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5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 08:15
L’abolition des privilèges : il paraît que c’était le 4 août 1789...

Si les inégalités s’accroissent, les révoltes se multiplient (gilets jaunes en 2019, quartiers populaires en juillet 2023, c’est bien parce qu’existent de nouveaux privilèges....

Avec une VIe République, une nouvelle Nuit du 4 août reste donc à faire !

 

C’est dans le sillage de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 qu’aura lieu une certaine abolition des privilèges dans la nuit du 4 au 5 août 1789. Cette abolition sera votée par la toute nouvelle Assemblée Constituante.

4 août 1789 : Dépassés par le soulèvement des milieux ruraux, les députés de la Constituante vivent une nuit célèbre qui finit par l’abolition des droits seigneuriaux dans l’espoir de rétablir le calme. Ainsi disparaissent juridiquement ce que la mobilisation populaire a déjà complètement sapé, des banalités aux juridictions seigneuriales, du droit de chasse aux privilèges spécifiques des provinces...

 

Sources : REBELLYON.INFO le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys | mis à jour le 26/07/2023

- Bref retour en arrière

- L’ouverture des États Généraux à Versailles le 5 mai 1789 (les derniers dataient de 1614) met en difficulté le roi de France Louis XVI, même si ces États Généraux ont été convoqués à sa demande, surtout sous la pression du refus de payer les impôts, en particulier par la région du Dauphiné [1] : le royaume est en effet en proie à de graves difficultés financières avec son endettement chronique et l’impôt est écrasant.

 

La composition de ces États Généraux est assez disparate, avec ses 1139 représentants de trois ordres : la noblesse (270 députés dont 70 de la haute noblesse) le clergé (291 avec 200 curés et 91 évêques) et le tiers état (578 dont près la moitié sont avocats et pour le reste des bourgeois d’affaire) Les débats se focalisent rapidement sur la représentativité et sur la nécessité de réformes fiscales et sociales (le roi y étant opposé) N’oublions pas que pour voter, il fallait payer l’impôt !

 

La tradition voulait que les trois ordres soient représentés en nombre égal et votent séparément, ce qui assurait normalement aux deux ordres privilégiés une majorité automatique face au troisième. Bien que Louis XVI ait accordé fin 1788 le doublement des voix pour le tiers état et n’ait rien dit du mode de scrutin dans la future assemblée (les trois ordres réunis ou chacun séparément) la tension est forte. Le 17 juin, sur proposition de l'abbé Sieyès, les députés du tiers état, renforcés par quelques curés, se proclament Assemblée nationale et, non contents de rejeter la division en trois ordres, s’arrogent aussi le droit d’autoriser la perception des impôts. Le point de rupture est atteint et le roi de France ordonne la fermeture des lieux des débats, par la force si nécessaire. Les députés du tiers état décident alors le 20 juin 1789 de poursuivre leurs travaux (Serment du Jeu de Paume), et le 9 juillet 1789 de transformer les États Généraux en Assemblée Nationale Constituante. Cet acte met fin à l’absolutisme royal.

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- C’est dans un climat de peur et de famine que se déroule la prise de la Bastille.

Climat où des troupes étrangères stationnées autour de Paris font craindre au peuple la répression. Après le renvoi le 11 juillet du ministre des finances Necker par le roi qui le rend responsable du désordre, la population craint la banqueroute de l’État. Les 12 et 13 juillet, c’est l’émeute dans Paris avec des scènes de pillage et d’incendie sans que les 5000 gardes suisses n’interviennent ni que la milice bourgeoise montée à la hâte par les électeurs du tiers état n’arrive à ramener le calme. Le matin du 14 juillet, après le pillage de l’arsenal de l’Hôtel des Invalides où la foule s’empare de 3000 fusils et d’une douzaine de canons (mais sans poudre) c’est dans la foulée, et dans la confusion, la prise de la prison de la Bastille par un millier d’émeutiers. Il y a une centaine de morts et autant de blessés du côté des assaillants, seulement 4 morts du côté de la garnison. La démolition de la Bastille commence le soir même.

 

JPEG - 48.1 ko- Le roi prend peur, ses ministres commencent à plier bagages, la bourgeoisie bien installée craint aussi pour ses fortunes accumulées. Car malgré la visite du roi dès le 15 juillet à l’Assemblée Constitutante, le rappel de Necker le 16, et le même jour la création de la première commune de Paris par les électeurs du tiers état qui transforment la milice bourgeoise en Garde nationale, le calme reste précaire dans la capitale.

 

Dans les campagnes, le “bon peuple”, celui qui par exemple travaille la terre et n’en tire même pas toujours de quoi se nourrir, en a assez d’être écrasé d’impôts. La révolte gronde depuis déjà plusieurs mois. La nouvelle de la prise de la Bastille se répand et la crainte d’une forte réaction nobiliaire avec la propagation de rumeurs quant-à un "complot aristocratique" provoque "la Grande Peur" : les attaques de châteaux se multiplient, les paysans brûlent les archives, en particulier les "terriers" qui fixent les droits et les propriétés seigneuriales. En route, les révoltes se muent en Révolution et l’Assemblée Constituante veut éviter sa progression. Contre les bourgeois qui en appellent à la répression, les nobles, plus au courant de la situation, prônent plutôt l’apaisement. Mais cette fois, il y aura de la réforme et pas de la réformette !

 

 

- "L’abolition des privilèges"

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1) Le dilemne posé aux privilégiés en cette nuit du 4 août 1789

Dans la journée du 3 août, la majorité de l’Assemblée est favorable à une répression générale du mouvement populaire.

 

Le premier orateur de la séance parlementaire se nomme Guy Target, député du Tiers Etat, bourgeois de la magistrature connu comme un émule de Montesquieu. Il réaffirme cette position de fermeté et propose un arrêté dénonçant "les troubles et les violences qui ... portent l’atteinte la plus funeste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes" ... Il insiste pour que toutes les redevances et prestations d’Ancien Régime soient payées tant qu’un nouveau système d’impôts n’a pas été créé.

 

Pourtant, en cette nuit du 3 au 4 août, l’Assemblée va choisir une autre voie que la répression.

 

Le duc d'Aiguillon, député de la Sénéchaussée d'Agen, gravure de J.-B. Vérité, 1789.Quelques grands aristocrates ont préparé une intervention en faveur de l’égalité fiscale, c’est à dire un impôt pesant sur tous les citoyens sans exemption spécifique pour la noblesse et le clergé. Louis XVI l’avait évoquée dans son discours du 23 juin. Ils font valoir, de plus, que le soulèvement populaire est essentiellement nourri par le refus des injustices, oppressions, vexations... générées par les privilèges féodaux. Dans ces conditions, seule une abolition de ceux-ci peut ramener le calme. « Le peuple cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa tête », s’exclame le duc d'Aiguillon, « l’insurrection trouve son excuse dans les vexations dont il est la victime ». Cependant, cette abolition de droits féodaux incompatibles avec l’égalité fiscale (déjà en place au Royaume-Uni par exemple sans que cela nuise à la richesses des lords) doit être compensée.

 

Buste par Antoine Laurent DantanGalerie des batailles du château de Versailles.

Le Vicomte de Noailles, noble désargenté, monte à la tribune : " Le but du projet d’arrêté que l’Assemblée vient d’entendre est d’arrêter l’effervescence des provinces, d’assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits. Mais comment peut-on espérer d’y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l’insurrection qui se manifeste dans le royaume ? ... Comment l’espérer, cette tranquillité ? En calmant le peuple... Je propose que l’impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus... Que tous les droits féodaux seront rachetables... Que les corvées seigneuriales, les mains-mortes et autres servitudes personnelles seront détruites sans rachat."

 

 

 

2) L’offensive républicaine est lancée par un député en habit de paysan bas-breton

File:D026- le guen de kerangal - Liv3-Ch16.pngLe Guen de Kerangal, un paysan "bas Breton en costume de bas Breton, député inconnu, qui ne parla jamais ni avant ni après" (Michelet) monte alors à la tribune et lit un discours en phase avec la guerre sociale paysanne en cours : "Vous eussiez prévenu, messieurs, l’incendie des châteaux, si vous eussiez été plus prompts à déclarer que les armes terribles qu’ils contenaient, et qui tourmentaient le peuple depuis des siècles, allaient être anéanties par le rachat forcé que vous en avez ordonné. Le peuple impatient d’obtenir justice, et las de l’oppression, s’empresse à détruire ces titres, monuments de la barbarie de nos pères ! Soyons justes, messieurs, qu’on nous apporte ces titres, outrageant non seulement la pudeur, mais l’humanité même ! Ces titres qui humilient l’espèce humaine, en exigeant que des hommes soient attelés à des charrettes comme les animaux du labourage ! Qu’on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer la nuit à battre les étangs, pour empêcher les grenouilles de troubler le repos de leurs seigneurs voluptueux ! Qui de nous ne ferait pas un bûcher expiatoire de ces infâmes parchemins, et ne porterait pas le flambeau pour en faire un sacrifice sur l’autel du bien public ? Vous ne ramènerez, messieurs, le calme dans la France agitée, que quand vous aurez promis au peuple que vous allez convertir en argent, rachetables à volonté, les droits féodaux quelconques ; et que les lois que vous allez promulguer anéantiront jusqu’aux moindres traces de ce régime oppresseur"...

 

La Poule, député du Tiers de Franche-Comté complète son collègue en citant des droits féodaux "bizarres, cruels et incroyables".

 

M. de Foucault, le vicomte de Beauharnais, M de la Rochefoucault, le comte de Virieu, le jeune de Montmorency... vont surenchérir en supprimant les banalités, les pensions sans titre, les juridictions seigneuriales, le droit de chasse, les colombiers féodaux, les privilèges ecclésiastiques, proposant même des adoucissements pour l’esclavage des noirs. Le duc du Châtelet propose alors le rachat de la dîme.

 

Les députés du haut clergé s’avèrent prudents et réticents, se montrant seulement généreux pour supprimer les privilèges de noblesse ; les nobles le sont autant pour supprimer ceux du clergé. Le bas-clergé consent de gros sacrifices, participant à la folle nuit.

 

 

Il est près de 2 h du matin.

Le président Le Chapelier récapitule les acquis de la nuit, liste impressionnante qui met à bas définitivement l’Ancien Régime. Un vote global a lieu. Approbation à l’unanimité !

 

La messe est dite (l’archevêque de Paris a même fait adopter un projet de Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume) La séance se termine tardivement aux cris de « Vive le roi, restaurateur de la liberté française ! »...

 

C’est donc dans la nuit du 4 au 5 août 1789, à 2h du matin, après 6 h de discussions passionnées, qu’est proclamée à l’unanimité l’abolition de la féodalité, celle des trois ordres et de leurs particularités, notamment fiscale, militaire et judiciaire, mais aussi l’unification du territoire national (jusqu’alors, chaque commune, paroisse, province avait ses propres privilèges) Vraie révolution donc.

 

Mais il faut noter que les députés vont se raviser dans les jours suivants. Les droits résultant d’un « contrat » passé entre le propriétaire du sol et l’exploitant direct (cens, champart, rentes [2]) subsistent mais peuvent être rachetés. Ainsi seuls peuvent se libérer totalement les paysans les plus riches. La désillusion sera grande dans les campagnes et les troubles vont perdurer jusqu’en 1792.

 

 

3) La nuit du 4 août vue par un témoin (Lettre du député du Tiers-Etat Bouchette à ses concitoyens) :

Francois Joseph Bouchette, avocat, : ne en 1736. Deputé de la flandre maritime : [dessin] / [non identifié] - 1" La Noblesse vient de faire des sacrifices qu’elle appelle justes et le Clergé imite son exemple. Tous les droits seigneuriaux seront rachetés ou rachetables ; il n’y aura plus de justices seigneuriales dans les autres tribunaux. L’administration de la justice sera gratuite, la vénalité des charges sera supprimée ; la chasse libre à tout propriétaire ; plus de privilège de l’une à l’autre province et un pacte d’association de toutes les provinces entre elles ; les villes principales, Paris, Lyon, Marseille, etc., etc., renoncent à leurs franchises, les curés de campagne renoncent à leur casuel, leur pension sera augmentée.

 

La pluralité des bénéfices supprimés ; plus d’annates payées en Cour de Rome ; liberté de religion aux non catholiques. Le Parlement de Paris consent à un démembrement de son ressort ; il s’appliquera à étudier les loix nouvelles que l’Assemblée nationale va porter ; tout cela doit être rédigé et consenti dans l’Assemblée d’aujourd’huy qui commencera à midy".

 

 

4) La nuit du 4 août vue par l’historien de la Révolution : Jules Michelet

Description de cette image, également commentée ci-après" C’était le 4 août à huit heures du soir, heure solennelle où la féodalité, au bout d’un règne de mille ans, abdique, abjure, se maudit...

 

Vers minuit " L’attendrissement, l’exaltation, étaient montés, de proche en proche, à un point extraordinaire. Ce n’était dans toute l’Assemblée qu’aplaudissements, félicitations, expressions de bienveillance mutuelle. Les étrangers présents à la séance étaient muets d’étonnement ; pour la première fois, ils avaient vu la France, toute sa richesse de coeur... Ce que des siècles d’efforts n’avaient pas fait chez eux, elle venait de le faire en peu d’heures par le désintéressement et le sacrifice... L’argent, l’orgueil immolé, toutes les vieilles insolences héréditaires... Le monstrueux chêne féodal abattu d’un coup...

