Visite de Macron à l’usine de poudre pour munitions Eurenco, à Bergerac (Dordogne), le 11 avril 2024
Le président du MEDEF Patrick Martin prend l’exemple du Danemark : « Le Danemark a décidé de reporter à 70 ans l’âge de départ à la retraite pour que l’économie finance l’effort de guerre[0] »
La CPME propose de passer à la semaine de 36 heures pour financer l’effort de défense[0bis]
Pour financer le projet de réarmement européen, le pouvoir[1][1bis] et le camp néolibéral[0] convoquent l’économie de guerre. Mais derrière cette appellation, ils pensent à tout autre chose qu’à une mobilisation des moyens économiques pour la sécurité du pays : imposer par la ruse leur agenda d’austérité sociale.
Sources :Martine Orange| mis à jour le 14/03/2025
L’expression est désormais dans tous les discours. Elle sature même l’espace public. Du matin au soir, responsables politiques, économistes, observateurs géopolitiques convoquent « l’économie de guerre » pour souligner la gravité du moment.
L’appellation est si claire qu’elle ne paraît appeler ni précision ni contestation. L’humiliation publique du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, par Donald Trump et son vice-président, J. D. Vance[2], les doutes qui planent sur la solidité de l’alliance transatlantique alimentent un climat de peur et d’angoisse partout en Europe. Chaque État membre a compris l’urgence de se réarmer et d’affirmer la sécurité et l’indépendance du continent. Pourtant, dans aucun pays, en dehors de la France, on ne parle d’économie de guerre. Les autres États préfèrent évoquer des plans de réarmement, de renforcement de leurs capacités militaires, de sécurité.
🔴 Avec raison, selon un connaisseur du monde de la défense, irrité par le détournement des concepts, la « grandiloquence inutile » des débats en France : « Mais de quoi parle-t-on ? Nous ne sommes pas en guerre. Il ne s’agit pas de consacrer l’essentiel de nos ressources à la guerre comme en 1914 mais d’augmenter les dépenses militaires pour les porter à 3-3,5 % du PIB. Pendant toute la guerre froide jusqu’en 1994, la France a consacré 5 % de son PIB à sa défense. On ne parlait pas alors d’économie de guerre. »
Une économie sous le contrôle de l’État De nombreux travaux ont été menés par des historiens et des économistes sur les économies de guerre, un sujet malheureusement très fréquent dans l’histoire. Même s’il y a eu de nombreuses évolutions dans le temps, tous relèvent des caractéristiques précises dans les économies de guerre modernes.
🔴 Cela peut paraître une évidence, mais il faut quand même l’énoncer : une économie de guerre s’applique à un pays en guerre, comme en Ukraine actuellement. Le conflit entraîne des pénuries, des ruptures dans les approvisionnements (énergie, produits alimentaires, matières premières) qui amènent le pouvoir à mobiliser toutes ses ressources pour assurer sa défense et sa sécurité.
L’économie de guerre, c’est la subordination de l’appareil productif et des importations à l’effort militaire. Éric Dor, professeur d’économie à l’Ieseg School rappelle :
« La première grande mobilisation moderne, c’est la levée en masse au moment de la Révolution. Mais l’économie de guerre au sens actuel intervient avec l’industrialisation qui amène des guerres totales », explique Cédric Mas, historien militaire[3].
La guerre de 1914 est l’exemple le plus souvent cité : l’ensemble des moyens humains, économiques et financiers ont été alors mobilisés pour assurer la défense du pays. Alors qu’il n’existait pas d’impôt sur le revenu en France, l’épargne française fut requise pour payer l’effort de guerre, sous la direction de l’État.
Car à circonstances exceptionnelles, moyens et mesures exceptionnels. «La défense ne peut plus être faite en laissant le libre jeu au marché, à la concurrence», rappelle Cédric Mas. Les besoins militaires, les ruptures et les pénuries dans les approvisionnements amènent le pouvoir à prendre des mesures coercitives pour répondre aux demandes des armées et assurer la défense du pays et sa survie.
« Dans une économie en guerre, la production et la consommation se retrouvent organisées par l’État », résume Éric Monnet, directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’École d’économie de Paris[4].
« L’économie de guerre, c’est la subordination de l’appareil productif et des importations à l’effort militaire », complète Éric Dor, professeur d’économie à l’Ieseg School.En un mot, tout est décidé et orienté par l’État. L’économie devient totalement administrée, sous la conduite d’entités centralisées.
🔴 Cette prise en main par l’État des moyens économiques se traduit souvent par des dispositions complémentaires drastiques comme la fin de la liberté de circulation des capitaux, le rationnement de certains produits, un contrôle des prix, voire une fixation autoritaire des prix.Ces mesures sont souvent accompagnées de taxations exceptionnelles contre les « profiteurs de guerre ».
🔴 La seule énumération de ces mesures ne laisse aucun doute sur le sujet : ce n’est pas à ce cadre réglementaire que se réfèrent les responsables politiques et certains économistes lorsqu’ils convoquent actuellement l’économie de guerre dans leurs propos.La plus petite disposition qui marquerait les prémices d’un retour à une économie administrée leur ferait pousser des cris d’orfraie.
Dans les pas du rapport Draghi Le plan de réarmement européen n’imagine d’ailleurs pas cela.
Il s’inscrit, sans le dire explicitement, dans la continuité du rapport Draghi[5]. Présenté à l’automne, celui-ci pointait la nécessité d’une reprise en main rapide des États membres, d’une relance des investissements productifs et dans la recherche, sous peine de disqualification européenne face à la Chine et aux États-Unis. Nombre de responsables européens avaient applaudi, déclarant que le rapport Draghi devait devenir la « feuille de route » de l’Union européenne (UE). Avant d’ajouter : « Mais il y a le veto allemand. »
Friedrich Merz président fédéral de la CDU, futur chancelier
🔴 Le revirement stratégique du futur chancelier allemand, Friedrich Merz, appelant son pays et l’Union à devenir indépendants des États-Unis et à assumer la défense du continent[6] a provoqué un électrochoc. Brusquement, nombre de verrous qui pesaient sur la zone euro ont sauté :
Les dépenses d’investissement militaires, comme le demandait la France depuis deux décennies, pourraient ne plus être comptabilisées dans les règles du traité de Maastricht.
L’utilisation de fonds européens pourrait être rendue possible.
🔴 Surtout, l’Allemagne se dit prête à abandonner sa politique économique restrictive et à lancer un vaste plan de relance d’investissements dans la défense et les infrastructures stratégiques. Un changement attendu depuis quinze ans, mais qui reste conditionné à l’adoption d’une réforme constitutionnelle brisant les règles d’airain sur le déficit budgétaire.
🔴 Saisissant ce moment unique, la Commission européenne pousse les feux. Même si les chiffres annoncés sont loin des efforts préconisés par le rapport Draghi, ils s’inscrivent dans cet esprit. Ils entérinent un effort massif d’investissement pour la défense et les infrastructures stratégiques.Le rapport prévoit aussi un recours massif à l’épargne privée européenne, censée poser les fondements d’une union de l’épargne et des capitaux.Un succédané de l’Union bancaire que Mario Draghi et les responsables européens appellent de leur vœu.
Les leçons du plan Biden « Tel qu’il est présenté à ce stade, il pourrait s’apparenter à un vaste plan de relance industriel européen à partir de la défense », analyse Éric Monnet. Alors que les économies européennes sont en stagnation depuis une décennie, que le continent est menacé de déclassement industriel, l’idée de saisir l’urgence du moment et d’utiliser les dépenses militaires considérées comme un puissant levier de recherche, d’innovation et de soutien industriel, pour assurer à la fois la sécurité du continent et remettre l’économie européenne sur les rails, fait sens.
🔴 Est-ce un des objectifs poursuivis par l’UE ?
Beaucoup de flou, d’incertitudes, d’ambiguïtés demeurent. Au point que certains redoutent que, passé les déclarations martiales, celles-ci n’aboutissent qu’« à des paroles verbales », et qu’une fois de plus l’Europe ne soit pas au rendez-vous. Car au-delà des annonces, un cadre précis doit être dressé. En matière de défense, c’est la commande publique qui donne normalement l’impulsion.
Mais qui décidera, l’UE, les États ou les industriels ?
