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27 novembre 2017 1 27 /11 /novembre /2017 13:30
Gravure de 1886 parue dans le journal Harper's Weekly représentant la tragédie de Haymarket Square.

Gravure de 1886 parue dans le journal Harper's Weekly représentant la tragédie de Haymarket Square.

Sources : Black Friday | mis à jour le 11/08/2021

Le Black Friday (littéralement : « Vendredi noir ») peut désigner le vendredi , quand furent exécutés quatre des huit militants de gauche (socialistes et anarchistes) arrêtés après l'explosion d'une bombe lors du rassemblement politique de Haymarket Square, le 4 mai 1886 à Chicago, point culminant de la lutte pour la journée de huit heures aux États-Unis et un élément majeur de l'histoire de la fête des travailleurs du1er mai[5].

 

Cette manifestation était la réponse des ouvriers de la ville à la répression policière qui avait sévi quelques mois plus tôt, le 3 mai 1886, lors de la grève des ouvriers des usines Mc Cormick, faisant deux morts parmi ceux-ci. Le lien entre les militants et l'attentat ne fut jamais clairement établi[1].

 

 

-

Retour au à Chicago : la grève qui a commencé le 1er mai se poursuit aux usines McCormick.

À proximité se tient un meeting des ouvriers du bois où interviennent divers orateurs (dont les anarchistes Samuel Fielden et August Spies). Des affrontements se produisent lorsque des grévistes, désirant chasser les « jaunes » embauchés par Mc Cormick pour briser la grève, sont accueillis par les détectives de l’agence Pinkerton et la police armée de fusils à répétition. Deux ouvriers trouvent la mort et cinquante sont blessés (le Chicago Daily News en avait annoncé six). Le lendemain, le meeting de protestation à Haymarket Square se termine lui aussi en drame.

 

 

« The Haymarket Martyrs ».

« The Haymarket Martyrs ».

- Le procès

Le procès s'ouvre le 21 juin 1886 à la cour criminelle du comté de Cook (Illinois) dans le centre de Chicago. C'est avant tout le procès des anarchistes et du mouvement ouvrier. La sélection du jury compte par exemple un parent du policier tué. Le procureur Julius Grinnel déclare ainsi lors de ses instructions au jury :

« Il n'y a qu'un pas de la République à l'anarchie. C'est la loi qui subit ici son procès en même temps que l'anarchisme. Ces huit hommes ont été choisis parce qu'ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent.
Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d'eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société.
C'est vous qui déciderez si nous allons faire ce pas vers l'anarchie, ou non. »

 

Le 19 août, tous sont condamnés à mort, à l'exception d'Oscar Neebe qui écope de 15 ans de prison. Un vaste mouvement de protestation international se déclenche. Les peines de mort de Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden sont commuées en prison à perpétuité (ils seront tous les trois graciés le 26 juin 1893 après six années de prison ou de pénitencier). Louis Lingg a lui aussi été condamné à mort mais se suicide en prison[2].

 

Quant à Auguste Spies, George Engel, Adolph Fischer et Albert Parsons, ils sont pendus le 11 novembre 1887. Les capitaines d'industrie purent assister à la pendaison par invitation.

 

Ce n'est qu'en 1893 que les condamnés furent innocentés et réhabilités par le gouverneur de l'Illinois John Peter Altgeld, Celui-ci confirma que c'était le chef de la police de Chicago, Bonfield, qui avait tout organisé, et même commandité l'attentat pour justifier la répression qui allait suivre et le jugeant responsable de l'attentat par les brutalités qu'il a lui-même commises envers la population[3].

 

Plaque commémorative.

Plaque commémorative.

L'événement connut une intense réaction internationale et fit l'objet de manifestation dans la plupart des capitales européennes. George Bernard Shaw déclara à cette occasion :

« Si le monde doit absolument pendre huit de ses habitants, il serait bon qu'il s'agisse des huit juges de la Cour suprême de l'Illinois[4] »

 

Notes :

[1] Normand Baillargeon, L'ordre moins le pouvoir, Agone, p. 100.

[2] (en) Nicolas Lampert, A People s Art History of the United States: 250 Years of Activist Art and Artists Working in Social Justice Movements, The New Press, (ISBN 9781595589316, lire en ligne).

[3] (en) John Peter Altgeld, « Reasons for pardoning Fielden, Neebe and Schwab », Haymarket Affair Digital Collection, Chicago Historical Society, .

[4] Howard Zinn, Une Histoire populaire des États-Unis, Agone, 1980, trad. fr. 2002, p. 314.

[5] Certes, si cette parenté n’est pas entièrement dénuée de tout fondement, elle n’est pas tout à fait exacte, car elle masque, en réalité, la place éminente qu’occupe le mouvement ouvrier français dans la genèse de cette histoire.... lire la suite...

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8 novembre 2017 3 08 /11 /novembre /2017 15:51
Un peu d’humilité à l’égard de la Chine, bon sang !
 
Sources : Bruno Guigue 
- L’affligeante nullité des commentaires de la presse française sur le 19ème congrès du parti communiste chinois (18-24 octobre) est éloquente.
Qu’avons-nous appris ? Quasiment rien à vrai dire, sinon que la dictature communiste est abominable, que Xi Jin Ping a été déifié, que la Chine croule sous la corruption, que son économie est chancelante, son endettement abyssal et son taux de croissance en berne. Enfilade de lieux communs et fausses évidences à l’appui, la vision française de la Chine a brillé une fois encore par un simplisme narquois qui masque à peine une ignorance crasse. Il suffit d’avoir entendu une seule émission de Vincent Hervouët sur Europe 1 pour prendre la mesure de ce vide sidéral.
 
 
 
- Il faut dire que la Chine ne fait rien pour faciliter les distinctions tranchées - dignes du lit de Procuste - et les catégories préétablies auxquelles ce petit monde médiatique voudrait la plier à tout prix. Communiste, capitaliste, un peu des deux, ou autre chose encore ?
Dans les sphères médiatiques, on y perd son chinois. Inconsciemment, on le sent bien, nos commentateurs aimeraient pouvoir dire que la Chine n’est plus communiste, ce serait tellement plus simple. Convertie au libéralisme, cette nation rebelle réintégrerait le droit commun. Retour à l’ordre des choses, cette capitulation idéologique validerait la téléologie de l’homo occidentalis. Absorbant la Chine, le capitalisme mondialisé pourrait enfin déboucher le Champagne.
 
 
 
- Mais voilà, c’est une romance libérale, une de plus.
Le PCC n’a nullement renoncé à son rôle dirigeant dans la société, et il fournit son ossature à un Etat qui tire sa force de sa souveraineté. Hérité du maoïsme, l’Etat central conserve la maîtrise de la politique monétaire et contrôle le secteur bancaire. Doté depuis les lois de 2008 d’une fiscalité moderne, d’un code du travail et d’un système social - certes imparfaits -, il s’est fixé pour objectif numéro un l’élévation du niveau de vie de la population. Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise : avec 40% des actifs et 50% des profits générés par l’activité industrielle, il est prédominant dans la sidérurgie, l’énergie et l’électricité.
 
 
 
  - Aucun commentateur ne l’a fait, mais il suffit de lire la résolution finale du 19ème congrès pour mesurer l’ampleur des défis de la Chine contemporaine.
Lorsque cette résolution affirme que “le Parti doit s’unir pour remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance, faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, et lutter sans relâche pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation”, il faut peut-être prendre ces déclarations au sérieux. Avec 89 millions de membres, le PCC n’est pas en perte de vitesse. Mais il lui faudra stimuler la consommation intérieure, réduire les inégalités sociales et juguler la pollution - un véritable fléau -, s’il veut conserver l’appui d’une population en voie d’urbanisation accélérée.
 
 
 
- En Occident, la vision de la Chine est obscurcie par les idées reçues.
On s’imagine que l’ouverture aux échanges internationaux et la privatisation de nombreuses entreprises ont sonné le glas du “socialisme à la chinoise”. Mais c’est faux. Pour les Chinois, cette ouverture est la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique. Les “zones d’exportation spéciale” ont dopé la croissance, mais cette insertion dans la mondialisation s’est effectuée aux conditions fixées par l’Etat. Pour Pékin, il fallait accumuler les capitaux afin de poursuivre les réformes. Elles ont permis de sortir 700 millions de personnes de la pauvreté, soit 10% de la population mondiale. Il n’est pas étonnant que le 19ème congrès ait réitéré le choix d’une économie mixte en insistant sur les défis de l’urbanisation et la nécessaire réduction des inégalités.
 
 
 
- Depuis 40 ans, la Chine change à un rythme déconcertant et brouille les repères habituels.
Un pays qui assure 30% de la croissance mondiale et dont on juge que sa croissance “fléchit” lorsqu’elle est à 6,5% mérite quand même le détour. On peut ironiser sur ce communisme qui fait la part belle au capitalisme, ou encore évoquer le spectre d’un capitalisme d’État, mais à quoi bon ? Les communistes chinois se moquent bien des catégories dans lesquelles nos appareils idéologiques désignent la réalité chinoise. Ils la connaissent mieux que nous, et ils savent que nous n’avons aucune prise sur notre propre réalité. La puissance qui est la leur et l’impuissance qui est la nôtre suffisent à nous disqualifier. Si seulement la France était un État souverain, peut-être aurions-nous quelque chose à dire. Mais franchement, mettez-vous à la place des Chinois. Allons, un peu d’humilité !
 
Pour en savoir plus :
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7 novembre 2017 2 07 /11 /novembre /2017 14:51
Selon une équipe de chercheurs de l’université de Berkeley, depuis 1980, l’augmentation des températures en Afrique subsaharienne a accru de 11/% le risque de guerres, comme au Darfour.

Selon une équipe de chercheurs de l’université de Berkeley, depuis 1980, l’augmentation des températures en Afrique subsaharienne a accru de 11/% le risque de guerres, comme au Darfour.

Climat... le réchauffement amplificateur de menaces nécessitant des réponses urgentes globales

 

Étudiés depuis quinze ans, les liens entre réchauffement global et risque de conflits restent sujets à débats scientifiques. Ils existent, mais gare au simplisme, alertent doublement beaucoup de chercheurs.

Mais dans le même temps, comme le propose les insoumis avec l'Avenir en commun[1] (version 2016 mise à jour), il nécessite des réponses urgentes comme :

  • mettre en œuvre la planification écologique (la France devant devenir un modèle en a matière ;
  • sortir des traités commerciaux comme l'OMC qui régissent le " commerce libre et non faussé " ;
  • instaurer un protectionnisme solidaire ;
  • étendre les protections du droit international à de nouveaux domaines ;
  • Instaurer l’indépendance de la France dans le monde au service de la Paix ;
  • ce qui revient dans le même temps s'attaquer aux causes des migrations...

 

Sources : l'Humanité par Marie-Noëlle Bertrand | mis à jour le 17/10/2021

« On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique.  » Début juillet, Emmanuel Macron déclenchait une volée de réactions, parfois vertes, parfois moqueuses, en prononçant ces mots en conclusion du sommet du G20. Quelques mois plus tôt, en 2016, Climate Diplomacy, une plate-forme d’échanges et de réflexions promue par le gouvernement allemand, avait publié un rapport analysant ce lien. Katharina Nett et Lukas Rüttinger, ses auteurs, y notifiaient que ces dernières années des «  organisations armées non étatiques  », telles que Boko Haram ou Daech, ont prospéré dans des régions touchées de plein fouet par le changement climatique, grâce, justement, aux conditions météorologiques exceptionnelles qui y règnent. Mais «  les liens entre changement climatique, conflits et fragilité étatique ne sont ni simples, ni linéaires  », soulignaient également les auteurs.

 

«  Les conséquences de plus en plus importantes du changement climatique ne provoquent pas forcément plus de fragilité étatique et de conflits  », concluait leur rapport. Ainsi, le président de la République n’avait-il pas tort sur le fond. Le péché résidait en revanche dans la forme, maladroite et trop prompte à simplifier une problématique complexe débattue depuis quinze ans.

 

Dans quelle mesure le réchauffement climatique aggrave-t-il, voire génère-t-il, les situations de conflits  ? La question a été posée sur le tapis pour la première fois en 2002. Discrètement, d’abord, dans un document allemand. Puis, avec un impact bien plus retentissant, dans un texte publié en 2003 par la CIA. Mais, depuis tout ce temps que le sujet est à l’étude, «  les recherches ont produit plus d’incertitudes que de certitudes sur la réponse à apporter  », relève Bastien Alex, chercheur et responsable du programme Climat, énergie et sécurité de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). «  Le changement climatique n’est pas une entité  », résume-t-il. «  Il peut jouer sur certains paramètres, mais ne déclenche pas en lui-même de violences.  »

 

 

- Les phénomènes migratoires, amplifiés par le réchauffement...

Depuis quelques années, pourtant, l’actualité rapporte des résultats de recherche tendant à attester d’un lien établi entre hausse ou aggravation des conflits et réchauffement global. Certains chiffres, même, sont d’une précision affûtée.

 

En juillet, la FAO relayait ainsi, lors de sa conférence bisannuelle, les résultats d’une étude américaine publiée en septembre 2016, avançant des données très arrêtées. Selon une équipe de chercheurs de l’université de Berkeley, depuis 1980, l’augmentation des températures en Afrique subsaharienne a accru de 11 % le risque de guerres dans cette zone. Si le réchauffement climatique n’est pas enrayé, ce risque pourrait augmenter de 54 % d’ici à 2030 à l’échelle du continent. Le texte avance aussi des données portant sur les phénomènes migratoires, amplifiés par le réchauffement  : en 2016, les changements climatiques auraient ainsi provoqué plus de 7 000 victimes, affecté la vie de 400 millions de personnes, engendré 20 millions de déplacés et causé des dégâts estimés à 100 millions de dollars.

 

Dirigés par Solomon Hsiang, les résultats ne font pas l’unanimité chez les scientifiques. Certes, «  le consensus est large pour affirmer que le bouleversement climatique va augmenter le risque de conflits et créer un monde subissant davantage de problèmes de sécurité  », rappelle François Gemenne, directeur exécutif du programme de recherche interdisciplinaire Politiques de la Terre à Sciences-Po. «  On peut d’ailleurs sérieusement penser qu’il a aggravé plusieurs conflits récents, tels ceux de la Syrie ou du Darfour.  »

 

Évaluer avec précision la mesure dans laquelle le changement climatique a agi, en revanche, est bien plus délicat, pour ne pas dire casse-gueule, quand il s’agit de réfléchir dans le futur.

 

De fait, la pratique oppose deux approches scientifiques, l’une dite quantitative, l’autre qualitative. La première consiste à tenter d’établir des corrélations entre les données climatiques et des données relatives à la sécurité d’une région. Jeune chercheur états-unien, Solomon Hsiang est regardé comme le «  pape  » de cette discipline. «  Son équipe a pu établir ce type de corrélations dans un grand nombre de situations conflictuelles  », dont elle a extrapolé les chiffres mentionnés plus haut, reprend François Gemenne. Le chercheur invite à rester prudent face à ces résultats. «  Ils servent essentiellement à attirer l’attention des journalistes et des pouvoirs publics  », prévient-il. «  Si l’idée est d’aider à la prise de conscience, d’accord. Mais du point de vue du chercheur, cela ne tient pas.  »

 

 

- « On est face à un enchevêtrement de facteurs très complexes  »

Les qualitativistes (s’il faut créer des cases) opposent à cette façon de faire une approche plus subtile, visant à établir des tendances. «  L’étude des liens entre les changements climatiques et l’émergence de conflits ne peut pas faire abstraction du contexte sociologique, démographique ou politique dans lequel le réchauffement se manifeste  », explique Bastien Alex. Difficiles à établir dans le présent, ces données s’avèrent d’autant plus ardues à projeter dans l’avenir. Quel sera le contexte politique du Sahel en 2080  ? Où en seront les ambitions agronomiques chinoises en 2050 ou les pratiques agricoles du Tchad d’ici vingt ans  ? Autant de questions compliquées, si ce n’est impossibles à résoudre et qui comptent pourtant rudement dans l’équation conflictuelle.

 

Dans un article publié dans le Monde diplomatique en août 2015, Agnès Sinaï, journaliste et fondatrice de l’Institut Momentum, rappelle ainsi comment l’effondrement du système agricole syrien a influé dans les tensions dramatiques qui ont suivi. Or, celui-ci résultait «  d’un jeu complexe de facteurs dont le changement climatique, une mauvaise gestion des ressources naturelles et la dynamique démographique  », écrit-elle.

 

Souvent présenté comme le premier cas de guerre climatique, le cas du Darfour n’est pas plus simple à décortiquer. «  On est face à un enchevêtrement de facteurs très complexes  », reprend Bastien Alex. «  Le climat y joue un rôle. Mais, sur le fond, ce conflit a été déclenché sous l’action des pouvoirs publics et de transformations économiques brutales inadaptées à la géographique culturale et agricole de la région. Au final, il est plus sûrement lié à une mauvaise gestion de la ressource et à des politiques de prédation ou d’instrumentalisation de certaines communautés qu’à des paramètres naturels  », assène-t-il.

 

 

- « L’usage stratégique du discours alarmiste n’est pas sans danger  »

Accentuée par les épisodes de sécheresse ou, à l’inverse, de pluies intenses, la raréfaction des ressources, première cause de heurts, ne peut ainsi être résumée aux seuls bouleversements de l’atmosphère. L’assèchement du lac Tchad ou celui de la mer d’Aral doivent beaucoup aux politiques de culture intensive du coton, rappellent les chercheurs dits qualitativistes… lesquels n’en insistent pas moins sur la nécessité de prendre en compte le facteur climat dans l’élaboration des politiques de sûreté nationale et internationale, et surtout de développement. Pourquoi, alors, se disputer sur de telles nuances, quand l’enjeu reste au final le même  ? Question de crédibilité, avance Bastien Alex.

 

«  Dire que le changement climatique est responsable de la guerre au Darfour revient à avancer une fausse information. Au final, c’est donner le bâton pour se faire battre à ceux qui cherchent à décrédibiliser le travail scientifique, climatosceptiques en tête.  » Surtout, cela conduit à dédouaner les vrais coupables de leurs responsabilités. «  Cet usage stratégique du discours alarmiste n’est pas sans danger  », insistent ainsi Alice Baillat et Lucile Maertens, toutes les deux chercheuses à Science-Po, dans une tribune publiée début juillet dans le magazine en ligne Reporterre. «  En simplifiant des liens de causalité complexes, il porte le risque de dépolitiser les causes de conflit, de déresponsabiliser les acteurs politiques et de stigmatiser les pays les plus vulnérables.  » Ainsi a-t-on entendu Bachar Al Assad présenter la sécheresse qui frappe la Syrie comme une manifestation directe du changement climatique, quand celle-ci résulte avant tout de décennies de gestion calamiteuse des ressources hydriques et d’irrigation intensive, relèvent les chercheuses. Ou encore le président soudanais Omar El Béchir, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, invoquer le changement climatique comme une circonstance atténuante des actes commis sous son régime.

