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24 août 2014 7 24 /08 /août /2014 12:00
Gendarmes mobiles : un danger pour la république ?

Une enquête IFOP confirme un pourcentage Front National très supérieur à la moyenne dans les bureaux de vote proches des casernes de la gendarmerie mobile, lors des élections présidentielles 2012.

 

Sources : Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys | mis à jour le 8 août 2020

- Satory, un lieu de triste mémoire

La présence de l’armée en ce lieu date du moment où tous les poltrons de la guerre de 1870 ont décidé d’écraser le peuple parisien qui avait résisté face à l’armée allemande. Les régiments de Versaillais sont donc partis de là pour assassiner lâchement des dizaines de milliers de braves gens. C’est au camp de Satory que des milliers de communards furent détenus (dont Louise Michel) dans des conditions ignobles sans abri ni soin d’où un grand nombre de morts (certains abattus et inhumés sur place). C’est également ici que quelques grands républicains ont été exécutés en temps de paix comme le colonel Rossel, 27 ans (fusillé le 28 novembre 1871), celui qui avait dénoncé tôt la « trahison envers la patrie et le peuple » des dirigeants de droite et chefs militaires choisissant la défaite pour mieux restaurer un ordre conservateur, celui qui s’était échappé du camp de Metz vendu au roi de Prusse par le maréchal Bazaine, celui qui avait choisi ensuite de combattre aux côtés de "ceux qui ne s’avouent pas vaincus", « du côté du peuple ».

 

 

- Le vote de la gendarmerie mobile à Satory

Actuellement, le camp de Satory abrite plusieurs unités de l’armée ( Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), Service industriel de maintien en condition opérationnelles des matériels terrestres de l’armée de terre (SIMTer), Section technique de l’armée de terre (STAT), la 3e Base de Soutien au Commandement (3e BSC) et l’élite de la gendarmerie, particulièrement :

- le Groupement blindé de gendarmerie nationale ayant un rôle de choc, de formation et de conseil au bénéfice de l’ensemble de la gendarmerie.

- le GSIGN (groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie nationale) dont le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN).

 

Les gendarmes mobiles et leurs familles représentent près de 100% d’un seul bureau de vote en France : le bureau n°10 (Clément Ader) de Versailles Satory, situé à proximité du camp de Satory. Le quartier compte environ 5000 habitants dont 1500 gendarmes.

 

En 2012, les résultats du premier tour sont les suivants :

M. Le Pen N. Sarkozy F. Bayrou F. Hollande J. - L. Mélenchon
46,1% 22,9% 11,7% 11% 3,6%

 

 

 

 

Ce vote ne représente pas une exception (52,94% pour le FN en 2011).

Le quartier de Satory compte un autre bureau comptant des personnels de la Défense plus divers dans lequel le pourcentage du FN est légèrement moins élevé.

 

 

- Le vote de la gendarmerie mobile en France

L’IFOP a réalisé une enquête remarquable pour conclure « tous les bureaux abritant une caserne de la gendarmerie mobile affichent un vote pour Marine Le Pen à la présidentielle très nettement supérieur à la moyenne de leur ville (ou arrondissement pour Paris et Lyon). Dans tous les cas étudiés dans cette présente analyse (sauf une exception), le bureau où se trouve la caserne est même le bureau de la ville qui accorde le plus fort vote à Marine Le Pen. Ce constat assez impressionnant se vérifie dans tous les types d’environnement et quel que soit le contexte sociologique et politique... En fonction du nombre de gendarmes affectés dans la caserne, le poids de la communauté gendarmique dans le corps électoral du bureau de vote variera assez sensiblement et mathématiquement, plus les gendarmes mobiles et leurs familles seront nombreux et plus la spécificité électorale de leur bureau de vote sera marquée. La spécificité du vote des gendarmes mobiles ne ressort pas uniquement lorsque l’on compare les résultats électoraux de leur bureau de vote avec la moyenne de la ville, les écarts apparaissent également avec les bureaux de vote limitrophes de la caserne ».

 

Même lorsque le pourcentage d’électeurs gendarmes mobiles ne représente que 15% à 50% du corps électoral, cette affirmation se confirme. Notons par exemple le score FN dans les bureaux suivants auxquels sont rattachés des escadrons de gendarmerie mobile :

- Hyères : 42,1% ; - Dijon : 30,8% ; - Toulouse : 27,7% ; - Drancy : 32,9% ; - Amiens : 23,8% ; - Maisons-Alfort : 24,5% ; - Lyon Bron : 24,9% ; - Aubervilliers : 21,8% ; - Mont de Marsan : 20,2% ; - Melun : 24% ; - Orléans : 19,8%

 

L’IFOP note un autre point important. Le vote pour l’UMP au premier tour dans ces bureaux est aussi fort sinon plus que la moyenne nationale et locale. C’est la gauche qui est presque inexistante.

 

Dernier argument approuvant le constat d’un vote Front National aussi fort au plan national qu’à Satory, l’IFOP a réalisé une estimation statistique (non remise en cause par les statisticiens comme par la gendarmerie) du vote FN en 2012 dans la gendarmerie mobile au plan national.

 

Le résultat est le suivant :

M. Le Pen N. Sarkozy F. Bayrou F. Hollande Extrême gauche
46% 31% 8% 10% 0,5%
moyenne nationale moyenne nationale moyenne nationale moyenne nationale moyenne nationale
17,9% 27,2% 9,1% 28,6% 1,7%

 

 

 

 

 

 

 

 

- Ce vote FN de la gendarmerie mobile correspond-il au vote de l’ensemble de la gendarmerie et des forces de maintien de l’ordre ?

Plusieurs éléments statistiques vont dans le sens d’une réponse positive à cette question.

 

L’enquête de l’IFOP ne concerne pas seulement les gendarmes mobiles mais aussi les fameux Gardes républicains.

 

8% à 10% des gendarmes de Satory quittent ce camp chaque année sans que cela change la sympathie générale pour le Front National.

 

L’Essor, journal de la gendarmerie nationale, considère que le sur-vote FN se retrouve généralement dans la gendarmerie, y compris rurale : « Les conclusions de cette étude  peuvent-elles être étendues à tous les gendarmes ? Globalement sans doute, mais dans des proportions qui restent à préciser  ». Car l’Ifop a observé ce qu’il appelle un "sur-vote frontiste" chez les gardes républicains (casernés à Paris et à Nanterre), très net, mais moindre que chez les GM. S’agissant de la gendarmerie départementale, les outils de l’Ifop ne lui ont pas permis d’établir des mesures précises. Mais on ne voit pas pour quelles raisons les gendarmes de cette subdivision de l’Arme aurait un comportement très différent.

 

- Enfin l’Ifop s’est demandé si ce "tropisme frontiste" valait aussi pour les autres forces en charge du maintien de l’ordre. « S’agissant des gardiens de prisons, sur la base de l’analyse de plusieurs bureaux de vote où avec leurs familles ils représentent une part significative des personnes inscrites sur les listes électorales, la réponse est oui : 2 fois plus d’électeurs pour Marine Le Pen à Fresnes, dans le bureau 6 qu’en moyenne sur la ville... »

 

 

- Comment expliquer ce vote "gendarmistique" ?

L’IFOP avance comme cause : « Le vécu professionnel, l’esprit de corps et les valeurs qui y sont rattachées aboutissent donc à une expression électorale vraiment très spécifique et très différente de celle du reste des Français. »

Enquête à suivre.... et à complèter....

 

Pour en savoir plus :

- Dans l’armée aussi l’heure est à la 6e République

- IFOP - Gendarmes mobiles et gardes républicains : un vote très bleu-marine

- Les gendarmes mobiles sensibles au vote FN

- Cantonales : les gendarmes de Satory ont voté pour le FN, avec une très forte abstention (actualisé)

- Gendarmerie mobile

- Enquête post-électorale : Les gendarmes mobiles votent Le Pen

- Exclusif : Marine Le Pen a été plébiscitée en 2012 par les gendarmes mobiles !

- La militarisation des apparelis policiers

- Des nazis dans la police

- Le patron de la gendarmerie veut brouiller les réseaux sociaux lors des manifestations

- Analyse des scrutins du 1er tour des élections régionales : Le FN fait carton plein dans les casernes des gendarmes mobiles et des gardes républicains !

- [Présidentielle 2017 - 1er tour] L’important score du FN dans les casernes de gendarmes mobiles et gardes républicains

- Comment le parti de Marine Le Pen avance ses pions dans la police

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 17:46
Alfred Stroessner, général pro-américain de culture fasciste est décédé

Mercredi 16 août 2006, un des pires dictateurs latino-américains est décédé sur son lit d’hôpital. Nous mettons en ligne un petit article à son sujet car la presse a occulté l’essentiel : il fut un chantre du nazisme pendant 20 ans puis un pilier militaro-policier pro-américain pendant 42 ans (sans renier ses idées).

 

Sources :  Le Parti de Gauche Midi-Pyrénées par Jacques Serieys

- La jeunesse d’Alfred Stroessner dans un contexte social pro-fasciste

Né en 1912, Alfred Stroessner est élevé dans la société allemande du Paraguay (son père est allemand) qui se développe dans les années 1920-1930 sur des bases à la fois communautaires et pro-nazies. Le premier parti national-socialiste d’Amérique du Sud se crée ainsi au Paraguay en 1931 ; il bénéficie de la réalité de masse des sociétés animées par ce réseau : écoles, aide sociale, santé, groupes de jeunes. Il va apporter un soutien sans faille au coup d’Etat franquiste et lui servir de relais latino-américain.

 

A 17 ans, Stroessner entre à l’école militaire marquée par cette émulation fasciste. A partir de 1940, le Paraguay subit la dictature pro-nazie du général Morinigo, appuyé sur une armée qui reçoit 45% du revenu national. Au sein de cette armée, Alfred Stroessner brille déjà par son exaltation hitlérienne et sa dureté contre le mouvement ouvrier et les intellectuels démocratiques.

 

Higinio Morinigo, président dictateur, affirme lui-même ses sympathies fascistes, son soutien à l’Allemagne nazie, à l’Italie mussolinienne, au Japon. L’armée et la police seraient prêtes à en découdre à leurs côtés s’ils n’étaient isolés au milieu du continent latino-américain. Un seul exemple : le général en chef de la police baptise son fils Adolfo Hiroito en honneur d’Hitler et de l’empereur du Japon. Les "cadetes" de police portent officiellement les insignes nazies (croix gammée) et mussoliniennes sur leur uniforme. Le grand journal du pays (El pais) popularise ouvertement le nazisme ainsi qu’un soutien à l’Allemagne et ses alliés.