L’Union européenne est-elle prête à mettre entre parenthèses son principe de « libre concurrence » pour donner une préférence européenne, voire nationale dans certains cas ?
En un mot, y aura-t-il une organisation, une planification pour mener ce projet de réarmement européen ?
Les réponses à ces questions sont essentielles pour la suite.
Car les leçons du vaste plan de réindustrialisation lancé par Joe Biden au travers de plusieurs programmes (Inflation reduction Act, Chips Act, Renewable energy and efficency Act) doivent être tirées[7]. Malgré les centaines de milliards de dollars apportés par le Trésor américain, les retombées ont été jugées insuffisantes par les Américains. L’échec relatif de ce plan a participé à la réélection de Donald Trump.
🔴 Pour l’économiste James Galbraith, la déception du plan Biden découle d’une faute originelle : le refus d’intervention étatique. À la différence du New Deal lancé par Roosevelt,Joe Biden a refusé d’engager le pouvoir étatique et les ressources publiques pour définir, arrêter, contrôler les productions et les techniques nécessaires, préférant s’en remettre aux entreprises privées pour faire ces arbitrages. Or celles-ci décident des productions, des technologies à mettre en œuvre en fonction de leurs intérêts, du profit et du pouvoir qu’elles peuvent en escompter, pas en fonction de l’intérêt général.
🔴 Le plan européen risque d’être confronté aux mêmes ambiguïtés, faute d’éclaircissements.
À cela s’ajoute une autre inconnue, de taille :
l’appareil industriel européen est-il en capacité de répondre aux besoins de défense européens ?
Face à l’urgence invoquée, les milliards que l’UE entend demander à l’épargne privée européenne ne vont-ils pas se transformer en achats massifs d’équipements américains ou autres, avec de faibles retombées pour le continent ?
L’agenda inchangé du néolibéralisme
Alors que l’Europe pourrait s’engager dans une transformation existentielle, on attendrait des échanges sérieux, des éclaircissements approfondis. Des débats ont commencé dans d’autres pays sur les buts et les modalités de ce projet. En France, rien de tel.
La nécessité d’augmenter les dépenses militaires que les gouvernements successifs ont négligées pendant plus de vingt ans ne fait pas débat. La question de savoir comment mobiliser de nouvelles ressources dans un contexte de délabrement budgétaire et d’endettement massif après huit années de macronisme mérite, elle, d’être analysée, discutée, arbitrée. Et ne peut se satisfaire de réponses simplistes.
🔴 Mais pour le pouvoir, tout se résume pour l’instant à un seul slogan : l’économie de guerre[1bis]. La peur et l’urgence étant censées éteindre toutes les réflexions.
Par ruse, ce qui est présenté comme un impératif de sécurité se transforme en une guerre sociale.
« Il est difficile de parler d’austérité, de réforme. Tout cela ne passe plus auprès de la population. Mais le logiciel néolibéral reste inchangé. Comme au moment du covid, ils mobilisent le champ lexical militaire pour faire passer des mesures qui ne passeraient pas autrement », relève Cédric Mas[3].
Au nom de la défense de la nation face à l’impérialisme russe, le camp néolibéral est reparti sans attendre en campagne. «Augmenter le temps de travail, restreindre l’accès à l’assurance-chômage, partir en retraite plus tard, simplifier radicalement la vie des entreprises, libérer l’innovation sont désormais des impératifs sécuritaires », s’est empressé d’écrire l’économiste Nicolas Bouzou[8], régulièrement rémunéré par les entreprises du CAC 40 pour publier des études « positives ».
🔴Depuis, c’est le concours Lépine des propositions de réformes, plus brutales et régressives les unes que les autres.
Tout y passe : l’âge et le financement de la retraite[0][0bis][10], la énième réforme de l’assurance-chômage, le temps de travail, les services publics, l’environnement...
Le tout sur fond de déréglementation absolue, de suppression des normes, des règles, des lois qui brident l’énergie, qui entravent la liberté du capital.
C’est-à-dire l’inverse d’une économie de guerre.
▶️▶️Synthèse :Par ruse, ce qui est présenté comme un impératif de sécurité face à la montée des tensions géopolitiques avec la Russie et aux incertitudes américaines se transforme en une guerre sociale. Ce qui pourrait devenir un plan de relance militaire et industriel européen se décline à nouveau sous forme d’austérité et de régression, pour le seul profit du capital.
L’indispensable adhésion Sans aucune prise de distance, Emmanuel Macron a repris cet agenda, le même qu’il décline depuis huit ans. Tout en appelant à la mobilisation et à l’unité, il a tenu à souligner d’emblée que les augmentations de dépenses militaires seraient faites « sans impôt », mais avec des « réformes », appelant tous les corps sociaux à lui donner des idées[9].
Cette obstination du chef de l’État à défendre « quoi qu’il en coûte » tous les préceptes néolibéraux, qui ont pourtant démontré leurs failles, voire leur faillite, depuis plus d’une décennie ne peut que surprendre. Surtout pour un responsable qui ne cesse de prôner le changement, la mobilité intellectuelle face aux événements du monde.
🔴Comment peut-il croire que ces régressions sociales qu’il avance depuis huit ans et qui suscitent un rejet grandissant pourront brusquement être acceptées sous le motif de la sécurité ?
Comment penser faire l’unité quand il exonère par avance, au mépris des fondements de la République, les puissances d’argent de toute contribution à la sécurité et à la défense du pays ?
Plus prosaïquement, comment espérer mobiliser l’argent des Français quand dans le même temps le gouvernement nourrit une insécurité sociale à tous les niveaux, qui ne peut qu’alimenter la défiance ?
▶️▶️Á retenir :« Dans toutes les économies de guerre, il y a un élément indispensable pour soutenir la mobilisation des ressources et la cohésion d’un pays : c’est l’adhésion de la population. Sinon, cela se transforme en révolte ou en rejet. C’est ce qui s’est passé en 1918 en Russie », rappelle Éric Monnet. En plantant d’emblée un cadre déséquilibré, renforçant des inégalités déjà galopantes, Emmanuel Macron risque de ne jamais trouver cette adhésion.
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Jean-Luc Mélenchon revient sur la notion d’économie de guerre et sur les conséquences politiques et économiques des conflits armés à l’échelle mondiale, le 8 mars 2024.
Jean-Luc Mélenchon est intervenu à l'occasion d'une conférence sur le moment politique, le 6 mars 2025.
Pour financer l'économie de guerre, les plus riches ne seront pas mis à contribution par l'impôt.
Mais pour ceux qui ont des actions dans l'industrie de l'armement, c'est la fête !
« On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels ! »
[1] Allocution d’Emmanuel Macron le 5 Mars 2025 " Face à la “menace russe”, le Président de la République a promis des " investissements supplémentaires" pour le budget de la défense. Macronisme oblige, le chef de l’Etat a précisé qu’il n’y aurait aucune augmentation d’impôts. Je le cite " Ce seront de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés, mais aussi des financements publics (...) Pour cela, il faudra des réformes, des choix, du courage "
Selon Trump et ses acolytes, l’Amérique a dépensé d’énormes sommes d’argent pour protéger ses alliés, en particulier les pays riches parmi eux. Il est temps pour ceux-ci de rembourser la dette. La vérité historique, cependant, est très différente de cette représentation simpliste des choses.
Sources :Gilbert Achcar écrivain et universitaire du Liban | mis à jour le 07/03/2025
La logique de « l’Amérique d’abord », adoptée par le mouvement néofasciste américain connu sous le nom de MAGA[0], peut sembler rationnelle à ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire économique des relations internationales.
Selon Trump et ses acolytes, l’Amérique a dépensé d’énormes sommes d’argent pour protéger ses alliés, en particulier les pays riches parmi eux, c’est-à-dire l’Occident géopolitique (l’Europe et le Japon en particulier) et les États pétroliers arabes du Golfe. Il est temps pour ceux-ci de rembourser la dette : tous ces pays doivent payer la facture en augmentant leurs investissements et leurs achats aux États-Unis, en particulier leurs achats d’armes (c’est ce que Trump entend par sa pression constante sur les Européens pour qu’ils augmentent leurs dépenses militaires).Tout cela s’inscrit naturellement dans la logique mercantile qui va de pair avec le fanatisme nationaliste qui caractérise l’idéologie néofasciste(voir « L’ère du néofascisme et ses particularités », 05/02/2025[1]).