 

Notes :

[1] l'Avenir en commun (version 2021)

 

Pour en savoir plus :

- Comment le réchauffement climatique augmente les risques de guerre en Afrique

- Changement climatique et conflit : une relation compliquée

- Aux origines climatiques des conflits

- Le changement climatique est le terreau du terrorisme, constate un rapport d’experts

- Les ressources énergétiques sont aussi au coeur des conflits internationaux

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4 novembre 2017 6 04 /11 /novembre /2017 10:52
Pierre Bourdieu : L’essence du néolibéralisme

Sources : Le MONDE diplomatique par Pierre Bourdieu Sociologue, professeur au Collège de France.  mars 1998 | mis à jour le 13/07/2020

Le monde économique est-il vraiment, comme le veut le discours dominant, un ordre pur et parfait, déroulant implacablement la logique de ses conséquences prévisibles, et prompt à réprimer tous les manquements par les sanctions qu’il inflige, soit de manière automatique, soit — plus exceptionnellement — par l’intermédiaire de ses bras armés, le FMI ou l’OCDE, et des politiques qu’ils imposent : baisse du coût de la main-d’œuvre, réduction des dépenses publiques et flexibilisation du travail ? Et s’il n’était, en réalité, que la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, ainsi convertie en programme politique, mais une utopie qui, avec l’aide de la théorie économique dont elle se réclame, parvient à se penser comme la description scientifique du réel ?

 

 

Cette théorie tutélaire est une pure fiction mathématique, fondée, dès l’origine, sur une formidable abstraction : celle qui, au nom d’une conception aussi étroite que stricte de la rationalité identifiée à la rationalité individuelle, consiste à mettre entre parenthèses les conditions économiques et sociales des dispositions rationnelles et des structures économiques et sociales qui sont la condition de leur exercice.

 

Il suffit de penser, pour donner la mesure de l’omission, au seul système d’enseignement, qui n’est jamais pris en compte en tant que tel en un temps où il joue un rôle déterminant dans la production des biens et des services, comme dans la production des producteurs. De cette sorte de faute originelle, inscrite dans le mythe walrasien [1] de la « théorie pure », découlent tous les manques et tous les manquements de la discipline économique, et l’obstination fatale avec laquelle elle s’accroche à l’opposition arbitraire qu’elle fait exister, par sa seule existence, entre la logique proprement économique, fondée sur la concurrence et porteuse d’efficacité, et la logique sociale, soumise à la règle de l’équité.

 

Cela dit, cette « théorie » originairement désocialisée et déshistoricisée a, aujourd’hui plus que jamais, les moyens de se rendre vraie, empiriquement vérifiable. En effet, le discours néolibéral n’est pas un discours comme les autres. A la manière du discours psychiatrique dans l’asile, selon Erving Goffman[2], c’est un « discours fort », qui n’est si fort et si difficile à combattre que parce qu’il a pour lui toutes les forces d’un monde de rapports de forces qu’il contribue à faire tel qu’il est, notamment en orientant les choix économiques de ceux qui dominent les rapports économiques et en ajoutant ainsi sa force propre, proprement symbolique, à ces rapports de forces. Au nom de ce programme scientifique de connaissance, converti en programme politique d’action, s’accomplit un immense travail politique (dénié puisque, en apparence, purement négatif) qui vise à créer les conditions de réalisation et de fonctionnement de la « théorie » ; un programme de destruction méthodique des collectifs.

 

Le mouvement, rendu possible par la politique de déréglementation financière, vers l’utopie néolibérale d’un marché pur et parfait, s’accomplit à travers l’action transformatrice et, il faut bien le dire, destructrice de toutes les mesures politiques (dont la plus récente est l’AMI, Accord multilatéral sur l'investissement, destiné à protéger, contre les États nationaux, les entreprises étrangères et leurs investissements), visant à mettre en question toutes les structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur : nation, dont la marge de manœuvre ne cesse de décroître ; groupes de travail, avec, par exemple, l’individualisation des salaires et des carrières en fonction des compétences individuelles et l’atomisation des travailleurs qui en résulte ; collectifs de défense des droits des travailleurs, syndicats, associations, coopératives ; famille même, qui, à travers la constitution de marchés par classes d’âge, perd une part de son contrôle sur la consommation.

 

Le programme néolibéral, qui tire sa force sociale de la force politico-économique de ceux dont il exprime les intérêts — actionnaires, opérateurs financiers, industriels, hommes politiques conservateurs ou sociaux-démocrates convertis aux démissions rassurantes du laisser-faire, hauts fonctionnaires des finances, d’autant plus acharnés à imposer une politique prônant leur propre dépérissement que, à la différence des cadres des entreprises, ils ne courent aucun risque d’en payer éventuellement les conséquences —, tend globalement à favoriser la coupure entre l’économie et les réalités sociales, et à construire ainsi, dans la réalité, un système économique conforme à la description théorique, c’est-à-dire une sorte de machine logique, qui se présente comme une chaîne de contraintes entraînant les agents économiques.

 

La mondialisation des marchés financiers, jointe au progrès des techniques d’information, assure une mobilité sans précédent de capitaux et donne aux investisseurs, soucieux de la rentabilité à court terme de leurs investissements, la possibilité de comparer de manière permanente la rentabilité des plus grandes entreprises et de sanctionner en conséquence les échecs relatifs. Les entreprises elles-mêmes, placées sous une telle menace permanente, doivent s’ajuster de manière de plus en plus rapide aux exigences des marchés ; cela sous peine, comme l’on dit, de « perdre la confiance des marchés », et, du même coup, le soutien des actionnaires qui, soucieux d’obtenir une rentabilité à court terme, sont de plus en plus capables d’imposer leur volonté aux managers, de leur fixer des normes, à travers les directions financières, et d’orienter leurs politiques en matière d’embauche, d’emploi et de salaire.

 

Ainsi s’instaurent le règne absolu de la flexibilité, avec les recrutements sous contrats à durée déterminée ou les intérims et les « plans sociaux » à répétition, et, au sein même de l’entreprise, la concurrence entre filiales autonomes, entre équipes contraintes à la polyvalence et, enfin, entre individus, à travers l’individualisation de la relation salariale : fixation d’objectifs individuels ; entretiens individuels d’évaluation ; évaluation permanente ; hausses individualisées des salaires ou octroi de primes en fonction de la compétence et du mérite individuels ; carrières individualisées ; stratégies de « responsabilisation » tendant à assurer l’auto-exploitation de certains cadres qui, simples salariés sous forte dépendance hiérarchique, sont en même temps tenus pour responsables de leurs ventes, de leurs produits, de leur succursale, de leur magasin, etc., à la façon d’« indépendants » ; exigence de l’« autocontrôle » qui étend l’« implication » des salariés, selon les techniques du « management participatif », bien au-delà des emplois de cadres. Autant de techniques d’assujettissement rationnel qui, tout en imposant le surinvestissement dans le travail, et pas seulement dans les postes de responsabilité, et le travail dans l’urgence, concourent à affaiblir ou à abolir les repères et les solidarités collectives[3].

 

L’institution pratique d’un monde darwinien de la lutte de tous contre tous, à tous les niveaux de la hiérarchie, qui trouve les ressorts de l’adhésion à la tâche et à l’entreprise dans l’insécurité, la souffrance et le stress, ne pourrait sans doute pas réussir aussi complètement si elle ne trouvait la complicité des dispositions précarisées que produit l’insécurité et l’existence, à tous les niveaux de la hiérarchie, et même aux niveaux les plus élevés, parmi les cadres notamment, d’une armée de réserve de main-d’œuvre docilisée par la précarisation et par la menace permanente du chômage. Le fondement ultime de tout cet ordre économique placé sous le signe de la liberté, est en effet, la violence structurale du chômage, de la précarité et de la menace du licenciement qu’elle implique : la condition du fonctionnement « harmonieux » du modèle micro-économique individualiste est un phénomène de masse, l’existence de l’armée de réserve des chômeurs.

 

Cette violence structurale pèse aussi sur ce que l’on appelle le contrat de travail (savamment rationalisé et déréalisé par la « théorie des contrats »). Le discours d’entreprise n’a jamais autant parlé de confiance, de coopération, de loyauté et de culture d’entreprise qu’à une époque où l’on obtient l’adhésion de chaque instant en faisant disparaître toutes les garanties temporelles (les trois quarts des embauches sont à durée déterminée, la part des emplois précaires ne cesse de croître, le licenciement individuel tend à n’être plus soumis à aucune restriction).

 

On voit ainsi comment l’utopie néolibérale tend à s’incarner dans la réalité d’une sorte de machine infernale, dont la nécessité s’impose aux dominants eux-mêmes. Comme le marxisme en d’autres temps, avec lequel, sous ce rapport, elle a beaucoup de points communs, cette utopie suscite une formidable croyance, la free trade faith (la foi dans le libre-échange), non seulement chez ceux qui en vivent matériellement, comme les financiers, les patrons de grandes entreprises, etc., mais aussi chez ceux qui en tirent leurs justifications d’exister, comme les hauts fonctionnaires et les politiciens, qui sacralisent le pouvoir des marchés au nom de l’efficacité économique, qui exigent la levée des barrières administratives ou politiques capables de gêner les détenteurs de capitaux dans la recherche purement individuelle de la maximisation du profit individuel, instituée en modèle de rationalité, qui veulent des banques centrales indépendantes, qui prêchent la subordination des Etats nationaux aux exigences de la liberté économique pour les maîtres de l’économie, avec la suppression de toutes les réglementations sur tous les marchés, à commencer par le marché du travail, l’interdiction des déficits et de l’inflation, la privatisation généralisée des services publics, la réduction des dépenses publiques et sociales.

Sans partager nécessairement les intérêts économiques et sociaux des vrais croyants, les économistes ont assez d’intérêts spécifiques dans le champ de la science économique pour apporter une contribution décisive, quels que soient leurs états d’âme à propos des effets économiques et sociaux de l’utopie qu’ils habillent de raison mathématique, à la production et à la reproduction de la croyance dans l’utopie néolibérale. Séparés par toute leur existence et, surtout, par toute leur formation intellectuelle, le plus souvent purement abstraite, livresque et théoriciste, du monde économique et social tel qu’il est, ils sont particulièrement enclins à confondre les choses de la logique avec la logique des choses.

 

Confiants dans des modèles qu’ils n’ont pratiquement jamais l’occasion de soumettre à l’épreuve de la vérification expérimentale, portés à regarder de haut les acquis des autres sciences historiques, dans lesquels ils ne reconnaissent pas la pureté et la transparence cristalline de leurs jeux mathématiques, et dont ils sont le plus souvent incapables de comprendre la vraie nécessité et la profonde complexité, ils participent et collaborent à un formidable changement économique et social qui, même si certaines de ses conséquences leur font horreur (ils peuvent cotiser au Parti socialiste et donner des conseils avisés à ses représentants dans les instances de pouvoir), ne peut pas leur déplaire puisque, au péril de quelques ratés, imputables notamment à ce qu’ils appellent parfois des « bulles spéculatives », il tend à donner réalité à l’utopie ultraconséquente (comme certaines formes de folie) à laquelle ils consacrent leur vie.

 

Et pourtant le monde est là, avec les effets immédiatement visibles de la mise en œuvre de la grande utopie néolibérale : non seulement la misère d’une fraction de plus en plus grande des sociétés les plus avancées économiquement, l’accroissement extraordinaire des différences entre les revenus, la disparition progressive des univers autonomes de production culturelle, cinéma, édition, etc., par l’imposition intrusive des valeurs commerciales, mais aussi et surtout la destruction de toutes les instances collectives capables de contrecarrer les effets de la machine infernale, au premier rang desquelles l’Etat, dépositaire de toutes les valeurs universelles associées à l’idée de public, et l’imposition, partout, dans les hautes sphères de l’économie et de l’Etat, ou au sein des entreprises, de cette sorte de darwinisme moral qui, avec le culte du winner, formé aux mathématiques supérieures et au saut à l’élastique, instaure comme normes de toutes les pratiques la lutte de tous contre tous et le cynisme.

 

Peut-on attendre que la masse extraordinaire de souffrance que produit un tel régime politico-économique soit un jour à l’origine d’un mouvement capable d’arrêter la course à l’abîme ? En fait, on est ici devant un extraordinaire paradoxe : alors que les obstacles rencontrés sur la voie de la réalisation de l’ordre nouveau — celui de l’individu seul, mais libre — sont aujourd’hui tenus pour imputables à des rigidités et des archaïsmes, et que toute intervention directe et consciente, du moins lorsqu’elle vient de l’Etat, par quelque biais que ce soit, est d’avance discréditée, donc sommée de s’effacer au profit d’un mécanisme pur et anonyme, le marché (dont on oublie qu’il est aussi le lieu d’exercice d’intérêts), c’est en réalité la permanence ou la survivance des institutions et des agents de l’ordre ancien en voie de démantèlement, et tout le travail de toutes les catégories de travailleurs sociaux, et aussi toutes les solidarités sociales, familiales ou autres, qui font que l’ordre social ne s’effondre pas dans le chaos malgré le volume croissant de la population précarisée.

 

Le passage au « libéralisme » s’accomplit de manière insensible, donc imperceptible, comme la dérive des continents, cachant ainsi aux regards ses effets, les plus terribles à long terme. Effets qui se trouvent aussi dissimulés, paradoxalement, par les résistances qu’il suscite, dès maintenant, de la part de ceux qui défendent l’ordre ancien en puisant dans les ressources qu’il recelait, dans les solidarités anciennes, dans les réserves de capital social qui protègent toute une partie de l’ordre social présent de la chute dans l’anomie. (Capital qui, s’il n’est pas renouvelé, reproduit, est voué au dépérissement, mais dont l’épuisement n’est pas pour demain.)

 

Mais ces mêmes forces de « conservation », qu’il est trop facile de traiter comme des forces conservatrices, sont aussi, sous un autre rapport, des forces de résistance à l’instauration de l’ordre nouveau, qui peuvent devenir des forces subversives. Et si l’on peut donc conserver quelque espérance raisonnable, c’est qu’il existe encore, dans les institutions étatiques et aussi dans les dispositions des agents (notamment les plus attachés à ces institutions, comme la petite noblesse d’Etat), de telles forces qui, sous apparence de défendre simplement, comme on le leur reprochera aussitôt, un ordre disparu et les « privilèges » correspondants, doivent en fait, pour résister à l’épreuve, travailler à inventer et à construire un ordre social qui n’aurait pas pour seule loi la recherche de l’intérêt égoïste et la passion individuelle du profit, et qui ferait place à des collectifs orientés vers la poursuite rationnelle de fins collectivement élaborées et approuvées.

 

Parmi ces collectifs, associations, syndicats, partis, comment ne pas faire une place spéciale à l’Etat, Etat national ou, mieux encore, supranational, c’est-à-dire européen (étape vers un Etat mondial), capable de contrôler et d’imposer efficacement les profits réalisés sur les marchés financiers et, surtout, de contrecarrer l’action destructrice que ces derniers exercent sur le marché du travail, en organisant, avec l’aide des syndicats, l’élaboration et la défense de l’intérêt public qui, qu’on le veuille ou non, ne sortira jamais, même au prix de quelque faux en écriture mathématique, de la vision de comptable (en un autre temps, on aurait dit d’« épicier ») que la nouvelle croyance présente comme la forme suprême de l’accomplissement humain.

 

Notes :

[1] NDLR : par référence à Auguste Walras (1800-1866), économiste français, auteur de De la nature de la richesse et de l’origine de la valeur (1848) ; il fut l’un des premiers à tenter d’appliquer les mathématiques à l’étude économique.

[2] Erving Goffman, Asiles. Etudes sur la condition sociale des malades mentaux, Editions de Minuit, Paris, 1968.

[3] On pourra se reporter, sur tout cela, aux deux numéros des Actes de la recherche en sciences sociales consacrés aux « Nouvelles formes de domination dans le travail » (1 et 2), no 114, septembre 1996, et no 115, décembre 1996, et tout spécialement à l’introduction de Gabrielle Balazs et Michel Pialoux, « Crise du travail et crise du politique », no 114, p. 3-4.

 

 

-Comment le néolibéralisme défait la démocratie

Pierre Dardot, Christian Laval, présentation: Stanislas D'Ornano.

 

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26 octobre 2017 4 26 /10 /octobre /2017 12:29
Comprendre le franc CFA en quatre questions
  • Le CFA, un outil au service du maintien d’une relation coloniale au-delà des indépendances entre la France et les 15 pays des zones francs[1]...

 

En mettant le feu un billet de 5 000 FCFA lors d'un rassemblement le 20 août dernier à Dakar, le polémiste Kémi Séba a relancé un débat brûlant. Le Franco-Béninois, très controversé, proche de certains membres de l'extrême droite française, a finalement été relaxé mardi 29 août par la justice sénégalaise. Mais ce geste a suscité une avalanche de réactions sur le Franc CFA, la dernière monnaie coloniale encore utilisée.

 

Sources : rfI Afrique par Anne Cantener, Alice Pozycki, Matthieu Millecamps | mis à jour le 20/11/2021

- Comment fonctionne le franc CFA ?

Depuis les accords de Bretton Woods de 1945, le franc est la monnaie commune de la "zone franc". Cette zone comprend 14 pays répartis au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) auxquels s’ajoutent les Comores. Près de 155 millions de personnes utilisent le franc CFA.

 

Au moment de sa création, l’acronyme signifiait « Franc des Colonies françaises d’Afrique ». Par la suite, il est devenu le franc de la Communauté financière africaine pour les Etats de l’UEMOA et le franc de la coopération financière en Afrique centrale pour les pays de la CEMAC. Dans chacune de ces deux zones, une banque centrale est chargée de régir la politique du franc. Il s’agit de la Banque des Etats d’Afrique de l’Ouest pour l’UEMOA, et de la Banque des Etats d’Afrique centrale pour la CEMAC.

 

Depuis 1945, la Banque de France est le troisième acteur de ce système monétaire. Le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe décidée par la France. En contrepartie, les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français. C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA, à des milliers de kilomètres des banques centrales africaines.

 

 

- Quelles conséquences pour les pays de la zone franc ?

Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise et garantit également la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, pas de brusques dévaluations possibles. Toujours à cause de ce lien avec l’euro, le franc CFA est une monnaie plutôt forte, ce qui facilite les importations. En revanche, les pays de la zone franc sont pénalisés pour les exportations.

 

 

- Quelles sont les critiques portées par les opposants à ce système ?

En plus de 70 ans, le franc CFA a essuyé de nombreuses critiques. Les opposants à cette monnaie commune estiment qu’elle est la preuve d’une « survivance coloniale ». L'économiste Kalo Nubukpo dénonce la « servitude monétaire » issue de l’obligation pour les pays africains de déposer 50 % de leur réserve au Trésor français. « Le mécanisme d’assurance qu’offre le Trésor français à la zone franc est un mécanisme qui permet de s’assurer contre les défaillances de la gouvernance économique et politique en Afrique. Ce n’est pas un mécanisme qui peut permettre à l’Afrique d’enclencher sa transformation structurelle. Donc, cette question de la souveraineté monétaire de l’Afrique est une question cruciale ».

 

Pour l’économiste, trois choses posent problème : le franc français n’existe plus, pourquoi le franc CFA existe donc encore ? Pourquoi les billets de banque CFA – fabriqués uniquement en France – ne peuvent-ils pas être fabriqués en Afrique ? Enfin, la BCEAO, comme la BEAC en Afrique centrale sont désormais indépendantes des Etats et elles vont s’inféoder un ministère d’un pays étranger, le ministère français des Finances pour gérer le franc CFA.