 

En 1947, une insurrection éclate appuyée sur les Febreristas, le mouvement ouvrier, des libéraux, les communistes, une partie significative de l’armée consciente de l’évolution du monde depuis 1945. Durant une guerre civile particulièrement dure, un colonel d’artillerie va sauver le régime par sa fermeté et sa sauvagerie : Alfredo Stroessner.

 

 

- De 1945 à 1989, Stroessner contribua à cacher des nazis.

N’oublions pas que 60000 à 80000 criminels de guerre bénéficièrent à la fin de la Seconde Guerre mondiale de complicités (en particulier de la Croix rouge et du Vatican) pour rejoindre l’Amérique latine (dont Adolf Eichman, Ante Pavelic, Von Oven, Klaus Barbie...) Des hommes de la Gestapo aidèrent la police de Stroessner. Parmi les hiérarques fascistes présents au Paraguay, signalons 3 cas. En 1977, Eduard Roshman ("boucher" de 40000 juifs en Lettonie), est arrêté, mais bénéficie de telles complicités qu’il s’évade et rejoint directement la capitale paraguayenne Asuncion où il ne sera plus inquiété.

 

Détaillons le cas du " Docteur Josef Mengelé", caché au Brésil, et par périodes au Paraguay, sous le nom de Wolfgang Gerhard. Mengelé avait rejoint dès 1934 l’Institut de recherche pour la "biologie héréditaire et l’hygiène raciale". En 1943 il avait été nommé docteur en chef à Auschwitz-Birkenau, où il joua un rôle décisif d’une part dans l’extermination par les chambres à gaz, d’autre part dans un "travail" pseudoscientifique qui lui vaudra le surnom d’"ange de la mort" : recherche sur l’hérédité, en utilisant des détenus pour l’expérimentation humaine, tentatives de changer des colorations d’oeil en injectant des produits chimiques dans les yeux des enfants, diverses amputations des membres, expériences sur les jumeaux dont l’essai de coudre leurs veines, expériences sur la résistance du corps humain en submersion ( dans des chaudrons d’eau en ébullition) jusqu’à la mort, nombreuses "expériences" sur des nains et surtout des femmes...

 

Parmi les principaux dignitaires nazis, il est considéré comme certain par beaucoup d’historiens que Martin Borman (général SS, secrétaire personnel d’Hitler, chef de la chancellerie du parti nazi) profita de l’hospitalité du Paraguay de Stroessner.

 

 

- La dictature militaire d’Alfred Stroessner

Général en chef des forces armées en 1951 puis Président dictateur de 1954 à 1989, après avoir réussi son propre coup d’Etat, Stroessner va faire régner une terreur cruelle sur le Paraguay :

- environ 3000 assassinats et "disparitions" politiques

- 2 millions d’exilés.

 

Les "réfugiés" nazis devinrent durant ces dizaines d’années de drôles de "Paraguayens" déterminés à prendre leur revanche contre les démocrates, syndicalistes et "rouges" divers.

 

Ainsi, dans les années 60, les "Paraguayens" et leurs « conseillers » américains réprimèrent dans la région de Misiones des opposants réfugiés en Argentine. Ils les écorchèrent vifs puis les jetèrent dans les eaux du fleuve Parana, cloués sur des croix.

 

Le Paraguay de Stroessner fut également au coeur du Plan Condor élaboré par les Etats Unis et les dictatures d’Amérique du Sud pour exécuter massivement leurs opposants dans les années 1970-1980 : 50000 assassinés, 35000 disparus, 400000 prisonniers.

 

Cette "Opération Condor" prit forme essentiellement lors des obsèques de Franco en Espagne et mêla tortionnaires chiliens, militaires paraguayens, spécialiste américain des assassinats politiques ( Michael Townley), dirigeant italien d’extrême-droite. Le rôle du Paraguay dans l’opération Condor dépassait l’horizon de l’Amérique du Sud, en particulier en matière de livraison d’armes vers les réseaux d’extrême droite au Nicaragua, en Afrique du Sud, en Iran...

 

 

- La dictature de Stroessner présente des caractéristiques des régimes fascistes.

Notons le génocide presque total des populations indiennes autochtones, surtout entre 1968 et 1972 par des "chasses", mais aussi jusqu’en 1989 ( Elie Wiesel a employé ce terme de génocide pour la pratique du gouvernement paraguayen vis à vis des Indiens). Quelques "survivants des chasses" ont été concentrés aux mains de missionnaires religieux fondamentalistes dans la "réserve nationale de Guayakí". En plus d’une totale interdiction de leurs rituels, chansons, coutumes, activités de groupe, langue, et noms originaux, ils subirent la faim, l’absence de soins médicaux, l’humiliation, le viol, et la torture.

 

Cet emploi de la torture fut également fréquent à l’encontre des opposants politiques. " A travers les dossiers conservés à Asuncion, on suit le chemin de croix des détenus de salles de tortures en commissariats clandestins, d’une prison à une autre, pour finir « emballés » dans des sacs en plastique et enterrés dans les cours des casernes, des prisons ou autres fosses communes, ouvertes grâce aux notes découvertes dans les archives. Le chef de la police politique paraguayenne d’Alfredo Stroessner, le très puissant Pastor Coronel, assistait en personne aux interrogatoires et aux tortures. Lors d’une opération contre des paysans, il a fait arrêter entre 1.500 et 3.000 personnes. Quarante-cinq ont été « jugées ». Les autres ont allongé les listes des disparus" (extrait d’un article de L’Humanité).

 

Le culte religieux du chef fonctionna également à plein. Des historiens attribuent à Stroessner la création d’une secte politico-religieuse appelée Pueblo de Dios (Peuple de Dieu, encore en activité), catholique, apostolique et paraguayenne où il était présenté comme un envoyé de Dieu.

 

Marqué par la détermination de toute sa vie contre la démocratie et le mouvement ouvrier, pour le droit des élites à diriger le peuple, Stroessner va logiquement devenir le fidèle pilier des Etats Unis au coeur de l’Amérique latine durant la guerre froide. Il sera vanté comme un modèle par la Banque mondiale. Il sera reçu avec tous les honneurs au Japon (par l’empereur Hiro Hito), aux Etats Unis, en France (par Charles de Gaulle)...

 

 

- Stroessner, un pilier de la politique internationale des USA

Ne nous y trompons pas, Stroessner fut un pilier de la "guerre froide". Cette "guerre froide" fut marquée par l’opposition entre les Etats Unis et l’URSS mais elle fut aussi une vraie guerre menée par les Etats Unis contre les peuples du monde qui essayaient de sortir du colonialisme par le haut, qui essayaient de prendre en compte réellement leurs propres intérêts. Cette guerre pour éliminer les forces progressistes du Tiers Monde impliquait de faire peur à l’URSS pour qu’elle n’intervienne pas et cela marcha.

 

Pour prendre seulement un exemple : l’Indonésie faisait à l’époque partie des grands pays "non-alignés", pesant sur la vie politique du monde, essayant avec des succès de sortir du sous-développement. Les militaires au service des USA exterminèrent un million de personnes pour installer la dictature de Suharto. On pourrait écrire à peu près la même chose en Afrique pour le Congo, aujourd’hui explosé.

 

Parmi les dictateurs ayant joué ce rôle, citons : Marcos (Philippines), Zia Ul-Haq (Pakistan), le Shah (Iran), Mobutu (Congo), Videla (Argentine), Geisel et autres (Brésil), Batista (Cuba), Somoza (Nicaragua), Pinochet (Chili), Duvallier (Haîti)...

 

Dans cette litanie de dictatures sanglantes pro-américaines, Stroessner représente seulement un prototype. En 1989, il fut renversé par un coup d’Etat militaire et se réfugia au Brésil. Mais l’actuel président du Paraguay, Andres Rodriguès est un de ses anciens collaborateurs ; son nom fleurit fréquemment les dossiers des salles de torture et des disparitions de l’époque Stroessner.

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19 août 2014 2 19 /08 /août /2014 10:29

Frédéric Lordon est un économiste et philosophe français d'inspiration spinoziste né le 15 janvier 1962. Il est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne. Il est membre du collectif « Les Economistes atterrés »

 

Difficile de résumer en une phrase tous les propos que Frédéric Lordon peut aborder en 10 mn.

Mais plus que jamais ici sa parole est de salubrité publique.

- Et pendant que nous y sommes...... comment se debarasser du capitalisme ?

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7 juillet 2014 1 07 /07 /juillet /2014 12:18
En finir avec les idées fausses propagées par l'extrême droite

Pierre-Yves BULTEAU


Sur fond de crise économique et sociale persistante, l’extrême droite propage ses idées et désigne les boucs émissaires : « Il n’y a jamais eu autant d’étrangers en France », « Nous sommes envahis par l’islam qui veut détruire notre mode de vie », « Si les entreprises licencient, c’est à cause des travailleurs indiens et chinois qui acceptent des salaires de misère ». Mensonges et idées fausses sont mobilisés pour des promesses illusoires : « Renvoyons les étrangers chez eux, le chômage disparaîtra », « Réservons les logements sociaux aux Français », « Sortons de l’euro pour rétablir la santé économique de la France »

 

Ce livre entend rétablir la vérité. Il analyse plus de 70 de ces idées reçues diffusées par l’extrême droite et les réfute une à une en s’appuyant sur des données solides. Au-delà des faits, il dévoile un discours de propagande selon lequel l’égalité des êtres humains ne serait pas une chance mais une menace. Accessible à un grand public, cet ouvrage constitue un antidote indispensable au discours du Front national et de ses satellites. Il met en garde contre les tentations autoritaires et illusoires du « chacun chez soi » et du « chacun pour soi », et invite au choix d’une société d’égalité, de liberté et de fraternité pour tous.

 

Ce livre est édité par Les Editions de l’Atelier en partenariat avec l’Institut de recherches de la FSU, La Ligue des Droits de l’Homme, Union syndicale Solidaires, VO Editions ; avec le soutien de la CGT, FIDL, FSU, JOC, MRAP, UNEF, UNL.

