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28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 09:05
Appel pour retirer le PKK de la liste des organisations terroristes
Appel pour retirer le PKK de la liste des organisations terroristes

Sources :  Blog député européen Jean-Luc Mélenchon 30 octobre 2015

La perspective de parvenir à une solution pacifique et démocratique à la question kurde en Turquie est menacée. La violence s'intensifie et pose un risque grave pour la stabilité de la Turquie et de la région. On sait à quel point le combat des Kurdes tant en Syrie qu'en Irak représente un espoir pour ceux qui recherchent une solution démocratique, laïque, écologiste et féministe pour la région dans son ensemble.

 

La résistance kurde à Kobanê, marquée en particulier par l'implication des femmes, en est un exemple, auquel s'ajoutent le sauvetage de dizaines de milliers de Yézidis à Sinjar ou la défense des minorités dans la région.

 

Ainsi, face à Daech, les Kurdes ont systématiquement été le fer de lance d'une lutte déterminée et un soutien à toutes les forces locales et internationales y contribuant. Nul ne peut ignorer le rôle en la matière du PKK et des organisations kurdes syriennes.

 

La Turquie fait aujourd'hui face à une flambée de violences qui éloigne toute idée de processus de paix et risque d'affaiblir la lutte contre Daech.


D'ores et déjà, l'Union européenne par la voix de sa Haute Représentante mais aussi le Conseil européen, l'ONU et les Etats-Unis ont lancé des appels à la paix en Turquie.

 

Mais le gouvernement turc continue d'utiliser le fait que le PKK figure sur la liste des organisations terroristes comme une excuse pour affirmer : "Nous ne pouvons pas rencontrer une organisation terroriste et négocier". L'inscription du PKK sur cette liste s'oppose donc à l'instauration de la paix, du dialogue et des négociations, renforce ceux qui souhaitent la guerre en Turquie et affaiblit ceux qui veulent la paix.

 

Ce ne sont pas les seuls effets négatifs de la proscription du PKK. Il facilite, au nom de la lutte contre le terrorisme, les violations des droits de l'Homme, permet la restriction des libertés de pensée et de la presse. En conséquence de cette interdiction, des milliers de personnes et en particulier les médias en Turquie sont menacés à la fois en interne et en externe.

 

C'est en raison de ces développements dangereux que l'inscription du PKK sur cette liste doit être réexaminée d'urgence.


Nous, soussignés parlementaires, demandons au Conseil de l'Union européenne que cette liste soit révisée et que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes de l'UE.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier terrorisme

- Le PKK n'est plus une organisation 'terroriste', pour l'APCE

- PCF : Francis Wurtz : Il faut retirer le PKK de la « liste noire » !

- Bernard-Henri Lévy : Il faut retirer le PKK de la liste des organisations terroristes

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20 novembre 2015 5 20 /11 /novembre /2015 09:50
Jean-Luc Mélenchon : "La sécurité collective a besoin de notre liberté individuelle !"

Après les attaques terroristes survenues à Paris et à Saint-Denis le 13 novembre 2015 : contribuer à l'unité de notre peuple et affronter les bouffées sécuritaires...

 

Sources :  L'ERE DU PEUPLE

- Dans ces moments d’Histoire, des milliers de consciences comprennent l’importance de la politique dans la vie des peuples.

Selon la vieille formule : si tu ne t’occupes pas de politique, la politique, elle, s’occupe de toi. Ne nous contentons pas d’analyser les erreurs sans fin des dirigeants politiques qui nous amenés à cette situation. Demandez-vous : « étais-je de ceux pour qui peu importait que l’on décide sans mandat international, et sans vote de l’assemblée nationale d’aller bombarder des gens dans un pays lointain ? »

  • Avez-vous méprisé ou rabroué ceux qui vous mettaient en garde ?
  • Avez-vous participé au concert de ceux qui accablaient grossièrement les lanceurs d’alerte en les assimilant à des agents de l’ennemi ?
  • L’horrible nuit du 13 novembre vous aura appris que la guerre n’est pas un jeu vidéo mais un acte politique dont l’onde de choc finit toujours par atteindre tous ceux qui y participent.

 

 

- Décider une guerre est une question sérieuse.

Il ne faut pas l’abandonner à un seul homme. Les formes prévues pour en décider ne sont pas un embarras, un ralentissement insupportable de l’action qui porte préjudice à son efficacité. C’est au contraire une garantie que nous nous donnons pour agir à bon escient et en se préparant à assumer les conséquences de nos actes. La liberté de pensée, de parole et de décision des représentants du peuple est une garantie pour notre sécurité.


A présent les mêmes trouvent peut-être sans importance que le Président dise que nous sommes en guerre sans nous dire où et contre qui et sans respecter les formes prévues par la Constitution pour le faire (article 35). Et pour eux peu importerait peut-être aussi que l’Etat d’urgence soit prolongé de trois mois sans qu’il soit dit une seule fois pour quel bénéfice attendu dans l’action et sans tenir aucun compte des inconvénients que cette situation comporte également et en plus grande proportion.

  • Et sans doute tiennent-ils pour un détail formaliste que la Constitution interdise qu’on la modifie quand l’état d’urgence a été proclamé.
  • Peut-être acceptent-ils aussi sans état d’âme de croire, puisqu’on le leur répète, que sacrifier un peu de liberté individuelle n’est rien si l’on augmente par ce moyen la sécurité collective. Et sans doute s’agacent-ils déjà qu’on ose dire qu’il n’en est rien et que cela n’a jamais produits autre chose que de nouveaux désastres politiques là où on l’appliqué.

 


- Beaucoup sont, comme nous-mêmes, chaudement partisans de la trêve des polémiques en période de deuil national.

Alors comment comprendre que le premier à la rompre soit le chef de l’Etat, contraignant tout le monde a la polémique ? Car c’est bien ce qu’il vient de faire solennellement devant le congrès du parlement à Versailles en lançant un projet de réforme constitutionnelle.

 

Toucher à la Constitution c’est évidemment toucher au cœur de tous les débats politiques et les allumer tous en même temps. En tous cas les partisans que nous sommes d’une Assemblée Constituante sont placés dans l’obligation de protester.

 

Car c’est une nouvelle mise à l’écart de toutes les questions que nous avons soulevé sur ce doit être le travail de constituants et de toutes les questions que nous souhaitons voir entrer dans le texte fondamental. Il faudrait mettre de côté cette question pourtant si décisive ? Admettons.

 

Mais comment accepter que des sujets aussi polémiques, par exemple, que la déchéance de la nationalité et quelques autres directement empruntées à l’extrême droite et que combattait hier toute la gauche et même une partie de la droite soient désormais prise en charge sans autre explication par le Président ? Puisque nous n’avons pas changé d’avis en même temps que les mots changeaient de bouche, ne sommes-nous pas contraints de notre côté de répéter avec la même passion nos arguments contre une telle fausse bonne idée dont la dangerosité a été mille fois démontrée ?

 


- Est-ce de la désinvolture, de l’inconscience ou bien un calcul cynique de lancer ces débats en plein deuil national, les morts n’étant pas encore enterrés et sous le régime de l’état d’urgence ?

Serait-ce encore un excès de formalisme de s’en soucier ?

Je veux dire combien nous nous sentons abusés de voir qu’à la bonne volonté et à la pondération des propos, à l’amnistie provisoire que nous avons prononcé sur les responsabilités de la situation il soit répondu à la faveur d’une circonstance solennelle par une aussi grossière nouvelle transgression des lignes de fond de la famille progressiste en France.

 

Et comment supporter en silence que François Hollande inflige une telle défaite sans combat à la doctrine républicaine de cette famille ? Cette situation qui devrait si vigoureusement renforcer nos principes et nos valeurs se dénoue par une nouvelle victoire idéologique de nos pires adversaires ! Sans aucun gain prévisible ni sur le plan sécuritaire ni sur le plan électoral.

 

 

- Echanger de la liberté contre une amélioration de la sécurité est le pari que firent les auteurs du « Patriot Act » aux Etats Unis.

De cette expérience les observateurs savent désormais que si la réduction des libertés a été payée comptant, les gains de sécurité n’ont pas été le résultat des moyens nouveaux. La cause du « terrorisme » ce sont les guerres régionales dans lesquelles nos pays ont les bras enfoncés jusqu’aux épaules.

 

La riposte aux attaques est donc nécessairement sur deux fronts :

  • l’un pour faire cesser la guerre ;
  • l’autre pour garantir la cohésion de notre pays c’est-à-dire l’unité de son peuple et fer le terrain de la guerre sur le terrain, heureusement, les russes ont fait ce qu’il fallait pour que les américains n’aient d’autres choix que de se rendre à la raison et d’accepter, en l’absence de la France et sans la consulter, de constituer une seule coalition sous mandat de l’ONU avec l’objectif d’organiser des élections sans le préalable paralysant du départ de El Assad.

 

François Hollande a immédiatement obtempéré et annoncé son ralliement dans des termes qui sont exactement l’inverse de sa déclaration à la tribune de l’ONU. On peut donc considérer que les choses avancent en ce qui concerne l’approche de la fin de la guerre en Syrie. Même si cela ne règle pas tout ce qui est nécessaire pour qu’elle s’arrête aussi en Irak d’où viennent l’argent et le matériel de guerre.

 

 

- Mais pour ce qui est du front de la lutte contre les attentats dans nos frontières, il en va tout autrement.

Le soudain appétit de François Hollande pour les mesures du Front National et la mise en scène d’un « super état d’urgence » permanent, cette volteface opérée, rédigée et prononcée entre vendredi une heure du matin et lundi 16 heures sentent l’improvisation, le coup de com. et l’astuce politicienne davantage qu’une pensée construite et argumentée, soucieuse d’efficacité concrète.

 

  • A notre tour nous allons devoir lutter sur deux fronts : contribuer à l’unité de notre peuple et affronter les bouffées sécuritaires.
  • C’est un chemin de crête que le nôtre. Mais notre devoir de long terme est de rester ceux qui affirment que la sécurité collective est plus forte quand les libertés fondamentales de chacun sont garanties.

 

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- Pourquoi la déchéance de nationalité est une fausse bonne idée.

Déclaration de Hollande
 
La reconnaissance d’erreurs et la constitutionnalisation d’un Patriot Act
- See more at: https://www.lepartidegauche.fr/communique/declaration-hollande-la-reconnaissance-d-erreurs-la-constitutionnalisation-d-un-patriot-act-33822#sthash.zMaL9YC6.dpuf

Jean-Luc Mélenchon : "La sécurité collective a besoin de notre liberté individuelle !"
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14 novembre 2015 6 14 /11 /novembre /2015 17:25
« Se rendre utile pour faire face » | Jean-Luc Mélenchon

Réaction de Jean-Luc Mélenchon aux attaques terroristes survenues à Paris et à Saint-Denis le 13 novembre 2015.

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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 09:25
" Les croix de bois "  : c'est aussi un témoignage sur les " fusillés pour l'exemple "
" Les croix de bois "  : c'est aussi un témoignage sur les " fusillés pour l'exemple "

13 Janvier 2022 : Victoire pour la reconnaissance des 639 fusillés pour l’exemple de la Grande Guerre[2]

 

Les Croix de bois, chef-d’œuvre de Roland Dorgelès[1], en 1914, bien que deux fois réformé précédemment pour raison de santé, il s'engage volontaire du 39ème R.I, est un témoignage exceptionnel sur la Première Guerre mondiale.


Avec un réalisme parfois terrible mais toujours d’une généreuse humanité, la vie des tranchées nous est décrite dans toute son horreur et aussi sa bouffonnerie, son quotidien et ses moments d’exception.

 

 

Les Croix de bois, c'est aussi un témoignage sur les jugements sommaires et expéditifs des conseils de guerre sont  (voir plus bas), il s’agissait de faire un exemple devant les troupes.

 

On peut avoir une idée de ces jugements en lisant « Les Croix de bois » de Roland Dorgelès. Voici ce qu’il écrit au chapitre IX « Mourir pour la Patrie » : « c’est dans la salle de bal du café de la Poste qu’on l’a jugé hier soir. Un petit caporal nommé d’office l’a défendu, gêné, piteux… Tu sais ce qu’il avait fait ? L’autre nuit, après l’attaque, on l’a désigné de patrouille. Comme il avait déjà marché la veille, il a refusé. Voilà… ».

 

Ce témoignage est d’autant plus intéressant qu’il conforte les rapports fournis par la mission du Centenaire de 14-18 qui disent que « dans 95% des cas, c’est dans les cantonnements, les exercices, les corvées et à l’arrière qu’a lieu la désobéissance et non au combat ». Le motif numéro un : « l’injustice de l’ordre adressé. »

 

 

Sources : L'Humanité | mis à jour le 11/11/2022

- La Guerre de 14, c'est aussi les 650 soldats français fusillés pour l’exemple.

2 500 noms de condamnés à mort à l’issue de plus de 140 000 jugements plus ou moins expéditifs. Environ 650 d’entre eux seront fusillés pour faire un exemple devant leurs régiments parce qu’ils ont abandonné leurs postes ou refuser d’obéir. Ces chiffres de la Mission du Centenaire de 14-18 se recoupent à quelques unités près de ceux du ministère de la défense (639) et des archives de la Justice militaire (647). S’y ajoutent les « exécutés sommaires », d’un coup de pistolet par les gradés, les fusillés dits de « droits communs » et pour espionnage, souvent un prétexte.

 

Ça porte le nombre de fusillés durant la Guerre de 14-18 à 1 009, selon la dernière mise à jour du 5 février 2015 de Mémoire des hommes.

 

Les états-majors ont commencé à fusiller pour l’exemple en 1914, suite à la 1ère bataille de la Marne (5 – 12 septembre 1914) qui fut une boucherie (plus de 110 000 morts côté franco-britannique). Les soldats désobéissent individuellement ou par petits groupes, abandonnent leurs postes, se mutilent pour être évacués à l’arrière.

 

En 1915, la guerre des tranchées occasionne des massacres inouïs pour la gloriole des généraux comme l’ont décrits Henri Barbusse dans « Le Feu », Maurice Genevoix dans « Ceux de 14 », Gabriel Chevallier dans « La Peur », récemment sortie sur les écrans du Cinéma. Ce ne sont plus des cas individuels de désobéissance et d’abandon de poste mais de régiments entiers, le 63ème R.I (régiment d’infanterie) donnant l’exemple. Ce sera l’année où le nombre de fusillés pour l’exemple sera le plus important (289 selon la Mission du Centenaire de 14-18, 237 selon les archives du Conseil de guerre).

 

Ces mutineries de régiments se multiplieront en 1917 comme au Chemin des Dames, parce que les soldats refusent non pas de se battre, mais de servir de chair à canon sans perspective de paix.

 

Les jugements des conseils de guerre sont sommaires et expéditifs (voir plus haut), il s’agit de faire un exemple devant les troupes. En effet, ces jugements se référaient au code de justice militaire du 9 juin 1857 qui condamnait à mort la désertion, l’abandon de poste et la désobéissance, l’outrage et voie de faits à un supérieur.

 

De plus, à peine la guerre déclarée, un décret du 10 août 1914 du ministre de la Guerre avait suspendu la faculté de former un recours en révision contre les jugements des conseils de guerre, autrement dit de faire appel !

 

 

- Cent ans après, la question de leur réhabilitation collective n’est toujours pas tranchée.

Certains ont été réhabilités individuellement et donc reconnus « Morts pour la France ». Mais,  ils n’ont pas été réhabilités collectivement comme l’exigent de nombreux comités et élus locaux ainsi qu’une proposition de loi du groupe parlementaire GRC (Gauche Républicaine et Citoyenne). Celle-ci propose que « les fusillés pour l’exemple » de la Première Guerre mondiale font l’objet d’une réhabilitation générale et collective et, en conséquence, la Nation exprime officiellement sa demande de pardon à leurs familles et à la population. Leurs noms sont portés sur les monuments aux morts de la Guerre de 1914-1918 et la « mention « Mort pour la France » leur est accordée. »

 

La Nation (le Parlement) a refusé cette proposition le 19 juin 2014. Cependant, une salle des « Fusillés pour l’exemple » a été ouverte, en novembre 2014, au musée de l’Armée aux Invalides.

 

 

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- La Chanson de Craonne (du nom du village de Craonne) est une chanson contestataire, chantée par des soldats français durant la Première Guerre mondiale, entre 1915 et 1917. 

Elle est interdite par le commandement militaire qui la censure en raison de ses paroles antimilitaristes (« on s'en va là-bas en baissant la tête », « nos pauvr' remplaçants vont chercher leurs tombes »), défaitistes (« c'est bien fini, on en a assez, personne ne veut plus marcher ») et subversives incitant à la mutinerie (« c'est fini, nous, les troufions, on va se mettre en grève ») alors qu'une guerre est en train de se livrer sur le territoire national.

 

- 2022, enfin la reconnaissance !

Sur proposition de Bastien Lachaud, député France insoumise, l’Assemblée nationale a adopté une loi visant à réhabiliter les fusillés pour l’exemple[2].

 

À Chauny, depuis 2019 un monument, érigé à l’initiative de la Libre Pensée, leur rend hommage. Souvenons-nous d’eux, pour l’exemple.

  • Discours de Marcel LALONDE, maire de Chauny, pour l'inauguration du monument en hommage aux fusillés[3]
Chauny, depuis 2019 un monument, érigé à l’initiative de la Libre Pensée, rend hommage aux fusillés pour l’exemple.

Chauny, depuis 2019 un monument, érigé à l’initiative de la Libre Pensée, rend hommage aux fusillés pour l’exemple.

 

- Le 11 novembre 2022, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à Chauny pour prononcer un discours sur la paix devant le monument dédié aux soldats fusillés pour l'exemple.
Il était accompagné de Bastien Lachaud, député de la Seine-Saint-Denis, membre de la commission Défense nationale et des forces armées et auteur de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la Première Guerre mondiale[2].

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23 septembre 2015 3 23 /09 /septembre /2015 08:25
Jean-Luc Mélenchon : « La clarification politique n’a jamais été aussi avancée »

L'eurodéputé appelle à l'union avec les communistes aux régionales en Île-de-France, ainsi que dans les régions où le Parti de gauche est déjà allié aux écologistes. « On est en train d’atteindre notre but et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés », déplore-t-il. Il se prononce également pour la création de groupes parlementaires communs, en espérant qu'ils soient rejoints par des socialistes.

 

Sources : Médiapart le 16/09/2015 par Stéphane Alliès

A sa façon, Jean-Luc Mélenchon met les mains dans le cambouis de l'unité de la gauche de gauche. Alors que la préparation des élections régionales laisse entrevoir de fortes crispations entre le PCF et le reste du Front de gauche (Parti de gauche et Ensemble!), en Île-de-France et dans les régions où une alliance avec les écologistes d'EELV laisse de côté les communistes (en Auvergne-Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA), le fondateur du Parti de gauche (PG) appelle à « colmater les brèches » et à « arrêter de tergiverser ». Aux yeux de l'ancien candidat à la présidentielle, « pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau ». Dans un entretien à Mediapart, Mélenchon demande que soient mises en œuvre des « missions de conciliation », sorte de « cabine de pilotage nationale », pour lever les divergences locales.

 

L'eurodéputé estime que « les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes » peuvent se « transcender » par un « sigle commun déposé au ministère de l’intérieur ». Et il propose que le Front de gauche se range derrière Pierre Laurent en région parisienne, en échange d'un rapprochement des communistes avec les listes EELV-PG existant ailleurs. « L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche », dit-il. Enfin, Mélenchon plaide également pour la création de groupes parlementaires communs réunissant les élus du PCF, les proches de Cécile Duflot à EELV et espère voir s'y joindre des socialistes qui tireraient « les leçons de ce qui se passe en Angleterre » avec l'élection de Jeremy Corbyn.

 

 

- Médiapart : À la sortie de la fête de l’Humanité et à la veille des régionales, la situation est paradoxale pour vous. Communistes et écologistes sont autonomes du PS partout au premier tour, mais il n’y a pourtant pour l’heure qu’une seule région où vous êtes alliés tous ensemble. Et en l’état, il pourrait y avoir plus de régions où le Front de gauche est divisé qu’uni…

Jean-Luc Mélenchon : La droite et l’extrême droite semblent parties pour remporter une victoire écrasante. C’est ce qu’il faut empêcher en ouvrant un autre chemin. Où en sommes-nous ? D’abord soulignons que la clarification politique à laquelle on a travaillé depuis 2012 n’a jamais été aussi avancée : tout le Front de gauche est dans l’opposition de gauche, les Verts sont sortis du gouvernement, le PS n’a plus d’allié hormis le PRG, puisque même le MRC est aujourd’hui plus proche de nous que des socialistes. Sur le terrain il y a aussi pas mal d’endroits où nous sommes en passe de réussir l’union de tout le Front de gauche et des écologistes sur un nouveau sigle de rassemblement. Le point négatif, c’est qu’il n’y a pas de cabine de pilotage nationale. Je ne participe pas aux négociations ni à aucune composition de liste. Mais je suis un observateur vigilant et je me sens garant du désir d’union de l’autre gauche qui s’exprime partout. Mon rôle est moral, rien de plus, mais c’est important dans le moment historique que nous vivons.

 

Sur le terrain, les difficultés s’additionnent. Outre celles qui viennent de l’ambiance confuse du Front de gauche, s’ajoute que les statuts de tous les partis font que les décisions se prennent localement. Une aberration fédéraliste, qui nous met dans une faiblesse lamentable avant une élection qui a plus que jamais une signification nationale. Partout, les militants du PG ont travaillé à l’union avec les écologistes avec la meilleure volonté du monde. Tellement bien, qu’ils sont parvenus à des listes d’union dans la moitié des régions, alors qu’au départ EELV avait choisi l’autonomie. Je les félicite. Pour y parvenir, mes amis ont mis partout de côté toute ambition de tête de liste. Cela, alors même que l’image des Verts est considérablement dégradée. J’ai dû réagir et un peu élever la voix pour dire que ce n’était pas acceptable. Une annexion ! EELV a joué de la bonne foi et de l’esprit unitaire de ses partenaires. Je crois que les électeurs non plus n’ont pas envie d’être récupérés par un parti. La situation s’est débloquée lors des universités d’été d’EELV, et une première réunion inter-régionale a eu lieu. J’en suis content. Mais nous ne sommes pas quittes. Il faut encore donner aux communistes leur juste place.

 

Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent, sur le stand du PG à la fête de l'Huma (avec Danielle Simonnet et Eric Coquerel)

Ensuite, puisque les 13 nouvelles régions ne correspondent à aucune structure de nos organisations, cela a complexifié d’autant les rythmes de négociation. Et cela explique que dans certains endroits les communistes sont en dehors de plusieurs rassemblements. Je ne l’accepte pas. C’est une question de fond. L’union de l’opposition de gauche, ce doit être une addition pas des soustractions. Je n’accepte pas qu’on veuille marginaliser les communistes.

 

En disant cela, je ne suis pas un bisounours du Front de gauche : j’ai en mémoire les offenses présentes, passées et même futures des dirigeants communistes à mon endroit. Mais les jalousies dont je fais l’objet, et les problèmes d’égo qui m’entourent ne me détournent pas du but historique : construire la relève de gauche à la faillite du PS, face à l’extrême droite. Je demande donc qu’on se remette autour d’une table pour trouver une issue, en particulier dans les deux régions stratégiques où la défaite du PS est assurée d’avance et où il faut avoir une parole politique forte et de gauche pour incarner la relève : la grande région Nord et PACA.

 

Désormais le temps presse, il faut colmater les brèches et arrêter de tergiverser. Pour cela, il faut rétablir un cadre national de prise de décision. Tout le monde a des grandes paroles sur la nécessité de l’union et personne ne fait rien. On ne peut pas laisser les choses en l’état. S’il le faut, je suis prêt à mener sur place, avec d’autres dirigeants communistes et écologistes nationaux, une mission de bons offices pour qu’on trouve les convergences nécessaires. Mais avec ou sans moi, toute mission de conciliation me conviendra.

 

 

- Médiapart : Vous n’avez pas peur qu’en tentant d’imposer des décisions d’appareils nationaux, on entrave des dynamiques locales et citoyennes ?

Jean-Luc Mélenchon : C’est toute la difficulté de la situation. Épargnons-nous les méfiances envers des appareils nationaux. Des appareils, il en existe aussi localement et ils ne sont pas plus tendres. Il s’agit souvent de reconduire beaucoup de sortants. Mais il est vrai qu’il existe des dynamiques locales, avec des assemblées citoyennes qui préparent le futur de la gauche. J’y suis très attaché. Je propose de leur donner le plus de pouvoir possible, sans pour autant jeter à la poubelle nos partis qui sont indispensables à l’action.

 

Il persiste des problèmes ? Et alors ? Trouvons les solutions ! Il suffit de le vouloir. Pour dépasser certains blocages, il faut parfois accepter de manger son chapeau. Ne rien faire serait une faute de notre part. Il faut qu’il y ait des missions de conciliations qui se mettent en place. J’insiste pour qu’on le fasse en priorité dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Tout de même, face au FN, à la droite et aux socialistes en déroute, le devoir commande ! Il faut à tout prix trouver les moyens de proposer une alternative crédible !

 

Ces moyens existent, on peut régler une par une toutes les difficultés. Les difficultés liées à la récupération par le parti des têtes de listes ? Elles se transcendent par un sigle commun déposé au ministère de l’intérieur. À partir de là, on peut présenter des binômes ou des trinômes en tête de liste, l’essentiel étant que le résultat ne soit approprié par personne. Sinon les électeurs ne se déplaceront pas. Ils ne veulent pas être récupérés !

 

Ensuite, pour arbitrer les divergences, il est clair que nous n’y arriverons pas du sommet. Donc il faut des assemblées représentatives régionales, de nos partis et des citoyens, qui s’engagent à nos côtés. J’en ai parlé en janvier dernier, on m’a dit que c’était une usine à gaz. Nous l’avons expérimenté au Mouvement pour la 6e République (M6r) et cela a fonctionné. On est au XXIe siècle et il faut s’y adapter… les réseaux sociaux le permettent.

