Dans son discours du 9 juillet 2018 devant le Congrès[1], Emmanuel Macron a défendu un « capitalisme populaire » qui « passe par un investissement des salariés dans les entreprises avec un nouvel élan de la participation et de l'intéressement ». Cette notion de « capitalisme populaire » qui permettrait notamment au public d'acheter des parts d'une entreprise, y compris nationalisée, renvoie à l'ère Thatcher au Royaume-Uni et au programme du Rassemblement National (ex FN).
Ainsi, la Première ministre britannique voyait dans le capitalisme populaire|2] « une croisade destinée à permettre au plus grand nombre de participer de plein droit à la vie économique de la nation » en 1986. David Cameron avait repris l'idée en 2012[3], déclarant qu'un des « thèmes consistants des conservateurs a toujours été l'ambition de construire une nation d'actionnaires, d'épargnants et de propriétaires immobiliers ».
En France, la notion de « capitalisme populaire » faisait partie du programme de Marine Le Pen[4] lors de la campagne présidentielle de 2012. La candidate du Front national proposait ainsi « l'instauration d'une réserve légale de titres » pouvant atteindre 10% du capital dans les entreprises de plus de 50 salariés, qui leur donnerait « l'accès aux dividendes mais pas au vote[8] ».
Macron passe aux actes...
Ainsi, Macron reprend la sémantique d’extrême-droite, défendu durant la première cohabitation[7] par le club de l’Horloge, ou de Michel de Poncins (fondateur d'un Parti capitaliste populaire, dont le manifeste Tous capitalistes rencontre un certain succès « dans les milieux frontistes et traditionalistes catholiques[8]. »), un rédacteur du programme FN (aujourd'hui Rassemblement National) dans les années 80.
Et c’est Macron qui dit faire barrage à l’extrême-droite ? !
Première mise en œuvre concrète : la vente des logements sociaux !
" Pour un capitalisme populaire ", comment faire de la France un pays de propriétaires et d'investisseurs comme s'interrogeait Xavier Rolet le 08/12/2014 dans Les Échos[6] ? Pourquoi ne pas commencer par le parc HLM ? Il vaut quelque 225 milliards d'euros, en se basant sur les loyers perçus sur 4,5 millions d'unités converties en emprunt à trente ans. Offrons aux locataires, à coût égal, un titre de propriété !
Ainsi, le texte de loi "évolution du logement, de l’aménagement et du numérique" (Elan), adopté le 12 juin 2018 en 1ére lecture () à l'Assemblée nationale et qui prévoit, véritable vente à la découpe du patrimoine commun[9][10], de multiplier par cinq les ventes de logements sociaux à leurs occupants ou à des tiers constitue une première mise en œuvre pratique de ce concept de « capitalisme populaire » en donnant l'illusion de s'attaquer à la concentration des richesses au mains de quelques uns.
La " réforme de l'entreprise " second volet
L’édifice du macronisme medefiste pour reconfigurer l’entreprise capitaliste et ses modalités de domination s’appuient sur trois piliers législatifs ultralibéraux :
- une refonte du code du travail, ce sont les véritable coup d'état social ;
- une nouvelle loi sur la protection du secret des affaires et ce malgré le dépôt, par les groupes France Insoumise, Gauche Démocrate et Républicaine, Nouvelle gauche d'un recours devant le Conseil constitutionnel[15] ;
- une loi sur la structure et le fonctionnement des entreprises donnant encore plus d’importance à l’actionnariat, dite Loi PACTE.
Sur ce dernier point, s’inspirant des conclusions du Rapport Notat- Senard[11] sur la réforme de l’entreprise, Macron entend redéfinir le rôle de l’entreprise jusque dans le Code civil au travers d'une Loi PACTE[12].
