Falloux du 15 mars 1850 sur la liberté de l’enseignement favorisant de fait l’influence du clergé, loi électorale du 31 mai 1850 limitant le suffrage universel masculin (le corps électoral passe de 9 millions à 6 millions d’électeurs), sans parler des considérations de politique étrangère particulièrement sensibles et clivantes, notamment celles liées aux répercussions du Printemps des peuples.


🔴 Mais la grande affaire réside dans la question de la révision constitutionnelle afin de permettre la réélection du président de la République, ardemment souhaitée par Louis-Napoléon Bonaparte. En 1851, une proposition allant dans ce sens était rejetée à deux reprises par l’Assemblée. La rumeur d’un éventuel coup d’état fut propagée par les uns et les autres, stratégie pour s’y accoutumer ou au contraire pour le conjurer.


🔴 La situation était confuse à souhait et paradoxale à bien des égards. S’y repérer pouvait relever de la gageure. En effet, on retrouvait deux anciens alliés entrés en conflit, qui tous deux ne portaient pas dans leur cœur la République. Une assemblée en majorité conservatrice, en réalité monarchiste, se trouvait acculée à défendre la République pour qui elle avait peu d’estime.


Notons qu’une des origines du parti de l’ordre était ce qui fut appelé les « républicains du lendemain[6] » élus dès avril 1848. Il s’agissait de monarchistes et de bonapartistes déguisés en républicains inquiets des bouleversements sociaux et de l’irruption du peuple, mais ne pouvant pas encore se dévoiler tels qu’ils étaient. Ils s’opposaient aux « républicains de la veille » aux convictions antérieures et solides (hostiles à la monarchie et depuis longtemps favorables à l’instauration d’une république).


Le peuple, terme certes vague et mal défini, mieux considéré par le président (quoique le livret ouvrier ne soit pas encore abrogé), va se retrouver en défense de l’assemblée qui pourtant l’avait dépossédée de ses droits et de son pouvoir par une politique caractéristique du parti de l’ordre : réprimé lors des journées de juin 1848, exclu du suffrage par la loi électorale de mai 1850. Des républicains, sincères eux, en partie ceux « de la veille », défendent la République en venant au secours d’une assemblée conservatrice monarchiste.

 

 

- La stabilisation du coup d’état s’effectua rapidement, alternant phases de répression et actes de validation des nouvelles réalités politiques (plébiscite des 20 et 21 décembre pour entériner le coup d’état, nouvelle constitution le 14 janvier 1852[7], officialisation de l’établissement du II° Empire le 2 décembre 1852[7]
L’instauration d’un régime autoritaire était donc actée. Le parti de l’ordre s’y rallia très vite, pourvu que les affaires et les profits ne soient pas empêchés. En contrepartie, la poursuite de la répression de la résistance populaire et républicaine fut de mise, justifiée par l’épouvantail du mythe du danger imminent d’une guerre sociale, alimentant la peur des petits et grands possédants. Les conditions d’une alliance entre les bonapartistes et les élites étaient ainsi reconstituées.


🔴 Par la suite, et jusqu’à aujourd’hui, le coup d’État sert de repoussoir au camp républicain. Une légende noire autour de Napoléon III et du Second Empire est développée, initiée notamment par la figure tutélaire de Victor Hugo. Néanmoins, le coup d’Etat subsiste dans les mentalités, à la fois comme une tentation et un expédient, en somme à l’égal d’un spectre réactivé à l’occasion des différentes crises politiques ponctuant l’histoire de notre pays.

 

De nombreux exemples peuvent être cités :

  • crise de 1877 avec Mac-Mahon : Aux élections de 1876, les électeurs ont désigné une majorité républicaine, alors que le Président de la République, la maréchal de Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes[8] ;
  • crise Boulanger : La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889[9] ;
  • affaire Dreyfus : Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage[10] ;
  • événements du 6 février 1934 : le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite pour protester contre le limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky[11] ;
  • retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 : La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle. De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958[12] ;
  • etc...


Commencé à gauche, si l’on peut dire non sans forcer quelque peu le trait, car contre le parti de l’ordre et pour le suffrage universel, le coup d’état se termine clairement à droite. Il cherche en effet à éradiquer un « péril républicain et rouge ». Au mieux, l’historiographie emploie, pour qualifier le régime du II° Empire ainsi porté sur les fonts baptismaux, l’expression de « démocratie césarienne[13] ». Celle-ci est vraiment incomplète, se faisant très souvent sans le peuple et contre le peuple.


Car le coup d’état reste un impensé permanent, ou un acte manqué, du jeu politique au quotidien. L’expression est régulièrement utilisée, tantôt pour qualifier un passage en force ou une combine politicienne, tantôt pour discréditer le camp d’en face. Elle est certes bien souvent galvaudée. Mais on est cependant en droit de se demander en quoi consistent les coups d’état d’aujourd’hui. Pour se limiter à la période contemporaine, partons du « coup d’état permanent » dénonçant les institutions de la monarchie républicaine instaurée en 1958.


Prolongeons la réflexion avec le pouvoir législatif asservi encore davantage par la réforme constitutionnelle de 2002 (passage au quinquennat et inversion du calendrier électoral) qui visait à garantir une majorité stable au président nouvellement élu pour la totalité de son mandat, avec des députés transformés en godillots (avec des conséquences délétères[14]). Si l’opération a fonctionné jusqu’en 2017, cela n’est plus le cas depuis 2022, signe de l’effritement du macronisme.