 

 

- Médiapart : Concrètement, ça fonctionnerait comment ?

Jean-Luc Mélenchon : Les gens signent un texte, une volonté d’engagement ou de soutien, ils peuvent le faire en ligne, puis ils élisent des représentants, on peut aussi en tirer au sort une partie. Et on fixe une représentation pour les partis. Je ne dis pas que c’est la seule formule possible, mais c’est possible et c’est jouable dans le délai qu’il nous reste. On ne peut plus traîner, sinon on donne une image répulsive à notre peuple qui est déjà dans un état d’insurrection froide contre les politiques et les institutions du pays, qui risque de se traduire par un niveau d’abstention extrêmement élevé.

 

« Si on met ses utopies en avant comme condition de l’union, c’est le règne du sectarisme »

 

 

- Médiapart : En Île-de-France, la situation est particulièrement ubuesque. Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV, refuse votre proposition de se ranger derrière elle, et le Front de gauche ne parvient pas à se mettre d’accord entre trois de ses dirigeants nationaux (Pierre Laurent – PCF ; Éric Coquerel – PG et Clémentine Autain – Ensemble !). C’est “l’autre gauche” la plus bête du monde ?

Jean-Luc Mélenchon : Vous n’avez pas tort. Maintenant, l’art de la politique c’est aussi de partir des réalités qui parfois s’imposent à vous. On aurait pu rêver autre chose. Que Pierre Laurent reste sur son analyse initiale de ne pas se présenter pour cause de non-cumul des mandats. Que lui qui dénonce sans cesse les « castings présidentiels » ne se crispe pas sur sa tête de liste, alors qu’on pourrait se mettre d’accord sur une personnalité de la société civile, on n’en manque pas en région parisienne. Qu’Emmanuelle Cosse ne nous éconduise pas aussi grossièrement. Et qu’elle ne préfère pas un groupuscule de centre-droit, Cap 21, à l’alliance avec le Front de gauche, au nom de l’unité de son parti qui explose chaque jour un peu plus. Mais c’est comme ça. À deux mois du scrutin il faut assumer la difficulté et débloquer ce qui peut l’être.

 

Pour autant, je ne me résigne pas. Je suis sûr que si Emmanuelle Cosse acceptait l’unité avec le Front de gauche, Pierre Laurent en serait le premier partisan. Mais il y a peu de chance qu’elle abandonne l’arrogance de sa posture. Elle a multiplié les obstacles : introduire comme préalable l’adhésion à l’idée d’une France fédérale et au droit de faire des lois régionales est une provocation. D’ailleurs, rien de tout cela n’est possible avec les élections régionales.

 

Donc, j’ai bien compris que Pierre Laurent fait de sa présence comme tête de liste « virtuelle » une question identitaire. Mes amis doivent entendre cela, même si je sais que ce n’est pas facile à admettre. De leur côté, les communistes doivent comprendre que si un effort est fait en Île-de-France pour apaiser les esprits, il faut qu’ils en fassent eux aussi ailleurs. Certes le PCF est très décentralisé, mais il a aussi une orientation nationale. Pierre Laurent a déjà été tête de liste en Île-de-France. N’exagérons pas le problème. Il l’a dit : il ne siégera que s’il est élu président de région. Si tel est le cas, qui s’en plaindrait ?

 

Jean-Luc Mélenchon et Cécile Duflot

L’union de l’opposition de gauche, ce ne peut être l’union de bouts de l’opposition de gauche. Il faut à tout prix parvenir à se présenter tous ensemble, avec les communistes, là où nous sommes déjà en alliances avec les écologistes. Il faut faire des additions partout ! Je recommande au PG de ne pas mettre de préalable sur les têtes de liste si cela doit conduire à la division. Inscrivons notre lutte pour l’éthique et la répartition des tâches dans la durée, n’en faisons pas un ultimatum destructeur. Soyons unitaires pour deux : les électeurs nous en seront reconnaissants.  

 

Je suis consterné par cette situation : on est en train d’atteindre notre but, nous avons isolé le PS et prouvé qu’on pouvait se rassembler et on réussit à donner l’impression d’être complètement divisés. Les alliances à la carte, sous couleur de baratin localiste, vont nous tuer plus sûrement que n’importe quelle querelle doctrinale ! Et que les choses soient claires, ces élections n’ont rien à voir avec la présidentielle. Je demande juste que tout le monde se confronte à la réalité pour les régionales, et qu’on arrête de se braquer pour des histoires de têtes de liste ! Tout ça est dérisoire…

 

 

- Médiapart : Sur le plan national, comment jugez-vous la proposition de création d’un nouveau groupe parlementaire émanant de quatre députés, Sergio Coronado (EELV), Philippe Noguès (ex-PS), Isabelle Attard (ex-Nouvelle Donne) et Jacqueline Fraysse (apparentée PCF) ?

Jean-Luc Mélenchon : C’est une autre occasion unique d’accélérer le cours de l’histoire. J’ai découvert cette tribune avec enthousiasme. À mon tour, j’appelle à la création d’un groupe commun dans les deux assemblées. À la veille de l’examen du budget, un nombre significatif de députés pourrait nous rejoindre. Ce nouveau groupe pourrait devenir un pôle de référence d’où pourrait partir une multitude d’initiatives.

 

Là, Cécile Duflot doit faire un effort et m’écouter même si elle ne m’aime pas. Son groupe écologiste a explosé. Je l’adjure de faire preuve de sang-froid et de responsabilité. Elle est en mesure de débloquer la situation si elle fait le pas que les quatre proposent. Un nouveau groupe peut être la locomotive d’une nouvelle gauche dans le pays.

 

Il ne faudrait pas que l’initiative échoue pour des histoires de présidence de groupe. Comme pour les régionales, on peut imaginer des binômes, une présidence tournante. Et même si ce devait être André Chassaigne le président de ce nouveau groupe, et qu’on trouverait les communistes bien gourmands de le demander, il faudrait l’accepter si c’était la seule condition pour que cet événement politique se produise. Car ce serait nettement mieux que d’avoir deux petits groupes à la limite de la survie. Au reste, Chassaigne a tenu bon depuis 2012 et ses états de services dans l’opposition de gauche sont plus constants que des opposants plus récents. Si j’étais député dans ce nouveau groupe, je voterai pour lui. 

 

Il y a des divergences ? Oui, c’est vrai. Mais il y en avait aussi entre les écologistes et les socialistes, et ça ne les empêchait pas de voter ensemble !

 

 

- Médiapart : N’y a-t-il pas un risque à toujours minimiser ces divergences entre forces politiques à la gauche du PS ? Sur la laïcité, le fédéralisme ou le jacobinisme, l’énergie, la géopolitique, etc. Et si ce qui vous sépare était finalement aussi important que ce qui vous réunit ? Cela pourrait expliquer aussi pourquoi le rassemblement est si compliqué ?

Jean-Luc Mélenchon : Qu’on n’invente pas des prétextes artificiels à mesure qu’on avance ! Il y a des débats qui surgissent à la dernière minute, pour provoquer volontairement des désaccords. Quand Emmanuelle Cosse pose comme condition de reconnaître le fédéralisme en France et le droit de faire des lois locales, c’est juste une provocation gratuite. Si on met ses utopies en avant comme condition de l’union, c’est le règne du sectarisme.

 

Pour les sujets de divergences qui sont dans l’actualité immédiate, on a trouvé une solution crédible, elle s’appelle la démocratie. Au Front de gauche, on a réglé notre désaccord sur le nucléaire en parlant de “sortie des énergies carbonées et mise en œuvre d’un référendum sur la sortie du nucléaire”. S’il y a un problème entre nous sur le fédéralisme, la réponse se trouve dans les débats que l’on aurait au sein de l’assemblée constituante pour une VIe république. Pareil sur la candidature de Paris aux Jeux olympiques. On n’est pas tous d’accord, le PG et les Verts sont contre, le PCF pour, et alors ? C’est inimaginable de consulter la population francilienne sur le sujet ? On l’a fait aux États-Unis ! Le proposer serait autrement plus dynamique qu’un compromis pourri ou un blocage absurde !

 

« Retricoter à toute vitesse un réseau européen »

 

 

- Médiapart : Cet éventuel nouveau groupe parlementaire pourrait-il accueillir des députés PS en rupture de ban ?

Jean-Luc Mélenchon : Je n’ose placer la barre trop haut par habitude de la déception, mais si un ou deux changeaient déjà de camp et rejoignaient un tel groupe commun, cela permettrait d’ouvrir la brèche et d’enlever à Valls sa majorité parlementaire. Il n’y a pas des opportunités comme celle-là tous les matins. Des gens comme Benoît Hamon ou Pouria Amirshahi devraient tirer les leçons de ce qui se passe en Angleterre. La victoire de Jeremy Corbyn à la direction du parti travailliste montre que la social-démocratie peut commencer un nouveau cycle.

 

C’est d’Angleterre qu’est parti le blairisme qui a pourri le mouvement socialiste international et contaminé tous les partis sociaux-démocrates européens, du SPD allemand au Pasok grec, en passant par le PSOE espagnol et le Parti démocrate italien. La victoire de Corbyn est un encouragement. En Italie, un congrès d’unification des gauches socialistes, écologistes et communistes est prévu pour novembre. Il n’y a pas que la déprime liée à la crise grecque, il y a aussi des signaux positifs de changement. Et je m’adresse aux députés socialistes pour leur dire qu’ils peuvent être à leur tour des déclencheurs. Ils sont jeunes, ils ont le pouvoir d’écrire l’histoire au lieu de se limiter à gérer leur carrière.

 

 

- Médiapart : À la fête de l’Huma, vous avez lancé votre sommet “pour un plan B en Europe” avec Yanis Varoufakis, alors que les communistes ont martelé leur soutien à Syriza et à Tsipras…

Jean-Luc Mélenchon : Que les choses soient claires, je ne suis pas devenu anti-Tsipras ! Ça n’a pas de sens. Je ne sais plus comment dire : je sais très bien que la partie n’est pas terminée, et que le moment de la renégociation de la dette grecque va arriver. Et je sais très bien qu’un gouvernement Syriza réélu, ce n’est pas pareil que la droite gagnante. Je crois d’ailleurs qu’il va gagner et j’espère aussi que les dissidents d’Unité populaire [la scission de l’aile gauche de Syriza emmenée par Zoe Konstantopoulou - ndlr] auront une représentation parlementaire. L’union se reconstruira le moment venu pour affronter l’Europe qui va piétiner la Grèce. Je ne donne pas de leçon aux autres, mais j’en tire pour nous. Je parle du point de vue de celui qui ne veut pas être assimilé à ceux qui sont capables de signer un accord de super austérité, après avoir organisé un référendum contre. Je suis fidèle au programme, pas aux personnes. C’est la raison pour laquelle j’ai applaudi le partenariat conclu entre le PG et Unité populaire, qui reste fidèle au programme anti-austérité. Mais ça ne veut pas dire que nous faisons la campagne d’Unité populaire aux élections grecques. Quel sens concret cela aurait ?

 

Je voudrais qu’on évite les simplifications qui ne tiennent pas compte du caractère tragique de ce qui se passe en Europe. Tout l’est de l’Europe est rempli de fascistes et nous sommes à l’état de traces dans tous ces pays. Aujourd’hui, nous nous appuyons encore sur quelques positions en Grèce, en Espagne, en France, un peu en Allemagne, en Slovénie et, désormais, nous connaissons un changement à l’intérieur du camp travailliste anglais. Or il nous faut retricoter à toute vitesse un réseau européen, exactement comme l’ont fait les camarades d’Amérique latine à la fin du siècle dernier.

 

Notre initiative du "Plan B" se révèle incroyablement attractive. Honnêtement, je ne m’attendais pas à un impact pareil. La presse européenne a couvert l’événement, la retransmission du meeting sur internet a été fortement suivie, y compris à l’étranger. la tribune que nous avons publiéee sert de texte fondateur, et plusieurs partis ou courants politiques se montrent intéressés. Donc on commence à recueillir les signatures individuelles d’élus ou de personnalités, et on va faire en sorte que la première réunion, qui aura lieu avant la fin de l’année à Paris ou à Bruxelles, regroupe plutôt des intellectuels, des économistes et des responsables de mouvements sociaux.

 

Il y a urgence, car on est dans un moment étrange de l’histoire où on a le sentiment que les décideurs européens ne sont pas vraiment maîtres de ce qu’ils font et, on le voit avec Schäuble, se laissent entraîner dans des surenchères folles. S’ajoute désormais l’affaire des migrants, qui est un “booster” inouï pour l’extrême droite.

 

 

- Médiapart : Sur la question des migrants, comment faire autrement dans l’urgence ?

Jean-Luc Mélenchon : Ma position était de dire qu’il n’y a pas d’alternative à l’accueil. Ce n’est même pas idéologique : on ne peut rien faire d’autre tout simplement. Enfin, on pourrait sans doute faire autrement que de les mettre dans des camps. Les quotas n’ont pas de sens. Soit le traité de Schengen existe, soit il est aboli sans qu’on ne nous ait prévenus. Mais ceux qui ont traversé toutes ces épreuves ne se laisseront pas enfermer dans un train qui les conduirait vers une autre zone de misère. Ils veulent avoir eux aussi la liberté de circuler, et il est illégal de les en empêcher.

 

Mais l’essentiel est de remédier aux causes de cet afflux migratoire. Donc en finir avec les politiques économiques qui ruinent le sud sahélien et avec les logiques de guerre aveugle que François Hollande semble vouloir continuer. Qu’est-ce que de nouveaux bombardements vont régler ? La solution se trouve dans l’organisation au plus vite d’une conférence internationale où on discute avec ceux qui ont concrètement les doigts dans Daech. Parce que Daech ne tombe pas du ciel. C’est l’enfant des financements qataris, saoudiens, turcs… Et le bénéficiaire des ventes d’armes et d’achat de pétrole de contrebande par des pays occidentaux.

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8 septembre 2015 2 08 /09 /septembre /2015 08:10
Faut-il sonner le glas des 35 heures ? « Il n’y a jamais eu autant d’emplois créés qu’avec les 35 heures »

Source : AlterEcoPlus

- Les 35 heures fêtent leur 15 ans de mise en application.

Elles continuent malgré tout à faire l'objet d'attaques régulières de la part de responsables politiques, de droite comme de gauche.

 

La dernière venant d'Emmanuel Macron à l'occasion de l'université d'été du MEDEF alors que Mannuel Valls entend pour sa part "réformer le Code du Travail".

 

Je vous présente une vidéo "2 minutes pour comprendre" afin d'en finir avec le procès récurrent des 35 heures.

 

 

- C'était déjà en 2011, et cette fois là, c'était manuel Valls qui attaquait les 35H

Pour Jean-Luc Mélenchon, la polémique ouverte par les propos de Manuel Valls sur Europe 1 au sujet des 35 heures est d'autant plus inquiétante que le maire d'Evry est assez peu contredit au PS.

 

Pour en savoir plus :

- Entretien avec Barbara Romagnan (Députée PS, rapporteuse de la Commission d'enquête parlementaire sur l'impact de la RTT) : « Il n’y a jamais eu autant d’emplois créés qu’avec les 35 heures »

- Les 35 heures ont créé 350 000 emplois, affirme un rapport caché de l'Igas 

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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 08:14
Le Parti de Gauche lance un appel : "Pour un sommet internationaliste du plan B"

Sources : le Parti de Gauche le 18/08/2015 par Eric Coquerel Co-coordinateur politique

- Le 3ème mémorandum imposé à la Grèce en échange d’un nouveau prêt de 86 milliards d’Euros a donc été adopté à la fois par le parlement Grec et par les pays de l’Eurogroupe.

Nous l’avons analysé dès sa sortie : il est pire que celui soumis au vote du référendum du 5 juillet. Il est même pire que les mémorandums précédents contre lesquels la victoire de Syriza s’était bâtie. Il va donc accroître l’austérité dans une Grèce sous perfusion, privée de tout moyen de relancer son activité économique. Impossible dans ces conditions d’éviter l’aggravation de la récession.

 

 

- Jusqu’au bout les responsables allemands auront menacé de ne pas valider l’accord.

Comme s’ils faisaient un cadeau mirifique à la Grèce. Pour justifier ce jeu de massacre, des responsables de l’Eurogroupe auront, la mine grave, expliqué que « les sommes prêtées sont conséquentes ». Que dire quand on sait que l’évasion fiscale coûte 1000 milliards d’euros aux peuples de l’UE sans émouvoir un instant ses mêmes instances dirigeantes ?

 

 

- Les sommes en jeu n’expliquent donc pas la rigidité de l’Eurogroupe vis à vis de la Grèce : il s’agit de questions politiques.

Il leur fallait punir et humilier le gouvernement de la gauche radicale en Grèce coupable de s’être opposé six mois durant à l’ordo-libéralisme et d’avoir indiqué la possibilité d’une nouvelle voie en Europe. Il fallait non seulement l’amener à la capitulation mais réclamer de lui qu’il fasse au moins mine de se soumettre à la logique politique de ses vainqueurs. D’où cette phrase dans l’accord reconnaissant dans la politique menée par Athènes les seules raisons de la situation du pays. Toute proportion gardée, les procès de Moscou ont eu recours à de pareilles méthodes…

 

 

- Il fallait aussi placer la Grèce en situation de rembourser les intérêts et les créances des financiers.

C’est d’ailleurs, une fois encore, à cela que servira la quasi-totalité des 86 milliards peut-être prêtés. Nous disons "peut-être" car comme le montre l’analyse de Romaric Godin dans un de ses excellents articles pour la Tribune, l’Eurogroupe peut à tout moment interrompre le goutte à goutte… (à lire ici)

 

 

- Derrière l’accord, il y aussi des promesses d’affaires juteuses.

L’obligation faite à la Grèce de privatiser plusieurs secteurs la contraint à brader (le couteau sous la gorge on ne vend jamais très cher) des pans entiers et rentables de son économie pour le bonheur de grands groupes et/ou puissances étrangères : électricité, eau, aéroports ou encore les ports du Pirée ou de Thessalonique,etc…. Les deux derniers exemples sont éclairants. Le tourisme dans les îles fait des 14 aéroports régionaux privatisés des opérations extrêmement rentables. On s’étonnera à peine que la mise ait été raflée par l’entreprise allemande Fraport pour seulement 1,2 milliard d’euros

 

Quant au port d’Athènes, il est le premier au monde en terme de trafic maritime (et le 10ème toutes catégories)… Derrière cet accord c’est donc un véritable dépeçage de la Grèce en cours : un colonisation de fait.

 

 

- Alexis Tsipras a du compter sur les voix de son opposition pour faire passer son plan au parlement, de plus en plus de députés de Syriza lui ayant fait défaut.

On aura compris pourquoi. Ce sont les mêmes raisons qui avaient poussé, le 13 juillet, le PG à demander aux parlementaires français de voter contre, bientôt suivi par les partis de l’autre gauche en France et la plupart en Europe. Le bilan, on l’a vu, est en effet catastrophique. Il l’est aussi d’un point de vue démocratique puisque l’accord voté revient sur le mandat du gouvernement Syriza. Pour le moment, Alexis Tsipras garde dans son pays encore un crédit certain. Il est en effet, justement, considéré comme un responsable politique honnête dans un milieu largement corrompu. La colère du peuple grec se tourne davantage vers les pays jugés les plus responsables de cette situation, l’Allemagne évidemment en tête. Cela ne durera sans doute pas quand les conséquences concrètes de ce 3ème mémorandum se feront sentir dans un pays déjà exsangue. La bonne nouvelle c’est qu’au sein de Syriza, le débat a lieu. L’heure de la résignation n’a pas sonné pour l’autre gauche grecque. On suivra donc attentivement son congrès en septembre. Et il serait étonnant que la magnifique résistance du peuple grec contre la Troïka tout au long de ces six mois se soit évaporée. Difficile d’en dire plus aujourd’hui, mais incontestablement la question grecque n’est pas derrière mais devant nous. L’irresponsabilité économique du 3ème mémorandum laisse de toutes façons le problème entier.

 

 

- Pour autant, nous ne ferons pas dans la langue de bois

Pour l’autre gauche européenne cette défaite est une rude nouvelle. Les avancées des uns sont en effet des points d’appui pour tous les partis de l’autre gauche en Europe. La superbe résistance du gouvernement Tsipras constituait un tremplin pour Podemos en Espagne dès les prochaines législatives et pour nous ensuite. Et ainsi de suite. Sa capitulation est donc une mauvaise nouvelle. Elle le sera encore plus si nous ne sommes pas capable d’en tirer des leçons et, donc, des propositions.

 

 

C’est pourquoi nous mettons aujourd’hui sur la table un

sommet du plan B.

 

 

 

 

  • Cette proposition part d’un constat : l’échec de Tsipras vient, justement, de l’absence de plan B.

En entrant dans les négociations sans plan crédible de sortie de l’Euro-Mark au cas où l’Eurogroupe n’accepterait aucun compromis, les négociateurs grecs se mettaient, malgré leur ténacité et le soutien toujours plus massif de leur peuple, en grande difficulté. Yanis Varoufakis l’a très bien expliqué depuis. L’échec de Tsipras, c’est celle d’une ligne qui espère réformer l’UE, même radicalement, en tablant in fine sur le bon vouloir des autres pays européens. Si on considère le rapport de force en défaveur de la Grèce (seulement 14ème pays de l’UE sur le plan économique, la Grèce compte en outre beaucoup sur les importations), Tsipras et ses négociateurs ont d’ailleurs plutôt bien joué cette phase en tablant au maximum sur les contradictions internes à l’UE et en recherchant l’appui de la France. En mobilisant aussi son peuple comme l’a montré le référendum.

  • Toute cette période a eu l’immense mérite de déciller les yeux à beaucoup sur l’intransigeance de Mme Merkel et des pays satellites de l’Allemagne.

Mais également sur la réalité de l’UE. Je devrais plutôt dire sa fiction. Il s’avère en effet que derrière la façade de l’UE, la géopolitique entre les puissances européennes reste prédominante. Et dans cette tectonique européenne c’est l’Allemagne qui impose ses vues. On ne construit en réalité pas l’UE mais une Europe allemande. Avant juillet, affirmer cette vérité vous valait d’être traité de germanophobe, aujourd’hui elle est monnaie courante. Or comprendre la situation à laquelle vous devez faire face est déjà la base pour espérer la transformer. Parler d’Europe allemande n’est pas pointer du doigt une nation tout entière mais l’ordo-libéralisme que promeuvent ses dirigeants au nom des intérêts de son électorat et plus précisément de ses possédants : celle d’un Euro fort et d’une politique monétariste propre à assurer la croissance allemande par une politique d’exportation agressive tout en rassurant ses rentiers. Et parce que les traités de l’UE sont conçus pour cette politique, on a la confirmation que rien ne sera possible dans le cadre actuel. On ne peut réformer, il faut agir pour casser ce carcan. C’est la condition même pour sortir les peuples européens de l’ornière austéritaire et relancer un projet coopératif entre eux.

  • En se privant de tout recours au plan B, confronté à un terrible blocus financier de son pays, Alexis Tsipras ne pouvait espérer même ébrécher le mur.

Mais force est de constater que le gouvernement grec a été bien seul dans ce qui reste à ce jour la première tentative d’un gouvernement européen de résister à l’Europe austéritaire. A l’inverse, face à lui l’oligarchie était, elle, bien unie. Alors que l’enjeu était grand pour les peuples d’Europe, nous n’avons jamais été plus de quelques milliers a manifester notre solidarité au cours de la période. Pire, nous n’avons pas été en capacité d’aider M. Tsipras sur le fond, sur les négociations, sur les solutions à trouver, sur la manière d’échafauder un plan B crédible aux yeux du peuple et dont les conséquences ne menacent pas d’être pires que la soumission. Le PGE aurait pu jouer ce rôle. Il n’a pas été en capacité de le faire, sans doute parce qu’envisager, ne serait-ce que comme moyen de pression, de sortir de l’Euro ne fait pas partie de ses scénarios dominants.

 

L’heure est venue pourtant de tourner la page.

 

 

 

 

Depuis plusieurs années le PG travaille sur un scénario « plan A/plan B » (à savoir : l’action d’un gouvernement mixant désobéissance/négociation avec les traités pour transformer radicalement l’UE - le plan A, avec celui de sortie de l’Euro en cas d’intransigeance en face - le plan B). Depuis les conclusions de notre forum de juin 2010 animé par Jacques Généreux (« gouverner face aux banques ») qui en traçaient déjà les perspectives sans le nommer, jusqu’à la plateforme de notre Congrès de juillet dernier précisant encore davantage ce que pourrait être ce scénario, en passant par les différentes déclarations de Jean-Luc Mélenchon et les travaux de notre commission économie animée par Guillaume Etiévant, le PG a largement contribué à le populariser.

 

 

- Aujourd’hui des responsables politiques européens l’évoquent clairement (tels Yanis Varoufakis ou Oskar Lafontaine).

Il faut donc travailler à le crédibiliser toujours plus. Mais on ne peut le faire chacun dans notre coin. Notre vision du plan B est internationaliste. Il ne s’agit pas de s’en tirer au mieux dans chacun de nos pays en comptant sur les marges de manœuvre plus ou moins fortes que sa puissance économique, son poids démographique lui donnent. Bien sûr, il est plus aisé de concevoir un plan B en France en sachant que le chantage qui a été exercé sur la Grèce serait moins efficace vis-à-vis de la 2ème puissance économique de l’UE. Mais à l’inverse, il sera beaucoup moins facile aux partisans de ce scénario que nous sommes d’accéder au pouvoir pour le réaliser si un à un nos partenaires de l’autre gauche en capacité de gouverner finissent par accepter les diktats de Bruxelles et Berlin. Voilà pourquoi, dès maintenant, en prévision de ce qui peut se passer en Espagne, en Irlande mais pourquoi pas de nouveau en Grèce selon l’évolution de la situation politique, il faut travailler concrètement tous ensemble à un plan B tenant compte des caractéristiques de chaque pays.