🔴 De ce point de vue, les dépenses militaires étatsuniennes – qui ont effectivement dépassé non seulement celles des alliés de l’Amérique, mais ont presque égalé à un moment donné les dépenses militaires de tous les autres pays du monde réunis – ont été un sacrifice majeur au profit des autres.
Selon la même logique, l’important déficit de la balance commerciale étatsunienne n’est que le résultat de l’exploitation de la bonne volonté américaine par d’autres pays.
C’est pourquoi Trump veut le réduire en imposant des droits de douane à tous les pays qui exportent vers les États-Unis plus qu’ils n’en importent.
Ce faisant, il cherche également à augmenter les revenus de l’État fédéral afin de compenser sa réduction de ces mêmes revenus par des réductions d’impôts au profit des riches et des grandes entreprises.
La vérité historique, cependant, est très différente de cette représentation simpliste des choses.
▶️Tout d’abord :les dépenses militaires étatsuniennes après la Seconde Guerre mondiale ont été, et restent, un facteur majeur dans la dynamique spécifique de l’économie capitaliste américaine, qui s’est appuyée depuis lors sur une « économie de guerre permanente » (ceci est expliqué en détail dans mon livre La Nouvelle Guerre froide : les États-Unis, la Russie et la Chine, du Kosovo à l’Ukraine, 2023[2]). Les dépenses militaires ont joué et continuent de jouer un rôle majeur dans la régulation du cours de l’économie étatsunienne et dans le financement de la recherche et du développement technologiques (ce dernier rôle a été important dans la révolution des technologies de l’information et de la communication, un domaine qui a ramené les États-Unis à la pole position technologique après le déclin relatif de leurs industries traditionnelles).
▶️Deuxièmement :la protection militaire que les États-Unis ont fournie à leurs alliés en Europe et au Japon, ainsi qu’aux États arabes du Golfe, fait partie d’une relation de type féodal, dans laquelle ces pays ont accordé de grands privilèges économiques au suzerain américain, en plus de leur participation au réseau militaire sous son commandement exclusif.
La vérité contredit complètement la description que font Trump et ses acolytes des relations des États-Unis avec leurs alliés comme étant basées sur leur exploitation par ces derniers.
La réalité est exactement le contraire, car Washington a imposé à ses alliés, en particulier aux pays riches parmi eux, un type de relations économiques à travers lequel il les a exploités, notamment en imposant son dollar comme monnaie internationale, de sorte que ces pays ont financé directement et indirectement le double déficit de la balance commerciale américaine et du budget fédéral. Les dollars du déficit commercial étatsunien, ainsi que diverses ressources en dollars de divers pays, sont continuellement revenus dans l’économie américaine, certains d’entre eux finançant directement le Trésor étatsunien.
Ainsi, les États-Unis ont vécu, et continuent de vivre, bien au-dessus de leurs propres moyens.
Un fait qui est évident dans l’ampleur de leur déficit commercial, qui a approché les mille milliards de dollars en 2022[3], et la taille de leur énorme dette, qui dépasse 29 mille milliards de dollars, soit l’équivalent de 125 % de leur PIB[4].
Les États-Unis sont l’incarnation ultime d’un débiteur important et puissant qui vit aux dépens de riches créanciers dans une relation de domination du premier sur les seconds, au lieu de l’inverse.
Même envers l’Ukraine,les 125 milliards de dollars[5] que les États-Unis ont donnés à ce pays jusqu’à présent (loin des chiffres fantaisistes de Trump, quand il affirme que son pays a dépensé 500 milliards de dollars[6] à cet égard) sont équivalents à ce que l’Union européenne a fourni à elle seule[7] (or, le PIB de l’UE est inférieur d’environ 30 % à celui des États-Unis), sans compter ce que la Grande-Bretagne, le Canada et d’autres alliés traditionnels des États-Unis ont apporté. En fait, ce que les États-Unis ont dépensé pour financer l’effort de guerre ukrainien a servi leur politique visant à affaiblir la Russie en tant que rival impérial.
Washington est le principal responsable de la création des conditions qui ont facilité la transformation néofasciste en Russie et ont conduit à son invasion de son voisin.
Les États-Unis ont délibérément attisé l’hostilité envers la Russie et la Chine après la guerre froide afin de consolider la subordination de l’Europe et du Japon à leur hégémonie.
▶️Cependant,lorsque Trump et ses acolytes reconnaissent la responsabilité des administrations américaines précédentes dans la création de la situation qui a conduit à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils ne le font pas par amour de la paix comme ils le prétendent hypocritement(leur position sur la Palestine est la meilleure preuve de leur hypocrisie), mais plutôt dans le contexte de leur transition de la considération de la Russie comme un État impérialiste rival– une approche que Washington a poursuivie de manière croissante depuis les années 1990 malgré l’effondrement de l’Union soviétique et le retour de la Russie dans le giron du système capitaliste mondial –à la considération de Poutine comme leur partenaire en néofascisme, prêts à coopérer avec lui pour renforcer le courant d’extrême droite en Europe et dans le monde, en plus de bénéficier du grand marché et des grandes ressources naturelles de la Russie.Alors qu’ils voient dans les gouvernements libéraux de l’Europe un adversaire idéologique et un concurrent économique à la fois, ils voient en la Russie un allié idéologique qui ne peut pas rivaliser avec eux sur le plan économique.
En revanche, la Chine, aux yeux de Trump et de ses acolytes, est le plus grand adversaire politique et concurrent économique et technologique.
Joe Biden a suivi la même politique, établissant une continuité entre le premier et le second mandat de Trump en ce qui concerne l’hostilité à l’égard de la Chine. Alors que l’équipe Trump peut espérer séparer Moscou de Pékin, tout comme la Chine s’est séparée de l’Union soviétique dans les années 1970 et s’est alliée aux États-Unis, Poutine ne prendra pas le risque de s’engager dans cette voie tant qu’il ne sera pas sûr de la permanence des néofascistes américains à la tête de leur pays.
La grande question est maintenant de savoir si l’axe libéral européen est prêt à prendre le chemin de l’émancipation de la tutelle étatsunienne, ce qui nécessite de mettre fin à son alignement derrière Washington dans l’hostilité envers la Chine et de consolider ses relations de coopération avec elle.
Cela exige également que les pays européens soient prêts à travailler dans le cadre du droit international et à contribuer au renforcement du rôle des Nations unies et des autres institutions internationales, deux choses que Pékin n’a cessé de réclamer.
L’intérêt économique de l’Europe est clair à cet égard, bien sûr, en particulier l’intérêt de la plus grande économie européenne, l’économie allemande, qui entretient des relations étroites avec la Chine.
L’ironie est que la Chine s’associe maintenant aux Européens pour défendre la liberté du commerce mondial contre l’approche mercantile adoptée par Trump et ses acolytes, et pour défendre les politiques environnementales contre leur rejet, accompagné du déni du changement climatique, qui caractérise diverses variétés de néofascistes.Les positions acerbes exprimées par le nouveau Premier ministre allemand, Friedrich Merz, en critiquant Washington et en appelant à l’indépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis[8], si elles aboutissent à une véritable tentative de suivre cette voie, pourraient se traduire dans l’attitude de l’Union européenne à l’égard de la Chine, d’autant plus que la position française penche dans la même direction.
🔴 Tout cela confirme la mort du système libéral atlantique et l’entrée du monde dans une phase houleuse de rebattage des cartes, dont nous ne sommes encore qu’au début. Les élections au Congrès américain de l’année prochaine joueront un rôle majeur pour promouvoir ou freiner ce processus, selon qu’elles conduisent à renforcer ou à affaiblir la domination néofasciste sur les institutions américaines. Pendant ce temps, le mouvement néofasciste américain a commencé à imiter ses homologues dans divers pays en sapant progressivement la démocratie électorale et en mettant la main sur les institutions de l’État américain dans le but de perpétuer son contrôle sur elles.
Depuis son entrée en fonction le 20 janvier dernier, le président américain, Donald Trump, multiplie les décrets sur une foule de sujets : immigration, justice, économie, identité de genre, environnement.
