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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 08:08
Analyse : les mutations du paysage politique en France

Sources :  A l'encontre par François Sabado du NPA le 31 - mai - 2015

On a souvent abordé la situation française comme une « exception », en Europe. On parle de l’exception française, en faisant référence à une histoire encore marquée par la Révolution française de 1789.

 

Cela recouvrait, en fait : un certain type d’acquis sociaux, un puissant service public, un Etat fort, un mouvement ouvrier important et dynamique, un haut niveau des luttes de classes, des droits sociaux et des libertés démocratiques et laïques arrachées par des mobilisations populaires historiques.

 

Si l’Etat fort s’est maintenu, toutes les conquêtes sociales ont été remises en cause dans les dernières années.

 

La longue durée de la contre-réforme libérale depuis la moitié des années 1980, en France, son accélération avec la crise ouverte en 2008, la politique d’austérité et l’œuvre de démolition sociale entreprise par le gouvernement socialiste de Hollande ont déconstruit et démantelé ce qui a constitué cette exception française. Il ne s’agit pas d’un effondrement, mais d’une déconstruction, d’un démantèlement progressif.

 

 

- Des bouleversements socio-économiques

Les politiques d’austérité menées ces dernières années ne sont pas les énièmes politiques d’austérité, elles ont une tout autre ampleur. Elles visent un double objectif : Le premier, consiste à liquider ce qui reste du « modèle social français » qui est considéré par les classes dominantes comme un des principaux obstacles dans la concurrence capitaliste mondiale. Le deuxième, c’est de réorganiser la société, en passant de « l’économie généralisée de marché à la société de marché », privatisant, dérégulant et précarisant la vie économique comme sociale. D’où, le caractère central des « réformes du marché du travail » avec une déréglementation des relations sociales, une déconstruction du Code du travail qui affaiblissent les positions des salarié·e·s et renforcent celles du patronat. Ces politiques s’accompagnent aussi d’un chômage massif – en réalité, près de 20% de la population active –, d’une baisse du pouvoir d’achat avec le blocage des salaires et des retraites et d’une augmentation substantielle des impôts. La précarité a explosé.

 

Les politiques de réduction des budgets sociaux, des dotations des collectivités territoriales, du système de santé, de l’école publique, aggravent les conditions de vie des classes populaires. Les politiques d’aides et de cadeaux au patronat se sont traduits par un transfert de richesses de plusieurs dizaines de milliards qui sont allés des ménages vers les profits capitalistes. Certes, les conséquences de la crise ne sont pas aussi fortes qu’en Grèce, au Portugal ou en Espagne. La France reste la sixième puissance mondiale, il lui reste des positions importantes sur le marché mondial, elle a pu faire fonctionner une série d’amortisseurs sociaux face à la crise, mais les effets des politiques d’austérité sont dévastateurs. La reprise économique que connaissent l’Europe et le pays ne se traduit pas en emploi et en pouvoir d’achat. Il y a un appauvrissement des classes populaires, voire des processus de décomposition sociale dans certaines banlieues ou quartiers. Aux politiques d’austérité s’ajoutent des dérives autoritaires ; au nom de la politique antiterroriste, on remet en cause des droits démocratiques fondamentaux. On n’avait pas vu, en France, une telle situation où la gauche est liberticide, depuis la guerre d’Algérie.

 

Mais à la crise économique et sociale, s’ajoute une crise politique, justement parce que c’est la gauche (PS) qui fait cette politique, qui s’est attaquée aux travailleurs, qui a perdu toute une partie de sa base sociale et donc qui ne peut s’appuyer pour diriger que sur une assiette sociale et politique fort rétrécie.

 

 

- La transformation bourgeoise du Parti socialiste

En 2012, les socialistes occupaient tous les pouvoirs institutionnels : Présidence de la République, majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans les principales villes, dans les départements et dans quasiment toutes les régions. Aujourd’hui, ils les ont perdus ou vont les perdre. Aux dernières élections départementales où l’abstention a été de près de 50%, le PS n’est plus que le 3e parti avec 21 %, derrière le Front National avec 25% et la droite conservatrice avec 29%. Ils sont passés de 280’000 adhérents en 2006 à 130’000 adhérents en décembre 2014. Seulement 70’000 « militant·e·s » ont voté pour le prochain congrès. Mais le PS français ne connaît pas de « Pasokisation. Il compte encore plus de 20 % des suffrages. Il n’y a pas d’effondrement. La France n’est pas la Grèce. Cela renvoie aux différences de niveau de la crise dans les deux pays. Mais il y a un affaiblissement considérable du PS et surtout un changement de la nature profonde de ce parti. Il y a, ce qu’on pourrait appeler une accélération dans la transformation bourgeoise de la social-démocratie. Un processus qui vient de loin, mais qui s’accélère. Cette transformation s’est traduite par une intégration sans précédent des appareils de la social-démocratie dans les sommets de l’État et de l’économie globalisée. Les partis socialistes sont devenus « de moins en moins ouvrier et de plus en plus bourgeois ». La brutalité des politiques néolibérales endossées par la social-démocratie sape ses bases sociales et politiques.

 

Certains théoriciens du PS en France – les animateurs du « Think tank » Terra Nova – en ont conclu qu’il fallait changer les cibles sociales de la social-démocratie. Les ouvriers, les employés et les techniciens, devaient être remplacés par les cadres, les professions libérales et les couches supérieures du salariat. Bref, il fallait « changer de peuple ». La composition des organes de direction s’est, aussi, modifiée : les enseignants, les bureaucrates syndicaux, les avocats, (« les bistrotiers », ajoutait à l’époque Trotski), ont laissé place aux énarques [sortis de l’Ecole nationale d’administration], technocrates et financiers. Au point que les partis socialistes connaissent une espèce de dévitalisation, une rupture avec des pans entiers de leur histoire. Les adhérents sont remplacés par des professionnels de la politique : élus et assistants d’élus. Les politiques de l’Union européenne (UE) ont aggravé cette mutation qualitative. Sous des formes différentes, les partis socialistes se transforment en partis bourgeois. Deviennent-ils pour autant des partis bourgeois comme les autres ? Pas tout à fait, le fonctionnement de l’alternance exige des PS qu’ils marquent leur différence avec les autres partis bourgeois. Ils restent liés, par leur origine historique, au mouvement ouvrier, mais ce ne sont plus que des traces qui s’effacent dans la mémoire des militant·e·s. Cela crée néanmoins des contradictions et des oppositions au sein de ces partis. Ils peuvent garder un certain rapport au « peuple de gauche », même s’il est de plus en plus distendu. Cette mutation qualitative, si elle allait jusqu’au bout, transformerait ces partis en « partis démocrates à l’américaine ».

 

Cette transformation bourgeoise néolibérale – néolibérale est plus juste que social-libéral, car il n’y a pas grand-chose de social dans cette évolution de la social-démocratie – est maintenant cristallisée, mais elle n’est pas suffisante pour les courants les plus à droite des Partis socialistes. En France, par exemple, Manuel Valls [Premier ministre du Président François Hollande] a déclaré plusieurs fois, qu’« il fallait liquider toutes les références sociales- démocrates ». Emmanuel Macron, banquier et ministre des Finances de Hollande, a renchéri en appelant, lui aussi, à l’abandon de « toutes les vieilleries de la gauche ». Ce qu’ils veulent, c’est transformer le processus en cours en tendance achevée, quitte à casser le Parti socialiste. C’est une hypothèse qui, en cas de nouvelle débâcle aux prochaines présidentielles de 2017, peut emporter le PS. Les droites du PS sont, aujourd’hui, à l’offensive mais force est de constater que face aux tenants de la marche forcée vers la transformation néolibérale, les diverses oppositions ne renouent pas avec un réformisme classique et encore moins avec les idées des courants de gauche historiques de la social-démocratie. Les politiques néolibérales ne sont corrigées qu’à la marge. Les dirigeants de l’opposition interne au PS ont voté pour le « Pacte budgétaire européen » (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé en mars 2012.) Ils ont voté à l’Assemblée nationale pour l’ANI (Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi) – une déréglementation des relations sociales – et l’allongement de l’âge de la retraite. Les années de contre-réforme néolibérales et les reculs qu’a connus le mouvement ouvrier en Europe sont passés par là. L’horizon de ceux qui au sein des partis socialistes s’opposent aux « trahisons » les plus criantes reste borné par les fondamentaux des politiques néolibérales.

 

 

- La droite et l’extrême droite à l’offensive

Du coup, cette politique conduit à la déroute électorale. A cette étape, la droite et l’extrême droite qui sont en pointe. Il est toujours hasardeux de se lancer sur des pronostics. Mais le plus probable, pour la prochaine élection présidentielle, c’est un deuxième tour à la présidentielle de 2017 entre le candidat de droite et Marine Le Pen. Le candidat socialiste sera éliminé au premier tour. Il ne peut compter que sur les « affaires judiciaires » qui peuvent liquider Sarkozy ou des divisions de la droite, telles, que celle-ci ne pourrait participer au deuxième tour de la présidentielle. Ces divisions sont un vrai problème pour la droite française. Elle bénéficie d’une poussée comme dans presque tous les pays d’Europe, mais, en France, il y a le Front national qui pèse de tout son poids – 25 % – sur la droite traditionnelle et qui la fissure. Il y a ainsi deux grands courants dans la droite. Un courant incarné par Sarkozy qui chasse sur les terres politiques du FN Front national), « pour le contenir et regagner des électeurs ». Il y a d’ailleurs dans une série de régions une réelle porosité entre les électorats de droite et d’extrême droite. Elle reprend ses thématiques racistes, autoritaires. Et un courant de la droite et du centre qui garde ses distances vis-à-vis des thèmes du FN. Les deux courants se situant dans le cadre de l’UE, à la différence du Front National. Jusqu’à maintenant, la droite a contenu la poussée de l’extrême droite, mais jusqu’à quand ?

 

Le Front national occupe déjà, une place centrale dans la vie politique. Avec ses 25 %, il s’est enraciné. Il a aujourd’hui un électorat populaire. Une question reste ouverte, ce sont les conséquences de la crise actuelle au sein de sa direction et de la famille Le Pen, puisqu’aujourd’hui la crise politique globale, touche maintenant, le Front national. Cette crise exprime des intérêts de clans, de cliques, des batailles financières, mais c’est aussi l’expression d’une lutte politique interne. Le Front national n’est pas un parti fasciste comme dans les années trente parce que nous ne sommes pas dans les années trente. L’origine de sa direction est fasciste, ses thèmes nationaux-socialistes reprennent les thématiques classiques de l’extrême droite, la préférence nationale, le racisme anti-immigré et anti-musulman sont au centre de sa politique. Ce n’est pas un parti fasciste, mais n’est pas un parti bourgeois comme les autres. Avec 25 %, il est confronté au problème du pouvoir. Et il y a visiblement un débat violent : il y a le vieux Jean-Marie Le Pen, pour qui l’accès au pouvoir est lié à l’effondrement du système et son remplacement par le mouvement nationaliste. Et il y a une autre stratégie, majoritaire dans le FN, actuellement, autour de Marine Le Pen qui vise à conquérir des positions dans le système pour diviser et exploser la droite traditionnelle afin d’en subordonner une partie importante. Mais ce n’est pas, comme en Italie, un projet à la Gianfranco Fini. Ce dernier, issu du Mouvement social italien, puis créateur de l’Alliance nationale en 1995), a rejoint en 2009 la formation de Berlusconi, Le Peuple de la liberté, avant de s’en séparer en 2010. Il fut ministre des gouvernements Berlusconi II et III.

 

La majorité du FN ne veut pas passer des alliances où elle serait en position subordonnée. Ses dirigeants veulent casser la droite et la remplacer. Du coup, ils sont dans une impasse, car en ne passant pas d’alliances ils ne peuvent franchir un certain seuil, sauf si la crise s’aggrave et que la droite traditionnelle explose. Pour le moment la droite contient cette pression, mais jusqu’à quand ?

 

Le plus préoccupant, au-delà des phénomènes électoraux, est une modification en profondeur de la société française. Tout un système de représentations sociales, culturelles, idéologiques est en train d’exploser. L’individualisme forcené, le rejet des solidarités, le racisme, l’islamophobie, l‘antisémitisme, la guerre des pauvres contre les pauvres avec une dénonciation hystérique de « l’assistanat ». Il y a quelques années, le PCF avait utilisé une formule pour exprimer la montée de phénomènes réactionnaires : « la société vire à droite ». On peut discuter la formule, mais on a un mouvement de ce type qui est la conséquence de la faillite de la gauche. Ainsi, si les manifestations (15 janvier 2015) contre l’attentat qui a frappé « Charlie » (7 janvier) ont suscité une réaction démocratique et humaniste de plusieurs millions de personnes dans les rues du pays. Cela ne s’est pas traduit par une baisse du racisme. Les réactions, favorisées par l’attitude des gouvernements et de l’Union Européenne, face aux migrants en Méditerranée, enregistrées dans les enquêtes d’opinion sont assez terribles. Elles montrent bien le degré « d’inhumanité » atteint dans des secteurs de la population.

 

 

- Des pistes pour une alternative anticapitaliste

« Vous ne voulez plus des classes ni de leur lutte ? Vous aurez les plèbes et les multitudes anomiques. Vous ne voulez plus des peuples ? Vous aurez les meutes et les tribus. Vous ne voulez plus des partis ? Vous aurez le despotisme de l’opinion ! »

Daniel Bensaïd, Éloge de la politique profane

 

Et dans ce cadre quelle est la situation du mouvement ouvrier : une dégradation du rapport de forces. Les courbes de la lutte de classes sont déclinantes. Nous sommes, aujourd’hui, en France, à un des points les plus bas depuis les années 1960. Les effectifs des organisations syndicales et des partis de gauche – toutes tendances confondues – reculent. La CGT (Confédération générale du travail), première organisation syndicale du pays, a connu une énorme crise de direction autour de problèmes de corruption. Pourtant les résistances sociales existent : luttes sur les salaires, sur l’emploi, manifestations d’enseignants, de soignants, des mobilisations écologistes. Toutefois, jusqu’à ce jour, elles n’ont pu bloquer les contre-réformes néolibérales et les attaques patronales. Pourtant, quand tous les verrous politiques et institutionnels sont bloqués, il peut y avoir des explosions sociales, mais comme l’indique la citation de Daniel Bensaïd, le problème, c’est le sens de ces explosions. La lutte de classes continue. Elle est aujourd’hui surtout menée par le patronat. Elle donne lieu à des résistances élémentaires, elle peut donner lieu à de brutales irruptions sociales. Le problème, c’est la traduction politique, en termes de conscience et d’organisation. Et là, il y a un vrai problème, dans la situation actuelle, en France.

 

Différence avec la Grèce et l’Espagne. Il n’y a pas de Syriza ou de Podemos en France, avec bien entendu les différences politiques et historiques entre les deux formations. Depuis 1995, il y a eu trois expériences politico-électorales et j’insiste sur la forme électorale de ces expériences. En 1995 avec Arlette Laguiller et Lutte Ouvrière ; en 2002 et 2007 avec la LCR – puis le NPA – et Olivier Besancenot ; et en 2010-2012, avec le Front de gauche et Jean Luc Mélenchon, qui ont obtenu en 2012 plus de 4, 5 millions de voix. Trois expériences qui ont montré les potentialités de réorganisation politique à la gauche de la gauche, mais aussi leurs limites et leur échec. Cela explique aussi l’espace laissé libre pour le Front National.