 

 

- C’est là notre proposition : un sommet internationaliste du plan B dès le dernier trimestre 2015.

Il réunirait toutes les forces de l’autre gauche de l’UE acceptant de travailler et de réfléchir concrètement à ce scénario, des personnalités, des économistes, des syndicalistes, des militants associatifs, altermondialistes.

 

  • Il pourrait évidemment voir associer des forces de pays non membres de l’UE mais voisins, y compris de l’autre côté de la Méditerranée, intéressés par cette internationalisme concret.
  • Il faut aller vite. Nous allons donc soumettre cette idée dans les jours à venir à des personnalités politiques de premier plan de nos différents pays afin qu’ils la fassent leur et appellent à ce sommet.
  • Ce qui vient de se passer en Grèce ne sera pas vain, et même utile, si nous sommes ainsi capables de réagir. Il est plus que temps de franchir un cap.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Le débat pour un "Plan B" à la fête de l'Humanité 2015

Le 12 septembre à la Fête de l'Humanité, Stefano Fassina (député, ancien vice-ministre de l’Economie et des Finances en Italie), Oskar Lafontaine (ancien ministre des Finances en Allemagne, co-fondateur de Die Linke Allemagne), Yanis Varoufakis (député, ancien ministre des Finances en Grèce) et Jean-Luc Mélenchon organisaient un débat pour un plan B en Europe.

 

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 18:09
Jean-Luc Mélenchon "Grèce : un accord contraint qu’il ne faut pas soutenir"

Un révolver sur la tempe !

 

Source : le blog de Jean-Luc Mélenchon le 13 juillet 2015 | modifié le 20 juillet 2015

- « Un revolver sur la tempe », selon ses propres termes : Tsipras a signé un « compromis ».

Aussitôt, les trompettes des louanges relaient la traditionnelle propagande gouvernementale pour célébrer le rôle de facilitateur de Hollande, la force du « couple franco-allemand » et réciter les refrains, les mantras et les calembredaines habituelles des eurolâtres. La vérité toute crue est, une fois de plus, à des lustres des pseudos analyses de commentateurs qui ne comprennent pas ce qu’ils voient, parlent de textes qu’ils n’ont pas lu et font réagir des « responsables politiques » sans autres informations que celles données par ces plus que douteux intermédiaires.

 

 

- Sur tous les écrans la même image....

madame Merkel face à Alexis Tsipras flanquée de Donald Tusk et de François Hollande. Un spectacle inacceptable. Pas seulement pour un Français à qui il est pénible de se voir de ce côté de la table et de surcroît assis en bout de banc ! Mais surtout pour un Européen. Car cette réunion devenue, faute de critique des commentateurs, une « instance », n’a aucune légitimité. Il y a un Conseil des gouvernements, il y a un Eurogroupe. Il n’y a pas de tandem faisant office d’audit ! La proposition issue de cette réunion n’a donc aucune légitimité. D’ailleurs, les Italiens (troisième économie du continent) ont lourdement protesté. Et le gouvernement finlandais où règne la coalition de la droite et de l’extrême droite a déjà déclaré que cet accord n’était pas le sien ! Voilà qui devrait au moins faire réfléchir les eurolâtres français. Quelle genre d’Europe est-ce là ?

 

 

- Quant à la discussion dans ce cadre, quelle valeur a-t-elle ?

La partie grecque n’y était pas du tout libre. Le pays est en état de blocus financier depuis quinze jours ! L’asphyxie est amplement commencée. Que vaut dans ces conditions une discussion de treize heures sans pause ? Et comment accepter le genre de pression que signifie la présence d’un côté des experts des deux premières économies, appuyés par les assistants du président du Conseil des gouvernements face à un gouvernement seul ? Est-ce ainsi que l’on traite ses partenaires en Europe ? Asphyxie financière du pays et asphyxie physique des négociateurs comme cadre d’échange ? 

 

 

- Après quoi je me dis mal à l’aise du fait du soutien apporté dans notre gauche ici ou là a cet « accord ».

Je veux croire qu’il n’aura pas été lu ou lu trop vite… En effet, le texte signé prévoit par exemple l’abrogation de toutes les lois votées depuis février dernier, la remise en cause du code du travail jusque dans des détails comme le travail du dimanche, la surveillance rétablie de la Troïka sur chaque ministère et le devoir de son approbation préalable avant chaque proposition de loi. Quand au rééchelonnement de la dette, question prioritaire, il est, d’une part, mis au conditionnel et, d’autre part, subordonné à l’approbation préalable de tout ceci par le Parlement Grec ! 

 

 

- La presse allemande comme le « Spiegel » parle de cet accord comme d’un « catalogue de cruauté ».

Le journal « L'Humanité », sous la plume de son directeur Patrick Apel Muller, parle de « la dictature froide de l’Allemagne ». « Angela Merkel, écrit-il, réclame la capitulation sans condition sous peine d’exclusion, accompagnée par quelques gouvernements servile. » La veille, Matéo Renzi, le président du Conseil italien, avait fini par éclater face au gouvernement allemand : « Ça suffit ! ». De toutes part, l’indignation est montée. « Le Monde » rapporte que même les hauts fonctionnaires européenns sont outrés. Il montre Tsipras épuisé et humilié.

 

 

- Telle est pourtant dorénavant l’Union européenne.

Le gouvernement d’Alexis Tsipras a résisté pied à pied comme nul autre ne l’a aujourd’hui fait en Europe. Il doit accepter un armistice dans la guerre qui lui est menée. Notre solidarité lui est due. Mais rien ne doit nous obliger a accepter de participer à la violence qui lui est faite. Si j’étais député, je ne voterais pas cet accord à Paris. Ce serait ma manière de condamner la guerre faite à la Grèce. Ce serait ma manière de condamner ceux qui la mènent et les objectifs qu’ils poursuivent.

 

 

- En France, nous devons condamner de toutes les façons possibles les sacrifices encore demandés aux Grecs et la violence qui leur est imposée.

Comme d’habitude, cela commence par le sang-froid face à la meute médiatique et son rouleau compresseur de fausses évidences. Ne jamais perdre de vue qu’ils mettent en mots la réalité pour la faire correspondre à leurs formats de diffusion et que la vérité n’est pas leur première exigence, même au prix de l’absurdité. Dans cette ambiance, il est impossible de retourner la tendance du commentaire, car elle est dans la folie panurgique. Mais, en allumant des signaux et en faisant circuler des analyses documentées, on empèche la débandade intellectuelle et on donne des points d’appui. Dans quarante-huit heures, les ravis de la crèches vont dessaouler. Toutes sortes de gens intellectuellement exigeants vont lire le texte. La résistance va se reconstituer. Certes, personne ne viendra dire merci à ceux qui auront tenus la première ligne de tranchée. Mais ce qui importe le plus sera acquis : une résistance va exister. 

 

 

- Les gens de bonne foi qui cherchent à se faire une opinion libre n’y comprennent rien...

En vérité, tant l’accumulation des bavardages transforme en « bruit » toute question. Ils sentent bien qu’on veut leur faire penser quelque chose et ils ne veulent pas se laisser faire. Notre devoir est de tenir bon en tenant tous les bouts du problème posé. Il faut soutenir Alexis Tsipras et ne pas s’ajouter à la meute de ceux qui veulent le déchirer et se rendent complice du coup d’état tenté contre lui et les Grecs. Mais il ne faut pas soutenir l’accord pour ne pas cautionner la violence dont il est issu et qu’il prolonge. 

 

 

- Nous savons que le meilleur atout du peuple grec serait la victoire de Podemos en Espagne et la nôtre en France.

Nous y travaillons ! Pour cela, il ne faut pas commettre l’erreur d’approuver aujourd’hui des méthodes appliquées demain aux Grecs, dont on ne supporterait pas qu’elles soient appliquées à la France. En laissant faire le putch contre Chypre, la France a validé une méthode qui a été depuis étendue à la Grèce. Nous fûmes trainés dans la boue pour l’avoir dit et même traité d’antisémites pour cela par Harlem Désir, alors premier secrétaire du PS, absent total de la partie européenne qui vient de se jouer alors même qu’il est le ministre français des affaires européennes ! 

 

 

- Mobilisés en équipe et avec traducteurs, mes amis et moi nous n’avons pas lâché les devoirs de la froide analyse et de la « solidarité raisonnée » qui est notre règle éthique et politique.

Cette discipline, nous la pratiquons depuis la période où nous avons accompagné et soutenu les révolutions citoyennes de l’Amérique latine. En effet, elles posaient déjà à chaque instant le problème de la façon de combiner le nécessaire soutien face à l’ennemi et le droit de ne pas partager une position prise par nos amis sur place. C’est d’ailleurs pour maintenir la possibilité de cette attitude que nous avons refusé à Chavez la construction d’une « cinquième internationale » comme il l’avait proposé, en nous prévenant à juste titre que le refus de sa proposition nous laisserait sans alternative collective. Nous avons mis en veilleuse nos critiques de François Hollande, même si nos encouragements à bien faire ont comme d’habitude été utilisés sans scrupule pour faire croire à notre adhésion.

 

 

- Cette attitude est celle de la responsabilité devant notre pays et devant nos amis grecs.

Sans surprise, une fois de plus, nous avons vu l’exécutif français deux mains en dessous des évènements et revenant de Bruxelles comme d’autres de Munich, le sourire aux lèvres et les fleurs au plastron, acclamé par des meutes hallucinées. Je dois évidemment souligner que je ne fais cette comparaison que pour éclairer une scène. Je ne compare jamais l’Allemagne actuelle à celle des nazis. Je ne l’ai jamais fait. On m’a évidemment reproché une phrase pour mieux dépolitiser toutes les autres. J'ai dit que pour la troisième fois, l'Allemagne était en train de détruire l'Europe. C’était le titre ce matin du quotidien proche de Syriza. Avant cela, c’était déjà une appréciation de Joska Ficher, l’ancien ministre écologiste des affaires étrangères de l’Allemagne du temps de Schröder…

 

Jean-Luc Mélenchon

 

  • Consultez le texte de l'accord ICI !

 

  • La version intégrale de l'accord annotée par l'ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis, cliquez ICI et ICI !

 

  • Six économistes passent au crible l’accord imposé par la zone euro ICI !

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier Grèce

- Dans son nouveau livre «test de stress» vient de sortir aux Etats-Unis, Timothy Geithner a révélé qu'en 2012, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble l'avait présenté un plan pour lancer la Grèce de la zone euro. Ceci, dit-il, serait d'apaiser les électeurs allemands et terrifier l'Europe.

- Allemagne : Une dictature froide sur l’Europe

- Crise grecque. Les propositions de l'Eurogroupe sont bel et bien un coup d'Etat

- Un accord détestable de type néo-colonial par Jacques Sapir

- L'accord sur la Grèce inquiète en Allemagne

- Le Parti de Gauche appelle l’Assemblée Nationale a refuser l’accord de l’Eurogroupe

- l'art de la désinformation et de la caricature : "Le Parti de gauche applaudit la politique d'austérité de Syriza"

 

  • Des mesures alternatives sont en débat en Grèce :

- L'alternative à l'austérité

- Une alternative est possible au plan négocié entre Alexis Tsipras et les créanciers à Bruxelles

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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 08:11
Jean-Luc Mélenchon : La méthode de la convergence citoyenne

Les résultats des élections en Espagne sont très intéressants à étudier pour en faire notre miel. Evidemment, leur premier impact c’est qu’ils contrebalancent la tendance de l’Europe du nord et de l’est que la vague brune domine pour l’instant assez nettement. Dans la partie qui se joue sur le continent, ce n’est pas rien.

Le choc que la Grèce va provoquer dans les prochains jours alimentera les tourbillons en cours de façon imprévue. Cette vue continentale doit nous servir de repère sans nous abandonner au regard pointilliste et superficiel des « commentateurs ». L’essentiel, pour cet épisode, c’est que nous ne soyons pas défaits partout tout le temps.

 

Source :  le blog de Jean-Luc Mélenchon

- La mémoire collective des Espagnols contient l’expérience des puissants mouvements des Indignés (appelés comme ça par les commentateurs français) et davantage encore par les « marées citoyennes ».

Mobilisations par thèmes tels que : éducation, santé, mines, sans oublier les mouvements locaux contre les confiscations, les expulsions et ainsi de suite… Dans ce cas, « fédérer le peuple », comme j'en ai repris la formule, c’est fédérer des mots d’ordre et des populations mobilisées autour d’eux. Rien à voir avec le traditionnel « rassemblement de la gauche » qui enferme dans les tractations entre états-majors et surtout oblige aux vieilles gesticulations de « mise au pied du mur », « l’union est un combat », qui sont autant de phases devenues des rites confinés et autodestructeurs. La préparation des élections régionales et locales d’Espagne a été un processus d’une toute autre nature. Je donne le lien vers le récit qu'en fournit Manuel Bompard sur son blog. Manu est secrétaire national du PG, militant dans le grand sud-ouest. Il fait partie de la génération la plus engagée dans la méthode des convergences citoyennes qu’il applique en grand dans son secteur. Ce n’est un secret pour personne que l’équipe du PG s’implique de très près dans l’étude et le partage avec les militants espagnols qui constituent la nouvelle nébuleuse alternative. On ne compte plus les allers et retours des uns et des autres et les participations croisées de chacun d’entre nous à des « évènements » montés de chaque côté des Pyrénées. Exactement comme nous le sommes avec les Tunisiens par exemple aussi. De nos jours il est possible d’avoir un haut niveau d’intégration de l’activité politique internationale quand on en a la volonté politique. Nous l’avons, et les cadres du PG circulent beaucoup, à tous les niveaux de l’organisation. Je le mentionne pour signaler l’existence d’une culture commune en cours de construction avec tout ce que cela implique de doutes, d’hésitations et de fulgurances aussi.

 

 

- Pour autant, le processus électoral de cette fin de semaine si magnifique ne peut être réduit à la seule percée de Podemos.

Le dire n’enlève rien à celle-ci car elle est bien réelle et en ce sens digne de tout notre intérêt. Il faut aussi considérer cette percée dans son ampleur. Car nul ne peut oublier que Podemos est, à l’origine, une scission de Izquierda Unida, l’équivalent du Front de Gauche en France. Je résumerai le motif de cette séparation en disant que l’équipe initiale de Podemos rejetait l’hégémonie du PCE (Parti communiste espagnol) sur Izquierda Unida et son approche trop « conventionnelle » dans la situation politique espagnole. Pour ma part, je suis resté lié aux deux groupes sachant que les faits trancheraient entre eux quant à la stratégie et que nous pourrions éventuellement être utiles à des rapprochements ultérieurs. Podemos ne s’est pas trompé sur son intuition. Ses résultats en attestent. Izquierda Unida doit intégralement se refonder pour être utile à la phase suivante. Ou bien elle sera rayée définitivement de la carte.

 

 

- Mais Podemos est lui aussi tributaire de plus grand que lui : le processus de révolution citoyenne en Espagne.

Dès lors, il faut noter que le résultat des listes municipales est très nettement plus large que celui des listes « pure Podemos » aux élections des autonomies. Les listes aux municipales ont été préparées dans une démarche citoyenne ample de longue durée de maturation. Certes, elles tirent leur dynamique et leur maturité de l’onde longue d’expérience portée par les marées citoyennes et les organisations de résistances civiques. Mais le processus concret de mise en œuvre de la démarche citoyenne a été une contribution permettant de transformer l’essai, c’est-à-dire le passage d’un mouvement informel à la phase où une liste ordonnée va le représenter. Cela peut paraître abstrait. Mais c’est une question terriblement brulante dans l’activité pratique.

 

 

- A son exemple, ou en même temps, nombre de nos amis ici ont commencé en France le même processus.

Il a été surtout expérimenté à échelle large, pour la première fois, dans les élections départementales. On ne partait pas de rien. Au contraire, on avait un exemple. Nous avons fait le bilan de ce qu’a été concrètement, sur le terrain, l’expérience de la campagne de Grenoble. A présent, nous sommes engagés dans la même méthode un peu partout dans le pays en vue des élections régionales. Naturellement tout cela est passé, passe, et passera sous les radars. Tant mieux. Des processus aussi délicats ne peuvent se construire sous la lumière déformante des spots.

 

 

- Les difficultés ne manquent pas.

D’abord celles qu’importent dans ce genre de construction la vie des organisations petites et grandes du monde politique conventionnel. En Espagne, la question de la rupture avec le PS a été réglée par les démarches citoyennes depuis le début, alors qu’en France elle traîne encore. En Espagne, la question de la convergence pratique des partis et des citoyens s’est réglée dans l’action. Incluse la question de la présentation des candidats qui n’est pas la chose la plus simple à mettre en œuvre. En France, si l’on met de côté l’engagement du PG, aucun parti en tant que tel n’accepte nationalement d’aider sans contrepartie les convergences citoyennes. Ce qui n’empêche pas, sur le terrain, que la démarche soit accompagné par des organisations très différentes. PG, Nouvelle Donne et EELV se trouvent souvent ensemble sur le terrain dans ce genre de démarche. Parfois, certaines structures du PCF s’y intègrent aussi. Mais le plus important est la façon avec laquelle se mène et s’organise la mise en place des « appels citoyens ». Il s’agit de leur réunion concrète, depuis leur mise en ligne sur la toile jusqu’à la constitution « d’assemblée représentatives » de l’ensemble des personnes qui soutiennent. Moment clef que celui où il s’agit de confier la conduite des opérations et les décisions politiques qui vont avec. Ce moment contient toute la difficulté de la mise en œuvre.

 

 

- J’ai pris le temps d’entrer dans les détails de la mise en œuvre plutôt que d’approfondir l’analyse du résultat électoral espagnol lui-même.

C’est que je me sens en campagne pour faire avancer une idée qui est en même temps une stratégie politique de conquête du pouvoir. En publiant « L’Ère du peuple », je voulais vulgariser les fondements de la théorie de la révolution citoyenne en tant que cadre d’analyse de la réalité de la fin du monde néolibéral en cours de route selon moi. Je dois dorénavant la détailler comme pratique concrète à mesure des évènements. Car rien ne me paraît plus vain que ces innombrables appels et autres déclarations en vue d’une « refondation de la gauche » qui se répètent et se concurrencent sans le début du commencement d’une mise en œuvre. Même quand ils viennent de nos rangs au Front de Gauche. Comment expliquer que depuis janvier soit sur la table la proposition de former une assemblée représentative du Front de Gauche sans que l’idée ait avancé d’un mètre ni reçu de réponse ? Comment expliquer que la proposition de former des listes à partir d’appels citoyens et d’assemblées représentatives des signataires ne puisse se réaliser qu’à la base et quasiment dans le silence des sommets ?

 

 

- Dans les faits, la démarche des convergences citoyennes pour les régionales est une opération concrète de reconstruction à partir de l’action.

Et des élections. Ce point n’est pas un détail. La question que se posent les démarches citoyennes ce n’est pas la qualité du texte à rédiger, son contenu complet et la vérification de la présence de tous les mantras de notre gauche. C’est de convaincre un maximum de gens de s’associer à un objectif politique commun. La preuve du pudding, comme on le sait, c’est qu’on le mange. La preuve de l’intérêt pour Podemos et les citoyens espagnols c’est qu’on en fasse autant qu’eux.

 

 

- L’Espagne, et la Grèce, en ce qui nous concerne, cela n’a rien à voir.

On y voit mises en œuvre les deux thèses qui animent un vrai débat entre les membres de la nouvelle gauche mondiale. Sous le choc des politiques néo-libérales les sociétés cherchent un nouveau leadership politique. Verrouillés par l’alternance des deux partis qui font la même politique, nos sociétés se dirigent vers un point « qu’ils s’en aillent tous » dans des formes et avec des mots d’ordre différents selon les pays. Dans cet entre-deux, comment avancer une alternative ? En organisant une confrontation dans la forme traditionnelle partis contre partis ou en misant sur des mouvements populaires de base de récupération du pouvoir citoyen. Ou un mix des deux. Cette question ne peut recevoir de réponse « à froid ». Elle trouve sa réponse dans les événements concrets, la mémoire collective et les traditions politiques de chaque pays ou même de chaque zone dans un pays. La formule Syriza repose sur une alliance puis une fusion d’un large arc de partis d’abord seulement coalisés. Cela est impossible en France car le Parti communiste (mais peut-être n’est-il pas le seul réellement) ne veut pas d’une telle fusion qu’il considère comme une dissolution de son identité après 90 ans d’existence contre vents et marées. Pourrait-on envisager des fusions partielles ? La proposition du PG dans ce sens n’a reçu que des fins de non-recevoir de tous ses partenaires dans le Front de Gauche. La formule Syriza dans cet aspect n’aura donc pas lieu en France. Mais le Front de Gauche peut-il y pourvoir à sa place ? C’est peu probable. Le Front de Gauche a manqué son rendez-vous en se noyant aux municipales.

 

 

- Pour autant, le Front de Gauche existe.

Il représente un repère respecté pour de très nombreuses personnes et électeurs. Dans plusieurs départements, l’intégration des composantes est très avancée. L’action collective est constante. Mais ailleurs, ça se passe très mal et les plaies électorales saignent toujours. Reste que le Front de Gauche existe et c’est sans doute le plus beau levier dont nous disposons à cette heure. Peut-il capter une dynamique du terrain ? C’est possible s’il va au bout de l’analyse de ce qui vient de se passer en Espagne et de ce qui est en cours en France même. L’avenir du Front de Gauche est son dépassement dans un mouvement plus large au service duquel il doit se placer. Ce mouvement doit s’ancrer dans la participation citoyenne. Comment faire ? Voir plus haut.

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30 mai 2015 6 30 /05 /mai /2015 08:58
TAFTA : Marine Le Pen et le FN complices de l’UMPS européen

La commission du commerce international du Parlement européen a voté hier en faveur du Traité de commerce transatlantique (TAFTA).

Loin de résister comme ils l’avaient fait croire, les députés PS, sous la houlette du rapporteur allemand Bernd Lange (SPD) ont voté en faveur des tribunaux d’arbitrage entre les Etats et les entreprises. Loin de préconiser des solutions alternatives dont ils avaient pourtant beaucoup parlé, ils se sont purement ralliés à la position de la Commission européenne.

Je dénonce cette nouvelle capitulation des sociaux-démocrates qui précipitent le désastre écologique et social dans lequel ce traité entraîne l’Europe.

Je salue la résistance des députés GUE, Verts et du socialiste français Emmanuel Maurel qui ont voté contre ce projet dangereux, comme je l’avais fait moi-même le 31 mars en Commission des affaires étrangères.

Je constate à l’inverse qu’en parfaite opposante de pacotille Marine Le Pen était absente lors de ce vote décisif. La volonté du FN de "laisser passer" est aussi avérée par l’absence de son suppléant Aymeric Chauprade.

Cela confirme le refus de Marine Le Pen de s’opposer à l’alignement transatlantique de l’Europe comme l’avaient déjà montré plusieurs de ses votes changeants sur l’OTAN.

- See more at: https://www.lepartidegauche.fr/actualites/communique/traite-transatlantique-le-pen-complice-l-umps-europeen-32451#sthash.wo5iP2hr.j1EdN0iK.dpuf

Sources : Le Parti de Gauche par Jean-Luc Mélenchon

La commission du commerce international du Parlement européen a voté hier en faveur du Traité de commerce transatlantique (TAFTA).

 

Loin de résister comme ils l’avaient fait croire, les députés PS, sous la houlette du rapporteur allemand Bernd Lange (SPD) ont voté en faveur des tribunaux d’arbitrage entre les Etats et les entreprises. Loin de préconiser des solutions alternatives dont ils avaient pourtant beaucoup parlé, ils se sont purement ralliés à la position de la Commission européenne.

 

Je dénonce cette nouvelle capitulation des sociaux-démocrates qui précipitent le désastre écologique et social dans lequel ce traité entraîne l’Europe.

 

Je salue la résistance des députés GUE, Verts et du socialiste français Emmanuel Maurel qui ont voté contre ce projet dangereux, comme je l’avais fait moi-même le 31 mars en Commission des affaires étrangères.

 

Je constate à l’inverse qu’en parfaite opposante de pacotille Marine Le Pen était absente lors de ce vote décisif. La volonté du FN de "laisser passer" est aussi avérée par l’absence de son suppléant Aymeric Chauprade.

 

Cela confirme le refus de Marine Le Pen de s’opposer à l’alignement transatlantique de l’Europe comme l’avaient déjà montré plusieurs de ses votes changeants sur l’OTAN.

 

Jean-Luc Mélenchon

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : TAFTA & TISA

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 08:05
Il y a 10 ans : le NON au TCE (superbe vidéo)

Jean-Claude Juncker, déclare dans le Figaro qu’ « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

Une déclaration de guerre contre la décision du peuple grec. Cela nous rappelle qu'en 2005 le peuple français a voté à 55% contre le TCE, les Hollandais à 61% - sans qu’on respecte leur choix - pour une Europe sociale.

 

 

- A votre disposition

Montage de 16 extraits du net en 2005 et 2 épilogues de Bernard Teper (ResPUBLICA et du Réseau d'éducation populaire) et François Cocq (AGAUREPS-Prométhée, maire adjoint de Champigny s/Marne, Parti de Gauche) en 2015 pour reprendre la discussion pour sortir de l’Europe des banques.

 

- Un NON populaire et floué où 3/4 des électeurs de gauche avaient dit leur refus !

 

Il y a 10 ans : le NON au TCE (superbe vidéo)

- Qu’ont-ils fait de notre 29 mai 2005 ? Que reste t-il de notre NON ?

