Sortis du gouvernement dans la douleur, très en colère après la mort de Rémi Fraisse, toujours divisés dans leur rapport au pouvoir socialiste… Les écologistes sont face à une série de questions. Se situer ou non à gauche ? Être ou ne pas être en alliance avec le PS ? Faire ou ne pas faire alliance avec le Front de gauche ? L’autonomie ne va-t-elle pas s’imposer par défaut ? Les réponses de Sergio Coronado, député EELV des Français de l’étranger. (extrait du e-mensuel de Regards, novembre 2014).
« Est-ce que les écologistes sont de gauche ? Dans les faits, la question est tranchée depuis 1995. Même lorsque nous sommes en autonomie au premier tour, les fusions de second tour se font toujours à gauche, à de très rares exceptions près. Cela dit, il faut nuancer. Pour les gens, la gauche est au pouvoir, c’est elle qui gouverne. Ils ne font pas dans la nuance et cela complique passablement la donne.
L’autre élément de complexification est que, bien sûr, il arrive que sur des sujets nous soyons ponctuellement en alliance avec des gens de droite. Cela vient de se produire au Conseil de Paris avec le vote conjoint de la droite et des écolos contre la Tour triangle. Avec Chantal Jouanno ou NKM, nous pouvons conclure des alliances de circonstance sur les OGM ou le climat. Dès lors, est-ce que la question centrale devient celle du rassemblement de toute la famille écologiste, de Corinne Lepage à Noël Mamère en passant par Benhamias et Cohn-Bendit ? J’ai de bonnes relations avec chacun, je n’en méprise aucun, mais cet objectif me paraît devoir être relativisé, il est mineur lorsque l’on porte une critique radicale du modèle capitaliste et du productivisme.
« La question des alliances se pose. La gauche divisée ne constitue pas une alternative »
L’axe stratégique que je défends est le rassemblement du peuple de l’écologie en rupture, en confrontation sans compromis, avec le mode de développement actuel. Ce peuple-là regarde avec circonspection, et sans doute avec raison, le peu de résultats obtenus par notre longue marche dans les institutions.
Faut-il alors abandonner nos alliances avec le PS ? Commençons par dire que les écologistes passent des alliances électorales parce que le mode de scrutin nous y contraint et pas seulement par affinité. Même si nous tentons de coupler accords électoraux avec contenus programmatiques. La politique gouvernementale et l’effondrement électoral dans la dernière période du PS sont tels que la question des alliances se pose.
Je réfléchis plutôt en dynamique. Les élections intermédiaires de 2015 –départementales et régionales – donnent l’occasion de construire une autre offre politique. Il nous faut chercher des alliances à vocation majoritaire. La gauche divisée ne constitue pas une alternative. François Hollande n’a pas seulement gagné par antisarkozisme mais aussi par le point d’équilibre du Bourget qui a permis que Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly le soutiennent au second tour. Sans le Front de gauche et les écolos, il n’était pas élu.
Mais peut-on laisser le pilotage à la gauche gouvernementale qui a définitivement fait sa conversion au néolibéralisme à la française ? Je n’ai pas d’animosité vis à vis des socialistes – ils m’ont permis d’être élu à l’Assemblée nationale pour porter un programme qui n’est plus la boussole du gouvernement. Mais cette gauche-là ne peut avoir la responsabilité d’une politique d’alternance. Elle est certes moins violente que la droite, sans aucune comparaison, mais elle joue fondamentalement sur les mêmes variables.
Les élections de 2015 peuvent être l’occasion d’ouvrir une autre voie, de tenter une alliance avec le Front de gauche. Il n’est pas certain que cela soit possible partout. Les positions boutiquières, le sectarisme rendent cela parfois très compliqué. Et l’objectif ne doit pas être un "one shot".
Moi, je suis pour le mouvement. Il nous faut tenter de rassembler les forces en rupture avec le modèle dominant. Pour tout dire, ce serait plus simple à atteindre avec un Front de gauche rassemblé, parce que la diversité de cette alliance offre des points d’appui. Pour beaucoup d’écolos il y a une vraie peur d’aller avec cette gauche qui n’a pas fait sa mue ; ils craignent de se retrouver avec la vieille gauche.
En fait, c’est plus compliqué que cela. Nos divergences et convergences varient selon les thèmes avec les différentes parties du Front de gauche. Le PCF est plus proche du PS productiviste que d’un modèle de rupture avec le modèle centralisé en matière de transition énergétique. Mais le PG est peu sensible aux réalités locales. C’est souvent plus simple de se mettre d’accord avec des militants communistes disposés à dialoguer : ils sont davantage portés à faire le lien entre la pensée globale et l’agir local. Mais l’important est de dialoguer, d’avancer pour offrir une alternative. »