 

« La France, une ancienne puissance coloniale, fait circuler sa monnaie dans 15 pays alors même qu’elle ne l’utilise plus, c’est une situation exceptionnelle », s’insurge l’économiste Martial Ze Belinga. Les deux experts voient également dans cette monnaie un frein au développement des pays de la zone franc. L’arrimage à l’euro, une monnaie forte, empêcherait les Etats de proposer des prix compétitifs au détriment des exportations.

 

L’économiste Carlos Lopes, lorsqu’il était encore secrétaire général adjoint de l’ONU, a fait sensation en remettant en cause le franc CFA de manière publique. Dans un entretien à RFI, il a qualifié les mécanismes du franc CFA de « désuets ». « Il faut que le mécanisme soit dynamique. Il ne faut pas voir la composition et les caractéristiques actuelles, parce qu’elles ne sont pas de nature à répondre à la dynamique des croissances et à la dynamique internationale économique », expliquait-il alors.

 

Pour lui, la stabilité des taux de change a eu ses avantages, mais « la consommation interne est devenue la plus importante des composantes de la croissance » dans les régions de la zone franc, rendant cette politique des taux fixes handicapante.

 

Il reste cependant persuadé qu'« une zone monétaire est un atout », mais qu’il faut se pencher sur les caractéristiques de cette zone monétaire : « Quelle politique est associée à cette zone monétaire ? Comment on utilise les réserves ? Comment on fait en sorte qu’il y ait un peu plus de contribution des politiques monétaires à la transformation structurelle ? » Pour Carlos Lopes, « le débat doit être un débat de fond et pas un débat idéologique ». Dans des pays où les secteurs agricoles sont fragiles et le secteur industriel souvent embryonnaire, les économies des pays de la zone franc sont engagées dans des transformations structurelles importantes. « Il faut que la monnaie accompagne ces politiques avec des mesures spécifiques. Actuellement, les mesures ne sont pas d’accompagnement, mais plutôt immuables, où l’on essaie de protéger les pays de la zone », jugeait Carlos Lopes en octobre dernier.

 

 

- Quels avantages pour la France ?

Le système permet de garantir un cadre sûr dans une zone où la France a beaucoup d’intérêts économiques et de liens commerciaux. D’ailleurs, l’indexation du franc CFA sur l’euro et le fait qu'il soit une monnaie forte facilitent les investissements d’entreprises françaises en Afrique. Plusieurs économistes précisent en revanche que Paris ne gagne pas d’argent avec les fameux 50 % des réserves obligatoirement déposés en France. Cette somme se trouve à la Banque de France. Tous les ans, l’institution reverse les intérêts aux pays africains. Et il existe un taux minimum fixé en 2013 : 0,75 %. Concrètement, cela signifie que les pays africains ne peuvent pas toucher moins, même si le taux d’intérêt officiel est plus bas. C’est le cas en ce moment, le taux se situe autour de 0,25 %.

 

  • Débat du jour - Faut-il en finir avec le Franc CFA ?
Pour accéder au débat, cliquez sur l'image

 

 

 

-La fabrique : CFA, la monnaie qui dérange.

Le Média : replay de la chronique "La fabrique : CFA, la monnaie qui dérange". Théophile Kouamouo recevait l'économiste N'Dongo Samba Sylla, chargé de recherche à la Fondation Rosa Luxembourg, pour parler de la monnaie CFA en Afrique.

Rôle du Franc-CFA dans la domination africaine

 

Je partage cette analyse selon laquelle : " la politique monétaire permet de jouer sur les importations et exportations. C’est un outil fondamental de la souveraineté, comme l’est l’indépendance militaire par exemple. Or, les Etats les africains n’ont pas cette liberté d’action et donc cette indépendance économique et politique.

 

La Banque de France et maintenant la Banque centrale européenne avec l’euro ont décidé des dévaluations et du moment où elles ont eu lieu. Un gouverneur de la Banque de France dispose du droit de veto, sur les politiques de la Banque Centrale africaine francophone en matière monétaire. L’Afrique francophone est donc ainsi dépossédée de se souveraineté monétaire et donc économique."

 

Source : http://www.mondialisation.ca/la-domination-des-banquiers-au-coeur-des-tats/15505

 

- La France insoumise : Faut-il en finir avec le Franc CFA ?

Une émission présentée par Charlotte Girard, avec : - Kako Nubukpo, Économiste et ancien ministre de la Prospective du Togo - Mathilde Panot, députée FI - Théophile Malo, rédacteur du livret Pour une France indépendante au service de la paix

 

Note :

[1Le franc CFA, ou le colonialisme monétaire. Synthèse pour non économistes

 

Pour en savoir plus :

- Essai. L’Afrique sous servitude monétaire

- Mobilisation pour demander la fin du franc CFA en Afrique

- Kako Nubukpo: le franc CFA «c'est la servitude volontaire»

- Franc CFA : les propos de M. Macron sont « déshonorants pour les dirigeants africains »

- Un cadre de la Francophonie suspendu après une tribune anti-CFA publiée sur « Le Monde Afrique »

- A la place du franc CFA, une monnaie commune d’Afrique de l’Ouest ?

- Histoires françafricaines : le Franc CFA

- La France donne un ultimatum à la Guinée équatoriale de mettre fin à sa nouvelle monnaie

- Franc CFA. Le colonialisme français se perpétue en Afrique

- Mamadou Koulibaly: « Le franc cfa a été créé pour les esclavagiste français » (Connection ivoirienne)

- Franc CFA : La monnaie commune est-elle un frein au développement? (Deutsche Welle)

- La fin du franc CFA pourrait «couper les liens entre le Trésor français» et l’Afrique (Sputniknews)

- Du franc CFA à l’éco : brève histoire d’une monnaie controversée

- 15 Etats d'Afrique de l'Ouest veulent remplacer le franc CFA par une monnaie unique dès 2020

- Emmanuel Macron a sonné le glas du franc CFA  samedi 21 décembre 2019

- Ce que la fin du franc CFA va changer pour les pays d'Afrique de l'Ouest

- Du Franc CFA à l’ECO : une réforme de façade pour sauver les meubles.

- Quel avenir pour le FRANC CFA ?

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2 octobre 2017 1 02 /10 /octobre /2017 14:59
Les frontières et l’Europe

Sources : Blog Jean Luc Mélenchon

Pendant la campagne de l’élection présidentielle, j’ai proposé qu’existe une conférence permanente sur les frontières en Europe. À l’époque, le point de départ était la situation créée par l’adhésion de la Crimée à la Russie dans le cadre des événements de l’Ukraine. À l’époque, l’opinion de la caste était chauffée à blanc par le sentiment anti-russe. On ne pouvait parler de rien. Dans la mesure où j’avais été assimilé à un partisan de Vladimir Poutine, tout ce que je disais était immédiatement interprété dans la version la plus fantasque.

 

Bien sûr, depuis, la situation s’est bien stabilisée. Le gouvernement français et le président Macron ont pratiquement repris au mot près ce que je disais à propos des solutions à la situation en Syrie. La réception de Vladimir Poutine à Versailles est passée par là. Mais la question que je voulais poser demeure. Que fera-t-on en Europe quand des frontières bougent ? Assez stupidement, mes détracteurs de l’époque m’accusèrent de vouloir remettre en cause ces frontières. Naturellement, il n’en était rien. Puis je partais de l’idée que puisqu’elles avaient bougées, comme c’était le cas en Ukraine, alors la question se poserait de nouveaux à toute l’Europe. J’évoquais l’éventuelle sécession de l’Écosse et de la Catalogne, mais peut-être aussi demain de la Flandre et de la Wallonie. Depuis s’est ajouté la question de l’Irlande en raison du Brexit et du rétablissement de la frontière entre les deux Irlande. Et ainsi de suite.

 

La situation en Catalogne a ramené ma question sur le devant de la scène. On remarquera qu’elle se règle sans débat, par la force. L’Union européenne a dit qu’elle soutiendrait Madrid contre Barcelone. De son côté, la maire de Barcelone demande à l’Europe d’intervenir dans le litige. Naturellement, rien n’est prévu. On aurait tort de croire à une situation isolée. Naturellement la question de la Catalogne espagnole se pose dans les conditions particulières de l’Histoire de ce pays. Pour autant, selon moi, il est significatif que la crise éclate avec cette violence au moment où la mise en œuvre des directives européennes en Espagne ont tendu toutes les relations internes de ce pays. Autrement dit, les fractures actuelles repassent sur les vieilles cicatrices.

 

On aurait tort de croire qu’une telle configuration ne concerne que l’Espagne. On ne peut oublier qu’aux dernières élections législatives, le corps électoral en Corse a donné trois députés aux autonomistes sur quatre élus. Beaucoup d’esprits étroits oublient que l’Italie ou l’Allemagne sont des États-nations très récents. Et si l’on va vers les frontières de l’Est, on ne trouve que les Eurobéats français pour avoir oublié que la Slovaquie et la Tchéquie se sont séparées, d’une part, et, d’autre part, que l’interdiction d’enseigner dans une autre langue que l’ukrainien en Ukraine ne se contente pas de viser la minorité russe du Donbass mais également les Polonais, les Hongrois et quelques autres en Ukraine qui se vivent dorénavant comme des minorités opprimées.

 

C’est pourquoi j’écris de nouveau ces lignes. Le temps des polémiques et des injures absurdes inventées pour nuire dans une compétition électorale est dorénavant derrière nous. Peut-être peut-on à présent parler sérieusement d’un sujet qui finira par concerner la France, sa sécurité et son voisinage. S’il n’existe aucune voie pacifique proposée et encadrée par la communauté internationale, ces sortes de questions ne peuvent se régler autrement que par la force. Il n’y a pas d’entre-deux.

 

Poser la question, ce n’est pas souhaiter le problème, n’en déplaise à mes adversaires. Leur ignorance leur fait méconnaître que les accords d’Helsinki de 1975, toujours en vigueur, affirment que les frontières peuvent bouger dans le cadre d’un consentement des parties concernées. Ce consentement ne peut se constater sans que des règles aient été énoncées pour le vérifier. J’y reviens donc. Il existe un cadre commun de la Méditerranée à l’Oural : l’OSCE.

 

La question des frontières ne se limite pas aux aspects culturels du sujet. Elle implique directement et immédiatement la question de la sécurité des États dans ce qu’ils ont de plus intrinsèquement constitutifs. Les générations dirigeantes actuelles n’ont aucune perception sérieuse sur le sujet. Le dernier événement dans ce domaine est considéré par eux comme un sujet exotique. L’explosion de l’ancienne Yougoslavie ne semble avoir laissé aucune trace dans les esprits. Au lieu d’un pays, on en a dorénavant sept et un d’entre eux est une invention dont la création est un précédent explosif : le Kosovo. 400 000 personnes sont mortes dans cette aventure. N’est-il pas frappant que le président de la République n’en ait pas dit un mot dans cette étrange allocution de la Sorbonne ? Au contraire, il s’est engagé de façon plus aveuglée que jamais dans une vision d’intégration européenne anti-nationale. On l’a  entendu plaider à la fois la « souveraineté européenne » contre la souveraineté nationale, puis la disparition des commissaires européens « issus des grands pays » avant d’aboutir à une « défense européenne », liée a l’OTAN, des plus évaporées.

 

Pour ma part je n’oublie ni les permanences de l’Histoire, ni ce fait qu’elle a toujours été tragique en Europe. Il est temps de faire l’Histoire avant de se laisser défaire par elle.

 

Pour en savoir plus :

- Jean-Luc Mélenchon veut une « conférence sur la sécurité » en Europe

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27 août 2017 7 27 /08 /août /2017 20:02
1973-2017 : l’effondrement idéologique de la “gauche” française

Sources : Le Grand*Soir par Bruno GUIGUE

-D'hier.... à aujourd'hui
En 1973, le coup d’État du général Pinochet contre le gouvernement d’Unité populaire au Chili provoqua une vague d’indignation sans précédent dans les milieux progressistes du monde entier. La gauche européenne en fit le symbole du cynisme des classes dominantes qui appuyèrent ce “pronunciamiento”. Elle accusa Washington, complice du futur dictateur, d’avoir tué la démocratie en armant le bras meurtrier des militaires putschistes. En 2017, au contraire, les tentatives de déstabilisation du pouvoir légitime au Vénézuéla ne recueillent au mieux qu’un silence gêné, un sermon moralisateur, quand ce n’est pas une diatribe antichaviste de la part des milieux de gauche, qu’il s’agisse des responsables politiques, des intellectuels qui ont pignon sur rue ou des organes de presse à gros tirage.

 

Du PS à l’extrême-gauche (à l’exception du “Pôle de renaissance communiste en France”, qui a les idées claires), on louvoie, on ménage la chèvre et le chou, on reproche au président Maduro son “autoritarisme” tout en accusant l’opposition de se montrer intransigeante. Dans le meilleur des cas, on demande au pouvoir légal de faire des compromis, dans le pire on exige qu’il se démette. Manuel Valls, ancien premier ministre “socialiste”, dénonce la “dictature de Maduro”. Son homologue espagnol, Felipe Gonzalez, trouve scandaleux l’appel aux urnes, et il incrimine “le montage frauduleux de la Constituante”. Mouvement dirigé par la députée de la “France Insoumise” Clémentine Autain, “Ensemble” condamne le “caudillisme” du pouvoir chaviste. Eric Coquerel, également député de la FI et porte-parole du Parti de gauche, renvoie dos-à-dos les fauteurs de violence qui seraient à la manœuvre “des deux côtés”, tout en avouant ingénument qu’il n’a “pas envie de critiquer Maduro”.

 

 

- Entre 1973 et 2017, que s’est-il passé ?
Il y a un demi-siècle, la gauche française et européenne était généralement solidaire - au moins en parole - des progressistes et révolutionnaires des pays du Sud. Sans méconnaître les erreurs commises et les difficultés imprévues, elle ne tirait pas une balle dans le dos à ses camarades latino-américains. Elle ne distribuait pas les responsabilités entre les putschistes et leurs victimes en rendant une sorte de jugement de Salomon. Elle prenait parti, quitte à se tromper, et ne pratiquait pas, comme la gauche actuelle, l’autocensure trouillarde et la concession à l’adversaire en guise de défense. Elle ne disait pas : tout cela, c’est très vilain, et tout le monde a sa part de culpabilité dans ces violences regrettables. La gauche française et européenne des années 70 était sans doute naïve, mais elle n’avait pas peur de son ombre, et elle ne bêtifiait pas à tout bout de champ lorsqu’il s’agissait d’analyser une situation concrète. C’est incroyable, mais même les socialistes, comme Salvador Allende, pensaient qu’ils étaient socialistes au point d’y laisser leur peau.

 

 

- A voir l’ampleur du fossé qui nous sépare de cette époque, on est pris de vertige.
La crise vénézuélienne fournit un exemple commode de cette régression parce qu’elle se prête à une comparaison avec le Chili de 1973. Mais si l’on élargit le spectre de l’analyse, on voit bien que le délabrement idéologique est général, qu’il traverse les frontières. Lors de la libération d’Alep par l’armée nationale syrienne, en décembre 2016, les mêmes “progressistes” qui font la fine bouche devant les difficultés du chavisme ont fait chorus avec les médias détenus par l’oligarchie pour accuser Moscou et Damas des pires atrocités. Et la plupart des “partis de gauche” français (PS, PCF, PG, NPA, Ensemble, EELV) ont appelé à manifester devant l’ambassade de Russie, à Paris, pour protester contre le “massacre” des civils “pris en otage” dans la capitale économique du pays.


Bien sûr, cette indignation morale à sens unique occultait la véritable signification d’une “prise d’otages” qui eut lieu, en effet, mais par les milices islamistes, et non par les forces syriennes. On put le constater dès que les premiers couloirs d’évacuation furent mis en place par les autorités légales : les civils fuirent en masse vers la zone gouvernementale, parfois sous les balles de leurs gentils protecteurs en “casque blanc” qui jouaient au brancardier côté cour et au djihadiste côté jardin. Pour la “gauche”, le million de Syriens d’Alep-Ouest bombardés par les extrémistes customisés en “rebelles modérés” d’Alep-Est ne comptaient pas, la souveraineté de la Syrie non plus. La libération d’Alep restera dans les annales comme un tournant de la guerre par procuration menée contre la Syrie. Le destin aura aussi voulu, malheureusement, qu’elle signale un saut qualitatif dans l’avachissement cérébral de la gauche française.

 

 

- Syrie, Venezuela : ces deux exemples illustrent les ravages causés par l’indigence de l’analyse conjuguée à la couardise politique.

Tout se passe comme si les forces qui tenaient lieu de “forces vives” dans ce pays avaient été anesthésiées par on ne sait quel puissant sédatif. Parti des sphères de la “gauche de gouvernement”, le ralliement à la doxa diffusée par les médias dominants est général. Convertie au néo-libéralisme mondialisé, l’ancienne social-démocratie ne s’est pas contentée de tirer une balle dans le dos à ses ex-camarades des pays du Sud, elle s’est aussi tirée une balle dans le pied. Transformé en courant minoritaire - social-libéral - au sein d’une droite plus dévouée que jamais au capital, le PS s’est laissé cannibaliser par Macron, la savonnette à tout faire de l’oligarchie capitaliste euratlantique. Dans les années 70, même la droite française “libérale éclairée”, avec Giscard d’Estaing, était plus à gauche que le PS d’aujourd’hui, ce résidu vermoulu dont l’unique fonction est de distribuer les sinécures aux rescapés du hollandisme.

 

 

- La page de Solférino une fois tournée, on pouvait alors espérer que la “gauche radicale” prendrait le relais en soldant les comptes des errements passés.
Mais la “France insoumise”, malgré son succès électoral du 23 avril 2017, est un grand corps mou, sans colonne vertébrale. On y trouve des gens qui pensent que Maduro est un dictateur et d’autres qui pensent qu’il défend son peuple. Ceux qui dénoncent l’adhésion de la France à l’OTAN pleuraient à chaudes larmes sur le sort de ses mercenaires wahhabites à Alep. La main sur le cœur, on se proclame contre l’ingérence étrangère et l’arrogance néo-coloniale au Moyen-Orient, mais on veut “envoyer Assad devant la CPI”, ce tribunal d’exception réservé aux parias du nouvel ordre mondial. Le président syrien, nous dit-on, est un “criminel”, mais on compte quand même sur le sacrifice de ses soldats pour éliminer Daech et Al-Qaida. Ces contradictions seraient risibles, si elles ne témoignaient d’un délabrement plus profond, d’un véritable collapsus idéologique.

 

Elle a beau vouloir rompre avec la social-démocratie, cette gauche adhère à la vision occidentale du monde et à son droit-de-l’hommisme à géométrie variable. Sa vision des relations internationales est directement importée de la doxa pseudo-humaniste qui partage le monde en sympathiques démocraties (nos amis) et abominables dictatures (nos ennemis). Ethnocentrique, elle regarde de haut l’anti-impérialisme légué par les nationalismes révolutionnaires du Tiers Monde et le mouvement communiste international. Au lieu de se mettre à l’école d’Ho Chi-Minh, Lumumba, Mandela, Castro, Nasser, Che Guevara, Chavez et Morales, elle lit Marianne et regarde France 24. Elle croit qu’il y a des bons et des méchants, que les bons nous ressemblent et qu’il faut taper sur les méchants. Elle est indignée - ou gênée - lorsque le chef de la droite vénézuélienne, formé aux USA par les néo-conservateurs pour éliminer le chavisme, est mis sous les verrous pour avoir tenté un coup d’Etat. Mais elle est incapable d’expliquer les raisons de la crise économique et politique au Venezuela. Pour éviter les critiques, elle répugne à décrire comment la rupture des approvisionnements a été provoquée par une bourgeoisie importatrice qui trafique avec les dollars et organise la paralysie des réseaux de distribution en espérant saper la légitimité du président Maduro.

