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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 08:06
INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !

- Hollande Un propos indigne ! (parmi d’autres) Communiqué de Jean-Luc Mélenchon

Source :  le blog de Jean-Luc Mélenchon

En insultant le parti communiste des années 70, François Hollande oublie que c'était alors le programme commun qui conduisit à la grande victoire de 1981.

 

Son propos est d'une totale bassesse et indigence, indigne d'un président élu aussi par les communistes.

 

 

- Réactions du PCF

"Quand Hollande compare le FN au ’PCF des années 70’, sa faute est double. À l’égard des militantes et militants communistes. Mais c’est aussi une lâcheté intellectuelle face au FN d’aujourd’hui", a dénoncé sur Twitter Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, jugeant "navrante" et "pas à la hauteur" cette sortie de M. Hollande.

 

"La comparaison que Hollande vient de faire entre le FN et le PCF des années 70 est indigne et inepte", a de son côté réagi sur ce même réseau social Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris. "En parlant ainsi, Hollande contribue à dédiaboliser encore un peu plus le FN. C’est une faute politique et une faute morale", a-t-il fustigé.

 

 

- Hollande compare Marine Le Pen à "un tract du Parti communiste des années 1970", le PCF voit rouge

Sources :  Le Huffington Post

Le parti communiste voit rouge. Plusieurs responsables du PCF se sont indignés dimanche 19 avril de la comparaison faite par François Hollande entre Marine Le Pen et un "tract" communiste des années 70.

 

"Madame Le Pen parle comme un tract du Parti communiste des années 1970 (...) sauf que le Parti communiste, il ne demandait pas qu'on chasse les étrangers, qu'on fasse la chasse aux pauvres", a déclaré le chef de l’État, lors de l'émission "Le Supplément" sur Canal+.

 

Le numéro un communiste Pierre Laurent a même demandé lundi "des excuses publiques" à François Hollande. "Je suis scandalisé" par cette phrase qui est "lamentable", a déclaré sur France2 le secrétaire national du PCF. "C'est la seule chose que le président de la République a trouvé à répondre à des électeurs qui lui disaient leur désarroi dans un reportage qui dénonçait ses trahisons par rapport à ses promesses de 2012!", a déploré Pierre Laurent.

 

Le secrétaire national y voit "un aveu" de François Hollande qui "a décidé de tourner le dos à ses électeurs plutôt que de répondre à leurs urgences sociales". "Nous, nous n'avons pas renoncé", "le Parti communistes des années 70 comme des années 2000, lui, il continue le combat contre la finance", même si "nous avons changé beaucoup de choses" depuis ce temps.

 

Pour en savoir plus :

- Hollande et "l’odieuse insulte" faite au PCF

- Les InRocKs : Pourquoi la comparaison FN / “PCF des années 70″ n’a aucun sens

- Roger Martelli : « L’amalgame PCF-FN est une infamie »

- Ça ressemblait à quoi un tract du PCF dans les années 70 ?

- On est allé à Bobigny fouiller dans les archives du PCF

INDIGNE : Hollande compare le FN d’aujourd’hui au PCF des années 1970 !
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3 avril 2015 5 03 /04 /avril /2015 08:26
Second tour des élections départementales : le Front de gauche s’en sort plutôt bien

Pour le Front de gauche, les résultats du second tour ont confirmé la tendance du premier. Dans un contexte désastreux pour la gauche et malgré un mode de scrutin défavorable, il conserve entre les deux tiers et les trois quarts de sa représentation départementale.

 

Source : Regards.frs entretien par Roger Martelli | 30 mars 2015

Le Front de gauche était présent dans 119 cantons, dont une quinzaine en alliance avec le PS ou avec EE-LV (à Grenoble 1 et 3). Il l’emporte dans 90 cantons, qui s’ajoutent aux trois gagnés dès le premier tour. Il emporte de façon précise 176 sièges de conseillers départementaux. À la veille du scrutin, le Front de gauche avait 234 conseillers généraux, dont 220 membres du PCF. La nouvelle représentation sera donc entre les deux tiers et les trois quarts de la précédente. On sait que le mode de scrutin n’est pas sans effet négatif, dès l’instant où une sensibilité politique se trouve du côté des "petits" (moins de 10%). Par la seule vertu du système électoral, le FdG ne pouvait espérer retrouver le nombre d’élus antérieur.

 

 

- Au-delà des espérances dans les duels et les triangulaires

Le plus satisfaisant est le résultat du face-à-face avec le Front national. Il avait lieu dans près de la moitié des cantons où le FdG était présent au second tour. Dix-neuf de ces cantons donnaient lieu à une triangulaire et 47 à un duel. Le FdG et ses alliés l’emportent dans 44 duels et 15 triangulaires. Au total, le FdG ne perd en face-à-face que dans trois cas : Hirson (Aisne), Harnes (Pas-de-Calais) et La Seyne (Var). Dans 19 cas gagnés, l’affrontement pouvait être jugé très difficile, voire ingagnable avant le second tour. Le résultat est donc allé au-delà des espérances de la veille. Les vieilles terres ouvrières du Nord, du Pas-de-Calais, de Meurthe-et-Moselle ou de la Loire ont bien résisté.

 

Dans 19 cas, les binômes du FdG enregistrent des résultats très satisfaisants, au-dessus des 60 % et même au-dessus des 70 % dans cinq cantons : Gennevilliers (76%), Saint-Junien (Haute-Vienne), les deux cantons de Vitry-sur-Seine et Isle-Manoire en Dordogne. Dans des territoires déstructurés par la crise, le Front de gauche a fait la démonstration qu’il n’y avait pas de fatalité à ce que, de mécontentement en colère puis en ressentiment, les catégories populaires basculent définitivement vers le Front national. Le FN entendait montrer qu’il avait pris la place du PCF en milieu populaire. Il réussit politiquement son coup sur le plan national (22% des suffrages au second tour) ; localement, il n’a pas mis les communistes et le FdG au tapis.

 

On notera aussi que, sur cinq cas de duel à gauche, le Front de gauche l’a emporté trois fois, à Bordères-sur-l’Echez (Hautes-Pyrénées), Saint-Vallier (Haute-Saône) et Montreuil (Seine-Saint-Denis), a été nettement battu dans le Val d’Ariège et de justesse dans les Monts du Livradois (Puy-de-Dôme).

 

 

- La géographie électorale du FdG transformée

Le second tour n’a pas amplifié le décrochage territorial du premier. Le Front de gauche avait des élus départementaux dans 61 départements ; ils sont désormais dans 37 départements, soit 24 de moins, pour l’essentiel perdus dès le premier tour. Le Front de gauche entre même dans le conseil départemental de la Lozère, département classé à droite dont on ignore souvent qu’il fut une terre de vote communiste dense au lendemain de la Libération et dans les années 1950.

 

Mais si la géographie électorale du FdG n’est pas bousculée, elle n’en est pas moins transformée. La petite ceinture parisienne résiste plutôt bien. Le Val-de-Marne conserve sa représentation communiste en l’état (9 binômes élus pour 18 conseillers sortants). Les Hauts-de-Seine confirment leur allant du premier tour et la Seine-Saint-Denis sauve les meubles, dans des conditions difficiles, et malgré la perte du canton du Blanc-Mesnil. La situation est moins favorable dans le Nord et le Pas-de-Calais où, malgré la bonne tenue face au Front national, le FdG perd une part non négligeable de la représentation communiste antérieure. Tandis que l’Aisne, l’Oise et la Somme maintiennent leur quota d’élus, les deux départements nordistes et la Seine-Maritime perdent près de la moitié de leur contingent initial.

 

La perte du Conseil départemental de l’Allier n’a en soi rien de surprenant, dans un département très disputé, dont la présidence a oscillé entre droite et gauche depuis plusieurs années. Mais le recul dans l’Allier est concomitant avec celui du Puy-de-Dôme (alors que l’implantation territoriale communiste s’y était nettement renforcée depuis vingt ans), du Cher (malgré les belles victoires sur le FN à Vierzon) et surtout de la Corrèze et la Haute-Vienne. Au milieu des années 1980, ces départements encore marqués par la tradition de la ruralité avaient un temps montré une meilleure résistance au déclin du vote communiste que les espaces les plus urbanisés. Le phénomène ne fonctionne plus depuis quelques années et le résultat décevant de ce dimanche de second tour en est l’illustration.

 

 

- Des digues qui se rompent au profit du FN

Un tour ne chasse pas l’autre et la complexité demeure sur les deux dimanches. Le Front de gauche a manifesté une belle tenue face au Front national. Mais, bien trop souvent, les écarts avec le FN ne sont plus ce qu’ils étaient. Pour l’instant, le parti de Marine Le Pen continue d’être rejeté par une part non négligeable de l’électorat, mais il n’a jamais eu des résultats aussi élevés. Ses capacités d’alliance restent limitées et les reports de l’électorat de droite en sa faveur ne suffisent pas à constituer une majorité. Pourtant, les digues ont commencé de se rompre et l’entreprise frontiste de légitimation continue de suivre son cours.

 

De l’autre côté, les reports à gauche semblent avoir fonctionné, sous réserve d’inventaire plus précis. Mais, contrairement à la stratégie d’étouffement du Parti socialiste – le chantage à la "tripartition" – il est de plus en plus évident que la logique ancienne de l’union de la gauche ne fonctionne plus comme autrefois.

 

Pour l’essentiel, le glissement vers sa droite du PS affaiblit la référence au rassemblement, a fortiori quand on explique qu’il doit obligatoirement se faire sous la houlette du parti dominant. Les dynamiques majoritaires à gauche ont donc besoin d’autres ressorts, sous peine de laisser la gauche s’enliser avec le PS et les catégories populaires s’enfoncer un peu plus dans l’abstention et le vote FN.

 

 

- Des points d’appui, mais une prise en tenaille

Pour l’instant, le Front de gauche vit sur l’acquis électoral du PCF, tout au moins dans les élections les plus territorialisées. Que cet ancrage montre des capacités de résistance, au demeurant très variables selon les élections, n’empêche pas le constat global fait depuis 2008. En dehors de l’élection présidentielle, le vote en faveur du Front de gauche reste dans les eaux modestes d’un vote communiste qui n’a pas interrompu son processus d’érosion par le haut. La dynamique électorale des zones de vote les moins denses ne compensent qu’en partie le tassement des anciens "bastions". Pour l’instant, l’ouverture des alliances à la gauche du PS n’a pas été assez large et assez visible pour marquer le paysage électoral.

 

Dans des contextes certes différents, le même niveau de recul en nombre d’élus s’est observé aux municipales de 2014 et aux départementales de 2015. Quand la gauche va très mal, le patrimoine existant n’est pas sans intérêt et constitue un point d’appui. Mais, en l’état, il ne permet pas au FdG d’échapper à la tenaille qui voue la gauche de gauche, soit à s’enfermer dans la posture d’un aiguillon protestataire et minoritaire, soit au contraire à n’être rien d’autre que le porteur d’eau d’une social-démocratie désormais bien éloignée de l’horizon égalitaire.

 

La culture de la critique sociale et de l’alternative ne peut se contenter d’une timide gestion patrimoniale de rentiers. La transformation sociale et le sursaut démocratique ont besoin de dynamiques bien plus créatives et entraînantes. Faute de quoi, le surplace d’un jour est sans cesse à deux doigts d’un recul du lendemain.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : Elections départementales

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2 avril 2015 4 02 /04 /avril /2015 08:03
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 3/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez ci-dessous la dernière partie.

 

Partie 3
Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.
- Être de culture et ordre globalitaire  

Cette stratégie contre-hégémonique prend sens dans une critique globale d’un économisme qui consiste à ne lire la société qu’en fonction des rapports de force dans le monde productif. Dès l’origine, le marxisme porte en lui un axiome intenable : la primauté des conditions de production sur les structures mentales de représentation du réel. Après la linéarité des processus historiques, Mélenchon attaque un autre pilier d’une lecture matérialiste de l’histoire : l’opposition entre infrastructure et superstructure. Le bannissement ad vitam aeternam  des représentations dans l’insignifiance constitutive de la superstructure biaise la compréhension des phénomènes sociaux contemporains.

 

Par conséquent, Mélenchon fustige la mutilation méthodologique qui consiste à réaliser une «  découpe stricte entre infrastructure des rapports réels de production et superstructure intellectuelle, culturelle et artistique » (débat suivant la projection du documentaire Rêver le travail). C’est la vision anthropologique même de l’Homme qui est tronquée puisque l’imbrication être de culture-être social se révèle inopérante dans le catéchisme marxiste. Au contraire, chez Mélenchon, « les êtres humains sont d’abord des êtres de culture, en même temps et même avant que des êtres sociaux » (ibid.). Les conséquences pratiques de ce renversement doivent être prises dans leur intégralité : « On ne penche pas à gauche à la seule lecture de son bulletin de paie » (À la conquête du Chaos). Il aime à rajouter qu’on ne fait pas des révolutions pour « des différentiels d’inflation » mais toujours pour « des idées si abstraites que la dignité ou la liberté ».

 

  • « Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel et dans un modèle social. »

 

Sa démonstration semble limpide : pour qu’une société où un petit nombre se gave sur le dos d’un grand nombre fonctionne, il faut que le très grand nombre soit d’accord ou résiste mollement. C’est donc, pour Mélenchon, par une forme d'envoûtement que le système capitaliste se perpétue. Notre quotidien est régi par une structure implicite : « Chaque être incorpore la logique du système productiviste par ses consommations » (p. 132). Ainsi, une culture individualisante fondée sur la réalisation de soi par la consommation de biens et de services fait littéralement corps en chacun de nous. Chaque consommateur devient un rouage d’une mécanique globale d’asservissement où la marchandise nous enrôle à la fois dans un modèle culturel – consommer pour être – et dans un modèle social – « le moins cher s’opère au prix du sang et des larmes : délocalisation, baisse des salaires, abandon des normes sanitaires et environnementales… » (p. 133). Cet ordre est théorisé par Jean-Luc Mélenchon sous la dénomination globalitaire : il « produit, selon la paraphrase du Manifeste de Parti Communiste que l’on doit à Miquel Amoros, à la fois l’insupportable et les hommes capables de le supporter ».

 

L’ordre est premièrement global. Il est partout. À la fois culturel et économique, il s’appuie sur les secteurs de la production pour contaminer l’école, le service public, la vie familiale ou les relations amicales. De l’ordre de l’ineffable, Mélenchon guette ses apparitions sporadiques jusqu’à l’incorporation et le conditionnement. La spécificité de la globalité moderne, par rapport aux systèmes du passé, réside dans son unicité : il n’existe plus de monde extérieur concurrent. Contre-empire, contre-culture et contre-valeurs ont été happés par un mécanisme holiste produisant un monde sans bord où l’ailleurs se confond avec l’ici. Deuxièmement, il est totalitaire puisqu’« il formate l’intimité de chacun » (p. 131). L’ordre social le plus efficace n’est pas celui imposé de l’extérieur, mais celui qui s’incorpore dans l’être, celui qu’on s’approprie alors qu’il nous est dicté, celui qu’on s’impose à soi-même. L’ordre globalitaire s’immisce dans chaque interstice de l’existence. Le contrôle collectif se réalise par « ses aspects non politiquement visibles » : par le comportement d’autrui culturellement formaté par l’appareil culturel dominant, les médias.

 

Toutefois, Mélenchon reconnaît la responsabilité historique de sa famille politique : le système globalitaire n’a pu prospérer que sur les ruines de ce qu’il appelle la « mémoire-savoir ». Il analyse que la gauche moderne, sombrant dans la « culture de l’instantanéité », a totalement désinvesti la production de cette mémoire collective des conflits sociaux – « l’école du mouvement social » – comme contrepoids à l’information marchande globalisée. En effet, la conséquence directe s’est manifestée dans l’abolition de la pensée critique, actualisée dans les luttes concrètes, qu’a historiquement portée le mouvement ouvrier. De surcroît, faire péricliter la mémoire légitime la stratégie de « disqualification du passé » à l’heure où il apparaît comme un refuge de valeurs morales et de traditions minimales opposables à la modernité globalitaire.

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Extrait de l'affiche Les nouveaux chiens de garde
 

L’écosocialisme

Le tableau est quasiment complet. L’ultime étape correspond à la synthèse doctrinale de ses influences philosophiques successives. Deux synthèses majeures jalonnent le parcours intellectuel de Jean-Luc Mélenchon. La première, propre à l’histoire politique française, s’incarne dans la figure de Jean Jaurès et permet d’opérer une synthèse entre socialisme et République, entre marxisme et philosophie des Lumières, entre matérialisme et idéalisme : la République sociale. Cette inspiration jaurésienne se retrouve chez Mélenchon dans nombres de sujets, comme la question des institutions politiques du socialisme ou la recherche d’une imbrication des émancipations politiques, juridiques, économiques et sociales – la dialectique des émancipations du philosophe Henri Penä-Ruiz.

 

  • « Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? »

 

La seconde vint se greffer avec l’apparition d’un nouveau paradigme que le vieux mouvement socialiste français a dû intégrer à son corpus initial, au risque de renier quelques-uns de ses fondamentaux. L’écologie – discours savant sur l’interaction des organismes vivants avec leur environnement – entra dans le débat public à force d’alertes de scientifiques et de catastrophes dites naturelles à répétition. Mélenchon reconnaît volontiers sa dette intellectuelle à l’égard des Verts. Comment allier la figure de l’Homme doué de raison des Lumières, dont l’existence est mue par la maîtrise de la nature, avec la défense de cette dernière ? Comment allier le développement illimité des forces productives et la société d’abondance que propose le communisme avec la finitude des ressources terrestres ? Aggiornamento de la pensée ou art de la synthèse conceptuelle, l’écosocialisme soumet une interpénétration des approches matérialistes, du socialisme, du communisme, de la philosophie des Lumières, de l’universalisme, du républicanisme et de la laïcité.

 

 

- Histoire de la nature et histoire de l’Homme  

Vacciné d’emblée contre la réification de la nature par certaines branches du mouvement écologiste grâce à sa formation marxiste, Mélenchon apposa le terme politique après celui d’écologie. Il ne s’agit pas de sauver une Nature essentialisée contre l’Homme, mais bien de sauver l’humanité contre les dégâts que l’activité humaine capitaliste fait subir à son écosystème. Sa posture n’est compréhensible qu’en re-contextualisant l’émergence du phénomène écologique – rapidement lié au nébuleux développement durable – dans une ambiance générale de neutralisation sémantique de l’écologie, notamment portée par Daniel Cohn-Bendit.

 

  • « Critique sociale et critique écologique, loin de s’exclure mutuellement, se combinent. »

 

Dans ce cadre de pensée, l’apport du marxisme permet de réactualiser la critique du capitalisme par le biais de l’écologie. L’analyse marxiste des contradictions inhérentes au capitalisme s’étaient jusque-là bornée aux crises économiques, sanitaires, guerrières ou culturelles, oubliant la crise des crises : celle qui remet en cause l’existence même de l’humanité en tant qu’espèce. Au même titre que le capitalisme concentre, du fait de sa dynamique d’accumulation illimitée, les moyens de production dans les mains d’un groupe toujours plus restreint de possédants et élargit ainsi la base des exploités qui retourneront leurs armes contre lui, sa ponction effrénée sur les ressources épuisables de la planète sonnera le glas de « sa cohérence et sa pérennité » (L’autre gauche, Mélenchon). Jean-Luc Mélenchon se sert de l’arme dialectique pour inclure la nouveauté conceptuelle écologique dans la marche matérialiste de l’Histoire. Et, en effet, la dialectique de la nature fait partie intégrante du travail philosophique du jeune Marx, qu’on s’intéresse à L’idéologie allemande ou aux Manuscrits de 1844 : « L’Histoire des hommes et celle de la nature se conditionnent réciproquement ». Bien que la transcription rétrospective d’une pensée à l’aune de sa contemporanéité représente certainement une limite à ne pas franchir – il ne s’agit évidemment pas d’affirmer que Marx théorisa inconsciemment le réchauffement climatique, le trou dans la couche d’ozone ou les énergies renouvelables –, la méthode matérialiste d’explication du monde part de la nature, c’est-à-dire « du corps non-organique de l’homme » (Marx), puisque la dépendance de l’Homme à la nature « est préalable à la forme historique de société qu’elle peut prendre » (L’autre gauche). De ce constat découle une hiérarchie bouleversée pour le mouvement socialiste : la critique sociale n’est plus exclusive puisque la lutte des classes est tributaire de la perpétuation « des conditions de vie propice à l’espèce humaine », de l’écosystème humain.

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Critique sociale et critique écologique, loin de s’exclure mutuellement, se combinent : « La crise sociale doit être réglée d’après les exigences que met en scène la crise écologique » (ibid.). D’où l’apostasie, pour la gauche radicale, quant à la nature productiviste du système. L’aggiornamento écosocialiste réfute désormais explicitement à la fois l’idée social-démocrate, qui consiste à remettre du charbon dans la machine capitaliste dans l’espoir qu’il en résulte des droits sociaux et une plus équitable répartition des richesses et communiste du développement illimité des forces productives.

 

 

- De l’égalité devant la nature à l’égalité entre les Hommes  

Le courant progressiste issu des Lumières porte cette contradiction dès l’origine : comment prouver rationnellement l’abstraction de l’égalité statutaire des individus entre eux ? Au fond, l’humanisme séculier est une croyance, au même titre que la supériorité raciale ou religieuse. Comme le mentionne souvent en galéjant Mélenchon, l’inégalité entre les Hommes sautent aux yeux à quiconque s’y arrête un instant : « Il y a des grands, des petits, des femmes, des hommes, des gros, des jaunes, des noirs, des intelligents, des moins intelligents ». Cette abstraction constitutive de la modernité a toujours fonctionné sous dimension performative : l’égalité formelle se réalisait en la déclarant. L’écologie politique a octroyé au mouvement de la modernité une nouvelle assise heuristique dans sa lutte séculière contre la réaction. En effet, le raisonnement tenu notamment par Jean-Luc Mélenchon se fonde sur l’universalité de la dépendance des êtres humains par rapport à leur écosystème : « Il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine ».

 

  • « L’écosystème humain, s’il est unique, est un bien commun de l’humanité que les intérêts privés ne peuvent accaparer. »

 

La recherche scientifique informe sur l’équilibre métastable de l’environnement terrestre qui nous accueille. L’Homme en tant qu’espèce ne représente qu’un infime moment de l’histoire de la Terre ; des conditions particulières ont rendu possible son développement tant et si bien que le bouleversement stochastique de ces conditions initiales remet en cause la survie de l’espèce. Par conséquent, si l’on réduit, en toutes hypothèses, l’être humain à sa caractéristique première, on trouve sa dépendance vitale à son environnement. L’aporie conceptuelle et logique d’une humanité découplée de son corps inorganique valide donc le pressentiment des philosophes du XVIIIe siècle et des révolutionnaires français : les êtres humains sont semblables. Et l’écologie politique rajoute : du fait de leur dépendance mutuelle à l’unique écosystème rendant leur existence possible. De l’égalité des hommes face à la nature à l’égalité des Hommes entre eux, il n’y a qu’un pas, que Mélenchon franchit au service de la grande idée d’égalité.

 

 

- Du bien commun universel à la République laïque  

Mélenchon, et à travers lui sa famille politique, réactualise l’idée originelle du communisme grâce à l’écologie politique. L’écosystème humain, s’il est unique, est un bien commun de l’humanité que les intérêts privés ne peuvent accaparer. Ce glissement de l’interdépendance des Hommes envers leur capacité de produire leur moyen d’existence à l’interdépendance envers l’écosystème humain justifie la nécessité de socialiser ces biens communs. Par exemple, la bataille pour extraire l’exploitation des réserves aqueuses du giron marchand représente un cas concret de cette communalisation des biens universels.  Ce ne sont donc pas les intérêts privés guidés par la main invisible du marché qui doivent assurer une allocation optimale des ressources naturelles de l’écosystème,  comme le propose la green economy – paradigme suggérant de transformer la nature en un panier de biens échangeables sur un marché auquel s’adjoint un prix. De l’intuition communiste, l’écologie politique comme formulée par l’ex candidat à la présidentielle, aboutit au régime institutionnel précis où il n’est pas question « de dire ce qui est pour moi mais ce qui est bon pour tous » : la République. Puisque l’écosystème nous concerne tous, l’égide sous lequel doit se poser le débat est celui de l’intérêt général humain.

 

  • « La dimension laïque et rationnelle de l’espace public est inextricablement liée à la question écologique. »

 

Parallèlement, il convient de préciser que c’est par le débat argumenté et la démocratie que les citoyens atteindront l’intérêt général. Dans la vision que soumet le Parti de Gauche, l’écologie n’est pas l’apanage d’experts scientifiques opinant sur des bisbilles techniciennes. Au contraire, le mode d’organisation écologique de la production soumise à la règle verte (« telle qu’on ne puisse prendre à la terre ce qu’elle est capable de renouveler en une année »), en tant que décision humaine (donc de son caractère temporaire et modifiable), s’inscrit dans cette recherche constante de l’intérêt général. Toutefois, encore faut-il que l’espace public qui accueille ce débat soit « débarrassé des vérités révélés ». La dimension laïque et rationnelle de l’espace public est inextricablement liée à la question écologique.

Jean-Luc Mélenchon à Aguarico, où il a symboliquement plongé la main dans une mare de pétrole.
 

De la gauche vers le peuple.

Du peuple vers Jean-Luc Mélenchon ?

L’intellectuel Mélenchon a posé un diagnostic du monde qui l’entoure et de la configuration politique qui se dessine en Europe. En réponse, le stratège Mélenchon entame le virage tactique de rigueur. Une fois les influences historiques et intellectuelles démêlées, tout esprit qui porte un intérêt minimal pour le cours des événements ne peut se satisfaire d’un constat froid, d’un simple cheminement de pensée. La question sort souvent de la bouche d’un journaliste feignant son imminente délectation : pourquoi ne profitez-vous pas électoralement de la colère populaire ? Et malgré cela, elle est fondamentale. La balayer d’un revers de main pour ne pas entretenir le défaitisme ne vaut pas mieux que les réponses à l’emporte-pièce des éternels donneurs de leçons. Reformulons notre interrogation dans les termes d’un débat qui permette de donner quelques clés d’analyse plutôt que d’asséner une vérité. Pour quelles raisons le processus historique de la révolution citoyenne qui, dans ses spécificités nationales, s’est concrétisée en Amérique latine et semble dessiner un chemin – sinueux, dirons certain – en Grèce et en Espagne, ne se répercute-t-il pas en France avec le Front de Gauche ?

 

 

- En attendant le désastre social

  • « Pour quelles raisons le processus historique de la révolution citoyenne ne se répercute-t-il pas en France avec le Front de Gauche ? »

 

Le premier élément de réponse consiste à assumer l’explication gramscienne du rôle des tranchées entre crise économique et crise d’hégémonie du système politique. Si l’on compare la situation des bases matérielles en France – niveau de revenu, taux de pauvreté, précarité de l’emploi, taux de chômage etc. – avec celle que connaît les Espagnols ou les Grecs, la différence de degré n’est pas négligeable. Sans se lancer dans un fastidieux exercice comptable, quelques données mettent les idées au clair : 24% de chômage en Espagne, 26% en Grèce, 10% en France ; suivant tous les indicateurs le taux de pauvreté en Grèce et Espagne est supérieur de 10 points à celui de la France. Une des interprétations possibles afin d’expliquer la dynamique pour l’instant non-majoritaire du Front de Gauche réside dans l’amortissement de la crise économique de 2008 par des tranchées redistributrives comme les indemnités chômage, les prestations sociales et le maintien d’une dépense publique relativement élevée. En effet, les cures d’austérité grecques et espagnoles sont d’une autre échelle : hausse de plusieurs points de différentes taxes dont la TVA, baisse nette du salaire des fonctionnaires, privatisations brutales, diminution des allocations chômage, des prestations sociales et des pensions de retraites, flexibilisation du marché du travail, réduction drastique de l’investissement public et des dotations aux collectivités locales, etc.

 

Autrement dit, est survenue dans ces pays une explosion des bases matérielles qui produisaient le consensus incarné par la social-démocratie (centre-gauche) et la démocratie-chrétienne (centre-droit). L’altération des conditions d’existence, doublée du démantèlement de certaines tranchées, a entraîné une crise d’hégémonie politique (ou crise de régime) permettant une ré-articulation des latéralisations politiques. Pablo Iglesias de Podemos donne un exemple du lien entre bouleversement des bases matérielles et bifurcation de la manière de penser des gens. Il explique que l’explosion de la bulle immobilière, suivie des saisies par les banques des biens immobiliers, ont retourné l’hégémonie juridique du droit inaliénable de propriété. S’est imposée progressivement comme supérieure l’idée d’un droit au logement décent pour tous, chose inimaginable, nous dit-il, dans le sens commun d’avant la crise.

 

  • « L’explosion de la bulle immobilière suivie des saisies par les banques des biens immobiliers ont retourné l’hégémonie juridique du droit inaliénable de propriété. »

 

Jean-Luc Mélenchon, qui récuse la politique du pire[1], est conscient du moment charnière où se trouve la classe moyenne française qui « se cramponne à des certitudes de pacotilles que le parti médiatique lui sert à grosse louche », note de blog du 4 février 2015). Il sait que la clef de tout processus révolutionnaire efficace est le basculement de ceux qui voient encore un intérêt à participer activement à la défense de ce système. Ce retournement semble s’être produit en Grèce et Espagne par un profond déclassement social.

Podemos, 2014, par Pau Barrena/Bloomberg

 

- Occuper l’espace délaissé par la social-démocratie

La séquence politique des révolutions citoyennes d’Amérique latine, de l’ascension au pouvoir de Syriza et prochainement de Podemos, présente une similitude majeure : l’investissement par une force politique de l’espace laissée vide par la social-démocratie et la démocratie chrétienne. En effet, s’opère un recentrement idéologique et programmatique de ces deux anciennes familles politiques autour des préceptes néolibéraux. Cela conduit à la marginalisation puis la scission de leurs branches antilibérales : le républicanisme et le socialisme « à gauche » – type Jean-Pierre Chevènement et Jean-Luc Mélenchon en France –, l’autoritarisme et le souverainisme « à droite » – type Philippe de Villiers et Nicolas Dupont-Aignan. Ce que la vulgate médiatique caricature en extrémisme, radicalisme ou populisme, ne correspond en réalité qu’à la traduction contemporaine – penchant écologiste et féministe en plus – de la rhétorique du compromis avec le capitalisme : rôle d’intervention et de redistribution de l’État, pilote de la conjoncture par les instruments budgétaires et monétaires, défense des services publics, souveraineté populaire, justice sociale, redistribution des richesses en faveur du travail, relance par la demande, etc.