 

- Pour commander : ici

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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 20:53
Bernard Stiegler « Le Front national prospère dans le désert des idées politiques »

Source : l'Humanité  le 26 avril 2014 entretien réalisé par Grégory Marin

Dans son dernier ouvrage,  Pharmacologie du Front national, le philosophe Bernard Stiegler établit un lien entre la montée du parti des Le Pen et ce qu’il nomme « la destruction de l’attention » par le marketing et la société de consommation.  Avec son collectif  Ars Industrialis, il propose la mise en place d’une politique qui fasse appel à « l’intelligence des ‘‘gens’’ ».
- Dès votre première phrase, vous écrivez : «Cet ouvrage est un instrument.»
Bernard Stiegler. Les livres d’Ars Industrialis (Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit) sont en effet des instruments qui tentent d’appréhender ce que nous arrive et luttent contre la déconceptualisation généralisée qui détruit la vie politique. La politique ne peut pas avancer sans concepts. L’opposition de la droite et de la gauche résulte d’une opposition entre des modèles conceptuels forgés par la République des lettres. Plus récemment, il y avait en France une droite gaulliste qui pensait et à laquelle la gauche opposait ses propres concepts. Aujourd’hui, le marché inonde la sphère publique de « concepts marketing » qui court-circuitent la pensée et tuent la vie politique.
 

- Vous tentez de reconstruire d’autres concepts ?

Bernard Stiegler. Nous renouons avec une vieille tradition qui vient de Marx. Mais nous ne nous disons pas « marxistes » : Marx a été mal interprété par le marxisme. Lui-même a d’ailleurs « dérivé » : le dernier Marx, celui du Capital, est moins intéressant que celui des années 1840 et 1850. Le sujet de Pharmacologie du Front national est l’idéologie dont Marx parle dans l’Idéologie allemande (en 1845, avec Engels – NDLR). Il y pose que l’être humain est avant tout un être technique. Penser l’humain, c’est penser la technique formant le milieu dans lequel se nouent les relations sociales. Or on a progressivement oublié cette idée chez Marx – et Althusser a minoré ce texte que l’on a arrêté de lire.

 

- Et si on relisait ce texte ?
Bernard Stiegler. On n’entendrait plus des leaders politiques de gauche dire : « Il nous faut une bonne idéologie. » Dire cela, c’est avoir tout oublié du concept de Marx pour qui il n’y a pas des idéologies, mais l’idéologie, c’est-à-dire une illusion produite par une inversion de causalité qui légitime des dispositifs de domination. L’idéalisme qui en est la matrice prétend que la technique est produite par l’esprit. Marx affirme au contraire que l’esprit surgit de la vie technique.
 
- Le marketing politique s’est substitué à la pensée critique dites-vous. Vous parlez aussi d’un « effondrement de l’attention » comme d’une des causes de ce renoncement.
Bernard Stiegler. Le marketing détourne le désir de ses objets primordiaux (parents, proches, savoirs, culture) vers la marchandise. Pour cela, il capte l’attention comme l’expliquait Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 : « Mon travail, c’est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible. » Or cette captation détruit l’attention, qui est la forme ordinaire du désir, lequel régresse ainsi au stade de la pulsion. Le désir prend soin de son objet ; la pulsion détruit son objet.
 
- Notre cerveau est ainsi préparé à aller vers n’importe qui peut le manipuler. Y compris le Front national ?
Bernard Stiegler. La destruction de l’attention pousse de plus en plus de gens vers le Front national parce qu’elle fait souffrir ceux qui la subissent tout en les empêchant de comprendre de quoi ils souffrent. L’attention est produite par l’éducation. Mais si on peut et on doit la former, on peut aussi la déformer. Le marketing la déforme en la manipulant avec d’énormes moyens. La formation de l’attention produit des savoirs – savoir vivre, faire ou conceptualiser. Politesse, chaudronnerie et mathématiques sont des formes d’attention. La déformation de l’attention est le désapprentissage de ces savoirs. Privé de ces savoirs, on est privé de place sociale : on n’est plus soi-même un objet d’attention. Les électeurs du Front national souffrent de cette destruction de l’attention psychique et du manque d’attention sociale qui en résulte.
 
- Vous écrivez qu’il ne faut pas accuser les électeurs du Front national, mais en prendre soin, car « prendre soin des électeurs du FN, c’est prendre soin de la société tout entière ».
Bernard Stiegler. Combattre la destruction de l’attention, c’est mettre en question le modèle consumériste qui a fait faillite en 2008. Parce qu’ils n’ont pas le courage d’affronter cet état de fait, les politiques font la morale aux électeurs du Front national, voire les insultent, telle Eva Joly parlant d’une « tache sur la démocratie », au soir de la présidentielle. Si le FN n’est pas bon pour la démocratie, ce n’est pas en insultant ses électeurs qu’on les ramènera vers la démocratie. Faire en sorte que celui qui souffre parce qu’il est malade soit accusé d’être la cause de sa maladie, c’est en faire un bouc émissaire – tout comme le FN fait des immigrés la cause d’une souffrance que ceux-ci subissent en général plus que quiconque.
 
- Voulez-vous dire que la dénonciation morale est vaine ?
Bernard Stiegler. Cette rhétorique morale sert à dissimuler une incurie politique. Le succès du Front national résulte de la révolution conservatrice. C’est elle qu’il faut analyser et combattre. C’est à mesure qu’elle s’impose que les idées du FN se répandent dans la société.
 
- Paradoxe, aujourd’hui le FN n’affiche plus ses croyances libérales, mais se donne une image sociale.
Bernard Stiegler. Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen se fait appeler le « Reagan français » et promeut l’ultralibéralisme qui constitue l’idéal du FN – dont la croissance repose sur la manipulation du mal-être que provoquent les effets calamiteux de cet « idéal » pour aveugler les esprits. La souffrance est ce qu’il y a de plus manipulable. L’idéologie en général fait passer les effets pour les causes et le FN accomplit cette tâche en exploitant le mécanisme du bouc émissaire qui fait que, quand on souffre, et que l’on ne comprend pas la cause de sa souffrance, on recherche une victime expiatoire. Cependant, à mesure que les effets catastrophiques de l’idéologie néoconservatrice deviennent patents, et, en particulier après 2008, la fille Le Pen complexifie cette tactique : elle profite de l’absence totale de discours politique sérieux sur le renouveau de la puissance publique de la part des partis de gauche – réformistes aussi bien que radicaux – pour s’engouffrer dans ce qui fait dire de ce fait que son discours ressemble à celui de Jean-Luc Mélenchon…
 
- En quoi ?
Bernard Stiegler. Ce que dissimule le FN, c’est la cause véritable de la catastrophe en cours, à savoir l’hyperconsumérisme que l’idéologie conservatrice a généralisé dans le monde entier en remplaçant les institutions publiques par le marketing. Jusqu’à la fin des années 1970, les États contrôlent la socialisation de l’innovation technique pour limiter les effets toxiques qu’elle risque toujours d’engendrer – en détruisant l’attention, la santé, les emplois, l’éducation, l’environnement, etc. Une technique est toujours un pharmakon au sens de Platon : à la fois un poison et un remède. Comme le médicament, ce pharmakon peut tuer celui qu’il est censé soigner – faute d’une véritable thérapeutique. La politique est cette thérapeutique. On a vu se succéder ces dernières années les scandales sanitaires donnant l’impression que les pharmaciens devenaient des dealers. Mais il ne peut en aller autrement dès lors que l’on ne conditionne plus la consommation pharmaceutique à une prescription thérapeutique. Ce qui est vrai des médicaments l’est de toutes les techniques. Les ultralibéraux soutenus par Le Pen ont entrepris de détruire les thérapeutiques sociales en quoi consistent les savoirs sous toutes leurs formes, et tels que l’éducation les transmet. Ils ont été remplacés par des compétences adaptatives. Le résultat a été la généralisation de l’incurie et de l’irresponsabilité par l’hyperconsumérisme, les producteurs, les consommateurs, les investisseurs et les États devenant structurellement insolvables. En 2008, avec la crise des subprimes, il est apparu que ce modèle était devenu radicalement toxique. Mais comme la gauche ne propose aucune alternative à ce modèle et s’accroche à « la défense du pouvoir d’achat », au Front de gauche comme au Parti socialiste, le FN prospère dans ce désert des idées politiques en se posant en défenseur de la puissance publique – proposant l’instauration d’un État autoritaire qui ferait enfin régner l’ordre dans cette incurie généralisée… À l’inverse personne ne se demande à gauche le sens du fait que l’État que Lénine et Althusser voulaient détruire l’a bien été… mais par Reagan et Thatcher.
 
- Mais vous-même incitez le gouvernement à prendre ses responsabilités à travers une série de mesures que vous détaillez dans une sorte de feuille de route...
Bernard Stiegler. Tandis que le consumérisme s’effondre, un autre modèle émerge, dont ni la gauche ni la droite ne disent un mot. Le rapport Gallois est à cet égard consternant. Les infrastructures numériques configurent depuis l’avènement du Web un modèle industriel qui ne correspond plus du tout à celui du XXe siècle parce qu’il dépasse l’opposition fonctionnelle entre production et consommation. La gauche n’en dit et n’en fait rien par manque de courage et de confiance dans l’intelligence des gens qui ne demandent qu’à penser et à se retrousser les manches pour fonder un nouveau monde – en particulier la jeunesse. Les gens veulent des concepts politiques porteurs d’une vision, la France veut savoir où elle va, et seul le courage de recommencer à penser et à inventer permettra de répondre à l’angoisse qui fait la fortune de Marine Le Pen. Le nouveau modèle participe à la fois de ce que l’on appelle l’économie des données, la production logicielle libre, la production matérielle décentralisée avec les fab labs, les smart grids en matière énergétique, etc. Ce modèle est « pharmacologique » lui-même : il peut être mis au service des pires politiques commerciales, comme le fait Facebook. Mais il ouvre des perspectives extrêmement prometteuses – pour autant qu’une action publique novatrice en crée les conditions de solvabilité. Cela nécessite de mettre en œuvre une politique du numérique requalifiant de concert et avec les Français toutes les politiques ministérielles et relançant ainsi une véritable stratégie industrielle pour le XXIe siècle : c’est ce que nous décrivons en conclusion de Pharmacologie du Front national.
 