 

« Tout semblait fini. Une scène non moins grande commençait. Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu’on appelait Pays d’État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel, à leurs vieux et bons souvenirs. Le Dauphiné, dès 1788 (cf Vizille après la journée des Tuiles), l’avait offert magnanimement pour lui-même et conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, quoique liés par leurs mandats, liés par les anciens traités de leur province avec la France, n’en manifestèrent pas moins le désir de se réunir. La Provence en dit autant, puis la Bourgogne et la Bresse, la Normandie, le Poitou, l’Auvergne, l’Artois. La Lorraine, en termes touchants, dit qu’elle ne regretterait pas la domination de ses souverains adorés qui furent pères du peuple, si elle avait le bonheur de se réunir à ses frères, d’entrer avec eux dans cette maison maternelle de la France, dans cette immense et glorieuse famille ! Puis ce fut le tour des villes..."

 

 

5) Analyse et conséquences du 4 août

En votant l’abolition des privilèges féodaux, beaucoup de députés voulaient seulement faire un geste temporaire d’apaisement pour arrêter les désordres. De plus, cette abolition ne coûtait pas bien cher à bon nombre de députés de la noblesse qui tiraient l’essentiel de leurs revenus d’autres sources.

 

Dès le 5 août, des députés de la noblesse et du clergé poussent à limiter l’abolition des privilèges sans indemnité aux seuls droits féodaux pesant sur les personnes. Les droits féodaux pesant sur les terres comme les cens et les champarts, devront être rachetés par les paysans pour devenir propriétaires de leurs terres.

 

Une abolition complète des privilèges féodaux aurait pu satisfaire à ce moment-là le milieu rural et faire retomber sa mobilisation mais la plupart des droits féodaux n’étaient supprimés qu’à condition de rachat et les conditions mises au rachat étaient telles que cela était pratiquement impossible.

 

 

Deux raisons font que la nuit du 4 août, au lieu de sonner la fin de la mobilisation, marque une nouvelle étape dans la radicalisation du processus populaire révolutionnaire :

- Beaucoup de nobles ne voulurent pas accepter la décision de l’assemblée ;

- Les paysans refusèrent souvent d’acquitter les droits théoriquement supprimés mais toujours exigibles en droit ;

- Surtout, le roi n’accorda pas sa sanction aux décrets votés « Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient ; c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque. »

6) Que devinrent réellement les privilèges féodaux ?

Une partie du mouvement social prit pour argent comptant immédiat l’abolition des privilèges et le rapport de forces qu’elle symbolise. Des sections parisiennes se dirigent ainsi vers le château de Chantilly, propriété de la famille des princes de Condé, tous émigrés.

 

Du 4 août au début octobre, des paysans exterminèrent le gibier, ravagèrent les forêts, brûlèrent les bancs seigneuriaux dans les églises...

 

C’est seulement le 5 octobre que contraint, le roi donnera son accord aux décrets du 4 août votés par l’Assemblée. Alors disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces.

 

Les négociations sur l’indemnisation des privilèges abolis se poursuit dans un "âpre marchandage" (Michel Vovelle). Elles se concluent par la loi du 15 mars 1790 assez favorables aux "expropriés" qui n’ont même pas à apporter les preuves de leurs titres.

 

Il ne faut cependant pas sous-estimer l’importance historique de cette célèbre nuit du 4août :

Cette journée marque un nouvel approfondissement d la révolution française, créant le rapport de forces propice à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (votée le 26 août 1789).

 

Elle symbolise la fin du mode de production féodal comme type de société au plan politique, symbolique et judiciaire.

 

Elle pose les fondements :

- du caractère national de la loi, du droit , de la justice, de l’égalité formelle des citoyens devant celle-ci ;

- du caractère national de l’administration ouverte à tout citoyen ;

- de l’impôt proportionnel payé par tous ;

- d’une nation sans "privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants" dont la vie politique est organisée par une constitution ;

- d’un contrôle de l’Etat sur les dépenses de la famille royale ;

- d’une implication des instances politiques nationales dans les affaires du clergé et ses liens avec la papauté.

 

- Le décret du 11 août 1789 de l’Assemblée nationale avalise la majeure partie des décisions prises dans la nuit du 4 août et entérine donc la fin du régime féodal.

Sa lecture enseigne beaucoup sur l’état d’esprit des députés de l’époque.

 

Décret du 11 août 1789

- Art. 1er. L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal. Elle décrète que, dans les droits et les devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité ; et tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l’Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont points supprimés par ce décret continueront néanmoins d’être perçus jusqu’au remboursement.

 

- Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.

 

- Art. 3. Le droit exclusif de la chasse ou des garennes ou vertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire ou faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique. Toute les capitaineries même royales, et toutes réserves de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l’élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l’abolition des procédures existantes à cet égard.

 

- Art. 4. Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée nationale à l’établissement d’un nouvel ordre judiciaire.

 

- Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelques dénominations qu’elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bénéficiers, les fabriques, et tous les gens de main-morte, même par l’ordre de Malte, et d’autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir d’une autre manière à la dépense du culte divin, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l’entretien desquels elles sont actuellement affectées. Et cependant, jusqu’à ce qu’il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l’Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d’être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée. Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu’elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l’Assemblée ; et jusqu’au règlement à faire à ce sujet, l’Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.

 

- Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu’elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu’elles soient dues, gens de main-morte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables ; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l’Assemblée. Défense seront faites de plus à l’avenir de créer aucune redevance non remboursable.

 

- Art. 7. La vénalité des offices de judicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d’exercer leurs fonctions et d’en percevoir les émoluments jusqu’à ce qu’il ait été pourvu par l’Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.

 

- Art. 8. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés, et cesseront d’être payés aussitôt qu’il aura été pourvu à l’augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.

 

- Art. 9. les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme ; et il va être avisé aux moyens d’effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l’année de l’imposition courante.

 

- Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.

 

- Art. 11. Tous les citoyens, sans distinction de naissances, pourront être admis à tous les emplois et les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n’emportera dérogeance.

 

- Art. 12. À l’avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d’Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annales ou pour quelque cause que ce soit ; mais les diocésains s’adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.

 

- Art. 13. Les déports, droits de cotte-morte, dépouilles, vacat, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur des évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu’il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.

 

- Art. 14. La pluralité des bénéfices n’aura plus lieu à l’avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excèderont le somme de 3 000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder plusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un bénéfice, si le produit des objets de ce genre que l’on possède déjà excède la même somme de 3 000 livres.

 

- Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l’Assemblée nationale de l’état des pensions, grâces et traitements, qu’elle s’occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l’avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet.

 

- Art. 16. L’Assemblée nationale décrète qu’en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d’être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu’il sera chanté en actions de grâces un "Te deum" dans toutes les paroisses et églises du royaume.

 

- Art. 17. L’Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.

 

- Art. 18. L’Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l’arrêté qu’elle vient de prendre, lui porter hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le "Te deum" soit chanté dans sa chapelle, et d’y assister elle-même. L’assemblée nationale s’occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu’elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. Les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.

 

Notes

[1La première manifestation de révolte contre l’autorité royale eut lieu à Vizille, près de Grenoble, pour la « journée des tuiles » du 7 juin 1788, qui voit ses habitants s’en prendre à coup de tuiles jetées des toits aux soldats du roi qui avaient reçu l’ordre de renvoyer sur leurs terres les parlementaires du Dauphiné remettant en cause les impôts.

[2La rente, ici dans le sens de rente foncière, s’apparente par beaucoup d’aspects à un loyer du sol.

L’abolition des privilèges : il paraît que c’était le 4 août 1789...
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13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 09:03
« Le Dernier tabou » « ...La majorité des harkis est restée et n’a pas été tuée... »

Un tabou à lever... dans la gauche de

transformation sociale aussi !

 

Avec « Le Dernier tabou », le journaliste Pierre Daum signe un nouvel ouvrage explosif sur l’histoire de la guerre d’Algérie. Il le présentera ce soir au Mucem.

Après Immigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952), et Ni valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, le journaliste Pierre Daum signe chez Actes Sud Le Dernier tabou, les harkis restés en Algérie après l’Indépendance un nouvel ouvrage qui questionne le passé colonial de la France.

- « Le Dernier tabou » de Pierre Daum.

Editions ACTES SUD, avrl i2015, 544 pages, 24,8€.

Le livre est disponible ICI

 

Sources : La Marseillaise.fr  par  jeudi 4 juin 2015

- Qu’est-ce qui vous a conduit à consacrer ce livre aux harkis qui témoigne d’une réalité plus complexe que celle communément admise par la mémoire collective ?

Cette nouvelle enquête s’inscrit dans le fil de mon précédent travail sur les pieds-noirs restés en Algérie après l’Indépendance. Elle permet de complexifier notre connaissance du passé colonial français en Algérie qui parfois reste figé sur certaines idées reçues. Mon travail sur les pieds-noirs m’avait permis de fissurer un des piliers du discours des nostalgiques de l’Algérie française qui martèlent qu’à l’Indépendance c’était « la valise ou le cercueil ». Avec cette nouvelle enquête, je fais exploser un deuxième pilier de leur discours selon lequel la France gaulliste aurait lamentablement abandonné en 1962 les harkis à la vengeance du FLN qui les aurait « massacrés » jusqu’au dernier. Je montre que ce ne fut pas le cas, et que la majorité des « harkis » est restée vivre en Algérie, sans y être tuée. Issus de la paysannerie, écrasés par une misère renforcée par la guerre après 130 ans d’oppression coloniale, ces hommes sont retournés dans leurs villages où les sociétés paysannes se sont retrouvées à devoir recoller les morceaux.

 

 

- Qui appelez-vous « harkis » ? Quel était leur nombre ?

Au départ je pensais me concentrer sur les harkis au sens premier du terme, c’est-à-dire des supplétifs de l’armée française. Au total, les différentes catégories de supplétifs de l’armée françaises comptaient 250 000 hommes adultes. Au cours de mon enquête, je me suis rendu compte que les supplétifs (civils avec des fonctions militaires) n’avaient pas été les seuls à porter l’uniforme français pendant la guerre. Il y avait également des militaires de carrière intégrés à l’armée française comme dans toutes les armées coloniales (50 000 hommes), ainsi que les appelés algériens du contingent (120 000 hommes). La conscription s’appliquait en effet aux jeunes d’Algérie comme de métropole et, dans une Algérie façonnée par 130 ans de colonisation, l’idée très ancrée que les Français étaient « ceux qui gouvernent » a conduit l’immense majorité des jeunes de 18 ans à répondre à l’appel du service militaire.

 

À tous ceux-là, j’ai ajouté les notables algériens ouvertement pro-français : maires, caïds, conseillers généraux, etc. Leur nombre est évalué à 30 000. En tout, ce sont donc 450 000 hommes adultes algériens qui se sont retrouvés à un moment ou à un autre du côté des Français.

 

 

- Ce chiffre que vous avancez provoque la fureur des deux côtés de la Méditerranée. Pourquoi est-il selon vous le « dernier tabou » de la guerre comme l’annonce le titre de votre ouvrage ?

Pour des raisons différentes. En Algérie, le simple fait d’avoir collecté ce chiffre en confrontant toutes les sources -ce que d’autres auraient pu faire- a créé un scandale. J’ai été attaqué par le ministre des Moudjahidine car mon livre contredit le discours officiel selon lequel le 1er novembre 1954, le peuple algérien se serait soulevé tout entier contre la puissance coloniale. Ceux qui ont pris les armes n’étaient qu’une minorité. Ils n’en sont que plus admirables. En France, le scandale c’est de dire que de nombreux harkis sont rentrés au village sans se faire « massacrer ». Cela met en fureur les associations de rapatriés et de harkis dont le discours est conditionné par les idéologues de l’Algérie française. Mais les harkis rapatriés en France -qui y ont été scandaleusement mal traités- forment une petite minorité : 25 000 hommes au maximum, auxquels s’ajoutent leurs familles. C’est bien là la révélation de mon livre : sur 450 000 Algériens qui ont combattu du côté de la France, une majorité est restée et n’a pas été tuée. Ce qui n’efface pas les milliers d’assassinats de « harkis » en 1962, dans une situation de chaos politique et de justice populaire expéditive.

 

 

- Comment s’est déroulée l’après-guerre d’Algérie pour cette majorité de harkis qui n’a pas été passée par les armes ?

La première année a été très douloureuse. Certains ont subi la torture, l’emprisonnement, des travaux forcés. Ensuite, leur réintégration aux sociétés paysannes traditionnelles s’est souvent accompagnée d’une cruelle relégation sociale. Aujourd’hui encore, alors que le peuple paysan algérien est progressivement sorti de l’extrême pauvreté, on constate que les harkis et leurs enfants ont tendance à avoir été maintenus dans cette misère originelle.

 

 

- Quelles étaient les motivations des harkis de l’époque ? Soixante ans après le début de la guerre que vous en ont dit les témoins que vous avez retrouvés ?