Pour « rendre l’Amérique grande à nouveau », Donald Trump avait annoncé « un déluge » de décrets présidentiels dès le premier jour de sa présidence. De fait, ce 20 janvier, il a paraphé à tour de bras des dizaines d’« ordres exécutifs », de « proclamations » et de « memoranda ». Des mesures chocs, de nature juridique parfois légèrement différentes (et qui pourraient, pour certaines, être rapidement contestées), qui concrétisent la politique du nouvel homme fort des Etats-Unis, en donnant le ton d’un mandat placé sous le signe de la rupture radicale.
Quelle est la portée de ces décrets et comment vont-ils façonner la vie politique aux États-Unis ? Un décret est « une extension du pouvoir exécutif du président », explique Christophe Cloutier-Roy, directeur adjoint de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « Dans sa définition la plus simple, un décret, c’est une consigne que donne le président à tout ce qui relève du pouvoir exécutif : fonctionnaires, militaires, bref tout ce qui relève du gouvernement fédéral. »
Les décrets présidentiels n’ont pas force de loi. Ils peuvent être soumis au jugement des tribunaux et infirmés s’ils ne respectent par les principes de la Constitution américaine. Mais ils sont très utiles pour agir rapidement et de façon très précise sur certaines questions.
« Les décrets sont bons pour obtenir des gains à brève échéance, estime M. Cloutier-Roy. Et c’est certainement bon pour Donald Trump, en début de mandat, de montrer à ses partisans qu’il est actif, qu’il remplit ses promesses et qu’il est mesure de faire avancer son programme. Beaucoup plus que de passer par le Congrès, où le processus légal est complexe, long et très incertain. »
Les décrets ont toujours fait partie de l’arsenal présidentiel. Là où le gouvernement Trump se démarque, c’est par le nombre et la teneur des décrets adoptés en tout début de mandat.
« La plupart des présidents qui entrent en poste avec leur parti au pouvoir au Congrès [comme c’est le cas pour Trump] sont plus économes dans l’utilisation du décret présidentiel », soutient Christophe Cloutier-Roy, qui souligne la forte empreinte partisane qui marque les dizaines de décrets adoptés jusqu’à maintenant. « Ce sont des décrets fortement teintés politiquement aussi, ce n’est pas la liste d’épicerie d’un président qui entre en fonction. Déclarer l’état d’urgence à la frontière, remettre en question la citoyenneté américaine, ce sont des signaux forts qu’on envoie à la base partisane. »
Voici, par ordre chronologique de signature, l’ensemble des textes signés au « day one » du second mandat de Donald Trump.
🔴 Nominations et drapeaux au vent Le ballet des signatures a commencé à 13 h 15, dans une salle du Capitole, avec cinq textes, consistant :
pour les quatre premiers – à désigner les membres du nouveau cabinet présidentiel, les responsables des sous-cabinets ou des présidents de commission.
Le cinquième texte est une proclamation en vertu de laquelle les drapeaux hissés le jour d’une investiture doivent flotter au vent.
Joe Biden avait en effet ordonné que les drapeaux soient en berne durant tout un mois, suite à la mort de l’ancien président Jimmy Carter, le 29 décembre. Or, Trump ne souhaitait pas que sa présidence débute avec des drapeaux en berne.
🔴 Annulation de 78 décrets de l’ère Biden Trump avait assuré en novembre « pouvoir défaire presque tout ce que Joe Biden a fait, par le biais d’un décret ».
De fait, le tout premier décret signé par le nouveau président devant la foule annule en bloc 78 décrets pris par son prédécesseur[0]. Parmi les textes retoqués :
la priorité à l’équité raciale dans l’élaboration des politiques du gouvernement fédéral ;
l’existence d’une « task force » chargée de réunir les familles séparées à la frontière du Mexique ;
la reconstruction du programme d’accueil des réfugiés ;
la prévention et la lutte contre la discrimination fondée sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle ;
la lutte contre la crise climatique dans le pays et à l’étranger ;
l’égalité pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers et intersexuées.
Trump a également annulé la décision de Biden de retirer Cuba de la liste des Etats soutenant le terrorisme, réduisant à néant l’une des dernières mesures de politique étrangère du président démocrate.
🔴 20 janvier 2025 : « Restauration de la liberté d’expression » Le décret portant sur « la restauration de la liberté d’expression et la fin de la censure fédérale » interdit l’utilisation de fonds fédéraux pour toute action « visant à restreindre la liberté d’expression des citoyens américains »[1].Le texte impose au procureur général des Etats-Unis (en charge du département de la Justice) d’enquêter sur les éventuelles entorses du gouvernement Biden aux principes de la liberté d’expression, notamment les « pressions » qui auraient pu être exercées sur les plateformes de réseaux sociaux pour lutter contre la désinformation.
🔴 20 janvier 2025 : « Fin de la militarisation du gouvernement fédéral » Selon Trump, « le peuple américain a vu l’administration précédente s’engager dans une campagne systématique » contre « ses opposants politiques », notamment au travers de la poursuite « impitoyable de plus de 1 500 personnes » impliquées dans l’assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021.Dès lors, le nouveau président souhaite « examiner les activités de tous les départements et agences exerçant des pouvoirs d’exécution civils ou pénaux » et leur conduite sur les quatre dernières années. Des rapports d’enquête seront commandés et des « mesures correctives » prises.
🔴 20 janvier 2025 : « Fin du télétravail dans l’administration fédérale » Le décret met fin aux mesures de télétravail instaurées dans l’administration durant la pandémie de Covid.Le travail des employés fédéraux doit désormais être réalisé en présentiel[2].
🔴 20 janvier 2025 : « Gel des dispositions transmises au registre fédéral »
Donald Trump ordonne à tous les départements et toutes les agences :
de ne pas proposer ou publier de nouvelles dispositions, jusqu’à ce qu’un chef de département ou d’agence nouvellement désigné par lui-même n’ait examiné et approuvé le texte en question.
le retrait immédiat de tous les textes qui ont été envoyés au registre fédéral (en charge de la publication officielle des lois fédérales et des décrets) mais non encore publiés, afin qu’ils puissent être réexaminés et approuvés.
🔴 20 janvier 2025 : « Gel des embauches de fonctionnaires »
Le onzième texte proclame un gel des embauches à des postes de fonctionnaires en lien avec la branche exécutive. Aucun poste civil vacant ne peut être pourvu, et aucun nouveau poste créé[3]. Seules exceptions prévues :
le personnel militaire,
les postes liés à l’application des lois sur l’immigration, en lien avec la sécurité nationale ou la sécurité publique,
et les postes liés aux prestations de sécurité sociale, aux assurances santé ou à l’aide aux anciens combattants.
L’administration doit présenter, sous quatre-vingt-dix jours, un plan de réduction des effectifs du gouvernement fédéral, suite à quoi ce gel des embauches sera caduc, excepté pour l’Internal Revenue Service (IRS, l’agence qui collecte notamment l’impôt sur le revenu).
🔴 20 janvier 2025 :« Logement, emploi, et coût des appareils électroménagers » Le douzième texte porte sur la « crise du coût de la vie ». Donald Trump y ordonne aux responsables de tous les départements et toutes les agences de :
réduire le coût du logement et augmenter l’offre ,
d’éliminer les exigences contre-productives qui augmentent les coûts des appareils électroménagers,
de « créer des opportunités d’emploi pour les travailleurs américains »,
ou encore d’« éliminer les politiques climatiques nuisibles et coercitives qui augmentent les coûts des denrées alimentaires et des carburants ».
🔴 20 janvier 2025 : « Retrait des Etats-Unis des accords de Paris sur le climat »
Le treizième texte acte le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris de 2015 sur le climat, avec effet immédiat[4].
Les agences fédérales doivent ainsi cesser tout engagement financier lié à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Le décret révoque également le Plan international de financement climatique jusqu’alors en vigueur.
Enfin, il ordonne aux agences fédérales responsables d’accords internationaux sur l’énergie de donner« dorénavant la priorité à l’efficacité économique, à la promotion de la prospérité américaine, au choix du consommateur et à la modération fiscale ».