Lire ICI la contribution d'Eric Coquerel, Secrétaire national du Parti de Gauche

 

 

- 2018 - Anniversaire du Non français au TCE lors du référendum de 2005

Il y a 10 ans : le NON au TCE (superbe vidéo)
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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 08:12
" Jeunes étudiantes portant des minijupes marchant dans la rue " à Kaboul en 1972

 

- Afghanistan, 20 ans de guerre en travers de la gorge[2] !

- La « perte » de l’Afghanistan par les États-Unis est un repositionnement et la nouvelle mission n’est pas une « guerre contre le terrorisme », mais contre la Russie et la Chine[3] .

 

  • Du 27 avril 1978 au 27 avril 1992, des forces de gauche sont au pouvoir en Afghanistan.
  • 27 décembre 1979 : l’armée soviétique entre dans Kaboul à la demande du gouvernement Najibullah confronté aux guerrillas féodalo-islamistes épaulées par les USA et plusieurs pays arabes.
  • Le retrait des soviétiques puis la défaite de la gauche afghane trois ans plus tard amènent l’exode de centaines de milliers de familles progressistes et laissent place à la propagation d’un islamisme de masse.
  • Les Etats Unis comme tous les pays occidentaux, comme la Chine, comme les prétendus nouveaux philosophes auraient mieux fait d’y réfléchir à deux fois avant de soutenir et fournir à foison des armes et de l’argent pour les mollahs et les madrasas.
  • Cet article a été rédigé en 2006. Depuis..............................

 

Sources : le Parti de Gauche Midi-Pyrénées le 28 mai 2006 par Jacques Serieys | mis à jour le 19/08/2021

- 1- Remarques sur l’histoire de l’Afghanistan jusqu’en 1978

Placé sur la grande route de la soie, au carrefour de l’Asie (entre Perse, Russie, Turco-mongols, Chine et Inde...), l’Afghanistan a connu une histoire riche depuis le néolithique. Les villes de Kaboul, Hérat, Kandahar, Balk, Bagram, Ghazni... ont resplendi à plusieurs époques au coeur de la Bactriane antique puis de la grande civilisation des Kouchans, dans l’Empire ghaznévide... Ensuite, le développement du capitalisme international par les routes maritimes laissa l’Afghanistan à l’écart des évolutions du monde ; les villes perdirent beaucoup de leur puissance économique, sociale et culturelle au profit d’un féodalisme rural dominé par de grands propriétaires terriens et des chefs de guerre, au profit aussi de mollahs autour desquels s’organisait la vie des villages.

 

Des historiens russes ont daté les prémisses d’un Etat afghan du 17ème siècle (principautés féodales de Akora et de Teri) et de 1713 lorsque plusieurs chefs féodaux locaux s’entendirent pour chasser le gouverneur de Kandahar nommé par le Shah d’Iran. Ceci dit, l’absence de relations économiques entre les territoires n’a pas poussé à la naissance d’un peuple ou d’une nation. Le pouvoir politique s’est donc disputé au gré des rapports de forces dans un chaos permanent. Les moments d’unification furent rares comme sous la domination du clan Sadozai de la tribu Durrani (ethnie pachtoun).

 

Reste de cette histoire une mosaïque d’ethnies (Pachtouns, Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras, Turkmènes, Kirghizes, Aïmaks, Baloutches, Nouristanis...), de tribus, de sous-tribus, de clans, de langues séparés par l’histoire (innombrables déplacements de population et innombrables conquérants), par la géographie (hautes montagnes, grands déserts), par des intérêts divergents, par des religions différentes, par l’attraction économique et culturelle de civilisations voisines.

 

- De 1839 à 1919, la Grande Bretagne essaya en vain d’imposer son protectorat sur ces populations guerrières et indépendantes. A plusieurs reprises, les armées britanniques connurent des défaites humiliantes (bataille de Gandamak en janvier 1842). C’est surtout de cette lutte contre l’envahisseur colonial que date un nationalisme féodalo-monarchique afghan d’autant plus que c’est lui qui traça les premières frontières.

 

- En 1919, une nouvelle guerre entre Britanniques et Afghans (dirigés par le prince Amanullah Khan) se termine par une défaite des British Armed Forces ; par souci de protection, Kaboul se tourne vers la jeune Union des Républiques Socialistes Soviétiques. L’Afghanistan est le premier Etat à reconnaître l’URSS et à signer avec elle des traités de coopération et de non-agression.

 

- De 1919 à 1929, l’Afghanistan connaît une décennie de développement à l’européenne : création de routes, de lycées, développement des villes, infrastructure étatique permettant de collecter l’impôt... L’émancipation de la femme afghane progresse rapidement (éducation, abolition du port du voile, interdiction de la polygamie, interdiction du mariage des jeunes filles avant l’âge de 9 ans, droit de vote). Qui porte cette politique ?

  • Sur le fond, des couches sociales citadines
  • Au sommet de l’Etat, des modernisateurs comparables au turc Kemal Atatürk, en plus démocratiques et plus progressistes.

 

- Survient alors en Afghanistan, ce qui était arrivé durant la révolution française

La majorité des paysans de sociétés rurales restées les plus féodales soutiennent leurs anciens oppresseurs (religieux et grands propriétaires) contre ceux qui croient pouvoir les libérer. La structure sociale et idéologique paraît alors plus forte que toute aspiration individuelle ou collective. L’intérêt trouvé par des abrutis locaux dans le maintien du patriarcat paraît plus important que la réforme agraire, l’éducation... Les religieux organisent une révolte qui oblige Aminullah à quitter le pays.

 

- Du 17 janvier 1929 au 13 octobre 1929, l’Afghanistan subit une première domination sanglante des fondamentalistes avec Habibullah Ghazi comme roi. Ce dernier est assassiné par Mohammad Nadir Shah qui convoque une Loya Jirgah (assemblée traditionnelle réunissant les chefs religieux, tribaux et militaires) pour être proclamé roi en septembre 1929 ; avec lui les fondements du pouvoir retournent aux chefs religieux et tribaux.

 

- Jusqu’en 1973, Mohammad Nadir Shah puis son fils Mohammed Zaher Chah siègent sur le trône royal afghan. Dans les années 1950 et 1960, la poussée tiers mondiste mondiale, les liens entre les Etats Unis et l’ennemi pakistanais expliquent les liens renoués avec l’URSS : construction de barrages, de centrales hydro-électriques, d’usines, scolarisation des femmes, droit de ne pas porter le voile... L’Afghanistan fait alors partie de la zone d’influence soviétique : les officiers comme beaucoup de hauts fonctionnaires sont formés en URSS ou au moins par ses coopérants. Les Etats-Unis veulent aussi prouver leur capacité à mener à bien des projets (barrage du Helmand, aéroport de Kaboul...). De 1963 à 1973, le pays connaît une période de monarchie constitutionnelle avec une constitution, des partis politiques déclarés et reconnus (à droite des parti islamistes, à gauche le PDPA).

 

- De 1969 à 1973, plusieurs années de sécheresse, de mauvaises récoltes et de famine affaiblissent la monarchie.

 

- En 1973, le général Daoud renverse son cousin et beau-frère, le roi Mohammed Zaher Khan, instaure la république et en devient le premier président. Ce dictateur populiste dispose d’une faible assise sociale. Il essaie de s’appuyer à la fois sur la haute aristocratie féodale et sur des couches sociales urbaines en cooptant son réseau politique. Des chefs islamistes commencent à rejoindre le Pakistan pour constituer des groupes de résistance comme le tadjik Ahmed Chah Massoud et le pachtoune Gulbudin Hekmatyar. Des guerillas islamistes commencent à se former. Rapidement, le pouvoir subit ce poids politique conservateur et adopte une attitude répressive vis à vis de la gauche formée par le PDPA (Babrak Karmal).

 

 

- 2- 27/04/1978 : la gauche afghane au pouvoir

La répression violente exercée par le pouvoir contre les progressistes met de plus en plus la gauche en situation d’impasse. Le 17 avril 1978, un dirigeant du PDPA, connu et apprécié, est assassiné en pleine rue. La grande manifestation de protestation organisée par ce parti deux jours plus tard est réprimée de telle manière (vaste rafle) que toute la gauche se sent en danger de mort.

 

Pour éviter le processus génocidaire de la gauche qu’a connu l'Indonésie en 1965, des officiers progressistes réalisent un coup d’état qui bénéficie alors d’un large soutien populaire tellement Daoud s’était fait d’opposants et ennemis.

 

Ainsi, le 27 avril 1978, arrive au pouvoir le PDPA (People’s Democratic Party of Afghanistan).

Qu’est-ce que le PDPA ? Un parti né en 1965 dans le sillage de la montée tiers-mondiste, émancipatrice et révolutionnaire des années 1960.

 

Les militants de gauche qui le créent veulent :

  • s’attaquer aux structures féodales rurales, au pouvoir des grands propriétaires terriens, à l’intégrisme religieux, à la grande bourgeoisie prédatrice ;
  • promouvoir l’alphabétisation des garçons et des filles, développer la semaine de 40 heures, instaurer une sécurité sociale...
  • construire un Etat de droit républicain en lieu et place de la corruption régnante ; faire perdre ainsi à la multitude de mollahs leur rôle traditionnel de prédicateurs porteurs de la parole d’Allah, de chefs politiques, de juges, de maîtres d’école ;
  • utiliser cet Etat planificateur pour développer un réseau de coopératives agricoles, des organismes publics de crédit pour aider les artisans...
  • s’appuyer socialement sur les travailleurs, les petits paysans, les intellectuels, les couches urbaines.

 

La majorité des cadres du PDPA proviennent des milieux enseignants, journalistes, bourgeoisie urbaine cultivée, quelques officiers formés en URSS.

 

Dès l’été 1978, des zones rurales s’insurgent et sont rejointes par plusieurs garnisons. Le Sud-Est, région de forte implantation islamiste est en sécession.

 

 

- 3 - La décision des USA de renverser la gauche afghane date du début juillet 1979

Dès le début juillet 1979, les Etats Unis décident d’intervenir en Afghanistan par le biais :

  • d’une part d’une assistance financière et militaire aux moudjahiddin (« guerriers saints ») ;
  • d’autre part d’un soutien direct de la part du Pakistan voisin (préparation d’un gouvernement fantôme à Peshawar, formation militaire, logistique...).

 

Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller pour la sécurité de Jimmy Carter, a affirmé en janvier 1998 que c’est « le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul[1] ».

 

Pire, la CIA comme l’administration du Pentagone mise sur le fait qu’en intervenant massivement, l’URSS va se trouver obligée de faire de même et de s’engluer dans le "piège afghan".

 

La décision américaine se traduit rapidement par une extension des guérillas. Elle représente un tel encouragement politique et militaire que la garnison de Kaboul elle-même se soulève et passe à l’opposition.

 

En octobre, la moitié des 85000 soldats de l’armée ont quitté leur affectation, rejoignant généralement l’insurrection contre le PDPA.

 

Les dirigeants du PDPA sont à présent dépassés par les enjeux stratégiques mondiaux qui se jouent dans leur pays. D’ailleurs, leur division s’exacerbe au plus mauvais moment entre d’une part le Khalq (Peuple) majoritaire, radical et assez peu politisé), d’autre part le Parcham (Etendard).

 

 

- 4 - 27/12/1979 : l’armée soviétique entre dans Kaboul

Le PDPA dirigé par le Khalq :

  • promeut des mesures progressistes dont il escompte le soutien du milieu paysan pauvre et modeste (alphabétisation, annulation des emprunts immobiliers ruraux, réduction de la dot, interdiction du mariage des enfants, interdiction des prêts financiers au bazar, redistribution de terres...);
  • se bat face à ses ennemis, les emprisonne, les abat parfois.

 

Dans le contexte montagnard afghan d’isolement géographique et culturel de nombreuses zones, les mollahs (religieux), les grands propriétaires et les maliks (chefs de villages) montent contre le gouvernement des populations rurales pourtant rationnellement intéressées par ces réformes.

 

Quatre autres éléments pèsent alors contre la réussite du PDPA :

  • l’action prosélyte de pays musulmans contre les "communistes" de Kaboul. L’Arabie saoudite apporte un financement considérable aux sept organisations de moudjahidines dès juillet 1979 au plus tard ;
  • le contexte international de réaction avec les USA en gendarmes du monde. Le 3 juillet 1979, Washington décide de fournir une aide financière et militaire considérable aux moudjahidines ;
  • le rôle de la dictature pakistanaise dont les services secrets servent de relai entre Washington, Ryad, les "zones tribales" et les guérillas afghanes ;
  • la poussée islamiste iranienne aux portes des régions rurales les plus conservatrices d’Afghanistan (Sud-Est).

 

Confronté à ce soutien international des forces impérialistes et abruties, le gouvernement afghan demande officiellement à treize reprises à l’URSS une intervention militaire pour le soutenir. Moscou analyse la situation et répond non avec pour argument essentiel que cela renforcerait les religieux et le soutien qu’ils reçoivent des pays capitalistes.

 

Pourtant, le gouvernement soviétique accroît son intervention en Afghanistan après deux évènements importants :

  • le soulèvement de la garnison d’Herat (aux portes de l’URSS) contre le PDPA ;
  • l’assassinat en septembre 1979 du président afghan (PDPA) Noor Mohammed Taraki.

 

Environ 55000 soldats soviétiques participent à l’intervention en cette fin d’année 1979. Ils appuient l’arrivée au pouvoir de Babrak Karmal, dirigeant modéré du PDPA, proche d’eux. Ils poussent à une attitude conciliante vis à vis de la religion et des religieux. 2000 prisonniers politiques sont libérés ; les discours et communiqués officiels commencent par Bismillah (au nom d’Allah).

 

 

- 1979, c’est l’année de la révolution khomeiniste en Iran.

Il aurait été logique que les Etats Unis restent prudents vis à vis de guérillas religieuses pour éviter une propagation islamiste ; or, ils vont peser de tout leur poids pour soutenir et armer ces groupes profondément réactionnaires. C’est dans ces conditions qu’ils utiliseront Oussama Ben Laden pour faire parvenir des armes et de l’argent ici et là. Chaque année, de 1981 à 1989, Washington va y engloutir environ 500 millions de dollars auxquels s’ajoutent les aides financières et en armement du Pakistan, de l’Arabie saoudite, de l’Iran, de la Chine, de l’Egypte...

 

Dans le même temps, des volontaires affluent de divers pays du monde arabo-musulman pour aider les moudjahidines (Algériens, Philippins, Saoudiens, Égyptiens...).

 

Les effectifs soviétiques augmentent rapidement : 85 000 hommes en mars 1980, 118 000 en 1982.

Sur 10 ans, plus de 900 000 jeunes Soviétiques servent en Afghanistan, 14 000 d’entre eux sont tués et 75 000 blessés, victimes d’armes fournies par l’Occident.

 

Cependant, les moudjahidines contrôlent une partie de plus en plus importante de l’Afghanistan rural.

 

En 1988, Gorbatchev décide le retrait des troupes russes, retrait complètement terminé en février 1989.

 

Ne sous-estimons pas dans cet échec du PDPA et de l’URSS, le rôle considérable des médias occidentaux (dont les grands médias français), présentant les moudjahidines en référence aux "Résistants" de 1940 1945. Grotesque bêtise !

 

 

- 5 - L’Afghanistan depuis le retrait soviétique

Notons seulement trois faits :

  • l’Afghanistan progressiste du président de la république Najibullah tient seul au pouvoir durant plusieurs années jusqu’au 27 avril 1992 face à des guérillas soutenues par les Etats Unis, le Pakistan, l’Arabie... l’Oumma... En mars 1989, tous les réactionnaires et ignorantistes au service des USA croient pouvoir écraser l’armée afghane à présent privée de tout soutien soviétique. A partir du Pakistan proche, des forces considérables avancent vers Jalalabad et en entreprennent le siège. Surprise : des forces de l’armée régulière de Najibullah brisent ce siège et font éclater l’unité des islamistes ;
  • dès le printemps 1990, un tartuffe pro-occidental nommé Boris Eltsine arrive au pouvoir à Moscou. L’isolement international de Kaboul s’accroît de façon inexorable rappelant la fin de la république espagnole avec une retirada aussi massive et aussi dramatique ;
  • La politique menée par le PDPA est indiscutablement meilleure pour le pays que tout ce qu’a connu l’Afghanistan depuis, à savoir la longue guerre civile entre factions de 1992 à 1996, puis la dictature des talibans, puis l’intervention militaire américaine. Notons un point : en 14 ans de présence du PDPA au gouvernement à Kaboul (intervention soviétique comprise), les spécialistes s’accordent sur environ 8000 Afghans moudjahidines exécutés. Une fois ce parti vaincu, les seuls combats entre factions islamistes dans la capitale ont fait plus de cent mille morts en un an.

 

Oui, il exista un Afghanistan de gauche qui présentait de nombreux défauts mais qu’il aurait fallu soutenir plutôt que de céder aux sirènes médiatiques au service des ignares obtus dirigeant la CIA.

 

Je ne peux terminer sans rappeler comment est mort le dernier président réel de l’Afghanistan auquel un jour l’histoire rendra hommage : lors de la prise de Kaboul en avril 1992, il essaie de quitter son pays mais en est empêché par le clan de Dostom devenu un allié des USA après le départ des soviétiques suite à des arguments sonnants et trébuchants. En 1996, les talibans prennent Kaboul, s’emparent de l’ancien président réfugié dans un bâtiment des Nations Unies :

 

Quoiqu’en pensent Le Figaro, L’Express, le Nouvel observateur, Le Monde et La Dépêche du Midi, l’humanité pensante n’était pas du côté des guerriers saints soutenus par les faucons de Washington. Avec le PDPA, les réverbères recevaient de l’électricité pour éclairer les rues et non pour pendre sans aucun procès un ancien président de la république.

 

- 6 - 1997-2001 : les Talibans

- 7 - Intervention de l’OTAN

- 8 - 31/12/2014 : Les forces de l'Otan mettent fin à leur intervention déclenchée en 2001 pour chasser les Talibans d'Afghanistan

- 9 - 15/08/2021 : les talibans font chuter le gouvernement afghan et prennent le pouvoir

Jean-Luc Mélenchon : " La victoire des talibans en Afghanistan déclenche légitimement un flots de commentaires et l’angoisse y domine, à juste titre. Engagé dès la première heure contre cette intervention militaire des USA (soi-disant en réplique aux attentats du 11 septembre 2001), je suis d’autant plus révolté contre le résultat final de ces vingt ans de guerre. J’ai déjà dit que j’avais chaleureusement applaudi la défaite des USA au Vietnam. Leur défaite (cette fois-ci encore), par contre, ne me procure qu’affliction et colère contre eux et je ne veux pas m’en cacher. Elle me soulève de dégoût pour ceux qui ont conduit les évènements jusqu’à ce point. Car tout était hautement prévisible depuis le premier jour. [2]"
 
-------------
 
- Afghanistan : Jean-Luc Mélenchon " pour comprendre la guerre, suivez les pipelines ! "

Intervention de Jean-Luc Mélenchon le 18 septembre 2019 à l’Assemblée nationale à propos d’un traité de coopération entre l’Union européenne et l’Afghanistan.
Le président du groupe «La France insoumise» a commencé son exposé par parler de la première cause de la guerre : le pétrole et les pipelines. Il a dénoncé le rôle néfaste des États-Unis qui, après avoir entretenu Al Qaïda, sont intervenus militairement officiellement pour détruire cette organisation terroriste.

 

Jean-Luc Mélenchon a dénoncé les hypocrisies contenues dans le texte de l’accord de coopération UE-Afghanistan, pointant notamment du doigt la question des droits des femmes ou encore de la liberté de conscience. Il a dénoncé un énième accord de libre-échange prônant par exemple la libre circulation des capitaux dans les échanges avec un pays qui est le premier producteur de drogue.

 

 

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11 mai 2015 1 11 /05 /mai /2015 08:10
Le hareng de Bismarck (le poison allemand)

Sources : éditions Plon par Jean-Luc Mélenchon

- Ceci est un pamphlet.

Mon but est de percer le blindage des béatitudes de tant de commentateurs fascinés par l'Allemagne. Je prends la plume pour alerter : un monstre est né sous yeux, l'enfant de la finance dérégulée et d'un pays qui s'est voué à elle, nécrosé par le vieillissement accéléré de sa population. L'un ne serait rien sans l'autre. Cette alliance est en train de remodeler l'Europe à sa main.

 

Dès lors, l'Allemagne est, de nouveau, un danger. Le modèle qu'elle impose est, une fois de plus, un recul pour notre civilisation. Ce poison allemand est l'opium des riches. Changer la donne politique et faire changer l'Allemagne sont devenus une seule et même chose. Il faut le faire avant qu'il ne soit trop tard.

 

- Le livre est disponible ICI

 

 

- Pour en savoir plus sur l'ouvrage

Jean-Luc Mélenchon était ce matin l’invité de J-J. Bourdin sur BFM TV afin de présenter son nouvel ouvrage (dans toutes les bonnes librairies dès demain) : le hareng de Bismarck. A partir de 10’49’’ (!), après les fadaises journalistiques (la famille Le Pen, Hollande...) qui permettent de ne pas laisser l'invité parler de l’essentiel.

 

Dix ans après la victoire du NON au Traité Constitutionnel Européen (TCE), expression majoritaire du peuple souverain bafoué(e) par les gouvernements successifs, ce livre remet les pendules à l’heure sur la situation ordo libérale actuelle, dont le « modèle » allemand (enfin décrypté tel qu’il est) et son gouvernement sont le moteur.

« Ceux qui ne connaissent pas l’Histoire sont condamnés à la revivre » – L’allemand Karl MARX

Vidéo à retrouver ici :

J.L Mélenchon parle de son livre le hareng de Bismarck chez bourdin 06 mai 2015

 

Voici comment Jean-Luc Mélenchon a commencé à présenter cet ouvrage dans une interview au journal Le Point qu'A Gauche publie simultanément.

 

- « En politique, il faut toujours un ennemi. Dans ce livre, vous en désignez un : les Allemands. Pourquoi eux et non plus les États-Unis ?

Jean-Luc Mélenchon : Vous y allez fort ! Non, ce n’est pas mon état d’esprit. Je ne m’en prends pas à un « génome » allemand qui les pousserait à vouloir toujours dominer. Je ne suis pas en manque d’ennemi. Le mien reste la finance et le productivisme. Mais l‘Allemagne est devenue leur avant-garde. Dès lors non seulement l’Europe n’est plus le grand projet social dont nous rêvions. Mais elle ne garantit plus la paix. Car dans ce concert de nations, l’une d’entre elle, l’Allemagne, prend le pas sur les autres et impose un modèle économique, l’ordolibéralisme. Il sert ses intérêts mais conduit inéluctablement à la catastrophe. Mon livre lance l’alerte. L’Europe va sombrer dans les violences dans les nations comme entre elles. Le supplice de la Grèce le prouve.

 

 

- Qu’est-ce que l’ordo-libéralisme que vous dénoncez ?

Les Allemands ont inventé cette vieille théorie. Elle professe que la politique est frivole et l’économie sacrée. On sanctuarise donc des règles économiques considérées des lois de la nature. Donc, on les met hors du champ des décisions politiques. En réalité c’est l’emballage d’un égoïsme de classe bien précis. Mme Merkel gouverne un pays en panne démographique. Les retraités toujours plus nombreux forment le gros de ses électeurs ! La retraite par capitalisation des vieillards allemands exige toujours plus de dividendes. Donc moins de salaires et d’investissements. La finance règne. Elle domine le capitalisme allemand grâce à la dérégulation organisée par le PS allemand : un comble !

 

 

- Dont la règle d’or des déficits ?

Les niveaux des déficits, en effet. Mais aussi la monnaie fétichisée, l’inflation et la dette diabolisés. C’est une vision dogmatique très bornée. Les leaders allemands l’assument sans s’en rendre compte. Ainsi quand l’odieux ministre de l’économie allemande, M. Schaubble, déclare : la France « serait contente que quelqu’un force le Parlement… » il ajoute : « mais c’est difficile, c’est la démocratie ». Cette précision est comme un manifeste de l’ordo-libéralisme : la démocratie est un problème dans la mesure où elle permet au politique de nier le dogme économique sacré. La France, son histoire, sa culture, c’est exactement l’inverse : toutes nos constitutions républicaines se sont mêlées d’économie. Pourquoi devrions-nous renoncer à notre modèle ? A mes yeux il est supérieur au modèle allemand quand il s’agit d’organiser la vie humaine en société ? L’ordo-libéralisme est anti-républicain. Il détruit les liens sociaux et la vie civique.

 

 

- Pierre Moscovici estime que vous commettez un contre-sens et affirme que Schauble plaisantait…

La servilité de Pierre Moscovici fait honte!

 

 

- Pardon mais les Allemands ne nous imposent pas grand-chose. Cela fait neuf ans que nous ne respectons pas la règle des 3% de déficit… Donc, l’ordo-libéralisme, on lui donne tourne le dos allégrement !

Ce que vous dîtes est incroyable : des traités inapplicables doivent-ils être sacralisés ? Les traités sont choses humaines. Il faut discuter de leur contenu par rapport à leur résultat. Nage-t-on dans le bonheur en Europe ? Le chômage et la pauvreté martyrisent des masses humaines considérables. Partout l’extrême-droite monte. L’Allemagne, elle, accumule les excédents commerciaux ? Et qu’en fait-elle ? Elle les place sur les marchés financiers car elle a étouffé en Europe, l’activité économique pour les employer. Ce faisant, l’Allemagne alimente elle-même la bulle financière qui va bientôt produire un nouveau désastre en explosant. Bonjour le modèle !

 

 

- Pensez-vous réellement que François Hollande puisse vendre aux Allemands le modèle français ?

Non. François Hollande a changé de camp. Il roule pour l’ordo-libéralisme. Les Français ne savaient pas qu’en votant Hollande, ils élisaient Merkel. Il a avoué d’ailleurs : « La France veut être le meilleur élève de la classe européenne ». Pour moi la France n’est l’élève de personne et elle peut apprendre beaucoup aux autres ! Tant qu’à faire, sur bien des sujets, mieux vaut qu’elle soit le maitre !