Mon enquête confirme des travaux antérieurs qui depuis une dizaine d’années ont complètement démonté cette fausse idée selon laquelle les harkis se seraient massivement engagés par amour du drapeau tricolore, par patriotisme, voire par désir de maintenir l’Algérie française. Ce discours est tenu depuis 50 ans par différents groupes sociaux. D’abord par les nostalgiques de l’Algérie française, mais aussi en miroir par toute une partie de la gauche et de l’extrême gauche françaises qui ont un rapport très suspicieux vis-à-vis des harkis qu’ils considèrent comme des traîtres, ce qui est aussi le point de vue de l’histoire officielle algérienne. Dans les médias algériens, je n’hésite pas à dire que finalement, le regard porté par les officiels algériens sur les harkis est exactement le même que celui des anciens de l’OAS. En réalité, les motivations principales des harkis étaient la pauvreté et la façon que l’armée française avait de mouiller certaines familles dans les villages aux yeux d’un FLN qui n’hésitait pas à pratiquer une violence aveugle. Les harkis, que j’ai retrouvés dans soixante villages différents, témoignent de cet aspect terriblement pervers de l’oppression coloniale. La France a placé des millions d’Algériens dans une situation telle que la seule solution pour donner à manger à leur famille ou pour se soustraire aux menaces du FLN était de frapper à la porte de la caserne française.

 

 

- Comment analysez-vous le rapport de suspicion qui existe encore aujourd’hui dans la gauche anti-coloniale à l’égard des harkis ?

Il résulte selon moi d’une erreur de compréhension de la complexité de la guerre d’Algérie. La grille de lecture de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation nazie, avec le clivage collaboration-résistance, a été plaquée à tort sur la guerre d’Algérie. Les harkis de 1954 ne sont pas les collabos de 1940, parce que leurs motivations n’étaient pas idéologiques. à l’issue de mon enquête, j’ai compris que les harkis constituent les ultimes victimes de la colonisation française en Algérie.

 

Pour en savoir plus :

- Algérie. Dès les années 1830 les socialistes étaient devenus les prosélytes de la colonisation peuplante...

Harkis, tout commence là : l'invasion coloniale et l'asservissement d'un peuple.

Harkis, tout commence là : l'invasion coloniale et l'asservissement d'un peuple.

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 08:10
2015 : mettons Ambroise Croizat au coeur du 70ème anniversaire de la sécurité sociale

Si Croizat est méconnu en France, si nous ignorons tout de notre propre histoire sociale, ce n’est pas un hasard. C’est le résultat d’un combat idéologique et politique dans lequel chacun doit choisir son camp mais où la neutralité est impossible.

Militant syndical, membre du Parti communiste, ministre de 1945 à 47, il fut le principal instigateur de la Sécurité Sociale en France, l’un de ceux qui ont institué les conventions collectives, le système des retraites, les comités d’entreprise, la médecine du travail tout ces "conquis sociaux" que les néo-libéraux au pouvoir s’emploient à détruire par tous les moyens depuis des années.

 

Sources : Ambroise Croizat : père de la sécurité sociale et de nos retraites et 70éme anniversaire de la Sécu.

- « Mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec la souffrance et les angoisses du lendemain ».

Telle a été la devise d’Ambroise Croizat, ministre du Travail de 1945 à 1947, bâtisseur de la sécurité sociale et originaire de Notre Dame de Briançon en Savoie où il naît le 28 janvier 1901. Son père, manœuvre à l’entreprise des « Carbures Métalliques » vit alors comme un fils d’usine. 12 heures par jour pour 8 sous de l’heure. A peine le prix du pain.

 

L’enfant grandit entre les fours et ceux qui rêvent d’espoir et de solidarité. C’est ainsi qu’Ambroise prendra le relais du père. Installé à Lyon dès 1914, après un passage à Ugine, il s’engage dans l’action et grimpe rapidement dans la hiérarchie syndicale. Excellent orateur, animateur des grèves de la métallurgie alpine, il devient en 1927 secrétaire général de la fédération CGT des métaux.

 

Elu député communiste de Paris sous le Front Populaire en 1936, il forge les grands acquis de mai, entre autres les congés payés, la semaine de quarante heures et la loi sur les conventions collectives dont il est l’auteur. 1939. L’orage de guerre approche et avec lui son cortège de tourments. Arrêté en octobre 1939, il est déporté en Algérie au bagne petainiste puis nazi de Maison Carrée.

 

Libéré lors du débarquement anglo-américain d’Alger en novembre 1942, il entre en résistance et anime aux côtés du Général De Gaulle la commission consultative qui entoure le gouvernement provisoire français.

 

De retour en France, il est nommé à la Libération au poste de ministre du travail par le Général de Gaulle. Commence, dans le sillage du programme du CNR alors une œuvre considérable qui, en 2 années de labeur et d’humilité, laissera au pays les plus belles traces de son identité sociale. Ambroise Croizat est en effet le bâtisseur de la sécurité sociale, l’inventeur des comités d’entreprise, de la médecine du travail, de la prévention dans l’entreprise, de la formation professionnelle…. Il attachera son nom aux grandes inventions sociales de la Libération entre autres le statut des mineurs et de la fonction publique , celui des électriciens et gaziers, ainsi que la généralisation de la retraite à tous les salariés.

 

Il meurt le 10 février 1951. Un million de personnes (un des grands enterrements du siècle) l’accompagnent au cimetière du Père Lachaise où il repose.

 

 

- L’héritage de l’homme est prodigieux : Sécurité sociale, retraites, comités d’entreprise, fonction publique, statut des mineurs, médecine du travail, conventions collectives, prévention… Un cortège impressionnant de réalisations sociales qui fondent l’identité et la dignité d’un pays.

Au-delà de l’histoire de celui que l’on appelait le « ministre des Travailleurs », l’ouvrage de Michel Etiévent[1] est aussi un fabuleux portrait des espoirs et des douleurs du vingtième siècle. Le Front populaire, la guerre, la collaboration, la Résistance, images et visages se superposent pour donner à voir et à entendre les racines de notre histoire. Autre originalité, l’ouvrage nous livre la correspondance de prison d’Ambroise Croizat, enfermé dans les geôles de Vichy et les bagnes d’Algérie de 1939 à 1943. Incomparable témoignage qui éclaire la vie quotidienne des heures sombres de la France et nous raconte de manière bouleversante l’enlisement de Vichy dans la collaboration, l’enfermement d’un élu du peuple, l’horreur du bagne…

 

Avec cette nouvelle biographie d’Ambroise Croizat[1], entièrement revue et augmentée par de récentes découvertes du chemin fécond du personnage, l’auteur nous livre le passionnant roman d’un homme qui a su donner à notre siècle un goût de solidarité et de dignité.

 

 

- 2015 : 70 eme anniversaire de la sécurité sociale... rétablissons la vérité historique [2]

Prenons les devants…. Lors de l’hommage national du 70ème anniversaire de la sécu qui sera rendu en octobre 2015, attendez vous encore et ceci malgré l’énorme travail fait pour rétablir l’histoire, à ce qu’ils disent que la sécu a été fondée par Pierre Laroque. (Ainsi qu’il est  dit souvent…). Ce qui est curieux c’est que lorsque l’on évoque une loi, on lui donne toujours généralement le nom du ministre qui l’a promulguée et non du fonctionnaire qui a participé à sa mise en place: Ainsi dit-on : Loi Macron, Loi Juppé ou Loi Weil par exemple. Et bien non, là on vous dira loi Laroque qui n’était que le fonctionnaire de Croizat (directeur de la sécu). Ben, tiens, on ne va pas donner à une institution enviée dans le monde entier et que socialistes, patrons et droite s’évertuent à casser, le nom d’un ministre communiste.

 

Et pourtant c’est lui, lui le bâtisseur de ce beau conquis social de janvier 1946 à juillet 1946 alors qu’il est ministre du travail et de la Sécurité Sociale (de novembre 1945 à mai 1947) , On vous parlera encore d’une création de De Gaulle… oui mais, voilà,  De Gaulle avait déjà démissionné (15 janvier 1946) lorsque Croizat, après avoir conçu les lois (de création de la sécu (mai, juin 1946) , mit en place les 138 caisses avec la CGT et le peuple de France. (Malgré l’opposition violente de la droite, des assurances privées, des médecins, des patrons, des notables mutualistes, de la CFTC).

 

En outre, De Gaulle sera le premier à la casser en octobre 1967 avec les ordonnances Jeanneney qui suppriment les élections démocratiques des caisses, divisent la sécu en trois branches et établissent le paritarisme qui donne la gestion aux patrons.

 

  • Juste une petite vérité a rétablir : Pierre Laroque n’est que le commis d’écriture qui mit en forme l’ordonnance portant création de la sécu du 4 octobre 1945. Cette ordonnance est une émanation directe du CNR et de la réflexion et conception collective menée sous la maîtrise d’oeuvre de Croizat dès sa nomination comme président de la Commission du Travail à l’assemblée consultative ( juin 1943) du Gouvernement provisoire à Alger. Et ceci en lien très actif avec les services du ministère de la Santé dirigé par François Billoux, autre ministre communiste, jamais évoqué lorsque l’on parle de la sécurité sociale.

 

  • Pierre Laroque ne prendra d’ailleurs ses fonctions qu’en septembre 1944. C’est sûr qu’il est difficile d’admettre la réalité de l’Histoire et surtout l’actualité brûlante et la modernité d’un homme comme Ambroise Croizat à l’heure où droite, patronat  et socialistes veulent privatiser ce bien national qu’est notre belle sécurité sociale.

 

Le meilleur hommage que nous pouvons rendre à Ambroise Croizat et pour ce 70eme anniversaire est de nous battre sans cesse partout pour que la securité sociale ne soit pas une coquille vide livrée au privé mais qu’elle reste ce que Croizat et le peuple de France qui l’ont bâtie ont voulu qu’elle soit : un vrai lieu de solidarités, un rempart au rejet, à la  souffrance et à l’exclusion

 

 

- Ordonnance de 1945 fondant le régime général de la Sécurité Sociale

2015 : mettons Ambroise Croizat au coeur du 70ème anniversaire de la sécurité sociale
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27 mai 2015 3 27 /05 /mai /2015 08:07
L’esprit de la Résistance toujours d’actualité

Il y a soixante-et-onze ans, un programme social audacieux

 

L’histoire avancerait-elle à reculons ? Si le programme du Conseil national de la Résistance (CNR), à la pointe du progrès économique et social, a pu s’appliquer à partir de 1944 dans un pays ravagé par la guerre, on ne voit pas pourquoi, dans une France et une Europe regorgeant de richesses, des changements de même ampleur ne seraient désormais qu’une aimable utopie incompatible avec les « contraintes » financières. En fait, tout dépend du rapport des forces politiques et sociaux...

 

Source :  le Monde Diplomatique par Serge Wolikoff [1]

Tout comme les systèmes de retraites et les dépenses de santé, l’organisation du travail ne pourrait donner lieu, nous dit-on, qu’à une seule « réforme » possible. Ce discours est actuellement dominant dans l’Europe occidentale du début du XXIe siècle, après plus de cinquante ans de paix et de croissance. Pourtant, dans la France dévastée de l’après-guerre, on a fait d’autres choix en appliquant Programme du Conseil National de la Résistance (CNR) élaboré dans la clandestinité et adopté le 15 mars 1944. Le progrès vers plus de justice sociale ne vaudrait donc qu’en temps de pénurie, tandis que l’abondance de la production justifierait l’extension de l’inégalité à tous les domaines de la société !

 

L’histoire du CNR, réuni pour la première fois en mai 1943 au 48, rue du Four, à Paris, à la barbe de l’occupant nazi, et son programme, adopté un peu moins d’un an plus tard, méritent davantage qu’un simple salut rhétorique. Dans la nuit de l’Occupation, pendant plusieurs mois, des résistants se réunirent au péril de leur vie, s’échangèrent des documents en vue de rédiger un programme destiné à définir la politique de la France au lendemain de sa libération, car ils avaient présents à l’esprit les événements ayant jalonné la politique de leur pays depuis une décennie.

 

Le CNR, qui rassemble les mouvements de résistance, les syndicats (CGT et CFTC), mais aussi les partis et tendances politiques (Parti radical, Parti socialiste, Parti communiste, Démocrates populaires, Alliance démocratique et Fédération républicaine) en lutte contre le régime de Vichy et l’occupant allemand, traduit la prise de conscience de la nécessaire unité du combat démocratique. Il s’appuie sur la mémoire des victoires, mais aussi des désillusions et de l’oubli des engagements qui ont accompagné les combats depuis une décennie.

 

De ce point de vue, le Front populaire avait été une réponse exaltante à la crise sociale, économique, aussi bien que morale et culturelle, de la France du début des années 1930. L’unité d’action des Partis communiste et socialiste, puis son élargissement au Parti radical, la réunification syndicale, mais aussi l’alliance avec le monde associatif, de 1935 à 1938, avaient permis de renverser le cours de l’évolution politique et sociale engagée par les forces de droite. En réponse aux discriminations contre les étrangers expulsés, à la marginalisation économique et culturelle des classes populaires, le Front populaire avait été l’occasion, pour les ouvriers notamment, de faire irruption sur la scène publique, d’y prendre leur place. En 1936, l’engagement massif des salariés dans les grèves, comme dans les manifestations, témoignait d’une forte politisation associant antifascisme et revendication sociale.

 

Mais la démocratisation amorcée par l’action conjointe d’un mouvement populaire et du gouvernement était très vite retombée ; nombre de réformes promises avaient été abandonnées, le spectre de la guerre divisant ceux qui, jusqu’alors, avaient dénoncé le militarisme. La politique à l’égard de l’Espagne républicaine, de 1936 à 1938, avait provoqué de premières failles que le pacte germano-soviétique, en août 1939, allait élargir. La division des composantes du Front populaire accompagna la mise en cause des institutions républicaines par des forces conservatrices qui situaient désormais l’ennemi à l’intérieur du pays. La défaite militaire de 1940 face à l’armée allemande fut aussi celle d’une République qui, après avoir répudié les enthousiasmes de 1936, laissa la place à un régime de revanche sociale et de réaction.