- Vous préconisez ces mesures à partir d’une analyse détaillée du système consumériste ultralibéral mis en place il y a trente ans et qui a fini par s’autodétruire. Cette crise était-elle prévisible ?
Bernard Stiegler. Bien sûr, et nous l’avions assez bien décrite en 2005 dans notre premier manifeste (cf. arsindustrialis.org). C’est pour cela que nous sommes assez fâchés contre la gauche – et pas seulement contre le Parti socialiste. Nous discutons avec beaucoup de militants et syndicalistes, réformistes ou pas, sociaux-démocrates ou « à gauche de la gauche » : à chaque fois qu’on aborde ces questions, on nous dit « les gens ne sont pas prêts à l’entendre. » C’est absolument faux, c’est même exactement le contraire. « Les gens » sont tout à fait prêts à l’entendre : ils attendent un discours rationnel qui leur fait confiance. On dit que le populisme advient par les masses qui ne font pas confiance aux dirigeants. La réalité est que ce sont les dirigeants qui, ne faisant pas confiance aux citoyens, permettent aux populistes de manipuler la misère. Nos dirigeants de droite ou de gauche ne croient pas à l’intelligence « des gens ». Nous, nous croyons « aux gens » : nous sommes ces « gens ».
 
- Ce Front national qui se réclame des petites gens, pour vous, est-ce la maladie dont souffre la société ou un symptôme ?
Bernard Stiegler. La maladie, ce n’est pas le Front national. La maladie, c’est le consumérisme et la révolution conservatrice qui a été intériorisée par tous, y compris l’extrême gauche. Le FN en est le symptôme le plus violent, mais il y en a bien d’autres sur tout le nuancier politique. Cette maladie, c’est le désespoir qui fait croire et accepter que la régression serait inéluctable. Il est honteux et lâche de s’y soumettre.
Dans son dernier ouvrage,  Pharmacologie du Front national, le philosophe Bernard Stiegler établit un lien entre la montée du parti des Le Pen et ce qu’il nomme « la destruction de l’attention » par le marketing et la société de consommation.  Avec son collectif  Ars Industrialis, il propose la mise en place d’une politique qui fasse appel à « l’intelligence des ‘‘gens’’ ».

Dès votre première phrase, vous écrivez : «Cet ouvrage est un instrument.»

Bernard Stiegler. Les livres d’Ars Industrialis (Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit) sont en effet des instruments qui tentent d’appréhender ce que nous arrive et luttent contre la déconceptualisation généralisée qui détruit la vie politique. La politique ne peut pas avancer sans concepts. L’opposition de la droite et de la gauche résulte d’une opposition entre des modèles conceptuels forgés par la République des lettres. Plus récemment, il y avait en France une droite gaulliste qui pensait et à laquelle la gauche opposait ses propres concepts. Aujourd’hui, le marché inonde la sphère publique de « concepts marketing » qui court-circuitent la pensée et tuent la vie politique.

Vous tentez de reconstruire d’autres concepts ?

Bernard Stiegler. Nous renouons avec une vieille tradition qui vient de Marx. Mais nous ne nous disons pas « marxistes » : Marx a été mal interprété par le marxisme. Lui-même a d’ailleurs « dérivé » : le dernier Marx, celui du Capital, est moins intéressant que celui des années 1840 et 1850. Le sujet de Pharmacologie du Front national est l’idéologie dont Marx parle dans l’Idéologie allemande (en 1845, avec Engels – NDLR). Il y pose que l’être humain est avant tout un être technique. Penser l’humain, c’est penser la technique formant le milieu dans lequel se nouent les relations sociales. Or on a progressivement oublié cette idée chez Marx – et Althusser a minoré ce texte que l’on a arrêté de lire.

Et si on relisait ce texte ?

Bernard Stiegler. On n’entendrait plus des leaders politiques de gauche dire : « Il nous faut une bonne idéologie. » Dire cela, c’est avoir tout oublié du concept de Marx pour qui il n’y a pas des idéologies, mais l’idéologie, c’est-à-dire une illusion produite par une inversion de causalité qui légitime des dispositifs de domination. L’idéalisme qui en est la matrice prétend que la technique est produite par l’esprit. Marx affirme au contraire que l’esprit surgit de la vie technique.

Le marketing politique s’est substitué 
à la pensée critique dites-vous. Vous parlez aussi d’un « effondrement de l’attention » comme d’une des causes de ce renoncement.

Bernard Stiegler. Le marketing détourne le désir de ses objets primordiaux (parents, proches, savoirs, culture) vers la marchandise. Pour cela, il capte l’attention comme l’expliquait Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 : « Mon travail, c’est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible. » Or cette captation détruit l’attention, qui est la forme ordinaire du désir, lequel régresse ainsi au stade de la pulsion. Le désir prend soin de son objet ; la pulsion détruit son objet.

Notre cerveau est ainsi préparé à aller vers n’importe qui peut le manipuler. Y compris
le Front national ?

Bernard Stiegler. La destruction de l’attention pousse de plus en plus de gens vers le Front national parce qu’elle fait souffrir ceux qui la subissent tout en les empêchant de comprendre de quoi ils souffrent. L’attention est produite par l’éducation. Mais si on peut et on doit la former, on peut aussi la déformer. Le marketing la déforme en la manipulant avec d’énormes moyens. La formation de l’attention produit des savoirs – savoir vivre, faire ou conceptualiser. Politesse, chaudronnerie et mathématiques sont des formes d’attention. La déformation de l’attention est le désapprentissage de ces savoirs. Privé de ces savoirs, on est privé de place sociale : on n’est plus soi-même un objet d’attention. Les électeurs du Front national souffrent de cette destruction de l’attention psychique et du manque d’attention sociale qui en résulte.

Vous écrivez qu’il ne faut pas accuser 
les électeurs du Front national, mais en prendre soin, car « prendre soin des électeurs du FN, c’est prendre soin de la société tout entière ».

Bernard Stiegler. Combattre la destruction de l’attention, c’est mettre en question le modèle consumériste qui a fait faillite en 2008. Parce qu’ils n’ont pas le courage d’affronter cet état de fait, les politiques font la morale aux électeurs du Front national, voire les insultent, telle Eva Joly parlant d’une « tache sur la démocratie », au soir de la présidentielle. Si le FN n’est pas bon pour la démocratie, ce n’est pas en insultant ses électeurs qu’on les ramènera vers la démocratie. Faire en sorte que celui qui souffre parce qu’il est malade soit accusé d’être la cause de sa maladie, c’est en faire un bouc émissaire – tout comme le FN fait des immigrés la cause d’une souffrance que ceux-ci subissent en général plus que quiconque.

Voulez-vous dire que la dénonciation morale 
est vaine ?

Bernard Stiegler. Cette rhétorique morale sert à dissimuler une incurie politique. Le succès du Front national résulte de la révolution conservatrice. C’est elle qu’il faut analyser et combattre. C’est à mesure qu’elle s’impose que les idées du FN se répandent dans la société.

Paradoxe, aujourd’hui le FN n’affiche plus 
ses croyances libérales, mais se donne une image sociale.

Bernard Stiegler. Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen se fait appeler le « Reagan français » et promeut l’ultralibéralisme qui constitue l’idéal du FN – dont la croissance repose sur la manipulation du mal-être que provoquent les effets calamiteux de cet « idéal » pour aveugler les esprits. La souffrance est ce qu’il y a de plus manipulable. L’idéologie en général fait passer les effets pour les causes et le FN accomplit cette tâche en exploitant le mécanisme du bouc émissaire qui fait que, quand on souffre, et que l’on ne comprend pas la cause de sa souffrance, on recherche une victime expiatoire. Cependant, à mesure que les effets catastrophiques de l’idéologie néoconservatrice deviennent patents, et, en particulier après 2008, la fille Le Pen complexifie cette tactique : elle profite de l’absence totale de discours politique sérieux sur le renouveau de la puissance publique de la part des partis de gauche – réformistes aussi bien que radicaux – pour s’engouffrer dans ce qui fait dire de ce fait que son discours ressemble à celui de Jean-Luc Mélenchon…

En quoi ?

Bernard Stiegler. Ce que dissimule le FN, c’est la cause véritable de la catastrophe en cours, à savoir l’hyperconsumérisme que l’idéologie conservatrice a généralisé dans le monde entier en remplaçant les institutions publiques par le marketing. Jusqu’à la fin des années 1970, les États contrôlent la socialisation de l’innovation technique pour limiter les effets toxiques qu’elle risque toujours d’engendrer – en détruisant l’attention, la santé, les emplois, l’éducation, l’environnement, etc. Une technique est toujours un pharmakon au sens de Platon : à la fois un poison et un remède. Comme le médicament, ce pharmakon peut tuer celui qu’il est censé soigner – faute d’une véritable thérapeutique. La politique est cette thérapeutique. On a vu se succéder ces dernières années les scandales sanitaires donnant l’impression que les pharmaciens devenaient des dealers. Mais il ne peut en aller autrement dès lors que l’on ne conditionne plus la consommation pharmaceutique à une prescription thérapeutique. Ce qui est vrai des médicaments l’est de toutes les techniques. Les ultralibéraux soutenus par Le Pen ont entrepris de détruire les thérapeutiques sociales en quoi consistent les savoirs sous toutes leurs formes, et tels que l’éducation les transmet. Ils ont été remplacés par des compétences adaptatives. Le résultat a été la généralisation de l’incurie et de l’irresponsabilité par l’hyperconsumérisme, les producteurs, les consommateurs, les investisseurs et les États devenant structurellement insolvables. En 2008, avec la crise des subprimes, il est apparu que ce modèle était devenu radicalement toxique. Mais comme la gauche ne propose aucune alternative à ce modèle et s’accroche à « la défense du pouvoir d’achat », au Front de gauche comme au Parti socialiste, le FN prospère dans ce désert des idées politiques en se posant en défenseur de la puissance publique – proposant l’instauration d’un État autoritaire qui ferait enfin régner l’ordre dans cette incurie généralisée… À l’inverse personne ne se demande à gauche le sens du fait que l’État que Lénine et Althusser voulaient détruire l’a bien été… mais par Reagan et Thatcher.

Mais vous-même incitez le gouvernement 
à prendre ses responsabilités à travers
une série de mesures que vous détaillez dans une sorte de feuille de route...