 

 

- La spécificité française : le Front National

  • « La vague bleu marine ne se construit évidemment plus sur la vieille garde royaliste, nazie, pro-Algérie française ou le discours reaganien de son père. »

 

Dans chacune des configurations nationales évoquées plus haut, ce no man’s land politique n’a fait l’objet que d’une relative concurrence de l’extrême gauche révolutionnaire et de groupes nationalistes. Si elle n’épuise pas la complexité des phénomènes en jeu, une approche de l’histoire politique de ces pays permet de comprendre l’absence d’une force contre-hégémonique concurrente, populiste de droite, sur le même espace vide qu’est le Front National en France. Les pays d’Amérique latine, l’Espagne et la Grèce partagent un trait historique commun : une phase de transition récente (moins de quarante ans) de régimes dictatoriaux à des démocraties formelles. Si la droite autoritaire et nationaliste a été dissoute et réduite au statut de groupuscules en Amérique latine, elle est inaudible dans l’Europe du Sud. D’abord, en Espagne, les franquistes sont incorporés dans le Parti Populaire et ne peuvent donc jouer la carte anti-système. Puis, en Grèce, la formation néo-nazie Aube Dorée ne porte aucune réflexion stratégique sur un hypothétique devenir majoritaire en se réfugiant derrière des symboles très clivants ; pour reprendre le débat sur les signifiants flottants, on peut difficilement faire signifiant plus fermé que la rhétorique et l’iconographie nazies... Ainsi, Syriza et Podemos n’ont pas de concurrents populistes sérieux contre qui batailler pour la constitution hégémonique du sujet politique « peuple » - l’unique ennemi à affronter est la caste.

 

À l’inverse, Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche doivent manœuvrer avec un adversaire populiste de droite. L’implantation dans le paysage politique français du Front National depuis les années 1970 est une donnée majeure : ce n’est pas un mais deux discours qui tentent d’occuper ce même espace. En effet, il s’agit de nommer et d’analyser avec précision celui qu’on désire combattre. Il est sans doute essentiel de rappeler publiquement et à intervalles réguliers que, selon la formule consacrée, si la façade a changé l’arrière-boutique reste la même : les déclarations de candidats FN aux départementales sont là pour qu'on ne l'oublie pas. Néanmoins, tout stratège politique doit analyser avec rigueur et précision le changement de paradigme impulsé par Marine Le Pen depuis 2011. La vague bleu marine ne se construit évidemment plus sur la vieille garde royaliste, nazie, pro-Algérie française ou le discours reaganien de son père. C’est bien la mouvance souverainiste menée par l’ancien chevènementiste Florian Philippot – toujours prompt à faire l’éloge du Parti communiste de Georges Marchais – qui influence le discours de Marine Le Pen.

 

  • « La tactique proposée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle fut celle du Front contre Front. »

 

Jean-Luc Mélenchon ne s’y trompe pas : « Elle répète des pans entiers de mes discours ». Le journal Fakir, dans un très bon article intitulé « Quand Marine Le Pen cause comme nous » (n°63), démontre la reprise un à un des thèmes historiques de la gauche par le parti frontiste : la critique de l’Union Européenne, la souveraineté du peuple, les multinationales qui ne payent pas d’impôt, les évadés fiscaux, le système financier prédateur, la pauvreté, le chômage, un État planificateur, la laïcité, etc.

 

 

- Front contre Front : peuple contre peuple

Marine Le Pen ne se contente pas de reprendre à son compte les analyses et les propositions classiquement connotées « à gauche ». Elle n'ignore rien du rôle des identités collectives en politique et s’en sert pour constituer, elle aussi, son peuple comme potentialité contre-hégémonique. En plus de l’opposition verticale entre le haut et le bas se superpose une opposition horizontale entre nous – le peuple français – et eux – les immigrés, les étrangers, les assistés. Par conséquent, le Front National embrasse à la fois des problématiques sociales et des problématiques culturelles qui mettent en jeu le rapport à l'autre et les modes de vie. Loin d’être la bête irréfléchie que d'aucuns croient, le Front National version Philippot est une machine gramscienne à investir le sens commun et les signifiants flottants. La mise en avant de la notion d’insécurité, qui va de la précarité de l’emploi jusqu’aux questions identitaires, en passant par les conditions de vie quotidiennes, exprime bien la mue populiste de l’extrême droite traditionnelle. Insécurité sociale, culturelle et physique se combinent dans un même discours unitaire, qui prend appui, ou le prétend, sur les expériences et ressentis individuels et collectifs.

 

  • « Au peuple identitaire du Front National, Mélenchon répond par l’inclusion dans son peuple républicain des vagues d’immigration récente. »

 

La tactique proposée par Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle fut celle du Front contre Front. Prenant acte de l’inefficacité des postures morales – danger du fascisme, les heures les plus sombres de notre histoire, valeurs républicaines, etc. –, l’ancien candidat à l’investiture choisit de décortiquer le programme économique du Font National pour mettre en évidence ses incohérences. Après avoir donné la contradiction dans l’émission phare de la campagne « Des paroles et des actes », sur France 2, avec Marine Le Pen, il va l’affronter sur ses terres aux législatives d’Hénin-Beaumont. Front contre Front mais aussi peuple contre peuple. Au peuple identitaire du Front National, Mélenchon répond lors de son discours sur les plages du Prado à Marseille à Marseille par l’inclusion dans son peuple républicain des vagues d’immigration récente, notamment « arabes et berbères du Maghreb », cibles privilégiées de la communauté nationale exclusive de ses rivaux.

 

- Assumer la radicalité populiste

Pour l’instant, le Front National s'avance en tête. Depuis la campagne pour les élections européennes, la stratégie offensive menée par le Front de Gauche contre Marine Le Pen, pour la conquête de cette espace politique vide décrit précédemment, semble se chercher. Jean-Luc Mélenchon présente deux explications majeures : l’une exogène et l’autre endogène à son camp. La première pointe celle des médias dominants qui, selon lui, jouent la carte Marine Le Pen. D’une part, « le parti médiatique » multiplie les publi-reportages la mettant en scène et centralise ses thématiques de prédilection. D’autre part, les producteurs principaux de contenus idéologiques structurent un air du temps identitaire par la mise en agenda permanente, et encore plus depuis les attentats de début janvier, de faits divers où se répètent à l’infini les signifiants antisémitisme, islam, islamisme, musulmans, juifs, religions, banlieues, délinquance, etc. Ainsi, le discours du Front de Gauche, où prédominent les référents économiques et sociaux, s’ancrerait plus difficilement dans un sens commun bombardé de conflits culturels (là où celui de Marine Le Pen s’y calque idéalement).

 

  • « Une partie du Front de Gauche se voit encore comme force d’appoint du Parti Socialiste aux élections (ce qui ne fait que redorer le blason supposément anti-système du Front National). »

 

La seconde endosse une responsabilité certaine qu’il renvoie à ses camarades communistes. « Le Front de Gauche s’est rendu illisible » par des accords aux municipales avec le Parti Socialiste. Sans nier la puissance d’injonction du message médiatique, intéressons-nous à ce domaine maîtrisable par Jean-Luc Mélenchon et ses alliés : la stratégie politique. Dans la configuration actuelle, assumer la radicalité populiste parait être la seule voie de crête empruntable. Assumer la radicalité populiste signifie construire un « autre populisme ». Cela implique de s’emparer et d’arroser les racines contemporaines de l’opposition peuple-oligarchie pour que fleurisse une nouvelle hégémonie sur la représentation du peuple. Pour le dire sans ambages : il n’est plus possible de délaisser au Front National le monopole du discours radical – même s’il n’est que d’apparence – d’un point de vue socialiste, ou pour le dire autrement, d’un point de vue anticapitaliste.

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Assumer la radicalité populiste suppose de comprendre les conditions d’émergence d’une situation populiste qui donnent sa matérialité à ce discours. Comme l'estime Mélenchon, elle se définit par l’ère de la souveraineté limitée, de l’illégitimité du grand nombre au profit de règles automatiques de bonne gouvernance, de la démocratie conditionnée aux arrangements d’experts. Ainsi, des revendications et thématiques longtemps éteintes redeviennent clivantes si et seulement si elles se présentent sous l’angle de la souveraineté. Dans cette configuration, refuser certains sujets car faisant écho à des marqueurs historiques du Front National – pour ne pas faire son jeu – revient à oublier qu’ils renvoient, avant toute chose, à la situation populiste dont les données se définissent de plus en plus par en haut. Quelle expression a, par exemple, marqué le sens commun pour décrire ce que Jean Louis Michéa nomme l’alternance unique du PS et de l’UMP ? L’UMPS. Pablo Iglesias de Podemos – qu’on peut difficilement taxer de fasciste – ne louvoie pas lorsqu’il est question de qualifier les politiques menées par les deux partis de gouvernements espagnols en alternance depuis 1982 : « La différence je ne la vois pas, c’est pepsi cola et coca cola ». Encore une fois, la question à se poser porte sur la radicalité de l’analyse dans la situation populiste et sa traduction dans les actes. Jean-Luc Mélenchon en est bien conscient – il n’hésite pas à dire qu’« Hollande, à maints égards, c’est pire que Sarkozy » –, mais une partie du Front de Gauche se voit encore comme force d’appoint du Parti Socialiste aux élections (ce qui ne fait que redorer le blason supposément anti-système du Front National).

 

De même, tout ce qui apparaît comme ayant été exclu de la délibération publique par ceux d’en haut, donc en dehors du champ de la souveraineté populaire – de la monnaie unique au protectionnisme en passant par les politiques migratoires –, détient une forte potentialité de clivage en situation populiste. Toute ambition hégémonique du sens commun qui n’assume pas la conflictualité sur des sujets déjà investis par le concurrent lui laisse le champ libre. Il s’agit à chaque fois de les réarticuler d’un point de vue social et économique, là où le Front National leur donne une signification identitaire et nationaliste. Ne pas laisser le champ libre sans rien céder sur le fond. Telle est la singularité de la ligne de crête populiste par rapport aux lacets de la gauche : plus sinueuse car débarrassée de la volonté d’incarner le Vrai et le Bien dans l’Histoire, plus dangereuse puisqu’à vocation majoritaire, mais menant aussi de façon plus directe jusqu'aux sommets car elle s’adresse et construit le sujet politique de notre ère : le peuple.

 

Note :

[1] Cette position de Karl Marx entre protectionnisme et libre-échange résume assez correctement ce qu’est faire la politique du pire : « Mais en  général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. »

 

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1 avril 2015 3 01 /04 /avril /2015 08:00
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 2/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez le second texte ci-dessous.

 

Partie 2

 

Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.

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Pablo Iglesias, de Podemos (DR)
 

- L’ère du vol des mots et des signifiants flottants

Fin lecteur de George Orwell, l’eurodéputé témoigne des conséquences de « l’ère du vol des mots » (p. 26). Déjà lors de la campagne européenne de mai 2014, Mélenchon fustigeait «  les mots [qui] ne veulent plus rien dire. Ou bien s’ils veulent dire quelque chose, c’est le contraire de ce qui est dit » afin de proposer une sortie par le haut : « voilà comment il faudra les réinventer ». En effet, les mots sont des sédimentations historiques de sens et des puissants marqueurs symboliques. C’est évidemment le cas du mot gauche, dont l’écho dans le sens commun a été vidé de sa signification historique – être du côté des travailleurs. Mélenchon prend au sérieux l’expérience latino-américaine où ses camarades s’interdisaient de se revendiquer de la gauche puisque dans la tête des gens « gauche et droite c’est tout pareil » – puis rajoute : « Comment le démentir ? » (p. 27).

 

  • « Un signifiant trop ouvert – gauche ou progrès – ne permet pas d’assumer un antagonisme et, à l’inverse, un signifiant trop fermé et fortement clivant – marxiste – n’est séducteur que pour une minorité d’initiés. »

 

 

Si l’on se penche sur les influences latino-américaines de l’analyse mélenchonienne, il est indispensable de se référer au politiste argentin Ernest Laclau auteur de La raison populiste (2005). À rebours d’une conception procédurale de la démocratie, elle est pour Laclau un processus de construction/redéfinition constante des identités collectives. Ces identités se structurent autour de signifiants flottants qui sont l’arène des constructions hégémoniques concurrentes et de batailles pour imposer son ordre symbolique. Lors de période de crise d’hégémonie des superstructures, le champ des signifiants classiques se dissout. Ainsi, les forces politiques qui émergent doivent investir ces signifiants vidés de leur substance antérieure de manière stratégique. Un signifiant trop ouvert – par exemple gauche ou progrès – ne permet pas d’assumer un antagonisme et, à l’inverse, un signifiant trop fermé et fortement clivant – par exemple marxiste – n’est séducteur que pour une minorité d’initiés.

 

Jean-Luc Mélenchon, qui a rencontré et débattu avec Ernesto Laclau en Argentine, tente de mettre en pratique ces recommandations afin de reconfigurer le sens commun. Pour le tribun amoureux des mots et des concepts, il est aisé d’assumer la force performative du langage – quand dire crée du sens. Démocratie, patrie, système ou républicain, participent de ces catégories sujettes à disputes, tout comme le signifiant flottant par excellence : peuple.

 

 

- Constituer un nouveau bloc historique

L’étendard à porter sera donc celui du peuple, délaissant celui de gauche aux vautours de la rue de Solferino d’un côté et aux distributeurs de brevets révolutionnaires de l’autre. S’envolent progressivement les gens de gauche ou l’électorat de gauche pour laisser place au grand nombre, aux gens du commun et, en définitive, au peuple. Mélenchon assume une forme de populisme tout en critiquant la vacuité de ce concept qui, selon lui, en dit plus sur la haine de classe de ceux qui le prononce que d’une hypothétique essentialisation du peuple de leur contradicteur. Néanmoins, on retrouve bien une caractéristique populiste dans l’opposition verticale entre le haut – l’oligarchie – et le bas – le peuple – avec des intérêts en contradiction radicale.

 

  • « Mélenchon assume une forme de populisme tout en critiquant la vacuité de ce concept qui, selon lui, en dit plus sur la haine de classe de ceux qui le prononce. »

 

Cette rhétorique accompagne autant qu’elle construit ce qu’Ernesto Laclau nomme « la dichotomisation de l’espace social en deux camp antagonistes » (La raison populiste) lors d’une crise d’hégémonie du système politique. Loin de faire du peuple une essence et encore moins un élément de la structure sociale – qui reviendrait à définir des critères rigides de revenu, d’habitat, de diplôme etc. d’appartenance au peuple -, il est chez Mélenchon une « catégorie politique » ou, autrement dit, une potentialité contre-hégémonique. Cette dernière permet d’édifier un nouveau bloc historique, pour reprendre l’expression d’Antonio Gramsci, comme forces sociales convergentes autant sur des revendications matérielles que sur une vision du monde. Ainsi, si l’ennemi de l’oligarchie a le visage du capitalisme financier (dirigeants de fonds de pension, banquiers, patrons du CAC40, traders, etc.), alors l’artisan, le commerçant et même le petit patron peuvent participer à une « convergence des productifs » aux côtés des ouvriers et salariés sur le mot d’ordre d’une dé-financiarisation de l’économie.

 

 

- L’hégémonie culturelle : identifier, décrédibiliser, retourner

Comment constituer ce nouveau bloc historique comme potentialité contre-hégémonique ? L’action politique, pour Jean-Luc Mélenchon, s’appréhende en premier lieu par ses aspects culturels et a pour mission une « reconstruction de soi » qu’il nomme indistinctement « racine politique » ou « construction culturelle active » (intervention au symposium organisé par le Secrétariat de la Nation argentin, octobre 2012). Ainsi, il s’agit d’abord de dévoiler les vecteurs de l’hégémonie culturelle dominante au grand jour pour, ensuite, souffler sur les braises d’une conception du monde supérieure à celle des dominants. Mélenchon commence par identifier le cerbère à trois têtes gardien de l’ordre moderne – divertissement, publicité, médias politiques – afin de décrédibiliser ses représentants canoniques. Pour « rendre explicites les injonctions implicites de l’ordre […], les rendre visibles aux yeux de la conscience individuelle », le succès réside dans la conflictualisation des sujets dans l’arène politique, seule capable de « passer d’une hégémonie culturelle à une autre » (ibid.). C’est la stratégie qui consiste à taper dans la vitrine médiatique et ses experts cathodiques pour vacciner les consciences du schème de pensée qu’elle véhicule : il n’y a pas d’alternative.

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Nicolas Sarkozy et François Hollande le 8 mai 2012 (© Reuters)

 

Deux armes sont susceptibles de fendre « la deuxième peau du système » en la démystifiant. D’abord, l’eurodéputé tourne en ridicule, par l’humour et la raillerie, la force de l’évidence que recouvrent les discours dominants. « Moquez-vous d’eux ! », enjoint-il à ses concitoyens afin d’écorner la légitimité des importants qui façonnent l’air du temps – des caciques du PS et de l’UMP (40'30 - 47), aux journalistes et autres experts médiatiques. Puis, une fois l’effet démystificateur de la blague atteint, l’auditoire est dans les dispositions idéales pour la contre-argumentation seule capable de re-polariser le champ politique dans son sens : c’est la fonction contre-hégémonique de la radicalité concrète. Mélenchon s’inscrit dans la filiation jaurésienne qui, en son temps, abjurait ses contemporains à ne pas boire ses paroles car « envers une idée audacieuse […] vous avez le droit d’être exigeants […] de lui demander de faire ses preuves, […] par quelle série de formes juridiques et économiques elle assurera le passage de l’ordre existant à l’ordre nouveau » (discours du Pré-Saint-Gervais, 1913). Pourfendeur des « y’a qu’à, faut qu’on » médiatiques, l’explication de ses thèses occupe la majeure partie de son travail politique. Peu aidé par sa formation sur la poésie au XVIe siècle, Mélenchon se plie – non sans la récuser – aux exigences techniciennes de la grammaire médiatique où les spécificités de la politique fiscale libératoire s’enchainent avec les règlements de contrôle de l’activité numérique. Il s’évertue à déconstruire les argumentaires dominants au fil de ses interventions publiques. Cela implique d’accepter le débat quant à la traduction législative de la révolutionne citoyenne – et ne pas le renvoyer à la mission d’une classe élue par l’histoire.

 

  • « Exalter les affects ne ferait que réveiller la bête immonde du fascisme. Jean-Luc Mélenchon se targue d’avoir rompu avec une tradition rationaliste de son camp. »

 

Plus difficile, cette stratégie consiste également à conflictualiser les représentations qui passent par des canaux infrapolitiques, c’est-à-dire le divertissement et la publicité. Sa critique de l’histoire de la Révolution française véhiculée par le jeu vidéo Assasin's Creed en est un bon exemple. Néanmoins, parler à la raison ne suffit pas pour retourner l’hégémonie. Puisque l’ordre globalitaire (cf. seconde partie de l'article) investit jusqu’à l’intimité de chacun en constituant des subjectivités – des rapports à soi et au monde – ainsi que des comportements propices à l’accumulation capitaliste, la tentative contre-hégémonique doit se situer sur le même terrain. Toutefois, la gauche est prise de panique dès qu’il est question de passions politiques car traumatisées par les expériences totalitaires du XXe siècle. Exalter les affects ne ferait que réveiller la bête immonde du fascisme. Jean-Luc Mélenchon se targue d’avoir rompu avec une tradition rationaliste de son camp : « Je parle à ton cœur ».

 

L’idée est de glorifier les valeurs anticapitalistes – « les gisements culturels précapitalistes » de Cornlius Castoriadis – qui s’entremêlent et font un compromis quotidien avec l’ordre marchand de l’intérêt rationnel. A la logique de la concurrence et du profit, l’ancien candidat à la présidentielle loue les vertus de la solidarité et du désintéressement. Sont de retour sur la place publique les termes d’honneur, de morale, de dignité et même d’amour. Sans idéaliser les pratiques populaires, Mélenchon s’éloigne des considérations d’une certaine gauche abhorrant le travail manuel au profit du loisir intellectuel et discréditant les activités culturelles dites non légitimes. Qu’il soit question « de l’amour du travail bien fait » ou « des petits bonheurs simples de la vie », le tribun évoque à chaque meeting la simplicité du quotidien en opposition à l’opulence des puissants. Par exemple, sa défense du repos dominical s’inscrit explicitement dans cette bataille « valeurs contre valeurs ».

 

 

- S’emparer de la culture du pays

  • « Ces monuments de l’imaginaire collectif populaire incarnent autre chose qu’une simple identité particulière : ils représentent la capacité d’un peuple à décider de son destin. »

 

Raison, intériorité et… histoire politique commune. Là où la culture dominante discrédite le passé pour valoriser un présent de jouissance immédiate, l’identification à un récit collectif fait bégayer les rouages de l’hégémonie culturelle ; là où elle uniformise sur le mode de la marchandise globalisée, le référent national l’attaque de front. Les révolutions citoyennes d’Amérique latine ont chacune porté, en confrontation à leurs élites mondialisées issues du monde anglo-saxon, une identité nationale puisée dans leur histoire politique et culturelle. C’est la figure de Boliva au Venezuela, celles de San Martin et Juan Domingo Perôn en Argentine ou de la culture indigène représentée par Tûpac Amaru en Bolivie. Ces monuments de l’imaginaire collectif populaire incarnent autre chose qu’une simple identité particulière : ils représentent la capacité d’un peuple à décider de son destin contre les règles automatiques d’une technocratie ; autrement dit, la souveraineté.

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Jean Jaurès au Pré-Saint-Gervais, le 25 mai 1913. (© Maurice-Louis Branger / Roger-Viollet)

 

Jean-Luc Mélenchon décèle une configuration semblable en Europe. Devant la pauvreté du récit collectif porté par les tenants de l’Union Européenne – la sempiternelle « Europe de la paix » –, qui cache son agencement technocratique, la constitution contre-hégémonique du peuple doit prendre appui sur une identité nationale. De qui sommes-nous les héritiers ? Fille de la Grande révolution de 1789, l’identité française se confond avec son identité républicaine : « La Nation est une construction et non une essence » (Discours à l'agora de l'Humanité sur les discours de Jaurès en Amérique latine septembre 2010). En effet, en connaisseur de l’histoire révolutionnaire française, Mélenchon s’emploie à retisser le fil de la conception émancipatrice de la Nation. Il exhume la figure de Maximilien Robespierre afin de lier Révolution bourgeoise et revendications démocratiques et sociales du mouvement socialiste. Ainsi, l’identité française sublimée – « la patrie républicaine » – se confond avec la citoyenneté et les droits politiques qui en découlent : elle est la souveraineté même du peuple. Puisque les Français n'ont pas la même couleur de peau, la même religion, les mêmes coutumes et que même la langue n'est pas le plus petit dénominateur commun, la Nation française ne peut être fondée sur une approche ethnique, religieuse ou culturelle. Seul le consentement au pacte politique la définit.

 

  • « De qui sommes-nous les héritiers ? »

 

La rhétorique mélenchonienne propose une identité collective à se réapproprier qui mixe histoire républicaine et histoire socialiste. Pendant la campagne de 2012, le tribun dispense des leçons à la fois d’histoire des symboles du mouvement ouvrier (L’Internationale, le drapeau rouge, le poing fermé, la Commune de Paris) et de l’imaginaire républicain (récit des épopées de 1789, citations de Victor Hugo, la résistance au nazisme). Par conséquent, c’est la personne emblématique de Jean Jaurès qui incarne le mieux cette synthèse. On retrouve chez Mélenchon, et encore plus chez Pablo Iglesias – qui s’appuie lui sur l’imaginaire républicain espagnol contre la monarchie –, la valorisation sémantique de la « patrie » comme propriété de ceux qui n’en ont pas. Elle est celle qui éduque, qui soigne, qui protège et doit donc être arrachée à la caste passagère qui l’accapare pour son intérêt ou celui des puissances financières.

 

 

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31 mars 2015 2 31 /03 /mars /2015 08:00
Mélenchon, de la Gauche au Peuple (article 1/3)

Nous ne parlerons pas d'actualité. Nous ne parlerons pas de ses piques, bons mots et polémiques. Nous ne parlerons de scrutins ni d'alliances. En un mot comme en mille, tout a déjà été dit, ailleurs et partout, sur ces sujets. Jean-Luc Mélenchon est l'une des voix les plus connues, parce que médiatique, du socialisme critique contemporain : le personnage, comme le projet politique qu'il porte, ne fait naturellement pas l'unanimité dans la grande et cacophonique famille anticapitaliste — trop autoritaire et institutionnel pour les libertaires, trop social-démocrate pour les communistes radicaux, trop républicain pour les trotskystes...

 

L'intéressé a pourtant déclaré un jour : « Nous sommes tous des socialistes, des communistes, des écologistes, des trotskystes et même des libertaires à notre manière ! Nous sommes tout cela et nous sommes passionnément républicains ! Bref, nous sommes de gauche, en général et en particulier. Nous prenons tout et nous répondons de tout. » C'était en 2008. Or, depuis quelques mois, Mélenchon amorce un virage politique que l'on ne peut ignorer : le système, explique-t-il, ne redoute pas la gauche (qu'il peut à sa guise récupérer) mais le peuple. Dépassionner l'homme public pour rendre intelligible le cheminement de cette évolution : telle est l'ambition de cet article en trois parties dont vous trouverez le premier texte ci-dessous.

 

Partie 1

 

Source : Revue-Ballast.fr par Alexis Gales - 11 mars 2015 Etudiant et orwellien.

Si notre attention se limite à ses bons mots travaillés au millimètre ou à ses commentateurs médiatiques, la partition jouée par Jean-Luc Mélenchon semble demeurer intacte. Incarner la colère populaire par le parler « dru et cru », taper sur les représentants du système de Merkel aux locataires de la rue de Solférino en passant par la Commission européenne, retourner les procès médiatiques en populisme ou germanophobie contre leurs auteurs, travailler à une opposition de gauche au gouvernement en vue des élections intermédiaires… sa stratégie politique suit la ligne tracée depuis mai 2012. Néanmoins, la mélodie de fond s’est bouleversée ces derniers mois. Si l’on tend cette fois-ci l’oreille en deçà des radars du spectacle, le ciment historique sur lequel Mélenchon s’est construit vacille. Aux références à la gauche – même la « vraie » ou la « radicale » – se substituent celles au peuple. Le parti politique n’encadre plus au profit d’initiatives citoyennes, le clivage gauche-droite s’éteint sous l’opposition peuple-oligarchie, à ses anciens livres En quête de gauche et l’Autre gauche leur succèdent Qu’ils s’en aillent tous et L’ère du peuple. Bref, le député européen aurait posé l’étendard « gauche », lui préférant celui de « peuple ». Au-delà du simple signifiant, ce passage de la gauche vers le peuple est le fruit d’une importante réflexion autant intellectuelle que stratégique.

 

  • « La mélodie de fond s’est bouleversée ces derniers mois. Si l’on tend cette fois-ci l’oreille en deçà des radars du spectacle, le ciment historique sur lequel Mélenchon s’est construit vacille. »

 

En effet, Jean-Luc Mélenchon se plaît à être qualifié d’intellectuel. Héritier d’une longue tradition, ce qu’on nomme le mouvement socialiste a toujours eu à sa tête des théoriciens de la pratique. Les hommes et les femmes capables d’analyser avec précision et méthode les contradictions de leur époque afin d’en tirer une stratégie révolutionnaire ont historiquement tenu le haut du pavé : Jean Jaurès, Rosa Luxembourg ou Antonio Gramsci, pour citer les plus éminents représentants. C’est ce travail de fond que soumet aujourd’hui le fondateur du Parti de Gauche lorsqu’il entend démontrer que l’ère du peuple frappe à la porte de l’Histoire, enterrant implicitement l’ère de la gauche dans un passé révolu. Du constat de trois grandes bifurcations en jeu – anthropologique, climatique et géopolitique – émerge un nouvel acteur de l’Histoire, le peuple urbain, et son nouveau terrain d’expression, l’espace public, ainsi qu’une stratégie de prise de pouvoir, la révolution citoyenne, adossée à la doctrine émancipatrice de notre temps : l’éco-socialisme.

 

Pour saisir ce nouveau chemin de crête, il est nécessaire de revenir à ses soubassements philosophiques originaires et ses référents intellectuels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que notre licencié de philosophie n’en est pas avare. Dépassionner le personnage pour rendre intelligible le cheminement de sa pensée : voilà notre idée directrice.

 

 

L’outil matérialiste : les trois bifurcations

Toute doctrine politique s’appuie sur un diagnostic du monde qui l’entoure. Néanmoins, la méthode utilisée afin d’élaborer ce constat n’est pas neutre. Elle implique de trancher, même implicitement, des questions fondamentales comme la nature de l’Homme ou d’adopter une certaine philosophie de l’Histoire. Ainsi, dans le tableau que Jean-Luc Mélenchon nous propose des sociétés humaines à l’aube du XXIe siècle apparaît à grands traits l’outil matérialiste d’explication du monde. Le jeune Mélenchon doit à la lecture de L’idéologie allemande son adhésion au matérialisme historique, évoqué comme une « révélation » : le référent premier doit être l’activité pratique de l’Homme, c’est-à-dire le mode de production par l’Homme de ses moyens d’existence. L’approche d’un matérialiste sur les évènements se caractérise par une méthode – le matérialisme dialectique – résumée en trois principes : la primauté de la matière concrète du réel, le réel comme processus, les processus comme parties intégrantes d’une totalité.

Place de la Bastille (DR)
 

- Anthropologie, climat et géopolitique

Le point de départ de son étude à vocation scientifique des sociétés humaines est une loi qui guide leur marche : celle du nombre et de la reproduction biologique. De la croissance exponentielle de l’humanité – il a fallu deux cent mille ans pour atteindre le premier milliard et seulement onze pour passer de six à sept milliards ! – dépend tout le reste de l’organisation sociale. C’est « la condition humaine elle-même » (L’ère du peuple, p. 34) qui se retrouve bouleversée puisque les besoins humains entrainent l’invention de nouvelles techniques ainsi que l’expansion de l’humanité sur le globe entier et dans les mers. On retrouve ici l’idée d’un certain déterminisme causal : « L’histoire humaine est d’abord celle du nombre des individus qui la composent » (ibid.). Fidèle à la tradition marxiste, Mélenchon refuse de définir une nature de l’Homme au profit d’une production de soi par le rapport socialisé au monde. Quel degré de proximité y a-t-il entre les premiers groupes humains vivant de la cueillette et l’homme contemporain, hybridé avec la machine et achetant son repas au supermarché ? Peut-on parler de la même humanité entre une femme enceinte dès l’âge de la puberté et s’éteignant avant d’atteindre la trentaine et celle d’aujourd’hui choisissant d’enfanter grâce à la contraception – « une aptitude biologique n’est plus un destin social » – et vivant jusqu’à quatre-vingt-cinq ans ?

 

  • « Fidèle à la tradition marxiste, Mélenchon refuse de définir une nature de l’Homme au profit d’une production de soi par le rapport socialisé au monde. »

 

La bifurcation anthropologique de l’humanité remodèle jusqu’à son rapport au temps. Ce dernier, « propriété de l’univers social » et défini comme « le rythme auquel se font les choses » (p. 93), n’est pas immuable à travers les époques. Entre la société paysanne contrainte par la temporalité de l’agriculture et les cycles saisonniers au « temps zéro » des flux financiers internationaux se trouve un abysse que l’humanité a sauté en moins de deux siècles. L’accroissement du nombre lui-même, multiplicateur des liens et catalyseur des bouleversements de l’histoire humaine, induit quasi-mécaniquement l’invention de techniques et le mode de production et d’échange. Le capitalisme financiarisé façonne donc le rapport humain au temps – celui de la vie, des objets, des savoirs etc. – en imposant la temporalité dominante des possédants. Mélenchon semble calquer la découpe analytique matérialiste entre une infrastructure des rapports de production déterminant intégralement une superstructure idéel – ici le rapport individuel et collectif au temps.