 

L’Etat français, qui prétendait, sous l’autorité du maréchal Pétain, établir une révolution nationale associée à la collaboration avec l’occupant, mit en œuvre une politique au service des grands intérêts économiques, reléguant à nouveau le monde du salariat dans un rôle subalterne. Le Front populaire fut, en tant que tel, rendu responsable de la défaite. Le procès de Riom au début de 1941, qui devait populariser cette thèse grâce à la mise en accusation des anciens ministres, tourna au fiasco et dut être interrompu. Il reste que les divisions des forces du Front populaire et la fin de la République marquèrent fortement les débuts de la Résistance. Le chemin qui, de 1940 à 1943, mène de sa diversité à son unification fut difficile et complexe.

 

A la fin de l’année 1942, le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, l’entrée des troupes allemandes dans la zone sud de la France, la contre-offensive de l’armée soviétique à Stalingrad traduisent une modification du rapport des forces en faveur des nations unies contre les puissances fascistes. La place et le rôle à venir des résistances nationales se trouvent d’autant plus remis en question que les Britanniques et les Américains n’accordent qu’une importance minime à la résistance intérieure, et dénient à de Gaulle la qualité de seul représentant légitime de la France.

 

Les événements d’Afrique du Nord, marqués par des négociations et des compromis avec les militaires et l’administration de Vichy, donnent, début 1943, une grande acuité à cette question. Du côté de la Résistance intérieure, les difficultés étaient autres : elles tenaient à l’hétérogénéité des organisations et à la diversité de leurs objectifs. Les uns, tels les mouvements, nourrissaient de fortes préventions envers des partis politiques tenus pour responsables de la faillite de la République. Les forces politiques, elles, se trouvaient dans des situations très contrastées : si le Parti communiste pouvait se prévaloir d’une organisation et d’une activité indéniables forgées dans l’action clandestine depuis longtemps, il n’en allait pas de même des autres partis, à commencer par le Parti socialiste, dont la reconstitution était récente et dont nombre de ses anciens militants avaient préféré s’investir dans divers mouvements et réseaux. Le syndicalisme, que le régime de Vichy avait tenté d’intégrer dans des structures officielles, était encore marqué par les divisions internes avivées par le pacte germano-soviétique.

 

Ces préventions entre organisations traduisaient à la fois des désaccords tactiques et des héritages culturels et politiques différents. De même, les incompréhensions entre la Résistance intérieure et la France libre autour de De Gaulle reflétaient des divergences sur le rôle et la place des civils dans la perspective de la libération du pays. Le processus d’unification sera impulsé par l’action de Jean Moulin, qui en avait reçu la mission explicite de De Gaulle. Les contacts directs noués à Londres entre le Parti communiste et de Gaulle créent une situation favorable, de même que l’acceptation, par les alliés, de la constitution, à Alger, le 3 juin 1943, d’un Comité français de libération nationale, présidé par De Gaulle, et embryon d’un véritable gouvernement de la Résistance.

 

Ce contexte éclaire la formation du CNR, le 27 mai 1943, ainsi que sa composition. Finalement, l’organisme regroupe 8 représentants des mouvements de résistance, 6 des partis ou tendances politiques, 2 des syndicats. Ces forces n’avaient pas les mêmes titres à faire valoir en termes d’action sur le terrain et d’ancienneté dans le combat. La présence de partis politiques comme les radicaux (Marc Rucart) et surtout l’Alliance démocratique (Joseph Laniel) ou la Fédération républicaine (Jacques Debu-Bridel), nettement situées à droite, exprimait la volonté d’ouvrir la Résistance à des forces politiques devant faire contrepoids à l’influence communiste. Cette dernière s’appuyait sur l’action de son parti et de ses militants, notamment sur le terrain de la lutte armée dans le cadre des Franc-tireurs et partisans, eux-mêmes dépendant du Front national pour l’indépendance de la France, mouvement représenté au CNR par Pierre Villon. A côté du représentant de la CGT (Louis Saillant), qui se réunifie au même moment (accords du Perreux le 17 avril), figure pour la première fois le représentant de la CFTC (Gaston Tessier), ce qui traduit l’engagement du syndicalisme chrétien dans la Résistance, au moment où la majeure partie de la hiérarchie catholique continue d’apporter son soutien la politique de collaboration du régime de Vichy.

 

 

- Définition d’une République nouvelle

Cette présence du catholicisme social est confirmée par la participation des Démocrates populaires au titre des partis politiques. C’est d’ailleurs leur représentant, Georges Bidault, qui, après l’arrestation de Jean Moulin le 21 juin, prend la direction du CNR. C’est pendant l’hiver 1943-1944 que la rédaction d’un projet de texte commun est mis à l’ordre du jour. Il s’agit de répondre aux préoccupations de plusieurs partis et mouvements, en résonance avec les discussions qui se déroulaient à Alger, notamment à l’Assemblée consultative, au sujet de la politique à mettre en œuvre en France après la Libération. L’élaboration du document fut lente et laborieuse. Le texte adopté fut le fruit de discussions et d’échanges ralentis par les combats et la clandestinité. Les tensions et les différences d’appréciation reflétaient la diversité des organisations membres du CNR : les partis politiques du centre droit étaient réticents à l’égard de mesures économiques et sociales radicales, mais leur poids dans l’action résistante était faible, et tout le monde convenait de la nécessité de réformes profondes pour reconstruire le pays et la démocratie.

 

L’affirmation unanime des fondements démocratiques de la vie politique attestait une volonté commune de renouer avec la République, malgré la crise de 1940. En fait, la divergence principale portait sur l’équilibre à tenir entre, d’un côté, l’action immédiate et le rôle de la Résistance intérieure dans les combats en vue de la libération et, de l’autre, le programme de réformes, tant sociales et économiques que politiques, à définir pour la France d’après-guerre. Les socialistes avaient mis l’accent sur les réformes de structure, tandis que les communistes insistaient davantage sur la lutte armée, la mobilisation de masse contre l’occupant et le rôle des comités de base. Pour autant, avec l’appui des syndicats et des mouvements, on parvint à la définition de grands objectifs communs et de réformes.

 

Ce programme commun, qui s’inscrivait dans une tradition politique française longtemps marquée par les échéances électorales, avait, dans le contexte de la Résistance, un caractère très novateur en associant l’action avec un projet essentiellement centré sur les questions économiques et sociales, décisives pour le monde du travail, mais aussi pour la reconstruction du pays. Le réalisme des propositions tenait également à leur ancrage dans les revendications et les expériences des luttes conduites depuis le Front populaire.

 

La collusion des milieux économiques dirigeants avec l’occupant, les souffrances des salariés de l’industrie et des travailleurs agricoles, leur participation à l’action résistante, donnaient sa légitimité à un programme mettant l’accent sur les droits sociaux et l’égalité des citoyens, sur la primauté de l’intérêt général dans la gestion des ressources nationales et dans la définition d’une République nouvelle.

 

Note :

[1] Serge Wolikoff Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne et directeur de la Maison des sciences de l’homme de Dijon (article paru en mars 2004 et toujours d'une ardente actualité).

 

Pour en savoir plus :

- Comme il y a 71 ans, redressons la tête !

- Mars 2014 : 70e anniversaire de l'appel du CNR

- 2015 : mettons Ambroise Croizat au coeur du 70ème anniversaire de la sécurité sociale

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 12:25
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
  • Pour Toussaint Louverture, père de l'émancipation des esclaves :  une statue dans un lieu clos pour ne pas déranger une partie de la bourgeoisie rochelaise descendante des négriers !...
  • et dans le même temps, un monument à la gloire du colonialisme trône en plein cœur de La Rochelle[5] (voir ci dessous)
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

 

  • Le 20 mai 2015, une statue Toussaint Louverture a été inaugurée à La Rochelle dans un lieu clos, mais depuis des semaines, une polémique agite la ville.
  • A l'heure ou nombre de rues portent encore le nom des armateurs négriers (Admyrault, Seignette.....)...
  • Fallait-il installer cette oeuvre sur le port ou dans la cour du Musée du Nouveau Monde ?
  • Pour l’association Mémoria, à l’origine du projet, il est "aberrant de l’enfermer dans la cour du musée".

"Encore une fois, La Rochelle n’assume pas l’histoire de la traite".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"272 ans après sa naissance, le jacobin noir a été revendiqué par l’UNESCO, mais on ne pardonne pas à Haïti, son pays, d’avoir été le premier pays à se libérer du colonialisme et de l’esclavage en Amérique latine." Gabriel Molina

 

 

Sources : (voir note de bas de page) | mis à jour le 09/05/2024

- Qui est Toussaint Louverture [1]

TOUSSAINT Louverture, le jacobin noir, figure caractéristique de l’essor et du déclin de la Révolution française, est l’objet d’une évocation imposante au Château médiéval de Fort de Joux, première étape de la Route de l’abolition de l’esclavage proclamée en 2004 par l’Organisation des Nations unies, à l’initiative de l’UNESCO.

 

Cette étape initiale de la Route rend un hommage mérité au général haïtien, né voici 272 ans, le 1er novembre 1743. Esclave comme son père, qui fut arraché du Dahomey, aujourd’hui le Bénin, Louverture mena l’unique rébellion victorieuse de l’histoire contemporaine, laquelle déboucha aussi sur la première émancipation du colonialisme en Amérique latine. Mais il paya cher son audace. Ce pays, autrefois la colonie la plus riche de la terre, est devenu aujourd’hui la nation la plus pauvre de la région.

 

Le glorieux soldat fut fasciné par l’idéologie de la Révolution de 1789 et il termina sa vie en France, emprisonné au Fort de Joux – une sinistre prison de haute sécurité proche de la frontière suisse – par celui qui fut l’artisan du déclin du processus révolutionnaire français, Napoléon Bonaparte.

 

La France a rendu tardivement justice à Louverture, qui veut dire “l’initiateur”, en inscrivant à Fort Joux ses paroles prononcées durant son emprisonnement : « En me renversant, vous avez seulement abattu le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs. Mais il repoussera par les racines, car elles sont nombreuses et très profondes ». En effet ces racines se sont propagées en France, à travers l’Amérique, dans le monde entier. Et même aujourd’hui jusqu’aux Etats-Unis.

 

Rien n’est plus émouvant que de voir sa cellule, l’ultime demeure du glorieux général dans l’Est de la France, en haut d'une cluse à la Cluse et Mijoux (Haut Doubs - massif du Jura), dans la région de Franche-Comté. C’est au château Fort de Joux l’une des régions les plus froides du pays et qui ont le plus souffert au cours de l’histoire, car elle a été le théâtre de nombreuses guerres, livrées par les Français depuis la conquête de Rome jusqu’à la Seconde guerre mondiale.

 

Ce château est une forteresse qui fut sans cesse adaptée aux nouvelles exigences militaires, depuis les 11e et 12e siècle, car il est situé à un carrefour traversé par les armées ennemies depuis l’Empire romain jusqu’aux armées en provenance d’Allemagne et de Suisse.

 

Il est perché au sommet de collines élevées, à environ 940 m au-dessus du niveau de la mer, afin de défendre les hauteurs stratégiques où il est situé.

 

« Tout au long des huit siècles nous sommes passés d’une fortification très élevée à une fortification souterraine, une particularité due à l’évolution des projectiles. Au Moyen Age il s’agissait d’un système qui catapultait des pierres à des centaines de mètres. Et avec les progrès militaires, surtout avec l’apparition des explosifs, l’artillerie détruisait les fortifications élevées. Il fut ainsi nécessaire de creuser sous terre et de se protéger non seulement avec des murs épais mais aussi avec des tonnes de fer », explique monsieur Philippe Pichot, coordinateur de l’Association Route de l’abolition, de l’UNESCO, dès notre arrivée à Fort Joux par la route depuis Besançon, une ville propre, berceau de Victor Hugo.

 

On peut aussi y accéder par trois autres voies en provenance de Suisse, d’Autriche, du Nord de l’Italie et du Sud de l’Allemagne. Au pied du château, la voie, outre son utilité militaire, constituait aussi une route commerciale, qui contribua à l’enrichissement des Comtes de Joux.

 

 

- Toussaint Louverture : un homme sous influence Jacobine

Les idées de la Révolution française eurent une influence décisive sur Toussaint, cocher dans la plantation Bréda. Enfant chétif, ses propriétaires ne l’obligèrent pas à travailler dans les champs et lui permirent d’apprendre à lire et à écrire. Les Commentaires de César et d’autres écrits militaires lui donnèrent l’occasion de s’initier aux rudiments de la stratégie et de la tactique. Il devînt si bon cavalier qu’on l’appela « le Centaure de la Savane ».

 

Il fut affranchi en 1776, à 33 ans, alors que débutait la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Quinze ans plus tard, le 30 octobre 1791, peu avant son 48e anniversaire, il rejoignit le soulèvement des esclaves haïtiens qui, la haine au coeur, se vengèrent cruellement des traitements barbares qui leur étaient infligées. Louverture fut choisi pour négocier avec les autorités. Mais celles-ci refusèrent l’offre de reddition et firent la sourde oreille aux demandes des trois commissaires – Sonthonax, Polverel et Ailhaud –, envoyés depuis Paris par l’Assemblée nationale, qui était au courant d’un plan d’invasion britannique. Ils pensaient que la chute de l’île serait un désastre pour la métropole française.