  • N’oublions pas la manière dont fut contournée la souveraineté populaire exprimée à l’occasion du référendum portant sur le traité constitutionnel européen de 2005[15].
  • Mettons en exergue le recours croissant à l’article 49-3[16].
  • Poursuivons avec le refus de prendre en compte l’expression populaire, avec la dévalorisation théorisée des corps intermédiaires ou la criminalisation décomplexée des différentes formes de la contestation sociale.
  • Observons enfin à sa juste mesure l’entêtement du chef de l’état à contourner le verdict des récentes élections législatives (Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse[17]),..

pour nous efforcer de discerner de quoi ces tentatives convergentes sont le nom.

 

 

- Le coup d’état reste bien à la fois une tentation, un expédient et un spectre.

Sa finalité est identique : s’exonérer de la souveraineté populaire, jugée encombrante, et des revendications des citoyens, considérées comme illégitimes et incompétentes. Seule la forme que peuvent prendre ces tentatives de coup d’état est renouvelée, tant l’imagination des gouvernants et des aspirants à gouverner est féconde. A bien des égards, c’est en cela que consiste pour partie le projet politique porté par la Macronie[18].

 

De Napoléon 3 à Emmanuel Macron, le spectre du coup d’Etat !

🔴 Ce communiqué de l’Élysée en date du 26/08/2024 rejette la mise en place de Lucie Castets comme première ministre, candidate issue du Nouveau Front Populaire[17] : le coup d'État est en cours !

 

Coup de force terrible de d'Emmanuel Macron contre le résultat des urnes. En République, le Président n'a pas droit de veto. Il fait le choix du blocage et du chaos au lieu de respecter la démocratie. Il doit partir !

 

En vue de la nomination d’un Premier ministre, le Président  @EmmanuelMacron  a reçu les responsables des partis représentés au Parlement ainsi que les Présidents des deux chambres. Le communiqué :

 

 

Notes :

[1La première élection du président de la Ve République au Suffrage Universel

[2Coup d'État du 18 Brumaire met fin à la 1ére République

[3] En proposant l'abrogation de la loi électorale et le rétablissement du suffrage universel, que l'Assemblée rejette (13 novembre), Louis Napoléon discrédite celle-ci aux yeux du pays. Le coup d'État a lieu le 2 décembre 1851.

[4] Louis-Napoléon Bonaparte est élu en décembre 1848 président de la République française pour quatre ans.

[5Élections législatives françaises de 1849

[6Ces républicains du lendemain, eux aussi divisés, étaient issus de différents milieux politiques : l’on y retrouvait d’anciens ministres, tels qu’Adolphe Thiers ; des légitimistes, hostiles à la monarchie de juillet ; ainsi que des orléanistes déçus de la politique de François Guizot, dernier chef du gouvernement de Louis Philippe.

[7] La Constitution du 14 janvier 1852 est la constitution de la IIe République française promulguée le 14 janvier 1852 par le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, après son coup d'État du 2 décembre 1851. 

[8Mac-Mahon, espérait le retour d'une majorité monarchiste. Il décide le 16 mai 1877 de dissoudre la Chambre des députés pour tenter d'obtenir une majorité conforme à ses attentes.

[9La crise boulangiste a bouleversé la vie politique française pendant trois années, de 1887 à 1889.

[10] Crise politique majeure sous la IIIème République, l'affaire Dreyfus implique un officier français de confession juive dans une histoire d'espionnage

[11] Le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire est organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d'extrême droite

[12La crise de 1958 déclenchée le 13 mai permet le retour au pouvoir du général de Gaulle.De Gaulle restera président du Conseil, puis Premier ministre jusqu'au 8 janvier 1959. Il devient alors le premier Président de la nouvelle Ve République après avoir été élu par un collège de 80.000 électeurs le 21 décembre 1958.

[13La Démocratie césarienne et l'union libérale / H. Bondilh

[14« Le quinquennat et l’inversion du calendrier électoral ont eu des conséquences délétères », estime Mathieu Gallard

[15Le dernier référendum national organisé en France l'a été pour approuver le traité constitutionnel européen. Le non l'avait largement emporté.

[16Le 1er décembre, l'article 49 alinéa 3 de la Constitution française a été utilisé pour la vingtième fois depuis le début du quinquennat par Élisabeth Borne, cette fois pour faire adopter sans vote à l'Assemblée nationale le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.

[17] Victoire du NFP – La presse internationale la salue, Macron la refuse

[18Macron, le coût d’Etat permanent !

[19] Comme Macron, Mac Mahon refusait déjà de reconnaître le résultat des élections il y a 147 ans

 

Pour en savoir plus :

- « Le macronisme : une haine bien ordonnée de la démocratie »

- Macron : 7 ans de flirts avec l’extrême-droite

- Autoritarisme constitutionnel : de Weimar à Macron

Le « progressisme », une auto-définition du macronisme ?

- Emmanuel Macron et Alexandre Benalla ou la société du 10 décembre !

- Macron : la démocratie sans le peuple

- France insoumise le 17 août 2024 : « Démettre le président plutôt que nous soumettre »

- APRÈS LES LÉGISLATIVES 2024, L’URGENCE D’UNE NOUVELLE RÉPUBLIQUE

- Le Président est tout puissant en fait, peu puissant en droit.

 

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  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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