 

La conséquence directe du nombre croissant des êtres humains est le danger de leur activité sur l’écosystème. La course aux matières premières et le modèle productiviste afin de répondre aux besoins humains entraînent l’émission massive de gaz carbonique qui réchauffe l’atmosphère. Cela conduit à une réaction en chaîne : température plus élevée, fonte des glaces, élévation du niveau de la mer et libération de gaz à effet de serre, accélération de l’évaporation donc des pluies, bouleversement de la biodiversité, extinction d’espèces etc. Une ère nouvelle a pris place : l’anthropocène, celle des hommes. La bifurcation climatique, encore plus que la bifurcation anthropologique, s’explique par les lois de la science (la climatologie en tête). En effet, Jean-Luc Mélenchon est un des rares hommes politiques à entretenir un dialogue constant avec les sciences « dures ». Il utilise nombre de métaphores scientifiques afin de rendre compte du monde social (comme les processus stochastiques issus de la physique des systèmes dynamiques ou le principe d'incertitude venu de la physique quantique).

 

  • « Le capitalisme financiarisé façonne donc le rapport humain au temps – celui de la vie, des objets, des savoirs etc. – en imposant la temporalité dominante des possédants. »

 

La troisième bifurcation, géopolitique, suit le même schéma. Partant d’une analyse matérialiste en termes de rapports de force monétaires et de structure de l’économie américaine, Mélenchon en conclut l’attitude, par intérêt, belliqueuse des États-Unis d’Amérique et de son bras armé, l’OTAN. Le gouvernement nord-américain a imprimé une masse gigantesque de dollars sans aucune contrepartie matérielle dont il assure la valeur par sa présence militaire aux quatre coins du globe. De même, le volant d’entrainement de l’économie américaine est inféodé au complexe militaro-industriel. Ces deux éléments matériels poussent à une production et une présence militaire toujours plus importantes. Ainsi, il détricote le « voile tissé des fils les plus immatériels [de l’idéalisme] » (Marx) propre à la rhétorique d’un « choc des civilisations », théorisé par Samuel Huntington au milieu des années 1990, d’hypothétiques valeurs de Démocratie et de Droits de l’homme à défendre les armes à la main le long des pipelines de pétrole. Mélenchon prédit donc une bifurcation géopolitique de l’ordre mondial lorsque les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), et leur monnaie d’échange récemment institué pour concurrencer le dollar, devanceront les États-Unis en termes de puissance économique. Il assume le primat du changement sur l’essence, des processus sur les choses. Cette vision processuelle du réel, où l’accent est mis sur le caractère mouvant et transitoire de toutes choses, est indissociable des analyses mélenchoniennes.

 

Enfin, et de manière évidemment liée, la méthode matérialiste ne pense pas les processus comme indépendants entre eux. Ces trois bifurcations ne sont pas irréductibles les unes aux autres, mais au contraire, communiquent si étroitement qu’elles n’en font qu’une. Facteurs démographiques, économiques, techniques, écologiques, militaires et géopolitiques se mêlent constamment dans ses explications. De fait, la totalité ou la globalité de la dialectique s’incarne dans la capacité à éclairer les connexions du mouvement d’ensemble. Face à un mouvement général d’extériorisation et de juxtaposition des thématiques contemporaines, Jean-Luc Mélenchon s’évertue à collecter les pièces du puzzle et à pointer les manifestations, à première vue insignifiantes, du capitalisme en tant que système.

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Cinquième sommet des BRICS, 2013 (DR)
 

Le nouvel acteur de l’Histoire : le peuple

Face au constat dominé par l’émergence du grand nombre sur la scène de l’histoire, qui porte le drapeau de la révolte ? Le matérialisme historique dont s’est revendiqué le mouvement socialiste jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle ne jure que par la classe ouvrière comme protagoniste de l’Histoire de l’humanité. Un ensemble homogène dont l’appartenance exclusive se trouve rabattu sur sa position dans le processus de production. Bien que cotisant à l’outil matérialiste d’explication du monde, Jean-Luc Mélenchon s’est distancié, depuis son premier ouvrage À la conquête du chaos, en 1991, d’une lecture dogmatique et anhistorique du marxisme. Il s’agit de distinguer chez Mélenchon, à l’instar des travaux de Louis Althusser, entre une philosophie marxiste comme méthode dont il se réclame et une théorie scientifique de l’histoire qu’il nuance abondamment. C’est dans le contexte de cette remise en question globale de lois déterministes de l’histoire des sociétés humaines qu’il faut comprendre le recours au peuple supplantant la classe ouvrière.

 

 

- Relativiser la marche matérialiste de l’Histoire

  • « Le déterminisme historique marxiste postule la succession de formes d’organisations sociales liées positivement entre elles puisque chaque étape postérieure rapproche l’Homme du stade ultime. »

 

L’apostasie tombe comme un couperet dès son tout premier ouvrage : « Le socialisme n’est-il qu’un mythe prophétique comme un autre ? » Cette question existentielle se comprend dans le contexte terrible du débat politique des années 1990. Le mur de Berlin emmène dans sa chute la fin de l’Histoire et des grandes idéologies. S’attaquer en 1991 au matérialisme historique tout en méprisant l’avènement concomitant de la science économique néoclassique (dite rationnelle) apparaît comme un jeu d’équilibriste. Jean-Luc Mélenchon, conscient de l’incapacité d’une loi matérialiste à expliquer l’intégralité des évènements de son temps, entreprend « d’en finir avec les conceptions théologiques de la politique : son rôle n’est pas de se présenter comme la science globale de l’activité humaine ou comme la religion des jours meilleurs ». Libéralisme et déterminisme historique se confondent dans cet énoncé. Face à une élite politique social-démocrate qui s’immisce avec enthousiasme dans ce nouveau rabattage des cartes – « les nouveaux parvenus du socialisme gestionnaire et leur réalisme de pacotille » – et l’extrême gauche – « les récitants du catéchisme marxiste du passé » –, celui qui a été le plus jeune sénateur français ouvre la voie à une nouvelle théorie apte à comprendre le « mouvement réel des sociétés humaines » par l’interaction des composants isolés du système. Si, comme le dit George Orwel, « il est nécessaire, pour défendre le socialisme, de commencer à l’attaquer », l’assaut proposé par Mélenchon cible un de ses piliers canoniques : la théorie des stades de développement.

 

Le déterminisme historique marxiste postule la succession de formes d’organisations sociales liées positivement entre elles puisque chaque étape postérieure rapproche l’Homme du stade ultime où sa condition sociale coïncidera avec l’idée qu’il se fait de lui-même. L’histoire des sociétés humaines s’expliquerait donc avant tout par des raisons économiques et techniques : elle serait régie par un « mystérieux programme transcendant […] qui a pour noyau dur le développement continuel de l’invention technique et scientifique […] non seulement automatique mais également d’une neutralité philosophique absolue » (Orwell Educateur, Jean-Claude Michéa). Mélenchon engage son apostasie. Les faits culturels, les structures mentales ou l’imaginaire collectif sont susceptibles d’empêcher, de ralentir ou à l’inverse, de favoriser, d’accélérer le dépassement des ordres sociaux économiques, les avancées technologiques ou le mode de production. Quelle stupeur traversa le courant marxiste lorsque des ethnologues conclurent que l’invention de l’agriculture ne fut en rien une solution pragmatique pour pallier à la précarité de la cueillette mais la conséquence fortuite d’un banal culte consistant à enterrer des graines. La présence ou l’absence de conditions politiques et culturelles nuancent le déterminisme technique des stades évolutifs. En effet, la critique de la linéarité des processus historiques fit l’objet d’un examen précis par Jean-Luc Mélenchon qu’il condensa dans son premier ouvrage À la conquête du chaos. L’incertitude serait donc une « propriété indépassable de l’univers social ».

 

 

- De la classe ouvrière au peuple urbain

  • « Les bouleversements du monde salarié en un émiettement des catégories socioprofessionnelles ont flouté les repères traditionnels.»

 

Quel acteur désigne alors Jean-Luc Mélenchon pour hériter du témoin révolutionnaire ? La catégorie marxiste de classe ouvrière avait l’avantage de définir une frontière nette entre travailleurs – Gramsci y incluait la paysannerie – et capitalistes : détenteurs de leur seule force de travail contre détenteurs du capital. Néanmoins, les bouleversements du monde salarié en un émiettement des catégories socioprofessionnelles – ouvriers d’industrie, ouvriers agricoles, employés de service, fonctionnaires, cadres d’entreprise, chômeurs etc. – ont flouté les repères traditionnels. Ainsi, se comprend l’usage récurrent du concept de peuple au détriment de celui de classe. Même si cette référence s’articule partiellement autour de la notion de peuple-classe – ensemble des dominés dans les rapports de production –, il reste la dominante du laïkos – le peuple dans son indivisibilité. C’est toute la mythologie du fardeau de la classe ouvrière quant à son rôle révolutionnaire qui s’écroule. Mélenchon ne croit pas que « la classe ouvrière ait à s’emparer par elle-même du pouvoir d’ensemble de la société et que c’est de son mouvement mécanique que va résulter le bien commun » (Discours à la loge du Grand Orient, janvier 2012).

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Par Lewis Hine, 1931

Pour Mélenchon, le successeur de l’homo laborans sera l’homo urbanus, celui de la classe ouvrière le peuple urbain. Encore une fois, la clé de lecture est le fait populationnel urbain qui tend à s’universaliser et implique des « liens forts d’interdépendance, […] une vaste machinerie sociale concentrée en milieu urbain » (p. 110). De ce phénomène émerge la figure première et indépendante de la condition sociale érigée par la modernité politique occidentale : l’individu. Il s’empresse de le rappeler dès qu’il en a l’occasion. Sa matrice originelle, celle à partir de laquelle il a construit sa vie de militant politique, est la doctrine qui « a libéré l’individu » du « vieux monde », décrit comme un « fatras de privilèges et de puissants ». La philosophie des Lumières « habite émotionnellement » (7 mars 2012, émission La fabrique de l'Histoire) le natif de Tanger depuis son plus jeune âge.

 

  • « Chaque individu est capable de s’arracher des institutions (famille, Église, communauté villageoise) ou médiations (patriarche, curé, préjugés) qui lui barrent la route de l’autonomie intellectuelle. »

 

Un des grands principes philosophiques dont il se fait l’héritier est le statut de la raison. L’idée d’une transcendance antérieure à la volonté humaine à laquelle il devrait se soumettre intégralement est battue en brèche par les philosophes du XVIIe et XVIIIe siècle : l’Homme est capable d’autonomie, il peut s’instituer sa propre loi. La première des autonomies étant, évidemment, celle de penser par soi-même. Ce primat de la raison individuelle sur les déterminants extérieurs ou antérieures à la condition humaine fonde l’approche politique de Jean-Luc Mélenchon, d’où son constant appel aux capacités réflexives de chacun. Chaque individu est capable de s’arracher des institutions (famille, Église, communauté villageoise) ou médiations (patriarche, curé, préjugés) qui lui barrent la route de l’autonomie intellectuelle. La ville permet plus en amont l’épanouissement de cette individualité enténébrée dans les anciennes structures sociales.

 

 

- De l’usine à l’espace public

À chaque sujet révolutionnaire de l’Histoire correspond un lieu physique à sublimer par l’action du nombre. Dans l’analyse marxiste traditionnelle, le prolétariat ouvrier doit s’emparer de son terrain de prédilection où se produit la richesse : l’usine. Ce lieu qui cristallise les contradictions du système permet une double prise de pouvoir. La première est une prise de pouvoir sur soi, sur sa subjectivité au contact d’une condition sociale partagée par ses semblables – c’est le passage chez Marx d’une classe en soi (avec des intérêts communs) à une classe pour soi (consciente de ses intérêts communs). La seconde est une prise de pouvoir matérielle sur le lieu lui-même, de possession collective par la dépossession privée. « L’entreprise n’est plus le lieu central où s’exprime une conscience politique globale » (p. 123) assène Jean-Luc Mélenchon. Désindustrialisation, délocalisations, criminalisation de l’action syndicale, menaces de licenciement et éclatement des grandes industries en entités de petites tailles ont eu raison de la figure emblématique de l’usine. La partition révolutionnaire du peuple urbain se joue donc sur une autre scène : l’espace public, et son incarnation contemporaine, la ville.

 

  • « Le nouvel âge des révolutions se caractérise donc par le déferlement du peuple en ville et l’occupation des places poussés par des revendications communes de conditions dignes d’existence. »

 

La ville moderne symbolise plus que jamais les rapports de domination capitalistes entre des centres villes embourgeoisés, des ghettos riches, des grands ensembles où se concentrent la misère et une relégation périurbaine qui reflète des nouvelles formes de relégations sociales. Si, pour Mélenchon le matérialiste, « à toute condition sociale finit par correspondre une conscience collective » (p. 115), alors émerge une condition urbaine autour d’enjeux collectifs comme les transports, la santé, l’éducation, l’emploi ou l’habitat. Le nouvel âge des révolutions se caractérise donc par le déferlement du peuple en ville et l’occupation des places poussés par des revendications communes de conditions dignes d’existence. De la Puerta del Sol à la place Tahrir en passant par les révolutions latino-américaines, le schéma suit la dilution de la classe ouvrière homogène dans un peuple urbain hétérogène. De plus, le nouvel âge des réseaux – celui des réseaux sociaux sur la toile –  dédouble et amplifie l’espace public formant « une cité sans fin » (p. 109). Mélenchon critique l’opposition simpliste entre matérialité du face-à-face et virtualité du réseau social. Le rôle joué par ces derniers en Égypte, Tunisie, Espagne ou Turquie comme catalyseur des forces matérielles ne peut être négligé. Ainsi, la mise en réseau numérique, tout comme la mise en réseau physique (transports, électricité, eau) participe à la formation d’une conscience collective urbaine.

 

Laissons l’eurodéputé conclure : « Le peuple est le sujet de l’histoire contemporaine. Le peuple c’est la multitude urbaine prenant conscience d’elle-même à travers ses revendications communes » (p. 119).

 

 

La révolution citoyenne : la leçon latino-américaine

Si la figure révolutionnaire ainsi que son terrain d’épanouissement se sont modifiés, alors il en va de même pour la stratégie d’action à suivre. La révolution qu’appelle de ses vœux Jean-Luc Mélenchon est et ne peut être que doublement citoyenne. Citoyenne d’abord car portée, comme nous venons de le voir, par l’individu-citoyen au-delà de sa simple place dans le processus de production. Citoyenne ensuite car englobant des objectifs universels au-delà de la simple socialisation des moyens de productions comme la défense de l’écosystème. Plus que de répéter la définition canonique qu’en donne Mélenchon – révolution du régime de la propriété, des normes juridiques et de l’ordre institutionnel –, tentons de voir l’inspiration historique que furent les révolutions citoyennes d’Amérique latine ainsi que ses influences intellectuelles dans la tradition marxiste.

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Mélenchon et Chavez (DR)
 

- Le laboratoire latino-américain

  • « L’Amérique du Sud représente le traumatisme du coup d’État contre Salvador Allende et les récits "des nôtres" – les militants socialistes et communistes – retrouvés dans les fosses communes. »

« Non, l’Histoire n’est pas finie ! », tel est le message plein d’espoir que tire Jean-Luc Mélenchon des mouvements populaires latino-américains, qui se traduisirent par les victoires électorales entre 1999 et 2006 d’Hugo Chavez au Venezuela, Lula au Brésil, Néstor Kirchner en Argentine, Tabaré Vazquez en Uruguay, Evo Morales en Bolivie et Rafael Correa en Équateur. Celui que les médias aiment caricaturer en « petit Chávez » assume son tropisme sud-américain. Pour sa génération de militants politiques, l’Amérique du Sud représente le traumatisme du coup d’État contre Salvador Allende et les récits « des nôtres » – les militants socialistes et communistes – retrouvés dans les fosses communes. Suite à la chute des dictatures et la transition à des démocraties formelles, les pays latino-américains furent le théâtre d’une nouvelle rationalité politique : celle des politiques néolibérales résumées dans le consensus de Washington. Néanmoins, dès 1990 la contre-offensive des mouvements progressistes s’organise dans le Foro de Sao Paulo, lieu de réflexions inédit puisqu’il rassemble au-delà des Internationales Communistes et Socialistes. C’est en allant analyser le moment politique latino-américain que Mélenchon a affiné sa stratégie de révolution citoyenne.

 

 

- De l’astre mort social-démocrate à la révolution citoyenne

Le point de départ de la réflexion est un double constat posé aussi bien par les participants au forum que par Jean-Luc Mélenchon : la chute du bloc soviétique et l’astre mort qu’est devenue la social-démocratie. Si pour l’ancien sénateur socialiste la rupture avec l’Union Soviétique était consommée dès son engagement de jeunesse trotskyste, sa réflexion s’est nourrie des turpitudes dont se sont rendues coupables les partis sociaux-démocrates latino-américains. La multiplication de coalitions gouvernementales avec les partis de centre-droit, l’éviction des partis communistes, l’alignement politique sur les recommandations du Fonds Monétaire International, le dépérissement de toute assise populaire, l’embourgeoisement des dirigeants et militants, l’absence totale de renouvellement doctrinal... fusionnent dans le verdict de Mélenchon : un astre mort. Cela s’incarne de manière emblématique dans le Pacte de Punto Fijo (du nom de la ville vénézuélienne) qui acte une alternance politique organisée entre les deux grands partis de centre-droit et de centre-gauche.

 

  • « Le fondateur du Parti de Gauche détecte le point commun des révoltes populaires en Amérique latine : des décisions politiques qui frappent de plein fouet les conditions de vie du peuple urbain. »

 

Jean-Luc Mélenchon transpose rapidement ce constat au Vieux Continent. Dans son ouvrage En quête de Jean-Luc Mélenchon transpose rapidement ce constat au Vieux Continent. Dans son ouvrage En quête de gauche publié en 2007, il établit un tour d’horizon des partis sociaux-démocrates européens. Il analyse avec précision la bifurcation idéologique de la « troisième voie » chère à Tony Blair ; théorie fondée sur une opposition rhétorique de réformateurs dans un monde qui bouge face à des conservatismes sociaux ou idéologiques ainsi que sur le dépassement du clivage gauche-droite autour d’un consensus partagé – le fameux « cercle de la raison » d’Alain MincOutre le « désastre social » qu’implique le ralliement de la social-démocratie à l’adaptation aux contraintes, la succession d’alternances politiques dans ce cadre conduit à des « marées d’abstention ». Mélenchon décèle le même phénomène dans l’Amérique latine des années 1990 et l’Europe d’aujourd’hui. Face à une élite nationale qui verrouille le pouvoir en s’en dépossédant au profit d’une oligarchie supranationale – le FMI pour l’Amérique latine, l’Union Européenne pour l’Europe –, le peuple entame sa grève civique. « L’abstention prend alors l’apparence d’une autodissolution du peuple » (p. 129) alors qu’elle demeure éminemment politique : un rejet d’institutions ne permettant plus d’exercer la souveraineté, rejet qui s’exprime dans le langage d’une dénonciation plus vaste « du système ». Puis, dans cette séquence, un déclencheur fortuit catalyse cette politisation sous les radars officiels. Le fondateur du Parti de Gauche détecte le point commun des révoltes populaires en Amérique latine : des décisions politiques qui frappent de plein fouet les conditions de vie du peuple urbain. En effet, la hausse du prix des transports en commun au Venezuela aboutit au « Caracazo » en 1989, celle de l’eau suite à sa privatisation en Bolivie entraîne « la guerre de l’eau de Cochabamba » en 2000 et en Argentine la réduction drastique de la monnaie en circulation se traduit par les « cacerolazos » et « piqueteros » ; ce processus global étant guidé par le mot d’ordre argentin « que se vayan todos » (qu’ils s’en aillent tous).

 

Ces révoltes populaires ont trouvé en Amérique latine leur incarnation institutionnelle par des mouvements politiques – que Mélenchon appelait jusqu’à récemment « l’Autre gauche » – à travers le processus constituant : la conjonction des deux moments façonnent la révolution citoyenne. Il s’agit donc de se pencher sur la stratégie à adopter dans cette configuration politique. Celle tracée par Mélenchon fait la synthèse de deux traditions révolutionnaires du début du XXe siècle : à la rencontre de Rosa Luxemburg et d’Antonio Gramsci.

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Rosa Luxemburg, 1912 (DR)
 

- Au croisement de l’étincelle incendiaire…

  • « La révolution citoyenne a l’ambition de faire la synthèse entre un programme politique révolutionnaire et sa légitimation institutionnelle par les élections au suffrage universel. »

 

Mélenchon cultive, à l’instar de Rosa Luxemburg, le volontarisme et l’infatigable pensum accélérant le processus historique. Si l’action autonome des travailleurs – désormais, donc, du peuple – doit prévaloir lors du moment révolutionnaire, l’avant-garde éclairée a néanmoins un rôle éminent dans sa période préparatoire : « devancer le cours des choses, de chercher à le précipiter » (Rosa Luxemburg) ou « d’éclairer le chemin » (Jean-Luc Mélenchon). D’où le travail consciencieux de théorisation, d’explication des événements et de polémique politique qui s’actualise avec les moyens de diffusion propre à chaque époque (tracts, réunions publiques, livres, vidéos internet…). Alors que Luxemburg excellait dans la rédaction de courtes brochures explicatives, Jean-Luc Mélenchon met un point d’honneur à restituer le moment politique dans de copieux billets hebdomadaires sur son blog.

 

En outre, le député européen fait sien l’héritage spartakiste relatif à la direction politique qui ambitionne de dégager à la fois une « tactique et des objectifs » (Luxemburg), « les taches et la méthode » (Mélenchon) : tous deux réunis dans ce fameux concept de révolution citoyenne. Empruntée aux mouvements d’émancipation de la tutelle du Fonds Monétaire International en Amérique latine, la révolution citoyenne a l’ambition de faire la synthèse entre un programme politique révolutionnaire et sa légitimation institutionnelle par les élections au suffrage universel. Puisqu’il ne s’agit pas « d’être les porteurs d’eau de la révolution » (débat avec Besancenot organisé par le magazine Regards, avril 2011), les partis ont pour vocation de proposer une méthode – ici « l’implication populaire dans les affaires publiques » – et des objectifs – la bifurcation de l’appareil productif, la refondation des institutions, l’extension de la citoyenneté dans l’entreprise, le partage des richesses… Mélenchon est conscient qu’un changement par le haut ne tiendrait pas une semaine contre la farouche résistance des puissants.

 

  • « Le peuple doit donc se constituer lui-même en écrivant les nouvelles règles du jeu politique. »

 

De là naît une tension sur la forme d’organisation à adopter. Initialement inspiré par les expériences de Die Linke (Allemagne) et Syriza (Grèce), le Front de Gauche se structure comme un cartel de partis ouvert aux formations en rupture avec la social-démocratie. Néanmoins, ces derniers temps Jean-Luc Mélenchon appelle à  un « dépassement du Front de gauche », c’est-à-dire à un dépassement des coalitions partidaires. C’est ici une référence au modèle de Podemos en Espagne comme institutionnalisation de révoltes sociales – celle des Indignés. Ainsi, il semble renier une forme de caporalisme propre aux anciennes formations politiques. Mélenchon préfigure cela par le lancement d’un Mouvement pour la 6e République (M6R), où l’horizontalité et la démocratie interne prend le pas sur la discipline de partis à travers des plateformes internet. L’horizon stratégique à atteindre serait donc un label commun (du Nouveau Parti Anticapitaliste aux socialistes dissidents, en passant par les écologistes) légitimé par des Assemblées citoyennes locales balayant « la tambouille politicienne » des accords de partis.

 

L’implication populaire dans le processus révolutionnaire, slogan agréable dans un colloque d’agrégés en révolution, contient une dimension concrète qu’il résuma par une formule : face à la probable sédition des possédants, « nous comptons sur les employés des banques qui tiennent les livres de comptes bancaires ». La prise de conscience et l’usage du pouvoir citoyen dans chaque sphère de l’activité humaine – il appelle également les milliers de précaires des médias à « virer les généraux, les colonels » pour « faire de la place aux caporaux, sergents ou lieutenants » – renferment la clé méthodique de sa révolution citoyenne. Plus fondamental encore, Mélenchon reprend l’idée luxemburgiste d’une constitution de soi dans la pratique politique. En opposition à Lénine, la militante allemande oppose la dimension féconde des « erreurs commises par un mouvement ouvrier vraiment révolutionnaire » à « l’infaillibilité du meilleur comité central ». Dans une configuration politique contemporaine, le peuple doit donc se constituer lui-même en écrivant les nouvelles règles du jeu politique. « La multitude devient le peuple quand elle fait acte de souveraineté » (p. 126) : tel est le rôle du processus constituant.

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(© AFP)
 

Il se défend du caractère révolutionnaire et concret d’une Assemblée constituante. Faire acte de souveraineté, exposer des avis contradictoires, décider collectivement, réguler les sociétés humaines, tout ceci entre en contradiction directe avec l’ordre financier « qui n’accepte aucune régulation extérieure à lui » (p. 128). À ce système qui nécessite l’apathie et la dissolution du peuple, la réponse radicale ne peut être que celle du nombre et de sa constante anthropologique – Mélenchon fait référence aux travaux de l’ethnologue Maurice Godelier : poser des règles sur l’espace de vie en commun. Témoin des expériences latino-américaines où les séquences historiques ont enchaîné révoltes populaires-victoires électorales-Assemblée constituante, Mélenchon entend donc placer la VIe République au cœur du débat politique.

 

 

- … et de la guerre de position

  • « Partir du sens commun pour constituer un nouveau bloc historique et comprendre les ressorts de l’hégémonie culturelle pour la retourner. »

 

Néanmoins, la révolution citoyenne qu’appelle de ses vœux Jean-Luc Mélenchon est, avant toute chose, une bataille culturelle et renvoie à la pratique révolutionnaire théorisée par Antonio Gramsci. Démontrant le passage des sociétés fluides (autonomie de la société civile par rapport à l’État) à des sociétés densifiées dans la seconde moitié du XIXe siècle au sein des grands pays industrialisés européens, l’intellectuel italien critique la stratégie de guerre de mouvement. Les grands appareils idéologiques de domination – administrations étatiques, Église, parlementarisme, corporations… – formeraient désormais des tranchées qui amortissent les crises du capitalisme : les crises économiques n’impliquent pas inéluctablement des « crises d’hégémonie » du système politique.

 

La guerre de position, celle qui consiste à prendre le pouvoir dans les consciences, doit donc se substituer à la préséance de la conquête du pouvoir politique – désormais simple aboutissement d’un processus bien plus long. Cela implique de partir du sens commun pour constituer un nouveau bloc historique ainsi que de comprendre les ressorts de l’hégémonie culturelle pour la retourner.

 

 

- Partir du sens commun

Une vidéo a récemment circulé sur les réseaux sociaux dans laquelle Pablo Iglesias, leader de Podemos, évoque la difficulté des mouvements politiques révolutionnaires à établir une identification entre leur analyse et le sens commun – « ce que sent la majorité ». Il se moque de ce que Mélenchon nomme « les récitants du catéchisme marxiste du passé » qui prétendent convaincre à grands coups de prolétaires, grand capital, classe ouvrière et autres figures canoniques du panthéon révolutionnaire. Ce travail de mise en discours ainsi que de traduction contemporaine « du bruit et de la fureur de notre temps » correspond avec l’idée que se fait Mélenchon de la fonction tribunicienne. Il s’agit d’incarner – par une expression, un mot d’ordre, une saillie publique, une proposition, une analyse – un sentiment commun jusqu’à lors quasi ineffable. Le tribun subsume le chaos des faits et des émotions, donne du sens à une indignation confuse et tente de sublimer en action collective un sens commun plutôt réactif qu’actif, négatif que positif.

 

  • « Partis de gouvernement, médias audio-visuel, élites culturelles, communicants, patrons du CAC40, technocrates bruxellois et banquiers : l’oligarchie, la caste, le système. »

 

La première tâche consiste à nommer l’ennemi : qui est notre adversaire ? Mélenchon raconte sa rédaction d’une liste de termes lors de la campagne pour le « Non » au référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen : les puissants, les importants, les parfumés. Peu de capitalistes, social-traîtres ou bourgeois dans sa rhétorique puisqu’ils expriment avec inexactitude la configuration politique ressentie par le grand nombre. « Cette alliance des superstructures » – partis de gouvernement, médias audio-visuel, élites culturelles, communicants, patrons du CAC40, technocrates bruxellois et banquiers – porte un nom : l’oligarchie, la caste, le système. Jean-Luc Mélenchon rend ainsi compte de ce petit monde homogène qui vit en cercle fermé jusqu’à l’endogamie la plus clanique, cumule le pouvoir économique, politique, symbolique (celui de dire la norme) et partage une peur commune : celle du peuple.

 

« Le système n’a pas peur de la gauche, il a peur du peuple » assène depuis quelques mois le fondateur du Parti de Gauche. Après avoir nommé l’ennemi, il s’agit désormais de désigner son propre camp. Durant le début du mandat de François Hollande, la tentation était forte chez les militantes et dirigeants à la gauche du Parti Socialiste de tomber dans les travers de la gauche adjectivale ou adverbiale : la vraie gauche, la gauche de la gauche, la gauche radicale, l’autre gauche, une politique réellement ou vraiment à gauche. Mélenchon y prit sa part. Devant l’échec de cette ligne politique, il se rend à l’évidence : la concurrence des gauches ne mène à rien, il faut désormais fédérer le peuple.

 

 

Pour aller à la partie 2 cliquez ICI

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24 mars 2015 2 24 /03 /mars /2015 09:05
Départementales : Front de gauche, la vérité des chiffres

La soirée électorale a vu culminer les approximations des commentateurs comme des sondeurs. Jamais fourchette d’estimations "sortie des urnes" n’a été aussi grande. Et le premier ministre en a rajouté une louche avec ses mirifiques 26% de suffrages socialistes[1].

 

Sources : Regards.fr par Roger Martelli le 23 mars 2015

Il faut dire qu’Emmanuel Valls avait cette fois un prétexte commode : l’institution de binômes complexifie à l’extrême les modes de calcul. Il suffisait ainsi au chef du gouvernement – qui connaît bien l’Intérieur et ses méthodes… – d’ajouter aux scores du PS, non seulement ceux de ses alliés du moment, mais aussi ceux des "divers gauche", quand bien même ils se présentaient sans l’onction du Parti socialiste.

 

Pour tenter d’y voir plus clair, j’ai utilisé le fichier détaillé des résultats par binômes établi par le PCF [2]. J’ai par ailleurs constitué un fichier compilant les données de 2008 et de 2011 dans environ 1.400 cantons, pour l’essentiel hors agglomération urbaine dont le découpage autorise le regroupement simple des communes. Pour les zones urbaines profondément restructurées, il faudra donc attendre des analyses plus fines.

 

 

- 1. Les grandes lignes sont à peu près établies.

Le tableau ci-après rappelle les résultats de 2008 et 2011.

 

 

En 2015, ce qui est à peu près assuré est le total par grandes familles politiques : la gauche engrange 36,7% des suffrages, la droite "classique" obtient 37,5% et le Front National passe de 4,8% en 2008 et 15.1% en 2011 à 26% en 2015. En tête dans plus de 300 cantons, il consolide son implantation nationale, ce que risque de confirmer le second tour de dimanche prochain. Quant à la gauche, son recul est sévère par rapport à 2008 (48,2%) et 2011 (49,5%).