Bernard Stiegler. Tandis que le consumérisme s’effondre, un autre modèle émerge, dont ni la gauche ni la droite ne disent un mot. Le rapport Gallois est à cet égard consternant. Les infrastructures numériques configurent depuis l’avènement du Web un modèle industriel qui ne correspond plus du tout à celui du XXe siècle parce qu’il dépasse l’opposition fonctionnelle entre production et consommation. La gauche n’en dit et n’en fait rien par manque de courage et de confiance dans l’intelligence des gens qui ne demandent qu’à penser et à se retrousser les manches pour fonder un nouveau monde – en particulier la jeunesse. Les gens veulent des concepts politiques porteurs d’une vision, la France veut savoir où elle va, et seul le courage de recommencer à penser et à inventer permettra de répondre à l’angoisse qui fait la fortune de Marine Le Pen. Le nouveau modèle participe à la fois de ce que l’on appelle l’économie des données, la production logicielle libre, la production matérielle décentralisée avec les fab labs, les smart grids en matière énergétique, etc. Ce modèle est « pharmacologique » lui-même : il peut être mis au service des pires politiques commerciales, comme le fait Facebook. Mais il ouvre des perspectives extrêmement prometteuses – pour autant qu’une action publique novatrice en crée les conditions de solvabilité. Cela nécessite de mettre en œuvre une politique du numérique requalifiant de concert et avec les Français toutes les politiques ministérielles et relançant ainsi une véritable stratégie industrielle pour le XXIe siècle : c’est ce que nous décrivons en conclusion de Pharmacologie du Front national.

Vous préconisez ces mesures à partir d’une analyse détaillée du système consumériste ultralibéral mis en place il y a trente ans 
et qui a fini par s’autodétruire. Cette crise était-elle prévisible ?

Bernard Stiegler. Bien sûr, et nous l’avions assez bien décrite en 2005 dans notre premier manifeste (cf. arsindustrialis.org). C’est pour cela que nous sommes assez fâchés contre la gauche – et pas seulement contre le Parti socialiste. Nous discutons avec beaucoup de militants et syndicalistes, réformistes ou pas, sociaux-démocrates ou « à gauche de la gauche » : à chaque fois qu’on aborde ces questions, on nous dit « les gens ne sont pas prêts à l’entendre. » C’est absolument faux, c’est même exactement le contraire. « Les gens » sont tout à fait prêts à l’entendre : ils attendent un discours rationnel qui leur fait confiance. On dit que le populisme advient par les masses qui ne font pas confiance aux dirigeants. La réalité est que ce sont les dirigeants qui, ne faisant pas confiance aux citoyens, permettent aux populistes de manipuler la misère. Nos dirigeants de droite ou de gauche ne croient pas à l’intelligence « des gens ». Nous, nous croyons « aux gens » : nous sommes ces « gens ».

Ce Front national qui se réclame des petites gens, pour vous, est-ce la maladie dont souffre la société ou un symptôme ?

Bernard Stiegler. La maladie, ce n’est pas le Front national. La maladie, c’est le consumérisme et la révolution conservatrice qui a été intériorisée par tous, y compris l’extrême gauche. Le FN en est le symptôme le plus violent, mais il y en a bien d’autres sur tout le nuancier politique. Cette maladie, c’est le désespoir qui fait croire et accepter que la régression serait inéluctable. Il est honteux et lâche de s’y soumettre.

 

Intelligence collective Bernard Stiegler a fondé l’Association internationale pour une politique industrielle des technologies 
de l’esprit (Ars Industrialis) en 2005. Une initiative 
de philosophes, universitaires, juristes et artistes 
« très préoccupés par la situation de désarroi qui 
règne dans les pays du monde entier, et singulièrement les pays industriels, et plus encore dans notre pays, 
la France », depuis ouverte aux citoyens de tous horizons. 
Sur la base d’un travail intellectuel partagé, 
« intellectuel mais pas forcément réalisé par 
les intellectuels », précise Stiegler, ses 500 membres s’intéressent aux mutations des « technologies 
de l’esprit ». Ars Industrialis, qui se veut force 
de propositions autant que de réflexion, met en place des outils contributifs. Il est par exemple possible 
de débattre de Pharmacologie du Front national (1) sur un site dédié : http://pharmakon.fr/wordpress/le-seminaire/

 

(1) Pharmacologie du Front national, de Bernard Stiegler, 
suivi du Vocabulaire d’Ars Industrialis, par Victor Petit, Flammarion, 2013, 448 pages, 23 euros.

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Dans son dernier ouvrage,  Pharmacologie du Front national, le philosophe Bernard Stiegler établit un lien entre la montée du parti des Le Pen et ce qu’il nomme « la destruction de l’attention » par le marketing et la société de consommation.  Avec son collectif  Ars Industrialis, il propose la mise en place d’une politique qui fasse appel à « l’intelligence des ‘‘gens’’ ».

Dès votre première phrase, vous écrivez : «Cet ouvrage est un instrument.»

Bernard Stiegler. Les livres d’Ars Industrialis (Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit) sont en effet des instruments qui tentent d’appréhender ce que nous arrive et luttent contre la déconceptualisation généralisée qui détruit la vie politique. La politique ne peut pas avancer sans concepts. L’opposition de la droite et de la gauche résulte d’une opposition entre des modèles conceptuels forgés par la République des lettres. Plus récemment, il y avait en France une droite gaulliste qui pensait et à laquelle la gauche opposait ses propres concepts. Aujourd’hui, le marché inonde la sphère publique de « concepts marketing » qui court-circuitent la pensée et tuent la vie politique.

Vous tentez de reconstruire d’autres concepts ?

Bernard Stiegler. Nous renouons avec une vieille tradition qui vient de Marx. Mais nous ne nous disons pas « marxistes » : Marx a été mal interprété par le marxisme. Lui-même a d’ailleurs « dérivé » : le dernier Marx, celui du Capital, est moins intéressant que celui des années 1840 et 1850. Le sujet de Pharmacologie du Front national est l’idéologie dont Marx parle dans l’Idéologie allemande (en 1845, avec Engels – NDLR). Il y pose que l’être humain est avant tout un être technique. Penser l’humain, c’est penser la technique formant le milieu dans lequel se nouent les relations sociales. Or on a progressivement oublié cette idée chez Marx – et Althusser a minoré ce texte que l’on a arrêté de lire.

Et si on relisait ce texte ?

Bernard Stiegler. On n’entendrait plus des leaders politiques de gauche dire : « Il nous faut une bonne idéologie. » Dire cela, c’est avoir tout oublié du concept de Marx pour qui il n’y a pas des idéologies, mais l’idéologie, c’est-à-dire une illusion produite par une inversion de causalité qui légitime des dispositifs de domination. L’idéalisme qui en est la matrice prétend que la technique est produite par l’esprit. Marx affirme au contraire que l’esprit surgit de la vie technique.

Le marketing politique s’est substitué 
à la pensée critique dites-vous. Vous parlez aussi d’un « effondrement de l’attention » comme d’une des causes de ce renoncement.

Bernard Stiegler. Le marketing détourne le désir de ses objets primordiaux (parents, proches, savoirs, culture) vers la marchandise. Pour cela, il capte l’attention comme l’expliquait Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 : « Mon travail, c’est de vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible. » Or cette captation détruit l’attention, qui est la forme ordinaire du désir, lequel régresse ainsi au stade de la pulsion. Le désir prend soin de son objet ; la pulsion détruit son objet.

Notre cerveau est ainsi préparé à aller vers n’importe qui peut le manipuler. Y compris
le Front national ?

Bernard Stiegler. La destruction de l’attention pousse de plus en plus de gens vers le Front national parce qu’elle fait souffrir ceux qui la subissent tout en les empêchant de comprendre de quoi ils souffrent. L’attention est produite par l’éducation. Mais si on peut et on doit la former, on peut aussi la déformer. Le marketing la déforme en la manipulant avec d’énormes moyens. La formation de l’attention produit des savoirs – savoir vivre, faire ou conceptualiser. Politesse, chaudronnerie et mathématiques sont des formes d’attention. La déformation de l’attention est le désapprentissage de ces savoirs. Privé de ces savoirs, on est privé de place sociale : on n’est plus soi-même un objet d’attention. Les électeurs du Front national souffrent de cette destruction de l’attention psychique et du manque d’attention sociale qui en résulte.

Vous écrivez qu’il ne faut pas accuser 
les électeurs du Front national, mais en prendre soin, car « prendre soin des électeurs du FN, c’est prendre soin de la société tout entière ».

Bernard Stiegler. Combattre la destruction de l’attention, c’est mettre en question le modèle consumériste qui a fait faillite en 2008. Parce qu’ils n’ont pas le courage d’affronter cet état de fait, les politiques font la morale aux électeurs du Front national, voire les insultent, telle Eva Joly parlant d’une « tache sur la démocratie », au soir de la présidentielle. Si le FN n’est pas bon pour la démocratie, ce n’est pas en insultant ses électeurs qu’on les ramènera vers la démocratie. Faire en sorte que celui qui souffre parce qu’il est malade soit accusé d’être la cause de sa maladie, c’est en faire un bouc émissaire – tout comme le FN fait des immigrés la cause d’une souffrance que ceux-ci subissent en général plus que quiconque.

Voulez-vous dire que la dénonciation morale 
est vaine ?

Bernard Stiegler. Cette rhétorique morale sert à dissimuler une incurie politique. Le succès du Front national résulte de la révolution conservatrice. C’est elle qu’il faut analyser et combattre. C’est à mesure qu’elle s’impose que les idées du FN se répandent dans la société.

Paradoxe, aujourd’hui le FN n’affiche plus 
ses croyances libérales, mais se donne une image sociale.

Bernard Stiegler. Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen se fait appeler le « Reagan français » et promeut l’ultralibéralisme qui constitue l’idéal du FN – dont la croissance repose sur la manipulation du mal-être que provoquent les effets calamiteux de cet « idéal » pour aveugler les esprits. La souffrance est ce qu’il y a de plus manipulable. L’idéologie en général fait passer les effets pour les causes et le FN accomplit cette tâche en exploitant le mécanisme du bouc émissaire qui fait que, quand on souffre, et que l’on ne comprend pas la cause de sa souffrance, on recherche une victime expiatoire. Cependant, à mesure que les effets catastrophiques de l’idéologie néoconservatrice deviennent patents, et, en particulier après 2008, la fille Le Pen complexifie cette tactique : elle profite de l’absence totale de discours politique sérieux sur le renouveau de la puissance publique de la part des partis de gauche – réformistes aussi bien que radicaux – pour s’engouffrer dans ce qui fait dire de ce fait que son discours ressemble à celui de Jean-Luc Mélenchon…

En quoi ?