 

La gauche radicale est morcelée, en retrait, divisée sur ses rapports au PS. Le PCF s’est relancé avec le Front de gauche, mais il continue à décliner. Il compte moins de 40’000 membres. Il n’arrive surtout pas à rompre avec la direction du PS. Il refuse, certes de suivre le néolibéralisme de François Hollande et Valls, mais il est tout disposé à relancer une « union de la gauche » avec les Verts ou les opposants internes au PS, qui ont voté les principales contre-réformes du gouvernement. Mélenchon occupe une position plus à gauche, plus délimitée, que le Parti socialiste. Mais certaines de ses positions sont dominées par un nationalisme anti-allemand ou des sympathies pour Poutine dans le conflit ukrainien, ce qui complique les conditions pour discuter d’une alternative politique. Comment reconstruire une alternative sociale et politique anticapitaliste ? C’est la difficulté que nous avons, en essayant d’éviter les écueils sectaires ou les adaptations aux forces réformistes de gauche dominantes. Nous tentons d’y répondre :

 

  • par la construction de luttes ou de mobilisations sociales, en essayant d’obtenir des victoires partielles sur des questions sociales, en particulier sur les questions salariales, où il y a eu dans la dernière période, une série de luttes. Le terrain de la lutte démocratique contre tous les racismes comme le combat contre le FN – en particulier contre les effets de ses politiques discriminatoires dans les villes qu’il contrôle – doit être investi par les militant·e·s. En se saisissant de toutes les nouvelles configurations des mouvements sociaux : espaces urbains et pas seulement les usines, places, occupations. Dans les années quatre-vingt-dix, Daniel Bensaïd, mettait en garde contre « l’illusion sociale » et la sous-estimation des questions politiques. Aujourd’hui, tout en nous saisissant de tous les points d’appui politiques et institutionnels, il faut, plutôt se garder des « illusions politico-électorales », et rappeler que tout processus de transformation radicale doit s’appuyer sur l’auto-émancipation des travailleurs, leur auto-organisation, sur l’action directe ;
  • par une politique unitaire dans les luttes comme dans l’action politique pour rassembler toutes les forces qui rompent avec le PS. Ce n’est pas une coquetterie. Dans une situation de confusion, de rejet du PS, il faut, en même temps avancer un programme d’urgence anti-austérité à dynamique anticapitaliste et une démarcation nette vis-à-vis du PS, même si c’est difficile.
  • Nous n’avons pas d’expérience de type Syriza ou Podemos – même si, nous le soulignons, ces deux phénomènes ne sont pas identiques –, mais il y a une idée forte, c’est la nécessite de reconstruire un mouvement social et politique, neuf, extérieur aux vieilles organisations traditionnelles du mouvement ouvrier, une nouvelle représentation politique. Cela passe par une série d’action et de débats unitaires auxquelles nous ne sommes pas toujours préparés ou qui sont refusés par les sectaires.

 

 

- Eléments de conclusion…

La conjonction de la longue durée de la contre-réforme néolibérale commencée à la fin des années 1970 – approfondie avec la crise de 2008 —, les destructions du stalinisme, les effets du « bilan du siècle » pour le mouvement ouvrier, toutes tendances réunies, la réorganisation très partielle d’un nouveau mouvement, ses différenciations, ses fragmentations, tout cela concourt à la fin du mouvement ouvrier historique. Cela est lié à la fin d’un type de capitalisme qui a modelé ce mouvement ouvrier durant des décennies, d’une certaine manière à la fin d’une époque… Pas à la fin de la lutte de classes, qui continue, mais qui produira de nouvelles expressions, de nouvelles organisations, avec le croisement de segments de l’ancien et du nouveau.

 

Il faut donc participer à la reconstruction, dans une conjoncture de dégradation des rapports de forces, mais surtout dans une période historique transitoire, instable, dans une situation du « déjà plus » – le capitalisme d’après-guerre, le mouvement ouvrier du siècle dernier — et du « pas encore », des luttes sociales et politiques d’ampleur qui produisent de la politique mais surtout de nouvelles expériences de construction de mouvements sociaux et politiques.

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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 08:14
Le socialiste Liêm Hoang-Ngoc appelle les frondeurs à sortir du PS

L’ancien député européen, membre du bureau national sortant du PS, opte pour Syriza plutôt que Marceau Pivert.

 

Sources :  Politis.fr par Michel Soudais le 5 juin 2015

- Liêm Hoang-Ngoc invite ses camarades à rompre les rangs « pour poser les fondations d’une coalition avec les écologistes de conviction et le Front de Gauche ».

Cet économiste, ancien député européen et membre sortant du bureau national du parti socialiste, a publié ce midi une tribune en ce sens sur le monde.fr cosignée par le politologue Philippe Marlière, avec qui il avait créé l’an dernier le Club des socialistes affligés. Du point de vue de la motion B, que soutenait Liêm Hoang-Ngoc, le congrès de Poitiers est un échec, écrivent-ils :

« La fronde, a échoué. Le PS restera contrôlé par ceux qui n’entendent pas remettre en cause le virage néolibéral imposé par le chef de l’État. »

 

Ce congrès n’a pas non plus été le « congrès de clarification attendu », notent-ils, la direction ayant plagié les propositions économiques de son opposition pour ratisser large et éviter le débat.

 

 

- « L’aile gauche du PS est désormais au pied du mur » , estiment-ils.

Il lui faut choisir entre rester au Parti socialiste ou travailler à construire « une alternative attractive » avec EELV et le Front de gauche. C’est évidemment la voie pour laquelle plaident Liêm Hoang-Ngoc et Philippe Marlière. Cela serait « susceptible de remobiliser, dès les prochaines échéances électorales, le bataillon des électeurs socialistes qui s’abstiennent », écrivent-ils, et « déciderait peut-être » EELV et le Front de gauche « à dépasser leurs différends pour s’entendre, comme les 18 composantes de gauche qui forment Syriza en Grèce ».

 

 

- Si l’aile gauche du PS choisit de rester dans le vieux « parti d’Epinay à bout de souffle », elle ne parviendra pas à inverser le cours de l’histoire.

C'est en effet ce que prédisent les auteurs :

« Elle peut certes se prévaloir d’avoir exercer une influence relative dans la mesure où ses thèses ont fini par infuser le texte de la direction. Mais elle sait que la politique qu’elle recommande ne sera pas appliquée. En rentrant dans le rang, la gauche du PS est condamnée à servir de caution à une politique poussant les salariés à la déshérence électorale… et le candidat du PS à l’élimination au premier tour de la prochaine élection présidentielle. »

 

 

- Il y a un an, en conclusion d’un colloque des Socialistes affligés, Liêm Hoang-Ngoc était clair !

Il estimait en effet que les socialistes contestant la politique du gouvernement avaient le choix entre deux stratégies :

  • Celle de Marceau Pivert, le leader de historique de l’aile gauche de la SFIO, consistant à peser à l’intérieur du PS pour changer sa ligne et donc celle de la politique du gouvernement ;
  • Celle de Syriza qui impose de construire du neuf à côté et en confrontation avec le PS pour lui contester sa domination sur la gauche.


La stratégie de Marceau Pivert supposait qu’il soit possible de transformer le PS de l’intérieur. Une hypothèse que le congrès de Poitiers a totalement infirmée, jugent Liêm Hoang-Ngoc et Philippe Marlière.

 

Pour en savoir plus :

- PS : et la fronde s’en est allée…

- Les frondeurs du PS doivent fonder une coalition avec les Verts et le Front de gauche

- Pourquoi nous quittons le PS et pourquoi nous invitons nos camarades à ne plus y jouer les cautions de gauche

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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 08:09
Il faut en finir avec le PS

Sources : Reporterre le quotidien de l'écologie le 30/04/2015 par Hervé Kempf

Jusqu’à quand va-t-on parler de « la gauche » à propos du PS ? Jusqu’à quand cette immense tromperie va-t-elle se poursuivre ? Jusqu’à quand va-t-on confondre les électeurs « de gauche » avec le parti vers lequel ils portent leurs voix - de moins en moins, certes - parce qu’évidemment, on ne peut pas voter pour le Front national et pas davantage pour l’UMP ?

 

Il est temps, alors qu’une fois de plus, le gouvernement présidé par M. Hollande vient de prendre une déculottée électorale et d’ouvrir grandes les portes du pays au binôme Front National-UMP, de mettre un terme au hold-up opéré par les fidèles domestiques du néo-libéralisme sur « le peuple de gauche » - et sur les écologistes. De dire que le PS est devenu l’obstacle au renouveau de la politique, à une transformation écologique de la France et de l’Europe, à un avenir qui ne serait pas celui des matraques et de la chasse aux immigrés.

 

Est-il besoin de rappeler la politique constamment favorable aux grandes entreprises et aux banques menée par les gouvernements de MM. Ayrault et Valls sous la houlette de François Hollande ? La soumission sans broncher aux diktats d’une Commission présidée maintenant par l’ex-premier ministre du premier paradis fiscal du monde ? Une politique agricole soumise aux intérêts du président d’une multinationale agro-alimentaire, Avril-Sofiproteol ? L’acceptation sans hésiter du traité de libre-échange transatlantique, dit TAFTA ? Un assaut continu contre toutes les normes et règles environnementales ? L’obstination à imposer des grands projets inutiles, à Notre Dame des Landes, à Roybon, à Sivens ? L’usage délibérément violent d’une police contre les mouvements sociaux, et l’homicide d’un jeune militant écologiste ?

 

Le gouvernement n’est pas de gauche. Le PS n’est pas de gauche. Ce parti est devenu le supplétif du néo-libéralisme. Il est nuisible. Il a passé son temps historique. Il est temps d’en finir avec le PS.

 

 

- La grande convulsion de l’époque

Notre époque est entré en convulsion. Elle vit la sortie d’une révolution industrielle qui aura duré trois siècles, qui aura bouleversé le monde, mais dont les apports incontestables à l’humanité s’appuient sur un saccage écologique qui menace la possibilité d’une paix durable. Il s’agit de transformer notre relation à la nature, de combler l’inégalité insupportable qui divise l’humanité, d’apprendre la modération matérielle indispensable pour que neuf milliards d’humains co-existent en bonne entente.

 

Cette grande transformation forme le fond des choix politiques que nous avons à opérer. Elle est difficile. Et au fond, deux voies seulement s’offrent à nous : la voie écologique, et la voie du refus de la mutation. Il est clair que le PS a choisi cette deuxième voie. Et que l’espoir est du côté de l’écologie.

 

Malgré leur faiblesse politique, les écologistes représentent l’avenir. Ils doivent faire les bons choix. Qui passent aujourd’hui, en France, sur le plan politique, par la rupture avec le PS.

 

Il faut en finir avec le PS
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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 08:06
INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !

- Hollande Un propos indigne ! (parmi d’autres) Communiqué de Jean-Luc Mélenchon

Source :  le blog de Jean-Luc Mélenchon

En insultant le parti communiste des années 70, François Hollande oublie que c'était alors le programme commun qui conduisit à la grande victoire de 1981.

 

Son propos est d'une totale bassesse et indigence, indigne d'un président élu aussi par les communistes.

 

 

- Réactions du PCF

"Quand Hollande compare le FN au ’PCF des années 70’, sa faute est double. À l’égard des militantes et militants communistes. Mais c’est aussi une lâcheté intellectuelle face au FN d’aujourd’hui", a dénoncé sur Twitter Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, jugeant "navrante" et "pas à la hauteur" cette sortie de M. Hollande.

 

"La comparaison que Hollande vient de faire entre le FN et le PCF des années 70 est indigne et inepte", a de son côté réagi sur ce même réseau social Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris. "En parlant ainsi, Hollande contribue à dédiaboliser encore un peu plus le FN. C’est une faute politique et une faute morale", a-t-il fustigé.

 

 

- Hollande compare Marine Le Pen à "un tract du Parti communiste des années 1970", le PCF voit rouge

Sources :  Le Huffington Post

Le parti communiste voit rouge. Plusieurs responsables du PCF se sont indignés dimanche 19 avril de la comparaison faite par François Hollande entre Marine Le Pen et un "tract" communiste des années 70.

 

"Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 (...) sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu'on chasse les étrangers, qu'on fasse la chasse aux pauvres", a déclaré le chef de l’État, lors de l'émission "Le Supplément" sur Canal+.

 

Le numéro un communiste Pierre Laurent a même demandé lundi "des excuses publiques" à François Hollande. "Je suis scandalisé" par cette phrase qui est "lamentable", a déclaré sur France2 le secrétaire national du PCF. "C'est la seule chose que le président de la République a trouvé à répondre à des électeurs qui lui disaient leur désarroi dans un reportage qui dénonçait ses trahisons par rapport à ses promesses de 2012!", a déploré Pierre Laurent.

 

Le secrétaire national y voit "un aveu" de François Hollande qui "a décidé de tourner le dos à ses électeurs plutôt que de répondre à leurs urgences sociales". "Nous, nous n'avons pas renoncé", "le Parti communistes des années 70 comme des années 2000, lui, il continue le combat contre la finance", même si "nous avons changé beaucoup de choses" depuis ce temps.

 

Pour en savoir plus :

- Hollande et "l’odieuse insulte" faite au PCF

- Les InRocKs : Pourquoi la comparaison FN / “PCF des années 70″ n’a aucun sens

- Roger Martelli : « L’amalgame PCF-FN est une infamie »

- Ça ressemblait à quoi un tract du PCF dans les années 70 ?

- On est allé à Bobigny fouiller dans les archives du PCF

INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !
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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 08:02
Au PS, la laïcité se forge à l’école privée

Source : Le blog de François Cocq par François Cocq, Secrétaire national à la politique territoriale et à l’éducation du parti de Gauche

- « Il faut développer les enseignements scolaires privés sous contrat ».

Telle est la sinistre proposition qui figure dans le rapport sur la « cohésion républicaine » présenté le 1er février par les responsables du Parti Socialiste devant les secrétaires de sections réunis à Paris. Et Laurent Dutheil, secrétaire national du PS à la laïcité et aux institutions d’enfoncer le clou dans un communiqué daté du 26 février en appelant au «développement de l’enseignement privé confessionnel musulman ». Désormais, pour le PS, la laïcité se résume donc à l’égalité de traitement des religions, sans se soucier du principe d’organisation sociale qui doit régir la place de ces dernières. Jaurès reviens, ils sont devenus fous !

 

La formulation officielle de ce qui constitue une rupture majeure et manifeste avec l’histoire de la pensée socialiste mérite qu’on s’y arrête. En réponse aux assassinats politiques des 7, 8 et 9 janvier, le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis avait appelé à une convention qui se tenait à Paris le 1er février devant l’ensemble des secrétaires de section. Dans ce cadre, trois rapports étaient présentés : l’un sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme, le deuxième sur la coordination européenne en matière de lutte contre le terrorisme, et le troisième, cheveu sur la soupe, sur la préservation de la cohésion républicaine.

 

  • C’est donc dans ce dernier (à lire ICI) que figure la proposition qui nous intéresse (le reste méritera aussi qu’on y revienne tant les reniements et trahisons républicaines volent au PS en escadrille).

 

Présenté par Laurent Dutheil, le rapport sur la “cohésion républicaine” rassemble tout le spectre de ce que le PS compte comme chapelles. Voyez plutôt les signataires : Alain Bergounioux, Florence Augier, Ericka Bareigts, Jean-Louis Bianco, Colombe Brossel, Sylviane Bulteau, Luc Carvounas, Marie Colou, Kamel Chibli, Karine Gloanec-Maurin, Elsa di Méo, Samia Ghali, Estelle Grelier, François Kalfon, Marc Mancel, Emmanuel Maurel, Sandrine Mazetier, Claude Roiron, Isabelle This-Saint-Jean, Yannick Trigance. Des valssistes qui rédigent l’épitaphe du PS, aux prétendus gardiens de l’héritage socialiste au sein du parti,, ils sont tous là ! Celles et ceux qui considèrent que le Parti Socialiste est divers et que, dans ses instances, des courants structurés représentent plus d’intérêt et de perspectives que d’autres en seront pour leurs frais. Pauvres militant-e-s sincères salis par les vilénies de leurs chefs…

 

 

- Sur le fond maintenant.

On se souvient des propositions scandaleuses formulées mi-janvier par Jean-Louis Bianco sous couvert de l’Observatoire de la laïcité qu’il préside et qui avaient poussé plusieurs de ses membres à se désolidariser de ces annonces. Parmi celles-ci, outre “le recrutement d’aumôniers musulmans dans les prisons”, on retrouvait déjà “le soutien à la creation d’établissements privés de théologie musulmane et de formation à l’islamologie” et “la prise en compte de toutes les pratiques convictionnelles et confessionnelles présentes sur le territoire de la république”. Comme une synthèse, Jean-Louis Bianco est de ceux qui avec le rapport sur la “cohésion républicaine” affichent aujourd’hui leur volonté de voir se développer l’enseignement privé confessionnel.

 

Il faut à ce stade s’arrêter sur la formulation initiale du rapport. La proposition de “déveloper les établissements scolaires privés sous contrat” a beau s’insérer dans la partie du document intitulée “Se pose enfin la question de l’islam français”, elle n’en est pas moins rédigée sous la forme d’une proposition générale qui englobe les enseignements privés sans même évoquer leur caractère confessionnel et/ou marchand. C’est bien l’enseignement scolaire privé sous contrat en tant que tel qui est promu par les rédacteurs comme une alternative, ou pour le moins un complément utile et nécessaire, à l’école publique ! On sait dans l’histoire du mouvement ouvrier que c’est par l’écrit que l’on entérine des modifications dans le champ des idées. Le propos est ici trop grave et trop décisif pour croire qu’il ne s’agirait que d’une maladresse rédactionnelle.

 

 

- Avant même que de s’aventurer dans le champ du religieux, le PS marque donc une rupture profonde avec le principe général de laïcité et sa déclinaison pour l’Ecole de la République.