 

Le Parti socialiste est loin de ses résultats antérieurs (26,7 et 24,9%). Les binômes où l’on retrouve ses candidats recueillent 21,1% des suffrages exprimés. Là-dessus, 0,6% sont obtenus en couple avec le PCF et 1,2 % en couple avec les Verts. Pour ces derniers, les estimations sont souvent fantaisistes. Des listes vertes autonomes ne recueillent certes que 2% du total national. Mais ce chiffre doit être doublement relativisé : par le fait que les Verts n’étaient présents que dans un quart des cantons ; par le fait qu’ils se trouvent plus dans des binômes avec le Front de gauche (1,6%) et avec le PS (1,2%) qu’en autonomie.

 

 

- 2. Les résultats du Front de gauche témoignent d’une plutôt bonne résistance dans un scrutin calamiteux pour la gauche.

 

 

Le PCF en 2008 et le Front de gauche en 2011 recueillent entre 8,8 et 8,9% des suffrages exprimés sur la France métropolitaine et 9,4% sur les cantons où ils sont présents (environ 3.600 au total pour 2008 et 2011). En 2015, les binômes où figure au moins une composante du Front de gauche recueillent 9,4% des suffrages exprimés sur le total des cantons métropolitains et 11,9 % sur les seuls cantons où il présentait des candidats (1.540 cantons). Si on laisse de côté les 0,6% obtenus par une alliance PC-PS, le FDG retrouve son niveau global des scrutins précédents, alors que la gauche s’effondre. Le phénomène est encore accentué si l’on se fixe sur les seuls cantons où il était présent d’une manière ou d’une autre : on se rapproche alors du résultat de la présidentielle de 2012.

 

L’ouverture des alliances vers d’autres composantes de la gauche dite "radicale" et surtout l’esquisse d’un rapprochement local avec Europe-Écologie-Les Verts ont montré leur utilité dans un contexte périlleux. Mais le résultat confirme aussi que le Front de gauche n’a pas su apparaitre comme une alternative attractive au socialisme recentré. La fonction de "coup de pied dans la fourmilière" a été assurée par le FN. Et les composantes du FDG n’ont pas su imposer une image suffisamment claire, dynamique et crédible pour rompre la morosité qui accompagne depuis longtemps le recul du mouvement ouvrier et le démantèlement de "l’État-providence".

 

 

- 3. Le résultat global du FDG ne doit pas cacher d’importantes disparités dans l’évolution de quelques années.

Si l’on prend en compte les 1.400 cantons où la comparaison est possible avec 2008 et 2011, on constante des progrès dans 900 cantons environ (dont 400 sont en hausse de plus de 5%) et des reculs dans 500 autres (dont 80 connaissent des reculs de 5 à 10%).

 

Or le phénomène se rapproche de celui que l’on avait observé dans des élections antérieures, et notamment les législatives de 2012 et les municipales de 2014. Dans des élections où la représentation communiste est forte (les deux tiers des candidatures en 2015 et une présence dans plus de 80% des binômes), les zones de densité ancienne forte continuent de s’effriter alors que des zones de faible implantation initiale enregistrent des poussées souvent sensibles.

 

Sur 180 cantons où le Front de gauche dépassait les 20% en 2008 et 2011, 135 sont en recul, dont 40 perdent la moitié du pourcentage antérieur. Les vieux "bastions" reculent encore, tandis que les territoires où le communisme s’était plus ou moins marginalisé connaissent un phénomène de renationalisation du vote. À sa manière, le vote FDG se "moyennise"…

 

 

- 4. Bien sûr, ce constat permet de comprendre l’extrême incertitude qui entoure le nombre de conseillers départementaux.

D’ores et déjà, une quarantaine de cantons ont été perdus dès le premier tour et beaucoup de ceux qui restent en lice sont dans une situation défavorable. En fait, dimanche prochain tout dépendra de trois facteurs entremêlés : la qualité des reports à gauche ; la capacité à remobiliser l’électorat récent (celui de 2012) dans une élection peu stimulante ; l’ampleur enfin des transferts de voix entre l’électorat de la droite "parlementaire" et celui du Front national.


Notes

[1] Dans sa débandade le PS c'est empressé de s'attribuer des résultats qui ne sont pas les siens... La réalité est qu'il est derrière le FN, même avec les Radicaux de Gauche et une partie des Verts...

[2] La recension des résultats a été coordonnée par Yann Le Pollotec, que nous remercions pour nous avoir permis d’accéder à ces données.

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : Elections départementales

- Sondages : “l’Intérieur a truqué les chiffres” selon Laurent (PCF)

- Elections départementales : Réaction du Parti de Gauche

- Parti de Gauche : La leçon cachée de l’élection

- Parti de Gauche : Entre crise politique et résistance

- Départementales : la gauche radicale n'a pas à rougir mais...

- Ce que s’abstenir veut dire

- Quel rassemblement pour faire renaître l’espoir ?

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 09:00
Florilège de propos nauséabonds distillés sur les réseaux sociaux par les candidats FN.

Florilège de propos nauséabonds distillés sur les réseaux sociaux par les candidats FN.

Sources : PCF

L'image lisse que le Front national et Marine Le Pen tentent de se construire ne cesse de se fissurer dans la campagne des départementales. Les déclarations nauséabondes, racistes, et appelant à la violence se multiplient sur les blogs et les comptes des réseaux sociaux de candidats du Front national. La véritable nature du FN réapparait. Ainsi, Fabien Rouquette et Michèle Boisset, candidats dans le canton de Narbonne 2 appellent les « Socialistes, Communistes et musulmans » à faire « Un geste pour la planète : suicidez-vous ! ». « Hihi, un beau rêve » s'autorise même à commenter la candidate FN *. D'autres candidats dans le canton voisin appellent à des « battues contre les arabes »… Ce n'est plus supportable.

 

La banalisation et l'ultra-médiatisation du Front national libèrent totalement une parole répugnante, ordurière et violente. Chacun est aujourd’hui devant ses responsabilités et doit regarder la réalité en face : le Front national n'est pas « anti-système », il est « pro-haine ». Marine Le Pen répond que ses candidats ne « sont pas des professionnels de la politique ». Il faut probablement entendre par là qu'ils n'ont pas sa technique pour cacher la véritable nature raciste de son parti.

 

La foire à la haine des musulmans, des juifs ou des hommes et femmes engagés à gauche doit cesser. Nous appelons les hommes et femmes de ce pays à se mobiliser contre les ennemis de la République.

 

- Télécharger : La "liste de la honte" des candidats FN aux départementales"

 

- Si le téléchargement n'a pas commencé : Cliquez ici

 

Pour en savoir plus :

- Mon dossier : Elections départementales

- Le Front national vide son sac d’ordures

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5 décembre 2014 5 05 /12 /décembre /2014 09:00
VIe République : Pierre Laurent et Christian Salmon débattent

Dans l'Humanité Dimanche. Un président élu pour en finir avec l’ère Sarkozy qui continue pourtant la même politique. Un président sanctionné à chaque élection, mais à propos duquel la question de sa légitimité ne se pose pas. Voilà la Ve République. Le constat s’impose de plus en plus largement qu’il est temps de passer à autre chose.

 

La socialiste Martine Aubry parle du besoin d’un « nouvel âge démocratique fondé sur de nouvelles institutions ». Jean-Luc Mélenchon construit un mouvement pour la VIe République où l’on trouve également des « socialistes affligés » et des responsables de Nouvelle Donne. Les communistes et les organisations du FG ont fait de la VIe République un élément central du programme « l’Humain d’abord »... Comment gagner cette nouvelle République ? Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, et Christian Salmon, auteur des « Derniers Jours de la Ve République », en débattent.

 

Source : L'Humanité Dimanche entretien réalisé par Stéphane Sahuc Vendredi, 21 Novembre, 2014

- L'Humanité Dimanche : L’idée qu’il faut passer à autre chose que la Ve République est assez largement partagée. À quoi attribuez vous ces convergences ?

Pierre Laurent. La très profonde crise du mode de développement, la crise démocratique que nous traversons et la crise institutionnelle ne font plus qu’un. Un des traits du néolibéralisme a été d’organiser la prise de pouvoir des grands intérêts du marché à tous les niveaux. Ils dictent leurs normes, leurs lois... en s’employant sans cesse à matraquer qu’« il n’y a qu’une seule politique possible ». Pour sortir de la crise, la reconquête du pouvoir citoyen et la reconstruction de la souveraineté populaire sont devenues indispensables. Dans ce contexte, la présidentialisation extrême du régime, qui est devenue le masque de cette confiscation, est un anachronisme et un obstacle de taille. Avec François Hollande, la contradiction explose au visage de tout le pays, parce que les Français l’avaient élu pour changer.

 

Christian Salmon. C’est devenu évident pour tous : la Ve République agonise. Nous sommes les témoins abasourdis de l’autodestruction de l’État. La crise que nous traversons n’est plus seulement économique et sociale, ce n’est plus seulement une crise politique, elle touche à la dorsale des institutions. Depuis le traité de Maastricht et l’acte unique européen, alors que la vie politico-médiatique se focalisait de plus en plus sur la conquête du pouvoir présidentiel, les attributions du président se dissipaient, se dispersaient. À l’abri de l’élection présidentielle, qui accrédite tous les cinq ans le mythe d’une nation souveraine, nous avons « un gouvernement d’affaires courantes ». L’essentiel se joue ailleurs. Il n’est jusqu’au budget de l’État qui doit être soumis à l’approbation de Bruxelles...

 

 

- L'Humanité Dimanche : Est-ce à dire que nous ne vivons plus en démocratie ?

Christian Salmon. C’est pour le moins une démocratie de « basse intensité », parasitée par la puissance des médias, organisée pour brouiller tout débat démocratique et installer, à coups de talk-shows et d’éditoriaux, les évidences partagées du néolibéralisme. Le choix électoral est préempté par la machine médiatico-sondagière qui ne propose aux citoyens que d’arbitrer des ambitions individuelles et qui réduit les enjeux collectifs à des problèmes de gestion... et les problèmes de gestion à des problèmes de comptabilité. C’est pourquoi l’émergence d’une alternative au néolibéralisme passe par un changement institutionnel.

 

Pierre Laurent. C’est comme une démocratie empoisonnée de l’intérieur. Le virus présidentialiste, avec toute la machine médiatique qui l’accompagne, mine la démocratie réelle. Elle se vide de son sang, qui est le pouvoir des citoyens, le pouvoir de tous. Nous devenons des spectateurs, parfois des fans, et de moins en moins des acteurs qui décident. Ce qui est dangereux, c’est que ce système continue d’être présenté comme le summum de la démocratie. Ceux qui ont toujours combattu les idéaux démocratiques de la République ont beau jeu de dire : « Toutes ces vieilles lunes sont à jeter aux orties. » La VIe République, c’est l’idée qui peut sauver la République d’un discrédit.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Les défenseurs de la Ve objectent que ses institutions sont un rempart face aux « surenchères populistes ».

Christian Salmon. Rien n’est moins sûr. Ce fut longtemps le cas, mais ça ne l’est plus. Du septennat, on est passé au quinquennat. On a inversé le calendrier électoral pour éviter les risques de cohabit at ion. Le s soc ialistes ont expérimenté les primaires pour démocratiser le choix de leur candidat. Résultat : on est en campagne permanente ! L’élection du président au suffrage universel était la mère des batailles politiques, désormais elle surdétermine toutes les stratégies des acteurs. À peine l’élection présidentielle passée, on pense à la suivante. La légitimité présidentielle est contestée par tous ceux qui s’imaginent lui succéder.

 

Pierre Laurent. Tout à fait d’accord. L’écart, chaque fois plus grand, entre l’illusion du grand changement qui atteint son paroxysme avec l’élection présidentielle et la déception, l’amertume qui suivent, creuse à vitesse accélérée le fossé démocratique dans lequel la République est en train de s’abîmer. Et plus la République paraît impuissante, plus le thème du recours est séduisant. Dans cette fuite en avant, on décrédibilise les militants, les partis, les élus locaux, les collectivités locales, les politiques publiques, mais jamais la fonction présidentielle. On nous dit seulement : « Ce président n’est pas l’homme fort qu’il nous faut », en focalisant le débat sur la recherche de celle ou celui qui devra le remplacer. À ce jeu-là, les « populistes » ont le beau rôle.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Mais ces questions institutionnelles sont-elles de nature à intéresser, à mobiliser les Français ?

Pierre Laurent. À chaque fois que je discute avec des Français, je suis frappé d’une chose. Leur dégoût, leur colère, leur désarroi vont toujours de pair avec une grande disponibilité pour la chose publique. Dans leurs critiques comme dans les propositions qu’ils avancent, la question démocratique est toujours présente. Bien entendu, ils ne parlent pas d’emblée de la VIe République, mais « qui décide, où et comment, sous le contrôle de qui ? », voilà une question qui les passionne. Et au fond, c’est cela le sujet de la VIe République. La France dispose d’une expertise populaire incroyable. Le tissu associatif est pétri des valeurs républicaines. Ce que ne supportent plus les Français, c’est le mépris officiel dans lequel sont tenues toutes ces énergies. Rendre du pouvoir au peuple, c’est une des solutions les plus efficaces face à la crise. Je crois d’ailleurs que nous devrions faire de cette question – avec la protection des politiques publiques et des services publics – un des thèmes majeurs des élections départementales et régionales à venir.

 

Christian Salmon. Les Français se détournent de la politique parce qu’ils sentent confusément que les dés sont pipés. Mais quand il y a des enjeux réels))) qui concernent par exemple la souveraineté nationale, ils s’en emparent. Exemple, le débat sur le référendum constitutionnel de 2005. Or, que s’est-il passé ? Sarkozy se fait élire en 2007 avec le projet de revenir sur le non des Français. Ce sera chose faite à Lisbonne quelques mois plus tard. En 2012, Hollande promet qu’en cas de victoire, il renégociera le pacte budgétaire européen. Une fois élu, il oublie ses promesses. Je raconte dans mon livre (1) une réunion secrète qui s’est tenue à Bercy au cours de laquelle Michel Sapin félicite le directeur du Trésor d’avoir mis en échec le projet de séparation des activités de dépôt et de spéculation annoncé par le candidat Hollande dans son discours du Bourget. Quand le ministre des Finances et des Comptes publics se réjouit de l’échec d’une réforme voulue par le président, c’est une preuve supplémentaire que la scène politique est complètement désinvestie et disqualifiée. Hollande aura au moins démontré qu’il ne suffit plus de changer de président pour changer de politique, il faut changer de République...

 

 

- L'Humanité Dimanche : Pour redonner de la souveraineté au peuple, certains évoquent, notamment, la possibilité d’un système de révocation des élus...

Pierre Laurent. Je comprends cette proposition comme le moyen de reprendre du contrôle sur des élus qui tournent le dos systématiquement à leurs engagements. Cela dit, c’est une réponse courte. Quand on ouvre le débat avec les Français, ils avancent des idées plus fécondes à mes yeux : le contrôle citoyen dans la construction des décisions, l’observatoire des engagements, le statut de l’élu qui permettrait l’accès à la fonction d’une plus grande diversité de la population, la proportionnelle... En somme, le problème ne peut pas être seulement de savoir comment on chasse un élu mais plutôt comment démocratiser tout l’espace démocratique.

 

Christian Salmon. J’y suis évidemment favorable. Mais c’est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. La question de la souveraineté est une question cruciale. La souveraineté étatique ne se confond pas avec la souveraineté populaire. Mais l’une et l’autre sont battues en brèche depuis trente ans par la mondialisation néolibérale. La crise de souveraineté affecte tous les États. Elle est aggravée par la construction européenne qui a, de manière concertée, organisé des abandons massifs de souveraineté (la monnaie et le contrôle des frontières). Mais nulle part, elle ne semble de manière aussi caricaturale qu’en France où le chef d’État, à qui sont dévolus tous les pouvoirs constitutionnels, apparaît désormais comme un homme soumis aux marchés et aux agences de notation et qui doit négocier ses marges de manoeuvre avec la Commission de Bruxelles ou la chancellerie à Berlin. C’est le paradoxe terminal de la Ve République, qui confie tous les pouvoirs à un souverain sans monnaie ni frontières. Un souverain sans souveraineté.

 

 

- L'Humanité Dimanche : Dans ce cas, compte tenu des abandons que vous évoquez, est-ce qu’inscrire la souveraineté populaire dans le cadre national, y compris en changeant de République, sera suffisant ?

Christian Salmon. C’est une étape indispensable mais non suffisante. Il faut revenir sur un certain nombre de traités européens signés depuis 2005. Reconstituer les bases d’une souveraineté nationale en matières budgétaire, monétaire, en termes de stratégie industrielle, de contrôle du territoire. L’Union européenne a créé une terrible dislocation de la souveraineté en dissociant la puissance d’agir et les pouvoirs représentatifs : d’un côté, une bureaucratie anonyme (à Bruxelles ou à Strasbourg), qui dispose du pouvoir réel, de l’autre, des hommes politiques sous surveillance... D’un côté, des décisions sans visage, de l’autre des visages impuissants... Démocratiser cela signifie remettre les décisions et les visages à leur place. La VIe République française ne doit pas signifier un repli sur soi, elle doit faire lever un vent de démocratisation dans toute l’Europe.

 

Pierre Laurent. J’ajoute que la souveraineté populaire, pour être pleine et entière, doit s’exercer à tous les niveaux, local, national, européen, mondial, en articulant ces différents niveaux sans les opposer. Au plan local, la suppression de la clause de compétence générale des collectivités locales (2) est une atteinte grave au principe de souveraineté populaire. Car elle prive des élus de l’autosaisissement d’un domaine de compétence qu’ils jugent d’intérêt général. C’est une atteinte à la libre administration des collectivités élues, qui est un pan à part entière de l’exercice de la souveraineté des citoyens. Au plan national, la souveraineté budgétaire est directement attaquée par les procédures européennes, et il faut la retrouver. Sur d’autres enjeux, comme la question climatique ou celle de la paix, la souveraineté doit s’exercer dans un cadre multilatéral et partagé. C’est l’ONU qui devrait le constituer. En matière de souveraineté, la question ne devrait pas être : « Où l’exercer ? », mais plutôt : « Comment l’exercer pleinement, c’est-à-dire partout ? »

 

 

- L'Humanité Dimanche : Mais comment gagner cette VIe République ?

Pierre Laurent. Il ne faut pas se poser cette question pour après la conquête du pouvoir, mais dès maintenant. Le processus de conquête du pouvoir doit se construire sur un mode collectif, partagé, participatif. C’est un immense défi. Et nous devons saisir toutes les occasions, comme nous l’avions fait pour le traité sur la communauté européenne ou, aujourd’hui, sur le traité transatlantique, d’expérimenter de nouvelles formes de partage du pouvoir et des savoirs. La question des savoirs est fondamentale parce qu’elle est, dans nos sociétés complexes, une des conditions d’un exercice partagé et démocratique du pouvoir. Je suis fier personnellement que le Parti communiste ait toujours cherché à être un lieu de création, de diffusion et de partage des savoirs, pour le dire autrement, un espace de démocratisation populaire en actes. C’est sûrement l’exigence majeure. Concevoir la démocratie comme le chemin à construire et pas seulement comme un but.

 

Christian Salmon. C’est la chose la plus difficile. La Ve République est née du chaos et pourrait bien y reconduire si un processus démocratique n’accouche pas d’une République rénovée, plus égalitaire, plus participative. Je suis d’accord avec Pierre Laurent, le but, c’est aussi le chemin. La VIe République ne saurait être le cadeau ou la concession du prince. À la question de savoir quelle est la meilleure Constitution, de Gaulle répondait, dans son discours de Bayeux en 1946, en citant le sage Solon : « Ditesmoi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ? » L’époque on la connaît, avec ses avancées technologiques, ses risques écologiques, ses inégalités criantes, mais aussi les possibilités de nouvelles formes de délibération démocratique qu’elle offre grâce à Internet par exemple... Quant au peuple, c’est « nous », une entité mouvante et diverse. Montesquieu disait : « Il arrive que le peuple soit si éclairé qu’il ne soit plus indifférent à rien. » Souhaitons alors que le peuple – nous – soit assez éclairé pour ne plus être indifférent à luimême et aux autres, capable d’inventer les formes de cette nouvelle République à naître. Il n’y a pas d’autre définition de l’espoir.

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

Entretien réalisé par Stéphane Sahuc
Vendredi, 21 Novembre, 2014
- See more at: http://www.humanite.fr/vie-republique-pierre-laurent-et-christian-salmon-debattent-558318#sthash.xErpSfB8.dpuf

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6 novembre 2014 4 06 /11 /novembre /2014 08:24
Réflexions : articulation entre le mouvement pour la 6ème République et le Front de Gauche.

Institutions, mouvement social et partis : changement de connectique.

 

 

Sources :  Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Hervé Debonrivage lundi 27 octobre 2014.

 

- Préambule : quelques propos de Jean-Luc Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon : « La stratégie révolutionnaire du XXIe siècle  » L’Humanité. Entretien réalisé par Julia Hamlaoui le 13 Octobre, 2014

Pour l’article complet, cliquez ICI

 

Vous avez lancé un mouvement pour fédérer le peuple autour de la VIe République. Quelles doivent être ses lignes de force  ?

Jean-Luc Mélenchon  : La VIe République, c’était la proposition centrale du Front de gauche portée pendant toute la campagne présidentielle. Il ne s’agit pas d’un objet de communication. C’est la stratégie révolutionnaire de notre époque. Le Mouvement pour la VIe République n’est pas un parti, son objectif est de se vouer à rendre une idée majoritaire. La question ne concerne pas seulement les institutions. Elle porte sur les droits sociaux fondamentaux à partir desquels la société peut fonctionner, sur les droits écologiques fondamentaux autour desquels doit être organisée l’économie du pays.

 

C’est tout ce travail de réappropriation des objectifs généraux de la politique qui est proposé à travers la stratégie VIe République. La difficulté du maniement de cette idée c’est qu’il faut à la fois la mettre sur la table et la laisser ouverte. Ce n’est pas très important de dire comment moi je vois les choses. Même si je suis, pour ma part, par exemple, pour le vote obligatoire, le référendum révocatoire, limiter les droits de propriété privée du capital à un droit d’usage… Depuis la rentrée toute une série de personnalités ont dit d’accord. Voyez comment un mot d’ordre fédérateur du peuple peut aussi rassembler à gauche. C’est en ce sens qu’il faut le prendre  : partir des contenus pour aller à l’accord politique, et non l’inverse.

 

 

Comment envisagez-vous le rapport entre le Mouvement pour une VIe République et le Front de gauche  ?

Jean-Luc Mélenchon  : D’abord, le Front de gauche est le point d’appui de tout futur populaire dans ce pays. Il n’y a de choix qu’entre le Front de gauche ou la coalition Hollande-Valls. Quoi d’autre, sinon  ? Dans ce paysage, il ne peut pas être question de laisser se dessécher le Front de gauche. Il faut que nous nous retrouvions d’abord sur une stratégie électorale. Des A.C. doivent discuter de comment utiliser au mieux les élections cantonales alors que Valls et Hollande voudraient en faire un moment passif et politicien. Eux qui ne veulent même plus distribuer les professions de foi.

 

Mais il ne faut pas que le Front de gauche reste enfermé sur lui-même. Il faut donc sans cesse mettre en avant des perspectives de nature à fédérer le peuple et du coup, peut-être, rassembler à gauche. D’ailleurs, les militants du Front de gauche sont nombreux dans le mouvement VIe République. C’est une manière pour eux d’aller sur le terrain et surtout de répondre en positif au sentiment dominant de rejet de la politique.

Fin de l’extrait.

 

 

- 1 – Le mouvement pour la 6ième république.

La dynamique pour la sixième république avait été bien relancée avec la marche du 5 mai 2013 réunissant plus de 150 000 personnes malgré un accompagnement médiatique relativement faible. De nombreuses organisations associatives, syndicales et politiques de gauche avait participé à cette marche. La Marche du 5 mai 2013 pour la 6ème république avait été un succès comme le titrait le journal l'Humanité.

 

Maintenant l’ambition est plus large car il s’agit de mettre en mouvement un front du peuple qui serait constructeur d’une nouvelle constitution accouchant de la sixième république.

 

Un certain scepticisme non seulement médiatique mais émanant de l’Autre gauche et de la gauche socialiste s’est déjà fait entendre. Quelles forces pour animer ce mouvement ? La classe populaire des ouvriers et des employés est-elle motivée par une telle démarche ? Dit autrement, cette classe possède-t-elle encore une idée de ce que signifie "volonté générale" et "intérêt général" ?

 

Le mouvement Podemos qui inspire Mélenchon s’est développé en Espagne à partir d’un mouvement social important : celui des indignés contestant une austérité encore beaucoup plus violente qu’en France,, situation qui n’est donc pas vraiment comparable avec celle de notre pays, etc.

 

Une petite remarque d’abord : Mélenchon ne prétend pas faire une copie du modèle d’organisation centralisé de Podemos : il s’en inspire essentiellement par l’usage des réseaux sociaux et de l’existence de comités de réflexion et d’action citoyenne locaux. (appelés cercles).

 

Autre attitude dominante : celle des médias consistant à une banalisation de la thématique d’une nouvelle république et à l’idée que celle-ci est hors des préoccupations des Français.

 

On a un petit panorama de cette manière de voir ICI. Et de citer académiquement : " Les politiques adorent ça. L’avantage de ces débats, c’est que cela ne coûte pas un centime et pendant ce temps-là on ne parle pas emploi, retraite, fiscalité, gaz de schiste", tempère le constitutionnaliste Didier Maus, ancien professeur à l’université de Marseille."

 

Sans reprendre tous les arguments exposés dans mon article précédent : Le Parti de Gauche veut dépasser la structure partidair et s’appuie sur plusieurs observations et prévisions :

  • Un rejet des partis politiques et des institutions par au moins 80 pour cent du corps électoral.
  • L’existence d’un potentiel d’action important d’organisations et d’individualités, fondé sur des propositions élaborées pour un changement d’institutions. Nous reviendrons sur ce point

 

À la veille de la marche du 5 mai 2013, il est plaisant de rappeler que le rédacteur en chef de Mediapart écrivait : "Sur ce diagnostic d’une décadence de la Cinquième République et de l’exigence d’une République nouvelle, une majorité d’idées existe qui ne demande qu’à être convoquée et rassemblée. Aucune force politique n’est seule propriétaire de cette espérance qui traverse toutes les sensibilités républicaines et inspire nombre de programmes politiques. Du centre-droit à la gauche radicale, en passant par les socialistes et les écologistes, sans compter tout un peuple de citoyens sans affiliations particulières, l’attente est là, disponible et enthousiaste, au-delà des questions de numérotation ou de procédure. Pour conjurer la menace d’un nouveau 1958 et, surtout, relever notre pays, créer la confiance et dépasser ses divisions, le sortir de sa torpeur et de ses doutes, il n’y a qu’une seule voie, celle d’un sursaut démocratique, c’est-à-dire d’une réappropriation collective et égalitaire de notre destin commun, de son invention et de son enchantement." Source : L'heure de vérité 04 mai 2013 | Par Edwy Plenel

 

– L’existence de tensions sociales extrêmement fortes causées par la mise en œuvre de la politique d’austérité ultralibérale de la gauche élitaire au service de l’oligarchie financière, pouvant se manifester à tout moment par une explosion sociale de grande envergure. Ce n’est d’ailleurs pas seulement une possibilité envisagée par des responsables du PG mais aussi celle de deux tiers des Français selon un sondage de septembre 2014.

 

Contrairement à ce que dit Bernard Teper dans son article du magazine Respublica (n.761) Une VIème république, pour quoi faire ? la classe populaire des ouvriers et des employés dans sa majorité sait très bien ce que signifie "l’intérêt général" et a compris que la politique gouvernementale ne sert pas cet intérêt mais celui d’une caste de privilégiés. Et il existe une "volonté générale" d’en finir avec un système politique qui n’a de cesse que de lui demander des sacrifices.

 

Certes cette volonté ne s’exprime pas forcément clairement par un programme politique de rupture, mais c’est précisément le rôle des organisations de la gauche populaire de l’aider à cette formulation.

 

Dans une situation politique d’un système chaotique très sensible à de petites variations de tensions., faut-il attendre la tempête les bras croisés ? Donc mieux vaut se préparer à une telle explosion en proposant d’ores et déjà des issues par le haut ce qui ne signifie pas venues du haut ! Il faut créer dans ce chaos un attracteur.

 

 

Alors se pose la question : quel pourrait être cet attracteur générateur d’auto–organisation : le FdG ? Un rassemblement plus large de la gauche (du NPA et POI aux socialistes s’affirmant contre la politique d’austérité ?

Un front du peuple encore plus large de caractère non partidaire ?

 

 

 

 

 

 

En vérité, les trois, mais pas n’importe quand et n’importe comment.

  • Penser qu’un front du peuple pourrait surgir ex–nihilo sans intervention des militants du FdG relève du conte de fées pour ne pas dire de la farce. Il est bien connu que la plupart des mouvements sociaux à gauche ont été à l’initiative de cette force et des forces syndicales et associatives associées.
  • Mais la méthode consiste à ce que cette intervention du FdG dans le mouvement pour la 6ème république s’estompe progressivement pour laisser place à un mouvement plus large, s’estomper ne signifiant pas disparaître et ne compter au final que comme quantité négligeable, mais simplement constituer une force parmi d’autres, qui ne soit pas dominante et encore moins hégémonique.
  • Dans ce processus, contrairement à un schéma centraliste classique, le FdG ne devrait pas avoir pour objectif de devenir le centre du rassemblement : attracteur ne signifie donc pas centre de gravité. L’enjeu dépasse ici largement la dimension électorale.
  • [Je fais ici une petite incise. Une stratégie centraliste a conduit l’ensemble des forces de l’Autre gauche dans le mur en 2007 lorsque le PCF a voulu devenir le centre du rassemblement anti Sarkozy. En revanche, en 2012 en acceptant qu’un membre d’une autre organisation puisse représenter une alternative à gauche du PS, le PCF a permis de multiplier par 5 son score électoral. Il ne faut pas oublier les enseignements du passé.]

 

Une force parmi d’autres ? Mais quelles autres forces ? Nous allons revenir plus loin sur cette question.

Mais il nous faut maintenant réfléchir à la stratégie du FdG. La mise en ligne d’une pétition pour la 6ème république est un déclencheur qui a l’avantage d’une action non centrée exclusivement sur un parti et de permettre ensuite, lorsque le nombre de signatures sera suffisamment important, de mettre sur pied une assemblée citoyenne pour examiner sous quelle forme pourra se développer le mouvement. On peut cliquer icipour signer la pétition.

 

 

- 2 – Le rôle du Front de Gauche

A – Le FdG devrait tout d’abord s’occuper de lui-même.

a) De notre point de vue, comme nous l’avons développé dans un article précédent, le Front de gauche a tout intérêt à réaffirmer et éventuellement enrichir "L’humain d’abord" qui constitue son fondement politique et idéologique. D’autre part, il serait utile que l’ensemble des composantes du FdG se mettent d’accord

  • pour savoir si les propositions phares de Jean-Luc Mélenchon pour la 6ème république peuvent constituer quelques lignes directrices pour de nouvelles institutions. Il s’agit du référendum révocatoire, de la limitation du droit de propriété notamment concernant le capital, l’intégration de règles écologiques et du droit de disposer de sa personne, de la règle verte.
  • pour savoir si "Le bloc de constitutionnalité actuel incluant le préambule de la Constitution de 1946 et la charte de l’environnement, aux côtés de droits fondamentaux, précisent les formes d’organisation et de fonctionnement des institutions (qui) sont aussi à revoir " Comme l’affirme Martine Billard dans son texte intitulé  "Une campagne pour reconstruire une alternative" en ligne ICI.