 

 

- Indifférente aux mouvements de fond, cette gauche se contente de participer à l’agitation de surface.

En proie à une sorte de divertissement pascalien qui la distrait de l’essentiel, elle ignore le poids des structures. A croire que pour elle, la politique n’est pas un champ de forces, mais un théâtre d’ombres. Elle prend parti pour les minorités opprimées à travers le monde en omettant de se demander pourquoi certaines sont visibles et d’autres non. Elle préfère les Kurdes syriens aux Syriens tout court parce qu’ils sont minoritaires, sans voir que cette préférence sert leur instrumentalisation par Washington qui en fait ses supplétifs et cautionne un démembrement de la Syrie conforme au projet néo-conservateur. Elle refuse de voir que le respect de la souveraineté des États n’est pas une question accessoire, qu’elle est la revendication majeure des peuples face aux prétentions hégémoniques d’un Occident vassalisé par Washington, et que l’idéologie des droits de l’homme et la défense des LGBT servent souvent de paravent à un interventionnisme occidental qui s’intéresse surtout aux hydrocarbures et aux richesses minières.

 

On pourra chercher longtemps, dans la production littéraire de cette gauche qui se veut radicale, des articles expliquant pourquoi à Cuba, malgré le blocus, le taux de mortalité infantile est inférieur à celui des USA, l’espérance de vie est celle d’un pays développé, l’alphabétisation est de 98% et il y a 48% de femmes à l’Assemblée du pouvoir populaire (merci à Salim Lamrani et à Flavien Ramonet, enfin, de l’avoir fait). On n’y lira jamais, non plus, pourquoi le Kérala, cet Etat de 33 millions d’habitants dirigé par les communistes et leurs alliés depuis les années 50, a l’indice de développement humain de loin le plus élevé de l’Union indienne, et pour quelle raison les femmes y jouent un rôle social et politique de premier plan. Car les expériences de développement autonome et de transformation sociale menées loin des projecteurs dans des contrées exotiques n’intéressent guère nos progressistes, fascinés par l’écume télévisuelle et les péripéties du barnum politicien.

 

 

- Et pendant ce temps là....
Dopée à la moraline, intoxiquée par le formalisme petit-bourgeois, la gauche boboïsée signe des pétitions, elle intente des procès et lance des anathèmes contre des chefs d’État qui ont la fâcheuse manie de défendre la souveraineté de leur pays. Ce manichéisme lui ôte la pénible tâche d’analyser chaque situation concrète et de regarder plus loin que le bout de son nez. Elle fait comme si le monde était un, homogène, traversé par les mêmes idées, comme si toutes les sociétés obéissaient aux mêmes principes anthropologiques, évoluaient selon les mêmes rythmes. Elle confond volontiers le droit des peuples à s’auto-déterminer et le devoir des États de se conformer aux réquisits d’un Occident qui s’érige en juge suprême. Elle fait penser à l’abolitionnisme européen du XIXème siècle, qui voulait supprimer l’esclavage chez les indigènes en y apportant les lumières de la civilisation au bout du fusil. La gauche devrait savoir que l’enfer de l’impérialisme aujourd’hui, comme du colonialisme hier, est toujours pavé de bonnes intentions. Lors de l’invasion occidentale de l’Afghanistan, en 2001, on n’a jamais lu autant d’articles, dans la presse progressiste, sur l’oppression des femmes afghanes et l’impératif moral de leur libération. Après quinze ans d’émancipation féminine au canon de 105, elles sont plus couvertes et illettrées que jamais.

 

Pour en savoir plus :

- Emmanuel Maurel : « Ce n’est pas un départ du PS, c’est une scission »

Une partie de la droite vénézuellienne en action
Une partie de la droite vénézuellienne en action
Une partie de la droite vénézuellienne en action

Une partie de la droite vénézuellienne en action

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 15:59
Vers la fin de la sociale-démocratie ?

Sources : Républiquesocialeblog

Les diverses élections européennes ont été révélatrices de plusieurs choses : que ce soit en France, en Grèce, au Portugal en Espagne ou au Royaume-Uni il semble y avoir un rejet de plus en plus massif des partis incarnant la sociale-démocratie et le social-libéralisme. Ces partis qui ont conduit à la paupérisation d’une grande partie de la population, coupable d’avoir voté des lois austéritaires imposées par Bruxelles, de sorte que pour une grande partie des citoyens ces différentes formations, devant incarner la gauche ou une partie de la gauche, ne présentent désormais guère de différence avec les partis du centre et de la droite classique.

 

Mais depuis les élections grecques de janvier 2015, et la défaite cinglante du PASOK- le Parti socialiste grec- qui avait à peine obtenu 4,68% des suffrages exprimés, traduisant la vaste colère populaire grecque après des années de souffrances et de mémorandums, le vent semble tourner. Quelques mois plus tard, lors des élections portugaises, certes remportées par la droite, la gauche parvenait à former une coalition inédite. Bloc de gauche, verts, Parti communiste et Parti socialiste s’entendaient sur un gouvernement et une majorité parlementaire. Ceci fait ils parvenaient à renverser le premier ministre de droite, qui bien que vainqueur n’avait pas la majorité au Parlement. C’est ainsi que depuis novembre 2015 un gouvernement socialiste mène le Portugal, soutenu par les autres partis de gauche. Une garantie que les socialistes ne prendront pas de « mauvaises » décisions s’ils veulent continuer à avoir la majorité. Et le moins que l’on puisse dire c’est que cette union porte ses fruits (pour en savoir plus en la matière voir..).

 

Bien sûr cette alliance ne fut possible que parce que le Parti socialiste portugais a rompu avec ce qui est en train de perdre les autres formations sociales-démocrates refusant d’entamer un virage à gauche. L’échec du PS français a été révélateur du désastre de François Hollande. Une politique libérale, des renoncements à tous les niveaux, un accroissement de la misère et malgré le léger revirement à gauche de Benoît Hamon, les électeurs ont voulu sanctionner un quinquennat de trahisons. Preuve en est le score du candidat de la France insoumise du PCF et d’Ensemble qui avait rassemblé 19,58% des votes alors qu’il avait atteint 11,1% en 2012.

 

En Italie et en Espagne on assiste là aussi à une chute dans les sondages des forces sociales-libérales. Si en Italie cela semble profiter à des forces populistes comme le mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, en Espagne le parti de gauche Podemos est la force montante du pays, tandis que le PSOE s’enfonce toujours un peu plus dans la crise et paye, lui aussi, ses politique anti-populaire.

 

 

- L’espoir Corbyn

Enfin, pour prendre un dernier exemple, les récentes élections au Royaume-Uni témoignent de ce changement de mentalité. Convoquées par la première ministre conservatrice Theresa May ces élections devaient permettre au gouvernement britannique d’avoir une plus ample majorité conservatrice pour peser dans les négociations sur le Brexit avec l’Union européenne. A quelques semaines du scrutin les chances du Parti travailliste semblait nulles et les cadors du Parti, responsable de son virage à droite il y a bien des années ne rêvaient que d’une chose : virer Jeremy Corbyn et son programme bien à gauche.

 

 

En effet Jeremy Corbyn tranche avec l’époque de Tony Blair et son libéralisme de centre droit. Le leader des travaillistes a mis la barra à gauche à tel point que le parti n’avait pas eu un programme aussi ambitieux depuis 1973. Fin de l’austérité, construction de logements sociaux, hausse des salaires, renationalisation des chemins de fer et autres mesures favorables aux plus démunis voilà le programme des travailliste contenu dans un document dénommé « For the many, not the few ».

 

Bien que critiqué par certains leaders du Parti, restés persuadé des bienfaits de la doctrine qui a conduit des millions de britanniques dans la pauvreté, Jeremy Corbyn a bénéficié d’un large soutien populaire de la base de son parti. Un enthousiasme qui, certes n’a pas suffit à remporter les élections, mais avec 40% des suffrages et un gain de 30 députés par rapport à la précédente législature, le Labour Party apparaît comme le vainqueur des élections, quand les conservateurs, eux, perdent 13 députés et n’obtiennent ainsi qu’une petite majorité.

 

En septembre prochain l’Allemagne devra, elle aussi, se prononcer.

Le peuple allemand accordera-t-il de nouveau sa confiance à Angela Merkel ou donnera-t-il un nombre suffisant de députés aux forces de progrès telles que Die Linke ?

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18 juin 2017 7 18 /06 /juin /2017 21:13
Ilustration : Attac Madrid

Ilustration : Attac Madrid

Sources : 40anosalai par Emir Sader[1]Traduction : Rosa Gutierrez | mis à jour le 16/02/2023

 

- L' une des questions qui s’est le plus rapidement mondialisée a été la crise de la démocratie.

En Europe, la stabilité des systèmes politiques centrés sur l’existence de deux partis – les socio-démocrates et les conservateurs – était un motif de fierté ; l’application des politiques d’austérité a provoqué la perte de légitimité de ces systèmes. A partir du moment où les deux partis ont adhéré à ces politiques économiques antisociales, ils sont rentrés en crise accélérée, ont perdu des électeurs et aggravé le désintérêt pour les élections, puisque qu’ils proposaient des politiques similaires. De nouvelles alternatives surgissent désormais aussi bien à l’extrême droite qu’au sein de la gauche. Elles viennent mettre en difficulté ces systèmes, à droite en promouvant des systèmes autoritaires, à gauche en cherchant l’élargissement et le renouveau de la démocratie.

 

Avec le Brexit et l’élection de Donald Trump, la crise des démocraties a fait un saut en avant. Au Royaume-Uni, les deux partis traditionnels ont été battus lors de cette consultation, cruciale pour le futur du pays et de l’Europe, qui a approuvé majoritairement la sortie de l’Union européenne. Ce qui montre bien que ces deux partis n’ont pas compris le malaise vécu par une grande partie de la population, en particulier au sein de larges secteurs des classes populaires, face aux effets négatifs de la mondialisation néolibérale. Les travailleurs, électeurs traditionnels du Parti travailliste, ont massivement voté pour le Brexit, contre la décision du parti, et ont déterminé le résultat du vote.

 

Aux Etats-Unis, le candidat « outsider » a réussi à remporter l’élection en défiant non seulement le Parti démocrate, mais aussi les grands médias et les dirigeants de son propre parti. La victoire de Trump constitue une défaite des deux partis en tant que représentants de la volonté organisée des américains.

 

 

- La démocratie traditionnelle se noie un peu partout.

Les partis traditionnels perdent rapidement leurs soutiens, les gens s’intéressent chaque fois moins à la politique, les électeurs s’abstiennent de plus en plus, les systèmes politiques entrent en crise et ne représentent plus la société. C’est bien la démocratie libérale, celle qui s’est d’ailleurs appropriée le terme « démocratie », qui entre en crise, impactée par la perte de légitimité de gouvernements ayant fait leurs les projets antisociaux et le néolibéralisme et qui sont corrompus par le pouvoir de l’argent. Pouvoir qui envahit toute la société, y compris la politique toute entière.

 

En Amérique latine, deux pays avaient consolidé leurs systèmes politiques grâce à des gouvernements animés par des dirigeants légitimés populairement, l’Argentine et le Brésil. Il se trouve maintenant que le gouvernement argentin perd l’appui populaire et que celui du Brésil ne l’a jamais obtenu. Ces gouvernements mettent en pratique des programmes d’ajustements fiscaux et salariaux qui accentuent leur crise de légitimité et, in fine, celle des systèmes politiques eux mêmes.

 

Le principe de base du néolibéralisme, qui est de tout transformer en marchandise, est entré en force dans la vie politique par le biais du financement privé des campagnes et l’utilisation de méthodes du marketing et de publicité pour « vendre », à coup des millions, la politique comme n’importe quelle autre marchandise. Par ailleurs, les dirigeants des exécutifs gouvernementaux, issus très nombreux du secteur privé, rapprochent de plus en plus l’administration de la chose publique de la gestion des entreprises.

 

 

 

- L’ère néolibérale va donc de pair avec l’épuisement des démocraties libérales.

Les institutions qui leur donnaient leur légitimité – parlements comptant des représentants issus des classes populaires, partis politiques clivés idéologiquement, centrales syndicales et syndicats forts, dirigeants portant des projets politiques divers, médias proposant un espace relativement ouvert au débat – se sont vidés de leur substance. Elles ont laissé le système politique et les gouvernements sans base d’appui. Le discrédit de la politique est la conséquence directe de l’amoindrissement des Etats et de la centralité du marché dans toutes les sphères de la société.

 

La crise des démocraties est devenue un phénomène qui se répand des Etats-Unis à l’Amérique latine, en passant par l’Europe et l’Asie. Il n’est plus question de revendiquer ce système épuisé, mais plutôt de construire des formes alternatives pour l’Etat, pour les systèmes politiques et pour la représentation politique de toutes les forces sociales.

 

 

Notes :

[1] Emir Sader, sociólogo y científico político brasileño, es coordinador del Laboratorio de Políticas Públicas de la Universidad Estadual de Rio de Janeiro (UERJ).

[2] PROPOSITION DE LOI « SÉCURITÉ GLOBALE » : L’ALERTE DE LA DÉFENSEURE DES DROITS.

 

Pour en savoir plus :

- « Le néolibéralisme a-t-il été surestimé ? » se demande le FMI.

- Le néolibéralisme est un fascisme

- Pour Cédric Durand, la fin du néolibéralisme est là, sous nos yeux.

« IL NE SUFFIT PAS DE SORTIR DE L’EURO POUR REDEVENIR SOUVERAIN »

 

---------------------------------------

 

- Libertés et néolibéralisme : meilleurs ennemis par Clémentine Autain et Bastien Lachaud 

  • Clémentine Autain (députée France insoumise) rappelle le lien entre néolibéralisme et restrictions des libertés démocratiques, à l'occasion du passage à l'Assemblée nationale de la loi portant sur la Sécurité globale)

 

  • De son côté, le 3 novembre 2020, Bastien Lachaud (député France insoumise) a critiqué la proposition de loi de « sécurité globale » proposé par la majorité, qui va encore renforcer son autoritarisme. En réalité, le gouvernement en profite pour faire passer ses mesures autoritaires, sans avoir à passer par une étude d’impact qui est obligatoire pour lui.

La commission de la Défense nationale et des forces armées est saisie sur 2 articles : un relatif aux drones, et l’autre relatif à l’opération Sentinelle.


Bastien Lachaud a alerté contre l’autoritarisme du gouvernement : 20 lois sécurité ont été mises en œuvre, et elles ont acté toujours plus de reculs dans les libertés publics, sans amélioration de la sécurité.

Elles donnent, en revanche, toujours plus de pouvoir à une administration autoritaire de contrôler les gens.


Bastien Lachaud a également alerté contre la confusion des rôles entre police et armée. Les militaires et les policiers n’ont pas le même métier, pas la même formation, pas les mêmes fonctions, et les uns ne sauraient prendre le rôle des autres. Une telle confusion est dangereuse non seulement pour l’efficacité des politiques de sécurité, mais aussi pour les libertés publiques. L’armée ne doit pas être le service public de remplacement des services publics qu’on a détruit.

 

 

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11 juin 2017 7 11 /06 /juin /2017 10:35
Brzezinski est mort, je ne vais pas, moi non plus le pleurer

Zbigniew Brzezinski est mort ce 26 mai 2017, à l’âge de 89 ans. Cet homme est l’instigateur de la guerre en Afghanistan, celui qui – pour la CIA – a inventé le concept moderne du djihad, en soutenant les opposants à Najibullah le Président afghan de l’époque.

 

Sources : Le Grand * Soir par Selma BENKHELIFA

L’Afghanistan était pourtant résolument tourné vers la modernité. Les femmes y travaillaient, les filles y allaient à l’Université. Le pays avait sa propre compagnie aérienne. Une agriculture florissante en faisait le premier exportateur de fruits d’Asie centrale.

 

 

- Mais Zbigniew Brzezinski est arrivé. Et le drame a commencé.

Dans une longue interview, il admet avoir écrit une note au président Carter selon laquelle si la CIA aidait les Moudjahiddines, traduisez les « soldats de la Religion », cela entraînerait une réaction des Soviétiques, qui voudraient soutenir le Président Najibullah.

 

L’idée n’était pas de réellement mettre les moudjahiddines au pouvoir, mais de créer une guerre civile qui forcerait l’intervention russe. Et l’idée a marché.

 

L’armée soviétique envahit l’Afghanistan, le 24 décembre 1979, quelques mois après la note de Brzezinski à Carter.

 

Heureux de son succès, Brzezinski écrira à Carter « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. »

 

La guerre en Afghanistan n’a pas cessé depuis. Le pays exsangue ne s’est jamais remis des plaies causées par les combats fratricides qui l’ensanglantent encore aujourd’hui.

 

Des années plus tard, lorsqu’un journaliste du Nouvel Observateur interroge Brzezinski sur d’éventuels regrets, il répondra imperturbable :

« Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette ? »[1]

 

Le journaliste surpris insiste : « Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste,d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ? »

 

Et Zbigniew Brzezinski répond : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? »

 

Les « excités islamistes » ne font pas peur à la CIA, ni aux Présidents des États-Unis qui se sont succédé.

 

Ce sont tout au plus des mercenaires dont on se sert et puis qu’on jette quand ils ne sont plus utiles. Ce sont des terroristes parce qu’ils terrorisent les gens du commun, vous, moi, ceux et celles qui partent travailler en métro ou qui vont à un concert. Ils ont terrorisés les habitants de Kaboul, d’Alger et d’Alep. Ils ne terrorisent pas les puissants de ce monde, qui sont très satisfaits de les voir faire le sale boulot et les aider à justifier leurs guerres et leurs atteintes à nos droits.

 

 

- On pourrait penser que c’est de l’histoire ancienne, un cours sur la Guerre Froide, mais Brzezinski a continué à sévir des années durant.

Il a aussi été conseiller du Président Obama.

 

Alors comment ne pas faire le rapprochement entre ce que la CIA a fait pour manipuler l’URSS et pousser les Soviétiques dans une guerre en Afghanistan et ce qui se passe en Syrie ?

 

Nous sommes tous et toutes victimes de la même manipulation, de Bruxelles à Damas, de Kaboul à Manchester.

 

Brzezinski est mort, je ne vais pas le pleurer, je voudrais juste qu’on se rappelle le manipulateur pervers qu’il a été et sa responsabilité dans tant d’années de guerres et de barbarie. Si certains hommes ont rendu le monde meilleur, Brzezinski fait assurément partie de ceux qui l’ont rendu pire.

 

Pour en savoir plus :

- [1] Le Nouvel Observateur, 15/01/1998

Le Nouvel Observateur, 15/01/1998

Le Nouvel Observateur, 15/01/1998

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6 juin 2017 2 06 /06 /juin /2017 20:37
Donald Trump est le visage de notre idiotie collective

Impopulaire, Donald Trump ? Oui, mais dans son propre électorat, sa cote reste forte, 85% en moyenne, et les Républicains ont la majorité au Congrès, à la Chambre des Représentants comme au Sénat. Pour le journaliste militant Chris HEDGES, nous refusons de voir l’effondrement qui vient. Donald J. TRUMP n’est pas la maladie, il est le symptôme. Nous vous proposons la traduction de son article publié sur Truthdig, « Le Règne des idiots », qui fait penser au film formidable de Mike Judge, IDIOCRACY (2006)[2].