Ainsi Jaurès, en 1910 dans sa célèbre intervention « Pour la laïque » à la chambre des députés, affirmait « qu’il pouvait être du droit de l’Etat d’organiser un service public national de l’enseignement » en précisant immédiatement : « J’entends un service national où seraient appelés tous les enfants de France ». « Tous » les enfants de France…Reprenant Proudhon, Jaurès explicitait en quoi l’éducation, dans sa visée universaliste et émancipatrice, doit garantir à l’enfant un cadre qui soit tout à la fois commun à toutes et tous, mais aussi préservé des velléités restrictives qui peuvent s’opérer au nom du dogme, qu’il soit religieux ou marchand : « L’enfant a le droit d’être éclairé par tous les rayons qui viennent de tous les côtés de l’horizon, et la fonction de l’Etat, c’est d’empêcher l’interception d’une partie de ces rayons ». Voilà qui lui permettait de conclure : « Je ne crois pas qu’il y ait d’objection de doctrine, d’objection de principe à ce que l’enseignement national pour tous soit organisé ». Là où Jaurès étayait sur le fond la question du monopole de l’éducation, le PS de 2015 de l’après Charlie se dresse face à lui pour promouvoir l’enseignement privé face à l’Ecole publique de la République et provoquer ainsi l’éclipse de l’humanisme universel…

 

  • La formulation complémentaire apportée par le secrétaire national du PS Laurent Dutheil dans son communiqué du 26 février (à lire ICI) n’y change rien.

 

Au contraire, elle approfondit la redéfinition de la laïcité à la sauce PS. Celui-ci prône en effet «le développement de l’enseignement privé confessionnel musulman ». L’enseignement privé dont il est question est cette fois précisé : il s’agit bien de l’enseignement confessionnel musulman. Est-ce à dire que le PS se fait le chantre de celui-ci ? Non bien sûr. Mais ce que recouvre cette proposition, c’est le passage d’une laïcité où l’Etat ne reconnait ni ne salarie aucun culte comme le veut la loi de 1905 à une pseudo-laïcité où les religions doivent bénéficier d’une égalité de traitement. Les religions sortent ainsi du seul champ spirituel et sont de fait reconnues comme des acteurs temporels à même de prendre en charge ce que certains appellent des « droits-créances » pour l’Etat comme le droit à l’éducation (pour ma part, et vous m’excuserez cette digression sur laquelle je reviendrai, un droit créance n’est rien de plus que la résultante des droits naturels de liberté et d’égalité et c’est pourquoi je considère cette réintroduction politique du religieux comme une atteinte au principe même du droit naturel si vaillamment défendu par Maximilien Robespierre).

 

 

- Concrètement, le PS promeut un financement public étendu pour les établissements scolaires privés et notamment ceux à caractère confessionnel.

Là où l’argent public devrait aller à la seule école publique, celle de toutes et tous, le PS propose de rajouter à la manne de 9 milliards d’euros annuels distribués à l’enseignement privé, il est vrai à 90% confessionnel et catholique, le nécessaire pour développer l’enseignement privé musulman. C’est l’égalité des chances des religions en somme !

 

Mais c’est justement sur ce terrain que Jaurès devrait revenir jouer la mauvaise conscience des ex-socialistes du PS. Jaurès n’était pas qu’un penseur. Il partait du réel et des rapports de force pour construire un cheminement politique. C’est pourquoi après avoir montré le point d’arrivée dans son discours « Pour la laïque », il concluait celui-ci en donnant le manuel pour engranger des victoires immédiates comme autant de points d’appui. Pour Jaurès, « la question scolaire rejoint la question sociale » et il engage le gouvernement à se donner les moyens d’accueillir tous les enfants dans des conditions de réussite : « Comment aurions-nous le droit de recruter, même par la loi, des écoliers nouveaux si nous laissons des classes de 60, 70 élèves ? Comment le pourrions-nous si nous n’avons pas le courage de pousser jusqu’à 14 ans la scolarité (NDA : lire aujourd’hui 18 ans) »?  Que préconisent pourtant les vaillants solfériniens d’aujourd’hui sinon distribuer au privé l’argent que n’a pas l’école publique ?

 

 

- Comme souvent en pareil cas, PS et gouvernement sont les deux jambes d’un même fantôme qui marche à reculons.

Le PS n’avait pas sitôt digéré son renoncement en la matière que Bernard Cazeneuve, sous couvert de la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem, reprenait la balle au bond : « L’enseignement privé confessionnel musulman doit pouvoir se développer dans le respect des principes républicains. (…) Ces établissements peuvent conclure des contrats d’association. » Où quand les renoncements socialistes forgent les ruptures d’Etat…

 

Le Parti socialiste démantèle chaque jour un peu plus les cadres qui définissent l’ideal d’un humanisme universel et émancipateur. Nul adhérent du Parti socialiste ne doit aujourd’hui ignorer la trahison de notre histoire commune sauf à adhérer à la nouvelle pensée en restant dans ce corps sans vie. Jaurès terminait quant à lui à la chambre par cette sentence : “Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous n’oublierons ni l’une ni l’autre, et, en républicains socialistes, nous lutterons pour toutes les deux”. Indubitablement, le PS ne peut prétendre aujourd’hui ni à la filiation républicaine, ni à la filiation socialiste.

 

- A lire du même auteur :

Quand les banques sont invitées à venir endoctriner à l’école !

- Tous les textes de cet auteur relatifs à l'école : ICI

 

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30 novembre 2014 7 30 /11 /novembre /2014 19:32
Reconnaissance de l'Etat palestinien : F. Hollande doit respecter la volonté du peuple portée par le parlement !

Le 27 novembre 2014 - modifié le 31 décembre 2014

- Aprés l'Assemblée Nationale, le Sénat dit "oui" à la reconnaissance de l'Etat palestinien

Après les députés qui, le 28 novembre se sont prononcés pour la reconnaissance d'un État palestinien par la France, ce sont les sénateurs qui avaient, le 11 décembre, à se prononcer sur le vote de cette résolution défendue par les socialistes, les écologistes et les communistes.

  • Le vote :

Nombre de votants : 323

Nombre de suffrages exprimés : 299

Majorité absolue : 150

- Pour l’adoption : 153 (majoritairement de gauche)

- Contre : 146 (centristes ; UMP)

Détail du vote (Analyse par groupes politiques) ICI

 

Seuls les groupes communiste républicain/citoyen et écologistes ont fait le plein pour la résolution, les socialistes se disperçant entre le vote pour, la non prise part au vote et l'abstention.

 

Même si le gouvernement n'est absolument pas tenu, d'un point de vue juridique, de réagir à l'adoption de cette résolution, Hollande doit avoir le courage de reconnaître la Palestine !

 

 

- Explication de vote des députés PCF Front de Gauche le 28 novembre

Le 2 décembre, François Asensi député GDR (PCF Front de Gauche) de la 11ème circonscription de Seine-Saint-Denis défend la reconnaissance de l'État palestinien par la France. C’est un impératif pour réparer l’injustice faite aux Palestiniens depuis plus de 60 ans et aboutir enfin à une coexitence pacifique au Moyen-Orient.

 

Il rappelle que le Front de Gauche avait déposé dès 2012 une proposition de résolution appelant à reconnaître l’Etat Palestinien, qu'il a lui-même interrogé le ministre des Affaires étrangères trois fois sur ce sujet lors des questions au gouvernement.

 

- L'Assemblée Nationale dit "oui" à la reconnaissance de l'Etat palestinien

  • L'Assemblée Nationale a adopté ce jour 2 décembre 2014 à une large majorité, en dépit de l'opposition de la droite, la résolution socialiste sur la reconnaissance de l'Etat palestinien
  • Le vote :

Nombre de votants : 506

Nombre de suffrages exprimés : 490

Majorité absolue : 246

- Pour l’adoption : 339 (15 communistes FdG ; 279 socialistes ; 18 écologistes ; 11 radicaux ; 4 centristes ; 9 UMP ; 3 non inscrits)

- Contre : 151 (1 socialiste ; 14 centristes ; 136 UMP)

 

La résolution invite simplement l'éxécutif à "reconnaître l'Etat de Palestine en vue d'obtenir un réglement définitif du conflit". C'est pourtant un acte historique que les députés français viennent d'accomplir car il ouvre la voie de la reconnaissance d'un État palestinien par la France.

 

 

- Les réactions au proche orient

La réaction d'Israël n'a pas tardé. Mardi, quelques minutes à peine après l'adoption par l'Assemblée nationale d'une résolution demandant la reconnaissance par la France d'un Etat de Palestine, le gouvernement israélien, via son ambassade en France, a expliqué que ce vote allait «éloigner les possibilités d'arriver à un accord» de paix avec l'Autorité palestinienne.

 

A l'inverse, de nombreux Palestiniens ont dit de leur satisfaction. Le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Malki a ainsi indiqué «remercier le Parlement et le peuple français». Hanane Achraoui, une dirigeante de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), a exprimé dans un communiqué «sa gratitude au peuple français» et appelé «le gouvernement français à traduire le vote de son Parlement en acte».

 

 

- Quels sont les pays qui ont déjà reconnu l'État palestinien ?

 

 

- 30 décembre 2014 : le Conseil de Sécurité de l'ONU se prononce

La Jordanie a présenté mardi 30 décembre au Conseil de sécurité un projet de résolution palestinien. Soumis au vote, ce projet n'a pas été adopté : 8 votes favorables (dont celui de la France), 2 contre et 5 abstentions.

- Explication de vote de M. François Delattre, représentant permanent de la France auprès des Nations unies

- Israel-Palestine : les Etats-Unis bloquent l'espoir de paix à L'ONU

 

 

 - 7 janvier 2015 : l'ONU accepte la demande d'adhésion de la Palestine à la Cour pénale internationale

C'est une victoire pour la Palestine, qui prend désormais une place plus forte sur la scène internationale. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a accepté, mercredi 7 janvier, la demande d'adhésion des Palestiniens à la Cour pénale internationale (CPI).

Cette décision va permettre au tribunal de La Haye, qui a pour mission de poursuivre les auteurs de génocides, crimes contre l'humanité ou crimes de guerre, d'enquêter à partir du 1er avril (date effective de cette adhésion) sur les allégations de crimes commis dans les territoires palestiniens.
En savoir plus
ICI

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Palestine

- Le Parti de Gauche : La France doit reconnaître l’Etat de Palestine

- Appel du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens

- Palestine, Israël : entretien avec Julien Salingue

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19 octobre 2014 7 19 /10 /octobre /2014 09:15
Comment peut-on être socialiste ?

Comment fonctionne le petit monde des militants et des élites PS ? En disséquant la « société des socialistes », Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki dressent le portrait à la fois sombre et pathétique d’un parti recroquevillé sur lui-même, au grand désespoir de ses militants.

 

Sources : La Société des socialistes[1]. le PS aujourd'hui, Rémi Lefebvre et Frédéric Sawiki[2]

- « Il faut avoir le cœur bien accroché pour rester au ps. »

Michel, l’auteur de ce propos, est bien placé pour le savoir : il est militant socialiste à Lille. Propos paradoxal, mais que le lecteur fera sans doute sien s’il lit jusqu’au bout le très riche essai que Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki ont consacré au Parti socialiste. Sans parti pris, les deux politistes dressent, à coups de statistiques, de rappels historiques et d’une enquête de terrain, un tableau clinique très sombre du principal parti de la gauche française. Partant de la conviction que « pour comprendre ce que font et disent les socialistes, il faut comprendre ce qu’ils sont et la société qu’ils forment », ils décrivent un parti de plus en plus hermétique, homogène socialement et ayant du mal à avoir une vision de la société et une ligne idéologique claires. Ils rejoignent en cela les critiques ordinairement adressées au PS, mais en montrant, grâce à leur vaste information, les mécanismes ordinaires, quotidiens, qui font de la « société socialiste » ce qu’elle est aujourd’hui.

 

Le début de l’ouvrage, qui retrace l’histoire du socialisme français, rappelle tout d’abord quelques faiblesses structurelles du PS. S’il a, sur les vingt-cinq dernières années, gouverné le pays pendant quinze ans, il est, parmi les partis sociaux-démocrates européens, l’un des plus faibles en termes de scores électoraux (27,8 % en moyenne au premier tour des législatives entre 1981 et 2005). Joue ici la spécificité de la situation française, notamment un Front national à 8-10 % des électeurs inscrits et une extrême gauche encore vivace. Reste que, contrairement à l’Allemagne ou à l’Angleterre, le socialisme français a toujours eu du mal à s’arrimer aux classes populaires (la CGT refusant notamment, dès la naissance de la SFIO en 1905, toute collaboration). Il n’a pas réussi à s’imposer à gauche comme l’avait fait le PC avant lui.

 


- Le socialisme français n’a donc jamais été complètement « populaire ».

Mais cela n’empêche pas le PS d’aujourd'hui d’être marqué par une fermeture inédite aux groupes sociaux situés en bas voire au milieu de l’échelle sociale. Au sein des élites notamment (élus, membres du Conseil national et des cabinets ministériels), qui, de plus en plus, ont été recrutées au sein des classes supérieures et, en large majorité, dans la fonction publique. Mais le constat vaut aussi pour les militants qui s’embourgeoisent, avec un très faible recrutement au sein des classes populaires (5 %), des salariés précaires (4 %) et des chômeurs (3 %). 59 % des adhérents appartiennent au secteur public. Le vieillissement est particulièrement inquiétant : l’âge moyen de l’adhérent socialiste est de 55 ans, et seuls 14 % d’entre eux ont moins de 40 ans.

 

Déjà peu représentative, la société des socialistes se replie un peu plus sur elle-même à cause de la rétractation des réseaux que le PS avait tissés au cours des années 1970 avec d’autres organisations ou mouvements, et qui lui offraient un « ancrage social » significatif. Ainsi du « monde » laïc et de ses figures de proue, les instituteurs, qui se font de plus en plus rares dans un PS où la cause laïque (lutte contre l’école privée et pour l’élitisme républicain) a été « ringardisée ». « Avant, la laïcité, c’était une fierté et une évidence… Maintenant c’est un défaut, on me traite de laïcarde », témoigne une élue socialiste. Idem pour le lien avec l’extrême gauche étudiante, qui avait pourtant fourni un certain nombre de figures actuelles du PS (Lionel Jospin, Julien Dray, Henri Weber…), mais que la pratique du pouvoir a défait, pour ne laisser place qu’à une « détestation croisée bien établie ». Le monde associatif s’est lui professionnalisé (la dimension militante passant au second plan) alors que le PS ne promouvait guère ceux qui militaient dans les deux sphères. Les syndicats, enfin, se tiennent désormais à distance du politique – la CFDT notamment qui, échaudée par ses expériences passées avec le PS, proclame sa neutralité (« ni de gauche, ni de droite »).



- R. Lefebvre et F. Sawicki insistent sur le fait que ce sont ces liens rompus et la faible implantation du PS qui « (accroissent) la volatilité de l’électorat socialiste

Cette réalité condamne le PS à faire fluctuer sa ligne idéologique ». Cela éclaire aussi les raisons de l’usage intensif des sondages : « Faute de réseaux puissants irriguant la société, les élites socialistes sont de fait conduites à s’appuyer sur des formes de production non “mobilisées” de l’opinion publique comme les sondages. » Et ce n’est sans doute pas non plus un hasard si la vision socialiste de la société dénie toute conflictualité sociale (« ouvrier » est un terme rare au PS) pour se nourrir avant tout des travaux sociologiques sur l’individu et les valeurs postmatérialistes (François de Singly, Marcel Gauchet) qui dessinent des individus « entrepreneurs de leur propre vie », selon l’expression, d’Alain Ehrenberg, qui fait florès.