 

Mais ce ne sont probablement pas les questions les plus difficiles à régler .

Cela permettrait au FdG d’acquérir ainsi un contenu de propositions qui lui soit propre et qui fasse consensus entre les différentes composantes. À partir de ces dispositions, il lui est possible de partir sur des bases claires pour négocier avec d’autres organisations. Je fais ici allusion à des propositions émanant du PG, mais la démarche serait évidemment la même pour toute autre proposition émanant de quelconque autre composante du FdG.

 

b) Il devrait pouvoir définir une cohérence stratégique unitaire sur le plan électoral entre ses propres composantes.

Sa crédibilité et sa lisibilité électorale en dépendent. Il a tout intérêt à surmonter ses divergences de stratégie d’alliance avec le PS. Une multitude d’arguments (voir notre article : le Front de Gauche en quête d'identité…) plaide pour une autonomie maximale par rapport au PS.

 

Comme le rappelle Gabriel Amard, secrétaire national du PG, chargé des élu-e-s et des radicalités concrètes et président de l’association nationale des élus du Parti de Gauche La gauche par l’exemple, il faut être "Pour une stricte et claire autonomie vis-à-vis du PS".

 

c) Il devrait pouvoir définir des modalités d’adhésion au Front de gauche sans obligation d’adhérer à l’un de ses partis et élaborer une charte de générale de fonctionnement..

 

d) Il devrait pouvoir définir des structures organisationnelles locales et nationales souples et cohérentes permettant de mutualiser les forces militantes de ses différents partis notamment dans l’utilisation des outils de l’Internet et de la diffusion de ses idées.

 

e) Il devrait pouvoir définir une stratégie combative de communication et d’information envers les médias et envers les citoyens.

 

f) Il devrait pouvoir définir une politique de formation de bon niveau pour les adhérents et militants du Front de gauche.

 

B – Les relations du FdG avec d’autres forces.

a) Sur le plan de l’action citoyenne.

  • Lutte contre les politiques d’austérité et les propositions de lois rétrogrades
  • toutes les actions locales en rapport avec la vie de la cité : problèmes urbains divers, services publics, etc.
  • actions de solidarité avec les mouvements sociaux locaux liés à la vie de l’entreprise
  • actions de solidarité avec les mouvements sociaux sociétaux. (Sans abris, discriminations diverses, etc.

 

Réfléchir et participer à la mise en réseau des acteurs de chaque champ et la mise en réseau entre champs. Montrer qu’un certain nombre de problèmes de chaque champ est en relation avec la nature des institutions. Ici les relations du FdG peuvent couvrir tout le spectre de l’extrême gauche aux écologistes et socialistes contestant la politique d’austérité en France et en Europe. Mais évidemment, les actions peuvent être communes avec les syndicats et un certain nombre d’associations et coopératives. Ce n’est pas ici le plan d’action le plus difficile

 

b) Sur le plan électoral.

La nature des accords va dépendre des décisions prises par la direction politique du PG en novembre 2014.

 

D’autre part, comme le rappelle Jean-Luc Mélenchon : ""Des assemblées citoyennes doivent discuter de comment utiliser au mieux les élections cantonales" et "partir des contenus pour aller à l’accord politique, et non l’inverse".

 

Il est évident que les programmes électoraux locaux doivent s’articuler sur les réalités sociales et économiques locales vues précédemment. Voir par exemple l’article : Vers des listes d’initiative citoyenne de résistance aux départementales et aux régionales (cliquez ICI) pour accéder au texte.

 

Dans son dernier livre, L’ère du peuple, Mélenchon insiste sur le rôle joué par les problèmes urbains dans la formation de la conscience politique. Par ailleurs, là encore il serait souhaitable d’être capable d’articuler le rôle des collectivités locales par exemple à la nature des institutions

 

c) Sur le plan de la concertation avec d’autres organisations et certaines personnalités concernant la réflexion sur les institutions pour une sixième république.

Il semble souhaitable d’examiner et, le cas échéant, capitaliser les réflexions engagées par d’autres organisations sur la question des institutions et d’une sixième république. Des tables rondes, des réunions de travail pour confronter les points de vue seraient utiles.

 

Prenons quelques exemples :

Le travail réalisé par la convention pour la sixième république (C6R) avec ses 30 propositions institutionnelles : cliquez ICI pour accéder au site et là pour accéder aux 30 propositions Rappelons que la C6r a été créé par Arnaud Montebourg le 2 mai 2001 avec l’éditeur et politiste Guy Birenbaum.

 

La présidence est actuellement assurée par Paul Alliès (dont le fils Stéphane est journaliste à Mediapart, chargé notamment des questions politiques relatives à l’Autre gauche) qui appartient au secrétariat national du PS..

 

L’association pour une constituante : cliquez ICI pour accéder au site. présidée par André Bellon.

 

Mouvance d’Étienne Chouard

Etienne Chouard s’est rendu célèbre par sa critique très étayée du traité constitutionnel européen de 2005. Il s’est beaucoup investi dans sa réflexion sur la constitution et milite pour que ce soient les citoyens qui rédigent leur propre constitution. Il est le promoteur d’ateliers de rédaction populaires de la constitution. Plusieurs sites très documentés ICI et ou encore ICI mettant en ligne un travail de réflexion très important sur cette question. On peut aussi cliquer sur les deux liens suivants Les gentils virus,et Le kiwi des gentils virus.

 

EELV  : Changer de régime avec une sixième république

 

François Bastien :

Une 6ème république pour 2017, c'est possible. Vous aurez des informations universitaires sur François Bastien ICI.

 

d) Sur le plan de l’action envers les médias locaux et nationaux.

Cela nécessite une réorganisation interne du FdG comme indiqué ci-dessus. L’utilisation des réseaux sociaux et de sites Internet à la hauteur des enjeux est nécessaire. La bataille médiatique devrait être l’enjeu central de la bataille politique.

 

Par exemple, un réseau de comités de vigilance et de protestation devrait être organisé à l’égard de tous les médias pour exiger que chaque média permette aux idées du FdG d’être diffusées au nom de la liberté d’information et d’expression. La stratégie d’effacement du FdG de l’espace politique devrait être combattue. Je répète que faute de ce travail essentiel, le FdG continuera de stagner électoralement . Les gens ne peuvent pas voter pour une organisation qu’ils ne connaissent pas ou connaissent mal. Des relations suivies avec les organisations syndicales de journalistes et de techniciens du monde médiatique devraient être établies.

 

 

En conclusion

  • Le FdG participe à la construction du front du peuple mais sans en être l’unique acteur et le centre. Son rôle essentiel est de vérifier si le contenu des institutions proposées est compatible avec les droits sociaux et économiques figurant notamment dans l’Humain d’abord. Il participe à leur élaboration pour aller dans ce sens.
  • La philosophie générale de l’action est de réussir à transformer la multitude en peuple Comme l’indique l’article Une 6ème République pour transformer la multitude en peuple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour en savoir plus :

- mon dossier VIe République

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3 septembre 2014 3 03 /09 /septembre /2014 09:32
 (3ème partie/fin) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée.

- Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée (1ère partie).

 

- I – La politique désastreuse des gouvernements de François Hollande

- II – L’intégrité morale des hommes politiques remise en cause sur une vaste échelle

- III – Confusionnisme politique et brouillage des repères. Le désarroi des électeurs

- IV – La stagnation du Front de gauche.

- V – Il existe bien deux gauche en France, comme en Europe : une gauche qui remet en cause radicalement l’hégémonie de la classe dominante et une autre qui s’en accommode

- VI – Le dipôle UMP – PS déforme les lignes du champ politique

 

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- Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée (2ème partie).

 

- VII – Refonder le Front de gauche ? Vers un Front du peuple ? Refonder la gauche ?

 

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Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Hervé Debonrivage

- Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée (3ème partie).

 

- VII – Refonder le Front de gauche ? Vers un Front du peuple ? Refonder la gauche ? (suite et fin)

 (3ème partie/fin) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée.

Le parti communiste des ouvriers de France (POCF, membre du FdG se pose aussi la question de l’organisation et indique dans son document d'analyse post-électorale du 02/06/2014, sur son site : "On nous dit souvent qu’il faut dépasser le caractère de cartel d’organisations. Nous pensons, quant à nous, que la question est plutôt de dépasser le cadre d’un cartel purement électoral. C’est sous cet angle qu’il faut, à notre avis, poser la question des adhésions individuelles : si on en reste aux questions purement électorales, s’il s’agit de désigner des candidats… nous n’avancerons pas davantage dans l’implication du plus grand nombre.…" Et il insiste sur la nécessité d’avoir une structure permettant de franches discussions aboutissant à de bons compromis.

 

Pour le Front de gauche, la proposition du philosophe marxien Jacques Bidet est tout à fait intéressante. On peut se reporter à son article dans l’Humanité du 7 mai 2014 intitulé : "Un avenir pour le Front de Gauche" Je souscris, pour ma part, totalement à son point de vue et j’invite vivement le lecteur à prendre connaissance de ce texte qui a le mérite d’être relativement court.

 

[E. DURAND : je considére moi aussi que sa proposition est la meilleure qui puisse être mise oeuvre :

....Non pas des « Associations du Front de Gauche », conçues comme des sections locales fictives d’un parti qui n’existe pas, mais quelque chose de plus large : des « Associations pour le Front de Gauche ». Elles auraient la responsabilité de coordonner la réflexion et l’action à mener au plan local, en participation à la réflexion et à l’action au plan national...]...

Non pas des « Associations du Front de Gauche », conçues comme des sections locales fictives d’un parti qui n’existe pas, mais quelque chose de plus large : des « Associations pour le Front de Gauche ». Elles auraient la responsabilité de coordonner la réflexion et l’action à mener au plan local, en participation à la réflexion et à l’action au plan national. - See more at: http://www.humanite.fr/un-avenir-pour-le-front-de-gauche-par-jacques-bidet-philosophe-526470#sthash.fsxgqMO7.dpuf

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une autre idée intéressante est celle de Roger Martelli dans le webzine Regards du 31 mai 2014 . "Réflexions pour le Front de Gauche"…Il n’y a donc pas de solution purement partisane à la crise politique actuelle. Inutile d’envisager un parti central, au cœur d’une galaxie étendue, comme le PCF y parvint pendant quelques décennies ; mais un front de partis, fût-il élargi, ne suffit pas non plus. Le contact entre formations politiques est utile ; il n’est pas « la » solution. S’il faut reconstruire, c’est dans deux directions : associer à la construction de projets et d’initiative politique des forces et des individus qui ne sont pas dans le champ étroitement partisan ; bâtir des formes de fonctionnement collectif selon des modèles coopératifs, en réseaux, qui contredisent la tendance forte à confondre centralité et verticalité hiérarchique."

 

Mais encore faudrait-il ne pas oublier l’existence de l’Humain d’abord", qui certes n’est pas un programme définitif mais qui n’en reste pas moins un projet collectif de référence pour le FdG.

 

 

 

 

 

Un point de départ très basique, est que chaque composante du FdG veille à ce que son propre fonctionnement soit démocratique, c’est-à-dire prenne le temps d’organiser cette démocratie conformément aux statuts qu’ils ont choisis.

 

Remarquons que le soi-disant conflit de leadership pour le Front de gauche invoqué par certains responsables politiques et journalistes n’est qu’un écran de fumée : – tendant à masquer une carence organisationnelle structurelle et fonctionnelle du FdG – et tendant à éluder le véritable conflit de fond qui est le choix entre l’autonomie prônée par le Parti de Gauche et l’alliance avec le PS au premier tour des élections défendue par la direction du PCF. Remarquons d’ailleurs que la quasi-totalité des composantes du FdG considère que celui-ci doit être une organisation politique autonome alternative au PS.

 

Toujours sur cette thématique de l’organisation, une autre contribution qui fait réfléchir est celle de Jean Rabaté, dans le journal l’Humanité : "Front de gauche : l'adhésion directe est-elle souhaitable, nécessaire ou inopportune ? "

 

 

[E. DURAND : Je pense moi aussi que les adhésions directes.... "conduiraient tôt ou tard à la formation d’un nouveau parti et signeraient très probablement la fin du Front de Gauche en tant que facteur du large rassemblement plus que jamais nécessaire...]...

 

 

 

 

 

 

J’ai eu l’occasion sur le site du PG Midi Pyrénées d’apporter une contribution massive sur le thème : Le Front de gauche doit améliorer sa puissance organisationnelle, En utilisant les apports des sciences humaines contemporaines : théorie des organisations et de l’intelligence collective, la coopération en intelligence artificielle distribuée, etc.
-
Première partie
- Seconde partie
- Troisième partie

On peut trouver dans cette étude les différents outils conceptuels permettant de penser une nouvelle organisation articulant les différentes composantes du Front de gauche.

 

C - Le capital symbolique du FdG doit être le miroir de son programme et de son projet de société.

Nous avons vu précédemment comment le capital symbolique pouvait se trouver déformé et même écrasé par l’optimisation du capital économique et perdre de son sens pour les électeurs. Ainsi, l’identité politique du FdG émanant de son projet de société et de son programme ne doit pas être assujettie à des considérations et stratégies relatives à la préservation ou à l’accroissement de son capital économique.

 

De cette manière, la perception du champ idéologique du FdG par la population n’est pas déformée par des comportements électoralistes d’alliance contre nature, de carriérisme, de lutte de places. Le capital symbolique du FdG se trouve ainsi préservé et est le reflet fidèle de ses positions économiques, sociales et culturelles structurant son champ idéologique.

 

Dans le cas contraire, le programme l’Humain d’abord est perçu comme un document démagogique, un catalogue de promesses électorales qui ne seront pas tenues. Le champ idéologique du FdG subsiste mais son capital symbolique s’effondre, et évidemment avec lui, ses scores électoraux. Dans une telle configuration, les agents politiques du FdG gardent leurs convictions mais leur crédibilité et leur audience tendent vers zéro.

 

Cette préoccupation de rendre indépendant, autant que faire se peut, le champ idéologique du FdG de son capital économique doit être d’autant plus affirmée que l’appareil idéologico–médiatique met tout en œuvre pour déformer ce champ, voire même l’effacer, afin d’affaiblirle plus possible son capital symbolique.

 

Nous avons vu aussi que le champ idéologique politique était bipolaire : CI = L U AL. (Le champ idéologique est l’union de deux composantes : le champ idéologique libéral et le champ idéologique antilibéral).

 

Les partis de droite et sociolibéraux sont porteurs de L et les partis de "l’Autre gauche" sont porteurs de A L. Toute la stratégie de la grande bourgeoisie au travers ses médias est d’écraser le capital symbolique correspondant à AL en usant de tous les moyens technologiques et cognitivo – psychologiques possibles. De sorte que tout comportement politique de "l’Autre gauche" conduisant à déformer son propre capital symbolique concourt à la réalisation des objectifs de la grande bourgeoisie.

 

D’autre part, la stratégie des alliances a aussi un autre inconvénient : le processus de contamination de la désespérance des électeurs. Les partis dominants entraînent dans leur chute les partis avec lesquels ils ont établi des alliances. C’est-à-dire que l’altération du capital symbolique des partis dominants se propage au sein du capital symbolique des partis alliés. Ce phénomène est confirmé par les résultats électoraux et les indices de confiance envers les partis politiques établis par les instituts de sondage.

 

D - Le FdG fort de son capital symbolique propre ne doit pas faire cavalier seul.

L’affirmation d’une identité politique propre ne signifie pas que le FdG doive s’encapsuler dans son organisation : bien au contraire, une identité forte lui permet de s’ouvrir largement sur l’ensemble du mouvement social, en contractant par exemple des alliances circonstancielles de lutte avec d’autres forces de gauche. (Voir ci-dessus 2B) et être un pôle central de résistance contre les politiques d’austérité et de régression sociale comme l’invite la coordination FdG dans son communiqué du 25 juin 2014.

 

Néanmoins, le piège à éviter est de dissoudre son capital symbolique dans un flux d’actions purement défensives faisant oublier son programme : l’Humain d’abord. Le FdG n’est pas une organisation de contestation de nature syndicale mais d’abord une force de proposition capable de prendre le pouvoir et mettre en œuvre une politique alternative . Le FdG ne peut définir son identité par une simple capacité de rassemblement et d’organisation des actions. Pour utiliser une métaphore, un catalyseur joue son rôle de catalyseur en raison de sa structure propre.

 

Le travail sur le programme et le projet de société, sur l’organisation, sur la formation, demande beaucoup de temps et ne doit pas être sacrifié sur l’autel de l’électoralisme et de l’activisme réactif, ce qui a été le cas jusqu’à présent, avec les résultats pitoyables que l’on connaît

 

4 - Qu’entendre par radicalité ? Radicalité ne signifie pas extrémisme

Abécédaire des réalités concrètes

Abécédaire des réalités concrètes

Le caractère ouvert et intégratif du programme du Front de gauche permet et facilite d’éventuelles alliances avec d’autres partiis de gauche tout en affirmant clairement son identité politique. Mais cette qualité intégrative ne signifie pas une intégration des idées d’autres mouvements sur n’importe quelle base. Cette intégration ne doit pas être contradictoire avec les orientations radic ales en rupture avec le capitalisme contemporain défendues par le FdG. Mais encore faudrait-il préciser ce que l’on entend par "radicalité" car ce mot même accompagné de l’adjectif "concrète", car sans précision de son contenu, il ne signifie rien. Cela nécessite, par exemple de définir clairement le périmètre de socialisation des moyens de production et d’échange (en précisant les différentes formes de cette socialisation par secteur : nationalisation, gestion territoriale, économie sociale et solidaire dont les coopératives, etc.). Quel contrôle pour imposer le pluralisme aux médias ? Quelle gestion des entreprises publiques et privées et quels nouveaux droits pour les travailleurs ? Quels types de gestion et d’encadrement pour le secteur financier et boursier ? Quelle fiscalité progressive sur le capital sur le travail ? Quelle doit être l’échelle des revenus ? Doit-on rendre au secteur public la totalité des bords de mer et de rivières ? Doit-on confisquer tout patrimoine excédant deux millions d’euros ? Quels grands principes pour une sixième république notamment dans le domaine de séparation des pouvoirs ? Ne pas aborder ces questions lorsque l’on parle de radicalité, c’est joué du pipeau. Évidemment je n’ai cité que quelques exemples et cette liste de questions est loin d’être exhaustive. (Pour alimenter la réflexion l'abécédaire des radicalités concrètes).

 

Lorsque l’on aborde concrètement ces questions et que l’on fait varier le curseur sur la ligne de partage public / privé autrement dit sur la graduation : intérêt général/intérêts privés, on s’aperçoit que la qualification "d’extrême gauche" attribuée au Front de gauche relève d’une escroquerie intellectuelle destinée à faire peur à la petite bourgeoisie et notamment aux socialistes "affligés" ou "frondeurs" qui, vus sous un autre angle, sont des socialistes apeurés et je ne parle pas ici des écologistes verts de peur. La mesure de la radicalité du FdG ne s’effectue pas à l’aide d’un sonomètre indiquant, en décibels, l’intensité sonore de la voix de Mélenchon dans un meeting, mais par une calme lecture du programme l’Humain d’abord, éclairé par une lampe de chevet.

 

Si, par aventure, quelconque petit-bourgeois apeuré – pas forcément membre du PS – faisait le louable effort de réaliser cette lecture, il constaterait alors que ce texte est loin de développer des positions extrémistes. Et si, de surcroît, ce texte évoquait en lui des réminiscences chrétiennes, et que, poussé par la force de sa curiosité, il s’enquérait de l’existence d’un texte analogue dans la littérature chrétienne, la curiosité ferait place à l’ébahissement. Se révélerait à lui que la politique sociale de l’Église actualisée par Benoît XVI dans son encyclique sociale Caritas in vertate (2009) dans ses thèses économiques et sociales ,convergent totalement avec le contenu de "l'Humain d'abord"  : affirmation d’une économie plurielle, développement des droits des travailleurs, lutte contre la pauvreté et des inégalités, développement de l’économie sociale et solidaire, prédominance du travail sur le capital, nécessité de maîtriser la finance etc..

 

Lisant ainsi cette encyclique à la lumière de quelques cierges, il découvrirait que sa position politique n’est pas à gauche mais bien à droite de celle du Vatican. Mais il invoquera alors, ce qui est martelé par les médias, les questions sociétales telles le mariage pour tous, la contraception et l’avortement (mesures qui concernent 1 % à 2 % des individus réellement concernée par une application effective de la loi à leur cas), cataloguant ainsi le Vatican de réactionnaire. Jeu un peu facile : c’est oublier que de refuser la maîtrise réelle de la finance et la réduction radicale des inégalités, c’est jeter des millions de personnes au chômage, faire sombrer des pans entiers de la société dans la pauvreté, provoquer la mort de millions de personnes dans le monde faute de nourriture ou de soins, etc. Alors quels sont les plus réactionnaires ? (Mais de toute façon, cette question ne se pose pas pour le FdG, puisque celui-ci a toujours défendu le mariage pour tous, la contraception et l’IVG).

 

Mais tous les socialiste affligés et les écologistes ne sont pas forcément apeurés car un certain nombre d’entre eux ont effectivement lu l’Humain d’abord et souscrivent à ses propositions. C’est donc pour une autre raison (que la peur engendrée par leurs fantasme d’extrémisme) , bien plus proche des réalités terrestres, que ceux-ci ne rejoignent pas le FdG. S’ils ne rejoignent pas le Front de gauche, c’est en raison du risque d’une perte de leur capital économique, autrement dit, du fait que le FdG n’offre pas les possibilités de promotion à la hauteur de celles offertes par le PS. Une rupture avec le PS occasionnerait une perte de tous les avantages que leur procure leur maison-mère.

 

Quant au nouveau parti, La Nouvelle Donne : nouvelle arnaque ? peut-on lire dans un article très amusant d'Agora Vox. Je ne sais. En tout cas, vu la proximité, voire l’identité de ses thèses, par rapport à celles du Front de gauche , on peut s’interroger sur les raisons de son existence, comme le fait l’auteur de l’article

 

[E. DURAND : Je m'interroge moi aussi sur l'émergence de cette nouvelle organisation à gauche du PS ? Relai ? Miroir aux alouettes ? A qui profite le "crime" ?]

 

 

 

 

 

- VIII – La conquête de l’autonomie.

L’ensemble des éléments contenus dans l’étude précédente conduit donc à soutenir le point de vue suivant :

 

...pour que le Front de gauche puisse continuer à exister et puisse se développer, il faut que la totalité de ses composantes affirme une stratégie autonome, indépendant du PS.

 

 

 

 

 

Concrètement, cela signifie le refus de toute alliance avec le PS au premier tour des élections et une alliance au deuxième tour négociée au cas par cas. C’est son identité politique qui est ici en jeu et la préservation de son capital symbolique, autrement dit de sa crédibilité et de ses capacités à faire adhérer les citoyens à son projet et son programme Si l’une de ses composantes refuse cette stratégie et reste au sein du Front de gauche, la totalité du FdG sera entraînée par sa chute prévisible.Le processus est déjà en cours.

 

Observons que cette manière de voir rapprocherait alors considérablement les organisations appartenant au groupe G3 et au groupe G4. Cette stratégie suppose l’acceptation d’une éventuelle décroissance, sur le court terme, de son capital économique.

 

Elle suppose aussi une structure organisationnelle autrement plus élaborée et pensée que l’embryon d’organisation électoraliste existant actuellement. La mutualisation des moyens matériels et humains, l’utilisation des techniques modernes d’information couplées aux pratiques traditionnelles du porte-à-porte, d’assemblées citoyenne, etc, non seulement sur les périodes électorales mais en continu, permettrait d’augmenter considérablement à la fois la diffusion des idées et le capital symbolique du FdG. Cela suppose aussi une stratégie d’action concernant les médias

 

Fort heureusement, la stratégie d’autonomie est largement répandue au sein du Front de gauche.

- Sans aucune ambiguïté, le Parti de gauche défend cette stratégie avec détermination. On peut se reporter par exemple à l’article de Martine Billard coprésidente du Parti de gauche. "La stratégie d’autonomie par rapport au PS est indispensable et incontournable dans le journal l'Humanité  ; 

 

- Un certain nombre de personnalités du PCF sont aussi d’accord avec cette stratégie d’autonomie. Ainsi on peut se référer aussi à l’article, dans le même journal : Tribune collective Nicole Borvo Cohen-Séat, Marie-Pierre Boursier, Patrice Cohen- Séat, Jean-Paul Duparc, Élisabeth Gauthier, Frédérick Genevée, Alain Hayot, Francis Parny : "…L’objectif est de travailler à une nouvelle majorité de gauche ayant vocation à gouverner dans les toutes prochaines années. Face à un pouvoir socialiste qui refuse de se remettre en cause et dont les choix sont soumis au Medef et à Bruxelles, il nous faut donc continuer de proposer une rupture avec cette gauche libérale, ce qui suppose, aux premiers tours de toutes les élections politiques, des candidatures et des listes distinctes de celles du Parti socialiste. Dans ce cadre, la question clé est celle d’un rassemblement suffisamment large pour devenir une alternative crédible. Le Front de gauche a été créé dans cette perspective. L’espoir qu’il a suscité au moment de la présidentielle n’a pas été confirmé aux municipales et aux européennes Mais, comme Syriza en Grèce, nous devons faire preuve de persévérance et de créativité." ;

 

- De même, Clémentine Autain a développé cette thèse lors des dernières élections municipales. Néanmoins, son ambition d'élargir le Front de Gauche aux "frondeurs" du PS, (Qui rappelons-le ont voté le budget, celui de la Sécu, la réforme ferroviaire... du gouvernement Hollande – Valls) est incompatible avec une telle stratégie d’autonomie par rapport au PS ;

 

- On ne sera évidemment pas étonné de la position de la Gauche anticapitaliste qui prône aussi cette autonomie.

 

On peut penser que cette question vitale sera tranchée définitivement au sein du Front de gauche d’ici quelques mois En espérant que le PCF évitera un éclatement en son sein entre les autonomistes et les alliantistes.

 

Mais une chose est certaine.

Les médias soutiendront les alliantistes dans l’espoir de faire imploser le FdG et de faire disparaître le reste de capital symbolique du PCF qui a déjà été très entamé par sa participation à la gauche plurielle celle-ci ayant été incapable de répondre aux espérances sociales (emploi, retraites,…)

 

 

 

 

 

 

 

- IX – Capitaliser et accroître l’intelligence collective au-delà des échéances électorales

Nous indiquons ici les liens permettant d’accéder à chacun des acquis de l’intelligence collective des partis de la gauche antilibérale.

. Construire de nouveaux projets, de nouveaux programmes, nécessite aussi d’avoir une mémoire, de ne pas répéter les erreurs du passé et donc de prendre en compte le travail collectif passé. Il ne s’agit évidemment pas d’en faire des textes intangibles mais de les considérer comme des éléments de réflexion enrichissant le travail présent et futur. Évidemment, cette liste n’est pas exhaustive, d’autant que l’accès à ces données n’est pas forcément évident, comme nous allons le voir Le texte de base de départ est, pour le FdG : L’Humain d’abord Programme l’Humain d’abord L'humain d'abord Programme l'Humain d'abord ;

. Le texte de synthèse des collectifs anti libéraux en 2005 Les 125 propositions. Cliquez ici ici ou la ;

. Le texte du  programme commun du 27 juin 1972 ;

. La déclaration de Paris de 2003 contre la corruption( Les propositions d'Eva Joly et des juges anticorruption européens) ;

. Les 18 thèses pour l'éco-socialisme du Parti de Gauche ;

. Le Texte du 36e congrès du PCF ;

. Les 34 propositions de La Nouvelle donne ;

. Programme de EE–LV 2012 "Vivre mieux. vers une société écologique" ;

. Manifeste des économistes atterés ;

. 20 mesures pour une réforme bancaire par l’association ATTAC France ;

. Proposition pour le financement de la transition énergétique ATTAC France ;

. Grand marché transatlantique Non à l’Europe américaine (Le Parti de Gauche) ;

. Que faire de l'Europe ? Fondation Copernic ATTAC France ;

. Le programme du NPA.

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3 septembre 2014 3 03 /09 /septembre /2014 09:31
(2ème partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée.

Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée (1ère partie).

 

- I – La politique désastreuse des gouvernements de François Hollande

- II – L’intégrité morale des hommes politiques remise en cause sur une vaste échelle

- III – Confusionnisme politique et brouillage des repères. Le désarroi des électeurs

- IV – La stagnation du Front de gauche.

- V – Il existe bien deux gauche en France, comme en Europe : une gauche qui remet en cause radicalement l’hégémonie de la classe dominante et une autre qui s’en accommode

- VI – Le dipôle UMP – PS déforme les lignes du champ politique

 

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Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Hervé Debonrivage

- VII – Refonder le Front de gauche ? Vers un Front du peuple ? Refonder la gauche ?

(2ème partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée.

1 - Des affirmations de refondation parfois trop réactives et pas assez réfléchies.

Suite aux résultats électoraux désastreux des partis de la gauche au printemps 2014 et à l’orientation ultralibérale du gouvernement Hollande, différentes réunions et prises de position concernant l’avenir du FdG et plus généralement de la gauche ont eu lieu.

 

Pourtant observons d’abord qu’il est relativement difficile d’émettre un jugement solide sur la signification des résultats des élections européennes pour la raison suivante : Les Français sont de plus en plus sceptiques concernant le bien-fondé à l’appartenance de la France à l’union européenne comme en témoigne par exemple les derniers sondages.

 

De ce fait pour un grand nombre d’entre eux ils n’accordent pas grand intérêt à ces élections. "Ainsi, en dix ans, ce soutien a baissé de plus de 15 points, passant de 67% à 51% (avec une accélération remarquable depuis 2009, -11 points), traduction d’une méfiance grandissante vis-à-vis de l’Union ". Les sondages indiquent que cette désaffection est encore bien plus marquée pour les couches populaires.

 

Dans un article intitulé : "Européennes : le Front de gauche progresse sans élan," le journal L’Humanité du 27 mai indiquait avec justesse que le nombre de voix obtenues par rapport aux élections européennes de 2009 avait légèrement progressé (6,47 % 1 114 872 voix). Ce résultat cache de fortes disparités d’une circonscription à l’autre. Le Front de gauche obtient son meilleur score dans la circonscription sud-ouest avec Jean-Luc Mélenchon qui fait son entrée au Parlement européen avec plus de 8 % des voix.

 

D’autre part, pour ces deux dernières élections, municipales et européennes, ce qui semble échapper à la quasi totalité des responsables du FdG – et c’est bien triste – c’est que les médias déploient une stratégie de marginalisation absolue à l’égard des représentants FdG. Et au lieu de s’interroger à la seule lumière de ces résultats (pipés), sur le bien ou mal fondé de l’alliance avec le PS, au lieu d’invoquer de soi-disant querelles d’egos, ils devraient examiner en tout premier lieu, avec sérieux, comment la diffusion de leurs idées occupe bien peu d’espace par rapport à celles du PS, de l’UMP et du FN.