 

Sources : Là-bas si j'y suis par Chris Hedges

-

« Les idiots prennent le pouvoir dans les derniers jours d’une civilisation qui s’effondre. »

« Les généraux idiots mènent des guerres sans fin, vouées à l’échec, qui mènent la nation à la faillite. Les économistes idiots appellent à réduire les impôts pour les riches et à supprimer les aides sociales pour les pauvres, et se projettent dans une croissance économique fondée sur un mythe. Les industriels idiots empoisonnent l’eau, le sol et l’air, détruisent les emplois et réduisent les salaires. Les banquiers idiots misent sur des bulles financières auto-créées, et infligent des dettes qui paralysent les citoyens. Les journalistes et les intellectuels idiots prétendent que le despotisme est la démocratie. Les agents de renseignements idiots orchestrent le renversement de gouvernements étrangers pour y créer des enclaves sans foi ni loi qui créeront des fanatiques enragés. Les professeurs, les « experts » et les « spécialistes » idiots s’affairent dans un jargon incompréhensible et des théories ésotériques qui soutiennent la politique des dirigeants. Les artistes et les producteurs idiots créent d’épouvantables spectacles sexuels, horrifiques et fantastiques.

 

Certaines étapes bien connues aboutissent à l’extinction. Nous sommes en train d’en cocher toute la liste.

 

Les idiots ne connaissent qu’un seul mot – « plus ». Ils ne s’encombrent pas du bon sens. Ils amassent des richesses et des ressources jusqu’à ce que les travailleurs ne puissent plus gagner leur vie et que les infrastructures s’effondrent. Ils vivent dans des environnements privilégiés, où ils mangent du gâteau au chocolat en donnant l’ordre d’envoyer des missiles. Ils considèrent l’État comme un prolongement de leur vanité. Les dynasties romaine, maya, française, Habsburg, ottomane, Romanov, Wilhelmine, Pahlavi et soviétique se sont effondrées à cause des caprices et des obsessions de ces idiots au pouvoir.

 

 

-

Donald Trump est le visage de notre idiotie collective.

Ce qui se cache derrière le masque de notre civilisation et de sa rationalité déclarée – un mégalomane bafouillant, narcissique, assoiffé de sang. Il utilise l’armée et la flotte contre les damnés de la terre, il ignore joyeusement la misère humaine catastrophique causée par le réchauffement climatique, il pille au nom de l’oligarchie mondiale, puis le soir, il s’assoit devant sa télévision, la bouche ouverte, avant d’ouvrir son « joli » compte Twitter. C’est notre version de l’empereur romain Néron, qui avait alloué de vastes dépenses de l’État pour obtenir des pouvoirs magiques, de l’empereur chinois Qin Shi Huang, qui avait financé de multiples expéditions sur l’île mythique des immortels pour en ramener la potion qui lui aurait donné la vie éternelle, ou encore d’une royauté russe en décomposition, assise autour d’un jeu de tarot et d’une séance de spiritisme pendant que leur nation était décimée par la guerre et que la révolution grondait dans la rue.

 

Ce moment marque la fin d’une longue et triste histoire de cupidité et de meurtre de la part des Blancs. Il était inévitable que, pour ce spectacle final, nous régurgitions un personnage grotesque tel que Trump. Les Européens et les États-Uniens ont passé cinq siècles à conquérir, piller, exploiter et polluer la Terre au nom du progrès de l’humanité. Ils ont utilisé leur supériorité technologique pour créer les machines de mort les plus efficaces de la planète, dirigées contre n’importe qui et n’importe quoi, surtout contre les cultures autochtones qui se trouvaient sur leur chemin. Ils ont volé et amassé les richesses et les ressources de la planète. Ils ont cru que cette orgie de sang et d’or ne finirait jamais, et ils y croient encore. Ils ne comprennent pas que la triste morale d’une expansion capitaliste et impérialiste sans fin condamne les exploiteurs autant que les exploités. Mais, alors même que nous sommes au bord de l’extinction, nous n’avons pas l’intelligence et l’imagination de nous libérer de cette évolution.

 

Plus les signes avant-coureurs sont palpables – hausse des températures, effondrements financiers mondiaux, migrations de masse, guerres sans fin, empoisonnement des écosystèmes, corruption rampante de la classe dirigeante –, plus nous nous tournons vers ceux qui scandent, par idiotie ou par cynisme, le même refrain, selon lequel ce qui a fonctionné par la passé fonctionnera à l’avenir, que le progrès est inévitable. Les preuves factuelles, qui sont un obstacle à ce que nous désirons, sont bannies. Les impôts sur les sociétés et sur les riches, qui ont désindustrialisé le pays et transformé plusieurs de nos villes en ruines, diminuent, et on casse la régulation, dans le but de nous ramener à un hypothétique âge d’or des années 1950 pour travailleurs américains blancs. Des terrains publics sont ouverts à l’industrie pétrolière et gazière, dont la hausse des émissions de carbone va faire périr notre espèce. La baisse des rendements agricoles due aux canicules et aux sécheresses est ignorée. La guerre est l’activité principale de l’État kleptocratique.

 

Donald Trump est le visage de notre idiotie collective

En 1940, à l’apogée du fascisme européen et alors que la guerre devenait mondiale, Walter Benjamin écrivait :

« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus novus. Il représente un ange qui semble avoir dessein de s’éloigner de ce à quoi son regard semble rivé. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. Tel est l’aspect que doit avoir nécessairement l’ange de l’histoire. Il a le visage tourné vers le passé. Où paraît devant nous une suite d’événements, il ne voit qu’une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d’amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si forte que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse incessamment vers l’avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. » [1]

 

 

-

La pensée magique n’est pas limitée aux croyances et aux pratiques des cultures pré-modernes.

C’est ce qui définit l’idéologie du capitalisme. Les quotas et les ventes prévues peuvent toujours être satisfaites. Les bénéfices peuvent toujours être atteints. La croissance est inévitable. L’impossible est toujours possible. Les sociétés humaines, si elles s’inclinent devant les impératifs du marché, entreront dans le paradis capitaliste. C’est seulement une question de bonne attitude et de bonne technique. Quand le capitalisme prospère, on nous assure que nous prospérerons. L’individu s’est fondu dans l’organisation capitaliste, ce qui nous a privé de notre pouvoir, de notre créativité, de notre capacité à la réflexion personnelle et à l’autonomie morale. Nous définissons notre valeur, non par notre indépendance ou notre caractère, mais par les standards matériels établis par le capitalisme – richesse personnelle, grandes marques, avancement de carrière et de statut social. Nous sommes modelés dans un conformisme et un refoulement collectifs. Ce conformisme de masse est caractéristique des États totalitaires et autoritaires. C’est la disneyisation de l’Amérique, la terre des pensées éternellement heureuses et des attitudes positives. Et quand la pensée magique ne fonctionne pas, on nous dit – et souvent on l’accepte – que le problème, c’est nous. Nous devons avoir plus de foi. Nous devons envisager ce que nous voulons. Nous devons faire plus d’efforts. Le système n’est jamais à blâmer. Nous avons échoué. Pas lui.

 

Tous nos systèmes d’information, des gourous du coaching personnel à Hollywood, en passant par ces monstruosités politiques telles que Trump, nous vendent cette poudre de Perlimpinpin. Nous refusons de voir l’effondrement qui vient. L’illusion dans laquelle nous nous réfugions est une opportunité pour ces charlatans qui nous disent ce que nous voulons entendre. La pensée magique qu’ils adoptent est une forme d’infantilisme. Elle discrédite les faits et la réalité, que rejette l’hypocrisie éclatante de slogans comme « Rendre sa grandeur à l’Amérique. » La réalité est bannie par un optimisme impitoyable et sans fondement.

 

La moitié du pays peut vivre dans la pauvreté, les libertés individuelles peuvent nous être enlevées, la police militarisée peut assassiner des citoyens désarmés dans les rues et nous avons beau avoir le système carcéral le plus grand du monde et la machine de guerre la plus meurtrière, toutes ces vérités sont pourtant soigneusement ignorées. Trump incarne l’essence même de ce monde pourri, en faillite intellectuelle et immoral. Il en est l’expression naturelle. Il est le roi des idiots. Nous sommes ses victimes. »

 

Notes

- [1] Walter Benjamin, Thèses sur la philosophie de l’histoire, éditions Denoël, 1971

- [2] En 2006 sortait Idiocracy, un film de Mike Judge : l’histoire d’un soldat ordinaire cryogénisé dans le cadre d’un programme d’hibernation, et qui se réveille en 2505, dans un monde où tout le monde est devenu idiot, et où il devient l’homme le plus intelligent du monde… 10 ans plus tard, après l’investiture de Donald J. Trump comme candidat républicain, le co-scénariste du film, Etan Cohen, écrivait : « Je ne pensais pas qu’Idiocracy deviendrait un documentaire »

 

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13 janvier 2017 5 13 /01 /janvier /2017 09:35
STOP CETA : CETA ou TAFTA : mêmes dégats..... 21 janvier MOBILISATION à La Rochelle !

Il est urgent d'agir !

 

-

Le CETA doit être présenté au Parlement Européen à Bruxelles pour ratification le 2 Février 2017.

Rappelons que loin des regards des peuples européens et canadiens[1], la Commission européenne, au nom des 28 États membres de l’UE, et le gouvernement canadien ont concocté ce texte. Conformément aux vœux des lobbies des multinationales qui en sont à l’origine, il vise à démanteler toute forme de “barrière au commerce et à l’investissement” afin de “fluidifier” les échanges entre les deux rives de l’Atlantique et de mettre sur la touche les États souverains

 

 

-

Le CETA est le cousin du TAFTA !

Alors qu’il charge de tous les maux le traité avec les États-Unis (TAFTA), le gouvernement français fait une promotion éhontée du CETA, qui contient pourtant les mêmes dangers :

  • une juridiction spéciale pour les investisseurs face aux États ;
  • le mécanisme de coopération réglementaire qui menace nos normes sanitaires, environnementales et sociales et les initiatives des États
  • la suppression des droits de douane.

80% des entreprises américaine implantées sur le marché européen détiennent une des 42.000 filiales au Canada : elles pourront ainsi pénétrer le marché européen sans attendre le TAFTA !

 

 

-

Le CETA sacrifie les agricultures locales et de qualité !

L’UE s’engage à des quotas annuels d’importation énormes, sans droits de douane sur la viande bovine et porcine C’est toute la filière déjà en difficulté qui sera touchée.

  • agriculteurs ;
  • salariés par la casse du droit du travail ;
  • artisans, PME par la concurrence « libre et non faussée » ;
  • consommateurs par la dégradation des marchandises et des services - environnement – santé – éducation.

 

Pour le seul profit des multinationales et des spéculateurs.

Le CETA remet en cause tout notre modèle social et notre démocratie

STOP CETA : CETA ou TAFTA : mêmes dégats..... 21 janvier MOBILISATION à La Rochelle !

Note :

[1] Seul le parlement wallon a été consulté et s’est opposé au traité en l’état).

 

Pour en savoir plus :

- Ces traités qui nous maltraitent

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16 décembre 2016 5 16 /12 /décembre /2016 09:13
États-Unis - Pourquoi la classe ouvrière blanche se révolte : le néolibéralisme est en train de la tuer… littéralement (Truth Dig)

Depuis huit ans c’est le Parti Démocrate qui incarne l’Establishment, et on peut dire que les Clinton l’incarnent depuis 24 ans. Depuis la fin des années 1990, les membres de la classe ouvrière blanche titulaires au mieux d’un diplôme d’études secondaires ont vu leur espérance de vie chuter considérablement, au point qu’ils sont en train de mourir à un rythme bien plus rapide que les statistiques ne le prévoient.

 

Source : Le Grand Soir par Juan COLE[1]

Voici un an, Anna Case et Angus Deaton, économistes à l’Université de Princeton, ont publié une étude aux résultats saisissants ; depuis 1999, le taux de mortalité chez les Étasuniens blancs âgés de 45 à 54 ans est en augmentation constante.

 

 

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Le constat est pire encore quand on sait que dans le même temps le taux de mortalité était en diminution pour la population dans son ensemble.

L’une des raisons principales à cette augmentation est la forte consommation d’opioïdes et autres drogues pouvant conduire à l’overdose, mais également les maladies hépatiques causées par une consommation excessive d’alcool et un taux de suicide relativement élevé. Ces problèmes étaient particulièrement graves parmi la classe ouvrière et les Blancs vivant en milieu rural de niveau d’études secondaire ou inférieur. De récentes études ont montré que ce phénomène touchait également les plus jeunes dans cette classe sociale, jusqu’aux trentenaires. Manifestement, c’est la perte des emplois manufacturiers bien rémunérés qui était la raison essentielle de ce désespoir.

 

Si l’on prend 1999 comme année de référence, selon une autre étude récente de la Commonwealth Foundation, les travailleurs blancs « ont des revenus inférieurs, moins d’entre eux ont un emploi, moins d’entre eux sont mariés ». Dans cette étude, d’autres causes aux taux de mortalité que celles citées plus haut sont mises en avant, mais sans contredire les résultats de l’équipe de Princeton. On trouvera ci-après le graphique :

 

États-Unis - Pourquoi la classe ouvrière blanche se révolte : le néolibéralisme est en train de la tuer… littéralement (Truth Dig)

La seule comparaison qui me vienne à l’esprit est celle de la Russie des années 1990, après l’effondrement de l’Union Soviétique. La Fédération de Russie, qui comptait 150 millions d’habitants en 1990, a vu ce chiffre chuter à 144 millions. Avec la fin de l’Union Soviétique, c’est la confiance en l’avenir qui s’est écroulée ; avec la fin de l’ancien système économique, c’est le chômage de masse qui est apparu. Dès lors les Russes ont cessé de faire des enfants et se sont noyés dans l’alcool.

 

Le néolibéralisme (à savoir : politiques sociales abandonnées aux forces du marché et entreprises explicitement encouragées à délocaliser, avec pour conséquence augmentation des bénéfices mais chute des emplois industriels sur place) a eu à peu près les mêmes effets sur le classe ouvrière blanche que la chute du système soviétique sur la classe ouvrière russe. Détaillons le sort qu’a connu le secteur industriel étasunien dès lors que les politiques néolibérales ont gagné la partie :

États-Unis - Pourquoi la classe ouvrière blanche se révolte : le néolibéralisme est en train de la tuer… littéralement (Truth Dig)

Les gens qui nous expliquent que la classe ouvrière aux EU est privilégiée, avec trop d’avantages sociaux et des salaires trop élevés, ceux-là me mettent en rage. Les travailleurs allemands sont bien payés et bénéficient d’avantages sociaux substantiels, et pourtant l’industrie allemande est bien plus prospère que la nôtre.

 

 

- Le problème, c’est bel et bien la politique globale mise en œuvre par notre gouvernement.
Mark Levinson, du Congressional Research Service, explique pour sa part que :

  • La part des EU dans l’activité industrielle mondiale s’est effondrée, passant de 28% en 2002, après la récession américaine de 2001, à 16,5% en 2011. Depuis cette date, elle est remontée un peu pour atteindre 17,2%. Ces estimations sont calculées sur le volume industriel de chaque pays exprimé en dollars ; la baisse s’explique en partie par la chute de 23% du dollar entre 2002 et 2011, et la hausse d’après 2011 en partie par la remontée du même dollar.
  • La Chine a pris aux EU la première place au tableau des plus grandes nations industrielles en 2010. Là encore, la progression de la Chine s’explique en partie par la hausse du yuan par rapport au dollar.
  • La production industrielle, mesurée en monnaies locales et corrigées de l’inflation, a progressé au cours de la dernière décennie plus lentement aux Etats-Unis qu’en Chine, au Japon, en Allemagne ou au Mexique.

 

 

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Et au premier rang des promoteurs du système néolibéral figure le couple Clinton.
Ici, un intermède ironique : s’il y a une chose qui a pu aider les Blancs de la classe ouvrière face à la multiplication de leurs problèmes de santé, c’est bien l’Obamacare. Mais les congrès des Etats à majorité républicaine ont tout fait pour l’empêcher, se rendant objectivement complices de leur colère, le parti Républicain n’ayant jamais accepté que cette population puisse même avoir une protection sociale. (Ce parti, au fond, ne représente que le grand patronat, qui ne voulait pas mettre la main à la poche pour cela).

 

C’est bien la colère de ces travailleurs qui explique le côté imprévisible de l’élection de 2016, puisqu’ils ont très majoritairement voté Donald Trump. (Bien d’autres groupes sociologiques ont voté pour ce dernier, mais beaucoup étaient des électeurs républicains traditionnels ; la classe ouvrière blanche, en revanche, votait massivement Démocrate.)

 

 

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Ce qui les a séduits dans le message de Trump ?

  1. Le protectionnisme et la critique violente de partenaires commerciaux tels la Chine et le Japon, que Trump et ses partisans accusent d’avoir accumulé des avantages commerciaux déloyaux.
  2. Les attaques sur l’ALENA et le Traité Transpacifique, et l’accent mis sur les parts de marché et les emplois perdus au bénéfice du Mexique ou de le Chine.
  3. Les attaques contre Hillary Clinton au sujet de ses discours fort bien payés pour le compte des grandes banques de Wall Street, les mêmes dont les magouilles ont valu à beaucoup de travailleurs blancs de perdre leur maison.
  4. Le racisme anti-immigrant, le sentiment de perdre emplois et suprématie culturelle au bénéfice des nouveaux arrivants.

 

Le refus du Parti Démocrate de bouger ne serait-ce que le petit doigt contre Wall Street après les méga-scandales financiers à partir de 2009 lui est revenu comme un boomerang. En d’autres termes, les Clinton se sont trouvés étroitement mêlés aux politiques mêmes dont les travailleurs blancs considéraient qu’elles avaient détruit leur vie. Et en toute objectivité, ce sentiment n’était pas faux.

 

Et la classe ouvrière blanche a donc puni le Parti Démocrate pour n’être pas un parti de gauche.

 

Note :

[1] Traduit de l’anglais (EU) par Coraline BONNET et Théo FASILLEAU, sous la supervision de Jean-Charles KHALIFA

 

Pour en savoir plus :

- Les inégalités entre Noirs et Blancs aux Etats-Unis restent très élevées

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15 décembre 2016 4 15 /12 /décembre /2016 09:22
Un front des municipalités contre la dette illégitime se constitue en Espagne

Des représentants de plus d’une cinquantaine de villes de toute l’Espagne se sont retrouvés à Oviedo ces 25 et 26 novembre, pour constituer un front des municipalités contre les dettes identifiées comme illégitimes et pour initier des audits des dettes des administrations publiques avec participation citoyenne.

 

Sources : Politis par Jérôme Duval

C’est dans l’impressionnant Palais des Congrès (Palacio de Congresos) [1] de l’architecte Calatrava – éléphant blanc mastodonte d’Oviedo et exemple emblématique du gaspillage d’argent public – que se sont réunis les participants de la première rencontre des municipalités contre la dette illégitime et l’austérité.