 

De fait, les militants d’origine populaire se font rares, ce que les deux politistes expliquent aussi par la généralisation, au sein du PS, d’une « culture du débat » qui valorise la réflexion collective, la libre expression des militants. Or cette « intellectualisation », en faisant appel aux ressources culturelles personnelles, en technicisant le débat et en dévalorisant le rapport populaire au parti fait de remise de soi et de loyalisme, favorise la relégation des militants les plus modestes. Une militante ouvrière témoigne ainsi : « On n’avait pas besoin de discuter, de débattre parce qu’on avait tous les mêmes idées… Je vois bien dans les réunions maintenant, ils passent leur temps à faire des grands débats intellectuels, y en a qui sont jamais d’accord… »

 

Ce sont les pratiques les plus ordinaires du militantisme (tractage) qui sont ainsi dévalorisées mais aussi, par conséquent, les dimensions collectives et identitaires de l’appartenance partisane (nuits de collage d’affiches, fêtes de sections) qui se perdent. Etonnamment, le PS semble tolérer, voire encourager, un militantisme distancié. La conséquence en est que la dimension cynique des comportements prend une place prépondérante au sein du parti, où « le militant est un loup pour le militant », selon André (40 ans de parti). Un « univers hobbesien », donc, où l’on « ne s’aime pas, ou peu » et où « rapporter les prises de positions des militants aux positions dans l’espace partisan relève d’un quasi-réflexe (...) ». Certes, rappellent les auteurs, le cynisme en politique ne date pas d’aujourd’hui, mais la nouveauté est que la concurrence touche toute la communauté militante, du sommet jusqu’à la base, et que la « lutte pour les places », contrairement à d’autres milieux militants, y est peu déniée. Selon un militant de Villeneuve-d’Ascq, « y a pas beaucoup de fraternité dans le parti, c’est un milieu très dur. Les amitiés sont jamais durables. Y en a qui vendraient leur mère ».
 


- Difficile donc de « militer au ps et d’y rester tant intérêts, croyances et convictions, dispositions, ajustements à l’institution s’y articulent difficilement ».

Cela explique, selon les deux chercheurs, une certaine forme de « malheur militant » qui, dans les entretiens qu’ils ont menés, s’exprime à travers les registres de l’insatisfaction (« on ne s’y retrouve pas »), de la déception, de la frustration (« il n’est pas facile de militer »). Malgré tout, et malgré leur grande lucidité, les militants semblent peu enclins à la défection, sans doute parce que, toujours à cause de la rétractation des réseaux socialistes, il est désormais difficile de reconvertir son militantisme socialiste. On voit donc se multiplier les formes de « distance à l’engagement » : ne pas voter socialiste aux élections, voter « oui » à la Constitution européenne lors du référendum interne pour ne pas cautionner Laurent Fabius en se promettant de voter « non » dans l’urne, adhérer à Attac ou encore, dans un autre registre, afficher délibérément son cynisme et valoriser la distance critique en raillant « l’engagement total » du militant de base…

 

C’est au final un portrait quelque peu pathétique du PS que dessinent R. Lefebvre et F. Sawicki. Un PS incapable d’affirmer ce qu’est être socialiste aujourd’hui – « on ne sait plus pourquoi on est socialiste », répètent les militants – et donc « condamné à décevoir ». Y a-t-il néanmoins des raisons d’espérer ? Les deux chercheurs en voient dans l’histoire du PS qui, dans les années 1970, avait réussi sa rénovation en redonnant leur place aux militants, en limitant les mandats, en s’ouvrant aux autres organisations… Reste qu’un tel élan se fait attendre, au risque de faire perdre leurs dernières illusions aux militants. Un risque que résume cette formule attribuée à Pierre Mauroy : « Si les dégoûtés s’en vont, ne resteront plus que les dégoûtants. »

 

Notes

[1] Editions "Le Croquant", 2006, 255 p., 18,50 €. Xavier Molénat Mis à jour le 15/06/2011

[2] Rémi Lefebvre et Frédéric Sawicki sont professeurs de science politique à l’université Lille-II, membres du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Céraps). R. Lefebvre a dirigé (avec Christian Le Bart) La Proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques, Presses universitaires de Rennes, 2005. F. Sawicki a notamment publié Les Réseaux du parti socialiste. Sociologie d’un milieu partisan, Belin, 1997.

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 11:37
Hyperincinérateur de Rochefort : Ségolène Royal abdique devant Vinci

Sources :  Médiapart

Tandis qu'elle affirme spectaculairement ses prérogatives de ministre de l'Écologie, sur le gaz de schiste notamment, étrangement, en son fief de Poitou-Charente, Ségolène Royal cède à Vinci qui veut y construire un hyperincinérateur ! Un projet démentiel contre lequel la population manifestait samedi, dans les rues de Rochefort (17). Reportage et enquête sur une lutte emblématique contre un des « Grands projets inutiles et imposés ».

 

Place Colbert, à Rochefort, où Jacques Demy tourna de nombreuses scènes des Demoiselles de Rochefort (Joël Anselme)Ils sont plus de 2000 à répondre à l'appel de Pays Rochefortais Alert' [1], l'association qui fédère les oppositions au projet d'incinérateur géant du groupe Vinci. « On est malgré tout étonnés du succès », se félicite Roland Lopez, un des animateurs de l'association, « nous sommes plus nombreux encore que lors de la grande manifestation de mars dernier ! »
Place Colbert, à Rochefort  (Joël Anselme)
 

Faut dire que les militants de l'association n'ont pas ménagé leurs efforts : des dizaines de milliers de tracts distribués à Rochefort (25 000 habitants) et alentours (dans les boites aux lettres, aux carrefours, aux marchés, etc.), une réunion publique d'information, en septembre, qui fait salle comble ... En une année d'existence, Pays Rochefortais Alert' rassemble plus dun millier d'adhérents. Capable de mobiliser la population, de collecter 30 000 euros pour attaquer en justice et de développer expertises et contre-projets, elle est le levain d'un mouvement citoyen avec laquelle le lobby de l'hyperincinérateur doit compter.

 

Le futur hyperincinérateur serait à Échillais ,sur la carte juste en-dessous de Rochefort (DR)Le futur hyperincinérateur serait à Échillais ,sur la carte juste en-dessous de Rochefort (DR)

 

Sous la lumière resplendissante de la Charente-Maritime, sur la place Colbert, bordée de demeures aux façades néoclassiques, , la foule rassemblée s'ébranle pour un périple de trois heures dans la ville. Au son du clairon, trompettes, caisses claires, tam tam, poêles à frire, percussions de boites de conserves et bouteilles en plastique, retentissent les slogans : « Non, non, à l'incinérateur ! », « De l'air pour les générations futures ! », « Trop fiers pour être la poubelle du 17 ! »...

 

L'ambiance est joyeuse mais grave aussi car chacun des manifestants est conscient que Vinci est à deux doigts de réussir son coup. Son projet, porté par le syndicat intercommunautaire du littoral (SIL) qui regroupe cinq communautés d'agglomération (200 000 habitants, le tiers de la population de Charente-Maritime), est de construire un hyperincinérateur des déchets ménagers à Échillais, sur la rive sud du fleuve Charente, en face de Rochefort-sur-mer (17). Il n'attend plus que le feu vert de la préfète. Laquelle, militante de l'UMP et ardente zélatrice du projet Vinci, a les mains libres depuis qu'en septembre, Ségolène Royale, remisant ses prérogatives de ministre de l'Écologie, lui a donné carte blanche.

Chacun des 3000 manifestants est conscient que Vinci est à deux doigts de réussir son coup (Céline Lemoine)

« Si Ségo ne fait rien, qui fera quelque chose ? » interrogent Paloma et Angela, deux lycéennes en terminale, . « C'est un peu lâche » jugent-elles. Pourtant, tout commence bien quand, en juin dernier, Ségolène Royal ordonne à la préfecture de bloquer le dossier. « L’incinération est une technique complètement dépassée », proclame-t-elle alors. Insistant sur le fait qu'il existe des solutions « plus intelligentes et plus respectueuses de l’environnement », elle vante les bienfaits de l’économie circulaire et demande à 20 collectivités de s’engager dans la démarche Zéro déchet.                                                                                                                      

 

Étrangement, au fil des semaines, le discours de la ministre de l'Écologie s'édulcore. Ce que Anne, enseignante en micro-biologie venue de Surgères (17), résume ainsi : « Elle change beaucoup d'avis, c'est difficile de connaître sa position. »

 

Et puis, le 30 septembre, interpellée sur France Inter [2] par un auditeur qui lui reprochait « de ne pas se bouger beaucoup par rapport à la préfète qui doit donner son autorisation d'exploitation du super-incinérateur », Ségolène Royal a cette réponse pour le moins extravagante de la part d'une ministre, par ailleurs notoirement jalouse de ses prérogatives : « Je ne suis pas favorable aux incinérateurs, je considère qu'il y a d'autres solutions (...) si j'étais élue de ce territoire, jamais je ne ferais d'incinérateur. » Pour conclure qu' « on est dans une démocratie (…) les citoyens choisissent leurs élus, les élus prennent des décisions, moi mon rôle de ministre est de leur dire qu'il y a d'autres solutions. »

 

« Le risque est d'autant moins acceptable qu'il existe des alternatives à ce projet d'hyperincinérateur ! » (Joël Anselme)« Je me suis dit : encore un bel exemple de langue de bois ! » s'énerve Jérome, ingénieur en biologie marine, venu manifester avec ses collègues de travail. « Elle a d'abord dit qu'elle était contre mais elle laisse les élus et la préfète faire le job, ça m'a paru bizarre. » Pour Christophe, père au foyer, « Ségolène Royal dit : “je suis contre le projet d'incinérateur et je vous soutiens ” (du bout des lèvres), mais sans rien faire, c'est un peu trop facile, elle dit blanc et noir en même temps , ce n'est pas une position politique ! » « J'espérais qu'elle aurait un peu plus de cran ! », s'exclame Jean-Loup, jeune retraité rochefortais.
 

 « Peut-être a-t-elle peur des représailles ? » s'interrogent nos deux lycéennes. Roland Lopez, de Pays Rochefortais alert', également élu d'opposition à Échillais (sans étiquette) et l'unique élu du SIL qui soit hostile au projet Vinci, note que le revirement de Ségolène Royal date de quelques jours avant sa reconduction dans ses fonctions de mi-

« Le risque est d'autant moins acceptable qu'il existe des

alternatives à ce projet d'hyperincinérateur ! » (Joël Anselme)

 

nistre, le 25 août, à l'occasion du remaniement gouvernemental : « Nous on pense qu'elle a reçu l'ordre de minorer sa position sur ce dossier. » Ségolène Royal, chantre de la « bravitude » n'aurait été reconduite à son poste de ministre de l'Écologie par Manuel Vals et François Hollande qu'à condition de laisser la voie libre au projet d''hyperincinérateur de Vinci ?

Au moment où se discute la loi sur la transition énergétique...
Au moment où se discute la loi sur la transition énergétique...

 

À moins qu'il ne s'agisse d'un troc sordide : on se souvient qu'en opposant son véto au projet d'autoroute A 831 qui devait dévaster le marais poitevin, la ministre de l'Écologie a déclenché la foudre des élus. Sollicité par ces derniers, Manuel Valls avait tranché en leur faveur... Au final, le projet d'autoroute serait effectivement abandonné mais, en contre partie, Vinci sauverait son hyperincinérateur ?...

 

Ainsi la Charente-Maritime a-t-elle elle aussi son « GPII », sinistre acronyme qui désigne les Grands projets inutiles et imposés, qui se multiplient en France et en Europe. Comme l'écrivait à leur propos Alain Devalpo, dans un pamphlet à l'humour grinçant : « Pour paraphraser George Orwell, dont l’un des personnages déclarait : “La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force” », je n’hésiterai pas à l’affirmer : l’inutile, c’est rentable ! » [3]

 

« On n'en a pas besoin » s'exclament Paloma et Angela. Pour elles l'hyperincinérateur est « une invitation à produire encore plus de déchets ». Bénédicte, professeur d' histoire géographie, est là surtout pour « mon enfant (dans la poussette, avec elle), mes élèves et tous les enfants du Pays rochefortais : « En les regardant, je me suis senti obligée de faire quelque chose. »

 

L'hyperincinérateur aggraverait la pollution d'une zone humide particulièrement fragile (DR)L'hyperincinérateur aggraverait la pollution d'une zone humide particulièrement fragile (DR)

 

Le projet Vinci prévoit la destruction des deux incinérateurs actuels (l’un situé à Oléron datant de 1975, l’autre construit en 1990 déjà à Échillais) qui seraient remplacés par un hyperincinérateur pouvant brûler 75 000 tonnes de déchets par an. « Pourquoi détruire deux incinérateurs dont l'un, celui d'Échillais, vient d'être remis aux normes à grands frais, en 2005, et est classé comme le deuxième incinérateur le plus performant de France pour ses qualités thermiques ? » interroge Pays Rochefortais Alert'.

 

Pour Christophe, « c'est tellement pas le sens de l'histoire que même sans rien savoir on ne peut qu'être contre, et quand on sait que l'avenir c'est diminuer et valoriser déchets ! »« En tablant toujours sur 350 kg de déchets par an et par habitants dans dix ans, le SIL explique la nécessité d'un gros incinérateur », rappelle Roland Lopez. Or si « on trie bien ses déchets, c'est 30 à 40 % de poubelles en moins, et si on trie aussi bien tous les plastiques, emballages compris, c'est 40 à 60 % en moins. La solution est là », explique Xavier Boulard, l'un des animateurs de Pays Rochefortais Alert'. [4] Souriants sous le soleil, Yannou et Éliot, collégiens, soulignent avec bon sens qu' « on paie pour polluer mais si chacun faisait un effort on pourrait polluer moins pour payer moins ! »

 

L''usine passerait de 2 000 m2 actuellement (en vert) à plus de 20 000 m2 et sa hauteur de 16 mètres à 42 mètres (à droite)L''usine passerait de 2 000 m2 actuellement (en vert) à plus de 20 000 m2 et sa hauteur de 16 m à 42 m (à droite)

 

Pharaonique, le projet Vinci ferait passer l'usine de 2 000 m2 actuellement à plus de 20 000 m2 et sa hauteur de 16 mètres à 42 mètres ! Sa cheminée dépasserait le fameux Pont transbordeur voisin, le dernier encore en service en France, joyau touristique de l'agglomération de Rochefort, vedette du chef d'œuvre de Jacques Demy, Les demoiselles de Rochefort..

 

Ainsi défiguré, l'estuaire de la Charente, ne risquerait pas d'obtenir le label Grand site de France pas plus que l'inscription par l'Unesco du Pont transbordeur au Patrimoine mondial de l'humanité que revendiquent les élus... les mêmes qui défendent l'hyperincinérateur ! Lequel aggraverait la pollution, surtout en métaux lourds, de l'air et de l'eau d'une zone humide particulièrement fragile, mettant en péril un écosystème qui abrite de nombreuses espèces animales et végétales (la Ligue de protection des oiseaux (LPO), dont le siège national est à Rochefort, a émis, avec d'autres associations de défense de l'environnement, un avis défavorable au projet Vinci).

 

Quels ravages provoquerait le « Vincinérateur » dans des secteurs économiquement vitaux pour la région comme l'ostréiculture (8 000 emplois et 245 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel) et aussi le thermalisme à Rochefort (15 000 curistes, 108 salariés, 15 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel ) ?

 

140 camions viendraient décharger dans le Pays rochefortais les déchets de 97 communes
140 camions viendraient décharger dans le Pays rochefortais les déchets de 97 communes

 

Un choix « complêtement incohérent » pour Béatrice, cadre dans la Fonction publique, originaire de Bordeaux. « On était des “urbains bordelais” et on a renoncé à certaines choses en venant ici à Rochefort , une ville tournée vers la nature, avec ses marais, sa station de lagunage écologique... et là elle se tire une balle dans le pied ! »

 

« Il n'y a aucun risque pour la santé » scandent sans relache Vinci et ses affidés. Ce n'est pas l'avis de 102 médecins rochefortais opposés au projet d'incinérateur géant. D'abord regroupés dans un collectif, Santé environnement du littoral (SEL), ils viennent d'élargir leur combat en créant un « collectif de médecins citoyens », Veille santé environnement 17.

 

Dans un rayon de 30 km autour des incinérateurs, il y a un excès de risque de développer des cancers de 6% à 23%
Dans un rayon de 30 km autour des incinérateurs, il y a un excès de risque de développer des cancers de 6% à 23%

 

L'un de ses animateurs, Paul Delègue, médecin hospitalier sur Rochefort, s'insurge contre de soit-disant « nouvelles normes très très partielles qui ne concernent que 17 produits sur les 2000 sortis des fumées des incinérateurs. On pense aux particules fines, ultrafines, aux nanoparticules, aux perturbateurs endocriniens... Le risque est d'autant moins acceptable qu'il existe des alternatives à ce projet d'hyperincinérateur ! » [5] L'Institut de veille sanitaire (INVS) a publié une étude, en 2008, qui montre que, dans un rayon de 20km à 30 km autour des incinérateurs, il y a un excès de risque de développer des cancers de 6% à 23 %. La Rochelle, Royan, Saintes et Surgères ne seraient pas épargnées.

 

Enfin, le projet Vinci prévoit la mise en place d'un tri mécano biologique (TMB) destiné à produire un compost aussi dispendieux que nocif... interdit par nos voisins européens. Et, « cerise sur le gâteau », il ne respecte pas les normes de construction parasysmique, dans une région particulièrement à risque !