 

Évidemment les médias ne sont pas les seuls responsables : l’autre raison tient à un déficit organisationnel du FdG. D’autre part, s’il est parfaitement vrai que la stratégie d’alliance avec le PS a une incidence sur les résultats électoraux, nous verrons plus loin pourquoi, il faut bien comprendre que les médias n’ont pas une attitude neutre par rapport à cette stratégie d’alliance ou de non alliance du FdG avec le PS.

 

Mais revenons à notre propos. On peut se rendre compte de la préoccupation de refonder le Front de gauche en parcourant la presse et quelques sites :

- "Passer du Front de gauche au front du peuple" titrait le journal l’Humanité du 20 juin 2014 Un projet de gauche pour la France ;

-  "Parti de gauche et PCF appellent à un Front du peuple chacun de leur côté" titrait Libération 15 juin 2014 ;

-  "Où v a le Front de gauche ?" titrait le webzine Les Inrocks Du 21 juin 2014

Article intelligent, présentant clairement les deux options incompatibles d’une refondation du Front de gauche ou d’un front du peuple. L’une restant dépendante du PS en voulant intégrer les socialistes et écologistes affligés (qui n’ont pas, pour autant, rompu avec le PS), l’autre voulant construire une force indépendante alternative au PS.

 

- Lors de son dernier Conseil national, le Parti de gauche a appelé à une "refondation" du Front de gauche et à la "convocation d’assises ouvertes", afin de "clarifier sa stratégie électorale" et de "réactualiser son programme", "Mélenchon ne privilégie plus son tête-à-tête avec le PCF au sein du Front de gauche" indiquait le Blog de France info du 15 juin 2014 ;

 

- Dans une perspective de recomposition de la gauche rose –rouge – vert, "Il faut réfléchir avec un coup d’avance pour rebondir en cas de déroute de notre camp. La recomposition de la gauche se fera vraisemblablement autour d’un axe rose, vert, rouge. La famille des socialistes doit plus que jamais maintenir des liens avec des formations comme le Front de Gauche (FDG) et Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) au lieu de construire de nouvelles majorités avec l’UDI..." pouvait-on lire dans l’Express du 15/0 5/2014 comme réponse de Liêm Hoang-Ngoc, membre du bureau national du PS et de l’aile gauche du parti, économiste et eurodéputé sortant aux journalistes. En savoir plus ICI  ;

 

- Dans la même veine, sur le site de la gauche unitaire (GU) on pouvait lire dans un article titré : "Poursuivre le débat de planification engagée au Front de gauche"

"Le Front de Gauche doit sortir des postures incantatoires, pour se replacer au cœur de la gauche, y porter une politique pour toute la gauche et y défendre la perspective d’une nouvelle majorité rose-vert-rouge rassemblant les forces et les partis qui refusent la politique libérale de François Hollande et Manuel Valls. Un nouvel élan est à ce prix !"

 

Cette prolifération de prises de position pour "élargir" ou "refonder" le FdG relayée, par les médias, fait dire à une blogueuse de Mediapart il s’agit d’une" grande offensive."

 

Mais un esprit critique vis-à-vis des médias devrait se poser la question : pourquoi soudainement autant de micro tendus pour entendre Pierre Laurent et d’autres , alors que leur présence sur les plateaux lors des trois dernières élections était plutôt fantomatique ?

 

 

 

 

 

 

Le journal l’Humanité a eu le mérite de laisser s’exprimer différents points de vue dans un dossier intitulé : "Le débat est ouvert".

 

Concernant notre propos, nous retiendrons les suivants :

- Tracer la perspective d’une alternative en France et en Europe par Martine Billard, Christian Picquet et Anne Sabourin

- Sur les luttes et les alternatives, comment construire un rassemblement à gauche  ?

- Des communistes pour une refondation ambitieuse du Front de gauche

- Crise de la politique, Front de gauche et élections européennes  : et maintenant  ?

- Gérard Piel : "Le prolongement du FDG est notre seule chance de résister"

- "Le Front de Gauche doit créer les conditions du nouveau bloc majoritaire"

- Un front du peuple pour la démocratie, l’égalité et la justice sociale

- Sur le blog de Mediapart du mouvement Ensemble du FdG , on pouvait lire le 6 juillet 2014 : " "Après l’euphorie des débuts du Front de gauche, sa nature de cartel de partis est devenue un handicap évident aux yeux de tous : électeurs, militants et responsables des formations qui l’ont initié. Désormais, l’idée que le Front de gauche doit se transformer pour faire place aux citoyens est explicitement défendue dans toutes ses instances et elle est portée publiquement… Sauf que cela ne se produit pas…" Source : ICI

- Sur le site du PG Midi-Pyrénées, on pouvait lire début juillet 2014 Gauche : ne plus tarder ! "Des responsables politiques du Front de gauche (PG, PCF, Ensemble...), d’EELV, de Nouvelle Donne appellent à rompre urgemment avec la politique de Hollande et Valls."

 

On assiste donc à une effervescence sans ligne directrice claire (au niveau global) consécutivement au tableau du brouillage des frontières dressé précédemment.

 

Néanmoins le ralliement des "frondeurs" du PS à la politique gouvernementale ainsi que d’une majorité des responsables de EE–LV a le mérite de rendre claires les options idéologiques de ces derniers. L’appel des 100 est resté sans suite !

 

 

 

 

 

 

2 - Programmes et alliances

Pour clarifier la situation, il est nécessaire maintenant de distinguer deux problèmes

 

A - Le problème de l’identité politique de chaque courant de la gauche.

Il ne suffit pas de créer un pôle de résistance contre les agressions multiples du néolibéralisme et de quelque gouvernement libéral ou social–libéral, ce qui réduirait l’action politique à une stratégie purement défensive, mais il faut aussi affirmer une identité politique propre alternative au néolibéralisme et à la politique gouvernementale en place.

 

Et cette identité politique passe nécessairement par l’élaboration d’un projet de société et d’un programme de gouvernement. Une telle élaboration nécessite en amont une analyse économique et sociale structurelle et critique du système capitaliste financiarsé contemporain. À cela s’ajoute une analyse critique des mesures gouvernementales prises par les pouvoirs en place aujourd’hui et ces dernières années.

 

Chaque courant ou parti peut alors avoir des analyses et des propositions alternative spécifiques. Par exemple, le Front de gauche dispose du programme "l'Humain d'abord" constitué de différents apports des partis qui le composent. EE–LV dispose du programme "Vivre mieux. Vers une société écologique". Le PG dispose de "18 thèses pour l'éco socialisme".

 

B - Le problème de l’alliance entre courants distincts

a) Soit pour s’opposer à certains fonctionnements du système capitaliste contemporain et pour s’opposer à une politique gouvernementale jugée par ces courants comme désastreuse pour la population. Cela n’implique pas forcément la demande de démission du gouvernement en place. Cela passe alors par l’élaboration d’une plate-forme politique conjoncturelle commune à la fois critique et constructive. C’est par exemple, la démarche adoptée par les syndicats à certains moments de leur histoire lorsqu’il organisent une unité d’action.

 

b) Soit pour prendre le pouvoir et gouverner ensemble. Cela suppose l’élaboration d’un projet de société et d’un programme de gouvernement commun dans les domaines économique, social, institutionnel et culturel. Ce fut par exemple le cas du programme commun de l’union de la gauche signée en 1972. Cette démarche nécessite la mise en commun des différents programmes afférents à chaque courant et souvent d’âpres négociations

 

3 - Définition d’une identité idéologique et politique

A - Distinguer programme et alliance.

Cette distinction entre ces deux problèmes permet de bien comprendre que l’on ne peut définir une identité politique d’un parti, d’un mouvement, d’un courant par une simple stratégie d’alliance, quelle que soit sa nature, ou par une simple opposition à un système économique ou une opposition à quelque politique gouvernementale.

 

Définir une identité politique nécessite la construction collective d’un programme économique et politique en toute indépendance des pressions exercées par les autres partis ou par les médias.

 

Cette construction collective nécessite aussi un haut niveau d’organisation démocratique qui demande en elle-même une réflexion collective. (On voit donc que la notion de programme n’est pas dissociable de la notion d’organisation lorsque l’on aborde le processus d’élaboration).

 

Ne pas faire cette distinction, c’est sombrer dans l’opportunisme politique, c’est condamner à terme son parti ou courant à la dislocation au gré des aléas des alliances et mésalliances. C’est aussi détruire les frontières politiques avec toutes les conséquences que l’on connaît.

 

Ainsi le Front de gauche ne peut subordonner son identité politique à un simple problème d’alliance ou de non alliance avec le PS ou avec quelconque autre parti.

 

Il lui appartient d’affirmer sa propre vision du monde, son,système de représentations sociales, sa philosophie politique et évidemment un projet de société accompagné d’un programme de gouvernement construits collectivement et démocratiquement, en déconnexion avec les aléas électoraux largement déterminés par la puissance médiatique.

 

 

 

 

 

 

 

D’autre part, l’élaboration de son programme ne peut reposer sur une démarche clanique fermée ou sur le travail d’une commission d’experts déconnectés des réalités sociales mais au contraire sur une démarche ouverte intégrant tous les apports d’autres programmes de partis, de plates-formes de congrès syndicaux ou d’associations, ou de travaux importants réalisés par des universitaires, des parlementaires, etc. jugés comme positifs par les adhérents du Front de gauche.

 

Évidemment tout citoyen de bonne volonté au sein d’assemblées citoyennes et d’ateliers de réflexion peut apporter sa contribution ancrée sur son expérience propre.

 

Bref, ce programme devrait être une condensation des réflexions menées par l’intelligence collective du mouvement social.

 

 

 

 

Il ne faut pas perdre de vue que tous les mouvements sociaux passés ou récents dits "révolutionnaires" qui n’ont pas été portés par un programme clair élaboré par une intelligence collective porteuse des aspirations populaires ont conduit à un échec et parfois à des répressions sanglantes.

 

Cela implique une capitalisation et une exploitation adaptée du travail intellectuel passé et certainement pas une mise au rencard dans les poubelles de l’Histoire de ce travail collectif. Le programme "l'Humain d'abord" devrait-il être jeté dans les corbeilles des bureaux de vote après dépouillement des bulletins de ces dernières élections ?

 

Certainement pas ! Car un programme digne de ce nom ne doit pas être assujetti à une démarche purement électoraliste. Certes ce programme nécessite approfondissement enrichissement, amélioration dans sa forme et dans son contenu, mais il reste une base de travail essentielle dans l’affirmation de l’identité du Front de gauche comme force politique non assujettie aux tactiques et stratégies électorales du moment.

 

L’identité du Front de gauche ne repose pas essentiellement sur des personnalités comme Jean-Luc Mélenchon, Pierre-Laurent, Clémentine Autain, etc. comme s’acharne à le faire croire l’ensemble des médias au service de la grande bourgeoisie, mais repose sur un programme politique de transformation sociale.

 

B - Le problème de la structure organisationnelle du FdG.

Mais un projet de société et un programme de gouvernement ne suffisent pas à définir complètement l’identité politique d’une organisation, surtout lorsqu’elle est composite comme celle du Front de gauche. Il faut qu’existe une structure organisationnelle assurant la cohésion, la coordination , la cohérence de l’action tant au niveau national que local.

 

Le désarroi provoqué par le manque d’organisation du Front de gauche est particulièrement bien exprimé dans un texte intitulé : "Du cartel de partis au rassemblement citoyen" sur le site du mouvement Ensemble du FdG.

 

 

 

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3 septembre 2014 3 03 /09 /septembre /2014 09:30
(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée

La professionnalisation de la politique dans le contexte du néolibéralisme a maintenant pleinement produit ses effets :

- Perte de crédibilité des partis traditionnels,
- corruption,
- progression de l’extrême droite,
- grande difficulté pour les forces politiques alternatives à faire front et s’organiser

 

Sources : Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Hervé Debonrivage

- I – La politique désastreuse des gouvernements de François Hollande

(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée

Austérité budgétaire, cascade de reculades et d’engagements non tenus sous la pression des groupes financiers et du Medef la politique économique ultralibérale menée par François Hollande non seulement conduit la France à un désastre économique mais a déjà provoqué deux échecs électoraux successifs d’une grande ampleur générant un champ politique en bouleversement : affaiblissement important de l’influence électorale du PS le plaçant à terme en difficulté financière, stagnation du Front de gauche, montée en puissance du FN (arrivé en tête dans 71 départements) améliorant notablement sa situation financière et abstention record.

 

Colère, résignation, découragement, sentiment de trahison ont conduit une bonne partie de l’électorat de gauche à s’abstenir et une partie de l’électorat populaire à voter pour le Front National.

 

Comme le fait remarquer à juste titre Thomas Piketty, le PS n’a pas mis à profit ses dix années d’opposition, pour élaborer un programme électoral et de gouvernement à la hauteur des enjeux économiques et sociaux (notamment dans le domaine de la fiscalité) qu’exigeait la situation préoccupante de notre pays après 10 années de règne de la droite aggravé encore par la crise financière internationale. On constate ici les effets de l’absence de débats d’idées, de larges concertations avec les syndicats, associations et différentes composantes de la gauche, l’absence d’une ligne idéologique définie : improvisation, opportunisme, absence de perspectives claires et dynamiques.

 

Tout se réduit à une gestion comptable à courte vue reposant sur des dogmes libéraux assis sur aucune base scientifique et dont les effets désastreux sont déjà connus.

 

Je ne m’étendrai pas plus longtemps sur cette politique désastreuse qui a fait l’objet d’une myriade d’articles.... Mais cette politique économique calamiteuse se déroule dans un contexte politique global particulièrement dégradé.

 

 

- II – L’intégrité morale des hommes politiques remise en cause sur une vaste échelle

(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée
  • Côté PS, après le scandale Cahuzac, deux conseillers de François Hollande sont mis en cause : Aquilino Morelle et Faouzi Lamdaoui.
  • - Le secrétaire d’État socialiste Jean-Marie Le Guen assujetti à l’impôt sur la fortune, qui a initialement « sous-déclaré » son patrimoine d’environ 700 000 euros à la HAT, devrait subir un redressement fiscal ;

    - La ministre déléguée à la francophonie Yamina Benguigui a cédé à la fin du mois de janvier pour 430 000 € de parts dans une société belge qu’elle n’aurait pas mentionnées dans sa déclaration de patrimoine

    * Au niveau local, des élus ou têtes de liste sont mis en examen :

    - Le député-maire Jean-Pierre Kucheida, Patrick Sève, Jean-Noël Guérini.

    Malgré des reculs concernant le texte sur la transparence du patrimoine des élus, la commission de la transparence rappelle à l'ordre 296 élus. La réticence et les tergiversations des élus pour publier leur patrimoine ne peuvent qu’alimenter la suspicion des électeurs.

     

    • Côté UMP, la situation est bien plus catastrophique encore.

    Suspicion de fraude à l’occasion des élections internes et, guerre des chefs, différentes affaires judiciaires concernant Nicolas Sarkozy, l’affaire Bygmalio 

     

    • Côté FN...

    - Marine Le Pen condamné pour de faux tracts.

    * Au Niveau local, le FN n'est pas non plus épargné par les affaires.

    Trésorier de Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, jusqu’en mars 2012, Olivier Duguet a été condamné en juin 2012 à six mois de prison avec sursis dans une affaire d’escroquerie au préjudice de pôle emploi dont le montant s’élève à plus de 100 000 euros.

    Les comptes en Suisse de Jean-Marie Le Pe "Le président d’honneur du Front national est aussi visé par une enquête préliminaire sur son patrimoine ouverte fin 2013, déclenchée après que la Commission pour la transparence financière de la vie politique a évalué son enrichissement personnel à 1 127 000 euros entre 2004 et 2009 et l’a jugé suspect", d’après des informations recueillies par Médiapart.

     

    Il est bien évident que quelles que soient les issues judiciaires de ces différentes affaires largement relayées par les médias, ces différentes mises en cause affectent considérablement la crédibilité des responsables politiques.

     

     

    - III – Confusionnisme politique et brouillage des repères. Le désarroi des électeurs.

(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée

Il manque un élément au tableau noir précédent pour mieux comprendre la situation dans laquelle se trouvent les électeurs : le brouillage des frontières politiques, ce qui est confirmé par plusieurs sondages.

Tentons de faire un inventaire des différents nuages de brume qui s’accumulent sur la scène politique avant l’orage.

1 . Il n’y a plus de différence entre la ligne économique conduite par le PS et celle conduite par l’UMP ou le centre ;

 

2 . Le Front national pille et récupère un certain nombre de positions du Front de gauche : lutte contre les délocalisations et la désindustrialisation, dénonciation du libre-échange aveugle, nécessité de promouvoir les investissements publics, etc.d’où son attraction, ce qui relativement nouveau, envers une partie des couches populaires ;

 

3 . Et la confusion arrive à son comble lorsque le PCF décide de faire alliance avec le PS au premier tour dans plus de la moitié des communes aux dernières élections municipales, alors que par ailleurs il n’a pas de mots assez durs pour dénoncer la politique d’austérité du gouvernement Hollande et alors que le FdG dispose d’un programme spécifique : "l'Humain d'abord".

 

Dans ces conditions, ce programme ne peut être que perçu comme un slogan électoral dépourvu de contenu ou perçu comme un lot de promesses qui ne seront pas tenues.

 

Consécutivement au tableau précédent décrivant le brouillage des frontières, on assiste donc à une certaine effervescence sans ligne générale claire pour progresser vers plus de lumière.

 

Comment peut-on alors imaginer qu’il existe bien deux gauches en France et non une seule : celle du PS et de ses satellites ? Pour le coup, c’est le FN qui peut apparaître pour une fraction de l’électorat populaire comme celui qui peut être porteur d’une vraie radicalité "Anti système’’ ! Un comble !

 

Cette idée qu’il n’existerait qu’une seule gauche, celle incarnée par le PS, est rabâchée par tous les médias qui n’invoquent que "La gauche" (sous-entendu : le Front de gauche n’existe pas et la seule gauche est le PS). Et évidemment, le FN développe la même idée de concert avec les médias.

 

Et comme toujours, cette confusion favorise non seulement l’abstention mais aussi l’extrême droite

 

 

 

  • Mais la confusion ne s’arrête pas là !

Une partie des élus du PS dits les "affligés" ou "frondeurs" contestent la politique d’austérité de Hollande – Valls

– alors qu’existe déjà les contestataires de la "Nouvelle donne"… qu’ils ne rejoignent pas

– ils continuent de soutenir la politique gouvernementale en votant la réforme ferroviaire le 24 juin, la loi de finances rectificative (PLFR) pour 2014 le 1er juillet, et le 8 juillet, le budget rectificatif de la sécurité sociale (PLFRSS) !

Comme le dit Jean-Luc Mélenchon : "la fronde a fait pschitt !"

 

  • Et la confusion continue encore avec les positions contradictoires de EELV

D’un côté une fraction suivant la position de François de Rugy veut toujours collaborer avec le gouvernement Et l’autre, suivant la décision de Duflot et Canfin décide de quitter le gouvernement

Mais il est clair que, bien que critiques, Jean-Vincent Placé, chef de file des sénateurs écolos, Barbara Pompili et François de Rugy, coprésidents du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, et enfin Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale n’ont nullement l’intention de couper les ponts avec le PS

 

Dans cette confusion générale, pour un nombre grandissant d’électeurs, les partis politiques ne sont plus porteurs d’une ligne politique et d’un programme mais apparaissent comme des écuries électorales dépensant l’essentiel de leur énergie à obtenir à tout prix des sièges grâce à toutes sortes de combines d’appareils et de renoncements..

 

Et pour couronner le tout, le Front National apparaît comme la seule organisation politique ayant une ligne politique claire et non ambiguë notamment du fait que ce parti n’a contracté aucune alliance avec d’autres partis de droite au premier tour des élections.(même s’il peut exister des porosités ponctuelles entre l’UMP et le FN au niveau local ayant conduit au deuxième tour à des désistements du candidat FN pour celui de l’UMP)

 

Dans un tel contexte, ce qui s’impose donc au Front de gauche, c’est la clarification de ses positions et l’affirmation d’un programme et d’un projet de société lisibles et alternatifs non assujettis à des contingences électorales et à une géométrie variable.

 

 

 

 

 

- IV – La stagnation du Front de gauche.

(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée

Une question alors simple s’impose, et qui est d’ailleurs assez souvent posée par des journalistes à des responsables du Front de gauche : comment se fait-il que la situation politique dégradée actuelle ne profite pas au Front de gauche mais engendre plutôt l’abstention et un meilleur ancrage du Front National ? Pire encore, toutes les prévisions économiques Front de gauche sont confirmées par les faits. Ses analyses économiques sont, pour l’essentiel, partagées par un grand nombre d’économistes pas forcément affiliées au FdG. En outre, contrairement aux autres partis, aucun responsable du FdG n’a été l’objet de quelconques poursuites judiciaires.

 

La réponse est le plus souvent évasive ou de type économiste : c’est la faute de la politique économique d’austérité de François Hollande, de l’abandon des fondamentaux économiques de la gauche,…Ou encore d’autoflagellation invoquant des carences qui ne mettent pas en évidence la question fondamentale de la capacité de diffusion des idées du FdG.

 

En voici un exemple emblématique, parmi d’autres : "…mais le Front de gauche n’apparaît toujours pas comme une alternative au social-libéralisme. C’est une question majeure qu’il faut désormais prendre à bras-le-corps. Je suis convaincu de la justesse de la stratégie de Front de gauche, mais je m’interroge sur ses contours et sa mise en mouvement. Le Front de gauche dans sa forme actuelle (cartel d’organisations), dans la cohérence de son projet (qu’oppose-t-il concrètement aux idéologies du coût du travail et de baisse de la dépense publique, ou bien encore à la dérive présidentialiste ou sur la laïcité... ?), dans l’image qu’il véhicule (trop force d’opposition et non de propositions, trop sectaire et pas assez susceptible de rassembler au-delà de lui-même des socialistes et des écologistes, des syndicalistes et des acteurs culturels, des féministes et des antiracistes...), bref le Front de gauche ne fait pas envie."

 

Ces explications apparaissent comme extrêmement insuffisantes comme réponses à la question. Nous allons, pour notre modeste part, essayer d’y répondre.

L’absence de percée du FdG lors des dernières élections relèvent des causes suivantes :

1 . La politique désastreuse de François Hollande dont l’impopularité frappe aussi le FdG – du fait que celui-ci lui a apporté 4 millions de voix au premier tour des présidentielles. – du fait que le PCF a contracté de nombreuses alliances avec le PS au premier tour des élections municipales. Pour de nombreux électeurs, le FdG apparaît ainsi comme coresponsable de la situation actuelle ;

 

2 . La stratégie de marginalisation du FdG par les médias tendant à gommer son existence sur la scène politique, c’est-à-dire l’existence même d’une seconde gauche. Cela se réalise par utilisation de trois tactiques : – déséquilibres considérables dans les temps de parole et espaces rédactionnels au détriment du FdG et à l’avantage de l’UMP et du PS. Aucun débat ou quelconque publicité concernant le programme du FdG " L’humain d’abord." – formatage libéral et dépolitisation – mise en avant du FN ;

 

3 . L’absence d’une stratégie politique à l’égard des médias et plus généralement concernant tous les moyens d’information et de communication. L’absence d’une organisation structurée et dynamique entre les différentes composantes du FdG fondée sur la coopération et la mutualisation des moyens techniques et humains. L’absence enfin d’une politique de formation des militants et des citoyens à la hauteur des enjeux et de la complexité sociale et économique.

 

Il résulte de tout cela une faible diffusion des idées et des propositions du FdG malgré les efforts considérables et tout le talent de Jean-Luc Mélenchon notamment lors de ses meetings pour éclairer les citoyens.

 

 

 

 

 

 

- V – Il existe bien deux gauche en France, comme en Europe : une gauche qui remet en cause radicalement l’hégémonie de la classe dominante et une autre qui s’en accommode.

J’ai évité ici d’utiliser la terminologie gauche radicale ou anticapitaliste et gauche réformiste ou réformatrice car ces termes sont tellement galvaudés qu’il est difficile de les utiliser sans en préciser le sens. Je préfère une terminologie relative au positionnement des sous-groupes dominés par rapport à la classe dominante.J’ai développé ce point de vue, plus en détail, ailleurs. Les turbulences qui agitent le PS au cours de son histoire, ne peuvent faire oublier qu’il existe bien deux gauches en France.

 

On ne va pas refaire ici l’histoire du parti socialiste, mais chacun sait que le PS a non seulement a accompagné le néolibéralisme depuis 1984 mais a été un agent actif pour sa construction et son développement malgré les quelques réformes sociales importantes qu’il a pu mettre en œuvre, réformes qui ont été ensuite l’objet d’attaques et de régression (retraite à 60 ans, loi de 35 heures notamment).

 

  • On peut se référer à l’excellente "Histoire du réformisme en France depuis 1920" (de 1920 à 1974 édité en 1976 aux éditions sociales ) rédigé par un collectif d’historiens. Cet ouvrage en deux tomes n’a pas été réédité mais on peut se le procurer d’occasion sur Internet pour un prix dérisoire au regard du volume considérable de données historiques qu’il contient ;
  • Pour la période 1981 à nos jours, on a une bonne rétrospective critique du PS réalisée par le sociologue Jean-Pierre Garnier dans une vidéo "La deuxiéme droite" faisant ainsi référence au livre du même titre qu’il a publié en 1984 –86 et réédité en avril 2013. L’extrait de la vidéo à partir de la 27ème minute sur la néo petite bourgeoisie est particulièrement éclairant et permet en effet de ne se faire aucune illusion sur les velléités des "frondeurs" du PS ;
  • Pour la période récente on peut aussi se référer au livre de Michel et Monique Pinçon Charlot "La violence des riches", aux chapitre où il est question du parti socialiste.(notamment le chapitre III). Le livre est disponible en ligne ICI.

 

Nous avons d’ailleurs consacré un article à ce sujet sur ce site "Les réseaux de François Hollande dans le monde le la finance".

 

Tout citoyen qui connaît l’histoire du parti socialiste et de ses relais syndicaux, sait parfaitement que ce parti est hégémonique, et possède son propre système Tina (There is no alternative) de sauvegarde. Sa composante majoritaire ne se laisse guère influencer ni par les courants internes censés représenter la gauche du PS, ni par quelconque pression extérieure de gauche.

 

Certes pendant de brèves périodes, le PCF a pu influencer et infléchir à gauche la direction du PS, mais cela était possible en raison du poids électoral du PCF de l’époque (conditionnant ainsi par désistement l’élection de très nombreux candidats socialistes) et de l’existence de la puissance soviétique.

 

Mais avancer un tel argument depuis les années 1995 relève de l’aveuglement ou plutôt de la mauvaise foi.

 

 

 

 

Il est vrai que certaines luttes sociales de forte intensité peuvent influer et infléchir quelque peu la fraction dominante du PS, mais celle-ci est beaucoup plus sensible aux pressions du Medef et des banques qu’aux revendications des salariés. Mais observons que ces luttes sociales ont relevé plutôt de la responsabilité des organisations syndicales que du PCF.

 

Dans de telles circonstances, plutôt exceptionnelles, les parlementaires du Front de gauche ont pu prendre le relais et avoir une certaine utilité ponctuelle en déposant des amendements plus favorable aux salariés.

 

Combien d’amendements déposés par les parlementaires communistes ou du Front de gauche (pression extérieure) ou par les parlementaires socialistes dits contestataires (pression intérieure) ont été retenus ? Une quantité négligeable du point de vue statistique ? Il est dommage que le site des parlementaires du FdG, (par ailleurs tout à fait soucieux de l’information des citoyens car leur site est très informatif), ne nous permet pas de disposer d’une telle information qui pourrait être actualisée après chaque saison parlementaire. Ensuite un bilan pourrait être fait sur la totalité de la mandature

 

 

- VI – Le dipôle UMP – PS déforme les lignes du champ politique

(1ère partie) : Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée

Nous empruntons à Pierre Bourdieu les concepts sociologiques de champ, de capital symbolique et de capital économique.

 1 - Les institutions de la Ve République favorisent la bipolarisation de la vie politique en France. Difficile pour un petit parti de survivre. Ce système institutionnel incite les partis à contracter des alliances pour pouvoir maintenir leur existence. Ces institutions déterminent les règles du jeu du champ politique (représentatif) pour une bonne part. Elle favorise la personnalisation et les concentrations de pouvoir.

 

2 - Par ailleurs, la professionnalisation de la vie politique détermine les conditions d’existence matérielles et morales des élus.

 

Ainsi, l’UMP et le PS sont les principaux pourvoyeurs de salaire et d’emplois pour ces professionnels de la politique via les dotations de l’État, (plus généralement de la puissance publique) et des dotations émanant d’organismes ou de personnes privés. Ils ont aussi pourvoyeurs de prestige et de postes permettant d’exercer différents pouvoirs.

 

Sont concernés par ces salaires (appelés souvent indemnités) et emplois non seulement les élus eux-mêmes (que Bourdieu appelle les mandataires) mais leurs colistiers, leurs conseillers, une partie du personnel territorial, une partie des fonctionnaires d’État et de responsables de multiples organismes techniques et même certains membres de leur famille Son évidemment, sont concernés aussi les fonds propres et l’emploi des permanents de ces partis.

 

Même le PCF n’échappe pas à cette analyse : il dispose de permanents, il crée de l’emploi dans différents journaux, magazines. Certes les 40 librairies de son réseau de diffusion n’existent plus mais il en reste quelques-unes survivantes "Tout ceci donne le sentiment d’une absence de réflexion globale sur la place du livre au sein du monde communiste. Il n’est donc guère étonnant que l’édifice se soit totalement effondré avec la fin du « communisme réel ». À ce jour, il n’existe plus de maisons d’édition intrinsèquement liées au PCF (mais des éditeurs proches comme Le Temps des cerises et La Dispute), et il ne reste que quatre des 40 librairies que compta le réseau La Renaissance-Messidor" (Source : le Parti Communiste Français et le livre)

 

Mais le PCF n’est évidemment pas le parti rêvé pour les carriéristes car une partie des indemnités est versée au parti. "En 2011, , 46% des revenus du PCF, soit plus de 14 millions d’euros, provenaient de ses élus. Les dons représentaient aussi une part non négligeable de son budget (16%) avant le financement public (12%) et les cotisations de ses adhérents (10%)." Source : ICI.

 

Les subventions de l’État perçues par les partis politiques dépendent du nombre de voix obtenues et du nombre d’élus. "Ainsi, en 2013, le montant global versé aux partis et formations politiques de métropole et d’outre-mer s’est élevé à 70 083 332,15 € dont notamment : 28 480 742,50 € pour le PS ; 19 870 309,79 € pour l’UMP ; 5 543 646,41 € pour le FN ; 3 521 792,11 € pour Europe Écologie-Les Verts ; 3 222 320,99 € pour le PCF (décret n°2013-430 du 27 mai 2013) Plus d’informations ICI.

 

En outre, en cas d’échec électoral, le réseau construit par le parti ou l’élu sur de longues années permet un reclassement non seulement de l’élu mais aussi d’un certain nombre des agents politiques ou administratifs "victimes" de la défaite : le parti joue le rôle d’une agence de reclassement. Mais tout ce processus, évidemment, ne se réalise pas toujours sans difficultés et dans la transparence.