 

Les négociations ayant échoué, Toussaint fit appel aux Espagnols qui occupaient à l’est les deux autres tiers de l’île (La Espaniola, aujourd’hui la République dominicaine) et qui étaient les alliés des Britanniques contre les Français. Louverture et les autres dirigeants rebelles reçurent les grades de général en chef de l’armée espagnole, et  commencèrent à combattre les forces françaises sur la côte occidentale. Mais le 29 août 1793, face aux premiers signes d’une attaque anglaise, les commissaires français proclamèrent l’abolition complète de l’esclavage et l’émancipation des esclaves noirs, pour les inciter à soutenir la France.

 

Ce même jour Toussaint lança sa propre proclamation : « « Frères et amis. Je suis Toussaint Louverture ; mon nom s’est peut-être fait connaître jusqu’à vous. J’ai entrepris la vengeance de ma race. Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille à les faire exister. Unissez-vous, frères, et combattez avec moi pour la même cause. »

 

 

- Toussaint Louverture : vainqueur de l'Espagne et de la Grande-Bretagne

La Caraïbe a connu une histoire de rapine depuis l’époque des « découvreurs » espagnols, en passant par celle des boucaniers français qui commencèrent leur conquête en attaquant l’Hispaniola depuis la proche île de la Tortue pour créer Saint-Domingue (dans la partie ouest de L’Hispaniola), et aussi avec l’arrivée des envahisseurs britanniques qui attaquèrent la Martinique, la Guadeloupe et d’autres colonies françaises des Antilles.

 

A Saint-Domingue, qui fut rebaptisée Haïti, ils ne rencontrèrent que peu de résistance, à l’exception de celle que leur opposèrent les forces placées sous le commandement du général mulâtre André Rigaud, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale de France abolisse officiellement l’esclavage. Toussaint rompit alors avec l’Espagne et adhéra à la proclamation de liberté des Français, avec 4 000 soldats en première ligne. En 1795, l’armée espagnole fut défaite, grâce aux efforts de Toussaint Louverture, notamment. Battre les Britanniques qui continuaient de recevoir des renforts fut une tâche plus longue et ardue qui devait durer jusqu’en mai 1798. L’armée britannique essuya de nombreuses pertes : entre 20 000 et 60 000 morts d’après les chroniqueurs. Toussaint reçut l’aide du gouvernement des Etats-Unis, le président John Adams et son secrétaire d’Etat Timothy Pickering craignant encore un coup de leur ancienne métropole. C’est ainsi que commença le commerce, encouragé par Hamilton. Mais même si Louverture avait fait construire des chemins et des écoles, Napoléon refusa de lui envoyer un seul instituteur.

 

«La colonie de Saint-Domingue, qui était placée sous mon commandement, jouissait d’un grand calme, et d’une culture et d’un commerce florissants », écrivit Toussaint dans ses Mémoires. Cependant, lorsque Jefferson remporta les élections présidentielles de 1800, aussitôt après avoir accédé à la Maison-Blanche, le 4 mars 1801, il se retourna contre Toussaint et fit savoir à Talleyrand que la France pouvait recevoir tout le ravitaillement nécessaire pour reconquérir Saint-Domingue.

 

Au terme des hostilités avec la Grande-Bretagne après la Paix d’Amiens, Napoléon put bénéficier du soutien de Jefferson pour attaquer Haïti. Il arma une imposante flotte pour envahir l’île, placée sous les ordres de son beau-frère le général Victor Emmanuel Leclerc. Environ 20 000 hommes débarquèrent en février 1802 sous les ordres de Leclerc et sous le faux prétexte de rétablir l’autorité française. Une fois leurs positions prises, ils désarmeraient les Noirs et rétabliraient l’esclavage. Le général noir fut arrêté et déporté vers la France, et emprisonné au Fort de Joux en 1802.

 

« Si je voulais compter tous les services que j’ai rendus dans tous les genres de gouvernement, il me faudrait plusieurs volumes encore n’en finirais-je? Et pour me récompenser de tous ces services, on m’a arrêté arbitrairement à Saint-Domingue, on m’a garrotté et conduit à bord comme un criminel, sans égard pour mon rang, sans aucun ménagement? Est ce là la récompense due à mes travaux ? Ma conduite me faisait-elle attendre un pareil traitement ? ».

 

Cette prison de haute sécurité que personne ne pouvait même approcher et où les visites étaient interdites fut sa dernière demeure, au milieu d’un isolement rigoureux décrété et vérifié par Napoléon. Toussaint Louverture mourut le 7 avril 1803. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’empereur reconnut son erreur.

 

 

- C'est à Champagney avec J-A Priqueler que germa l’idée d’abolir l’esclavage.

Il est paradoxal que la France de Napoléon put trahir Toussaint Louverture, car c’est précisément dans un petit village de France, à Champagney, que germa l’idée d’abolir l’esclavage.

 

Jacques-Antoine Priqueler, officier de la garde du roi Louis XVI, originaire de Champagney et ouvert aux idées des philosophes et des intellectuels des Lumières, serait à l’origine de cette revendication après avoir été horrifié par les atrocités de la captivité négrière dans les Antilles. C’était quatre mois avant le déclenchement de la Révolution française. L’abolition de l’esclavage, l’une des idées les plus nobles inspirées de la Révolution française dont nous commémorerons le 220e anniversaire le 14 juillet prochain, naquit dans l’esprit de 78 simples paysans et serfs de ce petit bourg qui avait vu naître le noble Priqueler.

 

La France était en pleine ébullition en raison des « cahiers de doléances » où les vassaux de 36 000 municipalités de l’empire, désespérés par la misère, exprimaient leurs plaintes et leurs souhaits, à la demande du roi. Sur ces terres froides et stériles, la position géographique de l’endroit rendait ses habitants encore plus vulnérables aux attaques et contre-attaques lancées dans le cadre des incessantes guerres européennes. A cette situation stratégique délicate s’ajoutaient des conditions de vie très dures et même comparables à l’esclavage en raison de l’asservissement des habitants par des seigneurs abusifs.

 

Dans la France prérévolutionnaire, ces citoyens meurtris qui pendant l’hiver 1788-1789 résistèrent ensemble le froid intense et la faim provoquée par la hausse effrénée des impôts, surent comprendre ceux qui menaient une vie encore plus misérable qu’eux. Le sentiment humanitaire les poussa, avec une audace qui force l’admiration, à attirer l’attention du Roi Louis XVI sur les horreurs de la traite négrière, à prendre le parti des esclaves du Nouveau monde, et ainsi entrer dans l’histoire, car ce furent les seuls Français qui, en ce 19 mars 1789, quatre mois avant le début de la Révolution, demandèrent non seulement que leurs revendications soient satisfaites mais aussi l’abolition de l’esclavage. Parmi leurs revendications au roi les habitants de Champagney demandèrent l’émancipation des esclaves des colonies françaises en ces termes : « Les habitants et communauté de Champagney ne peuvent penser aux maux dont souffrent les nègres dans les colonies sans avoir le coeur pénétré de la plus vive douleur, en se représentant leurs semblables, unis encore à eux par le double lien de la religion, être traités plus durement que ne le sont les bêtes de somme… ».

 

Mme Marie Thérèse Olivier, descendante d’un de ces paysans, nous a laissé un récit poignant à ce sujet. Les habitants illettrés de Champagney n’avaient jamais vu un homme noir de leur vie. Mais Priqueler les conduisit à l’église pour leur montrer Balthasar, le roi noir, l’un des trois rois mages de la célèbre peinture qui existe encore aujourd’hui dans cette église, qui recrée la nuit de l’Epiphanie et l’adoration du fils de Dieu.

 

Leur demande parvint jusqu’à Paris et même jusqu’aux Etats généraux, où elle fut présentée au roi, qui n’eut pas le temps de l’étudier. a marée révolutionnaire engloutit Louis XVI et son royaume.

 

Aujourd’hui Champagney est un petit village d’environ 3 000 habitants situé dans le département du Jura et la région de la Franche-Comté en France, à une cinquantaine de kilomètres de Besançon. Là-bas, en l’hommage de ces progressistes habitants et à fin de « maintenir l’esprit de justice, de dignité et de fraternité », fut inauguré en 1971 le musée connu comme la Maison de la négritude et des droits de l’Homme, dédié à ceux que l’histoire a baptisé Les Justes. Ce musée fait la fierté de ses habitants.

 

La Maison de la négritude évoque cette tragédie de l’histoire, et nous propose la reproduction des cales d’un navire négrier avec son chargement d’esclaves pour l’infâme traversée transatlantique avec escale, entre autres, à Bordeaux. Un hommage est rendu à l’un des promoteurs de cette institution, Leopold Sedar Senghor, le premier président du Sénégal, ainsi qu’à l’illustre poète martiniquais Aimé Césaire, qui fut nommé président d’honneur de l’Association des amis de Champagney et de la Maison de la Négritude.

 

Le maire Gérard Poivery et son adjointe Mme Portolleau nous expliquent que l’Association a pour but de « faire redécouvrir et de se familiariser avec les pages de l’histoire qui unissent trois continents : l’Afrique, l’Amérique et l’Europe, et, en conformité avec le présent, de dénoncer les formes d’esclavage moderne comme le travail des enfants, les travaux forcés et les violations des droits de l’Homme ».

 

Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

- V. Sshoelcher antiesclavagiste et biographe de : "La vie de Toussaint Louverture."

Victor Schoelcher, né à Paris, le 22 juillet 1804, est la personnalité historique la plus prestigieuse de Fessenheim, village de 9 000 habitants où son père, Marc Schoelcher, un artisan porcelainier, naquit et vécut et où lui-même a grandi. Schoelcher demeure une figure emblématique en France comme dans le monde pour son rôle déterminant dans le combat pour l’abolition de l’esclavage.

 

L’historien Emile Beringer, me raconte aimablement que Schoelcher faisait le commerce des porcelaines de son père, ce qui lui permit de visiter le Mexique, Cuba, la Louisiane, et la Floride lors de son premier voyage, puis la Réunion, Haïti, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Domingue, Porto Rico et la Jamaïque. Confronté à la situation des esclaves au cours de ces voyages, il renforça son engagement antiesclavagiste au Sénégal et en Gambie, lieux d’embarquement d’un grand nombre d’esclaves à destination du Nouveau Monde. Il en avait suffisamment vu pour s’épouvanter de la cruauté de l’esclavage dans les colonies de la France, de l’Espagne, du Portugal et de l’Angleterre.

 

Pendant 20 ans il se consacra à lutter contre ces horreurs, en écrivant, racontant, organisant des actions. Son ouvrage : Abolition de l’esclavage. Examen critique du préjugé contre la couleur des Africains et des sang-mêlés, (1840) est remarquable. Il entra définitivement dans l’Histoire comme rédacteur du décret qui, le 27 avril 1848, établit la définitive et totale abolition de l’esclavage dans toutes les colonies et possessions françaises, après l’abdication du roi Louis Philippe.

 

Elu plusieurs fois député de la Guadeloupe et de la Martinique, Schoelcher s’opposa au coup d’Etat de Napoléon III, à la fin de 1851, et se vit obligé de se réfugier en Angleterre, à l’instar de Victor Hugo. Républicain intransigeant, il regagna la France en 1870, environ 20 ans plus tard, et participa à la Commune de Paris, comme « conciliateur » selon les historiens. Réélu député de la Martinique, il poursuivit sa lutte contre l’esclavage, pour l’éducation primaire obligatoire, laïque et gratuite, le droit des femmes et des enfants, l’abolition de la peine de mort et d’autres causes progressistes. Il créa plusieurs journaux antillais et en 1899, publia la biographie de Toussaint Louverture sous le titre : La vie de Toussaint Louverture.

 

En hommage à Schoelcher, Fessenheim a été choisie comme 3e étape de la Route pour l’abolition de l’esclavage. En 1981, le président François Mitterrand créa le Mémorial Schoelcher à Fessenheim et en 1987, l’ancien président du Sénat, Gaston Monnerville, inaugura le Musée de la Hardt Maison Schoelcher, au numéro 57 de la rue des Seigneurs, consacré au célèbre abolitionniste et à son père. En 1949, les dépouilles de Marc et Victor Schoelcher furent transférées au Panthéon à Paris, où ils reposent aux côtés de celles de Napoléon, Jean Jaurès, Jean Moulin et d’autres figures illustres de l’histoire de France.

 

C’est auprès d’un tableau représentant Schoelcher, jeune, que le journaliste de Granma est reçu par Mme Fabienne Stich, maire de la ville, Mr Pierre Rente, conseiller municipal, ainsi que Mrs Denis Rusch, Beringer et Pichot  qui vont lui offrir des informations complètes. Le décret historique de 1848 considère l’esclavage comme une atteinte à la dignité humaine, une violation flagrante des principes républicains de Liberté, Egalité, Fraternité.

 

Son article 8, précurseur pour l’époque, établit qu’il est interdit à tout Français, y compris à l’étranger, de posséder, d’acheter ou de vendre des esclaves et de participer, directement ou indirectement, à toute traite ou exploitation de ce genre, sous peine de perdre la citoyenneté.

Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

- L’abbé H. Grégoire, ami de toutes les couleurs, prit la défense de la jeune république de Haïti et aida Toussaint Louverture

Fils d’un tailleur, l'abbé Henri Grégoire, naquit en 1750 à Veho, en Lorraine, près de la ville de Nancy, où il fut éduqué dans un collège jésuite.

 

Ordonné prêtre en 1775, il devint curé de Embermenil en 1782. L’Académie de la ville lui attribua un prix pour son Eloge de la poésie, et la ville de Metz, en 1888, pour son essai La Régénération physique et morale des juifs. Il fut élu député de Luneville en 1789.