 

 

- A vous lire, les Allemands usurpent une réputation de sérieux. C’est gonflé, quand même…

En France nous adorons par modes successives, des « modèles ». On a eu droit aux « dragons asiatiques », puis, aux « tigres européens » tels l’Irlande ou l’Espagne. Des tigres de papier, en vérité, qui se sont effondrés avec l’explosion de la bulle financière en 2008. Et revoilà donc, le « modèle allemand », efficace, discipliné. Une illusion ! L’économie allemande est délabrée. Avec des équipements en ruine, et douze millions de pauvres, avec de moins en moins d’enfants, les jeunes qui quittent le pays, des vieux qu’ils relèguent, et une espérance de vie en recul, qui veut être allemand ?

 

Mon livre reprend le débat européen. On affichait qu’on ferait l’Europe sans défaire la France. Pour l’instant, on défait la France sans faire l’Europe des êtres humains. L’Allemagne nous domine, nous gronde, nous corrige, nous coupe de nos bases méditerranéennes ! Que reste-t-il ? Juste un grand marché qui nie notre modèle colbertiste qui est notre atout. En France, l’entrepreneur se met à la file du peloton ouvert par l’État. Quand on décide de faire des fusées, c’est l’État qui prend les choses en main. Et aujourd’hui, nous avons 50% du marché mondial… Et je pourrai citer bien d’autres exemples. Il n’y a pas une seule réussite européenne qui ne soit, à l’origine, française. Pas une seule ! L’Allemagne nous plombe !

 

 

- Vous donnez le sentiment que la France n’a plus rien à faire avec l’Allemagne…

Non, je ne dirai pas les choses comme ça. L’Allemagne est là de toute façon. Mais on ne peut accepter sa domination. Mon livre montre ses abus de pouvoir. Et sa manie d’imposer aux autres ce qu’elle croit bon pour elle. La sortie raisonnable, ce n’est pas de s’affronter avec eux mais de les remettre à leur place. Et de porter sans complexe notre propre message universaliste. Le retraité allemand n’est pas seul au monde : il faut aussi prendre en compte le sort des jeunes français et celui de la planète. L’Europe est la première puissance économique du monde. Cela nous impose des responsabilités. Or, l’ordo-libéralisme allemand ne permet pas de les endosser. Aucune ! »

 

Pour en savoir plus :

- Cécile Duflot critique violemment le « nationalisme étroit » de Jean-Luc Mélenchon

- Réponse à la tribune critique de Cécile Duflot sur le Hareng de Bismarck

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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 08:06
INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !

- Hollande Un propos indigne ! (parmi d’autres) Communiqué de Jean-Luc Mélenchon

Source :  le blog de Jean-Luc Mélenchon

En insultant le parti communiste des années 70, François Hollande oublie que c'était alors le programme commun qui conduisit à la grande victoire de 1981.

 

Son propos est d'une totale bassesse et indigence, indigne d'un président élu aussi par les communistes.

 

 

- Réactions du PCF

"Quand Hollande compare le FN au ’PCF des années 70’, sa faute est double. À l’égard des militantes et militants communistes. Mais c’est aussi une lâcheté intellectuelle face au FN d’aujourd’hui", a dénoncé sur Twitter Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, jugeant "navrante" et "pas à la hauteur" cette sortie de M. Hollande.

 

"La comparaison que Hollande vient de faire entre le FN et le PCF des années 70 est indigne et inepte", a de son côté réagi sur ce même réseau social Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris. "En parlant ainsi, Hollande contribue à dédiaboliser encore un peu plus le FN. C’est une faute politique et une faute morale", a-t-il fustigé.

 

 

- Hollande compare Marine Le Pen à "un tract du Parti communiste des années 1970", le PCF voit rouge

Sources :  Le Huffington Post

Le parti communiste voit rouge. Plusieurs responsables du PCF se sont indignés dimanche 19 avril de la comparaison faite par François Hollande entre Marine Le Pen et un "tract" communiste des années 70.

 

"Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 (...) sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu'on chasse les étrangers, qu'on fasse la chasse aux pauvres", a déclaré le chef de l’État, lors de l'émission "Le Supplément" sur Canal+.

 

Le numéro un communiste Pierre Laurent a même demandé lundi "des excuses publiques" à François Hollande. "Je suis scandalisé" par cette phrase qui est "lamentable", a déclaré sur France2 le secrétaire national du PCF. "C'est la seule chose que le président de la République a trouvé à répondre à des électeurs qui lui disaient leur désarroi dans un reportage qui dénonçait ses trahisons par rapport à ses promesses de 2012!", a déploré Pierre Laurent.

 

Le secrétaire national y voit "un aveu" de François Hollande qui "a décidé de tourner le dos à ses électeurs plutôt que de répondre à leurs urgences sociales". "Nous, nous n'avons pas renoncé", "le Parti communistes des années 70 comme des années 2000, lui, il continue le combat contre la finance", même si "nous avons changé beaucoup de choses" depuis ce temps.

 

Pour en savoir plus :

- Hollande et "l’odieuse insulte" faite au PCF

- Les InRocKs : Pourquoi la comparaison FN / “PCF des années 70″ n’a aucun sens

- Roger Martelli : « L’amalgame PCF-FN est une infamie »

- Ça ressemblait à quoi un tract du PCF dans les années 70 ?

- On est allé à Bobigny fouiller dans les archives du PCF

INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !
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2 avril 2015 4 02 /04 /avril /2015 08:03
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 3/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez ci-dessous la dernière partie.

 

Partie 3
Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.
- Être de culture et ordre globalitaire  

Cette stratégie contre-hégémonique prend sens dans une critique globale d’un économisme qui consiste à ne lire la société qu’en fonction des rapports de force dans le monde productif. Dès l’origine, le marxisme porte en lui un axiome intenable : la primauté des conditions de production sur les structures mentales de représentation du réel. Après la linéarité des processus historiques, Mélenchon attaque un autre pilier d’une lecture matérialiste de l’histoire : l’opposition entre infrastructure et superstructure. Le bannissement ad vitam aeternam  des représentations dans l’insignifiance constitutive de la superstructure biaise la compréhension des phénomènes sociaux contemporains.

 

Par conséquent, Mélenchon fustige la mutilation méthodologique qui consiste à réaliser une «  découpe stricte entre infrastructure des rapports réels de production et superstructure intellectuelle, culturelle et artistique » (débat suivant la projection du documentaire Rêver le travail). C’est la vision anthropologique même de l’Homme qui est tronquée puisque l’imbrication être de culture-être social se révèle inopérante dans le catéchisme marxiste. Au contraire, chez Mélenchon, « les êtres humains sont d’abord des êtres de culture, en même temps et même avant que des êtres sociaux » (ibid.). Les conséquences pratiques de ce renversement doivent être prises dans leur intégralité : « On ne penche pas à gauche à la seule lecture de son bulletin de paie » (À la conquête du Chaos). Il aime à rajouter qu’on ne fait pas des révolutions pour « des différentiels d’inflation » mais toujours pour « des idées si abstraites que la dignité ou la liberté ».

 

  • « Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel et dans un modèle social. »

 

Sa démonstration semble limpide : pour qu’une société où un petit nombre se gave sur le dos d’un grand nombre fonctionne, il faut que le très grand nombre soit d’accord ou résiste mollement. C’est donc, pour Mélenchon, par une forme d'envoûtement que le système capitaliste se perpétue. Notre quotidien est régi par une structure implicite : « Chaque être incorpore la logique du système productiviste par ses consommations » (p. 132). Ainsi, une culture individualisante fondée sur la réalisation de soi par la consommation de biens et de services fait littéralement corps en chacun de nous. Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel – consommer pour être – et dans un modèle social – « le moins cher s’opère au prix du sang et des larmes : délocalisation, baisse des salaires, abandon des normes sanitaires et environnementales… » (p. 133). Cet ordre est théorisé par Jean-Luc Mélenchon sous la dénomination globalitaire : il « produit, selon la paraphrase du Manifeste de Parti Communiste que l’on doit à Miquel Amoros, à la fois l’insupportable et les hommes capables de le supporter ».

 

L’ordre est premièrement global. Il est partout. À la fois culturel et économique, il s’appuie sur les secteurs de la production pour contaminer l’école, le service public, la vie familiale ou les relations amicales. De l’ordre de l’ineffable, Mélenchon guette ses apparitions sporadiques jusqu’à l’incorporation et le conditionnement. La spécificité de la globalité moderne, par rapport aux systèmes du passé, réside dans son unicité : il n’existe plus de monde extérieur concurrent. Contre-empire, contre-culture et contre-valeurs ont été happés par un mécanisme holiste produisant un monde sans bord où l’ailleurs se confond avec l’ici. Deuxièmement, il est totalitaire puisqu’« il formate l’intimité de chacun » (p. 131). L’ordre social le plus efficace n’est pas celui imposé de l’extérieur, mais celui qui s’incorpore dans l’être, celui qu’on s’approprie alors qu’il nous est dicté, celui qu’on s’impose à soi-même. L’ordre globalitaire s’immisce dans chaque interstice de l’existence. Le contrôle collectif se réalise par « ses aspects non politiquement visibles » : par le comportement d’autrui culturellement formaté par l’appareil culturel dominant, les médias.

 

Toutefois, Mélenchon reconnaît la responsabilité historique de sa famille politique : le système globalitaire n’a pu prospérer que sur les ruines de ce qu’il appelle la « mémoire-savoir ». Il analyse que la gauche moderne, sombrant dans la « culture de l’instantanéité », a totalement désinvesti la production de cette mémoire collective des conflits sociaux – « l’école du mouvement social » – comme contrepoids à l’information marchande globalisée. En effet, la conséquence directe s’est manifestée dans l’abolition de la pensée critique, actualisée dans les luttes concrètes, qu’a historiquement portée le mouvement ouvrier. De surcroît, faire péricliter la mémoire légitime la stratégie de « disqualification du passé » à l’heure où il apparaît comme un refuge de valeurs morales et de traditions minimales opposables à la modernité globalitaire.

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Extrait de l'affiche Les nouveaux chiens de garde
 

L’écosocialisme

Le tableau est quasiment complet. L’ultime étape correspond à la synthèse doctrinale de ses influences philosophiques successives. Deux synthèses majeures jalonnent le parcours intellectuel de Jean-Luc Mélenchon. La première, propre à l’histoire politique française, s’incarne dans la figure de Jean Jaurès et permet d’opérer une synthèse entre socialisme et République, entre marxisme et philosophie des Lumières, entre matérialisme et idéalisme : la République sociale. Cette inspiration jaurésienne se retrouve chez Mélenchon dans nombres de sujets, comme la question des institutions politiques du socialisme ou la recherche d’une imbrication des émancipations politiques, juridiques, économiques et sociales – la dialectique des émancipations du philosophe Henri Penä-Ruiz.

 

  • « Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? »

 

La seconde vint se greffer avec l’apparition d’un nouveau paradigme que le vieux mouvement socialiste français a dû intégrer à son corpus initial, au risque de renier quelques-uns de ses fondamentaux. L’écologie – discours savant sur l’interaction des organismes vivants avec leur environnement – entra dans le débat public à force d’alertes de scientifiques et de catastrophes dites naturelles à répétition. Mélenchon reconnaît volontiers sa dette intellectuelle à l’égard des Verts. Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? Comment allier le développement illimité des forces productives et la société d’abondance que propose le communisme avec la finitude des ressources terrestres ? Aggiornamento de la pensée ou art de la synthèse conceptuelle, l’écosocialisme soumet une interpénétration des approches matérialistes, du socialisme, du communisme, de la philosophie des Lumières, de l’universalisme, du républicanisme et de la laïcité.

 

 

- Histoire de la nature et histoire de l’Homme  

Vacciné d’emblée contre la réification de la nature par certaines branches du mouvement écologiste grâce à sa formation marxiste, Mélenchon apposa le terme politique après celui d’écologie. Il ne s’agit pas de sauver une Nature essentialisée contre l’Homme, mais bien de sauver l’humanité contre les dégâts que l’activité humaine capitaliste fait subir à son écosystème. Sa posture n’est compréhensible qu’en re-contextualisant l’émergence du phénomène écologique – rapidement lié au nébuleux développement durable – dans une ambiance générale de neutralisation sémantique de l’écologie, notamment portée par Daniel Cohn-Bendit.

 

  • « Critique sociale et critique écologique, loin de s’exclure mutuellement, se combinent. »

 

Dans ce cadre de pensée, l’apport du marxisme permet de réactualiser la critique du capitalisme par le biais de l’écologie. L’analyse marxiste des contradictions inhérentes au capitalisme s’étaient jusque-là bornée aux crises économiques, sanitaires, guerrières ou culturelles, oubliant la crise des crises : celle qui remet en cause l’existence même de l’humanité en tant qu’espèce. Au même titre que le capitalisme concentre, du fait de sa dynamique d’accumulation illimitée, les moyens de production dans les mains d’un groupe toujours plus restreint de possédants et élargit ainsi la base des exploités qui retourneront leurs armes contre lui, sa ponction effrénée sur les ressources épuisables de la planète sonnera le glas de « sa cohérence et sa pérennité » (L’autre gauche, Mélenchon). Jean-Luc Mélenchon se sert de l’arme dialectique pour inclure la nouveauté conceptuelle écologique dans la marche matérialiste de l’Histoire. Et, en effet, la dialectique de la nature fait partie intégrante du travail philosophique du jeune Marx, qu’on s’intéresse à L’idéologie allemande ou aux Manuscrits de 1844 : « L’Histoire des hommes et celle de la nature se conditionnent réciproquement ». Bien que la transcription rétrospective d’une pensée à l’aune de sa contemporanéité représente certainement une limite à ne pas franchir – il ne s’agit évidemment pas d’affirmer que Marx théorisa inconsciemment le réchauffement climatique, le trou dans la couche d’ozone ou les énergies renouvelables –, la méthode matérialiste d’explication du monde part de la nature, c’est-à-dire « du corps non-organique de l’homme » (Marx), puisque la dépendance de l’Homme à la nature « est préalable à la forme historique de société qu’elle peut prendre » (L’autre gauche). De ce constat découle une hiérarchie bouleversée pour le mouvement socialiste : la critique sociale n’est plus exclusive puisque la lutte des classes est tributaire de la perpétuation « des conditions de vie propice à l’espèce humaine », de l’écosystème humain.

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Critique sociale et critique écologique, loin de s’exclure mutuellement, se combinent : « La crise sociale doit être réglée d’après les exigences que met en scène la crise écologique » (ibid.). D’où l’apostasie, pour la gauche radicale, quant à la nature productiviste du système. L’aggiornamento écosocialiste réfute désormais explicitement à la fois l’idée social-démocrate, qui consiste à remettre du charbon dans la machine capitaliste dans l’espoir qu’il en résulte des droits sociaux et une plus équitable répartition des richesses et communiste du développement illimité des forces productives.

 

 

- De l’égalité devant la nature à l’égalité entre les Hommes  

Le courant progressiste issu des Lumières porte cette contradiction dès l’origine : comment prouver rationnellement l’abstraction de l’égalité statutaire des individus entre eux ? Au fond, l’humanisme séculier est une croyance, au même titre que la supériorité raciale ou religieuse. Comme le mentionne souvent en galéjant Mélenchon, l’inégalité entre les Hommes sautent aux yeux à quiconque s’y arrête un instant : « Il y a des grands, des petits, des femmes, des hommes, des gros, des jaunes, des noirs, des intelligents, des moins intelligents ». Cette abstraction constitutive de la modernité a toujours fonctionné sous dimension performative : l’égalité formelle se réalisait en la déclarant. L’écologie politique a octroyé au mouvement de la modernité une nouvelle assise heuristique dans sa lutte séculière contre la réaction. En effet, le raisonnement tenu notamment par Jean-Luc Mélenchon se fonde sur l’universalité de la dépendance des êtres humains par rapport à leur écosystème : « Il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine ».

 

  • « L’écosystème humain, s’il est unique, est un bien commun de l’humanité que les intérêts privés ne peuvent accaparer. »

 

La recherche scientifique informe sur l’équilibre métastable de l’environnement terrestre qui nous accueille. L’Homme en tant qu’espèce ne représente qu’un infime moment de l’histoire de la Terre ; des conditions particulières ont rendu possible son développement tant et si bien que le bouleversement stochastique de ces conditions initiales remet en cause la survie de l’espèce. Par conséquent, si l’on réduit, en toutes hypothèses, l’être humain à sa caractéristique première, on trouve sa dépendance vitale à son environnement. L’aporie conceptuelle et logique d’une humanité découplée de son corps inorganique valide donc le pressentiment des philosophes du XVIIIe siècle et des révolutionnaires français : les êtres humains sont semblables. Et l’écologie politique rajoute : du fait de leur dépendance mutuelle à l’unique écosystème rendant leur existence possible. De l’égalité des hommes face à la nature à l’égalité des Hommes entre eux, il n’y a qu’un pas, que Mélenchon franchit au service de la grande idée d’égalité.

 

 

- Du bien commun universel à la République laïque  

Mélenchon, et à travers lui sa famille politique, réactualise l’idée originelle du communisme grâce à l’écologie politique. L’écosystème humain, s’il est unique, est un bien commun de l’humanité que les intérêts privés ne peuvent accaparer. Ce glissement de l’interdépendance des Hommes envers leur capacité de produire leur moyen d’existence à l’interdépendance envers l’écosystème humain justifie la nécessité de socialiser ces biens communs. Par exemple, la bataille pour extraire l’exploitation des réserves aqueuses du giron marchand représente un cas concret de cette communalisation des biens universels.  Ce ne sont donc pas les intérêts privés guidés par la main invisible du marché qui doivent assurer une allocation optimale des ressources naturelles de l’écosystème,  comme le propose la green economy – paradigme suggérant de transformer la nature en un panier de biens échangeables sur un marché auquel s’adjoint un prix. De l’intuition communiste, l’écologie politique comme formulée par l’ex candidat à la présidentielle, aboutit au régime institutionnel précis où il n’est pas question « de dire ce qui est pour moi mais ce qui est bon pour tous » : la République. Puisque l’écosystème nous concerne tous, l’égide sous lequel doit se poser le débat est celui de l’intérêt général humain.

 

  • « La dimension laïque et rationnelle de l’espace public est inextricablement liée à la question écologique. »

 

Parallèlement, il convient de préciser que c’est par le débat argumenté et la démocratie que les citoyens atteindront l’intérêt général. Dans la vision que soumet le Parti de Gauche, l’écologie n’est pas l’apanage d’experts scientifiques opinant sur des bisbilles techniciennes. Au contraire, le mode d’organisation écologique de la production soumise à la règle verte (« telle qu’on ne puisse prendre à la terre ce qu’elle est capable de renouveler en une année »), en tant que décision humaine (donc de son caractère temporaire et modifiable), s’inscrit dans cette recherche constante de l’intérêt général. Toutefois, encore faut-il que l’espace public qui accueille ce débat soit « débarrassé des vérités révélés ». La dimension laïque et rationnelle de l’espace public est inextricablement liée à la question écologique.

Jean-Luc Mélenchon à Aguarico, où il a symboliquement plongé la main dans une mare de pétrole.
 

De la gauche vers le peuple.

Du peuple vers Jean-Luc Mélenchon ?

L’intellectuel Mélenchon a posé un diagnostic du monde qui l’entoure et de la configuration politique qui se dessine en Europe. En réponse, le stratège Mélenchon entame le virage tactique de rigueur. Une fois les influences historiques et intellectuelles démêlées, tout esprit qui porte un intérêt minimal pour le cours des événements ne peut se satisfaire d’un constat froid, d’un simple cheminement de pensée. La question sort souvent de la bouche d’un journaliste feignant son imminente délectation : pourquoi ne profitez-vous pas électoralement de la colère populaire ? Et malgré cela, elle est fondamentale. La balayer d’un revers de main pour ne pas entretenir le défaitisme ne vaut pas mieux que les réponses à l’emporte-pièce des éternels donneurs de leçons. Reformulons notre interrogation dans les termes d’un débat qui permette de donner quelques clés d’analyse plutôt que d’asséner une vérité. Pour quelles raisons le processus historique de la révolution citoyenne qui, dans ses spécificités nationales, s’est concrétisée en Amérique latine et semble dessiner un chemin – sinueux, dirons certain – en Grèce et en Espagne, ne se répercute-t-il pas en France avec le Front de Gauche ?

 

 

- En attendant le désastre social

  • « Pour quelles raisons le processus historique de la révolution citoyenne ne se répercute-t-il pas en France avec le Front de Gauche ? »

 

Le premier élément de réponse consiste à assumer l’explication gramscienne du rôle des tranchées entre crise économique et crise d’hégémonie du système politique. Si l’on compare la situation des bases matérielles en France – niveau de revenu, taux de pauvreté, précarité de l’emploi, taux de chômage etc. – avec celle que connaît les Espagnols ou les Grecs, la différence de degré n’est pas négligeable. Sans se lancer dans un fastidieux exercice comptable, quelques données mettent les idées au clair : 24% de chômage en Espagne, 26% en Grèce, 10% en France ; suivant tous les indicateurs le taux de pauvreté en Grèce et Espagne est supérieur de 10 points à celui de la France. Une des interprétations possibles afin d’expliquer la dynamique pour l’instant non-majoritaire du Front de Gauche réside dans l’amortissement de la crise économique de 2008 par des tranchées redistributrives comme les indemnités chômage, les prestations sociales et le maintien d’une dépense publique relativement élevée. En effet, les cures d’austérité grecques et espagnoles sont d’une autre échelle : hausse de plusieurs points de différentes taxes dont la TVA, baisse nette du salaire des fonctionnaires, privatisations brutales, diminution des allocations chômage, des prestations sociales et des pensions de retraites, flexibilisation du marché du travail, réduction drastique de l’investissement public et des dotations aux collectivités locales, etc.

 

Autrement dit, est survenue dans ces pays une explosion des bases matérielles qui produisaient le consensus incarné par la social-démocratie (centre-gauche) et la démocratie-chrétienne (centre-droit). L’altération des conditions d’existence, doublée du démantèlement de certaines tranchées, a entraîné une crise d’hégémonie politique (ou crise de régime) permettant une ré-articulation des latéralisations politiques. Pablo Iglesias de Podemos donne un exemple du lien entre bouleversement des bases matérielles et bifurcation de la manière de penser des gens. Il explique que l’explosion de la bulle immobilière, suivie des saisies par les banques des biens immobiliers, ont retourné l’hégémonie juridique du droit inaliénable de propriété. S’est imposée progressivement comme supérieure l’idée d’un droit au logement décent pour tous, chose inimaginable, nous dit-il, dans le sens commun d’avant la crise.

 

  • « L’explosion de la bulle immobilière suivie des saisies par les banques des biens immobiliers ont retourné l’hégémonie juridique du droit inaliénable de propriété. »

 

Jean-Luc Mélenchon, qui récuse la politique du pire[1], est conscient du moment charnière où se trouve la classe moyenne française qui « se cramponne à des certitudes de pacotilles que le parti médiatique lui sert à grosse louche », note de blog du 4 février 2015). Il sait que la clef de tout processus révolutionnaire efficace est le basculement de ceux qui voient encore un intérêt à participer activement à la défense de ce système. Ce retournement semble s’être produit en Grèce et Espagne par un profond déclassement social.

Podemos, 2014, par Pau Barrena/Bloomberg

 

- Occuper l’espace délaissé par la social-démocratie

La séquence politique des révolutions citoyennes d’Amérique latine, de l’ascension au pouvoir de Syriza et prochainement de Podemos, présente une similitude majeure : l’investissement par une force politique de l’espace laissée vide par la social-démocratie et la démocratie chrétienne. En effet, s’opère un recentrement idéologique et programmatique de ces deux anciennes familles politiques autour des préceptes néolibéraux. Cela conduit à la marginalisation puis la scission de leurs branches antilibérales : le républicanisme et le socialisme « à gauche » – type Jean-Pierre Chevènement et Jean-Luc Mélenchon en France –, l’autoritarisme et le souverainisme « à droite » – type Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan. Ce que la vulgate médiatique caricature en extrémisme, radicalisme ou populisme, ne correspond en réalité qu’à la traduction contemporaine – penchant écologiste et féministe en plus – de la rhétorique du compromis avec le capitalisme : rôle d’intervention et de redistribution de l’État, pilote de la conjoncture par les instruments budgétaires et monétaires, défense des services publics, souveraineté populaire, justice sociale, redistribution des richesses en faveur du travail, relance par la demande, etc.

 

 

- La spécificité française : le Front National

  • « La vague bleu marine ne se construit évidemment plus sur la vieille garde royaliste, nazie, pro-Algérie française ou le discours reaganien de son père. »

 

Dans chacune des configurations nationales évoquées plus haut, ce no man’s land politique n’a fait l’objet que d’une relative concurrence de l’extrême gauche révolutionnaire et de groupes nationalistes. Si elle n’épuise pas la complexité des phénomènes en jeu, une approche de l’histoire politique de ces pays permet de comprendre l’absence d’une force contre-hégémonique concurrente, populiste de droite, sur le même espace vide qu’est le Front National en France. Les pays d’Amérique latine, l’Espagne et la Grèce partagent un trait historique commun : une phase de transition récente (moins de quarante ans) de régimes dictatoriaux à des démocraties formelles. Si la droite autoritaire et nationaliste a été dissoute et réduite au statut de groupuscules en Amérique latine, elle est inaudible dans l’Europe du Sud. D’abord, en Espagne, les franquistes sont incorporés dans le Parti Populaire et ne peuvent donc jouer la carte anti-système. Puis, en Grèce, la formation néo-nazie Aube Dorée ne porte aucune réflexion stratégique sur un hypothétique devenir majoritaire en se réfugiant derrière des symboles très clivants ; pour reprendre le débat sur les signifiants flottants, on peut difficilement faire signifiant plus fermé que la rhétorique et l’iconographie nazies... Ainsi, Syriza et Podemos n’ont pas de concurrents populistes sérieux contre qui batailler pour la constitution hégémonique du sujet politique « peuple » - l’unique ennemi à affronter est la caste.