 

La réunion a officiellement donné le coup d’envoi au lancement du Réseau des municipalités contre la dette illégitime et les coupes budgétaires qui aura le « Manifeste d'Oviedo » comme texte de référence. Ce manifeste a connu un succès retentissant. En l’espace de quelques semaines, il a été signé par plus de 700 élus : maires, conseillers municipaux et députés de différents partis politiques de toutes les régions de l’État espagnol, îles Canaries et Baléares inclus. Soutenu également par des syndicats, europarlementaires et de nombreuses personnalités internationales parmi lesquelles Susan George ou Yanis Varoufakis, le Manifeste est activement appuyé par la Plateforme d'audit citoyen de la dette et d’autres mouvements sociaux tel Attac Espagne[2].

 

Les signataires du Manifeste d’Oviedo exigent, entre autres revendications, la restitution des intérêts abusifs déjà perçus par les banques, réclament le retrait de la reformulation de 2011 par le PSOE avec l’appui du PP de l’article 135 de la Constitution, et de la ’Loi Montoro’ sur l’administration locale. Ces deux textes de loi obligent à honorer le paiement de la dette en priorité avant toute autre dépense quelles que soient les nécessités sociales. Ainsi, en cas d’excédent budgétaire, une municipalité est sommée de dédier celui-ci au service de la dette, interdisant par exemple toute embauche de personnel. C’est dans ce contexte que la ville de Madrid, qui n’emprunte plus et paye ses échéances en temps voulu, s’affronte au gouvernement central en augmentant de 53 % le budget social en 2 ans.

 

Le 24 novembre, veille de la rencontre, Éric Toussaint, porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque[3], a tenu une conférence interactive avec le public à l’université d’économie où il a retracé l’histoire des répudiations de dette des États-Unis à la Grèce en passant par Cuba, la Russie, le Mexique, l’Argentine ou l’Équateur. Le lendemain, 25 novembre, Yago Álvarez, auteur du livre « déchiffre ta dette » Descifra tu deuda a animé un atelier pour donner des pistes d’actions susceptibles d’intéresser les conseillers municipaux qui veulent se lancer dans la bataille contre la dette illégitime. Enfin, dans la soirée, a été projeté le film documentaire Debtocracy réalisé par des journalistes grecs Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi sous les conseils scientifiques de Leonidas Vatikiotis. Ce film, bouclé en un temps record, a connu un vif succès en Grèce où près de 500 000 personnes l’ont visionné une semaine après sa sortie sur Internet, et plus d’un million et demi quelques semaines plus tard.

 

Différents ateliers animés par la Plateforme d’audit citoyen de la dette (PACD) ont rythmé toute la journée du samedi pour définir les idées partagées et en dégager des pistes d’actions communes qui puissent tracer une feuille de route vers la promotion d’audits citoyens et la reconnaissance de l’illégitimité de la dette. À l’issue des travaux, et suivant un calendrier bien établi, une planification d’actions et de mobilisations s’est mise progressivement en place et différents groupes de travail ont été établis.

 

Lors d’une conférence tenue dans la soirée, Ana Taboada, l’adjointe au Maire de la Mairie d’Oviedo, a déclaré être « fière de voir Oviedo au centre d’un débat essentiel qui affecte l’ensemble de la population ». « Aujourd’hui nous sommes 50 municipalités, mais demain nous serons beaucoup plus, parce que de cette rencontre naît un front des municipalités qui sera capable de faire face aux politiques d’austérité et à la Loi Montoro », a t-elle poursuivi tandis que le conseiller municipal d’économie de la Mairie de Madrid, Carlos Sanchez Mato, affirmait que « le gouvernement de Ahora Madrid démontrait sa capacité à gouverner au service de la population en augmentant de 53% les dépenses sociales en deux ans ». Éric Toussaint a rappelé l’indispensable nécessité de la mobilisation sociale pour inciter les municipalités dites « du changement » à affronter les créanciers pour enfin réellement œuvrer en faveur des populations.

 

D’ores et déjà, la seconde rencontre « Municipalisme, auto-gouvernement et contre-pouvoir » prévue du 20 au 22 janvier 2017 à Pampelune (Iruña en Basque, Pamplona en castillan), capitale de Navarre, abordera le thème de l’audit et sera l’occasion d’encourager l’initiative de ce front contre la dette illégitime. Initiative qui sera aussi présentée au Parlement européen au mois de mars pour œuvrer à l’adoption des politiques spécifiques visant à résoudre la situation économique des municipalités étranglées par un endettement insoutenable et les coupes sauvages dans les budgets sociaux. La prochaine rencontre du Réseau devrait avoir lieu à Cadix au mois de mai prochain, deuxième anniversaire des dernières élections municipales, et déjà deux autres villes, Saragosse et Rivas, se proposent pour accueillir les futures rencontres à venir. « La coordination des municipalités, groupes politiques et mouvements sociaux en réseau est indispensable pour affronter l’oppression insoutenable de la dette illégitime qui asphyxie nos municipalités. C’est un espace nécessaire pour promouvoir les audits citoyens, outils au service de la population pour exiger la transparence, rendre visible et trouver des solutions collectives à l’endettement illégitime », nous rappelle Iolanda Fresnillo, membre de la Plateforme d’audit citoyen de la dette.

 

La route est désormais tracée et semée de multiples propositions concrètes pour avancer vers une souveraineté populaire. L’engouement des représentants présents à cette première rencontre pour s’investir dans ce projet et l’enrichir de leur participation active est tout à fait encourageant.

 

Notes

[1] Celui-ci a été inauguré en mai 2011 au moment de l’insurrection sociale 15M.

[2] Voir les signataires du Manifeste.

[3] Lire le rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque et l’Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international. Lire aussi le compte-rendu de la dernière réunion qui s’est tenue à Athènes les 5, 6 et 7 novembre dernier.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : La dette.... la dette ?

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9 décembre 2016 5 09 /12 /décembre /2016 09:19

Histoire d'un concept

 

Au début du XXe siècle, le « Near East » et le « Middle East » apparaissent clairement distincts, l’un centré sur Istanbul et les Détroits, l’autre sur Téhéran et le golfe Persique, en relation avec l’axe stratégique qui reliait le Royaume-Uni et l’Inde britannique. Pourtant, aujourd’hui, cette distinction ne tient plus. Il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre les Balkans dans le Proche-Orient et inversement, la Turquie est considérée par tous comme une puissance du Moyen-Orient. D’où la question : comment le « Middle East » a-t-il remplacé le « Near East » ?

 

Sources : OrientXXI par Vincent Capdepuy

 La ligne Berlin-Badgad. Construction d’un pont temporaire sur l’Euphrate, entre 1900 et 1910. Library of Congress/American Colony (Jerusalem).

La ligne Berlin-Badgad. Construction d’un pont temporaire sur l’Euphrate, entre 1900 et 1910. Library of Congress/American Colony (Jerusalem).

Dans une première partie, j’ai montré comment l’Orient tel que pouvaient le concevoir les Européens au milieu du XIXe siècle, le « vaste Orient », a été progressivement divisé en trois régions définies par leur situation stratégique dans le contexte de la confrontation des impérialismes, notamment britannique et russe : le Far East, le Near East et, en dernier lieu, le Middle East.

 

Le bouleversement géopolitique provoqué par la première guerre mondiale a sans doute été un facteur important de cette recomposition toponymique. Les guerres balkaniques de 1912-1913 s’étaient terminées par un recul important de l’empire ottoman en Europe, voire son quasi-retrait ; mais sa défaite en 1918 provoque sa disparition totale et permet l’émergence, quoique contrariée, des pays arabes. La notion de « Near East », qui était fortement liée à la question ottomane et notamment aux Balkans, semble alors se réduire à une peau de chagrin tandis que celle de « Middle East », au contraire, s’accroît depuis que la Mésopotamie et la Palestine sont passées sous mandat britannique, ce qui est acté à San Remo en avril 1920.

 

Après la prise de Bagdad par les troupes britanniques en mars 1917, un nouveau pouvoir est mis en place. Si le contrôle de ce territoire est réclamé par le vice-roi des Indes, Lord Chemsford, le Cabinet met en place directement un « Mesopotamia Administration Committee ». Celui-ci est rebaptisé « Middle East Committee » en août 1917, puis « Eastern Committee » en mars 1918, signe d’une certaine instabilité conceptuelle. Tout au long de l’année 1920, on discuta de la création d’un nouveau département en charge du « Moyen-Orient ». Au début de l’année 1921, Lloyd George offrit à Winston Churchill le poste de secrétaire d’État aux colonies, avec, pour superviser la Palestine, la Transjordanie et l’Irak, un « Middle East Department ». Avant cela, Churchill avait pris soin de consulter la Royal Geographical Society, dont la Commission permanente aux noms géographiques avait décidé l’année précédente que « Near East » devait renvoyer uniquement aux Balkans et que les terres allant du Bosphore à la frontière orientale de l’Inde devaient être appelées « Middle East ». John Shuckburgh, qui travaillait auparavant à l’India Office et qui s’était occupé durant la guerre des opérations britanniques en Mésopotamie, se retrouvait à la tête de ce département. Mais on y trouvait également Thomas Edward Lawrence, dans le rôle de conseiller, en provenance, lui du bureau arabe du Cairo Intelligence Department. Les deux services, dont les approches de la région n’ont pas toujours été convergentes, étaient ainsi réunis.

 

 

- Un tournant décisif dans la politique impériale

Au mois de mars de la même année se tint au Caire une conférence sur le Moyen-Orient. Si l’historiographie française a retenu l’expression « Conférence du Caire », officiellement, celle-ci s’intitulait bien « Middle East Conference ». L’événement a été largement couvert par la presse et a sans nul doute contribué à diffuser cet usage du terme. Le compte-rendu du correspondant du Times en avril 1921, sur le « futur des pays arabes » est assez révélateur de ce glissement des mots et de la politique britannique dans la région :

 

- Confusions britanniques

Le problème fut posé explicitement en 1941 lorsque Sir Francis Fremantle demanda au premier ministre s’il n’y avait pas une confusion des termes « Near East » et « Middle East ». Il n’obtint pas vraiment de réponse. En 1942, Churchill essaya de modifier le commandement militaire du Moyen-Orient en le divisant : l’Égypte, la Palestine et la Syrie seraient devenues le Near East Command, basé au Caire ; la Perse et l’Irak seraient devenues le nouveau Middle East Command, basé à Bassora ou à Bagdad. Mais si le War Cabinet (cabinet de guerre) accepta la division, il refusa le changement de nom : le Middle East Command resta au Caire pour éviter les confusions.

 

Le 29 juin 1941, Oliver Lyttelton fut nommé ministre d’État pour le Moyen-Orient, avec un siège au cabinet de guerre. Il eut en charge de guider sur le plan politique les commandants en chef en poste dans la région et de coordonner les représentants britanniques en Égypte, au Soudan, en Palestine, en Transjordanie, en Irak, en Éthiopie, en Somalie britannique, en Érythrée, en Somalie italienne, à Chypre, dans les États du Levant, et plus tard à Malte, à Aden et au Yémen. Il arriva au Caire le 5 juillet 1941.

 

Le problème de toponyme se posa de nouveau à la fin de la seconde guerre mondiale. Au Royaume-Uni, le 16 avril 1946, le major Symonds demanda au premier ministre Clement Attlee s’il avait l’intention de continuer à utiliser le terme de « Middle East » pour désigner des aires géographiques qui par le passé avaient été appelées « Near » et « Middle East ». Attlee répondit que la pratique était désormais d’appeler « Middle East » « le monde arabe et certains pays voisins » et qu’il ne voyait pas de raison de la changer. Aux États-Unis, le 25 juillet 1946, un officier demanda au secrétariat d’État aux affaires étrangères quels étaient les pays inclus par le nom de « Near East ». Ernest Davies, le sous-secrétaire d’État, répondit que le terme de « Near East », qui était lié à l’empire ottoman, était désormais démodé et qu’il était remplacé par celui de « Middle East ». Il incluait l’Égypte, la Turquie, l’Irak, la Perse, la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Palestine, l’Arabie saoudite, les Émirats du Golfe, le Koweït, Bahreïn, le Qatar, Aden et le Yémen. En 1948, lorsque fut créée à l’ONU, à l’initiative de l’Égypte, une Commission économique pour le Moyen-Orient, le terme ne sembla pas faire problème. Son action s’étendit sur une aire très vaste et englobait des pays qui n’étaient ni arabes ni musulmans : l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Yémen, l’Égypte, l’Éthiopie, la Grèce. La notion de Near East ne désignait plus dès lors que la partie méditerranéenne du Moyen-Orient. Elle avait été subsumée par celle de Middle East.

 

La prédominance accordée à la notion de Middle East à partir des années 1920 et renforcée par la seconde guerre mondiale, est un événement métagéographique dans la mesure où il y a modification assez rapide des cadres de perception et de dénomination de l’espace, mais c’est un événement qui s’inscrit dans une transformation des structures économiques, culturelles et politiques du monde depuis la fin du XVe siècle. C’est le point d’aboutissement d’un processus pluriséculaire et non un simple caprice de l’histoire, ou d’un quelconque stratège. Cependant on fera ici l’hypothèse, non contradictoire avec les précédentes, que si les deux notions de Near East et de Middle East ont été rapprochées, c’est que l’espace même a été modifié dans ses structures par le progrès des moyens de transport et de communication.

 

- Succès mitigé pour le transport par bateau à vapeur

L’importance de l’axe reliant le Royaume-Uni à l’Inde explique que dès l’apparition des premiers bateaux à vapeur maritimes au début du XIXe siècle, des expériences ont été faites pour réduire la durée du trajet entre l’Angleterre et l’Inde. Au début des années 1920, le courrier de la Cour des directeurs de l’East India Company à Londres au gouverneur général à Calcutta prenait généralement de cinq à huit mois par le Cap de Bonne-Espérance. Le premier bateau à vapeur à être parvenu en Inde fut l’Enterprize, en 1825, au bout de quatre mois et avec difficulté. Un deuxième, le Falcon, parti quelques semaines plus tard, y parvint également après quatre mois, mais essentiellement à la voile. Malgré cet échec, tout relatif, l’enthousiasme pour ce nouveau mode de transport ne retomba pas. Dans les années 1830, des pétitions rédigées à Bombay, à Calcutta, à Madras furent envoyées au Parlement britannique ; un comité de lobbying, the London Committee for Establishing Steam Communication with India via the Red Sea est créé pour faire pression sur les autorités.

 

Cependant la mer Rouge n’était pas la seule route envisagée. En septembre 1828, le premier ministre, le duc de Wellington, nomma président de l’India Board Lord Ellenborough, qui avait vanté les mérites d’une communication par bateau à vapeur avec l’Inde par la mer Rouge et qui, une fois en poste, chargea Thomas L. Peacock de rédiger un rapport sur la question. Ce dernier soumit un Memorandum respecting the Application of Steam Navigation to the Internal Land External Communications of India à Lord Ellenborough en septembre 1929. Il distinguait trois routes entre l’Angleterre et l’Inde : la route océanique qui contourne le Cap de Bonne-Espérance, la route qui coupe par l’Égypte (Alexandrie, le Nil, etc.), et une nouvelle route, pour la première fois proposée par Peacock, à travers la Syrie et l’Irak, par l’Euphrate.

 

Comme Peacock le soulignait, la route par l’Égypte et la mer Rouge avait déjà été proposée en 1823 et en 1826, mais les réticences étaient fortes de la part de l’East India Company en raison des difficultés à naviguer en mer Rouge (récifs, vents contraires durant la moitié de l’année) et à cause de la mousson, qui aurait obligé à faire un long détour par l’équateur. Peacock examina aussi la possibilité de construire un canal entre la mer Rouge et la Méditerranée, mais les ingénieurs français de l’expédition de Bonaparte avaient mesuré une dénivellation trop importante entre les deux mers. La troisième possibilité, nouvelle, aurait été de faire naviguer des bateaux à vapeur sur l’Euphrate, comme sur le Mississippi. Peacock rappela que Trajan avait fait descendre l’Euphrate à son armée jusqu’à Babylone et que l’expansion russe dans le Caucase (annexion de la Géorgie en 1801 et de l’Arménie en 1828) faisait peser une menace importante sur cet espace stratégique. Avant de s’en retirer, une armée russe s’était avancée jusqu’à Erzurum. Le 21 décembre 1829, Ellenborough envoya le mémorandum de Peacock au Duc de Wellington. En mars 1830, l’East India Company demanda une étude sur la possibilité d’emprunter les routes par la mer Rouge et par l’Euphrate.

 

La première mission de reconnaissance, menée par William Bowater en août 1830, tourna court. Les membres de l’expédition furent attaqués par des Yézidis et presque tous tués. Cependant, peu de temps auparavant, en mai 1830, Francis Chesney, alors au Caire, s’était proposé pour faire cette reconnaissance. Il commença par étudier l’isthme de Suez et corrigea l’erreur des ingénieurs français sur la différence de niveau entre la mer Rouge et la mer Méditerranée, concluant qu’un canal pouvait être construit, ce qui lui vaudra d’être reconnue par Ferdinand de Lesseps comme « le père du canal ». Ensuite, de décembre 1830 à janvier 1831, Chesney descendit l’Euphrate, de Anah jusqu’à Bagdad, sur un radeau traditionnel (kelek), ce qui le convainquit de monter une expédition plus importante. Durant l’été 1836, deux navires à aube, l’Euphrates et le Tigris, furent acheminés en pièces détachées de l’embouchure de l’Oronte jusque sur les bords de l’Euphrate, où ils furent montés et mis à l’eau. La descente de l’Euphrate avait été préparée par l’installation de stocks de charbon à Deir ez-Zor et à Anah, et par la signature d’entente avec les tribus arabes. L’expédition descendit l’Euphrate jusqu’au Golfe malgré le naufrage du Tigris et la mort d’une vingtaine de personnes dans une tempête de sable en aval de Deir ez-Zor. Ce fut un succès mitigé. Aucun service fluvial ne fut ouvert.

 

Puisque l’Euphrate n’était plus considéré comme navigable, un chemin de fer longeant la rivière apparut alors comme la meilleure solution de rechange. Vers 1840, l’Euphrates Valley Railway fut le premier schéma proposé. Entre 1840 et 1856, de nombreux arguments furent utilisés en sa faveur, mais ce fut un échec.

 

- Trente mille kilomètres de câbles télégraphiques

La rapidité du transport du courrier et des informations entre l’Inde et l’Angleterre étant toujours préoccupante au milieu du XIXe siècle, l’importance d’établir une ligne télégraphique fut reconnue dès le début des années 1850, avant même la révolte des Cipayes de 1857-1858. L’Electric Telegraph Department in India mit en service les premières lignes télégraphiques publiques indiennes en 1855 et dès 1859 la décision de relier l’Inde à l’Angleterre fut prise. En 1860, un premier câble fut tiré entre Suez et Karachi, par la mer Rouge. Mais il s’abîma très vite et la réparation, trop coûteuse, fut abandonnée. En 1862, une nouvelle institution fut créée, l’Indo-European Telegraph Department. Le projet consistait à mettre en place une ligne télégraphique entre Karachi et Al Faou, à l’extrémité du golfe Persique. Le télégraphe indien serait ensuite relié au système télégraphique ottoman, connecté aux lignes européennes par Istanbul. En 1864, le câble sous-marin entre Al Faou et Karachi fut posé ; en 1865, une ligne fut tirée entre Al Faou, Bassora et Bagdad. Dès lors, un message télégraphique put être envoyé en Inde en vingt-quatre heures.

 

Cependant, ceci ne profitait pas seulement à l’empire britannique. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, près de 30 000 kilomètres de câbles télégraphiques ont été installés à travers tout l’empire ottoman. Le télégraphe, outil de communication, renforçait l’autorité centrale.