 

L’abbé Grégoire est devenu l’un des acteurs de l’alliance entre le bas clergé et le Tiers Etat. Le 14 juillet, lors de la Prise de la Bastille il présida la session de l’Assemblée pendant 62 heures. Il fut aussi le rédacteur de l’acte d’abolition de la Royauté qui ouvrait la voie à la proclamation de l’abolition de la Monarchie. Il vota contre l’établissement de l’Empire de Napoléon en 1814, si bien que l’Empereur le fit exclure de la vie politique. Evêque de Blois, il se distingua par son combat pour la liberté de culte, la séparation de l’Eglise et de l’Etat et pour la messe en latin.

 

Député de l’Assemblée, il fut l’artisan de la suppression de la gabelle, l’impôt le plus détesté par le peuple, partisan de l’abolition du droit d’aînesse et de la réforme de l’instruction publique. Cependant sa tâche la plus importante fut la rédaction de l’article premier de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen : « Les hommes naissent libres et égaux en droits », principe qui servit de base pour l’abolition des privilèges de l’Eglise et de la Noblesse, la défense des juifs et dont le plus grande réussite fut l’abolition de l’esclavage en 1789.

 

Membre de la Société des amis des noirs, il prit la défense de la jeune république de Haïti et aida Toussaint Louverture avec lequel il entretenait une correspondance. En 1825, lorsque des représentants de Haïti se rendirent à Paris pour la reconnaissance de l’indépendance de leur pays, il leur fut interdit de rencontrer l’abbé Grégoire. Ces derniers, bravant l’interdiction, lui rendirent visite pour rendre hommage à « l’ami des hommes de toutes les couleurs ».

 

En effet, celui-ci avait obtenu la suppression des subventions gouvernementales pour la traite négrière et le 4 février 1794, l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Partisan de l’intégration des Noirs dans la république, il s’était opposé violemment à l’expédition de 1801 qui avait pour objectif de restaurer l’esclavage dans les Antilles françaises. L’abbé Grégoire mourut le 28 mai 1831. Plus de  20 000 ouvriers, juifs et Noirs majoritairement, défièrent la monarchie des Bourbons pour accompagner sa dépouille au cimetière de Montparnasse. En 1989, celle-ci fut transférée au Panthéon. En 1994, à l’occasion du bicentenaire de la première Abolition de l’esclavage, fut inaugurée la Maison de l’abbé Grégoire, à l’initiative du comité qui porte son nom dans la ville de Embermenil, en Lorraine, « un musée qui conserve vivante la mémoire, à travers des vitraux lumineux, de celui qui apparaît aujourd’hui comme un géant de la fraternité ».

 

La route de l’Abolition de l’esclavage est une nécessité pour le monde moderne afin que l’Europe et l’Amérique n’oublient pas la dette contractée envers toute l’Afrique et ses descendants.

Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

- La traite négrière à La Rochelle : un passé encore lourd à porter[2]

Alors que François Hollande a inauguré le Mémorial ACTe, le 10 mai, en Guadeloupe, que reste-t-il du passé négrier dans l'Hexagone ? Direction La Rochelle, port majeur du commerce triangulaire du 18e siècle. Entre avancées et discordes, la ville tente de regarder son passé en face..... car La Rochelle a aussi participé à la traite négrière.

Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

- La Rochelle : second port négrier de France au 18e siècle
Au 18e siècle, La Rochelle est le second port négrier de France (si l'on regarde l'ensemble de la période 17e-19e siècle, c'est Bordeaux qui se classe deuxième, ndlr). "Près de 427 navires négriers rochelais auraient pris le large, chargés d’environ 130 000 esclaves à destination des colonies de l’Amérique et principalement de Saint-Domingue, en raison de la qualité du sucre qui résistait mieux au transport maritime", raconte l’historien Jean-Michel Deveau, auteur de "La Traite Rochelaise". Pour en savoir plus, regardez ici l'exposition virtuelle sur la traite des noirs à La Rochelle
et lire aussi : Expéditions négrières françaises au XVIIIe selon le port de départ siècle de Jean Mettas[3]

  • Le point sur les Expéditions négrières françaises au XVIII siècle d’après le recensement de jean Mettas (les chiffres entre parenthèses indiquent le pourcentage des expéditions par port pour la période)[4]
Port1707-17441745-17591760-17791780-1793Total
Nantes508 (51.4%)229 (54.3%)352 (40.1%)338 (32.1%)1427 (42.7%)
La Rochelle160 (16.2%)56 (13.3%)90 (10.1%)118 (11%)424 (12.5%)
Le Havre45 (4.6%)25 (5.9%)138 (15.7%)191 (18.2%)399 (11.9%)
Bordeaux43 (4.3%)46 (10.9%)112 (12.8%)192 (18.3%)393 (11.8%)
Saint-Malo56 (5.7%)41 (9.7%)88 (10%)31 (2.9%)216 (6.5%)
Lorient124 (12.5%)6 (1.4%)8 (0.9%)18 (1.7%)156 (4.7%)
Honfleur7 (0.7%)2 (0.5%)44 (5%)72 (6.8%)125 (3.7%)
Marseille9 (09%)1 (02%)16 (1.8%)56 (5.3%)82 (2.4%)
Dunkerque9 (0.9%)6 (1.4%)21 (2.4%)8 (0.8%)44 (1.3%)
Rochefort2 (0.2%)-3 (0.4%)18 (1.7%)23 (0.7%)
Vannes7 (0.7%)5 (1.2%)1 (0.1%)-13 (0.4%)
Bayonne2 (0.2%)4 (0.9%)1.01%)2 (0.2%)9 (0.3%)
Île Bourbon7 (0.7%) 1 (0.1%) 8 (0.2%)
Brest4 (0.4%) 2 (0.2%)1 (0.1%)7 (0.2%)
Île de France--1 (0.1%)4 (0.4%)5 (0.1%)
Gorée3 (03%)---3 (0.1%)
Martinique2 (0.2%)-1 (0.1%)-3 (0.1%)
Dieppe1 (0.1%)---1
Morlaix-1 (02%)--1
Port-au-Prince---1 (1.01%)1
Saint-Brieuc---1 (1.01%)1
Sète---1 (1.01%)1
Total989 (98.9%)422 (99.3%)878 (98.4%)1052 (97.9%)3342 (98.5%)
Port non précisé11 (1.1%)3 (0.7%)14 (1.6%)23 (2.1%)52 (1.5%)
Total1000 (100%)425 (100%)892 (100%)1075 (100%)3394 (100%)

 

- 1982 : un musée entame le long travail de mémoire
Si les vestiges du passé négrier rochelais sont nombreux dans la ville, ils restent difficiles à repérer. Seul le Musée du Nouveau Monde, abrité par l’hôtel Fleuriau, ancienne résidence d’armateurs rochelais, rappelle cet obscur passé.

 

Un paradoxe quand on sait que La Rochelle s’est penchée très tôt sur son histoire négrière. "La ville a même été pionnière. Dès 1976, le maire Michel Crépeau a acheté l’hôtel Fleuriau pour y faire ce musée sur les relations entre La Rochelle et les Amériques, raconte Annick Notter, conservatrice du Musée du Nouveau Monde. En 1982, il était ouvert au public."

 

 

- Hôtels particuliers, raffineries, chantiers navals, mais pas d'indication
Hormis le musée du Nouveau monde, si vous vous baladez dans les rues de la ville, vous passerez sans le savoir devant des hôtels particuliers et longerez même d’anciennes raffineries de sucre. Avec l’œil aiguisé, vous arriverez peut-être à repérer les ex-voto dans les églises et distinguer d’anciens chantiers navals sur le port. Mais ne cherchez pas de panneaux explicatifs.

 

Une situation que déplore Josy Roten, la présidente de l'association Mémoria. Cette professeur d’anglais, d’origine guadeloupéenne, milite pour que la mémoire de l'esclavage soit plus présente dans la ville. "Il s’agit de faire apparaître les traces vivantes du passé et de revenir sur cette période de manière scientifique, explique Josy Roten. Il est prestigieux pour La Rochelle de travailler sur ce passé sans se voiler la face. Refouler l’histoire amène toujours névrose et mal être."

 

« La traite négrière rochelaise entre dans la logique du système capitaliste dont elle épouse toutes les composantes. … Depuis la fin du XVIème siècle, (les hommes) accumulaient un solide capital dans le commerce transatlantique… ». « Ce capitalisme hiérarchisait les gens de mer sur un schéma qui préludait au capitalisme industriel. Au sommet règnent les privilégiés, les capitaines à qui l’on confiait la totalité de l’investissement, eux-mêmes intéressés aux profits. ».

Il remarque encore : « Mais il ne faut pas oublier que ce commerce est celui de la vente ou d’achat d’hommes. Là est toute la contradiction vécue par les négriers.» et il pose avec force la question : «  Comment le siècle des Lumières a-t-il pu vivre de l’esclavage ? ».

 

- L’argent de la traite

Les fortunes amassées ont enrichi considérablement les bourgeois armateurs et négociants et assuré l’essor des ports négriers. N’est-ce pas d’ailleurs ce que constate Olivier Pétré-Grenouilleau en conclusion de  sa thèse de 1996, « l’argent de la traite, milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle » ?

 

Il écrit : «Par la traite, le sucre et l’armement en général, des fortunes se sont édifiées, des positions se sont confortées. (…) Que le négoce se soit enrichi par la traite ne fait aucun doute. Que la cité ait connu grâce à cette activité un essor remarquable est une évidence. (…) Par le biais des négriers, les effets clairement identifiables de la traite se font même sentir jusque dans la seconde moitié du XIXème siècle. ». L'auteur démontre cependant aussi que les fortunes du XVIIIème siècle n'ont pas souvent été réinvesties dans l'industrie alors  émergente, leurs détenteurs ayant préféré les belles terres et les vastes demeures.

 

De nombreux historiens s'accordent sur des bénéfices moyens de l'ordre de 6 à 7 % par an, c'est-à-dire guère plus que des placements tranquilles de père de famille à 5 % chez les notaires. Ce taux moyen ne rend évidemment pas compte d'un éventail très large allant d'un échec retentissant à une réussite exemplaire, de 50 % de perte à 50 % de gain.

 

Pour un grand nombre d'armateurs candidats à la traite, la notion de risque faisait partie du voyage : une expédition à la côte d'Afrique s'apparentait à un coup de dé dont on attendait le meilleur comme le pire. On tentait sa chance et souvent on ne recommençait plus : ainsi à Bordeaux, 56 % des maisons d'armement ont expédié une seule fois à la traite. Quelques familles cependant se sont illustrées dans la traite négrière en additionnant des dizaines d'expéditions et des millions de livres de profits, comme Michel et Grou à Nantes, Begouèn-Demeaux au Havre, ou encore la dynastie des Nairac dont Pierre-Paul et Élisée à Bordeaux et Jean Baptiste à La Rochelle furent les plus actifs (voir ICI).

 

Ces acteurs principaux n'étaient pas les seuls à tirer des avantages pécuniaires de la traite, une multitude d'acteurs secondaires, de corporations, en bénéficiaient indirectement. Lors des discussions portant sur l'avenir de la traite, les tenants du système insistaient sur le fait que « des millions de personnes en France vivaient du commerce négrier et souffriraient grandement de sa disparition » : en premier lieu les marins, en second lieu, les ouvriers des chantiers navals, des industries métallurgiques et textiles, des raffineries, les artisans, les boutiquiers, les couturières, les aubergistes, les viticulteurs, leurs femmes et leurs enfants. Cela faisait du monde. Il n'est pas question pour cette population, qui dans sa majorité, n'avait pas conscience de collaborer à l'activité négrière, de parler d'une quelconque fortune liée à la traite. Gens de peu, leurs revenus ou leurs salaires étaient le plus souvent misérables et n'avaient rien à voir avec les sommes brassées par les gros armateurs.

 

Enfin la fortune négrière n'est pas qu'individuelle, elle est aussi collective. L'accumulation des capitaux issus de la traite et de l'exploitation des esclaves dans les colonies a favorisé la croissance économique de l'Angleterre ou de la France. Nul doute que l’enrichissement des Européens doit beaucoup à l’asservissement des Africains.

 

 

- Toussaint Louverture : la statue de la discorde
Le 20 mai dernier, une statue Toussaint Louverture a été inaugurée à La Rochelle, mais depuis des semaines, une polémique agite la ville. Faut-il installer cette oeuvre sur le port ou dans la cour du Musée du Nouveau Monde ? Pour l’association Mémoria, à l’origine du projet, il est "aberrant de l’enfermer dans la cour du musée". "Encore une fois, La Rochelle n’assume pas l’histoire de la traite", remarque la présidente Josy Roten qui a lancé une pétition sur internet pour que la statue soit installée dans un lieu accessible.

Pour Annick Notter, conservatrice du musée, "il est symboliquement fort de l'implanter dans la cour de l'hôtel Fleuriau et plus facile d’y faire le travail d’information dans ce lieu déjà chargé d'histoire." Même discours du côté de la mairie qui estime que "les sculptures mémorielles faisant souvent l'objet de vandalisme, il est préférable qu'elle soit protégée dans l'hôtel Fleuriau." Depuis la réalisation de notre reportage, la statue a été installée dans la cour du musée.

 

- Des conceptions différentes du travail de mémoire
En 2012, la mairie avait conçu un parcours sillonnant les vestiges de la traite dans la ville. Il est encore organisé de manière ponctuelle par l’office de tourisme. La plaquette qui servait de guide aux visiteurs n’est, elle, plus disponible et doit être à nouveau imprimée et actualisée.