 

Un désastre programmé... facturé 100 millions d'euros à la collectivité (pour commencer !...), qui s'endetterait pour au moins 20 ans.

 

Le « vincinérateur » bénéficie du soutien inconditionnel d'élus de gauche comme de droite (Joël Anselme)
Le « vincinérateur » bénéficie du soutien inconditionnel d'élus de gauche comme de droite (Joël Anselme)

 

En avril 2013, les deux maires des communes les plus concernées par le futur hyperincinérateur (Échillais et Soubise) sont gracieusement invités, ainsi que leurs épouses, par l'entreprise Vinci à un « voyage d'étude » de quatre jours... en Martinique. Selon le journal Sud-Ouest qui cite, sans le nommer, « un fin connaisseur de la politique locale » , l'attitude des deux élus serait à mettre sur le compte de la « naïveté », quoique « cela laisse à penser que c'est une récompense pour un service rendu » [6].

 

« Étrangement, les élus sortent tous les mêmes arguments, les mêmes « éléments de langage », du genre : “La cheminée de votre voisin vous pollue également ” », constate Xavier Boulard de Pays Rochefortais Alert'. « Ils semblent insensibilisés à toute opinion contraire, c'est comme s'ils avaient été “programmés” pour défendre coûte que coûte et par tous les moyens le projet de Vinci, et cela quelle que soit leur étiquette politique ».

 

« En les regardant, je me suis senti obligée de faire quelque chose. » (Céline Lemoine)
« En les regardant, je me suis senti obligée de faire quelque chose. » (Céline Lemoine)

 

 

C'est l'ex-maire PS de Rochefort (1997-2014), Bernard Grasset, ancien préfet et alors président du SIL, champion du cumul des mandats, qui fut à l'initiative du projet d'hyperincinérateur en 2012. Ce sont le nouveau maire d'Échillais, Michel Gaillot, « sans étiquette » et celui de Rochefort, Hervé Blanché, UMP, qui proclament, la main sur le cœur, leur opposition à l'hyperincinérateur lors de la campagne des municipales en 2014 pour, une fois élus, s'en faire les défenseurs les plus véhéments ! Quant aux maires des petites communes, ils font profil bas pour obtenir des subventions auprès du conseil général présidé par l'omnipotent Dominique Bussereau (UMP)... ardent défenseur du « Vincinérateur ».

 

S'agissant de la « démocratie » et du « dialogue » vantés par la ministre de l'Écologie pour mieux se défausser, le comble est que celle-ci est bien placée pour en juger l'inanité : Ségolène Royal a participé en personne à l'enquête publique sur le projet d'hyperincinérateur où elle s'est positionné contre, à l'instar de 895 autres personnes, dont plus de 100 médecins et une dizaine d'associations. Un avis impudemment ignoré par le SIL, en contradiction flagrante avec la directive européenne qui prévoit la prise en compte de l'avis du public lors de l’élaboration de projets relatifs à l’environnement ... « Ce déni de démocratie n’est pas acceptable ! » avait déclaré Ségolène Royal au sujet de pratiques similaires... concernant l'incinérateur de Fos-sur-mer.

 

18 heures, de retour place Colbert, contre « l'inacceptable », les manifestants prennent rendez-vous pour les actions futures.

 

Notes :

[1] Le site de Pays Rochefortais Alert'

[2] France inter, l'interview de Ségolène Royal

[3]« L'art des grands projets inutiles », Le Monde diplomatique, août 2012

[4] « Incinérateurs de Rochefort, les antis ne molissent pas », Kharinne Charov, Sud Ouest, 12 octobre 2012

[5] Le 6 octobre 2014, à écouter sur France Bleue

[6] « Rochefortais : un voyage d'études aux Antilles qui fait jaser », David Briand, Sud Ouest, 26 novembre 2013

 

• Contactés par mail, Ségolène Royal, Hervé Blanché et Michel Gaillot n'ont pas répondu à nos questions

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Incinération

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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 09:07
François Rebsamen : “Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie”

Un homme de gauche ? Certains y croient encore..... sauf au MEDEF !

 

Pour l’opposition, il porte le nom de “ministre du chômage”. s’est enfin installé de manière définitive dans les locaux historiques du ministère du Travail au 127 rue de Grenelle à Paris. Proche, très proche du Président de la République, il a accepté un poste clé du gouvernement de Manuel Valls, sans doute l’un des plus difficiles aussi.

 

Cet article a été initialement publiée vendredi 3 octobre 2014. Comme l’ont souligné de nombreux médias nationaux, l’interview de François Rebsamen a été retiré du site en milieu de matinée. Nous avons choisi de republier cette interview ce matin. Nous vous devons quelques explications.

Symboliquement pendu durant tout l’été par les intermittents du spectacle, il a fait une rentrée fracassante en septembre en s’attaquant aux “fraudeurs” de Pôle emploi. Désormais il revendique sa ligne libérale et reste intimement persuadé qu’il pourra être celui qui relancera durablement la croissance en France.

Quelques mois après son arrivée, nous sommes allés le rencontrer il y a quelques jours dans son ministère, à Paris.

 

Sources : Le MIROIR par Jérémie Lorand

- Le MIROIR : François Rebsamen bonjour. Depuis un mois, vous avez rejoint le siège historique du ministère du Travail, celui de la Rue de Grenelle. C’est là qu’ont été signés les fameux Accords de mai 68. C’est là que sont passés Pierre Bérégovoy et Martine Aubry. Une force pour étouffer la grogne ?

François Rebsamen : Pour la gauche, ce ministère est historique. Alors nous ne pouvons avoir qu’en référence ces grands ministres qui sont passés par là : Jean-Michel Jeanneney, en mai 68, Jean Auroux, qui a signé les accords du même nom, Pierre Bérégovoy, qui était un ami ou encore Martine Aubry, qui a marqué le monde du Travail avec la réforme des 35 heures. Lors de la passation avec Michel Sapin [l'ancien ministre du Travail, NDLR], j’ai souligné la beauté de ce ministère. Je n’en mesurais pas encore la difficulté.

 

 

- Le MIROIR : Justement, considérez-vous aussi qu’il s’agit du pire ministère du gouvernement ?

François Rebsamen : C’est surtout le ministère qui, tout au long du XXème siècle, a permis de former, d’organiser, de codifier le monde du travail, de protéger les travailleurs. C’est du ministère du Travail qu’émanent les grandes avancées sociales : Les Accords de Matignon en 1936, les seuils sociaux et la création des comités d’entreprise en 1945, sous le Général de Gaulle, la lutte contre le travail des enfants, contre le travail de nuit…

 

Désormais, nous sommes dans une autre phase : du ministère des avancées sociales, nous devenons ministère du dialogue social et des grandes protections collectives, nous devons désormais enregistrer des avancées sur les protections individuelles. C’est encore plus complexe. Il faut lutter contre le travail dissimulé, le travail illégal… C’est une forme d’esclavagisme humain et j’ai demandé aux inspecteurs du travail d’être plus vigilants sur cette question.

 

Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise
 
 
- Le MIROIR : Lorsque vous êtes arrivé au ministère, François Hollande promettait d’inverser la courbe du chômage, désormais, vous refusez de commenter les chiffres mensuels. Pourquoi ce changement de communication ?

François Rebsamen : Tout simplement parce que ce n’est pas le bon référentiel. Malgré l’amitié que je porte à Michel [Sapin], il s’est totalement trompé. On ne juge pas le chômage mois par mois, mais sur des périodes plus longues : un trimestre, un semestre. Il s’est mis des boulets aux pieds et les a laissés à son successeur.

 

Je tente de renverser la compréhension des choses : le taux de chômage est différent du nombre d’inscrits et il permet les comparaisons internationales. Le taux de chômage en France métropolitaine est de 9,7% de la population active au sens du Bureau international du travail. C’est beaucoup, mais il y a déjà eu plus. Si on ne s’y attarde pas, les citoyens seront persuadés que nous avons un taux de chômage qui a explosé. Pour parler clair : je tente de m’enlever un boulet, assez plombant, en changeant de stratégie.

 

 

- Le MIROIR : Vous vous êtes finalement réjouis que le chiffre de 150 000 emplois d’avenir ait été atteint fin septembre. Des emplois subventionnés, n’est-ce pas artificiel pour enrayer la hausse du chômage ?

François Rebsamen : Ce n’est absolument pas artificiel. C’est même le contraire. À la différence des emplois jeunes qui s’adressait à un public qualifié, les emplois d’avenir sont proposés aux jeunes des quartiers issus de la politique de la ville. Ils sont 80% à ne disposer d’aucun diplôme, à être très loin de l’emploi. Les acteurs de l’insertion demandaient du temps : le contrat peut donc durer trois ans et le taux de rupture est très faible, proche des 10%. En revanche, le taux de réussite est certain, car le contrat propose une formation. Ceux qui vont sortir du dispositif, à la fin du contrat, seront qualifiés pour décrocher un emploi. En quelque sorte, nous préparons une partie de la génération de décrocheurs à aller vers l’emploi lorsque la croissance reviendra.

 

 

- Le MIROIR : Il y a tout de même 900 000 jeunes sans diplômes. Où trouver les marges de manœuvre ?

François Rebsamen : Nous faisons beaucoup de choses pour eux. De nombreux dispositifs existent. Parlons déjà de l’apprentissage. Dans les têtes, c’est une voie de garage alors qu’il faut le voir comme une voie d’excellence, qui permet la réussite. Les chefs d’entreprise adorent l’apprentissage, mais ne prennent personne en alternance. La prime qui avait été supprimée – c’était une erreur – est désormais doublée. Il n’y a donc plus d’excuse. À partir de l’année prochaine, nous allons développer la garantie jeune. Une procédure qui concernera les jeunes qui n’ont ni emploi ni stage, ni formation ni éducation, leur permettra de suivre un parcours d’insertion sociale. Il y a en aura 50 000 l’année prochaine.

 

Nous faisons donc feu de tout bois. Mais on ne remplace pas la croissance, il faut que la machine économique reparte. Ce qui crée l’emploi, c’est l’entreprise. Dès lors, nous pouvons préparer les jeunes, les former ou empêcher qu’ils sombrent.

 

 

- Le MIROIR : Ce que vous dites c’est que la pédagogie, que vous avez appelée de vos vœux lors de la première partie du quinquennat[1], n’est peut-être pas si simple ?

François Rebsamen : J’essaye d’être pédagogue. Nous sommes dans un pays qui a du mal à accepter les choses. Si nous voulons sauver le modèle social français, il doit être irréprochable : les droits et les devoirs de chacun doivent être bien définis. Les Français sont attachés à ce modèle social, mais il faut l’adapter. Ce sont ces adaptations que nous devons expliquer, détailler.

 

 

- Le MIROIR : Mais cette pédagogie n’est-elle pas trop tardive ? Nous sommes déjà à mi-mandat.

François Rebsamen : Il n’est jamais trop tard pour faire les choses. Le parti socialiste est en pleine mue idéologique. Moi je l’ai effectuée depuis longtemps. Il faut donc l’expliquer. Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise. Franchement, c’est quoi le socialisme ? Ce n’est pas la richesse pour chacun. Ah bon, certains socialistes doutent que ce soit l’entreprise qui crée des richesses ? L’entreprise, c’est des salariés.

 

 

- Le MIROIR : Lors de la campagne des municipales, vous aviez affirmé qu’il ne fallait pas tout céder au Medef[2].

François Rebsamen : Alors le Medef c’est une chose. Ce n’est pas la vie des entreprises. J’ai trois niveaux d’interlocuteurs : le niveau interprofessionnel national, la posture, avecle Medef, la CGPME et les autres ; ensuite les branches et au bout les entreprises. Au niveau local, les entreprises et donc les salariés font vivre le territoire, le développe. Elles savent ce qu’on veut.

 

Lorsque je rencontre les branches, je leur rappelle que pendant dix ans, elles n’ont rien dit. C’est incroyable. Les entreprises ont perdu marges et compétitivité, sans rien dire. Et là, sous prétexte qu’il s’agit d’un gouvernement socialiste, elles viennent pleurer. Nous faisons un effort sans précédent pour redonner des marges aux entreprises : nous restituons 41 milliards d’euros, l’équivalent de deux points de PIB pour permettre l’investissement, la création d’emploi, l’apprentissage. En un mot nous demandons de préparer l’avenir.

 

 

- Le MIROIR : N’y avait-il pas un parasitage avec un Arnaud Montebourg parfois virulent envers les chefs d’entreprises.

François Rebsamen : Arnaud s’est investi dans sa mission. Il aime l’industrie, l’industrie lourde, l’industrie tricolore. Il préférait une entreprise allemande à une autre parce qu’elle était américaine. Arnaud Montebourg est un personnage complexe : il s’accrochait avec des patrons en arrivant puis les câlinait. Il a bien fait son boulot pour les entreprises en difficulté. Il s’est investi, mais avait une approche particulière. Un peu “olé olé” ! C’est un comédien, un avocat.

 

 

- Le MIROIR : Mais ça, François Hollande le savait lorsqu’il a nommé Arnaud Montebourg dans le gouvernement.

François Rebsamen : Oui, tout à fait. Les gens peuvent ensuite se révéler. Et je ne parle pas de ceux qui ont truandé comme Thomas Thévenoud. On ne pouvait pas laisser passer ces gamineries.

 

Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles
 
 
 
 
 
- Le MIROIR : Ces événements ont parasité la communication du gouvernement[3] dont la première promesse était d’inverser la courbe du chômage en 2017. Y croyez-vous encore ?

François Rebsamen : Les entreprises continuent de créer de l’emploi, mais pas assez pour faire face à l’afflux de nouveaux entrants sur le marché du travail comme les jeunes et les femmes. J’ai rencontré le patronat allemand lundi 29 septembre, je me suis fait un petit plaisir. Ils voulaient donner des leçons, mais oublient plusieurs choses : l’Allemagne connaît une baisse de sa démographie et a donc de moins en moins de jeunes entrant sur le marché du travail, elle n’encourage pas non plus les femmes à travailler. Notre système de protection du chômage est fort et permet d’éviter la pauvreté. Le taux de pauvreté des chômeurs français, au sens du BIT, est de 38%. Chez nos voisins allemands, il est de 62%.

 

Pôle emploi dispose de plusieurs dispositifs pour protéger les demandeurs d’emploi. Il y a donc des personnes qui ne recherchent pas d’emploi et qui sont comptabilisées dans les chiffres. Il s’agit par exemple de personnes en situation de préretraite, qui sont dispensées de recherche. Au sens du BIT, ils ne sont plus demandeurs d’emploi.

 

 

- Le MIROIR : La phrase que vous évoquez a en effet provoqué un tôlé[4], au sein même du parti socialiste. La regrettez-vous ?

François Rebsamen : Où ce fut un véritable tollé médiatique. Politique aussi. Ce qui n’a pas empêché 70% de la population d’approuver ce message. Ils ont conscience qu’il faut adapter notre système social, par ailleurs très protecteur. Les français considèrent qu’il faut renforcer les contrôles, assouplir les seuils, la législation, autoriser le travail le dimanche. Ils sont bien plus en avance que nous sur la nécessité d’un certain pragmatisme en économie.

 

Malheureusement, le parti socialiste, ou du moins son secrétariat national refuse toutes ces avancées. Il ne veut pas casser les tabous, se pose en garant de l’ordre social établi. Je ne suis pas là pour stigmatiser les chômeurs, encore moins pour casser les droits sociaux, mais pour rappeler les règles. Et c’est parfois dur. Je ne suis pas un ennemi de l’entreprise, je ne suis pas pour l’économie administrée ni pour les pays communistes. Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de l’économie, de la vie de l’entreprise. Avec des droits sociaux, avec une protection de l’individu.

 

Les citoyens des classes populaires se rendent bien compte que la droite ou la gauche ne sont pas prêtes à appliquer ces réformes alors ils se tournent vers les extrêmes. C’est ça que je veux éviter. Les socialistes ne vivent plus comme les gens : les élus ne connaissent pas le terrain. Ils ne savent pas comment la vie se déroule dans un HLM, dans le quartier de la Fontaine-d’Ouche, qui rassemble toutes les nationalités, dans sa diversité…

 

 

- Le MIROIR : Selon vous les élus sont donc totalement déconnectés du terrain ?

François Rebsamen : Ils ne l’ont surtout pas connu. Il faut être maire, conseiller municipal conseiller général pour connaître cette réalité. Valls la connaît. A Évry, il l’a vécu. Moi aussi. Beaucoup d’élus n’ont pas fait de combat politique. Dans les quartiers, ils auraient rencontré des citoyens qui touchent le Smic, qui triment et qui peuvent en voir d’autres profiter du système. Ils se disent “pourquoi eux et pas moi” ? Pourquoi c’est comme ça ? Il faut être rigoureux et proche.

