Jean Luc Mélenchon : Notre choix n’est ni le chaos, ni le Frexit de principe, ni la soumission aux traités actuels, ni la fumeuse attente résignée d’une renégociation générale. C’est l’application des décisions du vote populaire et donc l’opt-out pour tout ce qui lui fait obstacle... "[1bis]
Non, le Brexit n’est pas né uniquement de la colère du peuple contre les élites, mais d’une stratégie d’un pan de la finance, emmené par les hedge funds, désireux de quitter l’UE pour dérégulariser davantage. C’est la thèse d’un essai sombre, qui annonce l’avènement d’un « libertarianisme autoritaire ».
Sources : Midi Insoumis, Populaire et Citoyen | mis à jour le 15/05/2024
Le feuilleton du Brexit s’est souvent apparenté à une pièce de théâtre shakespearienne, avec coups de bluff, trahisons en série et jusqu’à l’assassinat d’une députée
Mais l’essai que viennent de publier deux sociologues français, Marlène Benquet et Théo Bourgeron[1] " Quand la City de Londres faisait campagne pour le Brexit ", braque les projecteurs sur un personnage qui ne semblait être, jusqu’à présent, qu’un second couteau du drame en cours : ces hedge funds, fonds de capital-investissement et de trading à haute fréquence, qui prospèrent « aux marges les moins régulées du secteur financier ».
En choisissant de s’intéresser, non pas aux ressorts psychologiques des électeurs du Brexit, ou à leurs conditions socioéconomiques, mais aux « intérêts patronaux » de ceux qui l’ont provoqué, La Finance autoritaire (Raisons d’agir) déplace la focale. Elle se penche sur les intérêts économiques des classes dominantes, et ceux, en particulier, de la City de Londres, moins monolithique qu’elle n’est souvent décrite. « Le Brexit est la répercussion d’une opposition économique, devenue conflit institutionnel et politique, entre deux fractions du patronat financier », écrivent Benquet, chargée de recherche au CNRS, et Bourgeron, post-doctorant à Dublin.
Ces deux universitaires vont plus loin
Ils font du Brexit « le premier exemple significatif du basculement d’un pays du néolibéralisme vers le libertarianisme autoritaire », une dynamique également à l’œuvre, selon eux, dans les États-Unis de Trump ou au Brésil de Bolsonaro. Le Brexit a souvent été narré comme « l’histoire d’un mauvais calcul stratégique », le résultat d’un aventurier opportuniste nommé David Cameron, désireux d’asphyxier le UKIP de Nigel Farage sur sa droite. Mais ce récit manquerait peut-être l’essentiel : la bataille à laquelle se sont livrés, au cours de l’année 2016, deux pans de la finance, l’une « historique » (banques, assurances, etc.), l’autre, alternative, autour des fonds spéculatifs.
La principale différence entre ces deux acteurs de la City, pour reprendre la terminologie marxiste maniée par les deux auteurs, est liée à leur « mode d’accumulation » :
- les premiers s’enrichissent avant tout sur les marchés boursiers ;
- les seconds interviennent sur des marchés de gré à gré, c’est-à-dire non organisés.
Benquet et Bourgeron opposent une « première financiarisation » à une « seconde financiarisation », encore moins régulée. Les deux forces se trouvent désormais « en concurrence pour la négociation d’un régime politique d’accumulation institutionnalisant leur droit à accumuler ».
L’une des pièces maîtresses de leur raisonnement est un travail de compilation inédit
A partir des chiffres publiés par la Commission électorale du Royaume-Uni, ils ont analysé l’origine des 349 lignes de dons accordés par 313 donateurs distincts aux plateformes en faveur du maintien (remain) ou du divorce (leave) – soit 33 millions de livres (37 millions d’euros environ) dépensées en cinq mois.
Alors que les médias ont souvent écrit que la City tremblait devant la perspective d’un Brexit, ils observent que 57 % des recettes de la campagne en faveur du " leave " (partir) proviennent du secteur financier, contre 36 % pour celle du " remain " (rester). En affinant les recherches, ils découvrent que les " hedge funds " (fonds spéculatifs) ont consacré près de 90 % de leurs ressources au leave.
👉 Au total, la campagne du leave est financée à 94 % par des acteurs de ce qu’ils nomment « la seconde financiarisation ».
