Dans quelques semaines, le Conseil d'État va s'emparer de la question du péage du viaduc d'Oléron (1). Une nouvelle fois. La plus haute juridiction administrative a déjà eu à traiter de la gratuité, ou non, de ce pont inauguré en juin 1966, il y a tout juste cinquante ans.
À l'instar des opposants actuels de l'AGPIO (Association pour la gratuité du pont de l'île d'Oléron) qui ont réussi à faire capoter à deux reprises la consultation des électeurs, une association avait multiplié les recours dans les années 1970. Elle s'appelait le Cadiob, comme Comité d'action et de défense des intérêts de l'île d'Oléron et Bourcefranc, et demandait la « gratuité du passage pour les Oléronnais » soumis aux tarifs communs.
L'association avait saisi le Conseil d'État qui lui avait donné satisfaction dans un arrêt fracassant rendu le 16 février 1979. Il avait annulé un jugement du tribunal administratif de Poitiers de 1976 et un arrêté préfectoral de 1974 qui fixait les taxes de péage sur le pont.
- Cinq mois de gratuité
Les juges avaient considéré que la délibération du Conseil général instituant le péage en 1966 était illégale car elle violait une loi de 1880 qui stipulait qu'« il ne sera plus construit de pont à péage sur les routes nationales et départementales », ce qui était le cas du viaduc reliant deux nationales. Il avait fallu attendre près de trois semaines et la notification de la décision au préfet, pour que les barrières tombent, le 5 mars 1979.
Alors président du Conseil général, Josy Moinet avait fait part de son inquiétude concernant « l'équilibre de la régie des passages d'eau, assuré par les excédents d'Oléron qui comblent les déficits de Ré ». Et de craindre une augmentation des impôts de « 4 à 5 % ». Quant au projet de créer un pont pour relier l'île de Ré au continent, il paraissait condamné.
C'est finalement le gouvernement de Raymond Barre qui était venu à la rescousse du Département, via un projet de loi instituant une redevance « à titre exceptionnel » en raison « de l'utilité, des dimensions et du coût d'un ouvrage. » Ainsi que la possibilité d'instaurer la gratuité ou des tarifs préférentiels pour une catégorie d'usagers. « La redevance ne pourra qu'être limitée dans son taux et dans le temps » avait protesté M. d'Abzac, maire de Dolus et membre du Cadiob, en invoquant « l'égalité des citoyens devant les charges publiques ».
- Le Conseil d'État aussi en 1982
La loi avait été votée par l'Assemblée nationale le 29 juin. Alors sénateur, Josy Moinet avait proposé de créer un service public d'État prenant en compte le transport des personnes et des marchandises entre le continent et l'île. Amendement refusé par le gouvernement.
Quelques jours plus tard, nouveau rebondissement. Une soixantaine de députés de gauche, dont Roland Beix, Philippe Marchand et Michel Crépeau, avaient saisi le Conseil constitutionnel pour contester la régularité de la loi. Parce que « la constitution oblige l'État à assurer la libre circulation des personnes et des biens sur son territoire ». Le recours avait été rejeté.
Le Conseil général avait rétabli le péage fin juillet 1979 par 37 voix contre 4, ainsi que la gratuité pour les insulaires. Les opposants s'étaient à nouveau tournés devant les juges administratifs. Mais tant en première instance (en 1980) que devant le Conseil d'État en 1982, ils n'avaient cette fois pas été suivis. Le péage a été supprimé par le Département le 2 mars 1991.