🔴 20 janvier 2025 :« Grâce accordée aux assaillants du Capitole » Comme annoncé de longue date, Donald Trump a gracié plus de 1 500 personnes condamnées pour leur participation à l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, les qualifiant à nouveau d’« otages »[5]. Il a ainsi commué les peines de 14 membres des milices Proud Boys et Oath Keepers, dont la plupart avaient été condamnés pour conspiration. Trump a également demandé au ministère de la Justice de rejeter « tous les actes d’accusation en cours » subsistant à l’encontre des personnes inculpées le 6 janvier.
🔴 20 janvier 2025 :« Suspension du bannissement de TikTok » Ce décret suspend le texte relatif aux « applications contrôlées par des adversaires étrangers » qui, depuis la veille, interdisait l’accès à l’application TikTok aux Etats-Unis[6]. Trump demande au procureur général de ne pas appliquer les dispositions de la loi pendant soixante-quinze jours, le temps qu’un accord d’achat soit conclu.
🔴 20 janvier 2025 :« Retrait des Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la santé » Par ce seizième décret, Trump retire les Etats-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)[7]. Il liste une série de raisons, comme la « mauvaise gestion de la pandémie de Covid-19 » par l’OMS, des « paiements injustement onéreux » réclamés aux Etats-Unis ou encore le fait que la Chine paye moins que Washington.Le nouveau président républicain s’en était déjà pris à l’organisme dépendant des Nations unies en 2020, lors de la pandémie de Covid, et avait alors menacé de lui retirer son financement.Une mesure ensuite bloquée par Joe Biden.
Restauration d’une catégorie spéciale pour les fonctionnaires en lien avec l’exécutif.Le décret suivant rétablit un ordre exécutif de 2020, annulé par Biden en 2021. Il instaure une catégorie spécifique aux postes de la fonction publique liés à l’exécutif. Les fonctionnaires qui ont cette classification peuvent être plus facilement embauchés, mais aussi révoqués.
🔴 20 janvier 2025 :« Responsabilité des anciens fonctionnaires en lien avec « l’ingérence électorale » et la « divulgation d’informations sensibles » Par ce décret, Trump annule toutes les autorisations en matière de sécurité encore détenues par 51 anciens responsables des services de renseignement[8]qui ont signé une lettre au cours de la campagne électorale de 2020 suggérant que les agents républicains ayant récupéré l’ordinateur de Hunter Biden faisaient « partie d’une campagne de désinformation russe ».
Le décret s’en prend également à un ennemi de longue date de Trump, John R. Bolton, son ancien conseiller à la sécurité nationale maintenant très critique à son égard. Donald Trump le prive de toute habilitation de sécurité. Ce 20 janvier, Biden avait prononcé une série de grâces anticipées en faveur de plusieurs élus et fonctionnaires, menacés par les représailles du 47e président des Etats-Unis.
🔴 20 janvier 2025 :« Déclaration de l’urgence nationale à la frontière sud des Etats-Unis » Le 19e texte signé par Trump proclame l’urgence nationale à la frontière entre le Etats-Unis et le Mexique, et y autorise le déploiement de forces armées (garde nationale comprise) pour soutenir les actions de sécurité intérieure[9]
Les barrières physiques doivent être renforcées, et les restrictions d’usages de drones dans les 8 kilomètres autour de la frontière y être levées aussitôt que possible.
Le secrétaire à la Défense et le secrétaire à la Sécurité intérieure doivent, en outre, prendre « toutes les mesures appropriées » pour empêcher l’entrée physique non autorisée d’étrangers.
Habilitations de sécurité pour le personnel du bureau exécutif du Président. Le 20e texte signé par le nouveau président entend résoudre ce qu’il définit comme un « retard inacceptable » de l’administration Biden concernant le « traitement des habilitations de sécurité des personnes recrutées pour travailler au sein du bureau exécutif du Président ». Donald Trump fournit ainsi une liste de personnes auxquelles il donne accès immédiatement aux informations « top secret ».
🔴 20 janvier 2025 :« L’Amérique d’abord» Ce texte vise à « placer les intérêts des travailleurs et des entreprises des Etats-Unis au premier plan »[10]. Le secrétaire au Commerce et le secrétaire au Trésor doivent enquêter sur « les causes des déficits commerciaux persistants » des Etats-Unis et proposer des mesures correctives, telles qu’une révision des droits de douane. Si les pourcentages ne sont pas précisés, le candidat Trump a plusieurs fois évoqué les chiffres de 25 % pour les importations en provenance du Mexique et du Canada, et « jusqu’à 60 %» pour les produits chinois. Les « pratiques commerciales déloyales » des autres pays doivent être recensées, en vue là encore d’adopter des « mesures correctives ».
Le même texte ordonne en outre « l’examen de faisabilité » d’une autre annonce récente du candidat : la création de « l’External Revenue Service » (ERS), nouvelle agence chargée de collecter les revenus provenant de sources étrangères. Par ailleurs, les dispositions de l’Accord Etats-Unis-Mexique-Canada (USMCA), qui doit entrer en vigueur en 2026, doivent être réexaminées.
🔴 20 janvier 2025 :« Le rôle de l’armée « clarifié » Ce décret vise à « clarifier » le rôle de l’armée dans la protection de l’intégrité territoriale des Etats-Unis, en ajoutant que « la politique des Etats-Unis est de s’assurer que les forces armées des Etats-Unis donnent la priorité à la protection de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des Etats-Unis le long de nos frontières nationales »[11]. Entendre : « sceller les frontières » et « repousser les formes d’invasions, y compris les migrations massives illégales » en employant « toutes les options disponibles ».
🔴 20 janvier 2025 :« Libérer l’énergie américaine » Ce décret concrétise plusieurs promesses de campagne liées à la politique énergétique étasunienne, en abrogeant notamment de nombreux textes favorisant les énergies renouvelables[12]. Il annule ainsi, comme annoncé plusieurs fois au cours de la campagne électorale, le « mandat relatif aux véhicules électriques », une réglementation de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) impulsée par Biden limitant la pollution liée aux gaz d’échappement. Plus généralement, il met fin au « Green New Deal » étasunien – l’importante politique d’investissement pour la transition écologique initiée par Biden.
🔴 20 janvier 2025 :« Suspension d’un programme d’admission des réfugiés » Trump a signé un décret suspendant le programme américain d’admission des réfugiés (USRAP)[13], disposant que « les Etats-Unis n’ont pas la capacité d’absorber un grand nombre de migrants, et en particulier de réfugiés, dans leurs communautés d’une manière qui ne compromette pas la disponibilité des ressources pour les Américains ». Le décret suspend la réinstallation des réfugiés à partir du lundi 27 janvier. Il ordonne aux hauts responsables du ministère de la Sécurité intérieure et du département d’Etat de lui remettre un rapport tous les quatre-vingt-dix jours afin de lui permettre d’évaluer si le programme de réfugiés « est dans l’intérêt des Etats-Unis ».
🔴 20 janvier 2025 :Protection « du sens et de la valeur » de la citoyenneté américaine
▶️Cet « executive order » vise à préciser les conditions du « droit du sol » définies par la Constitution[14]. Selon l’interprétation poussée par ce décret, la citoyenneté américaine ne peut pas être automatiquement accordée aux personnes nées aux Etats-Unis si leur mère était présente illégalement, si leur présence était temporaire au moment de la naissance, ou si le père n’était pas citoyen américain (ou résident permanent de manière légale). A noter que la contestation d’un tel décret devant les tribunaux est inévitable, du fait de sa contradiction présumée avec la Constitution. Le 23 janvier, un juge fédéral a suspendu temporairement le décret, le qualifiant de « manifestement inconstitutionnel[14bis]».
▶️Renforcement des frontières Dans le monde de Trump, « une nation sans frontières n’est pas une nation », comme le souligne un autre de ses décrets relatif à la sécurité aux frontières[15].« Toutes les mesures appropriées » doivent alors être prises pour déployer et construire « des barrières physiques temporaires et permanentes le long de la frontière sud des Etats-Unis », et déployer un nombre de personnels suffisant.
Trump met également fin à la politique dite « catch and release » (attraper et relâcher), qui consiste à libérer les personnes sans statut légal en attendant qu’elles soient entendues par un tribunal de l’immigration. Ce texte prévoit également de rétablir la politique « Rester au Mexique », qui oblige certains demandeurs d’asile à la frontière sud à attendre au Mexique leur audience devant le tribunal américain de l’immigration.