"La Rochelle a un passé très riche, le problème est de valoriser toutes les histoires de la ville, se défend la mairie. Impossible de mettre des plaques explicatives sur chaque bâtiment, pourtant chacun voudrait son parcours sur l’histoire du protestantisme, de la traite, du Moyen-Âge"… "Nous ne sommes pas Nantes et Bordeaux, les moyens ne sont pas les mêmes", fait remarquer Géraldine Gillardeau chargée du patrimoine au service des affaires culturelles de la mairie de La Rochelle.

 

 

- Quel avenir pour la mémoire rochelaise ?
A La Rochelle, les démarches favorisant le travail de mémoire sont multiples et croisées. Si les générations futures semblent une cible prioritaire pour tous, les manières de la sensibiliser divergent. Faut-il s’en tenir aux livres d’histoire et au musée, ou faut-il voir plus loin ? S’impliquer davantage en Haïti ou installer sur le port la statue d’une figure historique du mouvement d'émancipation des Noirs en hommage à la communauté haïtienne ? Autant d’initiatives complémentaires plus que concurrentielles. Pourtant, certaines froissent encore.

 

A La Rochelle ou nombre de rues portent encore le nom des armateurs négriers (Admyrault, Seignette.....) le lourd passé négrier est encore difficile à assumer.... Il y a aussi à La Rochelle des noms anodins comme ceux par exemple des rues de l’Aimable Nanette ou du Cerf-volant qui sont un hommage à des navires ayant participé à la traite négrière.

 

Motif invoqué de la non installation de la statue dans un lieu public : le risque de dégradation !

Il y a des cas ou la puissance publique aime les incivilités.... quand ça lui rend service ! C'est le cas ici !

 

 

 

 

 

 

 

- Installer la statue de Toussaint Louverture dans un espace facilement accessible, moins clivant qu'un enfermement dans la cour d'un hôtel particulier d'armateur du 18e.

ICI pétition pour une mise en lumière sans équivoque d'un symbole de l'abolition de l'esclavage.

 

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- Lorànt Deutsch gomme deux siècles d’esclavage et de racisme anti-noir
Dans sa nouvelle « berzingue » consacrée à La Rochelle[6], l’acteur et écrivain fait réviser, en 5 interminables minutes, une histoire de la ville qui gomme deux siècles d’un crime contre l’humanité. Une omission coupable car forcément volontaire.

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- C’est fait !

Sur proposition du député européen de La France insoumise, Younous Omarj[7], le parlement européen proclame ce soir 19 juin 2020 et solennellement que « l’esclavage est un crime contre l’humanité. » et appelle a une journée européenne de commémoration de l’abolition (Le Rassemblement National [ex FN] vote contre).

 

Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir
Au cœur de la polémique rochelaise : Toussaint Louverture, le jacobin noir

Note : sources

[1] - Blog de Marc Harpon

[2] - La traite négrière à La Rochelle : un passé encore lourd à porter

[3] Rochefort et la traite négrière au XVIII siècle - Ecrits d'ouest - Cahiers d'Histoire régionale, d'art et de littérature 2016 n°24 page 157

[4] Ecrits d'ouest - Cahiers d'Histoire régionale, d'art et de littérature 2016 n°24 page 160

[5] La Rochelle : un monument à la gloire du colonialisme en plein cœur de la ville  et Le monument aux pionniers de la Côte-d’Ivoire à La Rochelle

[6] Lorànt Deutsch gomme deux siècles d’esclavage et de racisme anti-noir

[7] Député européen de La France insoumise, Younous Omarjee propose que le Parlement de Strasbourg reconnaisse solennellement que la traite négrière et l’esclavage sont des crimes contre l’humanité.

 

Pour en savoir plus :

- La traite des esclaves, l'esclavage, l'accumulation du capital et le devoir de mémoire

- La traite rochelaise (résumé de l'ouvrage essentiel pour l'étude de la traite rochelaise)

- Le commerce rochelais face à la Révolution. Correspondance de Jean-Baptiste Nairac (1789-1790) 

- La Rochelle, l'Aunis et la Saintonge face à l'esclavage

- La traite négrière rochelaise au XVIIIe siècle Les Expositions Virtuelles de Fort Boyard

- Journaux de bord et de traite de Joseph Crassous de Médeuil : de La Rochelle

- Mystéres autour de la dépouille de Toussaint Louverture

- La traite des Noirs en 30 questions

- La traite négrière et l’esclavage XVIIIème - XIXème

- Memoires et partages

- A La Rochelle : Malaise dans la culture.....

- Haïti : de la traite à la dette

- le député France Insoumise Jean-Hugues Ratenon a présenté une proposition de loi relative à la création d’un jour férié national pour commémorer l'abolition de l'esclavage par la République française.

- Toussaint- Louverture, de l’esclavage à l’immortalité (5 articles)

- La vague antiraciste fait peur. Mais lorsqu’elle s’en prend à des symboles du pouvoir glorifiés dans l’espace public, la peur se mue en intolérance. Si Emmanuel Macron refuse tout dialogue, la société, elle, s’est emparée de ce débat. Tour d’horizon des arguments.

- La Rochelle : un héritage bien encombrant

- Toussaint Louverture, père de l'émancipation des esclaves

- Vu des États-Unis.Toussaint Louverture et la révolution haïtienne, grands absents des manuels scolaires français

- Quand La Rochelle était le deuxième port négrier de France au XVIIIe siècle

 

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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 08:12
" Jeunes étudiantes portant des minijupes marchant dans la rue " à Kaboul en 1972

 

- Afghanistan, 20 ans de guerre en travers de la gorge[2] !

- La « perte » de l’Afghanistan par les États-Unis est un repositionnement et la nouvelle mission n’est pas une « guerre contre le terrorisme », mais contre la Russie et la Chine[3] .

 

  • Du 27 avril 1978 au 27 avril 1992, des forces de gauche sont au pouvoir en Afghanistan.
  • 27 décembre 1979 : l’armée soviétique entre dans Kaboul à la demande du gouvernement Najibullah confronté aux guerrillas féodalo-islamistes épaulées par les USA et plusieurs pays arabes.
  • Le retrait des soviétiques puis la défaite de la gauche afghane trois ans plus tard amènent l’exode de centaines de milliers de familles progressistes et laissent place à la propagation d’un islamisme de masse.
  • Les Etats Unis comme tous les pays occidentaux, comme la Chine, comme les prétendus nouveaux philosophes auraient mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant de soutenir et fournir à foison des armes et de l’argent pour les mollahs et les madrasas.
  • Cet article a été rédigé en 2006. Depuis..............................

 

Sources : le Parti de Gauche Midi-Pyrénées le 28 mai 2006 par Jacques Serieys | mis à jour le 19/08/2021

- 1- Remarques sur l’histoire de l’Afghanistan jusqu’en 1978

Placé sur la grande route de la soie, au carrefour de l’Asie (entre Perse, Russie, Turco-mongols, Chine et Inde...), l’Afghanistan a connu une histoire riche depuis le néolithique. Les villes de Kaboul, Hérat, Kandahar, Balk, Bagram, Ghazni... ont resplendi à plusieurs époques au coeur de la Bactriane antique puis de la grande civilisation des Kouchans, dans l’Empire ghaznévide... Ensuite, le développement du capitalisme international par les routes maritimes laissa l’Afghanistan à l’écart des évolutions du monde ; les villes perdirent beaucoup de leur puissance économique, sociale et culturelle au profit d’un féodalisme rural dominé par de grands propriétaires terriens et des chefs de guerre, au profit aussi de mollahs autour desquels s’organisait la vie des villages.

 

Des historiens russes ont daté les prémisses d’un Etat afghan du 17ème siècle (principautés féodales de Akora et de Teri) et de 1713 lorsque plusieurs chefs féodaux locaux s’entendirent pour chasser le gouverneur de Kandahar nommé par le Shah d’Iran. Ceci dit, l’absence de relations économiques entre les territoires n’a pas poussé à la naissance d’un peuple ou d’une nation. Le pouvoir politique s’est donc disputé au gré des rapports de forces dans un chaos permanent. Les moments d’unification furent rares comme sous la domination du clan Sadozai de la tribu Durrani (ethnie pachtoun).

 

Reste de cette histoire une mosaïque d’ethnies (Pachtouns, Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras, Turkmènes, Kirghizes, Aïmaks, Baloutches, Nouristanis...), de tribus, de sous-tribus, de clans, de langues séparés par l’histoire (innombrables déplacements de population et innombrables conquérants), par la géographie (hautes montagnes, grands déserts), par des intérêts divergents, par des religions différentes, par l’attraction économique et culturelle de civilisations voisines.

 

- De 1839 à 1919, la Grande Bretagne essaya en vain d’imposer son protectorat sur ces populations guerrières et indépendantes. A plusieurs reprises, les armées britanniques connurent des défaites humiliantes (bataille de Gandamak en janvier 1842). C’est surtout de cette lutte contre l’envahisseur colonial que date un nationalisme féodalo-monarchique afghan d’autant plus que c’est lui qui traça les premières frontières.

 

- En 1919, une nouvelle guerre entre Britanniques et Afghans (dirigés par le prince Amanullah Khan) se termine par une défaite des British Armed Forces ; par souci de protection, Kaboul se tourne vers la jeune Union des Républiques Socialistes Soviétiques. L’Afghanistan est le premier Etat à reconnaître l’URSS et à signer avec elle des traités de coopération et de non-agression.

 

- De 1919 à 1929, l’Afghanistan connaît une décennie de développement à l’européenne : création de routes, de lycées, développement des villes, infrastructure étatique permettant de collecter l’impôt... L’émancipation de la femme afghane progresse rapidement (éducation, abolition du port du voile, interdiction de la polygamie, interdiction du mariage des jeunes filles avant l’âge de 9 ans, droit de vote). Qui porte cette politique ?

  • Sur le fond, des couches sociales citadines
  • Au sommet de l’Etat, des modernisateurs comparables au turc Kemal Atatürk, en plus démocratiques et plus progressistes.

 

- Survient alors en Afghanistan, ce qui était arrivé durant la révolution française

La majorité des paysans de sociétés rurales restées les plus féodales soutiennent leurs anciens oppresseurs (religieux et grands propriétaires) contre ceux qui croient pouvoir les libérer. La structure sociale et idéologique paraît alors plus forte que toute aspiration individuelle ou collective. L’intérêt trouvé par des abrutis locaux dans le maintien du patriarcat paraît plus important que la réforme agraire, l’éducation... Les religieux organisent une révolte qui oblige Aminullah à quitter le pays.

 

- Du 17 janvier 1929 au 13 octobre 1929, l’Afghanistan subit une première domination sanglante des fondamentalistes avec Habibullah Ghazi comme roi. Ce dernier est assassiné par Mohammad Nadir Shah qui convoque une Loya Jirgah (assemblée traditionnelle réunissant les chefs religieux, tribaux et militaires) pour être proclamé roi en septembre 1929 ; avec lui les fondements du pouvoir retournent aux chefs religieux et tribaux.

 

- Jusqu’en 1973, Mohammad Nadir Shah puis son fils Mohammed Zaher Chah siègent sur le trône royal afghan. Dans les années 1950 et 1960, la poussée tiers mondiste mondiale, les liens entre les Etats Unis et l’ennemi pakistanais expliquent les liens renoués avec l’URSS : construction de barrages, de centrales hydro-électriques, d’usines, scolarisation des femmes, droit de ne pas porter le voile... L’Afghanistan fait alors partie de la zone d’influence soviétique : les officiers comme beaucoup de hauts fonctionnaires sont formés en URSS ou au moins par ses coopérants. Les Etats-Unis veulent aussi prouver leur capacité à mener à bien des projets (barrage du Helmand, aéroport de Kaboul...). De 1963 à 1973, le pays connaît une période de monarchie constitutionnelle avec une constitution, des partis politiques déclarés et reconnus (à droite des parti islamistes, à gauche le PDPA).

 

- De 1969 à 1973, plusieurs années de sécheresse, de mauvaises récoltes et de famine affaiblissent la monarchie.

 

- En 1973, le général Daoud renverse son cousin et beau-frère, le roi Mohammed Zaher Khan, instaure la république et en devient le premier président. Ce dictateur populiste dispose d’une faible assise sociale. Il essaie de s’appuyer à la fois sur la haute aristocratie féodale et sur des couches sociales urbaines en cooptant son réseau politique. Des chefs islamistes commencent à rejoindre le Pakistan pour constituer des groupes de résistance comme le tadjik Ahmed Chah Massoud et le pachtoune Gulbudin Hekmatyar. Des guerillas islamistes commencent à se former. Rapidement, le pouvoir subit ce poids politique conservateur et adopte une attitude répressive vis à vis de la gauche formée par le PDPA (Babrak Karmal).

 

 

- 2- 27/04/1978 : la gauche afghane au pouvoir

La répression violente exercée par le pouvoir contre les progressistes met de plus en plus la gauche en situation d’impasse. Le 17 avril 1978, un dirigeant du PDPA, connu et apprécié, est assassiné en pleine rue. La grande manifestation de protestation organisée par ce parti deux jours plus tard est réprimée de telle manière (vaste rafle) que toute la gauche se sent en danger de mort.

 

Pour éviter le processus génocidaire de la gauche qu’a connu l'Indonésie en 1965, des officiers progressistes réalisent un coup d’état qui bénéficie alors d’un large soutien populaire tellement Daoud s’était fait d’opposants et ennemis.