Bernard Stiegler. Ce que dissimule le FN, c’est la cause véritable de la catastrophe en cours, à savoir l’hyperconsumérisme que l’idéologie conservatrice a généralisé dans le monde entier en remplaçant les institutions publiques par le marketing. Jusqu’à la fin des années 1970, les États contrôlent la socialisation de l’innovation technique pour limiter les effets toxiques qu’elle risque toujours d’engendrer – en détruisant l’attention, la santé, les emplois, l’éducation, l’environnement, etc. Une technique est toujours un pharmakon au sens de Platon : à la fois un poison et un remède. Comme le médicament, ce pharmakon peut tuer celui qu’il est censé soigner – faute d’une véritable thérapeutique. La politique est cette thérapeutique. On a vu se succéder ces dernières années les scandales sanitaires donnant l’impression que les pharmaciens devenaient des dealers. Mais il ne peut en aller autrement dès lors que l’on ne conditionne plus la consommation pharmaceutique à une prescription thérapeutique. Ce qui est vrai des médicaments l’est de toutes les techniques. Les ultralibéraux soutenus par Le Pen ont entrepris de détruire les thérapeutiques sociales en quoi consistent les savoirs sous toutes leurs formes, et tels que l’éducation les transmet. Ils ont été remplacés par des compétences adaptatives. Le résultat a été la généralisation de l’incurie et de l’irresponsabilité par l’hyperconsumérisme, les producteurs, les consommateurs, les investisseurs et les États devenant structurellement insolvables. En 2008, avec la crise des subprimes, il est apparu que ce modèle était devenu radicalement toxique. Mais comme la gauche ne propose aucune alternative à ce modèle et s’accroche à « la défense du pouvoir d’achat », au Front de gauche comme au Parti socialiste, le FN prospère dans ce désert des idées politiques en se posant en défenseur de la puissance publique – proposant l’instauration d’un État autoritaire qui ferait enfin régner l’ordre dans cette incurie généralisée… À l’inverse personne ne se demande à gauche le sens du fait que l’État que Lénine et Althusser voulaient détruire l’a bien été… mais par Reagan et Thatcher.

Mais vous-même incitez le gouvernement 
à prendre ses responsabilités à travers
une série de mesures que vous détaillez dans une sorte de feuille de route...

Bernard Stiegler. Tandis que le consumérisme s’effondre, un autre modèle émerge, dont ni la gauche ni la droite ne disent un mot. Le rapport Gallois est à cet égard consternant. Les infrastructures numériques configurent depuis l’avènement du Web un modèle industriel qui ne correspond plus du tout à celui du XXe siècle parce qu’il dépasse l’opposition fonctionnelle entre production et consommation. La gauche n’en dit et n’en fait rien par manque de courage et de confiance dans l’intelligence des gens qui ne demandent qu’à penser et à se retrousser les manches pour fonder un nouveau monde – en particulier la jeunesse. Les gens veulent des concepts politiques porteurs d’une vision, la France veut savoir où elle va, et seul le courage de recommencer à penser et à inventer permettra de répondre à l’angoisse qui fait la fortune de Marine Le Pen. Le nouveau modèle participe à la fois de ce que l’on appelle l’économie des données, la production logicielle libre, la production matérielle décentralisée avec les fab labs, les smart grids en matière énergétique, etc. Ce modèle est « pharmacologique » lui-même : il peut être mis au service des pires politiques commerciales, comme le fait Facebook. Mais il ouvre des perspectives extrêmement prometteuses – pour autant qu’une action publique novatrice en crée les conditions de solvabilité. Cela nécessite de mettre en œuvre une politique du numérique requalifiant de concert et avec les Français toutes les politiques ministérielles et relançant ainsi une véritable stratégie industrielle pour le XXIe siècle : c’est ce que nous décrivons en conclusion de Pharmacologie du Front national.

Vous préconisez ces mesures à partir d’une analyse détaillée du système consumériste ultralibéral mis en place il y a trente ans 
et qui a fini par s’autodétruire. Cette crise était-elle prévisible ?

Bernard Stiegler. Bien sûr, et nous l’avions assez bien décrite en 2005 dans notre premier manifeste (cf. arsindustrialis.org). C’est pour cela que nous sommes assez fâchés contre la gauche – et pas seulement contre le Parti socialiste. Nous discutons avec beaucoup de militants et syndicalistes, réformistes ou pas, sociaux-démocrates ou « à gauche de la gauche » : à chaque fois qu’on aborde ces questions, on nous dit « les gens ne sont pas prêts à l’entendre. » C’est absolument faux, c’est même exactement le contraire. « Les gens » sont tout à fait prêts à l’entendre : ils attendent un discours rationnel qui leur fait confiance. On dit que le populisme advient par les masses qui ne font pas confiance aux dirigeants. La réalité est que ce sont les dirigeants qui, ne faisant pas confiance aux citoyens, permettent aux populistes de manipuler la misère. Nos dirigeants de droite ou de gauche ne croient pas à l’intelligence « des gens ». Nous, nous croyons « aux gens » : nous sommes ces « gens ».

Ce Front national qui se réclame des petites gens, pour vous, est-ce la maladie dont souffre la société ou un symptôme ?

Bernard Stiegler. La maladie, ce n’est pas le Front national. La maladie, c’est le consumérisme et la révolution conservatrice qui a été intériorisée par tous, y compris l’extrême gauche. Le FN en est le symptôme le plus violent, mais il y en a bien d’autres sur tout le nuancier politique. Cette maladie, c’est le désespoir qui fait croire et accepter que la régression serait inéluctable. Il est honteux et lâche de s’y soumettre.

 

Intelligence collective Bernard Stiegler a fondé l’Association internationale pour une politique industrielle des technologies 
de l’esprit (Ars Industrialis) en 2005. Une initiative 
de philosophes, universitaires, juristes et artistes 
« très préoccupés par la situation de désarroi qui 
règne dans les pays du monde entier, et singulièrement les pays industriels, et plus encore dans notre pays, 
la France », depuis ouverte aux citoyens de tous horizons. 
Sur la base d’un travail intellectuel partagé, 
« intellectuel mais pas forcément réalisé par 
les intellectuels », précise Stiegler, ses 500 membres s’intéressent aux mutations des « technologies 
de l’esprit ». Ars Industrialis, qui se veut force 
de propositions autant que de réflexion, met en place des outils contributifs. Il est par exemple possible 
de débattre de Pharmacologie du Front national (1) sur un site dédié : http://pharmakon.fr/wordpress/le-seminaire/

 

(1) Pharmacologie du Front national, de Bernard Stiegler, 
suivi du Vocabulaire d’Ars Industrialis, par Victor Petit, Flammarion, 2013, 448 pages, 23 euros.

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Nota : Intelligence collective Bernard Stiegler a fondé l’Association internationale pour une politique industrielle des technologies de l’esprit (Ars Industrialis) en 2005. Une initiative de  philosophes, universitaires, juristes et artistes « très préoccupés par la situation de désarroi qui règne dans les pays du monde entier, et singulièrement les pays industriels, et plus encore dans notre pays, la France », depuis ouverte aux citoyens de tous horizons. Sur la base d’un travail intellectuel partagé, « intellectuel mais pas forcément réalisé par les intellectuels », précise Stiegler, ses 500 membres s’intéressent aux mutations des « technologies de l’esprit ». Ars Industrialis, qui se veut force de propositions autant que de réflexion, met en place des outils contributifs. Il est par exemple possible de débattre de Pharmacologie du Front national [1] sur un site dédié : http;//pharmakon.frwordpress/le-seminaire/
 
Notes :
[1] Pharmacologie du Front national, de Bernard Stiegler, 
suivi du Vocabulaire d’Ars Industrialis, par Victor Petit, Flammarion, 2013, 448 pages, 23 euros.
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26 mai 2014 1 26 /05 /mai /2014 00:04
Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

C'est le peuple de gauche qui a boudé les urnes !

 

Aujourd'hui, l’austérité imposée au peuple non entendu, les promesses trahies provoquent une grave crise politique en France, constituant une véritable sanction contre les partis qui se partagent le pouvoir en Europe.


- En ces instants de choc, je partage l'émotion, la colère, les propos de Jean Luc Mélenchon tenus lors de sa conférence de presse du 26 mai.

 

- Les causes de cette Berizina politique et sociétale sont multiples, variées et cumulatives (voir l'article : "l'échec du Front de Gauche tient à lui même"), mais je soulignerai notamment qu'en France, on peut en effet dire :

  • Merci au PS qui, avec sa politique gouvernementale, est le premier pourvoyeur de voix du Front National et dont les premiers responsables sont à l’Elysée et à Matignon ;

  • Merci à, scrutin après scrutin, la sous représentation de candidats issus des couches populaires et modestes (ouvriers, employés, petits agriculteurs, chômeurs, etc...) ce qui alimente le sentiment d’abandon ;

  • Merci aussi à ceux qui, membres du Front de Gauche, ont choisi, de Paris à la Rochelle, de s'allier avec le PS au premier tour des municipales contribuant à semer la confusion, le trouble, à démobiliser et casser les équipes Front de Gauche, à discréditer la construction d'une alternative à gauche ;

  • Merci aussi à ceux qui, au sein du Front de Gauche, (du PG, du PCF et d'ailleurs) et parmi eux, nombre d'orthodoxes lors du 1er tour des élections municipales à La Rochelle, ont refusé de faire campagne ou de voter, soit pour des désaccords sur la stratégie du FdG vis à vis de l'Euro et de la construction européenne, soit considérant (apprentis sorciers dans une démarche "identitaire") que du chaos sortirait la solution. Ils ont commis une faute politique grave, sont complices et co-responsables du résultat du FN ;

  • Merci aux médias qui, en instrumentant le vote FN, ont servi avec zéle les intérêts de la classe de la finance, des actionnaires et autres possédants poussant, par la surenchére, à une politique encore plus à droite, encore plus austéritaire et anti-sociale.