 

À l’inverse, Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche doivent manœuvrer avec un adversaire populiste de droite. L’implantation dans le paysage politique français du Front National depuis les années 1970 est une donnée majeure : ce n’est pas un mais deux discours qui tentent d’occuper ce même espace. En effet, il s’agit de nommer et d’analyser avec précision celui qu’on désire combattre. Il est sans doute essentiel de rappeler publiquement et à intervalles réguliers que, selon la formule consacrée, si la façade a changé l’arrière-boutique reste la même : les déclarations de candidats FN aux départementales sont là pour qu'on ne l'oublie pas. Néanmoins, tout stratège politique doit analyser avec rigueur et précision le changement de paradigme impulsé par Marine Le Pen depuis 2011. La vague bleu marine ne se construit évidemment plus sur la vieille garde royaliste, nazie, pro-Algérie française ou le discours reaganien de son père. C’est bien la mouvance souverainiste menée par l’ancien chevènementiste Florian Philippot – toujours prompt à faire l’éloge du Parti communiste de Georges Marchais – qui influence le discours de Marine Le Pen.

 

  • « La tactique proposée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle fut celle du Front contre Front. »

 

Jean-Luc Mélenchon ne s’y trompe pas : « Elle répète des pans entiers de mes discours ». Le journal Fakir, dans un très bon article intitulé « Quand Marine Le Pen cause comme nous » (n°63), démontre la reprise un à un des thèmes historiques de la gauche par le parti frontiste : la critique de l’Union Européenne, la souveraineté du peuple, les multinationales qui ne payent pas d’impôt, les évadés fiscaux, le système financier prédateur, la pauvreté, le chômage, un État planificateur, la laïcité, etc.

 

 

- Front contre Front : peuple contre peuple

Marine Le Pen ne se contente pas de reprendre à son compte les analyses et les propositions classiquement connotées « à gauche ». Elle n'ignore rien du rôle des identités collectives en politique et s’en sert pour constituer, elle aussi, son peuple comme potentialité contre-hégémonique. En plus de l’opposition verticale entre le haut et le bas se superpose une opposition horizontale entre nous – le peuple français – et eux – les immigrés, les étrangers, les assistés. Par conséquent, le Front National embrasse à la fois des problématiques sociales et des problématiques culturelles qui mettent en jeu le rapport à l'autre et les modes de vie. Loin d’être la bête irréfléchie que d'aucuns croient, le Front National version Philippot est une machine gramscienne à investir le sens commun et les signifiants flottants. La mise en avant de la notion d’insécurité, qui va de la précarité de l’emploi jusqu’aux questions identitaires, en passant par les conditions de vie quotidiennes, exprime bien la mue populiste de l’extrême droite traditionnelle. Insécurité sociale, culturelle et physique se combinent dans un même discours unitaire, qui prend appui, ou le prétend, sur les expériences et ressentis individuels et collectifs.

 

  • « Au peuple identitaire du Front National, Mélenchon répond par l’inclusion dans son peuple républicain des vagues d’immigration récente. »

 

La tactique proposée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle fut celle du Front contre Front. Prenant acte de l’inefficacité des postures morales – danger du fascisme, les heures les plus sombres de notre histoire, valeurs républicaines, etc. –, l’ancien candidat à l’investiture choisit de décortiquer le programme économique du Font National pour mettre en évidence ses incohérences. Après avoir donné la contradiction dans l’émission phare de la campagne « Des paroles et des actes », sur France 2, avec Marine Le Pen, il va l’affronter sur ses terres aux législatives d’Hénin-Beaumont. Front contre Front mais aussi peuple contre peuple. Au peuple identitaire du Front National, Mélenchon répond lors de son discours sur les plages du Prado à Marseille à Marseille par l’inclusion dans son peuple républicain des vagues d’immigration récente, notamment « arabes et berbères du Maghreb », cibles privilégiées de la communauté nationale exclusive de ses rivaux.

 

- Assumer la radicalité populiste

Pour l’instant, le Front National s'avance en tête. Depuis la campagne pour les élections européennes, la stratégie offensive menée par le Front de Gauche contre Marine Le Pen, pour la conquête de cette espace politique vide décrit précédemment, semble se chercher. Jean-Luc Mélenchon présente deux explications majeures : l’une exogène et l’autre endogène à son camp. La première pointe celle des médias dominants qui, selon lui, jouent la carte Marine Le Pen. D’une part, « le parti médiatique » multiplie les publi-reportages la mettant en scène et centralise ses thématiques de prédilection. D’autre part, les producteurs principaux de contenus idéologiques structurent un air du temps identitaire par la mise en agenda permanente, et encore plus depuis les attentats de début janvier, de faits divers où se répètent à l’infini les signifiants antisémitisme, islam, islamisme, musulmans, juifs, religions, banlieues, délinquance, etc. Ainsi, le discours du Front de Gauche, où prédominent les référents économiques et sociaux, s’ancrerait plus difficilement dans un sens commun bombardé de conflits culturels (là où celui de Marine Le Pen s’y calque idéalement).

 

  • « Une partie du Front de Gauche se voit encore comme force d’appoint du Parti Socialiste aux élections (ce qui ne fait que redorer le blason supposément anti-système du Front National). »

 

La seconde endosse une responsabilité certaine qu’il renvoie à ses camarades communistes. « Le Front de Gauche s’est rendu illisible » par des accords aux municipales avec le Parti Socialiste. Sans nier la puissance d’injonction du message médiatique, intéressons-nous à ce domaine maîtrisable par Jean-Luc Mélenchon et ses alliés : la stratégie politique. Dans la configuration actuelle, assumer la radicalité populiste parait être la seule voie de crête empruntable. Assumer la radicalité populiste signifie construire un « autre populisme ». Cela implique de s’emparer et d’arroser les racines contemporaines de l’opposition peuple-oligarchie pour que fleurisse une nouvelle hégémonie sur la représentation du peuple. Pour le dire sans ambages : il n’est plus possible de délaisser au Front National le monopole du discours radical – même s’il n’est que d’apparence – d’un point de vue socialiste, ou pour le dire autrement, d’un point de vue anticapitaliste.

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Assumer la radicalité populiste suppose de comprendre les conditions d’émergence d’une situation populiste qui donnent sa matérialité à ce discours. Comme l'estime Mélenchon, elle se définit par l’ère de la souveraineté limitée, de l’illégitimité du grand nombre au profit de règles automatiques de bonne gouvernance, de la démocratie conditionnée aux arrangements d’experts. Ainsi, des revendications et thématiques longtemps éteintes redeviennent clivantes si et seulement si elles se présentent sous l’angle de la souveraineté. Dans cette configuration, refuser certains sujets car faisant écho à des marqueurs historiques du Front National – pour ne pas faire son jeu – revient à oublier qu’ils renvoient, avant toute chose, à la situation populiste dont les données se définissent de plus en plus par en haut. Quelle expression a, par exemple, marqué le sens commun pour décrire ce que Jean Louis Michéa nomme l’alternance unique du PS et de l’UMP ? L’UMPS. Pablo Iglesias de Podemos – qu’on peut difficilement taxer de fasciste – ne louvoie pas lorsqu’il est question de qualifier les politiques menées par les deux partis de gouvernements espagnols en alternance depuis 1982 : « La différence je ne la vois pas, c’est pepsi cola et coca cola ». Encore une fois, la question à se poser porte sur la radicalité de l’analyse dans la situation populiste et sa traduction dans les actes. Jean-Luc Mélenchon en est bien conscient – il n’hésite pas à dire qu’« Hollande, à maints égards, c’est pire que Sarkozy » –, mais une partie du Front de Gauche se voit encore comme force d’appoint du Parti Socialiste aux élections (ce qui ne fait que redorer le blason supposément anti-système du Front National).

 

De même, tout ce qui apparaît comme ayant été exclu de la délibération publique par ceux d’en haut, donc en dehors du champ de la souveraineté populaire – de la monnaie unique au protectionnisme en passant par les politiques migratoires –, détient une forte potentialité de clivage en situation populiste. Toute ambition hégémonique du sens commun qui n’assume pas la conflictualité sur des sujets déjà investis par le concurrent lui laisse le champ libre. Il s’agit à chaque fois de les réarticuler d’un point de vue social et économique, là où le Front National leur donne une signification identitaire et nationaliste. Ne pas laisser le champ libre sans rien céder sur le fond. Telle est la singularité de la ligne de crête populiste par rapport aux lacets de la gauche : plus sinueuse car débarrassée de la volonté d’incarner le Vrai et le Bien dans l’Histoire, plus dangereuse puisqu’à vocation majoritaire, mais menant aussi de façon plus directe jusqu'aux sommets car elle s’adresse et construit le sujet politique de notre ère : le peuple.

 

Note :

[1] Cette position de Karl Marx entre protectionnisme et libre-échange résume assez correctement ce qu’est faire la politique du pire : « Mais en  général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. »

 

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1 avril 2015 3 01 /04 /avril /2015 08:00
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 2/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez le second texte ci-dessous.

 

Partie 2

 

Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.

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Pablo Iglesias, de Podemos (DR)
 

- L’ère du vol des mots et des signifiants flottants

Fin lecteur de George Orwell, l’eurodéputé témoigne des conséquences de « l’ère du vol des mots » (p. 26). Déjà lors de la campagne européenne de mai 2014, Mélenchon fustigeait «  les mots [qui] ne veulent plus rien dire. Ou bien s’ils veulent dire quelque chose, c’est le contraire de ce qui est dit » afin de proposer une sortie par le haut : « voilà comment il faudra les réinventer ». En effet, les mots sont des sédimentations historiques de sens et des puissants marqueurs symboliques. C’est évidemment le cas du mot gauche, dont l’écho dans le sens commun a été vidé de sa signification historique – être du côté des travailleurs. Mélenchon prend au sérieux l’expérience latino-américaine où ses camarades s’interdisaient de se revendiquer de la gauche puisque dans la tête des gens « gauche et droite c’est tout pareil » – puis rajoute : « Comment le démentir ? » (p. 27).

 

  • « Un signifiant trop ouvert – gauche ou progrès – ne permet pas d’assumer un antagonisme et, à l’inverse, un signifiant trop fermé et fortement clivant – marxiste – n’est séducteur que pour une minorité d’initiés. »

 

 

Si l’on se penche sur les influences latino-américaines de l’analyse mélenchonienne, il est indispensable de se référer au politiste argentin Ernest Laclau auteur de La raison populiste (2005). À rebours d’une conception procédurale de la démocratie, elle est pour Laclau un processus de construction/redéfinition constante des identités collectives. Ces identités se structurent autour de signifiants flottants qui sont l’arène des constructions hégémoniques concurrentes et de batailles pour imposer son ordre symbolique. Lors de période de crise d’hégémonie des superstructures, le champ des signifiants classiques se dissout. Ainsi, les forces politiques qui émergent doivent investir ces signifiants vidés de leur substance antérieure de manière stratégique. Un signifiant trop ouvert – par exemple gauche ou progrès – ne permet pas d’assumer un antagonisme et, à l’inverse, un signifiant trop fermé et fortement clivant – par exemple marxiste – n’est séducteur que pour une minorité d’initiés.

 

Jean-Luc Mélenchon, qui a rencontré et débattu avec Ernesto Laclau en Argentine, tente de mettre en pratique ces recommandations afin de reconfigurer le sens commun. Pour le tribun amoureux des mots et des concepts, il est aisé d’assumer la force performative du langage – quand dire crée du sens. Démocratie, patrie, système ou républicain, participent de ces catégories sujettes à disputes, tout comme le signifiant flottant par excellence : peuple.

 

 

- Constituer un nouveau bloc historique

L’étendard à porter sera donc celui du peuple, délaissant celui de gauche aux vautours de la rue de Solferino d’un côté et aux distributeurs de brevets révolutionnaires de l’autre. S’envolent progressivement les gens de gauche ou l’électorat de gauche pour laisser place au grand nombre, aux gens du commun et, en définitive, au peuple. Mélenchon assume une forme de populisme tout en critiquant la vacuité de ce concept qui, selon lui, en dit plus sur la haine de classe de ceux qui le prononce que d’une hypothétique essentialisation du peuple de leur contradicteur. Néanmoins, on retrouve bien une caractéristique populiste dans l’opposition verticale entre le haut – l’oligarchie – et le bas – le peuple – avec des intérêts en contradiction radicale.

 

  • « Mélenchon assume une forme de populisme tout en critiquant la vacuité de ce concept qui, selon lui, en dit plus sur la haine de classe de ceux qui le prononce. »

 

Cette rhétorique accompagne autant qu’elle construit ce qu’Ernesto Laclau nomme « la dichotomisation de l’espace social en deux camp antagonistes » (La raison populiste) lors d’une crise d’hégémonie du système politique. Loin de faire du peuple une essence et encore moins un élément de la structure sociale – qui reviendrait à définir des critères rigides de revenu, d’habitat, de diplôme etc. d’appartenance au peuple -, il est chez Mélenchon une « catégorie politique » ou, autrement dit, une potentialité contre-hégémonique. Cette dernière permet d’édifier un nouveau bloc historique, pour reprendre l’expression d’Antonio Gramsci, comme forces sociales convergentes autant sur des revendications matérielles que sur une vision du monde. Ainsi, si l’ennemi de l’oligarchie a le visage du capitalisme financier (dirigeants de fonds de pension, banquiers, patrons du CAC40, traders, etc.), alors l’artisan, le commerçant et même le petit patron peuvent participer à une « convergence des productifs » aux côtés des ouvriers et salariés sur le mot d’ordre d’une dé-financiarisation de l’économie.

 

 

- L’hégémonie culturelle : identifier, décrédibiliser, retourner

Comment constituer ce nouveau bloc historique comme potentialité contre-hégémonique ? L’action politique, pour Jean-Luc Mélenchon, s’appréhende en premier lieu par ses aspects culturels et a pour mission une « reconstruction de soi » qu’il nomme indistinctement « racine politique » ou « construction culturelle active » (intervention au symposium organisé par le Secrétariat de la Nation argentin, octobre 2012). Ainsi, il s’agit d’abord de dévoiler les vecteurs de l’hégémonie culturelle dominante au grand jour pour, ensuite, souffler sur les braises d’une conception du monde supérieure à celle des dominants. Mélenchon commence par identifier le cerbère à trois têtes gardien de l’ordre moderne – divertissement, publicité, médias politiques – afin de décrédibiliser ses représentants canoniques. Pour « rendre explicites les injonctions implicites de l’ordre […], les rendre visibles aux yeux de la conscience individuelle », le succès réside dans la conflictualisation des sujets dans l’arène politique, seule capable de « passer d’une hégémonie culturelle à une autre » (ibid.). C’est la stratégie qui consiste à taper dans la vitrine médiatique et ses experts cathodiques pour vacciner les consciences du schème de pensée qu’elle véhicule : il n’y a pas d’alternative.

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Nicolas Sarkozy et François Hollande le 8 mai 2012 (© Reuters)

 

Deux armes sont susceptibles de fendre « la deuxième peau du système » en la démystifiant. D’abord, l’eurodéputé tourne en ridicule, par l’humour et la raillerie, la force de l’évidence que recouvrent les discours dominants. « Moquez-vous d’eux ! », enjoint-il à ses concitoyens afin d’écorner la légitimité des importants qui façonnent l’air du temps – des caciques du PS et de l’UMP (40'30 - 47), aux journalistes et autres experts médiatiques. Puis, une fois l’effet démystificateur de la blague atteint, l’auditoire est dans les dispositions idéales pour la contre-argumentation seule capable de re-polariser le champ politique dans son sens : c’est la fonction contre-hégémonique de la radicalité concrète. Mélenchon s’inscrit dans la filiation jaurésienne qui, en son temps, abjurait ses contemporains à ne pas boire ses paroles car « envers une idée audacieuse […] vous avez le droit d’être exigeants […] de lui demander de faire ses preuves, […] par quelle série de formes juridiques et économiques elle assurera le passage de l’ordre existant à l’ordre nouveau » (discours du Pré-Saint-Gervais, 1913). Pourfendeur des « y’a qu’à, faut qu’on » médiatiques, l’explication de ses thèses occupe la majeure partie de son travail politique. Peu aidé par sa formation sur la poésie au XVIe siècle, Mélenchon se plie – non sans la récuser – aux exigences techniciennes de la grammaire médiatique où les spécificités de la politique fiscale libératoire s’enchainent avec les règlements de contrôle de l’activité numérique. Il s’évertue à déconstruire les argumentaires dominants au fil de ses interventions publiques. Cela implique d’accepter le débat quant à la traduction législative de la révolutionne citoyenne – et ne pas le renvoyer à la mission d’une classe élue par l’histoire.

 

  • « Exalter les affects ne ferait que réveiller la bête immonde du fascisme. Jean-Luc Mélenchon se targue d’avoir rompu avec une tradition rationaliste de son camp. »

 

Plus difficile, cette stratégie consiste également à conflictualiser les représentations qui passent par des canaux infrapolitiques, c’est-à-dire le divertissement et la publicité. Sa critique de l’histoire de la Révolution française véhiculée par le jeu vidéo Assasin's Creed en est un bon exemple. Néanmoins, parler à la raison ne suffit pas pour retourner l’hégémonie. Puisque l’ordre globalitaire (cf. seconde partie de l'article) investit jusqu’à l’intimité de chacun en constituant des subjectivités – des rapports à soi et au monde – ainsi que des comportements propices à l’accumulation capitaliste, la tentative contre-hégémonique doit se situer sur le même terrain. Toutefois, la gauche est prise de panique dès qu’il est question de passions politiques car traumatisées par les expériences totalitaires du XXe siècle. Exalter les affects ne ferait que réveiller la bête immonde du fascisme. Jean-Luc Mélenchon se targue d’avoir rompu avec une tradition rationaliste de son camp : « Je parle à ton cœur ».

 

L’idée est de glorifier les valeurs anticapitalistes – « les gisements culturels précapitalistes » de Cornlius Castoriadis – qui s’entremêlent et font un compromis quotidien avec l’ordre marchand de l’intérêt rationnel. A la logique de la concurrence et du profit, l’ancien candidat à la présidentielle loue les vertus de la solidarité et du désintéressement. Sont de retour sur la place publique les termes d’honneur, de morale, de dignité et même d’amour. Sans idéaliser les pratiques populaires, Mélenchon s’éloigne des considérations d’une certaine gauche abhorrant le travail manuel au profit du loisir intellectuel et discréditant les activités culturelles dites non légitimes. Qu’il soit question « de l’amour du travail bien fait » ou « des petits bonheurs simples de la vie », le tribun évoque à chaque meeting la simplicité du quotidien en opposition à l’opulence des puissants. Par exemple, sa défense du repos dominical s’inscrit explicitement dans cette bataille « valeurs contre valeurs ».

 

 

- S’emparer de la culture du pays

  • « Ces monuments de l’imaginaire collectif populaire incarnent autre chose qu’une simple identité particulière : ils représentent la capacité d’un peuple à décider de son destin. »

 

Raison, intériorité et… histoire politique commune. Là où la culture dominante discrédite le passé pour valoriser un présent de jouissance immédiate, l’identification à un récit collectif fait bégayer les rouages de l’hégémonie culturelle ; là où elle uniformise sur le mode de la marchandise globalisée, le référent national l’attaque de front. Les révolutions citoyennes d’Amérique latine ont chacune porté, en confrontation à leurs élites mondialisées issues du monde anglo-saxon, une identité nationale puisée dans leur histoire politique et culturelle. C’est la figure de Boliva au Venezuela, celles de San Martin et Juan Domingo Perôn en Argentine ou de la culture indigène représentée par Tûpac Amaru en Bolivie. Ces monuments de l’imaginaire collectif populaire incarnent autre chose qu’une simple identité particulière : ils représentent la capacité d’un peuple à décider de son destin contre les règles automatiques d’une technocratie ; autrement dit, la souveraineté.

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Jean Jaurès au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913. (© Maurice-Louis Branger / Roger-Viollet)

 

Jean-Luc Mélenchon décèle une configuration semblable en Europe. Devant la pauvreté du récit collectif porté par les tenants de l’Union Européenne – la sempiternelle « Europe de la paix » –, qui cache son agencement technocratique, la constitution contre-hégémonique du peuple doit prendre appui sur une identité nationale. De qui sommes-nous les héritiers ? Fille de la Grande révolution de 1789, l’identité française se confond avec son identité républicaine : « La Nation est une construction et non une essence » (Discours à l'agora de l'Humanité sur les discours de Jaurès en Amérique latine septembre 2010). En effet, en connaisseur de l’histoire révolutionnaire française, Mélenchon s’emploie à retisser le fil de la conception émancipatrice de la Nation. Il exhume la figure de Maximilien Robespierre afin de lier Révolution bourgeoise et revendications démocratiques et sociales du mouvement socialiste. Ainsi, l’identité française sublimée – « la patrie républicaine » – se confond avec la citoyenneté et les droits politiques qui en découlent : elle est la souveraineté même du peuple. Puisque les Français n'ont pas la même couleur de peau, la même religion, les mêmes coutumes et que même la langue n'est pas le plus petit dénominateur commun, la Nation française ne peut être fondée sur une approche ethnique, religieuse ou culturelle. Seul le consentement au pacte politique la définit.

 

  • « De qui sommes-nous les héritiers ? »

 

La rhétorique mélenchonienne propose une identité collective à se réapproprier qui mixe histoire républicaine et histoire socialiste. Pendant la campagne de 2012, le tribun dispense des leçons à la fois d’histoire des symboles du mouvement ouvrier (L’Internationale, le drapeau rouge, le poing fermé, la Commune de Paris) et de l’imaginaire républicain (récit des épopées de 1789, citations de Victor Hugo, la résistance au nazisme). Par conséquent, c’est la personne emblématique de Jean Jaurès qui incarne le mieux cette synthèse. On retrouve chez Mélenchon, et encore plus chez Pablo Iglesias – qui s’appuie lui sur l’imaginaire républicain espagnol contre la monarchie –, la valorisation sémantique de la « patrie » comme propriété de ceux qui n’en ont pas. Elle est celle qui éduque, qui soigne, qui protège et doit donc être arrachée à la caste passagère qui l’accapare pour son intérêt ou celui des puissances financières.

 

 

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31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 08:00
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 1/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez le premier texte ci-dessous.

 

Partie 1

 

Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.

Si notre attention se limite à ses bons mots travaillés au millimètre ou à ses commentateurs médiatiques, la partition jouée par Jean-Luc Mélenchon semble demeurer intacte. Incarner la colère populaire par le parler « dru et cru », taper sur les représentants du système de Merkel aux locataires de la rue de Solférino en passant par la Commission européenne, retourner les procès médiatiques en populisme ou germanophobie contre leurs auteurs, travailler à une opposition de gauche au gouvernement en vue des élections intermédiaires… sa stratégie politique suit la ligne tracée depuis mai 2012. Néanmoins, la mélodie de fond s’est bouleversée ces derniers mois. Si l’on tend cette fois-ci l’oreille en deçà des radars du spectacle, le ciment historique sur lequel Mélenchon s’est construit vacille. Aux références à la gauche – même la « vraie » ou la « radicale » – se substituent celles au peuple. Le parti politique n’encadre plus au profit d’initiatives citoyennes, le clivage gauche-droite s’éteint sous l’opposition peuple-oligarchie, à ses anciens livres En quête de gauche et l’Autre gauche leur succèdent Qu’ils s’en aillent tous et L’ère du peuple. Bref, le député européen aurait posé l’étendard « gauche », lui préférant celui de « peuple ». Au-delà du simple signifiant, ce passage de la gauche vers le peuple est le fruit d’une importante réflexion autant intellectuelle que stratégique.

 

  • « La mélodie de fond s’est bouleversée ces derniers mois. Si l’on tend cette fois-ci l’oreille en deçà des radars du spectacle, le ciment historique sur lequel Mélenchon s’est construit vacille. »

 

En effet, Jean-Luc Mélenchon se plaît à être qualifié d’intellectuel. Héritier d’une longue tradition, ce qu’on nomme le mouvement socialiste a toujours eu à sa tête des théoriciens de la pratique. Les hommes et les femmes capables d’analyser avec précision et méthode les contradictions de leur époque afin d’en tirer une stratégie révolutionnaire ont historiquement tenu le haut du pavé : Jean Jaurès, Rosa Luxembourg ou Antonio Gramsci, pour citer les plus éminents représentants. C’est ce travail de fond que soumet aujourd’hui le fondateur du Parti de Gauche lorsqu’il entend démontrer que l’ère du peuple frappe à la porte de l’Histoire, enterrant implicitement l’ère de la gauche dans un passé révolu. Du constat de trois grandes bifurcations en jeu – anthropologique, climatique et géopolitique – émerge un nouvel acteur de l’Histoire, le peuple urbain, et son nouveau terrain d’expression, l’espace public, ainsi qu’une stratégie de prise de pouvoir, la révolution citoyenne, adossée à la doctrine émancipatrice de notre temps : l’éco-socialisme.

 

Pour saisir ce nouveau chemin de crête, il est nécessaire de revenir à ses soubassements philosophiques originaires et ses référents intellectuels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre licencié de philosophie n’en est pas avare. Dépassionner le personnage pour rendre intelligible le cheminement de sa pensée : voilà notre idée directrice.