Nicole Belloubet, ministre de la Justice, l'affirme : « On a bien déjà changé le Code du travail, alors pourquoi pas le Code civil… Il ne faut rien s’interdire.[14] »
Pour les " le rapport Notat- Senard lui-même (121 pages) est dense, et formule 20 propositions. Toutes évidemment ne sont pas de la même importance. Nous nous concentrerons ici sur trois d’entre elles, à notre sens largement principales. Mais auparavant et pour en saisir le sens et la portée, un préalable est nécessaire. Il a trait à ce qu’on peut considérer comme la toile de fond sur laquelle le débat sur l’entreprise se mène aujourd’hui en France. "... et accouche d'une souris[13].
Pour lire cette note dans son intégralité, .
A suivre donc de prés !
Ce qu'il en dit : Jean-Marie Dormian[5]
L’oxymore trompeur et désuet du « capitalisme populaire »
Dans son discours devant le Congrès, Emmanuel Macron a défendu le principe moderniste d’un « capitalisme populaire » qui « passe par un investissement des salariés dans les entreprises avec un nouvel élan de la participation et de l’intéressement ». L’association de la référence au « capitalisme » avec celle du « peuple » relève véritablement de la supercherie la plus complète et même du miroir aux alouettes ! Il s’agit d’une pure invention ultra-libérale qui surgit dans le périodes où il faut trouver un moyen de lier l’entreprise avec des salarié(e)s pour lesquels on prépare de mauvais coups. Posséder des actions n’accorde aucun privilège et aucune part au pouvoir dirigeant. En fait cette notion de « capitalisme populaire » qui permettrait donc au public d’acheter des parts d’une entreprise, y compris nationalisée, renvoie à l’ère Thatcher au Royaume-Uni dont on connaît les effets produits sur l’emploi. La Dame de Fer voyait en effet dans le capitalisme populaire « une croisade destinée à permettre au plus grand nombre de participer de plein droit à la vie économique de la nation » en…. 1986. Une conception qui n’a pas produit les effets escomptés dans bien des secteurs comme les mines, les transports, l’énergie. Elle a été reprise par son disciple David Cameron qui en 2012, déclarait qu’un des « thèmes consistants des conservateurs a toujours été l’ambition de construire une nation d’actionnaires, d’épargnants et de propriétaires immobiliers »....
...Il serait aussi utile de rappeler que de Gaulle n’avait pas eu l’audace d’associer « capitalisme » et « populaire » mais qu’il avait préféré lancer la notion de « participation » en juillet 1967 confirmé par un texte paru le 17 août. il avait forcé son gouvernement peu enclin à de telles initiatives De Gaulle à promulguer une ordonnance à laquelle il a personnellement veillé sur la mise en œuvre obligatoire de la « participation » dans les entreprises de 100 salariés et plus. C’est d’après des témoignages de l’époque le Général de Gaulle lui-même qui avait imposé contre toutes les oppositions ces dispositions dans le train de mesures économiques et sociales prises par ordonnances en plein été, et qui les a défendues pour éviter qu’elles soient vidées de leur substance. Il aurait même rédigé de sa main une note comminatoire pour le Gouvernement dont le témoin de l’époque qui faisait le lien entre l’Élysée et le Gouvernement sur ce sujet indique qu’elle portait en haut de la page la mention « Voici ce qu’il faut faire » !- allant plus loin que le projet que ce dernier, sur lequel de nombreuses personnalités politiques de l’époque ont travaillé. Nous voici donc revenus plus d’un demi-siècle en marche arrière. Il semble que le Président de la République n’ait pas lu jusqu’au bout les principes édictés par de Gaulle car ils étaient bien plus révolutionnaires et modernes que ceux qui ont été vaguement évoqués à Versailles !