Le câble télégraphique du golfe Persique (Harris 1969)

Le câble télégraphique du golfe Persique (Harris 1969)

 

- Un train à travers l’« Arabie turque »

En 1869, le canal de Suez fut inauguré, permettant une communication directe entre la mer Méditerranée et l’océan Indien, sans faire le long détour par le Cap de Bonne-Espérance. Toutefois, même après cela, on continua de penser que l’ouverture d’une route alternative à travers l’« Arabie turque » offrirait des avantages commerciaux et politiques immenses en donnant une façade méditerranéenne à l’Irak et à la Perse. D’autres projets de chemin de fer furent donc imaginés pour traverser le désert. Il y eut deux écoles : ceux qui voulaient un chemin de fer à travers tout l’empire ottoman et ceux qui pensaient que la route à travers le nord de la Mésopotamie était la meilleure voie. Les Turcs en 1873 discutaient la possibilité d’un chemin à travers le « Petit Désert », de Homs à Palmyre, et de là jusqu’à Deir ez-Zor. Les hommes politiques et les ingénieurs britanniques, quant à eux, concentrèrent leur attention sur le « Grand Désert », c’est-à-dire au sud de la ligne Damas-Bagdad.

 

Trois solutions furent proposées. Dès 1878, il fut suggéré qu’un chemin de fer traversât la Palestine de Haïfa, ou Akka, à Salkhad dans le Djebel druze, puis de là à Al-Jawf à travers le Wadi Sirhan, et d’Al-Jawf jusqu’au Koweït avec un embranchement vers Bassora. Une seconde proposition fut de construire un chemin de fer de Salkhad jusqu’à Bassora directement. Une troisième proposition fut suggérée par C. E. Drummond Black en 1908 : un chemin de fer depuis Port-Saïd jusqu’à Bassora via Akaba et Al-Jawf. Mais ce fut finalement l’Allemagne qui obtint la concession du fameux Berlin-Bagdad, même si la guerre empêcha sa totale réalisation.

Les chemins de fer d’Asie mineure (Augé 1917)

Les chemins de fer d’Asie mineure (Augé 1917)

Toutefois, le tracé de celui-ci ne fit que contourner l’entre-deux syro-irakien et la mainmise britannique sur les mandats palestinien et irakien à la fin de la première guerre mondiale relança les discussions sur son franchissement. Mais aucune liaison ferroviaire ne sera établie à travers le désert syrien : l’époque était désormais à la voiture.

 

 

- Enfin vint l’automobile

En 1919, un convoi de dix Ford tenta de traverser le désert de la Syrie à l’Euphrate, mais six voitures durent être abandonnées en cours de route et une seule atteignit Deir ez-Zor en bon état. D’autres tentatives furent faites, notamment par des contrebandiers qui, au lendemain de la première guerre mondiale, cherchaient à faire passer en Irak l’or abandonné en Syrie par les troupes turques et allemandes. Dénoncés, les premiers furent rattrapés par un avion et obligés de rebrousser chemin.

 

En 1922, le cheikh Mohammed Ibn Bassam, chef de l’importante tribu des Rouala, qui était impliqué dans le trafic d’or entre Damas et Bagdad, fit transiter une cargaison d’or dans deux voitures de Damas à Deir ez-Zor, et de là en bateau jusqu’à Bagdad ; les voitures revinrent chargées d’autres marchandises de contrebande. Quelque temps après, un Français établi en Syrie renouvela discrètement la tentative et atteignit directement Bagdad. Mis au courant, le consul général de France à Bagdad s’arrangea pour faire le voyage de retour avec cet audacieux. Leur voiture ne mit que vingt heures à accomplir le trajet entre la capitale de l’Irak et Damas (janvier 1923). Suite à cela, le consul britannique de Damas proposa aux frères Nairn de tenter une traversée du désert entre Damas et Bagdad. Norman et Gerald Nairn étaient deux Néo-Zélandais ayant servi au Proche-Orient durant la première guerre mondiale et qui, après leur démobilisation en Palestine, se lancèrent dans le service de transport et créèrent la Nairn Transport Company of Palestine and Syria.

 

En avril 1923, Norman Nairn, le consul britannique à Damas, un riche marchand syrien, le consul à Beyrouth et quelques intéressés se lancèrent dans la traversée, par Rutba. Ce fut un succès. En mai 1923, M. de Littinière, inspecteur des travaux publics de l’État de Damas, parcourut la piste et en résuma les caractéristiques. À la fin de l’été, les frères Nairn organisèrent sur ces données un service régulier de transports automobiles de Caïfa (Palestine) à Bagdad ; mais le général Weygand, haut-commissaire de la République française en Syrie, les amena aussitôt à établir la tête de ligne de son service (Overland Desert Route) à Beyrouth, de façon à orienter sur ce port tout le trafic entre Syrie, Mésopotamie et éventuellement la Perse et les Indes. Dès octobre 1923 fonctionna le Nairn Crossdesert mail service. Très vite, une foule de petites entreprises automobiles se mêlèrent de transporter des voyageurs à travers le désert.

Bus de la Nairn Cie photographié à l’aéroport de Bagdad (1935, collection personnelle)

Bus de la Nairn Cie photographié à l’aéroport de Bagdad (1935, collection personnelle)

Selon le manuel de géographie des services de renseignement de la Marine britannique consacré à la Syrie (Syria 1943), les routes qui traversaient le désert syrien étaient parfaitement adaptées aux moyens de transport modernes car la surface du désert était appropriée au passage des voitures et il n’y avait pas beaucoup d’obstacles à éviter, même s’il existait certains passages délicats, en particulier la descente des escarpements et la traversée des ouadis. Plusieurs pistes furent utilisées à partir de Damas, de Homs et d’Alep vers l’Euphrate en passant par Palmyre. Les services de bus à travers le désert se multiplièrent durant les années 1930, surtout avec l’introduction de l’air climatisé. En 1937, entre Damas et Bagdad, dans les deux sens, on a totalisé le passage de 3 320 véhicules, 23 273 passagers et 6 758 tonnes de marchandises.

 

 

-

Ouverture des liaisons aériennes

Parallèlement à cela, le développement de l’aéronautique conduisit à mettre en place rapidement de nouvelles liaisons aériennes, au départ à l’initiative des militaires.

Les routes aériennes du monde (Sykes 1920)

Les routes aériennes du monde (Sykes 1920)

À la conférence du Caire de mars 1921, il fut décidé que la RAF ouvrirait un service régulier entre Le Caire et Bagdad. Le repérage au sol fut confié au major Holt. Pour aider les aviateurs à ne pas se perdre, une immense flèche fut tracée dans le sol par un tracteur. La ligne Le Caire-Bagdad fut ouverte dès l’été 1921 et en octobre un arrangement fut trouvé pour transporter du courrier civil. En septembre 1921, le Times s’enthousiasmait : un officier de la RAF avait fait le voyage de Bagdad à Alexandrie en seulement deux jours, avec une escale à Amman. À la fin du mois de mars 1929, Imperial Airways Ltd. ouvrit entre l’Angleterre et l’Inde un service postal et un service passager avec un vol inaugural de Croydon à Karachi. Celui-ci emprunta la route du désert de la RAF, qui dès lors devint un maillon de la chaîne impériale.

Premier vol vers Karachi, à travers le désert de Syrie

Premier vol vers Karachi, à travers le désert de Syrie

En 1929, la compagnie française Air Orient ouvrit un service hebdomadaire entre Marseille et Beyrouth ; l’année suivante, celui-ci fut prolongé jusqu’à Bagdad via Damas. Enfin, en 1931, un service régulier France-Indochine entre Marseille et Saigon fut établi, incorporant la route du désert Damas-Rutba-Bagdad. La même année, ce fut la Compagnie Royale d’Aviation (KLM) néerlandaise qui inaugura un autre service postal et passager entre les Pays-Bas et Java via l’Égypte, Gaza, Amman, Rutba et Bagdad. À la fin des années 1930, l’entre-deux syro-irakien semble ainsi avoir pour ainsi dire disparu :

 

Le fait significatif aujourd’hui est la facilité avec laquelle on peut traverser le désert syrien. La sécurité et la brièveté de cette traversée font aussi que le voyageur d’aujourd’hui peut avoir le sentiment que le légendaire ‘tapis volant’ s’est miraculeusement matérialisé. La Mésopotamie est maintenant à un jour de la Méditerranée au lieu d’en être séparée par plusieurs semaines de voyage en caravane[3].

 

Le développement des liaisons aériennes internationales apparaissait alors comme la clef de l’avenir des pays de la région : le Moyen-Orient pouvait être vu comme « le pivot [the hub] de l’Ancien Monde »[4]

Le Moyen-Orient, hub de l’Ancien Monde (Glubb 1957)

Le Moyen-Orient, hub de l’Ancien Monde (Glubb 1957)

- Les deux rives du désert syro-irakien

En 1941, à la suite du coup d’État de Rachid Ali le 3 avril et à son ralliement à l’Allemagne nazie, une attaque britannique fut menée par une colonne de 750 hommes à partir de la Palestine à travers le désert de Syrie. Le 1er juin, les Britanniques pénétrèrent dans Bagdad. Dans The Golden Carpet, Somerset de Chair a laissé de cette expédition un récit épique :

 

Lorsque le sable lourd du Désert de Libye retombera sur les gourbis de Tobrouk et de Benghazi, émergera l’histoire glorieuse d’une petite armée qui a marché des rivages de la Méditerranée jusqu’à l’Euphrate à travers un désert aride qu’aucune armée de conquête n’avait jamais traversé de par le passé, et qui a porté son coup jusque sur les rives du Tigre en prenant Bagdad et en entrant dans la ville des Califes.[5]

 

C’est passer sous silence les transformations radicales qui se sont opérées durant les décennies précédentes et qui ont considérablement rapproché les deux rives du désert syro-irakien.

 

L’amenuisement de l’entre-deux syro-mésopotamien s’est traduit dès la fin de la deuxième guerre mondiale par le développement d’une idée qui auparavant aurait paru incongrue : l’union des deux royaumes hachémites de Jordanie et d’Irak. Trois fois cette idée revient sur le devant de la scène à partir de 1946. Le 14 avril 1947, à l’initiative du roi Abdallah, l’Irak et la Jordanie signent un « traité de fraternité et d’alliance » qui demeure toutefois une coquille vide. En 1951, ce sont les Irakiens Nuri Al-Said et Salih Jabr qui se rapprochent de la Jordanie à l’occasion de l’assassinat du roi Abdallah le 20 juillet, mais ils buttent sur le refus de Talal Ben Abdallah intronisé en septembre et du nouveau gouvernement élu en octobre. Enfin, en réponse à la formation de la République arabe unie (RAU) égypto-syrienne, l’Irak et la Jordanie proclament en 1958 la création d’une Fédération arabe. Le coup d’État irakien du 14 juillet 1958 y mettra fin.

Comment fut inventé le Moyen-Orient

Notes :

[1] «  Future of Arab Lands  », Times, 5 avril 1921  ; p. 9.

[2] Winston Churchill, The Hinge of Fate, Houghton Mifflin, Boston, 1950  ; p. 460 (cité par Davidson 1960).

[3] Christina P. Grant, The Syrian Desert. Caravans, Travel and Exploration, Black LTD, Londres, 1937  ; p. 295.

[4] John Bagot Glubb, A Soldier with the Arabs, Hodder and Stoughton, Londres, 1957  ; p. 19.

[5] Somerset De Chair, The Golden Carpet, New York, 1945  ; p. 5.

 

Pour en savoir plus :

- « Moyen-Orient » : une géographie qui a une histoire

- Histoire antique de la Palestine : Les premiers habitants

- Quand Daech nous oblige à relire l’histoire coloniale de la France…

- Le Moyen-Orient (1876-1980)

- L'accord secret qui bouleversa l'avenir du Moyen-Orient

- Accords de Sykes-Picot

 

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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 09:34
De gauche à droite: Hasip Kaplan, Ziya Hatip et Levent Tüzel Photo : Jean-Jacques Régibier [1]

De gauche à droite: Hasip Kaplan, Ziya Hatip et Levent Tüzel Photo : Jean-Jacques Régibier [1]

Sources : La Ligue des Droits de l'Homme La Rochelle

-

Contre la répression et l’atteinte aux libertés par Erdogan en Turquie :

La répression est très forte en Turquie. Réagissant à la tentative de coup d’Etat, Erdogan en profite pour tenter de mettre à bas toute opposition à sa politique autoritaire en Turquie : licenciement de dizaines de milliers de fonctionnaires, arrestations nombreuses, fermeture de plus de 170 medias, mise en garde à vue de 11 députés du HDP (parti démocratique du peuple) qui vient s’ajouter à la destruction de villes kurdes, à la destitution de nombre de maires et d’élus locaux. Cette dictature grandissante ne peut nous laisser indifférente. La Turquie est membre associée de l’Union Européenne, elle ne peut tomber sous la férule du sultan Erdogan et de son mouvement. L’Union Européenne, par delà les condamnations verbales, doit prendre des mesures d’embargo.

 

  • Samedi 5 novembre, plus de 200 membres de la communauté kurde de Rochefort se sont rassemblés Place Colbert. Ils ont reçu le soutien de militants d’organisations, dont des responsables de la Ligue des droits de l’Homme. Amplifions le mouvement !
  • Un 2e rassemblement a eu lieu Samedi 12 nov. à Rochefort avec plus de 150 personnes, et le soutien de plusieurs organisations, dont la LDH, le Mouvement de la paix, ...

 

Nous  invitons tous les démocrates, toutes les associations, les syndicats et mouvements politiques de Charente-Maritime à se joindre au 3e rassemblement

SAMEDI 19 NOVEMBRE - 13h30

Place de la Motte rouge -  à La Rochelle

 

Note :

[1] Invités à Strasbourg par un groupement d’associations, trois responsables politiques, dont un membre du HDP, analysent la montée de la dictature en Turquie et les moyens que mettent en place les mouvements démocratiques pour la combattre. Hasip Kaplan est avocat et écrivain, ancien député du HDP. Levent Tüzel est secrétaire général et ancien député du Parti du Travail ( EMEP.) Ziya Hatip est membre du Parti social-démocrate populaire (SHP).

Tous les jours, les atteintes à la démocratie se multiplient en Turquie.....  « Notre résistance contre le régime fasciste est en train de se mettre en place. »

 

Pour en savoir plus :

- Rochefort : les Kurdes disent Stop à Erdogan

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18 octobre 2016 2 18 /10 /octobre /2016 08:28
Syrie, ALEP, Russie, France... J.L. Mélenchon... enfumage et réalités !

Oui, l’urgence est de sauver les populations civiles d’Alep.
Mais il n'y a pas de "bonnes victimes" que l'on médiatise parce qu’elles sont placées du côté de la ligne de front qui servent les intérêts de l'occident... et de mauvaises !

Qui osera aussi nous faire croire que l'offensive en cours à Mossoul (à laquelle les forces américaines et françaises participent sur le terrain et dans les airs) n'aura pas de conséquences désastreuses pour les populations civiles ?

Toutes les victimes qu'elle soient à ALEP OUEST ou à ALEP EST, à MOSSOUL en Irak, à SANAA au Yémen ou en Afghanistan doivent soulever la communauté internationale pour exiger des solutions politiques aux conflits vers la paix et la démocratie.

 

Sources :  L'Insoumission |

- L'indignation à géométrie variable

La guerre en Syrie donne lieu à propos d’Alep à une campagne d’enfumage médiatique digne des plus grandes manipulations orchestrées par l’OTAN depuis la chute du mur de Berlin, de la guerre en Yougolsavie aux armes de destruction massive imaginaires de Sadam Hussein. La nouveauté est que la France est désormais en première ligne de cette guerre de l’information, en rupture avec toute son histoire d’indépendance par rapport aux logiques de guerre entre blocs. Les victimes civiles d’Alep servent ainsi de prétexte à nous faire prendre partie dans un conflit armé dont la ligne de front passe actuellement à travers cette ville. Or il n’y a pas des civils victimes qu’à Alep Est. Ceux d’Alep Ouest, sous administration syrienne, subissent depuis des mois le feu djihadiste depuis Alep Est, notamment nourri d’armes lourdes américaines livrées en masse à la « rébellion » syrienne depuis 2013. Le contexte syrien et régional plus large est tout autant occulté. La Turquie a envahi le nord de la Syrie, et les USA y construisent un aéroport militaire, avec comme unique boussole le tracé des oléoducs et gazoducs, dans l’illégalité internationale la plus totale. Quant à la France, elle bombarde la banlieue de Mossoul, ville irakienne de 1,2 millions d’habitants, et y déploie de l’artillerie au sol en vue d’une offensive de tous les dangers pour les civils. Américains et russes se livrent donc à une course de vitesse sur les fronts syriens et irakiens dont les civils sont partout les victimes innocentes.


Les campagnes occidentales pour les civils d’Alep sont d’autant plus hypocrites que les pourfendeurs des crimes de guerre en Syrie sont aussi ceux qui les pourvoient dans d’autres pays de la même région au même moment. France et États-Unis cautionnent ainsi depuis deux ans la guerre des monarchies du golfe contre la rébellion yéménite. Le bilan s’élève à 10 000 morts selon l’ONU, dont 3 900 civils tués, notamment par des Mirage 2000 et des chars Leclerc livrés aux pays du golfe par la France. Le week-end où Hollande dénonçait des crimes de guerre à Alep, 150 civils étaient tués par un missile tiré sur un mariage au Yemen.


Aucun défenseur de la paix ne doit donc être dupe de ces dénonciations à géométrie variable. Aucune solution de paix ne pourra être construite sans regard indépendant de celui des belligérants. Les civils syriens, irakiens et yéménites auraient tous à gagner à ce que s’affirme le nouvel indépendantisme français défendu par Jean-Luc Mélenchon. La France arrêterait ainsi d’attiser des guerres (Libye, Syrie, Mali, etc.) qui lui échappent et lui coûtent cher financièrement et humainement jusque sur son propre territoire. Cet effort d’indépendance n’est pas que l’affaire de l’État et de ses dirigeants mais commence aussi pour chaque citoyen dans son nécessaire rapport critique à l’information.

 

 

Crimes de guerre en Syrie qualifiés de «bavardages» : Mélenchon rectifie l'AFP [1]

Crimes de guerre en Syrie qualifiés de «bavardages» : Mélenchon rectifie l'AFP [1]

-

Syrie - Daesh - Révélations incroyables sur France Inter !

Il y a quelques semaines, nous aurions du aller chercher de telles informations sur les chaînes russes, pour se faire alors dénigrer. Et pourtant, après une catastrophe parfois tout change! Du moins c'est l'impression qu'on peut avoir aujourd'hui...

 

- Guerre de Syrie, les intérêts cachés

Geopolitis explique les intérêts cachés de la guerre en Syrie. Ce documentaire date d'octobre 2013, date à laquelle on comptait déjà plus de 100 000 morts. Aujourd'hui le bilan s'élèverait à 250 ou 300 000 morts.

 

 

- Alep - L'intox monstrueuse dénoncée par Vanessa Beeley[1]

Le fait que Vanessa Beeley reprenne le mot "terroriste" pour qualifier les rebelles qui sévissent à Alep-Est vous semble peut-être surfait et propagandiste... Pourtant elle est bien allée sur le terrain et explique en détails pourquoi elle les appelle ainsi.