 

 

L’outil matérialiste : les trois bifurcations

Toute doctrine politique s’appuie sur un diagnostic du monde qui l’entoure. Néanmoins, la méthode utilisée afin d’élaborer ce constat n’est pas neutre. Elle implique de trancher, même implicitement, des questions fondamentales comme la nature de l’Homme ou d’adopter une certaine philosophie de l’Histoire. Ainsi, dans le tableau que Jean-Luc Mélenchon nous propose des sociétés humaines à l’aube du XXIe siècle apparaît à grands traits l’outil matérialiste d’explication du monde. Le jeune Mélenchon doit à la lecture de L’idéologie allemande son adhésion au matérialisme historique, évoqué comme une « révélation » : le référent premier doit être l’activité pratique de l’Homme, c’est-à-dire le mode de production par l’Homme de ses moyens d’existence. L’approche d’un matérialiste sur les évènements se caractérise par une méthode – le matérialisme dialectique – résumée en trois principes : la primauté de la matière concrète du réel, le réel comme processus, les processus comme parties intégrantes d’une totalité.

Place de la Bastille (DR)
 

- Anthropologie, climat et géopolitique

Le point de départ de son étude à vocation scientifique des sociétés humaines est une loi qui guide leur marche : celle du nombre et de la reproduction biologique. De la croissance exponentielle de l’humanité – il a fallu deux cent mille ans pour atteindre le premier milliard et seulement onze pour passer de six à sept milliards ! – dépend tout le reste de l’organisation sociale. C’est « la condition humaine elle-même » (L’ère du peuple, p. 34) qui se retrouve bouleversée puisque les besoins humains entrainent l’invention de nouvelles techniques ainsi que l’expansion de l’humanité sur le globe entier et dans les mers. On retrouve ici l’idée d’un certain déterminisme causal : « L’histoire humaine est d’abord celle du nombre des individus qui la composent » (ibid.). Fidèle à la tradition marxiste, Mélenchon refuse de définir une nature de l’Homme au profit d’une production de soi par le rapport socialisé au monde. Quel degré de proximité y a-t-il entre les premiers groupes humains vivant de la cueillette et l’homme contemporain, hybridé avec la machine et achetant son repas au supermarché ? Peut-on parler de la même humanité entre une femme enceinte dès l’âge de la puberté et s’éteignant avant d’atteindre la trentaine et celle d’aujourd’hui choisissant d’enfanter grâce à la contraception – « une aptitude biologique n’est plus un destin social » – et vivant jusqu’à quatre-vingt-cinq ans ?

 

  • « Fidèle à la tradition marxiste, Mélenchon refuse de définir une nature de l’Homme au profit d’une production de soi par le rapport socialisé au monde. »

 

La bifurcation anthropologique de l’humanité remodèle jusqu’à son rapport au temps. Ce dernier, « propriété de l’univers social » et défini comme « le rythme auquel se font les choses » (p. 93), n’est pas immuable à travers les époques. Entre la société paysanne contrainte par la temporalité de l’agriculture et les cycles saisonniers au « temps zéro » des flux financiers internationaux se trouve un abysse que l’humanité a sauté en moins de deux siècles. L’accroissement du nombre lui-même, multiplicateur des liens et catalyseur des bouleversements de l’histoire humaine, induit quasi-mécaniquement l’invention de techniques et le mode de production et d’échange. Le capitalisme financiarisé façonne donc le rapport humain au temps – celui de la vie, des objets, des savoirs etc. – en imposant la temporalité dominante des possédants. Mélenchon semble calquer la découpe analytique matérialiste entre une infrastructure des rapports de production déterminant intégralement une superstructure idéel – ici le rapport individuel et collectif au temps.

 

La conséquence directe du nombre croissant des êtres humains est le danger de leur activité sur l’écosystème. La course aux matières premières et le modèle productiviste afin de répondre aux besoins humains entraînent l’émission massive de gaz carbonique qui réchauffe l’atmosphère. Cela conduit à une réaction en chaîne : température plus élevée, fonte des glaces, élévation du niveau de la mer et libération de gaz à effet de serre, accélération de l’évaporation donc des pluies, bouleversement de la biodiversité, extinction d’espèces etc. Une ère nouvelle a pris place : l’anthropocène, celle des hommes. La bifurcation climatique, encore plus que la bifurcation anthropologique, s’explique par les lois de la science (la climatologie en tête). En effet, Jean-Luc Mélenchon est un des rares hommes politiques à entretenir un dialogue constant avec les sciences « dures ». Il utilise nombre de métaphores scientifiques afin de rendre compte du monde social (comme les processus stochastiques issus de la physique des systèmes dynamiques ou le principe d'incertitude venu de la physique quantique).

 

  • « Le capitalisme financiarisé façonne donc le rapport humain au temps – celui de la vie, des objets, des savoirs etc. – en imposant la temporalité dominante des possédants. »

 

La troisième bifurcation, géopolitique, suit le même schéma. Partant d’une analyse matérialiste en termes de rapports de force monétaires et de structure de l’économie américaine, Mélenchon en conclut l’attitude, par intérêt, belliqueuse des États-Unis d’Amérique et de son bras armé, l’OTAN. Le gouvernement nord-américain a imprimé une masse gigantesque de dollars sans aucune contrepartie matérielle dont il assure la valeur par sa présence militaire aux quatre coins du globe. De même, le volant d’entrainement de l’économie américaine est inféodé au complexe militaro-industriel. Ces deux éléments matériels poussent à une production et une présence militaire toujours plus importantes. Ainsi, il détricote le « voile tissé des fils les plus immatériels [de l’idéalisme] » (Marx) propre à la rhétorique d’un « choc des civilisations », théorisé par Samuel Huntington au milieu des années 1990, d’hypothétiques valeurs de Démocratie et de Droits de l’homme à défendre les armes à la main le long des pipelines de pétrole. Mélenchon prédit donc une bifurcation géopolitique de l’ordre mondial lorsque les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et leur monnaie d’échange récemment institué pour concurrencer le dollar, devanceront les États-Unis en termes de puissance économique. Il assume le primat du changement sur l’essence, des processus sur les choses. Cette vision processuelle du réel, où l’accent est mis sur le caractère mouvant et transitoire de toutes choses, est indissociable des analyses mélenchoniennes.

 

Enfin, et de manière évidemment liée, la méthode matérialiste ne pense pas les processus comme indépendants entre eux. Ces trois bifurcations ne sont pas irréductibles les unes aux autres, mais au contraire, communiquent si étroitement qu’elles n’en font qu’une. Facteurs démographiques, économiques, techniques, écologiques, militaires et géopolitiques se mêlent constamment dans ses explications. De fait, la totalité ou la globalité de la dialectique s’incarne dans la capacité à éclairer les connexions du mouvement d’ensemble. Face à un mouvement général d’extériorisation et de juxtaposition des thématiques contemporaines, Jean-Luc Mélenchon s’évertue à collecter les pièces du puzzle et à pointer les manifestations, à première vue insignifiantes, du capitalisme en tant que système.

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Cinquième sommet des BRICS, 2013 (DR)
 

Le nouvel acteur de l’Histoire : le peuple

Face au constat dominé par l’émergence du grand nombre sur la scène de l’histoire, qui porte le drapeau de la révolte ? Le matérialisme historique dont s’est revendiqué le mouvement socialiste jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle ne jure que par la classe ouvrière comme protagoniste de l’Histoire de l’humanité. Un ensemble homogène dont l’appartenance exclusive se trouve rabattu sur sa position dans le processus de production. Bien que cotisant à l’outil matérialiste d’explication du monde, Jean-Luc Mélenchon s’est distancié, depuis son premier ouvrage À la conquête du chaos, en 1991, d’une lecture dogmatique et anhistorique du marxisme. Il s’agit de distinguer chez Mélenchon, à l’instar des travaux de Louis Althusser, entre une philosophie marxiste comme méthode dont il se réclame et une théorie scientifique de l’histoire qu’il nuance abondamment. C’est dans le contexte de cette remise en question globale de lois déterministes de l’histoire des sociétés humaines qu’il faut comprendre le recours au peuple supplantant la classe ouvrière.

 

 

- Relativiser la marche matérialiste de l’Histoire

  • « Le déterminisme historique marxiste postule la succession de formes d’organisations sociales liées positivement entre elles puisque chaque étape postérieure rapproche l’Homme du stade ultime. »

 

L’apostasie tombe comme un couperet dès son tout premier ouvrage : « Le socialisme n’est-il qu’un mythe prophétique comme un autre ? » Cette question existentielle se comprend dans le contexte terrible du débat politique des années 1990. Le mur de Berlin emmène dans sa chute la fin de l’Histoire et des grandes idéologies. S’attaquer en 1991 au matérialisme historique tout en méprisant l’avènement concomitant de la science économique néoclassique (dite rationnelle) apparaît comme un jeu d’équilibriste. Jean-Luc Mélenchon, conscient de l’incapacité d’une loi matérialiste à expliquer l’intégralité des évènements de son temps, entreprend « d’en finir avec les conceptions théologiques de la politique : son rôle n’est pas de se présenter comme la science globale de l’activité humaine ou comme la religion des jours meilleurs ». Libéralisme et déterminisme historique se confondent dans cet énoncé. Face à une élite politique social-démocrate qui s’immisce avec enthousiasme dans ce nouveau rabattage des cartes – « les nouveaux parvenus du socialisme gestionnaire et leur réalisme de pacotille » – et l’extrême gauche – « les récitants du catéchisme marxiste du passé » –, celui qui a été le plus jeune sénateur français ouvre la voie à une nouvelle théorie apte à comprendre le « mouvement réel des sociétés humaines » par l’interaction des composants isolés du système. Si, comme le dit George Orwel, « il est nécessaire, pour défendre le socialisme, de commencer à l’attaquer », l’assaut proposé par Mélenchon cible un de ses piliers canoniques : la théorie des stades de développement.

 

Le déterminisme historique marxiste postule la succession de formes d’organisations sociales liées positivement entre elles puisque chaque étape postérieure rapproche l’Homme du stade ultime où sa condition sociale coïncidera avec l’idée qu’il se fait de lui-même. L’histoire des sociétés humaines s’expliquerait donc avant tout par des raisons économiques et techniques : elle serait régie par un « mystérieux programme transcendant […] qui a pour noyau dur le développement continuel de l’invention technique et scientifique […] non seulement automatique mais également d’une neutralité philosophique absolue » (Orwell Educateur, Jean-Claude Michéa). Mélenchon engage son apostasie. Les faits culturels, les structures mentales ou l’imaginaire collectif sont susceptibles d’empêcher, de ralentir ou à l’inverse, de favoriser, d’accélérer le dépassement des ordres sociaux économiques, les avancées technologiques ou le mode de production. Quelle stupeur traversa le courant marxiste lorsque des ethnologues conclurent que l’invention de l’agriculture ne fut en rien une solution pragmatique pour pallier à la précarité de la cueillette mais la conséquence fortuite d’un banal culte consistant à enterrer des graines. La présence ou l’absence de conditions politiques et culturelles nuancent le déterminisme technique des stades évolutifs. En effet, la critique de la linéarité des processus historiques fit l’objet d’un examen précis par Jean-Luc Mélenchon qu’il condensa dans son premier ouvrage À la conquête du chaos. L’incertitude serait donc une « propriété indépassable de l’univers social ».

 

 

- De la classe ouvrière au peuple urbain

  • « Les bouleversements du monde salarié en un émiettement des catégories socioprofessionnelles ont flouté les repères traditionnels.»

 

Quel acteur désigne alors Jean-Luc Mélenchon pour hériter du témoin révolutionnaire ? La catégorie marxiste de classe ouvrière avait l’avantage de définir une frontière nette entre travailleurs – Gramsci y incluait la paysannerie – et capitalistes : détenteurs de leur seule force de travail contre détenteurs du capital. Néanmoins, les bouleversements du monde salarié en un émiettement des catégories socioprofessionnelles – ouvriers d’industrie, ouvriers agricoles, employés de service, fonctionnaires, cadres d’entreprise, chômeurs etc. – ont flouté les repères traditionnels. Ainsi, se comprend l’usage récurrent du concept de peuple au détriment de celui de classe. Même si cette référence s’articule partiellement autour de la notion de peuple-classe – ensemble des dominés dans les rapports de production –, il reste la dominante du laïkos – le peuple dans son indivisibilité. C’est toute la mythologie du fardeau de la classe ouvrière quant à son rôle révolutionnaire qui s’écroule. Mélenchon ne croit pas que « la classe ouvrière ait à s’emparer par elle-même du pouvoir d’ensemble de la société et que c’est de son mouvement mécanique que va résulter le bien commun » (Discours à la loge du Grand Orient, janvier 2012).

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Par Lewis Hine, 1931

Pour Mélenchon, le successeur de l’homo laborans sera l’homo urbanus, celui de la classe ouvrière le peuple urbain. Encore une fois, la clé de lecture est le fait populationnel urbain qui tend à s’universaliser et implique des « liens forts d’interdépendance, […] une vaste machinerie sociale concentrée en milieu urbain » (p. 110). De ce phénomène émerge la figure première et indépendante de la condition sociale érigée par la modernité politique occidentale : l’individu. Il s’empresse de le rappeler dès qu’il en a l’occasion. Sa matrice originelle, celle à partir de laquelle il a construit sa vie de militant politique, est la doctrine qui « a libéré l’individu » du « vieux monde », décrit comme un « fatras de privilèges et de puissants ». La philosophie des Lumières « habite émotionnellement » (7 mars 2012, émission La fabrique de l'Histoire) le natif de Tanger depuis son plus jeune âge.

 

  • « Chaque individu est capable de s’arracher des institutions (famille, Église, communauté villageoise) ou médiations (patriarche, curé, préjugés) qui lui barrent la route de l’autonomie intellectuelle. »

 

Un des grands principes philosophiques dont il se fait l’héritier est le statut de la raison. L’idée d’une transcendance antérieure à la volonté humaine à laquelle il devrait se soumettre intégralement est battue en brèche par les philosophes du XVIIe et XVIIIe siècle : l’Homme est capable d’autonomie, il peut s’instituer sa propre loi. La première des autonomies étant, évidemment, celle de penser par soi-même. Ce primat de la raison individuelle sur les déterminants extérieurs ou antérieures à la condition humaine fonde l’approche politique de Jean-Luc Mélenchon, d’où son constant appel aux capacités réflexives de chacun. Chaque individu est capable de s’arracher des institutions (famille, Église, communauté villageoise) ou médiations (patriarche, curé, préjugés) qui lui barrent la route de l’autonomie intellectuelle. La ville permet plus en amont l’épanouissement de cette individualité enténébrée dans les anciennes structures sociales.

 

 

- De l’usine à l’espace public

À chaque sujet révolutionnaire de l’Histoire correspond un lieu physique à sublimer par l’action du nombre. Dans l’analyse marxiste traditionnelle, le prolétariat ouvrier doit s’emparer de son terrain de prédilection où se produit la richesse : l’usine. Ce lieu qui cristallise les contradictions du système permet une double prise de pouvoir. La première est une prise de pouvoir sur soi, sur sa subjectivité au contact d’une condition sociale partagée par ses semblables – c’est le passage chez Marx d’une classe en soi (avec des intérêts communs) à une classe pour soi (consciente de ses intérêts communs). La seconde est une prise de pouvoir matérielle sur le lieu lui-même, de possession collective par la dépossession privée. « L’entreprise n’est plus le lieu central où s’exprime une conscience politique globale » (p. 123) assène Jean-Luc Mélenchon. Désindustrialisation, délocalisations, criminalisation de l’action syndicale, menaces de licenciement et éclatement des grandes industries en entités de petites tailles ont eu raison de la figure emblématique de l’usine. La partition révolutionnaire du peuple urbain se joue donc sur une autre scène : l’espace public, et son incarnation contemporaine, la ville.

 

  • « Le nouvel âge des révolutions se caractérise donc par le déferlement du peuple en ville et l’occupation des places poussés par des revendications communes de conditions dignes d’existence. »

 

La ville moderne symbolise plus que jamais les rapports de domination capitalistes entre des centres villes embourgeoisés, des ghettos riches, des grands ensembles où se concentrent la misère et une relégation périurbaine qui reflète des nouvelles formes de relégations sociales. Si, pour Mélenchon le matérialiste, « à toute condition sociale finit par correspondre une conscience collective » (p. 115), alors émerge une condition urbaine autour d’enjeux collectifs comme les transports, la santé, l’éducation, l’emploi ou l’habitat. Le nouvel âge des révolutions se caractérise donc par le déferlement du peuple en ville et l’occupation des places poussés par des revendications communes de conditions dignes d’existence. De la Puerta del Sol à la place Tahrir en passant par les révolutions latino-américaines, le schéma suit la dilution de la classe ouvrière homogène dans un peuple urbain hétérogène. De plus, le nouvel âge des réseaux – celui des réseaux sociaux sur la toile –  dédouble et amplifie l’espace public formant « une cité sans fin » (p. 109). Mélenchon critique l’opposition simpliste entre matérialité du face-à-face et virtualité du réseau social. Le rôle joué par ces derniers en Égypte, Tunisie, Espagne ou Turquie comme catalyseur des forces matérielles ne peut être négligé. Ainsi, la mise en réseau numérique, tout comme la mise en réseau physique (transports, électricité, eau) participe à la formation d’une conscience collective urbaine.

 

Laissons l’eurodéputé conclure : « Le peuple est le sujet de l’histoire contemporaine. Le peuple c’est la multitude urbaine prenant conscience d’elle-même à travers ses revendications communes » (p. 119).

 

 

La révolution citoyenne : la leçon latino-américaine

Si la figure révolutionnaire ainsi que son terrain d’épanouissement se sont modifiés, alors il en va de même pour la stratégie d’action à suivre. La révolution qu’appelle de ses vœux Jean-Luc Mélenchon est et ne peut être que doublement citoyenne. Citoyenne d’abord car portée, comme nous venons de le voir, par l’individu-citoyen au-delà de sa simple place dans le processus de production. Citoyenne ensuite car englobant des objectifs universels au-delà de la simple socialisation des moyens de productions comme la défense de l’écosystème. Plus que de répéter la définition canonique qu’en donne Mélenchon – révolution du régime de la propriété, des normes juridiques et de l’ordre institutionnel –, tentons de voir l’inspiration historique que furent les révolutions citoyennes d’Amérique latine ainsi que ses influences intellectuelles dans la tradition marxiste.

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Mélenchon et Chavez (DR)
 

- Le laboratoire latino-américain

  • « L’Amérique du Sud représente le traumatisme du coup d’État contre Salvador Allende et les récits "des nôtres" – les militants socialistes et communistes – retrouvés dans les fosses communes. »

« Non, l’Histoire n’est pas finie ! », tel est le message plein d’espoir que tire Jean-Luc Mélenchon des mouvements populaires latino-américains, qui se traduisirent par les victoires électorales entre 1999 et 2006 d’Hugo Chavez au Venezuela, Lula au Brésil, Néstor Kirchner en Argentine, Tabaré Vazquez en Uruguay, Evo Morales en Bolivie et Rafael Correa en Équateur. Celui que les médias aiment caricaturer en « petit Chávez » assume son tropisme sud-américain. Pour sa génération de militants politiques, l’Amérique du Sud représente le traumatisme du coup d’État contre Salvador Allende et les récits « des nôtres » – les militants socialistes et communistes – retrouvés dans les fosses communes. Suite à la chute des dictatures et la transition à des démocraties formelles, les pays latino-américains furent le théâtre d’une nouvelle rationalité politique : celle des politiques néolibérales résumées dans le consensus de Washington. Néanmoins, dès 1990 la contre-offensive des mouvements progressistes s’organise dans le Foro de Sao Paulo, lieu de réflexions inédit puisqu’il rassemble au-delà des Internationales Communistes et Socialistes. C’est en allant analyser le moment politique latino-américain que Mélenchon a affiné sa stratégie de révolution citoyenne.

 

 

- De l’astre mort social-démocrate à la révolution citoyenne

Le point de départ de la réflexion est un double constat posé aussi bien par les participants au forum que par Jean-Luc Mélenchon : la chute du bloc soviétique et l’astre mort qu’est devenue la social-démocratie. Si pour l’ancien sénateur socialiste la rupture avec l’Union Soviétique était consommée dès son engagement de jeunesse trotskyste, sa réflexion s’est nourrie des turpitudes dont se sont rendues coupables les partis sociaux-démocrates latino-américains. La multiplication de coalitions gouvernementales avec les partis de centre-droit, l’éviction des partis communistes, l’alignement politique sur les recommandations du Fonds Monétaire International, le dépérissement de toute assise populaire, l’embourgeoisement des dirigeants et militants, l’absence totale de renouvellement doctrinal... fusionnent dans le verdict de Mélenchon : un astre mort. Cela s’incarne de manière emblématique dans le Pacte de Punto Fijo (du nom de la ville vénézuélienne) qui acte une alternance politique organisée entre les deux grands partis de centre-droit et de centre-gauche.

 

  • « Le fondateur du Parti de Gauche détecte le point commun des révoltes populaires en Amérique latine : des décisions politiques qui frappent de plein fouet les conditions de vie du peuple urbain. »

 

Jean-Luc Mélenchon transpose rapidement ce constat au Vieux Continent. Dans son ouvrage En quête de Jean-Luc Mélenchon transpose rapidement ce constat au Vieux Continent. Dans son ouvrage En quête de gauche publié en 2007, il établit un tour d’horizon des partis sociaux-démocrates européens. Il analyse avec précision la bifurcation idéologique de la « troisième voie » chère à Tony Blair ; théorie fondée sur une opposition rhétorique de réformateurs dans un monde qui bouge face à des conservatismes sociaux ou idéologiques ainsi que sur le dépassement du clivage gauche-droite autour d’un consensus partagé – le fameux « cercle de la raison » d’Alain MincOutre le « désastre social » qu’implique le ralliement de la social-démocratie à l’adaptation aux contraintes, la succession d’alternances politiques dans ce cadre conduit à des « marées d’abstention ». Mélenchon décèle le même phénomène dans l’Amérique latine des années 1990 et l’Europe d’aujourd’hui. Face à une élite nationale qui verrouille le pouvoir en s’en dépossédant au profit d’une oligarchie supranationale – le FMI pour l’Amérique latine, l’Union Européenne pour l’Europe –, le peuple entame sa grève civique. « L’abstention prend alors l’apparence d’une autodissolution du peuple » (p. 129) alors qu’elle demeure éminemment politique : un rejet d’institutions ne permettant plus d’exercer la souveraineté, rejet qui s’exprime dans le langage d’une dénonciation plus vaste « du système ». Puis, dans cette séquence, un déclencheur fortuit catalyse cette politisation sous les radars officiels. Le fondateur du Parti de Gauche détecte le point commun des révoltes populaires en Amérique latine : des décisions politiques qui frappent de plein fouet les conditions de vie du peuple urbain. En effet, la hausse du prix des transports en commun au Venezuela aboutit au « Caracazo » en 1989, celle de l’eau suite à sa privatisation en Bolivie entraîne « la guerre de l’eau de Cochabamba » en 2000 et en Argentine la réduction drastique de la monnaie en circulation se traduit par les « cacerolazos » et « piqueteros » ; ce processus global étant guidé par le mot d’ordre argentin « que se vayan todos » (qu’ils s’en aillent tous).

 

Ces révoltes populaires ont trouvé en Amérique latine leur incarnation institutionnelle par des mouvements politiques – que Mélenchon appelait jusqu’à récemment « l’Autre gauche » – à travers le processus constituant : la conjonction des deux moments façonnent la révolution citoyenne. Il s’agit donc de se pencher sur la stratégie à adopter dans cette configuration politique. Celle tracée par Mélenchon fait la synthèse de deux traditions révolutionnaires du début du XXe siècle : à la rencontre de Rosa Luxemburg et d’Antonio Gramsci.

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Rosa Luxemburg, 1912 (DR)
 

- Au croisement de l’étincelle incendiaire…

  • « La révolution citoyenne a l’ambition de faire la synthèse entre un programme politique révolutionnaire et sa légitimation institutionnelle par les élections au suffrage universel. »

 

Mélenchon cultive, à l’instar de Rosa Luxemburg, le volontarisme et l’infatigable pensum accélérant le processus historique. Si l’action autonome des travailleurs – désormais, donc, du peuple – doit prévaloir lors du moment révolutionnaire, l’avant-garde éclairée a néanmoins un rôle éminent dans sa période préparatoire : « devancer le cours des choses, de chercher à le précipiter » (Rosa Luxemburg) ou « d’éclairer le chemin » (Jean-Luc Mélenchon). D’où le travail consciencieux de théorisation, d’explication des événements et de polémique politique qui s’actualise avec les moyens de diffusion propre à chaque époque (tracts, réunions publiques, livres, vidéos internet…). Alors que Luxemburg excellait dans la rédaction de courtes brochures explicatives, Jean-Luc Mélenchon met un point d’honneur à restituer le moment politique dans de copieux billets hebdomadaires sur son blog.

 

En outre, le député européen fait sien l’héritage spartakiste relatif à la direction politique qui ambitionne de dégager à la fois une « tactique et des objectifs » (Luxemburg), « les taches et la méthode » (Mélenchon) : tous deux réunis dans ce fameux concept de révolution citoyenne. Empruntée aux mouvements d’émancipation de la tutelle du Fonds Monétaire International en Amérique latine, la révolution citoyenne a l’ambition de faire la synthèse entre un programme politique révolutionnaire et sa légitimation institutionnelle par les élections au suffrage universel. Puisqu’il ne s’agit pas « d’être les porteurs d’eau de la révolution » (débat avec Besancenot organisé par le magazine Regards, avril 2011), les partis ont pour vocation de proposer une méthode – ici « l’implication populaire dans les affaires publiques » – et des objectifs – la bifurcation de l’appareil productif, la refondation des institutions, l’extension de la citoyenneté dans l’entreprise, le partage des richesses… Mélenchon est conscient qu’un changement par le haut ne tiendrait pas une semaine contre la farouche résistance des puissants.