▶️« Les gens avant les poissons » Avec sa formule « à la Trump », le texte vise à reprendre les travaux lancés sous son premier mandat pour – supposément – permettre « à d’énormes quantités d’eau issue de la fonte des neiges et à de l’eau de pluie » de ruisseler vers le sud de la Californie[16]. Selon le nouveau président, l’impossibilité de maîtriser les incendies dans la région de Los Angeles serait liée au fait que de l’eau douce a été acheminée vers l’océan pour garantir la sauvegarde de plusieurs espèces de poissons. Un narratif vivement contesté par de nombreux experts.
▶️Rétablissement de la peine de mort au niveau fédéral[17].A travers ce nouvel executive order, Donald Trump veut rétablir l’application de la peine de mort au niveau fédéral, devenue rarissime, en chargeant le procureur général de « poursuivre l’application de la peine de mort pour tous les crimes dont la gravité exige son application ».
Le décret prévoit aussi l’application de la peine de mort dans tous les cas où une personne est reconnue coupable du meurtre d’un agent des forces de l’ordre et pour tous les crimes capitaux commis par des immigrés sans statut légal.
▶️Directive relative à l’architecture des bâtiments civils[18]. Trump demande que lui soient soumises, sous deux mois, « des recommandations » quant aux politiques qui permettraient « que les bâtiments publics fédéraux soient visuellement identifiables » comme tels, dans le respect « du patrimoine architectural régional, traditionnel et classique », afin « d’améliorer et d’embellir les espaces publics et d’ennoblir les Etats-Unis ».
▶️Licenciement facilité des cadres du Senior Executive Service (SES)[19]. Dans ce texte, Donald Trump s’en prend une nouvelle fois à la bureaucratie, et notamment aux « cadres supérieurs » du Senior Executive Service (SES), des fonctionnaires occupant des postes clés, juste en dessous des personnes nommées par le Président. Trump énonce que ces postes doivent pouvoir être attribués « selon le bon vouloir du Président ». Le licenciement des titulaires de ces postes est, par là même, facilité.
▶️« Urgence énergétique nationale »[20]. Cet « executive order » donne mandat à plusieurs agences fédérales de faciliter l’identification, la location, l’installation, la production, le transport, le raffinage et la génération de ressources énergétiques permettant de satisfaire les besoins de tous les secteurs, des transports à l’agriculture en passant par la défense. Un prélude à l’octroi de nombreuses futures autorisations d’exploitation gazière ou pétrolière.
▶️Gel de l’éolien en mer Le président Trump a ordonné au département du Trésor de geler les nouveaux baux éoliens « offshore » sur le plateau continental extérieur, ces terres submergées qui se trouvent au large des limites des eaux de l’Etat[21]. Le décret supprime l’ensemble des nouvelles concessions ou celles renouvelées pour l’éolien en mer, mais n’affecte pas les concessions existantes ni les concessions sur le plateau continental pour l’exploitation du pétrole et du gaz.
Trump charge également le ministère de l’Intérieur de mener un examen des incidences environnementales de cette source d’énergie.
▶️Réévaluation de l’aide étrangère[22]. Le décret suspend pour quatre-vingt-dix jours les programmes d’aide au développement, afin d’évaluer leur efficacité et leur adéquation avec la politique étrangère des Etats-Unis.
▶️Réorganisation du Conseil national de sécurité[23].Afin de « relever les défis de la sécurité nationale » et refonder le « système d’élaboration, de prise de décision, de mise en œuvre et de suivi de la politique de sécurité nationale », Trump indique que le Conseil de sécurité nationale (National Security Council, ou NSC) devra être dédié à faire appliquer son agenda et être aligné avec ses mesures.
Ce texte prévaut sur toute ordonnance ou directive antérieure concernant cet organisme. Le conseiller à la Sécurité nationale, Mike Waltz, avait par ailleurs publiquement signalé ces derniers jours son intention de se débarrasser de toutes les personnes nommées pour des raisons non politiques, pour s’assurer que le conseil soit composé de ceux qui soutiennent le mieux l’agenda de Trump.
▶️Position sur l’accord fiscal international de l’OCDE[24]. Le texte affirme que les dispositions de l’accord fiscal de l’OCDE, qui oblige notamment les Etats à taxer les bénéfices des entreprises à 15 % minimum, n’ont pas été acceptées au niveau du Congrès, et n’engagent donc pas les Etats-Unis.
▶️Lutte contre « l’invasion »[25].Ce décret ordonne aux agences fédérales d’utiliser « tous les moyens légaux pour assurer l’exécution fidèle des lois sur l’immigration des Etats-Unis contre tous les étrangers inadmissibles et expulsables ». Trump révoque par ailleurs plusieurs décrets pris par Joe Biden, notamment celui fournissant « un traitement sûr et ordonné des demandeurs d’asile à la frontière des Etats-Unis », ou celui établissant un « groupe de travail pour la réunification des familles ».
Le texte indique aussi que « toutes les ressources légalement disponibles » doivent être allouées pour « construire, exploiter, contrôler ou utiliser des installations pour détenir des étrangers amovibles ». En cas de manquement ou retard d’un pays étranger dans le cadre d’un rapatriement, Donald Trump n’exclut pas « l’émission de sanction ».
▶️« Libérer le potentiel extraordinaire des ressources de l’Alaska »[26]. Cet " executive order " lève diverses restrictions qui limitaient l’exploitation du pétrole et du gaz dans différentes zones de l’Alaska. Il restaure différents baux d’exploitation dans le refuge faunique national de l’Arctique suspendus par l’administration Biden. Les dispositions du texte visent également à favoriser la production de gaz naturel liquéfié en Alaska.
▶️L’octroi de visas en question[27]. Ce décret dispose que tous « les étrangers qui ont l’intention d’être admis, d’entrer ou qui se trouvent déjà à l’intérieur des Etats-Unis » seront « contrôlés et filtrés au maximum ». Trump veut également « évaluer tous les programmes de visas pour s’assurer qu’ils ne sont pas utilisés par des Etats étrangers ou d’autres acteurs hostiles pour nuire à la sécurité, à l’économie, à la politique, à la culture ou à d’autres intérêts nationaux des Etats-Unis ». Des « suspensions partielles ou totales de l’admission » de ressortissants sont notamment évoquées dans le décret, si les « informations relatives à l’examen et au filtrage [fournies par leur pays] sont insuffisantes ».
▶️Une politique étrangère organisée autour de « l’Amérique d’abord »[28].Trump demande au secrétaire d’Etat de publier « dès que possible » des orientations « visant à aligner les politiques, les programmes, le personnel et les opérations du département d’Etat sur une politique étrangère qui place l’Amérique et ses intérêts au premier plan ».
▶️Le « Doge » d’Elon Musk[29]. Selon ce décret, le service numérique des Etats-Unis est rebaptisé Service Doge des Etats-Unis (USDS) et sera établi au sein du bureau exécutif du Président.Ce département de l’efficacité gouvernementale (Department of Government Efficiency) sera dirigé par Elon Musk, PDG de Tesla. Le décret précise que l’objectif du groupe est de « moderniser la technologie et les logiciels fédéraux » afin de faire des économies. Elon Musk a évoqué « jusqu’à 2 000 milliards de dollars » d’économie.Des syndicats d’employés du gouvernement, des groupes de surveillance et des organisations d’intérêt public ont déposé des recours dans les minutes qui ont suivi la signature de ce texte, alléguant que le Doge enfreint une loi de 1972 qui régit les comités consultatifs fédéraux.
▶️Lois anti-trans[25]. Ce décret établit que le gouvernement fédéral reconnaît uniquement deux sexes, masculin et féminin, définis de manière définitive à la conception. L’ensemble des agences fédérales doivent désormais mener leurs politiques en fonction de ces définitions restrictives. Par ailleurs, les prisons, centres de détention et refuges « pour femmes » administrés au niveau fédéral, doivent être réservés aux personnes de sexe féminin, selon le cadre posé par le décret. Ce dernier interdit en outre le financement de transition de genre sur fonds fédéraux.