 

Note :

[1] Vanessa Beeley est un journaliste d' investigation britannique axée sur le Moyen - Orient

 

 

- Jean-Luc Mélenchon était l'invité de Michel Grossiord et Perrine Tarneaud sur « Public Sénat » le 20 octobre 2015.
La dernière partie de l'émission abordait la guerre en Syrie et la question des réfugiés.

 

 

- Sur le bras de fer diplomatique mené par François Hollande avec la Russie

Invité de Public Sénat le mardi 11 octobre 2016, Jean-Luc Mélenchon a répondu aux questions des journalistes concernant la situation en Syrie. Il a plaidé pour une coalition universelle pour la paix.

 

Jean-Luc Mélenchon a vivement condamné le bras de fer diplomatique mené par François Hollande avec la Russie, déclarant : « Je désapprouve absolument ce qu'il est en train de faire, qui est totalement contraire aux intérêts de la France ».

 

 

- Vladimir Poutine explique ce qui s’est réellement passé entre la France et la Russie

Au lendemain de l'annulation par Moscou d'une rencontre prévue à Paris entre François Hollande et Vladimir Poutine, le président russe a expliqué chronologiquement ce qui n’avait pas fonctionné dans les relations diplomatique entre les deux pays.
 

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12 octobre 2016 3 12 /10 /octobre /2016 08:25
Samedi 15 octobre 2016 : Journée européenne d'action contre le traité CETA (UE-Canada)

On a toutes et tous une bonne raison de s’opposer au TAFTA et au CETA...

Alors le 15 octobre, venez rejoindre les collectifs STOP TAFTA 17 et 79 sur le vieux port de

La Rochelle à partir de 15h 00.

 

Le CETA est un accord conclu fin 2014 entre le Canada et l’Union européenne. Loin des regards des peuples européens et canadiens, la Commission européenne, au nom des 28 États membres de l’UE, et le gouvernement canadien sont sur le point de sceller cet accord. Conformément aux vœux des lobbies des multinationales qui en sont à l’origine, il vise à démanteler toute forme de “barrière au commerce et à l’investissement” afin de “fluidifier” les échanges entre les deux rives de l’Atlantique.

 

Plus concrètement, il s’agit de : supprimer les derniers droits de douane entre les deux zones économiques, notamment dans l’agriculture ; “harmoniser” les réglementations des deux côtés de l’Atlantique, ce qui se traduit bien souvent par l’assouplissement maximal des lois et des normes qui protègent la santé publique, les travailleurs, les consommateurs ou encore l’environnement ; conférer des droits exceptionnels aux multinationales afin d’assurer la mise en oeuvre effective, voire aller audelà des deux objectifs précédents.

 

Sources : site national STOP TAFTA

- Le CETA est le « poisson pilote » du TAFTA !
Alors qu’il charge le traité avec les Etats-Unis (TAFTA) de tous les maux, le gouvernement français fait la promotion du CETA, qui contient pourtant les mêmes dangers : une juridiction spéciale pour les investisseurs face aux Etats ; le mécanisme de coopération réglementaire, qui donne la plume aux multinationales pour « filtrer », dans l’optique du profit maximal et tout de suite, les normes sanitaires, environnementales et sociales ; la suppression des droits de douane agricoles, qui mettra en concurrence des systèmes de production de taille incomparable, et conduira à l’industrialisation de l’agriculture paysanne.


80% des entreprises américaine implantées sur le marché européen détiennent une des 42.000 filiales au Canada : elles pourront ainsi pénétrer le marché européen sans attendre le TAFTA !

 

 

- Le CETA sacrifie les agricultures locales et de qualité !
L’UE s’engage à des quotas annuels d’importation énormes sans droits de douane sur la viande bovine et porcine : environ 50.000 tonnes de viande bovine et 75.000 tonnes de viande de porc à l’horizon de 7 ans. On peut donc anticiper un choc majeur pour les producteurs européens et locaux, dans un contexte économique et de concurrence déjà très difficile pour les éleveurs.


C’est toute la filière qui sera touchée : producteurs de viande bien sûr, mais également industrie de l’abattage ou de l’alimentation animale, sous-traitants techniques, boucherie… Avec pour seule marge de manoeuvre possible l’érosion sans fin des coûts de production, ce qui conduira à la dégradation des conditions de travail des salarié.e.s et de traitement des animaux.


L’accord protège 27 AOP (appellation d’origine protégée) sur les 93 que compte la France : dit autrement, près des trois quarts des AOP françaises sont sacrifiées dans le CETA !

 

 

- Le CETA un bon accord ? Non, c’est un déni de démocratie !
Comment peut-on sérieusement prétendre que « CETA est un bon accord » alors que l’organe de coopération réglementaire, présent pour la première fois dans un accord de libre-échange sur la très forte insistance d’un lobbying commun aux transnationales des deux cotés de l’Atlantique (l’ERT), revient à donner aux transnationales un véritable droit de veto et à institutionnaliser un filtrage en amont dans le processus de décision publique ? C’est à dire à obliger l’intérêt général à se justifier et à se soumettre à l’intérêt privé, une véritable révolution culturelle qui en quelque sorte établit de façon institutionnelle un privilège !

 

 

- Le tract pour le 15 octobre (version imprimable)

Samedi 15 octobre 2016 : Journée européenne d'action contre le traité CETA (UE-Canada)
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11 octobre 2016 2 11 /10 /octobre /2016 08:07
Photo: Zuma / TASS

Photo: Zuma / TASS

Comme le rapporte l’agence « Xinhua », au sommet du « G20 » la Chine[1] a proposé au monde un nouveau modèle de gestion de l’économie mondiale. Les jalons essentiels en sont consignés dans un document appelé « le consensus de Hangzhou ». Fait intéressant, « Xinhua », constate une bonne compréhension du projet par les autres membres du G20.

 

Sources : Le site du Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Andreï Ivanov, traduit du Russe par Marianne Dunlop

Formellement, à la rencontre de Hangzhou[2] rien d’extraordinaire ne s’est passé. Les médias ont rapporté que les dirigeants du monde ont discuté entre eux des problèmes les plus aigus, mais ne disent pas quelles mesures pratiques ont été envisagées. Par exemple, dans le cadre de diverses réunions, Hollande, Merkel, Obama et Poutine ont discuté de la Syrie et de l’Ukraine. Mais en fait, il semble que tout reste inchangé, rien n’a été expressément convenu, et chaque Etat continuera à tenir sa ligne. La même chose peut être dite sur les problèmes de l’économie mondiale. Bref, on s’est rencontré, on a parlé et on est reparti. Le sommet du G20 dans la conscience de masse est associé à une espèce de « club d’élite », et non une autorité qui prendrait des décisions politiques.

 

Par conséquent, le message de « Xinhua » mérite une certaine attention. Il apparaît, selon l’agence, que « grâce aux efforts de la Chine, au sommet du G20 à Hangzhou pour la première fois une place importante dans les politiques macro-économiques mondiales a été accordée aux questions de développement, pour la première fois a été élaboré un plan d’action pour la mise en œuvre d’un développement durable à l’horizon 2030 ». Autrement dit, avant les dirigeants du monde se réunissaient seulement pour parler, mais en Chine, ils ont commencé à travailler sérieusement.

 

« Cela signifie que les fruits du développement économique ne doivent pas seulement profiter à un petit nombre de personnes ou de pays, mais que tous les pays doivent en tirer profit, indépendamment du fait qu’ils soient pauvres ou riches, développés ou sous-développés. Là est le problème de l’économie mondiale « , – a commenté Zhao Xijun, Vice-Président de l’Académie des finances de l’Université Populaire de Chine.

 

Étant donné la retenue traditionnelle des médias chinois dans leurs formulations, on peut conclure que la Chine prépare un modèle fondamentalement nouveau de l’ordre mondial.

 

 

- Nous pouvons essayer d’imaginer quelle sera son essence.

L’économie mondiale ralentit sa croissance. Cela s’est produit d’abord dans les pays développés, et il y avait de l’espoir pour la croissance dans les pays en développement. Mais, plus récemment, il est devenu clair que cet espoir ne se justifiait pas. Qu’est-ce qui peut relancer l’économie mondiale ? Certains disent les nouvelles technologies. Toutefois, les gains de productivité ne suppriment pas le problème de la saturation des marchés. En Europe déjà certaines banques commerciales concèdent des prêts à intérêt négatif, à tel point dans le monde d’aujourd’hui il est devenu difficile de trouver une utilisation à l’argent.

 

Le problème, bien sûr, n’est pas l’absence physique de consommateurs. C’est juste que le modèle actuel est basé sur la croissance effrénée de la consommation dans les pays riches et laisse de côté des centaines de millions de personnes dans les pays pauvres, en fait exclus de l’économie mondiale. Pour la reprise de la croissance il est nécessaire de créer la demande des consommateurs en Afrique, dans les pays les plus pauvres d’Asie et d’Amérique latine. Mais cela signifie que nous devrions réduire les disparités entre les différentes régions du monde et abandonner l’ancien modèle.

 

La nouvelle économie doit être basée non pas sur la croissance de la consommation, mais sur la fourniture du nécessaire à tout le monde. Cela suppose d’économiser l’énergie et les ressources, et de transférer la motivation pour le travail des besoins aux capacités de chacun.

 

Le modèle actuel repose sur le dollar, et il est basé sur l’inégalité. En outre, les pays les plus prospères, plutôt que produire eux-mêmes, gèrent la redistribution des résultats du travail des autres et des ressources des autres. Changer le système n’est possible qu’en renonçant au dollar.

 

Il n’est pas difficile de deviner qu’en qualité de nouvelle monnaie mondiale, la Chine envisage le yuan. A propos, au dos des billets d’un yuan est représenté le Lac de l’Ouest, situé au centre de Hangzhou. On peut dire que le lieu du G20 chinois n’a pas été choisi au hasard. Les experts disent que l’image sur le billet de banque est un symbole de l’unité du ciel, de la terre et de l’homme. Cela est tout à fait différent des symboles ouvertement maçonniques au verso du dollar sur un fond de toile d’araignée qui semble envelopper le monde.

 

La seule chose que l’on peut contester parmi les affirmations de l’article de « Xinhua » est que tous les dirigeants du monde accueillent favorablement les initiatives de la Chine. Les USA et les pays européens ne renonceront pas si facilement au fondement de leur prospérité.

  • La Chine tente aujourd’hui d’évincer les pays occidentaux dans la gestion de l’économie mondiale, – a déclaré le directeur adjoint de l’Institut d’Etudes Extrême-Orientales Andrei Ostrovsky.
  • Les « majorités de contrôle » dans les institutions financières internationales clés sont détenues par les États-Unis et l’Union européenne. Si nous parlons des devises, partout ont cours le dollar, l’euro, la livre sterling, le yen. Ce n’est que récemment qu’il a été décidé d’inclure le yuan dans la liste des monnaies de réserve mondiale.

 

A Hangzhou, la Chine a tenté de réviser le système de la gouvernance économique mondiale, et d’associer au processus les pays en développement. Le G20 comprend 19 pays plus l’Union européenne, et 77 pays étaient représentés au sommet. La Chine étant le pays organisateur, elle a le droit d’inviter d’autres États. Elle en a profité au maximum, afin d’obtenir un large soutien à ses initiatives.

 

 

- INTERVIEW

  • « SP » : – Qu’a l’intention de faire la Chine en pratique ?

La Chine a déjà mis en place la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, le fonds « Route de la Soie ». Ce sont des faits tangibles. La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures dépasse déjà la Banque asiatique pour la reconstruction et le développement.

 

La Chine met en œuvre le projet « Route de la Soie ». Peu importe comment les autres pays l’accueilleront, la Chine a déjà commencé à mettre en œuvre son programme économique. La Chine s’éloigne peu à peu de l’esprit « profil bas » de Deng Xiaoping, ce qui est apparu clairement au sommet du « G20 » à Hangzhou.

 

  • « SP » : – Quels sont les principaux changements à attendre ?

La Chine est prête à accroître la capacité économique des pays en développement. Aujourd’hui, la proportion du G20 dans l’économie mondiale est de 86%, et tous les autres pays ne représentent que 14%, ainsi, nous voyons une grande disparité dans le monde. Pour réduire l’écart, il faut changer le système de gouvernance économique mondiale. Aujourd’hui, le système est lié au dollar, au Système fédéral de réserve et aux accords de Bretton Woods. Les Chinois tentent de corriger cette chose. La première étape est de faire du yuan une monnaie convertible. De toute évidence, ce n’est pas l’affaire d’un seul quinquennat.

 

La transition du « dollar mondial » au « yuan mondial » est un long processus. Mais le yuan est entré dans le panier de devises mondiales de réserve. Cela signifie que toutes les banques qui font l’échange de devises seront tenues d’avoir des réserves de yuans, donc acheter sur le marché mondial de la monnaie chinoise. Par exemple, les banques russes veulent avoir des bureaux à l’étranger. A partir d’octobre, elles devront avoir non seulement des livres et des dollars, mais aussi des yuans.

 

L’essentiel est de voir d’où vient ce processus. Le fait est que l’économie chinoise est en pleine croissance, et son taux de croissance est plus élevé qu’aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. Il faut compter avec la Chine.

 

  • « SP » : – Les initiatives de la Chine peuvent ne pas plaire à l’Occident

Bien sûr. Et il y a des tentatives pour faire dévier la Chine de sa voie vers le développement durable. Ce n’est pas un hasard si on assiste à ces scandales autour des îles contestées dans la mer de Chine du Sud. Il est amusant de voir la polémique entre le leader des Philippines et le président des États-Unis. Les deux parties ont dû faire des compromis en raison de la Chine.

 

Le facteur chinois est aujourd’hui un élément clé dans le monde, au même titre que les États-Unis. En parité de pouvoir d’achat le PIB en Chine est plus élevé qu’aux Etats-Unis. Le revenu moyen par habitant des provinces côtières du Shandong, Jiangsu, Zhejiang est assez comparable au revenu américain sur la côte atlantique, à Boston ou à Philadelphie.

 

  • « SP » : – Comment les changements amenés par la Chine dans l’économie mondiale pourraient-ils affecter la Russie ?

Nous avons signé beaucoup d’accords et de contrats avec la Chine. Le problème est que notre « pivot vers l’Est »est mal appliqué. 85% du volume total du commerce extérieur se fait encore avec l’Occident, et seulement 15% en Orient, et sur ces 15% la Chine représente 12%. Notre volume du commerce extérieur avec la Chine est faible. Au cours des huit premiers mois de cette année, le volume du commerce extérieur représentait moins de 50 milliards de dollars. Nous ne pouvons pas encore atteindre le niveau de 2014. En pratique c’est« chaud en politique, froid en économie ». La coopération économique est loin derrière l’entente politique.

 

La part du commerce transfrontalier est seulement 15% du commerce total. Le volume des investissements mutuels est faible. L’an dernier, les Chinois ont investi chez nous environ un milliard de dollars, et nous en Chine – seulement 40 millions. Le commerce extérieur est directement lié à l’investissement mutuel.

 

Nous devons déterminer si nous nous tournerons vers l’Est. Au forum économique oriental on en a parlé. Mais les négociations sont en cours, et nous ne voyons pas de progrès. Quelque chose se fait, mais pas des changements fondamentaux. Il y a eu cette question des crèmes glacées, que nous faisons beaucoup mieux que les Chinois. Pourquoi y a-t-il des problèmes même avec les glaces ?

 

La Chine propose avant tout l’ouverture des marchés régionaux grâce à l’élimination des taxes à l’exportation et l’importation, – considère le Directeur de l’École d’études orientales, École supérieure d’économie Alexei Maslov.

 

C’est bénéfique pour la Chine, qui a accumulé une masse des marchandises. Elle veut pénétrer de nouveaux marchés. Les États-Unis s’y opposent, en interdisant le dumping. Quand la Chine parle des nouvelles règles du commerce mondial, elle est préoccupée principalement par elle-même et non les autres pays.

 

Simplement le marché mondial actuel s’est constitué sans la participation de la Chine, comme un système étroit. La Chine veut obtenir sa part du marché.

 

Actuellement, à mon avis, les propositions de la Chine ne seront pas acceptées. Mais la Chine est obligée de les mettre en avant pour se déclarer comme le chef du nouvel ordre mondial et attirer à elle un grand nombre de pays d’Asie.

 

La Chine propose l’admission des Etats à leurs marchés respectifs. Formellement, cela sonne bien. Mais l’avantage n’est que pour ceux qui ont des marchandises excédentaires. Dans une certaine mesure, cela est bénéfique pour la Russie, mais pour l’instant nous ne disposons pas d’une quantité suffisante de produits qui puissent entrer sur les marchés mondiaux. La Chine est opposée à diverses restrictions de quotas commerciaux. La Chine se bat pour elle-même, mais prétend défendre les intérêts des autres pays.

 

  • « SP » : – dans quelle mesure est justifiée la thèse selon laquelle la Chine veut passer d’un modèle de croissance de la consommation à un modèle de croissance du bien-être ?

Ce n’est pas un modèle économique, mais une déclaration politique. Pendant longtemps, l’économie de la Chine a augmenté grâce à des investissements en actifs fixes, c’est-à-dire, à travers la construction d’usines et de routes. Formellement, cela augmentait le PIB. Mais la croissance était fondée sur l’augmentation des immobilisations, et non sur la croissance du bien-être des citoyens. Aujourd’hui, la Chine entend développer la consommation intérieure. Ainsi, la RPC entend relancer l’économie.

 

Mais on n’a jamais vu que la croissance de la consommation rende tout le monde en même temps plus riche. Quelqu’un sera plus pauvre, d’autres seront ruinés. Mais théoriquement cela donne une chance de nourrir tout le monde.

 

  • « SP » : – La Chine a l’ambition de reformater le système économique mondial ?

La Chine a des ambitions sérieuses. En plus de développer le commerce, la Chine est intéressée à être admise aux grands projets d’investissement dans le monde. Aujourd’hui, ils peuvent ne pas rapporter d’intérêt, mais le bénéfice est à long terme. Il s’agit de lignes de chemin de fer, de l’achat de ports. La Chine est engagée vers l’expansion et l’investissement étranger. Mais pour cela, il faut obtenir beaucoup de permissions des bureaucraties d’État, auxquelles la Chine s’oppose.

 

Si nous prenons la question du « yuan d’or », la Chine ne l’aborde pas ouvertement. Mais il est clair que la Chine ne souhaite pas lier sa monnaie à la notion de libre convertibilité. La Chine n’a pas soulevé cette question afin de ne pas dépendre du système de Bretton Woods, quand toute conversion passe par le dollar.

 

Le yuan peut rester une monnaie de réserve, comme elle est maintenant. Ou bien la Chine peut essayer d’élever le yuan au rang de devise, qui permettra la conversion. Autrement dit, la question est celle de la formation d’un système alternatif de conversion de devises. Théoriquement, c’est bien beau, mais en pratique, cela exige un consensus de nombreux Etats. Je doute sérieusement que la Chine soit en mesure de le faire au cours des prochaines années.

 

Ce que dit la Chine est conçu pour au moins 25 ans, ce qui est le temps long habituel pour les Chinois.

 

Note :

[1] Chine 1ère puissance économique mondiale 2ème puissance politique et militaire

[2] Xi Jinping rencontre les dirigeants du monde entier à Hangzhou les 4 et 5 septembre 2016

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Rédacteur

  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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