 

Ainsi, le 27 avril 1978, arrive au pouvoir le PDPA (People’s Democratic Party of Afghanistan).

Qu’est-ce que le PDPA ? Un parti né en 1965 dans le sillage de la montée tiers-mondiste, émancipatrice et révolutionnaire des années 1960.

 

Les militants de gauche qui le créent veulent :

  • s’attaquer aux structures féodales rurales, au pouvoir des grands propriétaires terriens, à l’intégrisme religieux, à la grande bourgeoisie prédatrice ;
  • promouvoir l’alphabétisation des garçons et des filles, développer la semaine de 40 heures, instaurer une sécurité sociale...
  • construire un Etat de droit républicain en lieu et place de la corruption régnante ; faire perdre ainsi à la multitude de mollahs leur rôle traditionnel de prédicateurs porteurs de la parole d’Allah, de chefs politiques, de juges, de maîtres d’école ;
  • utiliser cet Etat planificateur pour développer un réseau de coopératives agricoles, des organismes publics de crédit pour aider les artisans...
  • s’appuyer socialement sur les travailleurs, les petits paysans, les intellectuels, les couches urbaines.

 

La majorité des cadres du PDPA proviennent des milieux enseignants, journalistes, bourgeoisie urbaine cultivée, quelques officiers formés en URSS.

 

Dès l’été 1978, des zones rurales s’insurgent et sont rejointes par plusieurs garnisons. Le Sud-Est, région de forte implantation islamiste est en sécession.

 

 

- 3 - La décision des USA de renverser la gauche afghane date du début juillet 1979

Dès le début juillet 1979, les Etats Unis décident d’intervenir en Afghanistan par le biais :

  • d’une part d’une assistance financière et militaire aux moudjahiddin (« guerriers saints ») ;
  • d’autre part d’un soutien direct de la part du Pakistan voisin (préparation d’un gouvernement fantôme à Peshawar, formation militaire, logistique...).

 

Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller pour la sécurité de Jimmy Carter, a affirmé en janvier 1998 que c’est « le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul[1] ».

 

Pire, la CIA comme l’administration du Pentagone mise sur le fait qu’en intervenant massivement, l’URSS va se trouver obligée de faire de même et de s’engluer dans le "piège afghan".

 

La décision américaine se traduit rapidement par une extension des guérillas. Elle représente un tel encouragement politique et militaire que la garnison de Kaboul elle-même se soulève et passe à l’opposition.

 

En octobre, la moitié des 85000 soldats de l’armée ont quitté leur affectation, rejoignant généralement l’insurrection contre le PDPA.

 

Les dirigeants du PDPA sont à présent dépassés par les enjeux stratégiques mondiaux qui se jouent dans leur pays. D’ailleurs, leur division s’exacerbe au plus mauvais moment entre d’une part le Khalq (Peuple) majoritaire, radical et assez peu politisé), d’autre part le Parcham (Etendard).

 

 

- 4 - 27/12/1979 : l’armée soviétique entre dans Kaboul

Le PDPA dirigé par le Khalq :

  • promeut des mesures progressistes dont il escompte le soutien du milieu paysan pauvre et modeste (alphabétisation, annulation des emprunts immobiliers ruraux, réduction de la dot, interdiction du mariage des enfants, interdiction des prêts financiers au bazar, redistribution de terres...);
  • se bat face à ses ennemis, les emprisonne, les abat parfois.

 

Dans le contexte montagnard afghan d’isolement géographique et culturel de nombreuses zones, les mollahs (religieux), les grands propriétaires et les maliks (chefs de villages) montent contre le gouvernement des populations rurales pourtant rationnellement intéressées par ces réformes.

 

Quatre autres éléments pèsent alors contre la réussite du PDPA :

  • l’action prosélyte de pays musulmans contre les "communistes" de Kaboul. L’Arabie saoudite apporte un financement considérable aux sept organisations de moudjahidines dès juillet 1979 au plus tard ;
  • le contexte international de réaction avec les USA en gendarmes du monde. Le 3 juillet 1979, Washington décide de fournir une aide financière et militaire considérable aux moudjahidines ;
  • le rôle de la dictature pakistanaise dont les services secrets servent de relai entre Washington, Ryad, les "zones tribales" et les guérillas afghanes ;
  • la poussée islamiste iranienne aux portes des régions rurales les plus conservatrices d’Afghanistan (Sud-Est).

 

Confronté à ce soutien international des forces impérialistes et abruties, le gouvernement afghan demande officiellement à treize reprises à l’URSS une intervention militaire pour le soutenir. Moscou analyse la situation et répond non avec pour argument essentiel que cela renforcerait les religieux et le soutien qu’ils reçoivent des pays capitalistes.

 

Pourtant, le gouvernement soviétique accroît son intervention en Afghanistan après deux évènements importants :

  • le soulèvement de la garnison d’Herat (aux portes de l’URSS) contre le PDPA ;
  • l’assassinat en septembre 1979 du président afghan (PDPA) Noor Mohammed Taraki.

 

Environ 55000 soldats soviétiques participent à l’intervention en cette fin d’année 1979. Ils appuient l’arrivée au pouvoir de Babrak Karmal, dirigeant modéré du PDPA, proche d’eux. Ils poussent à une attitude conciliante vis à vis de la religion et des religieux. 2000 prisonniers politiques sont libérés ; les discours et communiqués officiels commencent par Bismillah (au nom d’Allah).

 

 

- 1979, c’est l’année de la révolution khomeiniste en Iran.

Il aurait été logique que les Etats Unis restent prudents vis à vis de guérillas religieuses pour éviter une propagation islamiste ; or, ils vont peser de tout leur poids pour soutenir et armer ces groupes profondément réactionnaires. C’est dans ces conditions qu’ils utiliseront Oussama Ben Laden pour faire parvenir des armes et de l’argent ici et là. Chaque année, de 1981 à 1989, Washington va y engloutir environ 500 millions de dollars auxquels s’ajoutent les aides financières et en armement du Pakistan, de l’Arabie saoudite, de l’Iran, de la Chine, de l’Egypte...

 

Dans le même temps, des volontaires affluent de divers pays du monde arabo-musulman pour aider les moudjahidines (Algériens, Philippins, Saoudiens, Égyptiens...).

 

Les effectifs soviétiques augmentent rapidement : 85 000 hommes en mars 1980, 118 000 en 1982.

Sur 10 ans, plus de 900 000 jeunes Soviétiques servent en Afghanistan, 14 000 d’entre eux sont tués et 75 000 blessés, victimes d’armes fournies par l’Occident.

 

Cependant, les moudjahidines contrôlent une partie de plus en plus importante de l’Afghanistan rural.

 

En 1988, Gorbatchev décide le retrait des troupes russes, retrait complètement terminé en février 1989.

 

Ne sous-estimons pas dans cet échec du PDPA et de l’URSS, le rôle considérable des médias occidentaux (dont les grands médias français), présentant les moudjahidines en référence aux "Résistants" de 1940 1945. Grotesque bêtise !

 

 

- 5 - L’Afghanistan depuis le retrait soviétique

Notons seulement trois faits :

  • l’Afghanistan progressiste du président de la république Najibullah tient seul au pouvoir durant plusieurs années jusqu’au 27 avril 1992 face à des guérillas soutenues par les Etats Unis, le Pakistan, l’Arabie... l’Oumma... En mars 1989, tous les réactionnaires et ignorantistes au service des USA croient pouvoir écraser l’armée afghane à présent privée de tout soutien soviétique. A partir du Pakistan proche, des forces considérables avancent vers Jalalabad et en entreprennent le siège. Surprise : des forces de l’armée régulière de Najibullah brisent ce siège et font éclater l’unité des islamistes ;
  • dès le printemps 1990, un tartuffe pro-occidental nommé Boris Eltsine arrive au pouvoir à Moscou. L’isolement international de Kaboul s’accroît de façon inexorable rappelant la fin de la république espagnole avec une retirada aussi massive et aussi dramatique ;
  • La politique menée par le PDPA est indiscutablement meilleure pour le pays que tout ce qu’a connu l’Afghanistan depuis, à savoir la longue guerre civile entre factions de 1992 à 1996, puis la dictature des talibans, puis l’intervention militaire américaine. Notons un point : en 14 ans de présence du PDPA au gouvernement à Kaboul (intervention soviétique comprise), les spécialistes s’accordent sur environ 8000 Afghans moudjahidines exécutés. Une fois ce parti vaincu, les seuls combats entre factions islamistes dans la capitale ont fait plus de cent mille morts en un an.

 

Oui, il exista un Afghanistan de gauche qui présentait de nombreux défauts mais qu’il aurait fallu soutenir plutôt que de céder aux sirènes médiatiques au service des ignares obtus dirigeant la CIA.

 

Je ne peux terminer sans rappeler comment est mort le dernier président réel de l’Afghanistan auquel un jour l’histoire rendra hommage : lors de la prise de Kaboul en avril 1992, il essaie de quitter son pays mais en est empêché par le clan de Dostom devenu un allié des USA après le départ des soviétiques suite à des arguments sonnants et trébuchants. En 1996, les talibans prennent Kaboul, s’emparent de l’ancien président réfugié dans un bâtiment des Nations Unies :

 

Quoiqu’en pensent Le Figaro, L’Express, le Nouvel observateur, Le Monde et La Dépêche du Midi, l’humanité pensante n’était pas du côté des guerriers saints soutenus par les faucons de Washington. Avec le PDPA, les réverbères recevaient de l’électricité pour éclairer les rues et non pour pendre sans aucun procès un ancien président de la république.

 

- 6 - 1997-2001 : les Talibans

- 7 - Intervention de l’OTAN

- 8 - 31/12/2014 : Les forces de l'Otan mettent fin à leur intervention déclenchée en 2001 pour chasser les Talibans d'Afghanistan

- 9 - 15/08/2021 : les talibans font chuter le gouvernement afghan et prennent le pouvoir

Jean-Luc Mélenchon : " La victoire des talibans en Afghanistan déclenche légitimement un flots de commentaires et l’angoisse y domine, à juste titre. Engagé dès la première heure contre cette intervention militaire des USA (soi-disant en réplique aux attentats du 11 septembre 2001), je suis d’autant plus révolté contre le résultat final de ces vingt ans de guerre. J’ai déjà dit que j’avais chaleureusement applaudi la défaite des USA au Vietnam. Leur défaite (cette fois-ci encore), par contre, ne me procure qu’affliction et colère contre eux et je ne veux pas m’en cacher. Elle me soulève de dégoût pour ceux qui ont conduit les évènements jusqu’à ce point. Car tout était hautement prévisible depuis le premier jour. [2]"
 
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- Afghanistan : Jean-Luc Mélenchon " pour comprendre la guerre, suivez les pipelines ! "

Intervention de Jean-Luc Mélenchon le 18 septembre 2019 à l’Assemblée nationale à propos d’un traité de coopération entre l’Union européenne et l’Afghanistan.
Le président du groupe «La France insoumise» a commencé son exposé par parler de la première cause de la guerre : le pétrole et les pipelines. Il a dénoncé le rôle néfaste des États-Unis qui, après avoir entretenu Al Qaïda, sont intervenus militairement officiellement pour détruire cette organisation terroriste.

 

Jean-Luc Mélenchon a dénoncé les hypocrisies contenues dans le texte de l’accord de coopération UE-Afghanistan, pointant notamment du doigt la question des droits des femmes ou encore de la liberté de conscience. Il a dénoncé un énième accord de libre-échange prônant par exemple la libre circulation des capitaux dans les échanges avec un pays qui est le premier producteur de drogue.

 

 

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13 mai 2015 3 13 /05 /mai /2015 08:10
L'imaginaire de la Commune par Kristin Ross

Kristin Ross
Kristin Ross est professeur de littérature comparée à la New York University. Ses livres publiés en français : Mai 68 et ses vies ultérieures (Complexe, 2005) et Rouler plus vite, laver plus blanc (Flammarion, 2006). A paraître prochainement : Rimbaud et la Commune (Textuel)

 

 

- En quelques mots

William Morris, Élisée Reclus, Pierre Kropotkine : ce ne sont pas les premiers noms qui viennent à l’esprit s’agissant de la Commune de Paris. S’ils tiennent dans ce livre un rôle important, c’est que pour Kristin Ross, la Commune déborde l’espace-temps qui lui est habituellement attribué, les 72 jours écoulés et les fortifications sur lesquelles elle a combattu. L’Imaginaire signifie que cet événement révolutionnaire n’est pas seulement international mais qu’il s’étend bien au-delà du domaine de la politique, vers l’art, la littérature, l’éducation, la relation au travail. Ce n’est pas un hasard si les trois personnages principaux du livre sont un poète-artiste, un géographe et un scientifique-anarchiste russe : la Commune n’est pas un simple épisode de la grande fable républicaine, c’est un monde nouveau qui s’invente pendant ces brèves semaines, un monde qui n’a pas fini de hanter les uns et d’inspirer les autres.

 

- Par : Kristin Ross

Éditions : La Fabrique éditions

Date de parution : 23 janvier 2015
192 pages
 
Le livre est disponible  ICI

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8 mai 2015 5 08 /05 /mai /2015 09:45

C'était un mardi pas comme les autres. Alors que certains célébraient leur liberté, d'autres n'y avaient pas le droit.

Le massacre du 8 mai 1945 marquera la radicalisation du mouvement nationaliste.

 

- Khateb Yacine parle du 8 mai 1945, "du côté de Sétif", en Algérie !!!