▶️Fin des programmes de diversité et d’inclusion mis en place par Biden[30]. Dans ce texte, Donald Trump s’attaque aux programmes de « diversité, équité et inclusion » (DEI) mis en place sous l’administration Biden, qu’il considère comme un « gaspillage public et une discrimination honteuse ». Il met fin à tous ces programmes, y compris les mandats, politiques, programmes, préférences et activités de « diversité, équité, inclusion et accessibilité » au sein du gouvernement fédéral, citant à titre d’exemple les programmes de justice environnementale du ministère de l’Agriculture, ainsi que la formation à la diversité.
🔴 20 janvier 2025 :« Réforme du processus de recrutement fédéral » Ce décret énonce en préambule que le recrutement au niveau fédéral ne devrait pas « être basé sur des facteurs inadmissibles », tels que des quotas favorisant la représentation raciale ou la parité. Trump ordonne la préparation, sous cent vingt jours, d’un programme de recrutement fédéral qui doit donner la priorité « à des personnes qui s’engagent à améliorer l’efficacité du gouvernement fédéral, qui sont passionnées par les idéaux de notre République américaine et qui s’engagent à faire respecter l’Etat de droit et la Constitution des Etats-Unis ».
🔴 20 janvier 2025 :Des cartels et gangs désignés comme « terroristes »[31] Ce que Trump a annoncé dans son discours d’inauguration se matérialise dès le 20 janvier en décret : le Président définit les cartels de la drogue comme des organisations terroristes étrangères, afin d’accélérer l’expulsion des membres de groupes tels que Tren de Aragua, une organisation criminelle transnationale du Venezuela, ou encore du gang salvadorien MS-13. Selon Trump, ces cartels « opèrent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis » et « présentent une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale, la politique étrangère et l’économie des Etats-Unis ».
🔴 20 janvier 2025 :Restaurer des noms qui « honorent la grandeur de l’Amérique »[32] Donald Trump veut rebaptiser, dans les trente jours, le golfe du Mexique et le mont Denali situé en Alaska. La mer qui borde le sud-est des Etats-Unis sera renommée « golfe d’Amérique » tandis que le mont Denali, le plus haut sommet d’Amérique du Nord, redeviendra le mont McKinley, nom qu’il portait avant que Barack Obama ne le change en 2015 pour refléter les traditions des Amérindiens de l’Alaska ainsi que la préférence de nombreux résidents de l’Alaska. Le changement de nom de ces deux éléments naturels « apporte du bon sens au gouvernement et renouvelle les piliers de la civilisation américaine », indique le décret. Toutefois, si changer le nom du mont Denali, qui se trouve entièrement sur le sol américain, semble possible, rebaptiser le golfe du Mexique – zone considérée comme relevant des eaux internationales – pourrait se heurter à quelques écueils.
🔴 20 janvier 2025 :Garantir la protection des Etats contre « l’invasion »[33] Dans le 46e et dernier texte signé par Trump le 20 janvier et publié sur le site de la Maison Blanche, le Président rappelle l’article 4 de la Constitution, qui dispose que le gouvernement fédéral doit « protéger chacun [des Etats] contre l’invasion ». Mais il souligne que le gouvernement a échoué à cette mission, car une « invasion est en cours à travers la frontière sud des Etats-Unis ». Le 47e président suspend donc l’entrée physique des étrangers « impliqués dans une invasion aux Etats-Unis à travers la frontière sud », le tout jusqu’à ce que le Président décrète que « l’invasion a pris fin ».
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De la Chine à Gaza, comment Trump met le monde en danger de guerre totale ? Quelles sont les plans et les motivations de Donald Trump ? Comment sa stratégie de prédation menace-t-il le monde d'une guerre totale ? Quelles menaces font peser les GAFAM sur la souveraineté numérique de la France ? Pourquoi la France renonce-t-elle au non-alignement pour préférer le suivisme atlantiste ?
La précondition pour pouvoir gagner est d’affirmer clairement un programme de rupture, partant des besoins des classes populaires et se donnant les moyens politiques et économiques de les concrétiser.
Ce qui importe c’est comment les électrices et électeurs ressentent le projet dont le NFP est porteur.
La victoire de Trump est porteuse de leçons pour la gauche à condition de dépasser le niveau superficiel de l’analyse qui met l’accent sur le personnage et son comportement. Loin de s’y réduire, sa victoire, comme les autres montées de l’extrême droite, pose des questions qui, pour ne pas être nouvelles, sont plus que jamais d’actualité.
Il parait difficile dans le flot de commentaires qui a suivi la victoire de Trump d’y ajouter un point de vue tant soit peu original.
Néanmoins, il parait nécessaire d’y revenir pour essayer d’aller au-delà de l’écume de l’évènement. Il faut pour cela distinguer trois niveaux de réflexions.
🔴 Le premier, le plus superficiel, concerne les méthodes employées par Trump lors de la campagne électorale : tout a été dit sur le sujet : invectives, mensonges, démagogie, violence des propos. Trump a fait du Trump en portant à l’incandescence un discours de haine. Mais ce constat n’explique strictement rien.
Pourquoi cela a-t-il marché en 2024 et pas lors de l’affrontement avec Biden ?
Qu’est-ce qui lui a permis, non seulement de remporter les swings states, mais aussi, résultat a priori inconcevable, largement le vote populaire ?
🔴 Le deuxième niveau de réflexion a été parfaitement résumé par Bernie Sanders : « Cela n’a rien d’étonnant que le parti démocrate, qui a abandonné la classe ouvrière, voie que la classe ouvrière l’a abandonné ». Et d’ajouter : « nous n’avons même pas présenté de législation visant à augmenter le salaire minimum, malgré le fait que quelque 20 millions de personnes dans ce pays travaillent pour moins de 15 dollars de l’heure. Aujourd’hui, en Amérique, nous n’avons pas présenté de loi qui faciliterait l’adhésion des travailleurs aux syndicats. Nous ne parlons pas des régimes de retraite à prestations définies pour que nos personnes âgées puissent prendre leur retraite en toute sécurité. Nous ne parlons pas de la hausse du plafond de la sécurité sociale afin de prolonger sa solvabilité et d’augmenter les prestations. En fin de compte, si vous êtes un travailleur moyen, pensez-vous vraiment que le parti démocrate va se battre pour vous, qu’il va s’attaquer à des intérêts particuliers puissants et se battre pour vous ? Je pense que la réponse écrasante est non, et c’est ce qui doit changer ».
🔴 En fait donc Trump a bénéficié du décalage entre une bonne santé affichée de l’économie américaine et ce que vivait concrètement une grande partie des salarié.es des États-Unis. Comme l’explique Romaric Godin[1], « la croissance a changé de nature. Elle ne reflète plus aussi clairement le bien-être social […] l’accélération de la croissance a un coût social croissant ». Ainsi, la croissance économique s’est accompagnée d’une hausse importante des dépenses contraintes des ménages et des denrées alimentaires, alors même que le discours officiel de l’administration Biden était focalisé sur la maitrise de l’inflation. Pire même, la croissance économique a généré plus d’inégalités sociales rendant encore plus illusoire le « rêve américain » de promotion sociale et entretenant ainsi le cauchemar du déclassement. Dans cette situation, la désignation par Trump de boucs-émissaires a joué à plein.
C’est là où la campagne menée par Harris a été catastrophique. Non seulement elle n’a absolument pas tenu compte de cette situation, ni proposé de remèdes pour y faire face, mais elle a mené une campagne centrée sur la personnalité de Trump, pensant ainsi profiter d’un rejet de l’électorat. Si ce n’est sur la question de l’avortement, il est difficile de savoir ce qu’Harris a proposé pendant cette campagne. Elle est apparue, de fait, comme la candidate de la continuité, alors même qu’une majorité voulait un changement. Multipliant de plus les apparitions avec des vedettes de la chanson et des stars d’Hollywood, elle est apparue comme déconnectée des réalités sociales d’une partie même de son électorat. Enfin, son incapacité à prendre en compte la sensibilité de la communauté arabo-musulmane et son soutien sans fard à la politique israélienne lui a aliéné des votes dans un certain nombre d’États clefs, alors même qu’elle ne pouvait pas concurrencer Trump sur ce soutien et que la communauté juive était elle-même très divisée sur le sujet. Bref une campagne électorale tournée vers la droite, comme le montre les « signaux » envoyés notamment quand on l’a vue valoriser le port d’armes.