« Il faut encore que dans la grande évolution très considérable et inévitable, toutes nos activités, le travail et les travailleurs trouvent leur sécurité en dépit des changements d’emploi ou d’emplacement qui sont nécessaires. Ce à quoi l’aide publique est maintenant employée sous toute sorte de formes, soit à l’échelle de la nation, soit à l’échelle des régions et il faut enfin que dans les entreprises, la participation directe du personnel au résultat, au capital et aux responsabilités deviennent une des données de base de l’économie française. Très vaste transformation sociale dans laquelle l’intéressement qui est maintenant prescrit par la loi constitue une importante étape. Comme le bonheur, le progrès ça n’existe que par comparaison. » Des propos qui ouvraient bien d’autres avancées sociales que celles du « capitalisme populaire » principe étriqué issu de l’imagination de ces penseurs qui considèrent que l’argent virtuel reste le meilleur moyen de détourner les consciences citoyennes. De Gaulle ne ut jamais mettre en œuvre sa réforme sociale puisque mai 68 vint donner d’autres droits aux salarié(e)s qui depuis n’ont cessé d’être rabotés par des gouvernements dévoués au « capitalisme impopulaire ».
Chaque mesure, chaque réforme, chaque décision est en lien direct avec le « pognon » susceptible, dans une société de surconsommation, de régler tous les problèmes. Pour la pauvreté il est ainsi envisagé de réduire… les frais bancaires. Pour la sécurité routière on invente le 80km/h qui procurera… des subsides pour les hôpitaux. Pour les collectivités locales il invente le malus… contraint qui doit rapporter du bonus à l’État sans améliorer d’un iota sa situation réelle ! Partout on ne parle que de milliards à économiser… au titre de la participation au redressement des finances publiques.
Bref le « capitalisme populaire » n’est qu’un oxymore de plus à mettre au rang des bizarreries politiciennes.
Notes :
[1] Emmanuel Macron devant le Congrès de Versailles - Son discours en intégralité
[2] https://www.margaretthatcher.org/document/106498
[3] David Cameron pledges era of 'popular capitalism'
[4] Marine Le Pen dévoile son "capitalisme populaire"
[6] Xavier Rolet : Pour un capitalisme populaire
[7] La première cohabitation en France a lieu de mars 1986 à mai 1988 : alors que François Mitterrand est président de la République depuis 1981, les élections législatives de mars 1986 portent à l'Assemblée nationale une majorité de droite.
[8] CHAPITRE 10. " UN PROGRAMME « RÉVOLUTIONNAIRE » ? " par Pierre-André Taguieff source : Nonna Mayer et Pascal Perrineau " Le Front national à découvert "
[9] Loi Logement : les députés décident de faciliter la vente des HLM
[10] la France insoumise et la loi ELAN
[11] L'entreprise, objet d'intérêt collectif : rapport NOTAT Nicole, SENARD Jean-Dominique, BARFETY Jean-Baptiste
[12] Projet de Loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises)
[13] Changer l'entreprise ? Quand la montagne accouche d'une souris
[14] Réforme. Redéfinir le rôle de l’entreprise jusque dans le Code civil
[15] Loi secret des affaires : LFI, GDR et NG déposent un recours devant le Conseil constitutionnel
Emmanuel Todd : " Macron est un enfant du Front National "
« On a eu pendant une longue période une sorte de comédie gauche-droite, où Sarkozy faisait semblant d’être raciste, Hollande faisait semblant d’être hostile aux banques, puis finalement tout le monde faisait la même chose. »
Emmanuel Todd était l'un des invités de notre dernier débat : « La finance a-t-elle pris le pouvoir ? », dans Vraiment Politique, l'émission d'Aude Lancelin.
Pour en savoir plus :
- Capitalisme, Libéralisme : quelles différences entre ces deux notions ?
- Macron s’est transformé durant son mandat en mime grimaçant de l’extrême droite
- Dans L’Express, Macron se place dans le camp des anti-Lumières
- Jean-Luc Melenchon : " Les castors dînent avec Le Pen "
- Présidentielles 2020 : MACRON / LE PEN : DU SOIT-DISANT “REMPART” AU MARCHE-PIED
- Emmanuel TODD " Le MACRONISME est un POPULISME "
- Du barrage au marche-pied : comment Macron a normalisé l’extrême droite
commenter cet article …