 

 

- Le MIROIR : En sous-jacent vous semblez dire que ce qui peut marcher par exemple à Dijon, peut fonctionner partout.

François Rebsamen : Bien entendu. Le chômage a baissé de 8,7 à 8% à Dijon. Comment peut-il baisser dans notre ville et pas dans des endroits similaires ? Il faut se poser la question.

 

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides

 

 
 
 
- Le MIROIR : On a vu que le Conseil Constitutionnel a censuré les allégements de cotisations salariales. Elles devaient concerner 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires. Le motif du Conseil : Méconnaissance du principe d’égalité. Est-ce le cas ?

François Rebsamen : Les 41 milliards d’euros que nous avons débloqués doivent permettre de redonner des marges de compétitivité aux entreprises. Nous voulions essentiellement les réserver au secteur concurrentiel, mais le Conseil Constitutionnel en a décidé autrement : du coup, cette possibilité sera donnée à toutes les entreprises. Cette mesure va finir par porter ses fruits, le Président en est persuadé. Peut-être que ceci nous fera perdre la prochaine élection Présidentielle mais nous pensons que ceci est une nécessité pour le bien du pays. Si la droite et l’extrême droite reviennent, les entreprises se débrouilleront pour garder leur compétitivité. Quand on fait une politique de l’offre, on est obligé d’être en accord avec l’entreprise.

 

 

- Le MIROIR : Vous envisagez donc l’éventualité de perdre la Présidentielle ?

François Rebsamen : Je ne suis pas pessimiste. Je crois toujours en une victoire. S’il faut être le dernier auprès de François Hollande, je le serai, car la victoire j’y crois. Pour moi, François est le candidat idéal. Mais la réalité c’est qu’une politique de relance par l’offre est très longue à mettre en œuvre et à porter ses fruits.

 

Je suis personnellement convaincu que les résultats seront plus rapides : dès le premier semestre 2015 pour le CICE par exemple

 

 

- Le MIROIR : La dernière réforme que vous avez lancée est celle des seuils sociaux. Pourquoi faut-il les réformer ?

François Rebsamen : Le nombre d’entreprises de 48 ou de 51 salariés varie du simple ou double, il y a bien une raison. Il faut donc envisager un assouplissement des seuils sociaux. J’ai demandé aux partenaires sociaux de travailler ensemble pour faciliter cette réforme. 66% des entreprises de dix et vingt salariés n’ont pas de délégué du personnel alors que c’est une obligation. Et dans le tiers des entreprises qui en ont un, c’est le patron qui le choisit. Moi, ça m’interpelle.

 

Il y a des lourdeurs invraisemblables, des réunions inutiles… Le droit doit être réel et pas formel. Le dossier est désormais sur la table des partenaires sociaux. J’espère qu’ils arriveront à un accord avant la fin de l’année. Dans le cas contraire, le gouvernement prendra ses responsabilités.

 

Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine

 

 
 
 
- Le MIROIR : Parlons un peu de Dijon. Vous avez transmis le flambeau à votre ami Alain Millot. Quel bilan tirez-vous de ces premiers mois ?

François Rebsamen : Il est patient, apaisant. C’est d’ailleurs ce que je lui ai dit lors du dernier conseil municipal. Je lui ai envoyé un message, ainsi qu’à Nathalie [Koenders, la première adjointe, NDLR] et Colette [Popard, adjointe au maire déléguée au logement, NDLR] : “Il est bien Alain, il est calme, il est pondéré, à l’écoute. Ça fait du bien au conseil; tout le contraire de moi, car je suis agacé par Vandriesse, Bourguignat, Bichot et je ne parle même pas de Cavin”.

 

 

- Le MIROIR : Alain Millot a surtout porté une réforme que vous aviez insufflée au Sénat : le passage en communauté urbaine du Grand Dijon[5].

François Rebsamen : Je suis très content d’avoir réussi mon coup. Ce passage en communauté urbaine va changer la dotation globale de fonctionnement (DGF) : de 34 euros par personne, nous allons désormais en toucher 60. Soit une enveloppe supplémentaire de six millions par an. 36 millions sur un mandat. Une marche est lancée vers l’unification des territoires dans le respect des uns et des autres. Il n’y a que la ville de Talant, pour des raisons politiques qui ne lui ont pas vraiment réussi d’ailleurs, qui n’a pas voté favorablement cette modification.

 

À terme, les territoires défensifs, comme Asnières-lès-Dijon, vont disparaître et nous allons poursuivre notre communauté de destin. Avec comme objectif de devenir une métropole, au cœur d’un bassin de 380 000 habitants, qui va tirer le département vers le haut.

 

 

- Le MIROIR : On attendait la sortie de votre livre sur le football pour la rentrée…

François Rebsamen : (Il pointe son bureau). Il est là. 80% de l’ouvrage était rédigé avant que je n’arrive au ministère du Travail, mais je n’ai pas eu le temps d’écrire la dernière partie, consacré à la coupe du monde de football de juin 2014. Mais il est bien là, dans un tiroir et sortira au moment de l’Euro 2016.

 

À l’origine je voulais écrire un livre sur mes “France-Brésil”, mais l’éditeur a jugé que je n’étais pas assez connu alors il s’agira toujours de football, mais à travers le prisme politique. Sur les réseaux sociaux, les internautes ont critiqué cette démarche, mais la vérité c’est que l’ouvrage était en partie écrit avant d’arriver ici.

 

 

- Le MIROIR : Pour l’Euro 2016 donc. Et avec une équipe en résidence à Dijon ?

François Rebsamen : La France accueillera en effet la compétition et la ville a postulé pour accueillir une équipe. Le Président de la Fédération française de football, Noël Le Graët, m’a confirmé que nous avions de grandes chances d’être retenus. D’ici là nous aurons avancé sur la construction de la tribune et sur tant d’autres projets comme la Cité de la gastronomie, la rénovation du Musée des Beaux-Arts, du chauffage urbain, sur la classification des climats au patrimoine mondial de l’Unesco. Le vent souffle dans le bon sens pour Dijon et sa communauté urbaine.

 

Notes

|1] François Rebsamen (PS) : Nous sommes la gauche et nous ne pouvons pas oublier de parler aux gens qui souffrent”

[2] François Rebsamen, résolument à gauche

|3] Thomas Thévenoud, kamikaze de la transparence

[4] Invité de Bruce Toussaint mardi matin, le ministre du Travail a fait part de son souhait que Pôle Emploi accentue ses contrôles, de façon à s'assurer que les chômeurs "recherchent bien un emploi".

[5] Communauté urbaine de Dijon : la machine est lancée

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18 septembre 2014 4 18 /09 /septembre /2014 10:46

Une analyse réaliste sur les causes de la crise que nous vivons...... serait-il frondeur ?

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 10:52
J.L. Mélenchon : Manuel Valls arrache la confiance mais pas la majorité ! .... et maintenant ?

Sources : Extrait : Le blog de jean-Luc Mélenchon

La confiance est acquise par 269 voix contre 244. D’un moment censé le renforcer, Manuel Valls ressort plus faible encore.

  • C’est bien moins que les 306 voix qu’il avait obtenues il y a seulement cinq mois.
  • Et c’est moins que la majorité absolue des députés.
  • 53 députés se sont abstenus, dont 31 socialistes.
  • EELV et les trois élus du Mouvement républicain et citoyen (MRC) se sont abstenus.

 

 

- S’ils avaient voté « contre », le gouvernement tombait et le dénouement de la crise pouvait commencer.

C’est au contraire l’agonie qui va continuer. Celle du gouvernement désormais sévèrement affaibli par un vote fluet et maintenu du seul fait de la bienveillance des opposants internes à sa majorité. Celle de « la gauche » réduite à cette caricature d’attelage branlant, cruel et inefficace. Celle du pays gouverné par des gens qui ont ouvert des vannes d’appétits provocateurs au MEDEF qu’ils ne savent plus contenir. Quel gachis !

 

 

- Les frondeurs n’ont pas su faire mieux que ce qu’était déjà une fronde sous l’ancien Régime

Une révolte sans autre ambition que celle de ses meneurs. Ils ont affaibli Valls sans aucun profit pour le changement qu’il fallait obtenir. Cet épisode était la dernière pompe à énergie avant le désert. Il ne reste plus une goutte du carburant qui a fait le résultat de 2012. Tout dans la prestation du Premier ministre a montré l’épuisement de ce qu’il incarne à cet instant : le ton poussif, les empilements de mesures anciennes citées sans ordre ni hiérarchie, les brutalités sociales cruelles comme le travail le soir et le dimanche emmêlées avec le détail du capharnaüm des changements dans l’organisation territoriale. Le tout amplement ouvert par la récitation de tous les fantasmes sécuritaires tirés du vocabulaire de la droite et de l’extrême-droite. Et pour finir, en état d’asphyxie, un bouquet d’envolées virilistes avec le vieux discours tout aussi usé sur le « courage de dire la vérité » avant de proférer des flots de mensonges et d’approximations. Il ne semblait même pas y croire lui-même. J’ai savouré l’art des assistant et des communicants nous reprenant des bouts de phrases pour mieux tuer les mots en les empilant sans rime ni raison dans la bouche de quelqu’un qui en est la négation. Mais au total on a entendu un discours poussé devant soi, croulant comme sous le poids d’un âne mort.

 

 

- Jeudi François Hollande nous fera le deuxième service.

Et ce numéro durerait encore deux ans et demi ?

 

 

- Maintenant à cette heure, l’urgence est ailleurs

Pour le Front de Gauche, au quotidien, il faut multiplier les occasions d'agir ensemble. Non seulement pour être ensemble, mais surtout parce que c’est nécessaire pour agir efficacement dans le contexte.

 

La priorité est de se placer, partout où l'on se trouve, à la rescousse des luttes, et de ceux qui sont au combat. Donner de la fraternité, de la solidarité et mener des actions de popularisation, c'est entretenir les foyers d'où la flamme va repartir. En toute hypothèse, il est essentiel de ne pas laisser s'effondrer ce qui forme la ligne de pointe de notre mouvement. Je le dis parce que je note que dans divers secteurs, il y a une extension et une intensification des actions de lutte. C'est le cas en particulier dans la santé. La difficulté de ces combats, le caractère odieux des manœuvres et de refus qu'y oppose le gouvernement soulève une indignation et une prise de conscience très profonde parmi tous ceux qui y participent.

 

Nombreux alors sont ceux qui comprennent parfaitement l'ampleur du sujet et sa connexion avec l'idée que l'on se fait de la vie en société en général ; on parle des soins et de l'attention que l'on voudrait voir porter aux malades.

 

Dans ces secteurs, la détestation du pouvoir socialiste est à son comble. Et la volonté d'autodétermination me semble l'emporter de très loin sur tout autre forme de sympathie politique ou syndicale. Je ne cite que ces secteurs dans la mesure où c'est de là que me vient le plus grand nombre de témoignages, actuellement. Mais dans une lutte comme celle qui se mène contre le barrage agricole du Testet dans le Tarn, on voit aussi une forme de conscience citoyenne extrêmement large s'exprimer ou se faire jour dans maints esprits. mon emploi du temps m'empêche d'aller sur place jusqu'à ce jour. Mais comme on me tient informé quasi quotidiennement, je crois que j'arrive à comprendre l'état d'esprit.

 

Comme dans le cas de l'évacuation forcée des enfants cancéreux de l'hôpital de Garches, le sujet de la lutte soulève une lourde houle d'indignation et de dégoût pour ceux qui prennent les décisions ou qui s'en rendent complices.

 

 

- C'est quelque chose de nouveau de très profond

On identifie dorénavant l'inhumanité de ceux qui décident. C'est-à-dire que la décision semble monstrueuse, hors des normes morales habituelles. Cela vaut aussi bien dans le cas des enfants cancéreux que dans celui du barrage du Testet. La mobilisation prend du coup une densité et une profondeur que l'on ne connaît pas souvent dans les luttes sociales. S'y ajoute le spectacle incompris et inadmissible de violence déployée contre ceux qui s'impliquent dans la lutte. Les vigiles et les CRS ici, CRS et lacrymos là-bas, l'appareil qui fonctionne d'habitude en ville contre les queues de manifestations se découvre dans des secteurs où l'on n'a jamais connu aucune violence de cette nature. Des gens simples et paisibles se voient traiter avec une brutalité qui les stupéfie. Comme dans tous les cas il y a toujours un socialiste quelque part au poste de commande, et en particulier dans les deux luttes que je viens d'évoquer, ce parti est donc considéré à juste titre comme l'auteur de ces violences et de cette inhumanité.

 

Il est tout à fait important de faire connaître ces situations, de publier des photos sur les réseaux sociaux, de façon à exercer la pression la plus forte sur la réputation du PS et provoquer la réaction de ce qui reste d’adhérents de base.

Jean Luc Mélenchon

 

Sur le même sujet, pour en savoir plus :

- Les "frondeurs" laisseront-ils les mains libres au gouvernement pour poursuivre la politique du MEDEF ?

- Fête de l’Huma : les frondeurs PS à la table de J.L. Mélenchon

- Avec le vote sur la confiance au gouvernement Valls, la semaine prochaine va tanguer

- Les "frondeurs" combien de divisions ?

- Vote du budget rectificatif de la Sécurité sociale : la « fronde » n'était que médiatique !

 

J.L. Mélenchon : Manuel Valls arrache la confiance mais pas la majorité ! .... et maintenant ?
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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 20:54
Fête de l’Huma : les frondeurs PS à la table de J.L. Mélenchon

La fête de l’Humanité est le lieu de toutes les rencontres. Après l’ancien trader de la Société Générale Jérôme Kerviel samedi matin, ce sont les députés socialistes frondeurs ainsi que des membres de la direction d’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) qui se sont affichés aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, à l’heure du déjeuner dans le parc de La Courneuve (Seine-Saint-Denis).

 

Sources : L'Humanité  13.09.2014

Parmi les convives attablés autour du cofondateur du Parti de Gauche et de Pierre Laurent, le patron du PCF à l’initiative de ce repas, se trouvaient la sénatrice de l’aile gauche du PS Marie-Noëlle Lienemann, les frondeurs Jean-Marc Germain et Jérôme Guedj ou même l’écologiste- un temps près d’entrer au gouvernement- Jean-Vincent Placé accompagné du secrétaire national adjoint d’EELV David Cormand.

 

Jean-Luc Mélenchon a appelé les frondeurs du PS à « aller au bout de leur logique » et à voter contre la confiance au gouvernement, mardi à l’Assemblée. « Ces députés n’ont aucune excuse. Ils sont libres dans un pays libre et ils ont été élus. Par conséquent ils doivent aller au bout de leur logique (...) il ne suffit pas de faire de la mousse médiatique », a-t-il déclaré à la presse à l’issue du déjeuner.

 

Plus tard dans l’après-midi, il s’en est pris avec virulence à François Hollande : « L’Assemblée nationale doit être maîtresse d’elle-même mais dans les institutions de la Ve République voyez comme le monarque républicain, ce fourbe totalement impopulaire qui se ferait jeter des pierres dans la rue (...) vient menacer les députés de sa propre impopularité. » Députés, vous n’êtes pas les députés de François Hollande et de Manuel Valls, vous êtes les députés du peuple français », a encore lancé l’eurodéputé.

 

 

- « C’est utile qu’à gauche on se parle »

« Dans la période actuelle, c’est utile qu’à gauche on se parle », a expliqué Jérôme Guedj, président PS du conseil général de l’Essonne et frondeur, ajoutant : « On rend publiques des choses qui se passent tout au long de l’année ». « Ce qui est anormal c’est que la gauche ne se parle pas (...) qu’il n’y ait pas d’autre politique possible que de se soumettre ou de se démettre », a-t-il ajouté, dans une allusion claire au départ fracassant du gouvernement d’Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et Aurélie Filippetti en raison de leur désaccord avec la ligne politique de Manuel Valls.

 

Mais cette cohésion de façade est encore fragile et toutes ces composantes de la gauche sont encore loin d’êtres prêtes à agir ensemble. Mardi, lors du vote de confiance à l’Assemblée Nationale, les convives de ce déjeuner multi-partisan partiront en ordre dispersé entre ceux qui voteront contre (PCF), ceux qui s’abstiendront (certains frondeurs PS et certains écologistes) et ceux qui voteront pour (d’autres frondeurs PS et peut-être des écologistes.)

 

Des différences de vues dont Pierre Laurent est bien conscient. « Ce n’est pas un repas qui va déboucher sur des décisions (...) il faut travailler », reconnaît-il. Mais l’intention est bien là.