Dans cette situation, Trump a réussi à dessiner une vision du futur pour les États-Unis Une vision certes détestable, mais qui face au vide de la campagne d’Harris, a pu occuper l’espace de l’imaginaire collectif.
🔴 C'est là le troisième niveau de réflexion. Il faut revenir ici sur les transformations profondes qui se sont produites dans les sociétés occidentales ces dernières décennies.
Une révolution anthropologique est en cours qui remet en cause des centaines de siècles de rapports d’oppression et les représentations sociales correspondantes, que ce soit sur la place des femmes, de l’homosexualité ou des minorités discriminées et plus globalement sur la conception de la famille. Il serait naïf de croire qu’un tel processus puisse se faire sans résistance. En ce sens Trump représente probablement la forme la plus construite et la plus décomplexée de la contre-révolution dont l’objectif clairement assumé est celui d’un retour en arrière.
Il ne s’agit pas seulement d’une réaction conservatrice, le backlash, mais d’une volonté d’imposer un nouvel imaginaire social. Ce dernier fait certes la part belle aux masculinistes blancs mais est loin de s’y réduire au vu du résultat beaucoup moins important que prévu d’Harris chez les femmes et les minorités.
La victoire sans appel de Trump tient à la conjonction qu’il a réussi à opérer entre cet imaginaire dont on peut penser qu’il reste minoritaire aux États-Unis - comme le montrent les résultats d’un certain nombre de référendums sur l’avortement dans des États ayant voté Trump – avec l’angoisse du déclassement social d’une partie de l’électorat démocrate qui a ainsi basculé. Les caractéristiques individuelles du personnage étaient en symbiose avec le récit qu’il entendait imposer : homme fort, providentiel, volontariste capable de résoudre rapidement le problèmes.
Quelles leçons peut-on en tirer pour la gauche en France ? La première est que la précondition pour pouvoir gagner est d’affirmer clairement un programme de rupture, partant des besoins des classes populaires et se donnant les moyens politiques et économiques de les concrétiser. En ce sens, les tentatives à gauche des revenants du néolibéralisme, les Cazeneuve, Hollande, Delga, etc. qui, n’ayant rien appris ni rien oublié, rêvent de détruire le NFP et fantasment sur le retour à la domination d’une offre politique centriste, ne peuvent que mener à la catastrophe face à l’extrême droite. La débâcle d’Harris, après d’autres du même type, prouve une nouvelle fois que la gauche néolibérale est incapable de répondre aux défis du moment.
🔴 Cependant, cette précondition pour indispensable qu’elle soit, n’est pas suffisante.
Comme dans le cas de Trump, la force de l’extrême droite est de développer une vision du futur nourrissant un imaginaire social s’appuyant sur les angoisses diverses de l’électorat. Face au ressentiment qui nourrit l’extrême droite, le pire serait d’essayer de la battre sur son propre terrain en s’emparant de ses thèmes, croyant ainsi la cantonner alors que cela ne fait que la légitimer. Le laminage de la droite dite républicaine par le RN et l’épisode de la déchéance de nationalité par Hollande sont là en France pour nous le rappeler. Il faut au contraire être capable de porter l’espoir d’une société désirable en mettant en avant la recherche de l’égalité, l’exigence de la solidarité, la nécessité de la justice sociale et écologique, l’impératif de la démocratie.
🔴 Et de même que le profil de Trump correspond au projet politique qu’il porte, de même, la gauche doit adopter des comportements qui correspondent à son projet d’émancipation, la morale politique et le réalisme stratégique correspondant dans ce cas. La question du programme effectif, c’est-à-dire le détail des mesures préconisées, pour importante qu’elle soit, n’est pas la plus décisive. Ce qui importe c’est comment les électrices et électeurs ressentent le projet dont le NFP est porteur. Ainsi, quand on propose un projet de rupture :
il faut rassurer et non pas inquiéter par des propos et des comportements brutaux, ce d’autant plus quand la société en question est angoissée quant à son avenir et que l’extrême droite essaie de se banaliser.
De plus, l’exigence démocratique ne peut être renvoyée à des jours meilleurs. Elle doit imprégner le rapport que les partis politiques entretiennent avec les classes populaires et avec leurs propres militant.es et adhérent.es.
Enfin une politique de gauche ne peut donner à voir simplement une concurrence entre les différentes forces politiques. Même s’il est naturel que chaque parti défende ses positions, la recherche permanente de l’hégémonie est un obstacle à la construction commune qui ne peut reposer que sur le respect de la diversité.
Élection de Donald Trump : " seule une gauche radicale et populaire peut l’emporter contre l’extrême droite "[2] !
La leçon à en tirer pour la gauche française se tient là, en écho à la victoire du Nouveau Front Populaire aux dernières élections législatives : " on ne peut combattre l’extrême droite et la droite fascisante qu’avec un programme de gauche, avec des propositions de rupture, avec des alternatives qui changeront réellement et profondément la vie des gens "[3].
Les USA ne pouvaient pas choisir la gauche : il n’y en avait pas. Quand il n’y a plus de gauche, il n’y a pas de limite à droite. Quand il n’y a pas de bataille de programme, l’élection devient un casting. La victoire de Trump est la conséquence imparable de cette situation. Le monde va monter en tension. Prudence et détermination. La France peut ouvrir un autre chemin. Un contre modèle. Non alignement, droit international, justice sociale, planification écologique. Sinon quoi[1] ?
La victoire de Donald Trump, c’est celle de la fusion aboutie entre le capitalisme le plus prédateur et l’extrême-droite la plus débridée[0]. Une classe dominante prête à tout pour maintenir sur pied un système à bout de souffle et continuer à s’enrichir, qui attise la haine et dupe le peuple à grand coup de vérités alternatives et de racisme décomplexé propagé à l’infini par les chaines d’informations et les réseaux sociaux.
C’est aussi et d’abord la défaite du camp démocrate, qui a renoncé depuis longtemps à incarner une alternative à ce modèle. On ne peut pas gagner une élection sans projet de transformation et sans autre idée que celle de faire « barrage » pour mieux continuer comme avant. On ne peut pas vaincre le capitalisme, l’impérialisme, le racisme, le patriarcat, la régression sociale et écologique, en renonçant à contester leur discours, et en transigeant avec celui-ci.
Cette élection est lourde de conséquences.
Pour des millions de personnes aux Etats-Unis, immigrés, minorités, femmes, les plus pauvres qui subiront de plein fouet les politiques régressives du trumpisme.
Pour le monde, quand l’élection de Trump ouvre la voie à la poursuite du génocide à Gaza, à la montée des tensions au Proche-Orient et dans la zone Asie-Pacifique.
Pour la planète elle-même, avec l’arrivée au pouvoir d’une administration climatosceptique au cœur du système capitaliste.
Pour nous, Français, insoumis, l’heure est comme toujours au combat. Aux côtés des victimes du trumpisme aux Etats-Unis, vers lesquelles se tournent nos pensées, nos cœurs, notre solidarité d’internationalistes. Dans le monde, où nous avons la tâche de faire entendre une voix non-alignée, attachée au multilatéralisme, au règlement pacifique des conflits, à l’effort commun de l’humanité face au changement climatique et aux défis planétaires auxquels elle fait face. En France même, où notre devoir est de nous battre, pour refuser le face-à-face stérile mortifère entre une extrême-droite et un extrême-centre qui partagent le même socle, et incarner une alternative démocratique, sociale, écologiste et humaniste, pour en finir avec leur monde failli et ouvrir un autre chemin.
Si tu te dégonfles, tu te Trump Jean-Luc Mélenchon est revenu sur le résultat des élections présidentielles aux États-Unis le 6 novembre 2024.
Deux visions de députés France insoumise/Nouveau Front Populaire
Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.
La France insoumise
Pour une MAJORITÉ POPULAIRE, renforcer la France insoumise pour GAGNER !
🔴 La France insoumise et ses 71 députés sont au service des Françaises et des Français face à l'inflation et l'accaparement des richesses par l'oligarchie.
✅ La dissolution, nous y sommes prêts !
Avec la #Nupes, la France Insoumise propose l’alternative
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