Quatre mois après le premier tour de l’élection présidentielle, on y voit désormais plus clair quant aux modalités d’exercice du pouvoir à la sauce Macron, à propos desquelles il avait maintenu un certain flou durant sa campagne, à grands renforts de « et en même temps ».
Si les premières mesures de Macron et de son gouvernement ont donné le ton concernant les orientations générales du nouveau président et de sa majorité, d’autres décisions annoncent la couleur au sujet du type de pouvoir que Macron entend construire.
par Julien Salingue | mis à jour le 20/05/2023
Concentration des pouvoirs
Depuis son élection, Emmanuel Macron organise une concentration des pouvoirs qui, si elle est grandement facilitée par la nature même des institutions de la 5e République, n’en prend pas moins des formes inédites. L’épisode des investitures d’En marche pour les élections législatives a été l’un des premiers révélateurs de cette « méthode Macron ». Les futurs députéEs ont en effet été recrutés sur CV, après un appel à candidatures, par une « commission » composée de proches de Macron, soit une méthode à peu près similaire à celles employées dans les grandes entreprises privées. Un mimétisme qui ne surprend guère lorsque l’on connaît le pedigree de Macron et de son entourage, mais dont la portée politique est loin d’être anodine.
Ce n’est certes pas la première fois que des partis politiques importent des techniques du privé. Toutefois, cette présélection des députéEs ne peut être réduite à un simple phénomène d’importation de ces méthodes. En effet, du fait de ce processus de « recrutement », la légitimité des députéEs macronistes ne vient pas de leur éventuelle base locale ou d’un parti qui les aurait investis, mais de leur « sélection », d’en haut, par l’entourage de Macron. Des « sélectionneurs » qui sont majoritairement des technocrates sans implantation politique, appelés à être conseillers de l’Élysée, membres des cabinets des ministres, voire ministres. En d’autres termes, c’est le futur exécutif qui a sélectionné à l’avance le futur législatif.
À propos de l’élection de Macron, Alain Badiou évoquait récemment un « coup d’État démocratique ». Une formule paradoxale mais pertinente, confirmée par la posture « libérale-autoritaire » du nouveau président qui, sous couvert de « modernisation » et de « rationalisation », vocable typique de la novlangue libérale, se donne les moyens institutionnels d’un exercice du pouvoir hyper concentré et ne tolérant aucune remise en question. Le récent épisode du « recadrage » du chef d’état-major Pierre de Villiers, qui a conduit à la démission de celui-ci, illustre cette tendance : le conflit n’avait pas pour racine les moyens attribués à l’armée (puisque Macron a fini par céder) mais la volonté de Macron d’affirmer publiquement son autorité.
À la tête d’un exécutif mal élu et disposant d’une base sociale particulièrement réduite, le manager Macron et ses chefs d’équipe, pour la plupart issus de la « nouvelle économie » et des grandes écoles de commerce, entendent exercer le pouvoir comme s’ils administraient une start-up ou un cabinet d’avocats de Wall Street : une vitrine décontractée et moderne, mais une gestion brutale et autoritaire des « ressources humaines ». Le macronisme n’est pas seulement une nouvelle étape de la contre-révolution libérale, mais bien un projet de société global auquel il est indispensable, au-delà des nécessaires résistances, d’opposer un contre-modèle social, économique, écologique et démocratique tout aussi global.
Pour en savoir plus :
- Réflexions sur le confusionnisme et le néofascisme
- La crise de la démocratie et le néolibéralisme
- Le néolibéralisme est un fascisme
- Un "puceau de la pensée" élu dans "une hallucination collective" : le macronisme selon Emmanuel Todd
- Jean-Luc Mélenchon : Emmanuel Macron : le libéralisme autoritaire
- Le Macronisme, une sorte de fascisme inédit
- J.L. Melenchon : Avec Macron, un régime autoritaire de type nouveau s’est mis en place.
- néolibéralisme : Macron et la guerre civile en France
- En Macronie, la montée du « national-libéralisme »
- « Le macronisme : une haine bien ordonnée de la démocratie »
commenter cet article …