 

Observons que  le montant de ces indemnités est loin d'être négligeable  surtout dans un contexte de rigueur salariale qui dure depuis 30 ans et dans un contexte de chômage de masse qui frappe aussi les personnels hautement qualifiés.

 

En appliquant le concept d’idéologie développé par Marx dans son célèbre ouvrage L’idéologie allemande et par Althusser, aux responsables politiques, il est clair que l’idéologie des élus, c’est-à-dire leur ligne politique, est influencée par ces facteurs économiques : c’est l’effet de ce qu Bourdieu appelle le capital économique (CE).

 

3 - Capital économique et capital symbolique dans le champ politique.

Les représentations sociales et politiques déterminant notamment des options de programmes et de projets de société constituent le champ idéologique des responsables,des militants politiques et en particulier des élus Les vecteurs stables de propagation de ce champ sont les partis politiques, les médias et plus généralement les appareils idéologiques. Dans leur forme communicationnelle, on les nomme souvent convictions.

 

Le champ idéologique des élus ou représentants (appelés mandataires par Bourdieu) tel qu’il est perçu par les électeurs (appelés mandants) constitue le capital symbolique de ces mandataires (voir un cours sur les concepts de Pierre Bourdieu ICI).

 

Il est possible de rapprocher la notion de capital symbolique à celle de "valeur perçue" utilisée en marketing : "La valeur perçue est la valeur d’un bien, d’une marque ou d’un service qu’un individu perçoit, au-delà de sa valeur d’usage et/ou de sa valeur d’échange. La valeur perçue est donc subjective en fonction des besoins de l’individu, mais également en fonction de la perception qu’il peut avoir de l’élément concerné" (source : l'encyclopédie du marketing.

 

Ce champ idéologique (CI) et ce capital symbolique sont plus ou moins assujettis au capital économique (CE) et se trouve ainsi déformés voire même partiellement altérés ou écrasés lorsque les agents politiques accordent plus d’importance à leur capital économique qu’à leur capital symbolique pour les raisons expliquées ci-dessus.

 

Cette situation n’est pas sans analogie avec le couple conceptuel valeur d’usage/valeur d’échange développée par Marx. Dans le système capitaliste, le pôle dominant est la valeur d’échange des marchandises exprimées monétairement par leur prix. L’aliénation des partis politiques dans le cadre d’un système capitaliste de plus en plus financiarisé avec le néolibéralisme est la domination du capital économique sur le capital symbolique. Cette aliénation induit un comportement politique bien connu : l’électoralisme. L’activité politique se résume aux campagnes électorales.

 

Cette professionnalisation conduit aussi à utiliser des techniques de marketing de type commercial : appel à des agences de communication, spin doctors, utilisation des instituts de sondage pour connaître les idéologies des populations cibles et pour avoir un indice de popularité, utilisation synchrone des différents supports médiatiques pour véhiculer la bonne parole, les bons slogans, etc.

 

Les partis politiques deviennent alors des écuries de course électorale, des entreprises concurrentes se partageant les parts du marché électoral.

 

 

 

 

Tels sont les moyens mis en œuvre pour optimiser le capital économique (en maximisant le nombre de postes de pouvoir obtenus aux élections et donc les ressources financières) et l’action du champ idéologique (par l’étendue et l’ampleur des procédés de persuasion à destination des mandants, appelés plus couramment électeurs). Ce type de management politique poussé à sa logique extrême aboutit à la marchandisation du politique c’est-à-dire que le capital symbolique (positions idéologiques) devient un "argument de vente" pour augmenter le capital économique. Dans un tel cas, l’agent politique ne croit plus à ce qu’il dit mais construit des discours de toutes pièces en fonction des études sociologiques du marché idéologique électoral réalisé par les instituts de sondages.

 

Précisons maintenant la nature du champ idéologique des partis.

Nous avons défini dans un autre article comment les dominés se positionnent en quatre sous-groupes par rapport au groupe dominant "G". Nous plaçons dans le contexte historique actuel de la France. Je rappel schématiquement cette typologie.

  • Le groupe G1 est le sous-groupe des "collaborateurs" : il partage totalité des représentations de la classe dominante. Politiquement, il est constitué des partis de droite. L’extrême droite en est la roue de secours si les sous-groupes G3 et G4 deviennent plus importants que les deux premiers groupes.
  • Le groupe G2 est le sous-groupe des "collaborateurs critiques" : il partage en bonne partie les mêmes représentations que le premier groupe dans le domaine économique. Ses différences s’affirment surtout dans le domaine sociétal Politiquement, il est constitué du PS, du PRG et de EELV. Ces deux groupes partagent l’idéologie du libéralisme avec ses différentes variantes.
  • G3 est le sous-groupe que j’ai appelé "réactif" qui ne partage pas le système de représentations dominant mais qui n’a pas élaboré un système idéologique et politique élaboré de remplacement. Politiquement, il est constitué des partis dits d’extrême gauche et de la mouvance anarchiste.
  • Le sous-groupe G4 que j’ai appelé "cognitif" ne partage pas non plus les représentations sociales et politiques du groupe dominant et dispose d’un système de représentations propre alternatif. Politiquement il est constitué des partis du Front de gauche. Syndicalement, il est essentiellement constitué de la CGT, la FSU, Sud solidaire Les groupes G3 et G4 partagent une idéologie anti-libérale avec quelques variantes.

 

Le champ idéologique "CI" est donc bipolaire : libéral (L) et antilibéral (AL). Ce n’est rien d’autre que l’expression idéologique de la lutte de classe entre dominants et dominés si l’on adopte un point de vue marxiste.

 

4 – Le jeu d’alliances assujetti au capital économique est régi par le dipôle UMP –PS

a) Lorsque deux partis d’un même sous-groupe de dominés établissent une alliance, pour conserver ou accroître leur capital économique, le capital symbolique respectif de chaque parti ne se trouve pas trop altéré.La lisibilité politique reste relativement claire et la confiance des électeurs (croyances dirait plutôt Bourdieu) n’est pas trop entamée si l’alliance a été réalisée loyalement. C’est par exemple le cas de l’UMP et de partis du centre. Pour ne pas perdre un nombre de sièges importants, de nombreux centristes ont préféré se rallier à Nicolas Sarkozy et à l’UMP plutôt que de suivre de manière autonome François Bayrou et le MoDem.

 

Mais ce n’est pas toujours le cas, si l’alliance ne se réalise pas loyalement et devient conflictuelle. C’est par exemple le cas de l’alliance PS –EELV. Dans tous les cas, le parti dont le capital économique est le plus important est (ou a tendance à être) hégémonique.

 

b) Lorsque deux partis de deux sous groupes de dominés différents contractent une alliance, pour conserver ou augmenter leur capital économique, le capital symbolique de chaque parti se trouve altéré dans des proportions semblables s’ils ont un capital économique de niveau à peu près équivalent.. C’est généralement le cas pour les alliances contractées par des partis de droite et sociaux démocrates en Europe

 

Si l’un des deux partis a un capital économique beaucoup plus faible que l’autre, celui-ci voit son capital symbolique fortement altéré voire écrasé La confiance des électeurs se trouve alors fortement remise en cause. Les repères politiques sont alors brouillés C’est le cas de l’alliance PCF–PS. Au fil des alliances successives avec le PS depuis les années 1990, le capital économique et le capital symbolique du PCF ne font que décroître, pouvant même le placer derrière les partis du groupe G3 qui n’ont contractés aucune alliance avec le PS (Voir les détails statistiques cliquant ICI et LA

 

5 – Lorsque le capital économique fait exploser le capital symbolique

Lorsque l’augmentation du capital économique jusqu’à l’enrichissement personnel devient le moteur principal de l’action politique, la corruption et la violation des lois républicaines peuvent s’installer d’abord dans l’opacité puis parfois apparaître au grand jour.

 

D’autre part, la politique marketing, ponctuée de meetings extrêmement coûteux, d’une stratégie publicitaire budgétivore, peut devenir un gouffre financier pour certains partis et conduire à des conduites illégales dont on ne détaillera pas ici la variété décrite par Mediapart. Les différents scandales consécutifs à ces pratiques ont pour conséquence une quasi destruction du capital symbolique porté par certaines personnalités ou même par la totalité d’un parti dont la crédibilité alors s’effondre.

 

La situation devient alors critique pour la démocratie lorsque cet effondrement touche la quasi-totalité des partis. Et c’est effectivement le cas en France depuis ces 10 dernières années où les taux d’abstention ne font que croître pour atteindre des valeurs record.

 

Les médias parlent alors de la "crise de confiance des Français envers la classe politique". Ainsi, selon un sondage du CEVIPOF de janvier 2014, 87% des Français pensent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout de ce que pensent les gens D’autre part,69% des personnes interrogées estiment que la démocratie en France ne fonctionne pas très bien ou pas bien du tout, contre 48% en 2009. (Ce sondage a eu lieu avant l’affaire Bygmalion et la mise en examen de Sarkozy).

 

Cela fait dire au sociologue Jean-Pierre le Goff "Nous assistons aujourd'hui à l'autodestruction du monde politique".

 

 

 

 

Mais cette hypertrophie de l’importance accordée au capital économique finit par retourner celui-ci contre lui-même lorsque la justice se mêle de l’affaire et provoque alors un effondrement financier.

 

6 – Lorsque le capital économique modifie le capital symbolique par mimétisme stratégique

Comme le montrent certaines études ou reportages récents, le FN n’est pas épargné par la politique marketing et l’obsession d’augmenter son capital économique. Pour capter l’électorat populaire et se parer d’une image défendant les intérêts des travailleurs, le FN reprend à son compte un certain nombre de thématiques du Front de gauche qui constitue pour lui son principal concurrent pour ce type d’électorat. Ainsi est-il amené à modifier jusqu’à le restructurer son ancien capital symbolique destiné aux classes moyennes (commerçants et artisans, professions libérales). Cela ne l’empêche pas pour autant de conserver certains anciens marqueurs comme la dénonciation du fiscalisme, de l’immigration sauvage, etc. lui permettant en même temps de se distinguer du Front de gauche et de conserver son électorat traditionnel.

 

L’absence d’alliances électorales officielles avec l’UMP lui permet d’avoir un capital symbolique propre le présentant comme une force politique alternative possible pour une frange non négligeable de l’électorat. Cette stratégie se paye par un nombre d’élus très restreints affectant ainsi son capital économique.

 

 

- VII – Refonder le Front de gauche ? Vers un Front du peuple ? Refonder la gauche ?

 

La suite, voir : "Le Front de gauche en quête d’identité dans un contexte de crise économique et politique généralisée (2ème partie)."

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23 août 2014 6 23 /08 /août /2014 09:20
Martine Billard : « Il faut une grande clarification pour que le Front de gauche prenne son envol »

L’attitude du PCF, qui s’allie parfois au PS brouille la ligne politique !

 

INTERVIEW - La coprésidente du Parti de gauche pointe l’attitude du PCF, qui s’allie parfois au PS ce qui, à son sens, brouille la ligne politique…

Le Parti de gauche fait sa rentrée politique ce jeudi, avec ses « remue-méninges » de Grenoble (jusqu’à dimanche), dans un climat morose.

Aux municipales, le Front de gauche s’est désagrégé avec les alliances entre le PCF et le PS et les piques entre les deux partis se sont multipliés. Exténué, Jean-Luc Mélenchon a dressé un constat d’«échec» du Front de gauche, disant par ailleurs ne plus vouloir apparaître en première ligne. 20 Minutes fait le point sur le Parti de gauche, le Front de gauche et leur avenir avec Martine Billard, la coprésidente du PG.

 

Sources : 20 minutes.fr le 19/08/2014

- 20 minutes : Pour la première fois, PG et PCF font leur université d’été séparément… Un symbole du malaise actuel ?

Martine Billard : On a eu des difficultés, on s’y est pris un peu tard après les européennes. Mais c’est vrai que ce n’est pas seulement une histoire de timing, l’ambiance n’a pas été au beau fixe dernièrement. On a jugé qu’il serait plus productif qu’on se retrouve à la rentrée, le 6 septembre, pour discuter entre nous. Nous avons besoin de travailler, de voir où nous en sommes pour voir où nous voulons aller. Ce qui est sûr, c’est que nous ne voulons plus nous retrouver, à la veille d’une échéance électorale, dans la même situation qu'avant les municipales, sans clarté sur la ligne politique.

 

 

- 20 minutes : Jugez-vous comme Jean-Luc Mélenchon que le le Front de Gauche est "en échec" ?

Martine Billard : Par rapport aux objectifs que nous nous étions fixés, 2014 a été une mauvaise année. Nous n’avons pas progressé, nous n’avons pas élargi et approfondi le Front de gauche. Le manque d’unité d’expression politique du Front de gauche au niveau national a en effet fragilisé le mouvement. On ne peut pas critiquer le gouvernement, à juste titre, voter contre ses textes, à juste titre, et ensuite publier des déclarations qui appellent à l’union entre le PCF et le PS. Si aux municipales, ça n’avait été que quelques cas locaux… Mais 52% des listes du PCF étaient avec le PS… Le PCF est un parti historique, on savait quelles étaient ses habitudes mais on ne pensait pas qu’il repartirait sur les mêmes schémas. A Grenoble, à Rennes, nous avons été avec les écologistes, et ça a fonctionné.

 

 

- 20 minutes : Comment relancer le Front de gauche ?

Martine Billard : Le PCF doit lever son ambiguïté avec le PS pour redonner confiance à ses partenaires. Il faut une grande clarification pour que le Front de gauche prenne son envol. Nous ne voulons pas être la marge de manœuvre que le PC utilise seulement quand le PS ne veut plus de lui. On a l’impression d’être utilisé dans les négociations du PC avec le PS et on le voit en ce moment avec les sénatoriales. On ne peut pas construire une force avec une telle absence de confiance et un problème de ligne politique;

 

Et puis, il faut qu’on ouvre grand les portes du Front de gauche pour dépasser le cartel d’organisations que nous sommes actuellement. Il faut convaincre des militants de nous rejoindre et continuer à discuter, à travailler, avec des frondeurs du PS, avec EELV, avec le NPA, Nouvelle donne, tous ceux qui s’opposent à la politique du gouvernement, pour construire l’espoir d’une majorité alternative.

 

 

- 20 minutes : N’y a-t-il pas un problème de personnalité, avec un Jean Luc Mélenchon qui serait jugé trop clivant, qui aurait trop personnalisé ?

Martine Billard : Jean-Luc Mélenchon a été notre candidat à la présidentielle, la principale élection de la Ve République: qu’il le veuille ou non, cette élection polarise, personnalise. C’est le système français. Mais choisir un candidat à la présidentielle en espérant qu’il fasse un bon score, utiliser ce bon score pour ses petites affaires et le rejeter ensuite, ce n’est pas correct. Avec sa personnalité, Jean-Luc Mélenchon nous a beaucoup aidés à la construction du Front de gauche il y a cinq ans.

 

 

- 20 minutes : Comment vous analysez ces critiques ?

Martine Billard : Certains pensent qu'il tape trop fort sur le PS et préfèrent en faire une affaire de personnalité plutôt que de parler de réels désaccords politiques de fond. C’est moins un problème de personne que de ligne.

 

 

- 20 minutes : Mélenchon lui-même souhaite prendre du champ… Le PG peut-il survivre sans lui en première ligne ?

Martine Billard : Jean-Luc Mélenchon sera toujours là mais c’est vrai que nous voulons mettre en avant d’autres personnalités émergentes au Parti de gauche. C’est toujours difficile, on l’a déjà vu, les médias disent "c’est Jean-Luc Mélenchon ou personne". Nous avons une année 2015 sans échéance électorale qui va nous permettre de souffler un peu, de réorganiser nos forces et de relancer le travail théorique.

 

 

- 20 minutes : Le Parti de gauche peut-il survivre à une éventuelle fin du Front de gauche ?

Martine Billard : Nous sommes un vrai parti de militants, avec 12.000 adhérents, dont beaucoup de jeunes. Je ne suis donc pas inquiète pour l’avenir du PG qui est le seul à avoir réussi la synthèse des questions sociales, écologiques et institutionnelles.

 

 

- 20 minutes : Et pourtant, vous n’attirez pas les déçus de François Hollande…

Martine Billard : Ce n’est pas automatique! Les pays où la gauche de la gauche marche sont ceux où la crise sociale a été beaucoup plus importante qu’en France. Et je ne souhaite pas à mon pays une crise plus grave. Le PS français termine la mue que les autres PS européens ont terminée: s’aligner sur les politiques libérales. Alors les électeurs le vivent comme une trahison et leur réaction est pour l’instant le repli. Mais c’est vrai, on n’a pas réussi à entraîner les déçus de François Hollande. C’est l’enjeu de cette année.

 

Pour en savoir plus :

- Jean-Luc Melenchon : « Pour moi, la séquence (du FG) a été écrite entre deux européennes : on a fondé le FG pour les européennes de 2009 et à la suivante on passait devant le PS. Tout était en place. Tout ça a été planté pour une poignée de postes aux municipales», a-t-il déploré en faisant allusion aux accords conclus entre le PCF et le PS lors de la campagne pour les municipales.

 

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25 juillet 2014 5 25 /07 /juillet /2014 09:20
Martine Billard co-secrétaire nationale du Parti de Gauche «Notre responsabilité est de recréer de l’espoir»

Martine Billard, coprésidente du Parti de gauche avec Jean-Luc Mélenchon dresse le bilan de la récente séquence électorale.

Nous poursuivons notre tour d’horizon de la gauche sociale et écologiste avec Martine Billard, qui revient sur les désaccords entre son parti et le Parti communiste lors des municipales, et envisage les alliances possibles entre Front de gauche, écologistes et socialistes « frondeurs ».

 

Sources : Politis.fr interviewée par Denis Sieffert et Sarah Masson

- Politis.fr : Où en le Parti de gauche après les municipales et les européennes ?

Martine Billard : Les élections européennes ont indéniablement été un échec. Certes, le Front de gauche a maintenu son score, mais pas à la hauteur de l’exigence du moment et de nos espoirs. La principale cause reste la cacophonie autour des élections municipales, qui a évidemment eu un impact sur les européennes. On ne peut pas faire campagne main dans la main avec le Parti socialiste et, trois semaines plus tard, appeler à voter Front de gauche.

 

 

- Politis.fr : N’avez-vous pas trop dramatisé ce différend avec les communistes ?

Martine Billard : Nous étions dans une contradiction : soit nous acceptions tout, comme d’habitude, soit nous disions stop. Nous souhaitions des listes autonomes Front de gauche pour les élections municipales et nous avons tout fait pour établir ces listes. Nous avons même pris peu de têtes de liste afin d’en laisser davantage au Parti communiste ou à Europe Écologie-Les Verts (EELV). Cela, parce que nous pensions que la priorité était de faire en sorte que ces listes existent plutôt que de se battre pour les têtes de liste. Mais, à Paris, nous ne pouvions pas accepter que le Front de gauche apparaisse sur une liste avec le PS.

 

 

- Politis.fr : L’autre raison de ce demi-échec électoral n’est-elle pas que toute la gauche est éclaboussée par la politique gouvernementale ?

Martine Billard : Oui, à l’heure actuelle, nous sommes bien dans cette situation. Lors de la campagne, les électeurs les plus politisés nous disaient que cela ne changerait rien, comme en a témoigné la politique menée malgré le « non » au Traité constitutionnel européen en 2005. Les moins politisés manifestaient leur résignation face à la politique actuelle de ce qu’ils appellent « la gauche ». Il est donc vrai que le Front de gauche comme Europe Écologie-Les Verts ont été touchés par la désaffection citoyenne qui résulte de la politique du gouvernement.

 

 

- Politis.fr : Où en êtes-vous des contacts avec les autres forces de gauche « fréquentables » ?

Martine Billard : Il faut le reconnaître, nous sommes dans une période de tâtonnements. Notre responsabilité est de recréer de l’espoir et d’offrir des perspectives. Mais cela suppose de la clarté. Redevenir une alternative crédible aux yeux des citoyens suppose d’être ouvert et de discuter avec tous ceux qui sont critiques avec le gouvernement, y compris les « frondeurs » du PS, tout en étant très clairs sur le fond. Et le fond, c’est la critique de la politique du gouvernement. Sans cela, nous ne nous lancerons pas dans une aventure qui sèmerait la confusion tout en attisant la désespérance et la colère. À cet égard, je regrette que les parlementaires EELV aient voté la loi prévoyant la libéralisation du rail. On voit bien que l’intégration d’EELV à la majorité présidentielle a fait perdre aux élus tout sens critique.

 

 

- Politis.fr : Êtes-vous prêts à accepter l’intégration de nouveaux courants au Front de gauche, comme la gauche du PS et des Verts ?

Martine Billard : Nous pouvons les associer, mais je ne sais pas si une intégration serait pertinente.

 

 

- Politis.fr : Où en sont les relations avec le PC ?

Martine Billard : L’enjeu est de ne pas s’enfermer dans un tête-à-tête PG-PC. Nous avons clairement dit au Parti communiste que nous ne repartirons pas dans le même cirque que celui des élections municipales. Il faut qu’il fasse clairement un choix entre une totale autonomie et l’association avec le PS pour avoir des élus. Il y a des débats au sein même du PC, et tout le monde n’est pas d’accord. Nous comprenons l’importance d’avoir des élus, mais cette stratégie ne marche plus.

 

 

- Politis.fr : La gauche a toujours mis entre parenthèses ses critiques contre le PS quand il s’agissait de battre la droite. Ne pensez-vous pas que ce réflexe est en train de disparaître ?

Martine Billard : Effectivement. Le chantage du PS consistant à crier : « Attention, danger Front national, votez pour nous ! » ne marche plus. Et c’est la déroute qui attend le PS s’il continue. Aujourd’hui, les gens ne veulent plus sauver le PS. Il y a un vrai risque que Marine Le Pen arrive au pouvoir si elle parvient au second tour de la présidentielle face à un candidat de l’UMP ou à François Hollande, car les électeurs de gauche déçus par le PS ne voteront pas.

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12 juillet 2014 6 12 /07 /juillet /2014 09:40
Une question qu’il faudra maintenant trancher une bonne fois

Marie-Noëlle Lienemann et la tambouille de « l’alternative à gauche »

 

Sources : Blog de Jean-Luc Mélenchon

Dans le registre des couteaux sans lame, on sent bien que la gamme va s’élargir bientôt fort vite. Après avoir voté le budget Valls, Marie-Noëlle Lienemann tenait une presse le 11 juillet avec l’ancien ministre Paul Quilès, flanqués de Pierre Laurent du PCF et Emmanuelle Cosse d’EELV.

 

Il s’agissait de faire connaitre un document « base de travail » pour « une stratégie alternative » à gauche. On a compris qu’il s’agissait d’un travail confidentiel mené de longue main. Pourtant, il y a une semaine, nous rencontrions, avec le même Pierre Laurent et tout le Front de Gauche, Emmanuelle Cosse et l’état-major des Verts. Ni Pierre Laurent ni Emmanuelle Cosse n’évoquèrent la prochaine parution de cette plateforme. Mais il est exact qu’Emmanuelle Cosse répondant à Clémentine Autain récusa sans ambiguïté que son projet soit de « créer une plateforme alternative ». Puis, répondant à Martine Billard, elle confirma que son intention était bien d’organiser un dialogue avec le PS lui-même. Son objectif assumé est de former « la passerelle entre l’autre gauche et le PS ». L’initiative Lienemann/Quilès a le même projet de façon concurrente.

 

- On sait où ça coince.

Détail révélateur, Lienemann se donne la peine d’informer que sa « porte n’est pas fermée » au Parti de Gauche, dont elle affirme qu’il « n’a pas souhaité s’associer aux travaux » de bricolage qu’elle conduit. Air connu. Cambadélis parle la même langue. L’objectif est le même : briser le Front de Gauche en isolant les irréductibles opposants à l’alliance avec le PS. Cela ne peut aboutir d’aucune manière. Le Front de Gauche n’est pas une étiquette, c’est une stratégie. Il est tout à fait possible de débaucher des composantes du cartel comme les élections municipales l’ont montré. La stratégie ne sera pas abandonnée pour autant, comme l’ont également montré les élections municipales.

 

Evidemment, comme dit le proverbe berbère : « la seconde fois que tu te fais avoir, c’est de ta faute ». Nous sommes prévenus. La samba des sénatoriales menées de nouveau sans vergogne au nom du Front de Gauche montre que l’addiction au PS est parfois irrémédiable. Elle recommencera avec les cantonales et les régionales, et ainsi de suite.

 

Nos devoirs pour la rentrée comportent donc une question qu’il faudra maintenant trancher une bonne fois pour que le peuple à son tour puisse trancher par ses bulletins de vote, le moment venu.

 

 

- Rappel :

Selon Jean-Luc Mélenchon, "Les socialistes dissidents doivent déjà s'autonomiser"

 

Le 3 mai 2014, Jean-Luc Mélenchon était l'invité d'i>télé.

Il a appelé les socialistes dissidents à "s'autonomiser" en créant un groupe politique à l'Assemblée nationale, ce qui permettrait de faire contrepoids à gauche à la ligne politique adoptée par Manuel Valls.

- L'analyse de Martine Billard co-secrétaire du Parti de Gauche

Sources : Blog de Martine Billard

Ces derniers jours ont été riches en rebondissements politiques dont certains surprenants et d'autres sinistres.

 

En début de semaine, le vote sur le collectif budgétaire de la sécurité sociale voyait cette fois-ci 35 députés PS s'abstenir, ainsi que 13 députés EELV et 1 députée apparentée EELV voter contre. On ne peut que regretter qu'ils n'aient pas tous voté contre ce qui aurait provoqué le rejet de ce budget qui prévoit entre autres le gel de plusieurs prestations sociales. C'est un petit pas par rapport à l'approbation du collectif budgétaire de la semaine précédente. Mais lorsqu'on voit que ce soir sénateurs PS et EELV ont tous adopté la loi qui organise l'ouverture du transport de voyageurs au secteur privé, on se dit que cette opposition est bien timide et surtout pas à la hauteur des enjeux .

 

Le problème n'est pas d'attendre le prochain congrès du PS pour y prendre la majorité, ce qui est fort honorable bien que je doute totalement du fait que le PS redevienne un parti de gauche. Je crois que l'évolution au centre, comme tous les autres partis de la social-démocratie européenne, est maintenant bien ancrée.

 

Il est urgent de répondre aux attentes de toutes celles et ceux qui n'en peuvent plus dans ce pays. Pour les plus riches, pas de problème, tout va bien pour eux, les 500 les plus fortunés ont vu leur patrimoine progresser de 15% sur un an et 67 d’entre eux ont un patrimoine qui dépasse le milliard d'euros. Cela ne les empêche pas de se plaindre constamment qu'ils sont étranglés par les impôts !

 

Au sénat, les parlementaires du PCF ont voté contre les collectifs budgétaires et la loi ferroviaire comme les députés l'avaient fait avant eux.

 

- Aussi, quelle n'est pas ma surprise de trouver le 8 juillet, le communiqué ci-dessous du PCF

 

Sénatoriales : Pourquoi le Parti Socialiste fait le mort ?

Suite aux résultats des municipales, la majorité du Sénat risque de passer à droite au lendemain des sénatoriales de septembre. Pour la première fois depuis 1945, le Sénat pourrait compter en son sein des sénateurs d’extrême-droite !

Comment expliquer le silence de la direction nationale du Parti Socialiste vis à vis de plusieurs forces de gauche dont le PCF sur la possibilité dans plusieurs départements de réélire un sénateur de gauche ou d’en gagner un du fait de la proportionnelle. Il n’est pas pensable que le Parti Socialiste préfère un Sénat avec une majorité de droite plutôt qu'une majorité de gauche, certes insoumise à des réformes gouvernementales.

Bien évidemment, un accord sur tout le territoire national est rendu extrêmement difficile en raison des divergences profondes au sein des forces de gauche. Le PCF n’en fait pas la demande : il demeure en revanche disponible pour examiner certaines situations départementales qui, selon le mode de scrutin (majoritaire ou nouvellement proportionnel dans 17 départements) permettraient de battre la droite.

Des accords départementaux sont encore possibles dans le respect mutuel et sans rien retrancher de nos différences et de nos divergences sur l’avenir de notre pays, sur des réformes gouvernementales et particulièrement celles des collectivités territoriales.

L’apport des cinq sénateurs et sénatrices du groupe CRC renouvelables est décisif dans l’objectif du maintien d’une majorité de gauche. Comment ne pas y voir un atout contre l’élection d’un(e) président(e) de droite et pour l’élection d’un(e) président(e) de gauche au Sénat ? Le 28 septembre, le PCF entend offrir le moyen de s’exprimer, par leur vote, à des milliers de grands électeurs de gauche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- J'avoue que les bras m'en tombent.

Il n'y a pas de majorité gouvernementale au sénat actuellement. Les sénateurs communistes votent assez souvent et à juste titre contre les projets de loi présentés par le gouvernement et encore ces dernières semaines contre les collectifs budgétaires et contre la loi ferroviaire. On ne voit donc pas quel serait l'intérêt du PS de faire élire des sénateurs du PCF qui ensuite vont aller voter contre lui. Et comme de plus, le PS sait qu'il va perdre des sénateurs et la majorité relative au sénat, il est bien décidé à ne partager aucun des postes qu'il pourrait sauver. Europe Ecologie l'a bien compris qui, devant le refus du PS de lui proposer une alliance lui permettant d'obtenir un ou plusieurs sénateurs, a décidé de présenter des listes autonomes.

 

- Pourquoi le PCF n'en fait-il pas autant ? Pourquoi une telle posture de quémandeur ?

Pourquoi ne choisit-il pas de présenter des listes du Front de Gauche partout, représentant bien sûr la diversité du FdG et non des listes PCF qu'on est prié de soutenir sans discuter sous peine d'être traité de diviseur. Voilà ce qui serait la bonne stratégie : des listes autonomes du Front de Gauche faisant campagne contre la réforme territoriale pour la 6ème République, contre la politique d'austérité et le Grand Marché Transatlantique et leurs conséquences sur les collectivités territoriales.

 

Le PCF se plaint du silence du PS mais a tout simplement oublié de discuter avec ses partenaires du FdG.

 

Pour le PG, c'est clair, nous sommes cohérents : aux sénatoriales, nous ne soutiendrons aucune liste avec le PS.
 

Aujourd'hui Pierre Laurent participait à une conférence de presse avec Marie-Noëlle Lienemann (PS) et Emma Cosse (EELV), pour lancer un "nouveau pacte majoritaire à gauche". A cette occasion il déclarait «ce rassemblement est impossible autour de l'actuelle politique gouvernementale».

 

Or ce soir, nous apprenons que Pierre Pierre Laurent se rendra à l'université d'été du PS à La Rochelle pour participer à une table ronde avec Jean-Christophe Cambadélis, Emma Cosse (EELV), Jean-Michel Baylet (PRG), Robert Hue (MUP) et Jean-Luc Laurent (MRC) dont "L'idée est d'avoir une discussion globale et stratégique sur l'unité de la gauche", selon Daniel Assouline."

 

- Quelle photo de famille, Unité de la gauche avec le PS qui mène la politique que nous subissons en ce moment ?