La presse britannique a déjà souligné, ces dernières années, le rôle discret joué dans la campagne par certains gestionnaires de hedge funds, Arron Banks, mécène du Ukip et cofondateur de la plateforme Leave.EU, étant sans doute le plus connu (Mediapart avait publié son portrait ici). Des journalistes, à l’instar de Peter Geoghegan (Democracy for sale, 2020), ont publié des essais ultradocumentés sur l’opacité des financements de la campagne du leave (Mediapart en a parlé en 2019).
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Quels enseignements en tirer ? Regardons ce qu'en dit la France insoumise (extrait)[2]
Partant du constat que le Brexit est une sortie néolibérale de l’Union européenne, et donc la pire envisageable, les citoyens et citoyennes que nous sommes doivent tirer les leçons de cet épisode :
- 1- La Commission européenne confirme qu’elle ne sait, ne peut, ni ne veut négocier. Elle est soumise à des impératifs idéologiques si puissants qu’elle ne sait faire preuve d’aucune souplesse. On peut sans risque affirmer que ce qui lui importe essentiellement dans cette négociation Brexit c’est d’imposer un accord qui se voudrait punitif pour ne pas donner l’exemple à ceux des autres peuples qui pourraient être taraudés par l’idée de la quitter ;
- 2- Le Brexit est une sortie néolibérale de l’Union européenne, et donc la pire envisageable. Cela confirme que sortir de l’UE pour sortir de l’UE n’est pas un programme. Car dans cette affaire, une seule certitude demeure : avant comme après, les Britanniques subiront la même politique néolibérale, au moins aussi féroce, voire pire. L’important consiste bien pour nous à se fixer des objectifs politiques et sociaux de justice sociale, environnementale et fiscale, et de les appliquer. Dès lors que, ces objectifs étant fixés, l’UE est un obstacle, il faut la combattre comme telle ;
- 3- Instaurer un rapport de forces est la condition nécessaire au changement. L’UE est obstacle au changement, il faut instaurer avec elle un rapport de forces et ne pas imaginer que la négociation soit réellement possible avec l’UE telle qu’elle est.
Jean-Luc Melenchon : Vous tuez l'idée européenne
On ne tuera jamais si bien et si efficacement l’idée européenne qu’en la traitant comme on est en train de le faire...
- Les propositions de la France insoumise :
« L’Avenir en commun, en Europe aussi ! » : Ce document programmatique pour les élections européennes est proposé par l’espace du programme de La France insoumise, coordonné par Charlotte Girard et Boris Bilia[3].
« L’Avenir en commun, sortir des traités européens » : Plan A : Proposer une refondation démocratique, et appliquer un « plan B » en cas d’échec des négociations[4]
Notes :
[1] Quand la City de Londres faisait campagne pour le Brexit
[2] France insoumise : Brexit ou le jeu de dupes
[3] « L’Avenir en commun, en Europe aussi ! »
« L’Avenir en commun, en Europe aussi ! » téléchargeable
[4] « L’Avenir en commun, Sortir des traités européens »
Pour en savoir plus :
- Ce que contient l'accord post-Brexit entre l'UE et le Royaume-Uni
- Brexit, pas touche au marché unique
- Accord de Brexit: les paradis fiscaux ont de beaux jours devant eux ! (Fabien Roussel - PCF)
- Manon Aubry, députée européenne France insoumise : " Avec l'accord Brexit, le Royaume-Uni pourra tranquillement inonder gratuitement le marché Drapeau de l'Union européenne sans en respecter toutes les normes sociales, fiscales & environnementales. La porte ouverte au dumping ! "
- C'est la faute à l'Europe, c'est la faute à l'Europe..... STOP !
- Brexit : Bruxelles prête à de la créativité, pas à une atteinte au marché unique !
- Europe : Le Pen et le FN/RN rejoignent la niche. Jusqu’au bout
- Younous Omarjee, député européen France insoumise, tenait une conférence de presse sur la Réserve d'ajustement au Brexit, aux côtés de Pascal Arimont, son rapporteur (Cet instrument devrait tempérer les effets socioéconomiques du retrait britannique dans les régions impactées)
- « IL NE SUFFIT PAS DE SORTIR DE L’EURO POUR REDEVENIR SOUVERAIN »
- POURQUOI ASSOCIER LE BREXIT À L’EXTRÊME-DROITE EST TROP SIMPLISTE
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