 

  • « Le peuple doit donc se constituer lui-même en écrivant les nouvelles règles du jeu politique. »

 

De là naît une tension sur la forme d’organisation à adopter. Initialement inspiré par les expériences de Die Linke (Allemagne) et Syriza (Grèce), le Front de Gauche se structure comme un cartel de partis ouvert aux formations en rupture avec la social-démocratie. Néanmoins, ces derniers temps Jean-Luc Mélenchon appelle à  un « dépassement du Front de gauche », c’est-à-dire à un dépassement des coalitions partidaires. C’est ici une référence au modèle de Podemos en Espagne comme institutionnalisation de révoltes sociales – celle des Indignés. Ainsi, il semble renier une forme de caporalisme propre aux anciennes formations politiques. Mélenchon préfigure cela par le lancement d’un Mouvement pour la 6e République (M6R), où l’horizontalité et la démocratie interne prend le pas sur la discipline de partis à travers des plateformes internet. L’horizon stratégique à atteindre serait donc un label commun (du Nouveau Parti Anticapitaliste aux socialistes dissidents, en passant par les écologistes) légitimé par des Assemblées citoyennes locales balayant « la tambouille politicienne » des accords de partis.

 

L’implication populaire dans le processus révolutionnaire, slogan agréable dans un colloque d’agrégés en révolution, contient une dimension concrète qu’il résuma par une formule : face à la probable sédition des possédants, « nous comptons sur les employés des banques qui tiennent les livres de comptes bancaires ». La prise de conscience et l’usage du pouvoir citoyen dans chaque sphère de l’activité humaine – il appelle également les milliers de précaires des médias à « virer les généraux, les colonels » pour « faire de la place aux caporaux, sergents ou lieutenants » – renferment la clé méthodique de sa révolution citoyenne. Plus fondamental encore, Mélenchon reprend l’idée luxemburgiste d’une constitution de soi dans la pratique politique. En opposition à Lénine, la militante allemande oppose la dimension féconde des « erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire » à « l’infaillibilité du meilleur comité central ». Dans une configuration politique contemporaine, le peuple doit donc se constituer lui-même en écrivant les nouvelles règles du jeu politique. « La multitude devient le peuple quand elle fait acte de souveraineté » (p. 126) : tel est le rôle du processus constituant.

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(© AFP)
 

Il se défend du caractère révolutionnaire et concret d’une Assemblée constituante. Faire acte de souveraineté, exposer des avis contradictoires, décider collectivement, réguler les sociétés humaines, tout ceci entre en contradiction directe avec l’ordre financier « qui n’accepte aucune régulation extérieure à lui » (p. 128). À ce système qui nécessite l’apathie et la dissolution du peuple, la réponse radicale ne peut être que celle du nombre et de sa constante anthropologique – Mélenchon fait référence aux travaux de l’ethnologue Maurice Godelier : poser des règles sur l’espace de vie en commun. Témoin des expériences latino-américaines où les séquences historiques ont enchaîné révoltes populaires-victoires électorales-Assemblée constituante, Mélenchon entend donc placer la VIe République au cœur du débat politique.

 

 

- … et de la guerre de position

  • « Partir du sens commun pour constituer un nouveau bloc historique et comprendre les ressorts de l’hégémonie culturelle pour la retourner. »

 

Néanmoins, la révolution citoyenne qu’appelle de ses vœux Jean-Luc Mélenchon est, avant toute chose, une bataille culturelle et renvoie à la pratique révolutionnaire théorisée par Antonio Gramsci. Démontrant le passage des sociétés fluides (autonomie de la société civile par rapport à l’État) à des sociétés densifiées dans la seconde moitié du XIXe siècle au sein des grands pays industrialisés européens, l’intellectuel italien critique la stratégie de guerre de mouvement. Les grands appareils idéologiques de domination – administrations étatiques, Église, parlementarisme, corporations… – formeraient désormais des tranchées qui amortissent les crises du capitalisme : les crises économiques n’impliquent pas inéluctablement des « crises d’hégémonie » du système politique.

 

La guerre de position, celle qui consiste à prendre le pouvoir dans les consciences, doit donc se substituer à la préséance de la conquête du pouvoir politique – désormais simple aboutissement d’un processus bien plus long. Cela implique de partir du sens commun pour constituer un nouveau bloc historique ainsi que de comprendre les ressorts de l’hégémonie culturelle pour la retourner.

 

 

- Partir du sens commun

Une vidéo a récemment circulé sur les réseaux sociaux dans laquelle Pablo Iglesias, leader de Podemos, évoque la difficulté des mouvements politiques révolutionnaires à établir une identification entre leur analyse et le sens commun – « ce que sent la majorité ». Il se moque de ce que Mélenchon nomme « les récitants du catéchisme marxiste du passé » qui prétendent convaincre à grands coups de prolétaires, grand capital, classe ouvrière et autres figures canoniques du panthéon révolutionnaire. Ce travail de mise en discours ainsi que de traduction contemporaine « du bruit et de la fureur de notre temps » correspond avec l’idée que se fait Mélenchon de la fonction tribunicienne. Il s’agit d’incarner – par une expression, un mot d’ordre, une saillie publique, une proposition, une analyse – un sentiment commun jusqu’à lors quasi ineffable. Le tribun subsume le chaos des faits et des émotions, donne du sens à une indignation confuse et tente de sublimer en action collective un sens commun plutôt réactif qu’actif, négatif que positif.

 

  • « Partis de gouvernement, médias audio-visuel, élites culturelles, communicants, patrons du CAC40, technocrates bruxellois et banquiers : l’oligarchie, la caste, le système. »

 

La première tâche consiste à nommer l’ennemi : qui est notre adversaire ? Mélenchon raconte sa rédaction d’une liste de termes lors de la campagne pour le « Non » au référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen : les puissants, les importants, les parfumés. Peu de capitalistes, social-traîtres ou bourgeois dans sa rhétorique puisqu’ils expriment avec inexactitude la configuration politique ressentie par le grand nombre. « Cette alliance des superstructures » – partis de gouvernement, médias audio-visuel, élites culturelles, communicants, patrons du CAC40, technocrates bruxellois et banquiers – porte un nom : l’oligarchie, la caste, le système. Jean-Luc Mélenchon rend ainsi compte de ce petit monde homogène qui vit en cercle fermé jusqu’à l’endogamie la plus clanique, cumule le pouvoir économique, politique, symbolique (celui de dire la norme) et partage une peur commune : celle du peuple.

 

« Le système n’a pas peur de la gauche, il a peur du peuple » assène depuis quelques mois le fondateur du Parti de Gauche. Après avoir nommé l’ennemi, il s’agit désormais de désigner son propre camp. Durant le début du mandat de François Hollande, la tentation était forte chez les militantes et dirigeants à la gauche du Parti Socialiste de tomber dans les travers de la gauche adjectivale ou adverbiale : la vraie gauche, la gauche de la gauche, la gauche radicale, l’autre gauche, une politique réellement ou vraiment à gauche. Mélenchon y prit sa part. Devant l’échec de cette ligne politique, il se rend à l’évidence : la concurrence des gauches ne mène à rien, il faut désormais fédérer le peuple.

 

 

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 09:00
Ukraine/Russie : l’UE n’a décidément rien compris

Sources : Jean Luc Mélenchon député pour changer d'Europe publié le 20 février 2015

L’Union européenne vient de mettre en œuvre un huitième volet de sanctions engagées contre la Russie depuis mars dernier. Ainsi, l'Europe, dans le sillage des demandes nord-américaines, est engagée en Ukraine dans une stratégie d'engrenage absurde face à la Russie. Depuis le putch masqué dans le prétexte des manifestations anti oligarchiques sur la place Maïdan puis l'adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie, tout un arsenal de sanctions contre-productives ont déjà été déployé. 

 

Cela a commencé par des sanctions diplomatiques visant de nombreuses personnalités de Crimée, russes et ukrainienne. Ces sanctions comprennent l'arrêt de la délivrance de visas et le gel des avoirs des personnes visées. Elles sont appliquées indifféremment à des personnalités politiques comme des députés de la Douma, des ministres en exercice, ou le maire de Sebastopol, des hauts fonctionnaires comme le procureur de Crimée, le directeur du FSB. Mais il y a aussi des hommes d'affaires, des actionnaires de la banque Rossyia ou ceux des compagnies gazières et pétrolières. Et même à un chanteur, Yossif Kobzon, extrêmement populaire en Russie et en Ukraine. Son crime est d'être venu à Donetsk pour donner un concert au moment où la ville était bombardée par les forces « anti-terroristes » de Kiev, c’est-à-dire le gouvernement de coalition avec les néo-nazis ukrainiens.

 

Les sanctions sont rapidement passées au plan de l’économie. Ce fut l'arrêt en juillet 2014 des programmes menés en Russie par la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Puis la mise en place d'une restriction de l'accès russe aux marchés européens, les citoyens européens et les entreprises ne pourront plus acheter ni vendre de nouvelles actions financières si elles proviennent d'une banque russe dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire. De nombreuses sociétés sont ainsi peu à peu interdites d'accès aux marchés de capitaux européens, principalement les compagnies énergétiques : dont les principaux producteurs et transporteurs de pétrole russes – Rosneft, Transneft et Gazprom Neft.

 

A cela s'ajoutent des sanctions militaires avec la mise en place d'un embargo sur l'import et l'export des armes et du matériel en provenance et à destination de la Russie. L'exportation des biens et des technologies à usage militaire est elle aussi interdite, de même que les biens à double usage civil et militaire. La France a aussi par la suite interrompue de façon inacceptable la livraison à la Russie des Mistrals dont le premier des porte-hélicoptères devait être livré à la marine russe en novembre 2014 dans le cadre d'un contrat signé en 2011.

 

Les sanctions de l'UE contre la Russie ne sont que des provocations dérisoires. Elles font suite en général à des demandes des USA qui se gardent bien d’en décider d’aussi féroces pour leur propre économie. Naturellement leurs effets diplomatiques sont nuls. Jean-Claude Juncker reconnaissait lui-même au début du mois de février avant les nouvelles sanctions que « après les accords signés à Minsk, le temps n'est pas aujourd'hui aux sanctions ». Elles sont surtout absurdes économiquement.

 

  • Le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Garcia-Margallo a rappelé à ses collègues au seuil d’une réunion des chefs de diplomatie des pays membres de l'UE à Bruxelles que les mesures punitives contre la Russie avaient déjà coûté 21 milliards d'euros à l'UE. Et que de nouvelles mesures pourraient avoir de « lourdes conséquences pour tous ». L'Espagne a en effet « essuyé des pertes dans l'agriculture et le tourisme » du fait de ces sanctions. Elle pâtit aussi à l’inverse de l'embargo mit en place par la Russie en réaction en aout 2014.
  • Même en France, les effets négatifs de ces sanctions se font sentir : Les Atelières, société coopérative des ex-ouvrières de Lejaby vient d'être placée en liquidation suite à l'importante chute dans les ventes russes et ukrainiennes qui représentaient 30% du chiffre d'affaire l'année précédente.

 

Comme on pouvait le prévoir les aventures ukrainiennes et les sanctions contre les Russes ont aggravé la récession en Europe et en France. A mes yeux, compte tenu de la stupidité de la politique suivie dont les résultats locaux sont tellement à l’inverse des objectifs annoncés, je me demande si le but des Etats-unis est vraiment l’affaiblissement de la Russie ou celui de l’Union européenne. Si c’est l’Union c’est réussi et c’est tant pis puisque les gouvernements sont assez serviles pour s’y plier de plein gré. Si c’est la Russie c’est raté et c’est tant mieux, car personne de sensé ne peut souhaiter voir les « autorités » d’extrême droite de Kiev l’emporter.

 

Pour en savoir plus :

- Ukraine: où en est-on ?

- Chars et soldats US pour les pays baltes

- Ukraine: l'armée américaine déploie des instructeurs, Moscou en colère

- Face à la Russie, Jean-Claude Juncker veut une armée européenne

- Jean-Luc Mélenchon, l’homme à abattre

- Le problème du nazisme en Ukraine

 

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9 mars 2015 1 09 /03 /mars /2015 09:00
Poutine a-t-il tué le cacique eltsinien Boris Nemtsov ?

Ainsi à propos du déchaînement de la propagande anti-russe à partir du meurtre de monsieur Boris Nemtsov, place rouge à Moscou, la veille d’une manifestation d’une fraction de l’opposition plus que discutable. Monsieur Nemtsov, cacique de l’ère Eltsine, a néanmoins été repeint en extrême « ami de la liberté », notamment par le journal « Le Monde », enjolivant une fois de plus une biographie dont je vous laisse juge en lisant celle que je vous propose. Naturellement il s’agit d’une provocation de plus dans le contexte déjà si dangereux de cette zone. J’y viens parce que les USA viennent de débarquer en Ukraine 600 hommes de la 173ème brigade aéroporté des États-Unis. Le double langage des États-Unis est insupportable.

Le secrétaire d’État américain, John Kerry, s’est d’abord déclaré « plein d’espoir » à propos de la situation en Ukraine, en recevant le chef de la diplomatie russe, Sergei Lavrov. Un jour plus tard c’est le débarquement de la troupe régulière des USA venue s’ajouter aux mercenaires et autres aventuriers déjà payés par les États-Unis en Ukraine.  C’est si consternant qu’on peut se demander si, dans cette affaire, les services et agences nord-américains ne sont pas devenus autonomes et ne mènent pas leurs affaires sans se soucier du commandement politique. Exactement comme ce que l’on voit en Amérique latine où les diverses fractions nord-américaines se disputent le terrain entre partisans des coups d’État et partisans des élections sous tension. La partie se joue à l’échelle du monde pour l’Empire dont le leadership est menacé.

La guerre en Ukraine serait une catastrophe pour toute l’humanité.

 

Source : Le blog de jean Luc Mélenchon par Jean Luc Mélenchon modifié le 15 mars 2015

Le malheureux a été assassiné Place Rouge devant le Kremlin, la veille de la manifestation à laquelle il avait appelé en compagnie d’une autre grande figure de l’opposition, le raciste et antisémite Alexey Navalny. Des flots d’encens sont aussitôt montés vers le ciel, votivement offerts par tous les médias « éthiques et indépendants ». Le premier d’entre eux, « Le Monde », a pieusement recopié, sans nuance ni recul, la notice de l’ambassade des États-Unis. Il a donc repeint Nemtsov aux couleurs du martyr de la démocratie, de l’Occident et ainsi de suite. Qualité à laquelle n’accédera jamais le blogueur saoudien qui reçoit chaque semaine sa ration des mille coups de fouets qu’il doit endurer sans bénéficier de l’indignation mondialement bruyante d’Obama, de François Hollande, et les autres. Ni, bien sûr, « Le Monde », ni l’ignoble Plantu, titulaire du prix de 10 000 euros « pour la liberté de la presse » que lui ont attribué les riant fouetteurs du Qatar. Sans vergogne, « Le Monde » écrit : « Boris Nemtsov, qui avait 55 ans, n’était pas un héritier du soviétisme. C’était un authentique démocrate, un homme qui croyait en l’universalité des valeurs de liberté et de pluralisme ». Quel besoin d’en rajouter à ce point ? Ne suffit-il que cet homme ait été assassiné pour déplorer sa mort ? Non, bien sûr ! L’apologie de Nemtsov, illustrissime inconnu avant son meurtre, fonctionne comme un piège à naïf pour créer une ambiance de « Sadamisation » contre Poutine. « A-t-on encore le droit de s’opposer en Russie » me demande une journaliste qui ne connait rien ni à cette affaire ni à aucune autre concernant la Russie contemporaine. On devine le sous-entendu. Ce Nemtsov aurait été assassiné par Poutine. Sans le début d’une preuve, l’accusation est instillée. Ces gens-là n’ont aucune subtilité. Et leurs enquêtes sont rondement menées depuis le bar de la rédaction.

 

 

- Voyons : un opposant est assassiné, Place Rouge.

Il combattait Poutine, Poutine habite le Kremlin sur la place rouge ! « Bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Poutine l’a tué ! » Hurrah ! Quelle perspicacité ! On ne la fait pas à un journaliste libre d’être d’accord avec l’ambassade des USA ! Que Poutine veuille rendre célèbre un inconnu à la personnalité plus que trouble, qu’il le tue devant sa porte, la veille de la manifestation d’opposants à laquelle celui-ci appelait, ne leur parait pas d’une insigne stupidité. Ni contradictoire avec l’intelligence machiavélique qu’ils prêtent à Poutine le reste du temps. Non. Pourtant, après ce mort et sa malheureuse famille, la première victime politique de cet assassinat est Vladimir Poutine. Car il a été aussitôt traîné dans la boue par toute la presse « libre, éthique et indépendante » du monde entier, dénonciatrice ardente sur ordre des armes de destruction massive de Saddam Hussein, de l’Iran et de tous les autres articles de propagande pré-machée des USA.

 

 

- Voyons donc la biographie de cet émouvant « authentique démocrate ».

Commençons par ses fréquentations les plus récentes dans le cadre de son amour pour les valeurs sans rapport avec « le soviétisme » ! Il appelait à une manifestation le 1er mars contre le gouvernement russe, ce qui est bien son droit. La manifestation a eu lieu et a été traitée moins durement que la manifestation à Sivens le jour ou Remi Fraisse s’y trouvait. Pour convoquer cette manifestation, l’ami de la liberté a joint sa signature à celle d’un autre ami du « Monde », le raciste Alexey Navalny, leader libéral-xénophobe ultra violent. Navalny a créé en 2006, avec des néonazis russes, le mouvement nationaliste des « Marches Russes ». Il est l’inventeur des slogans qui ont entraîné de nombreuses violences contre des immigrés : « la Russie aux Russes », « Arrêtons de nourrir le Caucase ! », « nettoyer la Russie ». Dans une vidéo en marge de ces marches, il qualifiait de « cafards » les habitants du Caucase : « si l'on peut tuer les cafards avec une chaussure, quand il s'agit d'êtres humains, je recommande d'utiliser une arme à feu ». Voilà pour l’ami de « l’authentique démocrate ». Et aussi pour les organisateurs de la manifestation encensée par « le Monde ». Risible dans la fabrication d’une information de convenance, le journal a aussi voulu faire croire qu’elle était organisée en réplique au meurtre. En fait, elle se préparait depuis des semaines sur les thèmes racistes habituels de ces personnages nauséabonds.  

 

 

- Voyons à présent le cas de Boris Nemtsov, « l’ami des libertés », « sans rapport avec le soviétisme » ?

En effet, il s’agit d’un voyou politique ordinaire de la période la plus sombre du toujours titubant Boris Eltsine. Ce Nemtsov est le principal artisan des privatisations de la période 1991-1993 qui furent en fait un véritable pillage. L’homme « sans rapport avec le soviétisme » était alors nommé par Eltsine, gouverneur de Nijni-Novgorod. Il se rendit odieux à grande échelle comme ministre de l'énergie d'Eltsine. Ce sont les privatisations décidées et organisées par lui, Nemtsov, qui ont créé l'oligarchie kleptocratique russe, fléau dont ce pays met un temps fou à se débarrasser. En effet, chaque oligarque, généreux donateur, est défendu bec et ongle par la propagande des agences de l’OTAN comme des « amis de la liberté », de « l’économie de marché » et autre habillages rhétoriques de la caste dans le monde entier. D’ailleurs, l’entourage de « l’authentique démocrate» Nemtsov, a fourni un riche contingent de condamnés pour diverses malversations dans les privatisations organisé par l’homme qui « n’avait rien à voir avec le soviétisme ».

 

 

- Libéral fanatique ?

Ce grand esprit avait été félicité à l'époque par Margaret Thatcher lors d'une visite en Russie. Vice-premier ministre chargé de l'économie en 1997-1998, sa gestion servile à l’égard des injonctions du FMI provoqua le crash russe. Ce fut la plus terrible humiliation de la nation russe depuis l’annexion de l’ancien glacis de l’est dans l’OTAN. Voilà le bilan de monsieur Nemtsov. Cela ne justifie pas qu’on l’assassine. Mais cela devrait nous épargner d’être invités à l’admirer comme le propose grotesquement « le Monde ». Si nous avions une presse indépendante des États-Unis et du conformisme de la dictamolle libérale, personne ne s’aviserait de nous le proposer.

 

 

- Qui a bien pu tuer Nemtsov ?

Naturellement nous n’en savons rien. Si l’on exclut le crime passionnel, et que l’on reste à la politique, on peut diriger l’enquête et les soupçons du côté où il avait le plus d’ennemis. A qui profite le crime ? Certainement pas à Vladimir Poutine : cet assassinat arrive pour lui au plus mauvais moment sur le plan international et au plus mauvais endroit : devant chez lui, au Kremlin. Boris Nemtsov n'était pas une menace pour Poutine compte tenu de sa marginalisation intérieure. En Russie, les amis de l’Ukraine actuelle qui manifestent avec le drapeau de l’ennemi sont très mal vus. Surtout que pour Nemtsov, son soutien à l'Ukraine ultra-nationaliste a commencé en 2004, quand il était déjà conseiller économique du président Ioutchenko, ami d’hier du journal « Le Monde » et ennemi d’aujourd’hui, héros de la dite « révolution » orange. Il est certain que la popularité de Boris Nemtsov n'a pas grandi en Russie du fait son opposition au vote des citoyens de Crimée pour le rattachement à leur patrie russe. Il préférait une Crimée enchainée à l’Ukraine dont les habitants étaient interdits de parler leur langue par ordre des hurluberlus violents de Kiev. L’homme qui n’avait « rien à voir avec le soviétisme » était pourtant dans cette circonstance le défenseur d’une décision personnelle de Nikita Kroutchev, alors tout puissant secrétaire général du Parti Communiste de l’Union soviétique, qui décida, un soir de beuverie dit-on, de rattacher la Crimée à l’Ukraine pour afficher la force de l’attachement de l’Ukraine à la Russie. Un peu comme si un président français décidait de rattacher l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne pour montrer la force du couple franco-allemand ! Car la Crimée est russe depuis toujours, comme l’Alsace et la Lorraine sont françaises, comme l’ont prouvé les millions de morts français tués pour la libérer de l’occupation allemande. Notons, quoiqu’on en pense, qu’un Russe qui se prononce pour Kiev et pour l’intervention de « l’Occident » en Ukraine est un courageux minoritaire parmi les Russes qui vivent mal la présence de nazis au gouvernement de Kiev, l’interdiction de parler russe dans les terres russophones et s’émeuvent des quatre mille civils russophones tués dans le Donbass et du crime sadique contre les quarante syndicalistes brulés vifs ! Sachant cela, je pense que même le plus anti-Poutine et ennemi des Russes peut alors voir sous un autre œil la situation.

 

 

- Boris Nemtsov était un opposant extrêmement confortable pour Poutine

En effet, il était caricaturalement acquis aux ennemis de la Russie. Il était donc sans aucun danger politique et parfaitement inconnu de « l’opinion occidentale » avant sa mort. Je n’en dirais pas autant des milieux de l’extrême droite Russe. Celle-ci est aspirée dans une surenchère permanente et des compétitions mortelles depuis que des « amis de l’Europe » comme l’antisémite Alexey Navalny en rajoutent sans cesse dans l’hystérie xénophobe et ultra nationaliste. Dès lors « l’authentique démocrate», multi pensionné des officines et succursales de la bien-pensance européenne et nord-américaine, ami public du gouvernement ultra anti-russe de Kiev, en pointe dans le rôle de tireur dans le dos de son pays, pourrait avoir été pour eux une cible pleine de sens. Pour ceux-là d’ailleurs, la politique de Poutine est trop équilibrée. Eux sont partisans de la confrontation directe avec l’Ukraine et les USA. C’est eux que le parti américain d’Ukraine veut encourager en les poussant à bout. Le débarquement des troupes américaines fonctionne dans ce sens. Car soyons clairs : si l’armée russe entrait en Ukraine à la suite des provocateurs nord-américaine, les forces qui tenteraient de s’y opposer seraient balayées en moins d’une semaine, parachutistes américains ou pas. 600 Américains ne sont pas davantage invincibles que des milliers d’entre eux. Ce qu’ont montré toutes les guerres perdues par les armadas nord-américaines, à Cuba, au Vietnam, en Somalie, en Afghanistan, en Irak. Les USA savent organiser des complots, des assassinats politiques, acheter des journalistes et des agents d’influence dans tous les pays. Mais militairement, ils ne peuvent vaincre que dans l’ile de la Grenade des gens désarmés, à Panama le chef des trafiquants de drogue, et d’une façon générale des gens incapables de se défendre.

 

 

- Il est important de se souvenir que la Russie est une très grande puissance militaire
... dont le peuple en arme, que n’intimideront pas les bandes de pauvres diables chicanos de l’armée des USA. En tous cas ces 600 parachutistes-là ne peuvent compenser le caractère pitoyable des bandes armées ukrainiennes qui viennent d’être défaites dans l’est du pays en dépit de la sauvagerie de leurs actions. Tout repose donc à présent sur le sang froid de Vladimir Poutine et des dirigeants russes. Pas de guerre ! La patience, l’écroulement de l’économie ukrainienne, la désagrégation de ce pays qui a tant de mal à en être un, tout vient à point a qui sait attendre. La guerre est le pire qui puisse arriver à tout le monde en Europe et dans le monde. La guerre au milieu de sept centrales nucléaires dont la deuxième du monde, devant le sarcophage de Tchernobyl, la guerre serait un désastre dont l’Europe ne se relèverait pas avant des décennies. Les USA doivent rentrer chez eux et laisser les habitants de ce continent régler leurs problèmes. 

 

- Lire aussi :

- Pour ou contre la guerre avec la Russie ?

"J’aurais bien d’autres sujets à traiter que celui de la préparation de la guerre contre la Russie. Mais une polémique d’une incroyable hargne a été déclenchée contre moi (je rappelle que c’est moi qui suis censé être agressif) sur ce thème." Jean Luc Jean-Luc Mélenchon

 

 

Pour en savoir plus

- mon dossier Europe centrale

- « Le cas du xénophobe Alexeï Navalni »

- « Situation en Ukraine »

- « Guerre totale » !?

- « Intervention contre la guerre à la Russie »

- Pourquoi l’Occident hait-il Poutine ? La raison secrète

- Jean-Luc Mélenchon, l’homme à abattre

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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