Avec Jean-Marie Le Guen qui n'a pas hésité à traiter de "pseudo-socialistes" les quelques députés PS qui osaient émettre des critiques sur la politique économique et sociale actuelle ?

 

Ce qui en restera n'est pas que Pierre Laurent voulait convaincre les militants PS présents de rompre avec la politique du gouvernement. Non, le symbole ce sera, ils sont tous ensembles pour s'entendre entre eux.

 

Voilà qui va réjouir toutes celles et ceux qui chaque jour se demandent ce que ce gouvernement va encore pouvoir inventer pour leur réduire le peu de droits qui leur restent. Discuter avec toutes celles et ceux notamment au PS qui sont critiques avec la politique gouvernementale, bien sûr. Mais là c'est autre chose : c'est une mise en scène pour montrer que le PS n'est pas isolé et que le gouvernement est soutenu.

 

Quelle erreur d'y aller !

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4 juillet 2014 5 04 /07 /juillet /2014 13:41
Clémentine Autain ne tire pas tous les enseignements des derniers scrutins électoraux
Clémentine Autain se déclare : « Pour un rassemblement plus large que le FDG ! »

 

Sources : Politis n°1305 par Denis Sieffert et Léa Ducré

Pourquoi le rejet de la politique menée par le gouvernement n’a-t-il pas profité au Front de gauche ? Clémentine Autain (porte parole d'Ensemble composante du Front de Gauche) livre sa lecture des résultats et les leçons à en tirer. Elle appelle les forces politiques qui le composent à s’unir dans un projet attractif et à s’ouvrir dans une organisation politique plus souple, plus horizontale, qui lui permette de retrouver un véritable élan populaire.

 

- Politis.fr : Quel est votre sentiment au lendemain de ces élections européennes ?

Clémentine Autain : Comme beaucoup de personnes de gauche, je suis malheureuse de voir cette France bleu marine, cette abstention structurelle et la gauche défaite. Cependant, je ne partage pas cette idée de « séisme politique ». Même s’ils sont pires que prévus, les résultats me semblent raccords avec la situation telle qu’elle se trame depuis trente ans. Les politiques néolibérales produisent la désespérance qui est le terreau de l’extrême droite. Face à la crise de régime et de civilisation que nous traversons, la tentation du repli, d’un retour à l’ordre ancien est forte. C’est à nous d’imaginer l’autre chemin, celui de l’émancipation humaine, et de rendre cette voie désirable.

 

 

- Politis.fr : Est-ce que, tout de même, il n’y a pas eu certaines erreurs d’analyse sur le Front national ?

Clémentine Autain : Bien sûr. Dire qu’il y aurait 25 % de fascistes en France serait absolument faux. Il est important d’observer que le parti de Marine Le Pen n’est pas celui de Jean-Marie Le Pen. Le Front national a fait une mue qui le sort de ses outrances d’hier. Ça ne veut pas dire que ce n’est plus un parti raciste, xénophobe, autoritaire, mais il veut aujourd’hui rentrer dans le cadre démocratique. Marine Le Pen veut prendre le pouvoir et, pour cela, flirte avec la droite classique. Et elle capte les préoccupations sociales. Cela pose à la gauche une difficulté réelle. Pourtant, le Front national ne défend pas la protection sociale. Il porte le discours sur les « assistés », contre ces Français prétendus fainéants. Il est du côté de la propriété et du libéralisme économique. L’extrême droite se positionne à la fois dans l’antisystème et dans la réaction radicale. À nous de dire la dangerosité de son projet, notamment pour les catégories populaires. Il faut assumer la confrontation franche avec lui tout en sachant que c’est l’attractivité de notre propre projet qui sera déterminante pour faire reculer le FN. Cela suppose de nous dissocier plus clairement de la politique du gouvernement et de la majorité du PS.

 

 

- Politis.fr : Une autre question se pose tout naturellement : pourquoi n’est-ce pas la gauche de la gauche qui profite de ce contexte de crise ?

Clémentine Autain : La social-démocratie est en déroute partout en Europe, ce qui laisse en effet des potentialités fortes pour une gauche de transformation sociale et écologique. Mais ce n’est pas mécanique. Pourquoi en France le Front de gauche ne remporte pas la mise comme Syriza ? En Grèce, la mobilisation sociale est vigoureuse après les dégâts de neuf plans de rigueur. La France semble, elle, frappée de paralysie devant toutes ces alternances qui ne changent rien, face à ce gouvernement dit de gauche qui mène une politique de droite. Le Parti socialiste a une responsabilité majeure dans la situation actuelle. La politique de François Hollande a emporté toute la gauche, mais la défaillance mortifère du PS ne suffit pas à expliquer pourquoi le Front de gauche n’a pas davantage la main aujourd’hui. Nous devons balayer devant notre porte. On entend dire qu’il faudrait minorer le score du FN parce qu’il y a eu une forte abstention. Comme si tous ceux qui se sont abstenus n’auraient jamais voté à l’extrême droite ! Ce qui compte, c’est de voir quel est le camp qui a réussi à mobiliser le plus. Force est de constater que le FN a réussi, pas nous. Le Front de gauche n’a pas retrouvé les dynamiques de 2005, quand nous avons dit non au traité constitutionnel européen, et de 2012 autour de Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle. Cet essoufflement est la conséquence à la fois d’erreurs tactiques récentes et de difficultés de fond.

 

 

- Politis.fr : Pouvez-vous préciser l’analyse que vous faites de ces erreurs ?

Clémentine Autain : Au lendemain de la présidentielle et des législatives, le Front de gauche n’a pas su imaginer une architecture organisationnelle qui permette de pérenniser cette implication. Il s’est coupé de l’élan citoyen et militant. Le cartel d’organisations s’est alors très vite transformé en tête-à-tête mortifère entre le Parti communiste français et le Parti de gauche. Si le fonctionnement pyramidal et caporalisé peut avoir une efficacité à très court terme, il ne marche plus pour structurer et développer un espace politique dans la durée. Tant que nous ne proposerons pas une organisation politique plus souple, plus ouverte, plus horizontale, soucieuse du renouvellement de ses élus, porte-parole et cadres politiques, nous n’aurons pas cette force politique, sociale et intellectuelle porteuse de majorités.

 

 

- Politis.fr : Mais il y a aussi des causes plus profondes…

Clémentine Autain : Oui, le problème, c’est le travail de refondation qu’il reste à produire. Cette ambition s’exprime depuis longtemps mais la rénovation n’est pas prise au sérieux dans les lieux de direction. Le Front de gauche a des partis pris nets et identifiants. Il combat les logiques capitalistes et productivistes, il défend les retraites, le système social, la hausse des salaires, mais son projet n’est pas propulsif, il apparaît souvent comme porteur de recettes anciennes. Il faut faire un effort de novation : s’ouvrir sur la société, à la pensée critique contemporaine, au monde culturel pour inventer un nouvel imaginaire, des mots et une forme politique nous permettant d’être audibles et entraînant dans le monde contemporain. Car il ne s’agit pas de revenir à, mais d’aller vers. De nouvelles questions doivent être traitées, comme le consumérisme ou le droit à la ville. L’articulation entre individu et collectif, comme entre égalité et liberté, mérite d’être repensée. Si nous n’avons pas cette audace de l’expérimentation nouvelle, nous irons toujours dans le même mur.

 

 

- Politis.fr : Dans l’immédiat, quelles initiatives comptez-vous prendre ou soutenir ?

Clémentine Autain : Avant l’été, des initiatives doivent être prises pour initier un rassemblement plus large que le Front de gauche. Il faut tendre la main à tous ceux qui ont envie de s’engager sur cette construction alternative : dans le mouvement social, à Europe Écologie-Les Verts, au PS, à Nouvelle Donne, chez les féministes qui se sont présentées de façon autonome. Je trouve de plus en plus navrant cette coupure entre la gauche et le monde culturel et intellectuel. À Ensemble !, nous portons aussi l’exigence d’une refonte des rapports entre social et politique. Si nous prenons aujourd’hui nos responsabilités en nous renouvelant sur le fond comme sur la forme, il pourrait y avoir un élan populaire pour une gauche de transformation sociale et écologique à la hauteur des défis du XXIe siècle.

 

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Mon point de vue :

Pour un rassemblement plus large que le Front de Gauche certes ! »..... mais pas englobant le PS.... comme s'il n'était pas à la tête du pays et ne menait pas une politique de droite !

 

Pour en savoir plus sur le sujet :

- les articles portant sur le même thème

- Un couac ? Tremblay-Sevran (93) : étrange compromission politique

- Malgré le vote du budget rectificatif de la Sécurité Sociale, Clémentine Autain persiste et signe

- Les "frondeurs" combien de divisions ?

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 17:28
De EELV aux députés Front de Gauche.... on en parle !

Loi ferroviaire, collectif budgétaire et autonomie des groupes parlementaires.... des sources de discussions !

 

Sources : blog de Martine Billard

En France et encore plus à gauche, il est de bon ton de rappeler qu'il n'y a pas de mandat impératif et que donc les parlementaires n'ont pas à dépendre de leur parti pour leurs votes au parlement. Il est indéniable que la Constitution rejette le mandat impératif. C'est positif car en cas d''évolution du parti auquel un député ou sénateur appartient contraire aux valeurs défendues au départ, il est sain de pouvoir voter différemment des consignes données.

 

En même temps, il est bien évident que les députés ne sont pas élus sur leur bonne bouille mais bien en quasi totalité parce qu'ils ont été présentés ou soutenus par un parti.

 

On peut donc espérer qu'il y ait un travail collectif entre le parti d'origine et le groupe parlementaire.

 

 

- Si je pose ce débat aujourd'hui, c'est suite à la loi sur la réforme ferroviaire.

J'ai été très étonnée de voir que tous les députés d'Europe Ecologie sans exception ont voté pour cette loi, pourtant exemple même d'une loi anti-écologique. En effet il s'agit d'anticiper le 4ème paquet ferroviaire européen qui généralise l'ouverture à la concurrence de tout le trafic ferroviaire. Ainsi le texte de loi du gouvernement prévoit bien que le SNCF est un service public ferroviaire mais qui participe du système ferroviaire ce qui en bon français signifie que à côté peuvent exister des sociétés privées. Or nous savons tous que l'ouverture à la concurrence de l'ensemble du service voyageur va déclencher une guerre des prix sur les quelques lignes rentables et que les pertes ainsi occasionnées par la baisse des tarifs sur ces lignes provoqueront, pour compenser, la fermeture des lignes considérées comme non rentables.

 

Comment les députés EELV justifieront-ils alors leur vote et ses conséquences dans la poursuite du démembrement de l'aménagement du territoire et dans l'augmentation de la circulation routière pour pallier à la disparition du rail ?

 

 

- Intriguée, je suis donc aller voir l'explication de vote.

C'est François de Rugy, le coprésident du groupe EELV, qui l'a prononcé. Entre autres propos, il a affirmé « Cette nouvelle structure garantit un haut niveau de service public ; elle préserve et renforce même le caractère public de notre système ferroviaire et elle est conforme au droit européen.... Les écologistes voteront pour ce projet de loi, texte nécessaire, responsable et prometteur.».

 

Là, je me frotte les yeux en me disant qu'il y a usurpation de dénomination car aucun écologiste de ce nom ne pouvait voter pour un tel démantèlement programmé du rail dans notre pays !

 

Renseignements pris auprès des militants de EELV, aucun débat ne semble avoir été organisé dans le parti pour discuter de cette loi et donc les députés ont pris leur décision tout seul. Je ne dis pas qu'il est possible que tous les textes de loi soient débattus dans les partis auxquels appartiennent les députés, mais celui-ci était d'importance et a donné lieu à plusieurs jours de grève des cheminots. Il apparaît donc de bon sens que les partis aient leur mot à dire sur le sujet.

 

 

- A ce propos, qu'en a-t-il été au Front de Gauche ?

Il n'y a pas de lien entre les 10 députés qui s'en réclament et le FdG en tant que tel. Nous avions bien essayé d'obtenir des rencontres programmées pour échanger sur les échéances parlementaires principales, mais nous nous sommes heurtés à un refus, toujours au nom de l'indépendance des parlementaires par rapport aux partis. Ils ont pourtant été élus grâce à notre soutien ! On peut imaginer que au moins les 7 députés du PCF ont des échanges avec la direction de leur parti, même si depuis 1993 ils sont eux aussi libres de leurs votes.

 

Sur la réforme ferroviaire, il est indéniable que nous étions nombreux à être un peu inquiet après certaines déclarations d'André Chassaigne, le président du groupe.

 

A commencer par certaines interventions en commission du développement durable « Nous approuvons les objectifs du projet de loi : apporter une réponse aux enjeux de qualité, de coût, de soutenabilité financière du service public, mais aussi de modernité sociale, dans l’intérêt des usagers, des salariés et des territoires. De même, nous apprécions que le ministre souhaite la constitution d’un groupe public ferroviaire fort. » ou « Il faut veiller à ce que certains amendements déposés par des collègues adeptes du libéralisme ne constituent pas des mèches lentes avec un bâton de dynamite au bout. Plusieurs de ceux présentés aujourd’hui peuvent créer des difficultés quant à l’acceptation future du texte. » ce qui laisse sous-entendre qu'à ce moment André Chassaigne s'apprête à adopter le texte. Puis vient sa question au 1er ministre le 17 juin « est-ce que vous vous engagez à ce qu’il puisse y avoir, durant cette discussion, des avancées qui permettent de faire en sorte que nous disposions d’un service public du fer capable de combattre les dysfonctionnements et de répondre aux besoins des usagers ? » suivie de son intervention dans le débat général qui annonçait « c’est en fonction des réponses que vous nous ferez – en particulier sur la question de l’employeur unique – que nous voterons ou non ce texte. ». Tout cela donnait l'impression qu'il suffisait de pas grand chose pour qu'André Chassaigne ne vote pas contre ce texte.

 

Heureusement au final les 10 députés du Front de Gauche ont voté contre cette réforme sinon nous aurions eu du mal à nous présenter devant les cheminots !

 

 

- La prochaine échéance est le vote mardi du collectif budgétaire.

Aucune inquiétude côté Front de Gauche, tous les députés voteront contre.

 

Côté EELV, qu'en sera-t-il ? Aucun de leurs amendements significatifs, notamment ceux encadrant le CICE, n'a été adopté. Après l'annonce de la « sous-estimation » de 700 000 euros sur son patrimoine par le ministre Jean-Marie Le Guen, chargé des relations avec le parlement, appeler le peuple français à faire des sacrifices relève de l'indécence la plus totale. Dans ces conditions, les députés devraient encore plus suivre la recommandation de leur parti et ne pas voter pour le collectif budgétaire. Mais à ce jour, il est plus vraisemblable que certains votent pour pendant que d'autres s'abstiendront.

 

Le nombre de ceux qui oseront ainsi tenir tête au gouvernement aura un fort impact politique car cela dessinera le camp de ceux qui rejettent l'austérité dans ce pays.

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25 juin 2014 3 25 /06 /juin /2014 09:12
Notre projet en vue de la construction d’un « Front du peuple »

Les trois réunions de conseils nationaux ce week-end portent loin. Elle tendent à constituer un nouveau paysage dans la gauche politique. Les Verts ont donné la consigne de ne pas voter le collectif budgétaire du gouvernement, c’est-à-dire l’inepte pacte de responsabilité. Quand on vote contre le budget, qu’est on, sinon dans l’opposition ? Ainsi, d’un seul coup, quels que soient, pour finir, la réalité et le nombre des votes négatifs des députés Verts, l’opposition de gauche s’élargit d’un parti supplémentaire. Il y a trois mois, ce parti était membre du gouvernement….

 
 
Source : le blog de Jean-Luc Mélenchon "Chaud le moment chaud !"
 

 

 

- Le conseil national du PCF a produit un texte qui m’a enchanté.

En effet, il approfondit la convergence sur le fond doctrinal avec les thèses du Parti de Gauche. Dans un moment où nombreux sont ceux qui prennent un malin plaisir à souligner les divergences et à essayer d’envenimer les débats, cette convergence est un bien précieux. Lors du dernier congrès communiste, les délégués ont déjà adopté la thèse de la « révolution citoyenne ». Je n’en reprends pas ici la description. Mais je crois que je peux rappeler ceci : il ne s’agit pas de nommer sans le dire l’ancienne idée de « révolution socialiste ». Il s’agit d’autre chose. Le mot nomme le processus qui met en mouvement pour « prendre le pouvoir dans tous les domaines du quotidien » un acteur nouveau. Cet acteur, c’est la population urbanisée, ou vivant en mode urbain, en condition salariale ou précarisée ou durablement sans emploi, pauvre ou incluse dans le circuit du système. Une telle révolution se donne pour objectif et pour méthode la démocratie partout et jusqu’au bout, au service du bien de tous. A noter que ce processus se dote de ses propres organes d’action : le comité citoyen ou l’assemblée citoyenne. A ne pas confondre avec une assemblée de base du Front de gauche. En effet, il s’agit ici d’une assemblée de tous, quelles que soient les opinions, quels que soient les votes, en vue d’une appropriation collective d’un problème a régler. Nommer cet acteur est décisif. Il s’agit du « peuple », concept qui inclut le salariat mais ne s’y réduit pas puisqu’il intègre tous ceux que la condition urbaine met en situation d’interdépendance.

 

Je demande qu’on me pardonne ce résumé abrupt et somme toute assez abstrait. Mais sans doute nombre de mes lecteurs qui suivent mes réflexions sur ce thème y retrouveront un écho de leur propres analyses. Le concept de peuple fut âprement discuté, et je fus copieusement affublé de l’étiquette de populiste pour cela. L’idée de « Front du peuple » se déduit de cette description. Elle ne nie pas la centralité du conflit pour le partage de la richesse ni la place singulière de la lutte en entreprise sur ce terrain. Elle en élargit le domaine d’application à l’ensemble des questions de la vie commune, que l’on soit salarié ou pas. Ce qui importe ici c’est le mode de vie et la relation d’interdépendance étroite entre individu à travers, par exemple, les prestations communes des services publics, ou de l’extension du domaine de l’interconnexion des individus entre eux. Le « Front du peuple » est donc un mot d’ordre pour tous et en tous lieux. Il unit dans un même mouvement la participation politique traditionnelle des partis mais aussi des syndicats, des associations, des secteurs informels, mais surtout des comités et assemblées de citoyens librement associés dans l’action. On est loin de la formule du « Front populaire », traditionnellement réduit à un cartel d’organisations politiques. Une convergence sur un tel espace idéologique est, à mes yeux, essentielle. Plus nous parlerons la même langue, plus nous avancerons facilement ensemble pour comprendre et agir. C’est par la compréhension commune que l’action commune se renforce le plus vite et le plus profondément. Il est encourageant que, sans concertation préalable, nos deux résolutions de Conseil national s’achèvent par la même référence au « Front du peuple ».

Notre projet en vue de la construction d’un « Front du peuple »

C’est pourquoi je veux rappeler comment notre texte conclut : « Voici notre conviction : le pire de la crise ne serait pas les ravages qu’elle provoque. Le pire serait que nous renoncions à en tirer le moyen de faire naître un monde nouveau, libéré des causes des malheurs du présent. Le Parti de Gauche tiendra son poste de combat. Il se donne les moyens de son développement autonome. Mais il sait que rien n’est possible sans que naisse une union large de tous ceux qui ont compris le danger et le besoin d’en finir avec la politique austéritaire. Et bien davantage encore, rien n’est possible sans qu’un Front du peuple ne se lève pour congédier l’oligarchie, préparer les « jours heureux » et avancer vers l’écosocialisme, seul horizon viable de l’humanité. ».

 

 

-  Ce projet d’une action en vue de la construction d’un « Front du peuple » nécessite sans aucun doute bien des discussions pour en approfondir le sens, les voies et les moyens.

Je n’y viens pas à cet instant. J’aurais pourtant bien envie de montrer comment nos marches politico-sociales, et notamment celle du 1er décembre contre l’augmentation de la TVA et pour la révolution fiscale, en ont déjà dessiné les contours. Je ne viens à présent que sur un point. La question de cette construction politique et celle du rapport du Front de Gauche aux dissidents socialistes et Verts. La réunion de mes amis en Conseil national, m’a rendu le service que j’en attendais : y voir plus clair. Un point en particulier m’a frappé. Quelque chose que je n’avais pas vu, du fait de mon implication personnelle dans les discussions avec les partenaires institutionnels de la gauche.

 

 

-  Beaucoup me mettent en garde : les regroupements de groupes et partis politiques ne sont pas l’essentiel à cette heure.

Il existe une lame de fond de rejet de tout ce qui touche à « la politique ». L’activité de ceux qui veulent tourner la page de ce système ne doit surtout pas donner l’impression de résumer sa préoccupation à la préparation d’élections et aux alliances qui vont avec. J’entends ce message et je crois qu’il touche juste. Surtout si l’on tient compte du fait que les « dissidents » socialistes et Verts sont pour l’instant plus forts en mots qu’en actes. Ils ne sont donc ni le centre du monde ni « les nouveaux héros de la lutte des classes », comme le disait Pierre Laurent à propos de Kerviel. Beaucoup d’entre eux veulent surtout négocier des corrections à l’intérieur de la trajectoire définie par le gouvernement. Non, le cœur du moment est dans l’action de combat et dans les luttes à épauler et conforter autant qu’on le peut. C’est là qu’est le moteur du Front du peuple que nous voulons faire émerger. Et c’est là que va se jouer l’année qui vient. Le message venu du terrain est clair : on ne répond pas à l’écœurement général pour la scène politique en donnant l’impression d’ajouter des épisodes à la farce !

 

Que les dissidents de toutes sortes fassent mieux que grogner et se plaindre. Qu’ils agissent, qu’ils rompent les rangs, qu’ils renoncent aux arrangements politiciens. C’est l’urgence. Tout doit être fait pour les y aider. Mais c’est à l’aide aux luttes de terrain qu’il faut s’appliquer. Plus le front social sera actif, plus la scène politique sera ébranlée. L’un commande l’autre à cette heure.

 

 

🔴  Pour compléter la réflexion, l'analyse, le débat sur l'avenir du Front de Gauche, lire aussi :

- par Cédric Clérin l'Humanité.fr : Passer du Front de gauche au front du peuple

 

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2 juin 2014 1 02 /06 /juin /2014 20:20
Réflexions pour le Front de gauche

Source : Médiapart le blog de Roger Martelli  le 30 mai 2014

- 1. La gauche dans son ensemble est au plus bas.

Elle vient d’enregistrer son plus bas pourcentage en suffrages exprimés depuis 1936, toutes élections confondues. La gauche de gauche est elle aussi mal en point : le total du Front de Gauche (FDG) et de l’extrême gauche (8 %) est le plus modeste en scrutin européen, un des trois plus faibles toutes élections confondues (pour le total PCF-extrême gauche). Pendant des décennies, le PCF a reculé sans que nul, à la gauche du PS, ne se montre en état de récupérer ce qu’il a perdu. Entre 1997 et 2008, l’extrême gauche trotskisante a fait une percée non négligeable. Elle s’effondre aujourd’hui, sans que le FDG récupère ce qu’elle perd.

 

 

- 2. Nous avons affaire à une crise politique qui est en même temps une crise de la politique.

Non pas de la politique en général, mais de la politique dans sa forme instituée. Les partis dits de gouvernement sont pénalisés par le recul de l’État, qui les rend incapables de répondre à la demande sociale « d’en bas ». De façon plus générale, le fonctionnement vertical des partis contredit le désir de délibération et de décision directe des individus. Il ne parvient plus à maîtriser le rapport complexe du social et du politique. Désormais, la reconstruction des cadres mêmes de la démocratie et la relance politique doivent se penser en même temps, selon des logiques voisines, à partir des mêmes exigences

 

 

- 3. Il n’y a donc pas de solution purement partisane à la crise politique actuelle.

Inutile d’envisager un parti central, au cœur d’une galaxie étendue, comme le PCF y parvint pendant quelques décennies ; mais un front de partis, fût-il élargi, ne suffit pas non plus. Le contact entre formations politiques est utile ; il n’est pas « la » solution. S’il faut reconstruire, c’est dans deux directions : associer à la construction de projets et d’initiative politique des forces et des individus qui ne sont pas dans le champ étroitement partisan ; bâtir des formes de fonctionnement collectif selon des modèles coopératifs, en réseaux, qui contredisent la tendance forte à confondre centralité et verticalité hiérarchique.

 

 

- 4. Le champ de cette reconstruction n’est pas « toute la gauche ».

Non pas qu’il faille renoncer au dualisme gauche-droite constitutif de la politique française. Non pas qu’il faille cesser de viser des majorités, pas simplement ponctuelles, mais autour de projets transformateurs globaux. Mais cette majorité ne se formera pas en dehors de médiations de plus ou moins longue durée. Depuis que le PCF a cessé d’être « central » à gauche, cette médiation est celle de la formation d’un pôle transformateur, ancré immédiatement dans le refus de la méthode sociale-libérale. La gauche existe encore. Il n’y a pas deux gauches hermétiquement fermées l’une à l’autre. Mais la gauche est polarisée entre la tentation de l’adaptation et de l’accommodement d’un côté, et de l’autre côté la propension à la rupture et au dépassement. Le second pôle est trop faible : il faut le conforter.

 

La structuration de ce pôle n’est pas une fin en soi. Mais si on ne s’y attelle pas de façon spécifique, hors élection et à l’occasion des élections, la gauche tout entière restera en panne. Il ne faut plus reproduire la cacophonie des municipales. Ce qui fit naguère la force de la stratégie d’union de la gauche tenait à deux choses en même temps : le PCF était à 20 % et il proposait la formule de l’union de la gauche partout. Pour assurer la présence d’un pôle transformateur (aujourd’hui minoritaire à gauche), il faut l’affirmer de façon cohérente, si possible à toutes les élections. Si des ajustements concrets doivent se faire, ils se font sur la base d’une orientation commune, valable sur la durée et opiniâtrement suivie.

 

 

- 5. La gauche de gauche française n’a pas disparu, comme elle l’a fait un moment en Italie.

Mais elle est en panne. Quatre traits, à mes yeux, contribuent à la pénaliser : la « peur de gagner », le jeu de la concurrence partisane, l’art de mettre en évidence les sujets qui fâchent, la propension à identifier modernisation et renoncement.

 

  • La « peur de gagner » : chaque fois que l’occasion se présente de prolonger électoralement une dynamique sociopolitique, la gauche de gauche s’emballe et échoue. En 1995, le grand mouvement de novembre-décembre bouscule un paysage politique qui semblait totalement bouché à gauche. Peu après, le PCF choisit la gauche plurielle et la LCR l’enfermement avec LO : à l’arrivée le PC est laminé et l’extrême gauche confortée mais isolée. En 2005, la victoire du Non ouvre un espace formidable à l’affirmation électorale d’un vote de gauche franchement en rupture avec les recentrages de vingt ans. La LCR fait la moue, le PC croit qu’il est le mieux placé : à l’arrivée, les comités antilibéraux explosent et la gauche de gauche est cruellement affaiblie. En 2012, le FDG fait une percée remarquée à la présidentielle. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

  • Le jeu de la concurrence partisane : au mieux, la gauche de gauche sait faire des cartels ; mais un cartel ne fait pas nécessairement « mouvement ». Chaque organisation tient d’abord à son existence : tout se passe comme si le commun (le cartel) n’était accepté que dès l’instant où il servait les intérêts du particulier (le parti). En pratique, chacun est plus ou moins persuadé qu’il est « le mieux placé pour… ». Autant dire que les autres sont moins bien placés pour… Dès lors, dans un cartel, chacun observe l’autre, comme en attente de la faille du partenaire. Au départ, on a des tête-à-tête ; à l’arrivée, on bute sur des face-à-face.

 

  • La passion des sujets qui fâchent. Globalement la gauche de gauche se caractérise par des traits de communauté majeurs : la critique des ajustements « sociaux-libéraux », le refus de la mondialisation financière, la conviction que le développement économe des capacités humaines vaut beaucoup mieux que la concurrence libre et non faussée, le désir d’avancer vers une démocratie d’implication… Mais dès qu’on semble parvenu à un consensus, on s’ingénie à trouver la ligne de clivage qui montre que l’entente est factice. En 2005-2006, la convergence antilibérale fait la preuve de sa force face au PS recentré ? La LCR se met alors à théoriser sur la différence jugée fondamentale et discriminante entre les « antilibéraux » et les « anticapitalistes ». On s’accorde, à la gauche de la gauche, sur la prééminence de la question des droits ? On se débrouille pour s’écharper sur le voile ou sur le post-colonialisme. En quelques années, on a pris l’habitude de penser ensemble les combats locaux, nationaux, européens, planétaires ? C’était trop beau : voilà que renaissent les débats sanglants entre « européistes » et « souverainistes », comme on s’égorgeait naguère entre « fédéralistes » et « confédéralistes », ou entre « girondins » et « jacobins ». À la gauche de la gauche, on aime bien se trouver des ennemis irréductibles dans son propre camp. L’ennemi le plus pernicieux, c’est celui qui vous ressemble le plus.

 

  • La confusion du mouvement et du renoncement. Dans la gauche de gauche, les jours heureux sont volontiers derrière nous. Du temps de la grande Union soviétique, du CNR, de l’État-providence, du keynésianisme, de l’unité jacobine, du jauressisme, de l’union de la gauche… Chacun choisit ses jours heureux. Mais ils sont dans le passé. Si le PS est fustigé, c’est parce qu’il tourne le dos au passé. Tant de renoncements ont été menés au nom de la « modernité » (souvenez-vous de « Vive la crise ! ») que l’on finit par identifier désir de bouger et capitulation devant le capital. Cette méfiance peut se comprendre ; il n’en reste pas moins qu’elle est mortifère. En fait, il faudrait dénigrer le PS parce qu’il tourne le dos à l’avenir. Et pour cela, s’il faut cultiver la mémoire du combat ouvrier et démocratique, il ne faut surtout pas la rejouer sur le même registre. Aimer son passé, ce n’est pas le répéter. Le FDG n’est pas identifié à de la novation : c’est dommage. Y remédier se travaille.

 

-  Pour compléter la réflexion, l'analyse, le débat sur l'avenir du Front de Gauche, lire aussi :

- Par : Gros travail d'introspection qui attend le Front de gauche

- Par François Delapierre, Secrétaire national du Parti de Gauche : Agir pour Reconstruire

- Initiative citoyenne : Appel pour un nouveau départ du Front de gauche

- Débat l'Humanité.fr : Après le choc des européennes, quel type de rassemblement à gauche ?

- Sur le blog Eric Durand : APPEL NATIONAL pour des assises du FRONT de GAUCHE

- Par Eric DURAND : Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- Par Myriam Martin : Du Front de gauche au front commun anti-austérité

- Par Raoul Marc Jennar : Sauver la gauche, ce n’est pas sauver le PS !

- Par Samy Johsua : Gauche, gauche…et gauche

- Par Brice Errandonea pour "Ensemble" : Souveraineté nationale ou souveraineté populaire ?

- Par Eric FAssin :  La gauche, avec ou contre le PS ?

- Par Corinne Morel-Darleux : Réflexions post-européennes en 7 citations...

- Par Eric Coquerel, Secrétaire National du Parti de Gauche : Refondations

- Par Robert Duguet : Résistance ou collaboration, il faut choisir !

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  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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