- Cependant, à l’échelle européenne, avec 43 députés (+8) les partis de la Gauche européenne progressent (dont le Front de Gauche est une composante) et en Grèce, Syriza, avec Alexis Tsipras, est le 1er parti avec 28% constituant un motif d’espoir (voir carte interactive).

 

- Constatons aussi :

- qu'il n'y a pas de raz de marée FN ! Le FN perd 2 274 214 voix sur les présidentielles de 2012 (voir tableau 1 ci-dessous). Mais qui sont ses électeurs et leurs motivations ? (voir étude ICI) ;

- que le Front de Gauche est la seule force politique (hors FN et UDI) qui ne régresse pas selon les résultats définitifs (voir tableau 2 ci-dessous) et progresse même de 158 478 voix en France métropolitaine ;

- que la France ne bat pas des reccords d'abstention, qu'elle est même en recul de 1,8% par rapport à 2009 (voir tableau 3 et 4 ci-dessous) et que c'est le peuple de gauche qui a boudé les urnes !

 

L'urgence est maintenant de refondre la gauche (hors sociaux-libéraux) sur des bases opposées aux politiques libérales menées en France et en Europe et qui nous mênent vers l'abime.

 

Le succès de Syriza en Gréce ne vient-il pas de sa rupture totale avec le PASOK ? Le succès viendra pour le FDG après sa rupture totale avec le PS.

 

Nous devons dans ce cadre face à cet échec historique de la sociale-démocratie, remettre ce chantier en travail et face au gouvernement, à la droite et l'extrême droite, construire une alternative de gauche, élargir le Front de Gauche, construire un Front du Peuple !

 

Les forces existent, avec le Front de Gauche, la gauche du PS, EELV, le NPA...... il suffit qu'ensemble nous le voulions !

 

  • Quelques chiffres :

- 1 - Il n'y a pas de raz de marée FN !

 

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- 2 - Le Front de Gauche, la seule force politique de gauche qui ne régresse pas (résultats définitifs).

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- 3 - Comparatif global : PS - EELV et droite en déroute (résultats définitifs).

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- Le vote FN, c'est aussi la victoire des médias...

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- 4 - La France ne bat pas les reccords d'abstention (résultat définitif pour la France 57,57%)

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !

- 5 - Le rapport de force politique sur les inscrits (sans minimiser son résultat, le FN ne représente que 10,75% de trop du corps électoral).

Élections européennes : FN, une victoire par défaut !
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12 mai 2014 1 12 /05 /mai /2014 11:44
Le 25  mai, s’abstenir aux européennes : une faute grave !

Source : le blog de Raoul Marc Jennar

Il en est qui font campagne pour l’abstention lors du scrutin européen du 25 mai. Examinons leurs raisons.

 

Certains disent : « pourquoi voter pour un Parlement européen (P.E.) qui n’a aucun pouvoir ?»  Ce n’est pas exact ; ils devraient s’informer et lire les traités actuellement en vigueur. Ils devraient lire cet excellent petit livre « Le Parlement européen, pour faire quoi ? » dont les auteurs qui ne peuvent être qualifiés d’européistes (B. Cassen, H.Michel, L. Weber). On n’argumente pas en travestissant la réalité. Reprenons leurs principales critiques :

-  le P.E. n’a pas le pouvoir de proposer. C’est vrai. Mais qu’en est-il de ce pouvoir dans les parlements nationaux ? Quelle est la part réelle de l’initiative parlementaire dans le travail législatif national ? Dérisoire. Depuis le début de l’actuelle législature (depuis le 20 juin 2012), 125 des 157 lois adoptés étaient d’origine gouvernementale, soit près de 80% des textes votés.

 

-  le P.E . n’est que co-législateur puisque tous les textes législatifs qu’il adopte doivent avoir l’agrément du Conseil des Ministres et de la Commission. C’est vrai. Mais encore une fois qu’en est-il au Parlement français ? Les textes adoptés ne doivent-ils pas, dans les faits, avoir l’accord du gouvernement ?

 

Par contre, ce qu’on passe trop souvent sous silence, c’est que le Parlement européen dispose du pouvoir de rejeter les textes proposés. Mais la majorité droite-pseudo gauche de ce Parlement préfère les approuver. Il est extrêmement rare qu’un texte législatif soit rejeté: au cours des trois dernières législatures (en quinze ans donc), seule la directive sur la libéralisation des services portuaires a été rejetée suite à l’intense mobilisation des dockers. Dans tous les autres cas, la majorité droite-PS a accepté les textes proposés.

 

Il ne fait aucun doute qu’au regard de l’idéal démocratique qui demeure à appliquer en France, le PE pourrait disposer de pouvoirs plus larges. Mais nous savons que ce sont les gouvernements des Etats qui limitent ces pouvoirs. C’est d’abord aux gouvernements successifs de la France qu’il faut s’en prendre si on veut changer d’Europe.

 

Ils affirment que « ce PE soutient les politiques néo-libérales proposées par la Commission européenne et adoptées par les 28 gouvernements réunis en Conseil des Ministres. » C’est vrai. Et cela prouve que le PE a du pouvoir. Puisqu’il pourrait ne pas les soutenir. Mais à qui la faute si les choix sont de droite ? Pas à l’institution qu’est le PE ! Mais bien aux partis politiques de droite et de la pseudo-gauche qui votent ensemble l’écrasante majorité des textes. Comme l’écrivent très justement les auteurs de cet excellent petit livre intitulé « Le Parlement européen, pour faire quoi ? » c’est à l’alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates qu’il faut attribuer le caractère néo-libéral des textes adoptés. Et les auteurs de conclure « si le Parlement veut, il peut ». Cette orientation dépend donc avant tout du vote des électeurs.

Enfin, ils proclament « il faut s’abstenir pour manifester notre rejet de cette Union européenne qui nie la démocratie et la justice sociale parce qu’elle nie la souveraineté des peuples ». Je suis d’accord sur le constat, mais je ne considère pas que ce soit la bonne méthode pour changer d’Europe, ni même pour changer l’UE. En effet, lors du précédent scrutin européen, en 2009, il y a eu, votes blancs et nuls compris, 62, 12% d’abstentions en France. En quoi cela a-t-il changé les choix politiques de l’UMP puis du PS ? En quoi cela a-t-il empêché la majorité PS – EELV de ratifier tel quel le pacte budgétaire Merkel-Sarkozy ? En quoi cela a-t-il modifié les orientations de l’UE ? Quelle révolution cela aurait été si seulement la moitié de ces abstentionnistes en 2009 avait soutenu l’une ou l’autre des listes de la gauche de gauche !

 

Quant à affirmer qu’en délégitimant le Parlement européen par un boycott massif de l’élection « les décisions européennes n’auront plus aucune portée en France », c’est oublier que les décisions européennes sont pour l’essentiel prises avec l’accord des 28 Etats, c’est-à-dire des 28 gouvernements et que ce sont donc aussi des décisions qui engagent le gouvernement français et qui s’appliquent en France.

 

De plus, cette année, alors que se négocie le grand marché transatlantique (GMT), nous allons élire les députés européens qui auront à le ratifier, si la négociation aboutit. Puisque, désormais, le Parlement européen a le pouvoir d’adopter ou de rejeter de tels traités. Il a usé de ce nouveau pouvoir le 4 juillet 2012 en refusant l’ACTA, un traité au contenu liberticide négocié par l’UE dans le plus grand secret. Affirmer, comme les partisans du boycott le prétendent que « le résultat du scrutin n’aura aucun impact » sur l’avenir du GMT, c’est tout simplement se faire les complices des partisans du GMT.

 

Il nous est donc possible de choisir des candidats qui sont radicalement et sincèrement opposés à ce projet funeste pour les peuples d’Europe. Et de faire de cette élection un référendum pour ou contre le GMT.

 

  • Je veux ajouter ceci. A côté de ceux qui s’abstiennent, il y a ceux qui ne s’abstiennent pas : les électeurs du FN. Et ce parti, on l’a vu aux récentes municipales, profite des abstentions pour gagner plus de sièges qu’il en obtiendrait s’il y avait moins d’abstentions. S’abstenir aux européennes, cela équivaudra à donner plus encore de députés européens au FN. Et ce choix discréditera la France et n’aura aucune influence sur la nécessité de faire rupture avec les orientations politiques de l’UE et les institutions qui les portent. Parce que ce sera un choix d’extrême-droite.

 

  • S’abstenir est une grave erreur. Une faute politique majeure. Il faut au contraire se mobiliser massivement pour ceux qui ont combattu le traité constitutionnel européen en 2005 au nom des valeurs de gauche et qui sont restés fidèles à ce choix, pour ceux qui au Parlement européen n’ont jamais mêlé leurs voix à la sainte alliance de la droite et des sociaux-démocrates, pour ceux qui rejettent le capitalisme rose comme le capitalisme vert.

 

  • S’abstenir, c’est faire du score du FN l’événement médiatique majeur du scrutin ; voter massivement Front de Gauche, c’est créer l’événement politique et annoncer aux peuples d’Europe, et en particulier au peuple grec martyr de l’UE, qu’un espoir est né en France de remplacer l’UE par une union des peuples d’Europe fondée sur la démocratie, la justice sociale, l’exigence écologique et le respect absolu de la souveraineté populaire.

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27 avril 2014 7 27 /04 /avril /2014 12:01
TAFTA : qu'en pense le Front National ?
Marion Maréchal-Le Pen prise en flagrant délit de mensonge

Source : François Cocq sur  le site du Parti de Gauche

Invitée de RMC-BFM le lundi 19 mai, Marion Maréchal n’a pas hésité à mentir de manière éhontée pour se soustraire aux prises de position à géométrie variable du Front National sur le traité transatlantique de libre-échange.

 

Interpelée par l’animateur, la députée du Vaucluse a non seulement fait mine de ne pas être au courant du vote contre une délibération refusant ce projet de traité par les membres de son parti au conseil régional de Picardie, mais elle a également été frappée d’amnésie sur un vote similaire et unanime émis au mois de février par le Front national dans sa propre région PACA !

 

Chez les Le Pen, l’âge ne fait rien à l’affaire. Le groupe de papi, grand admirateur de l’ultra-libéral Ronald Reagan, vote, la fille gesticule, et la petite-fille oublie. Pour le projet de marché transatlantique, le FN et son armée népotique sont définitivement à ranger du côté des opposants de pacotille.

