Patrick Kanner, sénateur socialiste " Le Parti Socialiste est rentré dans une logique groupusculaire dans un climat crépusculaire[obis] "
Le premier secrétaire sortant a été réélu avec 50,9 % des suffrages exprimés, dans un congrès qui n’a bénéficié d’aucune réelle dynamique. Faible participation, effectifs en recul, clivages surjoués : le Parti socialiste n’est pas sorti de sa convalescence.
Sources : Mathieu Dejean | mis à jour le 18/06/202
C’est une victoire au goût amer, mais une victoire quand même.
Olivier Faure est arrivé en tête du vote des adhérent·es du Parti socialiste (PS), jeudi 5 juin, avec 50,9 % des suffrages exprimés. Il devance de peu son adversaire Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen (Seine-Maritime), qui a engrangé 49,1 %. Les résultats doivent être ratifiés entre les 13 et 15 juin à Nancy (Meurthe-et-Moselle), où se terminera le congrès.
« Dès demain, nous poursuivrons le travail commencé en 2018 pour amplifier la dynamique, avec un Parti socialiste ancré au cœur de la gauche », a déclaré Olivier Faure sur X[0]. Pour ses partisan·es, sa reconduction au poste de premier secrétaire est un soulagement d’autant plus grand que sa défaite aurait mis un terme à la tentative – déjà fragile – de construction d’une candidature commune de la gauche et des écologistes pour la présidentielle de 2027.
Jusqu’au bout, Olivier Faure s’est posé en passerelle de l’union de la gauche, en s’affichant notamment aux côtés de François Ruffin[1] à Amiens (Somme) – qui s’est dit favorable à une primaire –, rappelant par là même que le scrutin interne du PS dépassait cette année ses frontières. « On a assumé une forme d’honnêteté auprès des militants. On souhaite une candidature commune et on ne fera pas un préalable du fait que ce soit une candidature socialiste », explique Johanna Rolland, maire de Nantes (Loire- Atlantique) et numéro deux du PS.
Mais le 81 congrès du PS a surtout mis en lumière la grande faiblesse d’un ancien parti de gouvernement, toujours partagé entre la nostalgie de sa « splendeur » passée et l’acceptation de sa relégation au rang d’une organisation modeste, affaiblie par ses résultats aux dernières élections présidentielles – 6,3 % en 2017 ; 1,7 % en 2022. Et qui ne peut plus prétendre à jouer les premiers rôles.
Une victoire limitée
Le résultat du vote sur les textes d’orientation (TO) témoignait déjà de cette indétermination[2] :
- le TO du premier secrétaire sortant avait obtenu 42,21 % des suffrages exprimés ;
- celui de Nicolas Mayer-Rossignol, 40,38 %.
Alors qu’Olivier Faure revendiquait, fin 2024, dix mille nouvelles adhésions que l’on pouvait interpréter comme une adhésion à sa ligne unitaire, et qu’il pouvait mettre à son crédit le doublement du groupe socialiste après les législatives de 2024, il n’a bénéficié d’aucune dynamique dans ce congrès. Son résultat est très similaire à celui du congrès de Marseille (Bouches-du-Rhône), en 2023, lors duquel il avait obtenu 50,83 %[3] des suffrages exprimés.
- De son côté, Nicolas Mayer-Rossignol espérait inverser la vapeur après avoir fusionné avec le courant d’Hélène Geoffroy, la maire de Vaulx-en-Velin (Rhône). Il n’en a rien été.
- Quant à Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, sa candidature a échoué à briser l’étau entre les deux pôles qui s’étaient déjà affrontés au congrès de Marseille[4].
🔴 « En fait, tous les trois ont perdu », analyse le politiste Pierre-Nicolas Baudot, spécialiste du PS.
- Nicolas Mayer-Rossignol est moins fort que ce que la fusion des deux courants aurait dû produire ;
- Boris Vallaud est arrivé troisième, donc il a été éliminé ;
- et Olivier Faure n’a pas davantage mobilisé qu’à Marseille, il a simplement un peu moins perdu que les autres.
« Aujourd’hui, le PS n’arrive plus à faire circuler ses mots d’ordre dans la société. » pour Pierre-Nicolas Baudot, politiste
S’il a accepté les propositions faites par le patron des député·es socialistes durant la campagne[5] – gouvernance moins verticale, nouvelle école de formation militante… –, le premier secrétaire devra encore compter sur son avis et celui de ses soutiens sur des sujets aussi cruciaux que les alliances et les investitures aux prochaines échéances électorales : municipales et sénatoriales de 2026, comme présidentielle de 2027.
Le courant de Boris Vallaud a par ailleurs souhaité une gouvernance large, qui ne se fasse pas sans Nicolas Mayer- Rossignol. Celui-ci avait hérité en 2023 du titre de premier secrétaire délégué, un rôle globalement factice. « Dans les conditions qu’on a posées, il y a cette nécessité d’élargir. Le texte d’orientation de Nicolas Mayer-Rossignol doit rentrer dans la direction nationale pour qu’on sorte de cette logique bloc contre bloc, même si une sensibilité l’a emporté », explique-t-on dans l’entourage de Boris Vallaud.
