En 2016, selon Manuel Valls, l’antisionisme est « tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël ». Prononcée le 7 mars lors du dernier dîner annuel du Crif (Conseil représentatif des juifs de France), organisme principalement consacré à la défense des gouvernements israéliens successifs auprès des autorités françaises, cette accusation vise à faire peser un soupçon indistinct d’infamie sur les mouvements de solidarité avec les Palestiniens.
Aujourd'hui, le projet apparaît incompatible avec les engagements internationaux de la France résultant en particulier de la Charte des Nations Unies de 1945, des conventions de Genève de 1949 et des autres instruments du droit international humanitaire, et de toutes les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies sur les droits du peuple palestinien (dont les résolutions 194, 273, 2443).
Rony BRAUMAN[2]
En 2016, selon Manuel Valls, l’antisionisme est « tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël ».
Prononcée le 7 mars lors du dernier dîner annuel du Crif (Conseil représentatif des juifs de France), organisme principalement consacré à la défense des gouvernements israéliens successifs auprès des autorités françaises, cette accusation vise à faire peser un soupçon indistinct d’infamie sur les mouvements de solidarité avec les Palestiniens... voire à les criminaliser, comme on le constate avec la pénalisation des appels au boycott des produits israéliens en provenance des territoires occupés.
Passons sur le fait qu’il est permis – et même valorisé – dans notre pays d’appeler à la guerre (en Irak, au Darfour, en Syrie, en Libye) mais illicite de protester par un boycott de consommation contre une politique coloniale.
Intéressons-nous plutôt aux rapports entre sionisme et antisémitisme, en nous souvenant en premier lieu que la majorité des juifs du monde, et notamment les Français, furent opposés au sionisme jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale et que même alors, la majorité des juifs d’Europe ne choisit pas la Palestine après la shoah. Pas plus que les juifs russes fuyant les pogroms à la fin du XIXe siècle, dont seul 1 % se rendit en « Terre promise ».
Quant aux juifs français engagés dans le soutien au capitaine Dreyfus, tous ne suivirent pas Théodore Herzl, fondateur du sionisme, qui fit de ce procès inique le déclencheur de son projet national. Lorsque Herzl affirmait que l’affaire Dreyfus marquait l’échec du modèle républicain d’intégration des juifs, d’autres voyaient dans le foyer national juif un « piège tendu par l’antisémitisme »[3]. Et c’est dans une logique tout impériale que Lord Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères lui apporta son soutien en novembre 1917, durant la Première Guerre mondiale.
Que l’on puisse sans contradiction être prosioniste et antisémite devrait tomber sous le sens, puisqu’il s’agissait, dès l’origine, de débarrasser l’Europe de ses juifs, projet commun des uns et des autres avant que surgisse la folie hitlérienne.
La dimension biblique comptait dans ce soutien, les courants évangéliques anglais de l’époque, comme leurs homologues contemporains aux Etats-Unis, voyant dans le rassemblement des juifs en Palestine l’actualisation du récit de l’ancien testament et le prélude à l’avènement du Messie.
Les plus fervents et les plus radicaux des défenseurs d’Israël en toutes circonstances se recrutent d’ailleurs parmi ces évangéliques américains, lesquels véhiculent les plus classiques des stéréotypes antisémites tout en soutenant les plus durs des colons israéliens. L’avenir qu’ils réservent aux juifs laisse songeur quant aux alliances de l’Etat hébreu : selon l’interprétation évangélique de la Bible, les juifs devront en effet se convertir ou périr lors du Jugement dernier hâté par leur regroupement en Palestine.
On peut certes être antisioniste par haine des juifs, qui pourrait le nier ?
Mais on peut n’être pas moins antisémite et un sioniste ardent, ce que notre Premier ministre semble ignorer. Estimer que la création d’Israël fut une décision funeste, y compris pour les juifs, relève de la liberté d’opinion, au même titre que l’opinion contraire. Telles sont, stricto sensu, les significations des mots antisioniste et sioniste. Les deux positions, regards opposés mais également légitimes sur un événement historique, peuvent se nourrir de l’antisémitisme, comme elles peuvent y être totalement étrangères.
Les saisies de terres, destructions de maisons, emprisonnements administratifs, extensions de colonies, voilà ce qui nourrit aujourd’hui la critique d’Israël et de sa politique du fait accompli. Si le sionisme historique est pluriel, sa forme contemporaine est monocolore, largement sous le contrôle des colons. Et l’antisionisme est pour beaucoup une simple opposition à la stratégie d’occupation des territoires palestiniens et aux exactions qui l’accompagnent.
Voilà ce que cherche à masquer le Crif, principal porte-voix du gouvernement israélien en France, désormais détrôné, en 2016 dans ce rôle par le Premier ministre (NDLR : rejoint en 2023 par le Sénat français qui s’apprête à examiner la proposition de loi n°21 d’un groupe de sénateurs visant à réprimer pénalement « l’antisionisme »[4]).
Notes :
[2]Rony Brauman est un ancien président de Médecins sans frontières, professeur associé à l’Institut d’études politiques de Paris.
[4] Novembre 2023 : le Sénat français s’apprête à examiner une proposition de loi visant à réprimer pénalement « l’antisionisme ».
[5] En novembre 2024 François Hollande signe une proposition de loi avec la députée Renaissance Caroline Yadan pro-israélienne, visant à assimiler à l’antisémitisme toute critique des actes du gouvernement israélien et de leurs soutiens
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- le CRIF (Ceux qui parlent au nom des Juifs de France - De la clandestinité aux feux médiatiques)
- DÉCRYPTAGE DE LA RÉSOLUTION DITE « RÉSOLUTION MAILLARD » adoptée le 03 décembre 2019.
- Décembre 2023 aux USA. La Chambre des représentants déclare que l'antisionisme est de l'antisémitisme avec seulement 14 voix contre (Article originel : The House of Representatives Rules That Anti-Zionism Is Antisemitism)