 

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5 avril 2014 6 05 /04 /avril /2014 11:30
L’histoire (glaçante) de l’extrême droite française

 Le parti de Marine Le Pen pourrait devenir le premier parti de France aux élections européennes. Face à cette perspective glaçante, il est plus que jamais nécessaire de rappeler l’histoire nauséabonde de l’extrême droite française.

C’est ce qu’a fait pendant six mois l’historien Stéphane Mazurier dans Siné Mensuel.

 

Source : Stéphane Mazurier raconte...  publié le 18 mars 2014 | article modifié le 27/12/2020

 

Première partie (sur 6) : 1789 – 1814

Au temps de la cocarde noire

 

- Cette histoire pleine de bruit et de fureur a commencé avec la Révolution de 1789, sur les bancs de l’Assemblée constituante, en même temps qu’est né le clivage gauche-droite.

À gauche du président de l’Assemblée s’étaient rassemblés les députés favorables à une sérieuse limitation des pouvoirs du roi, tandis qu’à droite siégeaient ceux qui souhaitaient que son autorité soit maintenue. Quelque deux cents individus se sont placés le plus à droite de la chambre : ils exigeaient que le roi redevienne le monarque absolu qu’il était naguère. Ceux-là vomissaient les profondes avancées sociales et politiques qui venaient d’être décidées : l’abolition des privilèges et des droits féodaux lors de la nuit du 4 août, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen trois semaines plus tard… pour lire la suite...

 

ou, le document intégral à télécharger ci-dessous...

 

- Annie Lacroix-Riz : le fascisme français est venu de la droite

Le champ intellectuel français se parsème de livres fascistes et collaborationnistes, certain sont publiés, d’autres stoppés par des protestations.

 

Ces livres posent les question de savoir si ils sont sain à la disposition de tout le monde, même accompagné de critique ou est-ce alors une fascination pour une prose criminelle ?

 

Pour en parler Aude Lancelin reçoit aujourd’hui dans l’Entretien Libre Annie Lacroix-Riz, historienne et militante politique, spécialiste des relations internationales dans la première moitié du XXe siècle.

 

Elle a notamment écrit sur l’histoire politique, économique et sociale de la Troisième République et de Vichy, sur la collaboration pendant la Seconde Guerre mondiale, sur les relations entre le Vatican et l’Allemagne nazie ainsi que la stratégie des élites politiques et économiques françaises avant et après le conflit mondial.
 

L’histoire (glaçante) de l’extrême droite française
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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 10:46
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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 10:35
Municipales 2014 • Tour d'horizon, chiffres clés et analyse

Le 2nd tour des élections municipales a confirmé, voire amplifié toutes les caractéristiques du 1er tour.

 

Sources : Laurent Maffeïs et le Pôle argumentaire du PG
- Une abstention populaire
Un nouveau record historique d’abstention est atteint lors de ce second tour avec 36,3% contre 34,08% pour le précédent record atteint en 2008. La composante populaire de l’abstention s’accentue encore lors de ce second tour. Elle recule par exemple à Paris par rapport à 2008, en particulier dans les arrondissements les plus bourgeois (7,8, 15,16ème). Mais elle explose dans les villes populaires de banlieue, particulièrement celles détenues par le PS, pour dépasser 55% par exemple à Evry, Villiers-le-Bel, Roubaix ou Trappes. Dans ces communes qui avaient voté autour de 70% pour François Hollande aux présidentielles, la politique du gouvernement a réussi à dégoûter une large majorité des électeurs.

 

Un autre symptôme de l’approfondissement de la crise politique est l’atomisation du paysage politique dans 986 triangulaires et 207 quadrangulaires, là aussi un record historique. Elles traduisent la défiance des électeurs face aux partis dominants en crise qui ont vu se multiplier les dissidents capables de se maintenir au second tour.

 

 

- Un désastre pour le PS
Le PS perd 162 villes de plus de 10 000 habitants en métropole et outre-mer. Il perd 10 villes de plus de 100 000 habitants. Il faut remonter à 1972 pour retrouver un niveau aussi faible du PS dans le paysage municipal. Hollande a ainsi achevé de ruiner l’implantation municipale du PS construite dans la foulée du congrès d’Epinay et du programme commun. Le PS perd des bastions historiques comme Limoges, détenue depuis un siècle, ou Nevers, détenue depuis un demi-siècle. Trois ministres (Moscovici, Guillaume Garot et François Lamy) qui se présentaient sur des listes PS largement sortantes font lourdement perdre la gauche. Signe de la défiance face au PS, plusieurs dissidents socialistes terrassent les listes sortantes soutenues par le PS à Dunkerque, La Rochelle ou Montpellier.

 

Et même là où le PS sauve de justesse des villes comme Paris, Lyon, Lille ou Strasbourg, il va perdre la majorité dans les communautés urbaines et futures métropoles. Là où le PCF n’avait pas assumé clairement une ligne d’opposition de gauche, il est emporté avec le PS par la vague du désastre. Par exemple à Bobigny, au Blanc Mesnil ou à Villejuif, le PC perd au profit de la droite alors qu’il avait fait liste commune avec le PS dés le 1er tour. Et là où le PS avait refusé par sectarisme toute fusion avec nos listes, il perd souvent avec une marge inférieure à notre score du 1er tour. C’est le cas à Toulouse où l’alliance PS-PCF perd la ville avec 4,1 points d’écart avec la droite au 2nd tour, là où notre liste autonome avait obtenu 5,1% au 1er tour.

 

 

- La droite gagne mais reste en crise
La droite atteint son plus haut niveau de conquêtes aux municipales depuis 1947. Elle contrôle désormais 60 % des villes de plus de 10 000 habitants contre 44 % à l’issue des précédentes municipales. Cette percée n’est cependant pas homogène au profit de l’UMP mais se fait souvent en faveur de l’UDI (Nancy, Amiens, Laval, Bobigny) et du Modem (Pau). Loin d’atténuer la crise de la droite, cette victoire marque donc la réémergence d’un centre droit puissant sur le plan électoral. Une nouvelle d’autant plus mauvaise pour l’UMP que Modem et UDI ont d’ores et déjà annoncé qu’ils feraient des listes distinctes de l’UMP aux européennes.

 

En ayant littéralement dissout le peuple dans l’abstention, la politique de Hollande permet même à la droite de s’ancrer dans des départements jusque là largement dominés par la gauche. C’est le cas en Seine Saint Denis, département régulièrement le plus à gauche de France aux élections nationales, où la droite contrôle désormais 50% des villes de plus de 10 000 habitants alors que la gauche en contrôlait jusqu’ici 70%. Cette percée de la droite en banlieue a d’ailleurs été ouvertement aidée par Marine Le Pen. Dans des terres où l’implantation du FN est faible, elle a délibérément opéré des jonctions avec des responsables de droite conformément à la stratégie du FN de conquête du leadership de la droite. Ce fut par exemple le cas à Villeneuve Saint Georges ou à Sevran en Seine Saint Denis.

 

 

- Des conquêtes FN en trompe l’œil
Le FN conquiert 11 villes de plus de 9 000 habitants, mais seulement deux avec plus de 50 %. Hayange n’est par exemple conquise qu’avec 34%. La plupart du temps le FN a surfé sur la crise de la droite pour conquérir ces villes dans ces triangulaires ou quadrangulaires où la droite était lourdement divisée. Ces conquêtes servent néanmoins au FN à masquer son absence de progression au second tour dans la majorité des villes où il se maintenait. Il ne progresse ainsi que quand il est en situation de conquête et pas dans la plupart des triangulaires. Les deux vice-présidents du FN et bras droit de Marine Le Pen, Florian Philippot et Louis Alliot échouent d’ailleurs à Forbach et Perpignan, tout comme les 2 députés FN, Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen qui ne parviennent pas à capitaliser leur implantation dans le Gard et le Vaucluse. Quant à l’argument selon lequel le FN aurait contribué à faire reculer l’abstention là où il est fort, il est très diversement vérifié. La perspective de victoire du FN a en effet suscité un regain de mobilisation d’électeurs de droite radicalisés à Fréjus ou Toulon mais elle a aussi mobilisé des abstentionnistes pour empêcher la victoire du FN comme à Avignon.

 

 

- Progression des listes d’opposition de gauche

A l’issue du 1er tour, voici comment se sont réparties nos 308 listes ayant obtenu plus de 10% : 67 ont gagné au 1er tour, 82 ont eu des élus dés le 1er tour dans une ville gagnée par d’autres que nous, 25 ont fusionné avec des listes PS en tête, 13 se se sont retirées sans fusionner et 121 se sont maintenues au second tour.


Ces 121 listes d’opposition de gauche maintenues au second tour enregistrent un résultat de 27,64%, en progression de 5 points par rapport au 1er tour où elles avaient réalisé 22,47% en moyenne. Cette progression marque le succès massif de la stratégie d’autonomie conquérante que nous avons défendue.

 

Quelques progressions éclatantes de nos listes maintenues :

  • Grenoble : notre liste EELV-PG obtient 40% contre 26% pour la liste PS-PCF qui avait refusé de fusionner. Nous progressons de 7 000 voix et 11 points.
  • Paris 20ème arrondissement : avec 13,6% Danielle Simonet parvient à être élue conseillère de Paris en progressant de 3,3 points et 2 000 voix.
  • Evry : dans la ville de Manuel Valls, la liste FDG progresse de 3 points et obtient 18% au second tour.
  • Trappes : la liste FDG passe de 16 à 18% en se maintenant face à la liste du ministre PS Benoit Hamon
  • Châteauroux : la liste FDG passe de 10 à 13%, et passe devant le FN
  • Nîmes : la liste FDG-EELV passe devant le PS, qui était pourtant en tête de la gauche au 1er tour. Elle progresse de 1 000 voix ce qui lui permet de passer de 12 à 15%, tandis que la liste PS perd 230 voix et passe de 15 à 14%.
  • Carmaux : dans la ville de Jaurés, la liste maintenue du FDG voit son nombre de voix progresser de 25%, et passe de 27 à 33%
  • Lyon : nos 2 listes maintenues progressent, dans le 1er en emportant l’arrondissement et dans le 4ème en passant de 10 à 15%
  • Sevran : la liste FDG maintenue passe de 24 à 31%
  • à Bouguenais à côté de Nantes, au cœur de la mobilisation contre Notre Dame des Landes, notre liste d’opposition de gauche passe de 21 à 27%
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Rédacteur

  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

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