par Jérôme Duval
C’est dans l’impressionnant Palais des Congrès (Palacio de Congresos) [1] de l’architecte Calatrava – éléphant blanc mastodonte d’Oviedo et exemple emblématique du gaspillage d’argent public – que se sont réunis les participants de la première rencontre des municipalités contre la dette illégitime et l’austérité.
La réunion a officiellement donné le coup d’envoi au lancement du Réseau des municipalités contre la dette illégitime et les coupes budgétaires qui aura le « » comme texte de référence. Ce manifeste a connu un succès retentissant. En l’espace de quelques semaines, il a été signé par plus de 700 élus : maires, conseillers municipaux et députés de différents partis politiques de toutes les régions de l’État espagnol, îles Canaries et Baléares inclus. Soutenu également par des syndicats, europarlementaires et de nombreuses personnalités internationales parmi lesquelles Susan George ou Yanis Varoufakis, le Manifeste est activement appuyé par la et d’autres mouvements sociaux tel [2].
Les signataires du Manifeste d’Oviedo exigent, entre autres revendications, la restitution des intérêts abusifs déjà perçus par les banques, réclament le retrait de la reformulation de 2011 par le PSOE avec l’appui du PP de l’article 135 de la Constitution, et de la ’Loi Montoro’ sur l’administration locale. Ces deux textes de loi obligent à honorer le paiement de la dette en priorité avant toute autre dépense quelles que soient les nécessités sociales. Ainsi, en cas d’excédent budgétaire, une municipalité est sommée de dédier celui-ci au service de la dette, interdisant par exemple toute embauche de personnel. C’est dans ce contexte que la ville de Madrid, qui n’emprunte plus et paye ses échéances en temps voulu, s’affronte au gouvernement central en augmentant de 53 % le budget social en 2 ans.
Le 24 novembre, veille de la rencontre, Éric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque[3], a tenu une conférence interactive avec le public à l’université d’économie où il a retracé l’histoire des répudiations de dette des États-Unis à la Grèce en passant par Cuba, la Russie, le Mexique, l’Argentine ou l’Équateur. Le lendemain, 25 novembre, Yago Álvarez, auteur du livre « déchiffre ta dette » Descifra tu deuda a animé un atelier pour donner des pistes d’actions susceptibles d’intéresser les conseillers municipaux qui veulent se lancer dans la bataille contre la dette illégitime. Enfin, dans la soirée, a été projeté le film documentaire Debtocracy réalisé par des journalistes grecs Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi sous les conseils scientifiques de Leonidas Vatikiotis. Ce film, bouclé en un temps record, a connu un vif succès en Grèce où près de 500 000 personnes l’ont visionné une semaine après sa sortie sur Internet, et plus d’un million et demi quelques semaines plus tard.
Différents ateliers animés par la Plateforme d’audit citoyen de la dette (PACD) ont rythmé toute la journée du samedi pour définir les idées partagées et en dégager des pistes d’actions communes qui puissent tracer une feuille de route vers la promotion d’audits citoyens et la reconnaissance de l’illégitimité de la dette. À l’issue des travaux, et suivant un calendrier bien établi, une planification d’actions et de mobilisations s’est mise progressivement en place et différents groupes de travail ont été établis.
Lors d’une conférence tenue dans la soirée, Ana Taboada, l’adjointe au Maire de la Mairie d’Oviedo, a déclaré être « fière de voir Oviedo au centre d’un débat essentiel qui affecte l’ensemble de la population ». « Aujourd’hui nous sommes 50 municipalités, mais demain nous serons beaucoup plus, parce que de cette rencontre naît un front des municipalités qui sera capable de faire face aux politiques d’austérité et à la Loi Montoro », a t-elle poursuivi tandis que le conseiller municipal d’économie de la Mairie de Madrid, Carlos Sanchez Mato, affirmait que « le gouvernement de Ahora Madrid démontrait sa capacité à gouverner au service de la population en augmentant de 53% les dépenses sociales en deux ans ». Éric Toussaint a rappelé l’indispensable nécessité de la mobilisation sociale pour inciter les municipalités dites « du changement » à affronter les créanciers pour enfin réellement œuvrer en faveur des populations.
D’ores et déjà, la seconde rencontre « Municipalisme, auto-gouvernement et contre-pouvoir » prévue du 20 au 22 janvier 2017 à Pampelune (Iruña en Basque, Pamplona en castillan), capitale de Navarre, abordera le thème de l’audit et sera l’occasion d’encourager l’initiative de ce front contre la dette illégitime. Initiative qui sera aussi présentée au Parlement européen au mois de mars pour œuvrer à l’adoption des politiques spécifiques visant à résoudre la situation économique des municipalités étranglées par un endettement insoutenable et les coupes sauvages dans les budgets sociaux. La prochaine rencontre du Réseau devrait avoir lieu à Cadix au mois de mai prochain, deuxième anniversaire des dernières élections municipales, et déjà deux autres villes, Saragosse et Rivas, se proposent pour accueillir les futures rencontres à venir. « La coordination des municipalités, groupes politiques et mouvements sociaux en réseau est indispensable pour affronter l’oppression insoutenable de la dette illégitime qui asphyxie nos municipalités. C’est un espace nécessaire pour promouvoir les audits citoyens, outils au service de la population pour exiger la transparence, rendre visible et trouver des solutions collectives à l’endettement illégitime », nous rappelle Iolanda Fresnillo, membre de la Plateforme d’audit citoyen de la dette.
La route est désormais tracée et semée de multiples propositions concrètes pour avancer vers une souveraineté populaire. L’engouement des représentants présents à cette première rencontre pour s’investir dans ce projet et l’enrichir de leur participation active est tout à fait encourageant.
Notes
[1] Celui-ci a été inauguré en mai 2011 au moment de l’insurrection sociale 15M.
[2] Voir les signataires du Manifeste.
[3] Lire le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque et l’Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international. Lire aussi le compte-rendu de la dernière réunion qui s’est tenue à Athènes les 5, 6 et 7 novembre dernier.