 

Pour en savoir plus lire aussi :

- Eva Joly : « L’heure est à la construction d’une alternative »

- Fête de l’Huma : Mélenchon se remet en mouvement sur le modèle espagnol de Podemos

Voir l'article de Médiapart  ci-dessous

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13 septembre 2014 6 13 /09 /septembre /2014 15:00
Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.
 
Pourquoi le déficit à 3% du PIB est une invention 100%... française généralisée à l'Europe ?
 
Guy Abeille était chargé de mission au ministère des Finances sous Giscard puis au début de l'ère Mitterrand. Il révèle pour La Tribune comment est né, en France et non en Allemagne, le sacro-saint ratio de 3% du PIB pour les déficits publics. A l'origine, il s'agissait d'imposer la rigueur aux ministres socialistes. Puis cette référence cardinale a fait école, bien qu'elle fut dépourvue du moindre sens économique.

Par les temps qui courent, les attentions sont focalisées sur les déficits publics. Il vous intéressera peut-être de savoir quelle est la toute origine du seuil de 3% de déficit public rapporté au PIB - référence devenue cardinale, et critère retenu par le traité de Maastricht.

Sources : La  Tribune Extraits du témoignage publié par Guy Abeille publié le 01/10/2010

Je suis un ancien chargé de mission.... du Ministère des Finances, où, jeune diplômé de l'ENSAE (Ecole Nationale de la Statistique et de l'Administration Economique), je fus en fonction d'octobre 1977 à juin 1982, à la Direction du Budget, 1ère sous-direction....

 

J'y fus chargé de suivre, analyser et commenter au mois le mois l'exécution du budget de l'Etat, et de fournir tout au long de l'année, et de façon de plus en plus pressante quand approchait la fin de l'exercice budgétaire, la prévision de son solde d'exécution - en l'espèce, de son déficit. Cette mission se concrétisant par la rédaction d'une "note au ministre" mensuelle, révisée et visée par mon chef de bureau... et de là filant aux cabinets de Matignon et de l'Elysée.

 

Et en fin d'exercice, nous recevions mandat, selon la météo électorale - c'est à dire explicitement selon l'horizon des plus proches élections -, de jouer des marges de liberté que pouvaient nous ménager quelques zones de flou de la comptabilité publique pour améliorer (ou dégrader si les élections étaient à deux ans) le résultat qui serait pour finir gouvernementalement publié, transbordant donc d'un exercice à l'autre l'impedimentum de telles ou telles recettes ou dépenses miraculeusement devenues migratoires. En réalité, en ces temps rivoliens... c'était moi, et moi seul, qui, entre décembre et février (le mastodonte budgétaire, en certains de ses organes, s'étale de deux mois sur l'année suivante), étais officieusement chargé de faire preuve d'inventivité, de sagacité, et de doigté..., pour établir la liste chiffrée, et manuscrite (rien ne serait imprimé), de ce qu'il était possible de faire; ou de faire encore, car d'année en année nous finissions - moi, et ceux qui d'un goupillon cardinalice, hiérarchique et discret bénissaient mes trouvailles - par griller nos successives cartouches, ne pouvant revenir impunément sur une règle que nous avions nous même hautement, et bruyamment hélas, proclamée l'année précédente parce qu'elle arrangeait la présentation comptable voulue cette année-là par nos ministres. Cela sans autre soutien, on l'aura compris, que l'approbation - orale - donnée par mes autorités (habituellement le mistigri était lestement repassé jusqu'au cabinet du Ministre), et en prenant garde de ne pas faire trop monter le rythme des hoquets ni d'exagérer le niveau des remontrances qui ne manqueraient pas d'être, hoquets et remontrances, émis par la Cour des Comptes - mais deux années plus tard, en fait, au moment de la loi dite de règlement, à laquelle, au vrai, plus personne n'accorderait intérêt. Durant deux mois, ainsi, tout allait son train par téléphone et additions, ou soustractions, sur de petits papiers ; et début mars le rutilant résultat bugétaire était porté sur les fonts médiatiques (cela, il faut bien le reconnaître, mais telle est l'incurable myopie politico-technocratique, dans l'indifférence colossale éprouvée par l'électeur de base, pour la financière édification duquel pourtant toutes ces habiletés avaient été tissées).

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- L'entrée en déficits

J'en viens au seuil magique - pour un peu, chamanique - du déficit à 3% du PIB.

  • Le premier choc pétrolier se produit à l'automne 1973 : quadruplement du prix - la bombe la plus nocive de la guerre du Kippour est celle qui frappe l'économie mondiale. Exit les Trente Glorieuses.
  • La crainte première est celle du déséquilibre extérieur et de l'inflation : Giscard d'Estaing, tout nouveau Président, y répond par le "plan de refroidissement" Fourcade. Plan qui se traduit par un volontaire et notable excédent budgétaire. Stop and go d'anthologie: le plan de relance Chirac qui le suit en prend le contrepied (un modèle de relance keynésienne, qu'on cite encore dans les écoles). Nous sommes en 1975, les finances publiques viennent d'entrer lourdement dans le rouge. C'était il y a 35 ans. Nul ne le sait encore: la trappe s'est ouverte, elles n'en sortiront plus.
  • Pourtant, s'il ne tenait qu'à lui, Raymond Barre[1] gèrerait les finances à l'équilibre (on sait combien il aime à se portraiturer en bon père de famille). Giscard d'Estaing, c'est à dire la nécessité électorale (la gauche passe à un cheveu de la victoire en 1978), lui en impose autrement. Même l'exquis soulagement qu'apportent les législatives de mars 1978 ne lui donne pas le loisir de ressaisir ses principes. Car le vent souffle d'ouest, Thatcher et Reagan bientôt seront élus: après l'austérité des années 76-77, l'air se fait libéral (on se souvient des barristes "bois mort" et autres "canards boîteux", comprendre textile, sidérurgie...).
  • Ainsi après un premier tour de piste en début de septennat, arrive pour la fin du mandat la seconde figure du tango économique qu'aura conduit Giscard, accordéoniste télégénique mais de faible renom: un pas sur l'inflation (refroidissement Fourcade, austérité des premières années Barre), un pas sur le chômage (relance Chirac, libéralisation Barre). Le déficit, tenu en 1976 et 1977 en lisière des 25 milliards, bondit en 1978[2] à un, libéral faut-il croire, 41 milliards de francs.
  • Et voilà que fin 1979 débute le second choc pétrolier. Ainsi, tous les budgets de Giscard (sauf le premier), et de Barre, auront été en déficit. Pour des montants (hormis la relance Chirac, plus massive) légèrement supérieurs à 1% du PIB. Mais en ce temps, nul n'use de cette référence. Ce ratio est absent des esprits; il n'a pas d'existence.

 

Les dernières années, budgétairement Giscard d'Estaing n'a qu'un point de fixation : ne plus laisser au déficit franchir la ligne des 30 milliards de francs ; elle aurait à ses yeux une portée politique.

Les deux budgets d'avant la gauche s'y tiennent vaillamment (-31 milliards de francs chacune des années 1979 et 1980) ; au prix, s'il m'en souvient, d'un art de l'évitement dans la confrontation avec l'écueil comptable, qu'après trois années de pratique à la Direction du Budget, je commence à assez posséder.

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- Arrive 1981

Le budget a été présenté avec un déficit de 29 milliards de francs (on reconnaît là la limite fétiche, et un sens du marketing d'étiquette que nous aurons souvent vu à l'oeuvre chez Giscard d'Estaing, dès lors qu'il s'agissait de publier des chiffres - prière d'annoncer, par exemple, que les prix augmenteront de 9,9% et non de 10%).

 

Cependant, dans les quelques mois qui précèdent le vote, la compétition électorale est gagnée par de vives ardeurs, on a des inquiétudes, et tout Barre qu'on soit, il faut bien en accepter les contingences financières collatérales : on n'aurait garde de ne pas s'attacher ceux qui pourraient pencher pour soi, ou bien seraient possiblement tentés de regarder ailleurs; ces saisons ne sont guère propices à une gestion retenue des finances publiques.

 

Et quand, au terme du combat, la gauche tient sa victoire, on n'en est plus à résister sur la ligne des 30 milliards de francs. Sans que rien n'en eût filtré en dehors de nos murs (d'ordinaire le fonctionnaire est loyal), les élections ont fait sauter, sinon la banque - après tout, on n'en est encore qu'à sept années de dette -, du moins le seuil. Je me revois ainsi, au surlendemain de l'élection, enfiler un des longs couloirs du Louvre, dans l'aile Richelieu où depuis cent dix ans comme un coucou nichait le Ministère des Finances (aujourd'hui le marbre ailé d'Apollon poursuivant Daphné a remplacé l'airain terrible du Budgétaire traquant la Dépense stérile), pour donc informer le rond, le gai et l'affablement zézayant Jean-Paul Huchon, chef du bureau Agriculture et Communautés européennes (lier les deux c'est déjà toute une époque), lequel est au sein du Budget un des représentants connus de l'état-major socialiste (adjoint de Rocard à la mairie de Conflans-Sainte-Honorine, il sera dès le 22 mai, et pour dix ans, son directeur de cabinet), l'informer que le déficit sur lequel il faut tabler, avant même tout geste du nouveau pouvoir, n'est pas en deçà des 30 milliards de francs jusqu'ici proclamés, mais maintenant au delà des 50 milliards: dans les chaleurs pré-électorales, le libéralisme de Giscard et de Barre s'est dénudé en libéralité.

 

Deux mois plus tard, la première loi de finances rectificative socialiste en prendra acte, actualisant le déficit à 55 milliards; et dès le début juin, sans attendre, Laurent Fabius va rendre ce chiffre public.

 

Car le ministre qui nous est dévolu s'appelle Laurent Fabius.... Laurent Fabius a obtenu d'inaugurer le titre, jusque là inconnu au bataillon, de Ministre délégué.... Ce qui lui donne, tout de même, droit de présence aux conseils des ministres, et, car il l'a obtenu, signature des lois de finances sans le ternissant voisinage de Jacques Delors, son ministre de prétendue tutelle.

  • Nous arrivons fin juin, et s'il y a urgence pour adapter l'action budgétaire à la nouvelle donne, plus grande elle est encore pour préparer le budget de l'année 1982, qui sera la première de plein exercice pour la gauche au pouvoir. Las ! Malgré l'autorité toute neuve due au Ministre délégué, et à son rang, il nous revient assez vite que, dans l'effervescence de cette aube nouvelle, camarade ! et l'inaccoutumance des néo-ministres aux règles de gouvernement, ces derniers multiplient à qui mieux mieux les visites du soir auprès du Président pour plaider in vivo leurs besoins en crédits (or, l'expérience séculaire du Budget montre qu'en réalité il n'existe pas de demandes de crédit qui ne soient authentiquement justifiées - le gouvernement, du moins le budgétaire, commence avec l'art de faire tomber l'oukase du refus). Et, au vu des données qui s'agglomèrent peu à peu sur mon bureau, il apparaît assez vite qu'on se dirige bon train vers un déficit du budget initial pour 1982 qui franchira le seuil, jusque là hors de portée mentale, des 100 milliards de francs, chiffre que les plus intrépides d'entre nous n'auraient même en secret pas osé murmurer.

 

 

- Une commande, un soir
C'est dans ces circonstances qu'un soir, tard, nous appelle Pierre Bilger..., devenu le tout récent n°2 de la Direction du Budget à son retour du poste de directeur de cabinet de Maurice Papon (...Ministre du Budget...).
Donc nous voici convoqués, c'est à dire moi-même, et Roland de Villepin, cousin de Dominique..., récent chef de bureau.... Formés à l'ENSAE, nous sommes considérés dans la faune locale comme appartenant à l'espèce, rare au Budget, des économistes (les autres sont des énarques, ces grands albatros de l'administration généraliste), et plus spécialement, car passablement mâtinés de mathématiques (nous sommes des ingénieurs de l'économie, en quelque sorte), de la sous-espèce des économistes manieurs de chiffres - sachant faire des additions, nous plaisante-t-on, en référence, évidemment, aux agrégés-sachant-écrire.

 

Bilger nous informe en quelques mots du ballet budgétaire élyséen en cours, et il nous fait savoir que le Président a urgemment et personnellement demandé à disposer d'une règle, simple, utilitaire, mais marquée du chrême de l'expert, et par là sans appel, vitrifiante, qu'il aura beau jeu de brandir à la face des plus coriaces de ses visiteurs budgétivores.

 

 

 

 

 

 

 

  • Il s'agit de faire vite. Villepin et moi nous n'avons guère d'idée, et à vrai dire nulle théorie économique n'est là pour nous apporter le soutien de ses constructions, ou pour même orienter notre réflexion. Mais commande est tombée du plus haut. Nous posons donc, d'un neurone perplexe, l'animal budgétaire sur la table de dissection.
  • Nous palpons du côté des dépenses, leur volume, leur structure, avec dette, sans dette, tel regroupement, tel autre, ou leur taux d'accroissement comparé à celui de l'économie. Il y aurait bien moyen de détailler à la main quelques ratios consommables, mais tout cela est lourd et fleure son labeur: norme flasque, sans impact, aucune n'est frappante comme une arme de jet, propre à marquer l'arrêt aux meutes dépensières. Nous retournons la bête du côté des recettes : impôts d'Etat sur revenu national ? mais les impôts fluctuent avec la conjoncture, plusieurs sont décalés d'un an... Surtout, nous ne pouvons échapper à l'attraction des prélèvements obligatoires, dont la fiscalité d'Etat n'est guère qu'une part : peut-on valablement se cantonner à elle ? le débat ne manquera pas de naître, à juste titre, et prendra vite le tour d'un brouhaha technique. Tout ça sera confus et sans force probante, au rebours du principe-étendard que nous avons reçu commande de faire surgir pour ostension publique. La route des recettes est coupée.

 

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

Donc ce sera le ratio déficit sur PIB. Simple; élémentaire même, confirmerait un détective fameux. Avec du déficit sur PIB, on croit tout de suite voir quelque chose de clair.

 

 

 

 

 

 

- Un critère douteux
Arrivé à ce point, un peu de réflexion s'impose.

- On commencera par noter que le déficit est un solde ; c'est à dire non pas une grandeur économique première, mais le résultat d'une opération entre deux grandeurs. Ce simple fait, trivial, emporte deux remarques.

 

- La deuxième observation touche à la pertinence du ratio lui-même : ne divise-ton pas des choux par des carottes ? Car un déficit n'est rien d'autre qu'une dette : il est le chiffre exact de ce qu'il faut, tout de suite, emprunter, c'est à dire, cigale, aller demander à d'autres ; et donc de ce qu'il faudra épargner - au fil des années suivantes - pour rembourser ceux qui auront prêté. Autrement dit, afficher un pourcentage de déficit par rapport au PIB, c'est mettre en rapport le flux partitionné, échelonné des échéances à honorer dans les années futures avec la seule richesse produite en l'année origine. Il y a discordance des temps[3]. Où l'on saisit que le seul critère pertinent est celui de la capacité de remboursement à horizon donné (qui est celui de l'emprunt) ; laquelle est elle-même fonction, non pas tant du déficit consenti une année donnée, que de la dette globale accumulée - cette année-là, mais aussi celles qui ont précédé et peut-être celles qui suivront - et de la prévision qu'en regard on peut faire des ressources futures, c'est à dire du couple croissance et rendement fiscal. Le reste n'est qu'affichage.

 

- Dernière observation enfin, plus générale : on conçoit bien qu'un déficit n'a pas le même sens économique selon qu'il est purement ponctuel, rupture dans une série d'années à l'équilibre, laquelle sera réabsorbée en une à trois années par la réactivation même de l'économie que ce choc aura provoquée (keynésianisme pur) ; ou selon qu'à l'inverse il n'est que le morne jalon d'une longue chronique de déficits, courant les décennies, installés, devenus entière partie prenante, mode de fonctionnement même de l'économie, si usuels, si métabolisés, à elle si consubstantiels que c'est le retour à l'équilibre, la désaccoutumance, qui a un effet de choc (du keynésianisme à rebours en somme). Je rappelle qu'en 2010, la France en est à sa... 36ème année de déficit ininterrompu, et donc de dette couche à couche empilée, cumulée - 36 années, bien plus qu'un tiers de siècle -, et dont elle ne pourra mécaniquement se délester d'un coup: à vue humaine il est probable qu'au point où nous en sommes et où en sont les perspectives longues de notre économie, nous finirons par avoir stocké, dans la meilleure des hypothèses, de la dette pendant pas loin d'un demi-siècle, continûment, tenacement, c'est à dire sans avoir jamais commencé de seulement la rogner ; laquelle, pour finir, soit sera remboursée (perspective vertueuse, ou bien enchanteresse), soit détruite (par inflation, ou restructuration comme on dit pudiquement), soit plus vraisemblablement aura été traitée par un mixte empirique des deux, c'est à dire fonction des rapports de force dans la partie à trois entre gouvernements, Banque Centrale et marchés.