🔴 « Il y a déjà eu des coalitions à la direction du parti, il a même fonctionné ainsi pendant les années 2000-2010 : tous les sous-courants se répartissaient les ressources, sauf l’aile gauche. Mais le camp de Nicolas Mayer-Rossignol n’aura aucun intérêt à travailler collectivement pour un parti dirigé par une autre écurie que la sienne. C’est tout le problème du fonctionnement clanique », décrypte le politiste Pierre-Nicolas Baudot.
L’avenir des gauches s’est joué dans un parti rétréci
C’est bien là l’enseignement principal de ce congrès : alors qu’il est en perte d’influence électorale, les logiques anciennes de professionnalisation et de présidentialisation perdurent au PS, éclipsant tout débat d’idées[6]. Si en 2023 la conflictualité entre le camp d’Olivier Faure et celui de Nicolas Mayer-Rossignol pouvait encore s’expliquer par un différend sur l’alliance avec La France insoumise (LFI), ce n’est plus le cas cette année.
🔴 Pourtant, les rapports sont toujours aussi tendus.
Rappelons que la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, a menacé de quitter le PS en cas de victoire du premier secrétaire sortant[7]. Interrogé par Le Parisien sur le risque de scission, Nicolas Mayer-Rossignol ne l’a pas complètement écarté : « C’est toujours un danger. Les partis sont mortels, il ne faut pas l’oublier. Mais je ne le souhaite pas du tout.[8] »
La raison à ce climat éruptif est prosaïque : « Le PS est un parti recroquevillé sur lui-même, de professionnels de la politique qui ont en ligne de mire la gestion de ses ressources électorales », explique Pierre-Nicolas Baudot. Le corps électoral du parti s’est tellement tari que le poids des responsables locaux et des collaborateurs et collaboratrices d’élu·es est devenu disproportionné. D’où le « fétichisme des petites différences » qui renforce l’antagonisme entre courants internes.
Tout montre que cette dynamique interne accompagne voire participe à la dévitalisation du PS. Le nombre d’adhésions est en recul par rapport au congrès de Marseille – 39 000 cette année, contre 40 000 en 2023 –, même si c’est sous François Hollande que la chute a été vertigineuse. Et la participation a été faible au premier comme au second tour du scrutin – 24 700 votant·es environ –, malgré les efforts de la direction pour en dramatiser l’enjeu.
Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat, a ainsi déploré[9] : « C’est le plus petit nombre d’adhérents depuis 1945. Nous sommes entrés dans une logique groupusculaire, dans un climat crépusculaire. On a une galaxie socialiste très puissante et le paradoxe, c’est que nous avons maintenant un petit parti. »
🔴 Enfin, l’abîme entre le PS et le mouvement social, ses organisations et ses préoccupations n’a jamais été aussi profond.
« À l’époque de son hégémonie à gauche, le PS mobilisait par ses réseaux, ses militants étaient aussi à la CFDT ou à la LDH, il y avait donc un lien mécanique entre certains de ses slogans et le fait de voter PS. Aujourd’hui, le PS n’arrive plus à faire circuler ses mots d’ordre dans la société », ausculte Pierre-Nicolas Baudot.
Si un obstacle vers une candidature commune de la gauche et des écologistes à la prochaine présidentielle est levé avec la reconduction d’Olivier Faure, [NDLR : sans LFI] ses effets demeurent limités. Rien ne garantit à ce stade un sursaut d’estime ou d’adhésion massif dans l’opinion publique, capable d’enrayer la progression du Rassemblement national (RN).
Notes :
[0] Merci aux militantes et militants qui me renouvellent, ce soir, leur confiance
[0bis] Selon le sénateur Patrick Kanner " Le Parti Socialiste est rentré dans " une logique groupusculaire dans un climat crépusculaire "
[1] Avec François_Ruffin en covoiturage, avec Cardon_Remi le 3 juin 2025
[2] Congrès du PS : Olivier Faure résiste à la fronde, Boris Vallaud devient faiseur de rois
[3] Congrès du PS 2023 : des militants soulagés d’avoir « sauvé les meubles »
[4] PS : « Ce congrès 2023 n’aura rien tranché »
[5] Boris Vallaud : « Je voterai pour Olivier Faure, mais ce n’est ni un chèque en blanc ni une ardoise magique »
[6] Congrès du PS : le « pour ou contre Olivier Faure » l’emporte sur le débat d’idées
[7] Carole Delga menace de quitter le PS si Olivier Faure gagne le congrès
[8] Nicolas Mayer-Rossignol : « Aux militants résignés, je dis qu’on peut réveiller le PS »
[9] Patrick Kanner sur le PS : « Nous sommes rentrés dans une logique groupusculaire »
Pour en savoir plus :
- Voilà pourquoi je déteste le Parti Socialiste !
- Accords avec LFI : après la réélection d’Olivier Faure à la tête du PS, sa numéro 2 ne l’exclut pas, « au cas par cas »
- Pourquoi nous détestons le Parti socialiste
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