 

 

Où l'on aura compris que fixer le projecteur sur le déficit d'une année donnée n'a guère de sens ; et que le rapporter au PIB de cette même année lui en fait perdre un peu plus. Le ratio déficit sur PIB peut au mieux servir d'indication, de jauge : il situe un ordre de grandeur, il soupèse une ampleur, et fournit une idée - mais guère plus - immédiate, intuitive de la dérive. Mais en aucun cas il n'a titre à servir de boussole ; il ne mesure rien : il n'est pas un critère. Seule a valeur une analyse raisonnée de la capacité de remboursement, c'est à dire une analyse de solvabilité : n'importe quel banquier (ou n'importe quel marché, ce qui revient au même) vous le dira.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Certes ; mais la question politique - politique, et non économique - demeure : comment transmuter le plomb d'une analyse raisonnée de solvabilité en l'or apparent d'une règle sonore, frappante, qui puisse être un mot d'ordre ? C'est, dans son prosaïsme, la question qui se pose à nous, et l'impossible auquel nous nous heurtons, en ce soir de juin 81.

 

 

- Fabriquer une norme
Pressés, en mal d'idée, mais conscients du garant de sérieux qu'apporte l'exhibition du PIB et de l'emprise que sur tout esprit un peu, mais pas trop, frotté d'économie exerce sa présence, nous fabriquons donc le ratio élémentaire déficit sur PIB, objet bien rond, jolie chimère (au sens premier du mot), conscients tout de même de faire, assez couverts par le statut que nous confèrent nos études, un peu joujou avec notre boîte à outil. Mais nous n'avons pas mieux. Ce sera ce ratio. Reste à le flanquer d'un taux. C'est affaire d'une seconde. Nous regardons quelle est la plus récente prévision de PIB projetée par l'INSEE pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de déficit qui bouge sur notre bureau pour le budget en préparation. Le rapport des deux n'est pas loin de donner 3%.

 

C'est bien, 3% ; ça n'a pas d'autre fondement que celui des circonstances, mais c'est bien.

 

 

 

 

Nous remontons chez Bilger avec notre 3% du PIB, dont nous sommes heureux, sans aller jusqu'à en être fiers. Et lui faisant valoir que....., foi d'économistes, c'est ce qu'actuellement nous avons de plus sérieux, de plus fondé en magasin. En tout cas de plus présentable.... On sait ce qu'il en est advenu.

 

 

- L'envol du 3%
Le Franc très vite plonge. Il faut écoper le vaisseau.

 

Dans le combat des influences qui se joue cet automne, Delors reprend la main. Il ose parler de pause (un spectre hante la gauche, celui de Blum en février 37 demandant "une pause nécessaire dans la montée des finances publiques..."). Et il est le premier à faire expressément savoir que le déficit ne doit plus franchir les 3% du PIB, et cela pour l'ensemble des comptes publics (il sera bien le seul à être aussi strict, et précis, et complet). Fabius d'affirmer hautement, trois semaines plus tard : "Pour le budget, j'ai toujours posé comme règle que le déficit n'était acceptable qu'à condition de ne pas dépasser un montant raisonnable, de l'ordre de 3% du PIB".

 

Ici, une station s'impose : ainsi viennent de naître, et, pire, d'infiltrer les esprits comme un contaminant, les notions de "déficit acceptable" et de "montant raisonnable" : tomber en très lourd déficit, cela ne s'analyse qu'en référence à l'année dont on parle et non au parcours d'endettement sur lequel on s'inscrit, et, ainsi myopement circonscrit, ce n'est plus un défaut de ressources qu'il faudra, au plus vite, remonter, c'est un acte par nature conforme à la raison, aux Lumières pour un peu, mais à la condition, bien entendu, car on est aussi l'ennemi pondéré de tout ce qui est excès, qu'on ne rajoute guère à tout ce qu'on doit déjà que, bah, bon an mal an, une centaine de milliards - acceptable, raisonnable... superbes déplacements du sens : ou ce que la langue assouplie à l'ENA fait de la rhétorique d'Ulm.

  • Une seule voie nous reste : le déficit. Le déficit, d'abord, du citoyen lambda au Président de format courant, ça parle à tout le monde : être en déficit, c'est être à court d'argent ; ou, si l'on préfère, tirer aujourd'hui un chèque sur demain, qui devra rembourser. Ensuite, le déficit a depuis Keynes acquis ses lettres de noblesse économique : il figure vaillamment dans les théories, il est une des plus visiblement opératoires variables des modèles. Lui seul, c'est évident, a la carrure et la netteté pour nous tirer d'affaire. Le déficit ! mais qu'en faire ? à quelle contrainte le plier pour en extraire une norme ?
  • Le coup est vite joué. La bouée tous usages pour sauvetage du macro-économiste en mal de référence, c'est le PIB : tout commence et tout s'achève avec le PIB, tout ce qui est un peu gros semble pouvoir lui être raisonnablement rapporté.
    • La première, c'est qu'un même déficit peut être obtenu par différence entre des masses dont l'ampleur est sans comparaison : 20 milliards sont aussi bien la différence entre 50 et 70 milliards qu'entre 150 et 170.
    • Or, et c'est la deuxième remarque, on conviendra qu'il ne peut être tout à fait indifférent à la marche de l'économie que la masse des dépenses et recettes publiques soit d'une certaine ampleur (moins de 35% du PIB, comme aux USA ou au Japon) plutôt que d'une autre, bien plus grande (nettemment plus de 50% comme en France ou dans les pays scandinaves) ; sans même parler du contenu de chacune des masses : ce n'est pas la même chose d'aspirer un certain volume de recettes avec une TVA à 10% et un impôt sur le revenu montant jusqu'à 80%, qu'avec une TVA à 20% et un impôt sur le revenu de 30% au pire ; ou bien encore d'aligner un même volume de dépenses, mais avec 5% de subventions d'investissement dans un cas ou 20% dans l'autre. On voit donc que s'intéresser au déficit en soi, à son montant seul, n'a qu'un sens relatif. Première observation.
    • 1% serait maigre, et de toute façon insoutenable : on sait qu'on est déjà largement au delà, et qu'en éclats a volé magistralement ce seuil ;
    • 2% serait, en ces heures ardentes, inacceptablement contraignant, et donc vain ; et puis, comment dire, on sent que ce chiffre, 2% du PIB, aurait quelque chose de plat, et presque de fabriqué. Tandis que trois est un chiffre solide ; il a derrière lui d'illustres précédents (dont certains quon vénère). Surtout, sur la route des 100 milliards de francs de déficit, il marque la dernière frontière que nous sommes capables de concevoir (autre qu'en temps de guerre) à l'aune des déficits d'où nous venons et qui ont forgé notre horizon.
    • Mitterrand déleste le budget 1982, en cours de finition (on le présente en septembre), du déficit de 120 milliards où il se propulsait jusqu'à celui de 95 milliards qui sera annoncé, soit bien visiblement moins que le seuil symbolique - chiffon... rouge pour marchés en émoi - des 100 milliards de francs (nos 3% du PIB). Et c'est en août que Fabius..., pour la première fois dans toute l'histoire de la langue publique universelle (car nul encore nulle part, serait-ce à l'étranger, n'a jamais avancé ce ratio), réfère le déficit au PIB - pour le rendre bénin sans doute, et couvrir sa rudesse d'une gaze savante: car enfin, ces 2,6% du PIB qu'il cite aux journalistes sans s'y appesantir, presque comme en passant, comme une chose qui serait dans les moeurs, et du moins ne saurait inquiéter qui a fait des études et sait de quoi il parle, ces 2,6%, que pèsent-ils au fond, sinon le poids d'une pincée de PIB ? - et non la centaine de milliards de francs que rajoutés aux autres il faudra un jour, avant la fin des temps, ou avant la faillite, par l'impôt rembourser.
    • Mais l'automne déjà, ses bourrasques ; et le Franc balayé avec les premières feuilles : il faut dévaluer (dans la govlangue on dit "réajuster"), non sans avoir âprement négocié, négocié et plaidé, comme de juste, comme chaque fois, avec l'Allemagne - l'Allemagne au mark toujours trop fort, à l'inflation trop faible, à l'industrie trop fiable, l'Allemagne, ce modèle irritant et exténuant voisin qui construit sa confiance, interne et externe, comme ses machines-outils et comme ses berlines, sur le long terme, et sans désemparer, sans versatilité, unanime à ne pas tolérer que quiconque jamais y porte une ébréchure, tandis que nous changeons de pied, désunis, impatients et fragiles, plus inquiets d'affirmer une autorité que de faire autorité, plus sensibles à l'effet produit sur le théâtre de l'intelligence qu'à l'effort soutenu dans l'avancée commune.
Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

Dès lors dans les déclarations - Fabius, Delors, Mauroy - le 3% du PIB revient comme une antienne. Il est le phare qui balise la route (quand il n'est guère que le quinquet qui suit la descente à la dette). Tandis que les attaques contre le Franc reprennent de plus belle, et que la préparation du budget 83, sous la pression énervée des ministres, livre des premiers scénarios assez époustouflants (à son plus haut le décompte produit un déficit de 210 milliards de francs), le 3% du PIB, désormais bien en selle, devient le marqueur proclamé, martelé, d'une "politique maîtrisée des finances publiques" - en somme, on peut dévaler la pente de l'endettement sur un cheval qu'on cravache, mais à la condition, raisonnable, qu'il ne s'emballe pas. Le petit calcul discutable, mais malin, et tout de circonstance que nous avons commis un soir d'il y a quelques mois est maintenant devenu une norme publique, qui vaut principe, affiché, assumé, presque revendiqué, pour la conduite du gouvernement. Assurément, un succès assez rare.

 

  • Ce calcul, ce principe, il lui reste à recevoir encore, par les voies les plus solennelles, l'onction du Président. C'est chose faite le 9 juin 1982... ; lors de sa seconde conférence de presse du septennat, le Président dans son intervention liminaire déclare: "Le déficit est d'environ 3% et il ne faut pas qu'il dépasse ce pourcentage appliqué au produit intérieur brut. J'attends du gouvernement qu'il respecte - je n'ai pas lieu d'en douter sachant l'engagement du gouvernement tout entier - ce plafond de 3% et pas davantage." (... sachant l'engagement du gouvernement tout entier : on imagine qu'un ange - armé d'un coupe-coupe budgétaire -, fors Delors, sur les ministres passe).

 

Le processus d'acculturation est maintenant achevé ; on a réussi à déporter le curseur : ce qui est raisonnable, ce n'est pas de voir dans le déficit un accident, peut-être nécessaire, mais qu'il faut corriger sans délai comme on soigne une blessure ; non, ce qui est décrété raisonnable c'est d'ajouter chaque année à la dette seulement une centaine de milliards (en francs 1982). C'est cela, désormais, qu'on appelle "maîtrise" : en dessous de 3% du PIB, dors tranquille citoyen, la dette se dilate, mais il ne se passe rien - quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt, dit le proverbe chinois ; quand le sage montre l'endettement, l'incompétent diplômé regarde le 3% du PIB.

Le sacro-saint ratio de 3% du PIB.... une invention franco-socialiste.

- Extension du domaine du ratio
Puis un jour le traité de Maastricht et le TSCG[4] parurent sur le métier. Ce 3%, on l'avait sous la main, c'est une commodité ; en France on en usait, pensez ! chiffre d'expert ! Il passe donc à l'Europe ; et de là, pour un peu, il s'étendrait au monde.

 

Sans aucun contenu, et fruit des circonstances, d'un calcul à la demande monté faute de mieux un soir dans un bureau, le voilà paradigme: sur lui on ne s'interroge plus, il tombe sous le sens (à vrai dire très en dessous), c'est un critère vrai. Construction contingente du discours, autorité de la parole savante, l'évidence comme leurre ou le bocal de verre (celui dans lequel on s'agite, et parade, sans en voir les parois) : Michel Foucault aurait adoré.

 

Parfois lorsque j'entends, repris comme un mantra, le 3% du PIB, je m'amuse de ce trois que nous avons choisi. Me revient le souvenir du numero deus impare gaudet - le nombre impair plaît à la divinité - qu'on trouve dans Virgile. Et la traduction qu'en donne Gide dans Paludes : le nombre deux se réjouit d'être impair. Et il a bien raison, ajoute Gide.

Le 3% du PIB se réjouit d'être critère... Et il a bien raison.

 

 

  • Et en 2016..... ?

- L’inventeur des "3% de déficit" avec lesquels les Etats européens continuent de se débattre doute de la validité économique de son équation

Sources : La Rédaction de France Info mercredi 24 février 2016

Guy Abeille, créateur du fameux objectif de 3% de déficit public avec lesquels les Etats européens continuent de se débattre aujourd’hui, a reconnu mercredi soir sur France Info qu’"avec le recul", il aurait "peut-être la main qui tremblerait" au moment d’établir cette équation.

 

L’ancien chargé de mission à la direction du Budget sous François Mitterrand avait alors divisé la "perspective de déficit de 100 milliards de francs" avec le produit intérieur brut, ce qui avait donné 3%.
 
Il s’est toutefois interrogé sur la "validité économique" de ce chiffre de nos jours, même si cet objectif  reste "une règle qui permet de rassurer en particulier les marchés et de mettre une barrière, qui sert de référence. "

Notes :

[1] passe aux manettes de l'économie en 1976

[2] Dette française : les aveux effarants de Michel Rocard sur la loi de 1973

[3] « l’endettement public atteint 1 650 milliards d’euros sur un PIB de 1 950 milliards d’euros, soit 85 % du PIB » ; Absurde. Le PIB, c’est le PIB d’une année. La dette, ça court sur plusieurs années ; C’est comme si on comparait les revenus d’une personne sur 1 an avec l’emprunt qu’il a fait sur 25 ans pour acheter son appartement ; dans ce cas, son niveau d’endettement serait non pas de 85 %, mais peut-être de 200 % ou 300 % ! La durée moyenne d’un emprunt d’Etat est de 7 ans et 30 jours : il faut donc comparer le niveau d’endettement au PIB de la France pendant 7 ans, soit près de 14 000 milliards d’euros ; Et une dette de 1 650 milliards d’euros, ça fait seulement 12% du PIB de la France sur 7 ans..... moins que l'endettement de nombre de ménages qui parfois dépassent les 30% des revenus !

[4] TSCG : Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance impose une « règle d’or » : les États doivent afficher des comptes publics « en équilibre ou en excédent ». Aux 3 % de déficit budgétaire maximum, imposé par le traité de Maastricht, le TSCG ajoute que le déficit structurel (calculé sur la croissance du PIB à moyen terme) ne doit pas dépasser 0,5 %,...

 

Pour en savoir plus :

Commentaires de J.L. Mélenchon après l’adoption du TSCG

- Nous déclarons la mort du Traité de l’austérité (TSCG)

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9 septembre 2014 2 09 /09 /septembre /2014 14:31
Les "frondeurs" laisseront-ils les mains libres au gouvernement pour poursuivre la politique du MEDEF ?

Une simple "abstention" porterait un coup sérieux à la crédibilité de leur "volonté affichée" de mettre en oeuvre une alternative politique de gauche et au rassemblement à construire avec eux pour y parvenir....

 

 

- Le gouvernement travaillerait sur une augmentation de la TVA de deux points

La TVA va peut-être s'alourdir, selon Le Figaro et Libération, jeudi 4 septembre. Le Figaro, qui cite une "source gouvernementale", affirme que l'exécutif planche sur une hausse de 2% de la TVA qui pourrait être intégrée au prochain projet de loi de finances. "L'arbitrage final devrait intervenir dans les jours qui viennent", a précisé une source gouvernementale à Libération.

 

 

- Le chef de l'Etat remet sur le tapis la question du travail dominical, et par conséquent de l'ouverture des magasins.

En effet, F. Hollande travaille à l'ouverture des magasins le dimanche.

Ce projet est "dans l'air" depuis de nombreux mois. Le 19 juin, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères en charge des questions du tourisme l'avait déjà évoqué très explicitement lors d'assises réussissant près de 400 professionnels : Le gouvernement souhaite qu'à Paris, après concertation avec les partenaires concernés, certaines zones comme le boulevard Haussmann puissent être classées "zone touristique d'affluence exceptionnelle" afin d'y permettre l'ouverture de commerces le dimanche. La même souplesse est souhaitable dans les principales gares de France.