" L'enjeu est de sortir les gens de la résignation " F. Ruffin
Un camarade m'écris : « C'était bien le , même si trop calme. Aujourd'hui, on fait quoi à part se regarder le nombril ? C'était encore juste un truc de merde pour calmer nos ardeurs ? »
Sources : Eric Durand | modifié le 19 septembre 2019
Je comprends son propos et je lui ai répondu : « Pour combattre la résignation, multiplions les fissures ! »
Car personne ne se regarde le nombril ! Tout le monde est victime de la situation.
Regardons la, cette situation telle qu'elle est.
Car tout à la fois, nos concitoyens :
- sont assommés par la multiplication des " réformes ", loi El-Khomri, APL, Assurance chômage, ordonnances Macron... annoncées et mises en œuvre ;
- subissent la division syndicale et un syndicalisme réformiste et libéral majoritaire, celui de la CFDT[9] ;
- sont victimes de la très faible implantation syndicale (environ de syndiqués essentiellement dans la fonction publique). En 2005, seulement 30% des établissements de 20 à 49 salariés et 60% des établissements de 50 salariés et plus ont des élus syndiqués et DS[1] ce qui ne veut pas dire une implantation syndicale réellement active. En 2012 (51,6 %) des salariés sont dans des entreprises de moins de 49 salariés[2].... (et certains voudraient que l'on appelle à la gréve générale ou insurrectionnelle) ;
- ont peur de la répression patronale qui est bien réelle et de la précarité du travail qui éloigne les jeunes de l'engagement syndical[7] ;
- sont victimes de discrimination au travail quand ils sont syndiqués (un sur deux)[8] ;
- constatent que depuis 12 ans et le , il n'y a pas eu de victoire sociale d'ampleur et que si cela n'a pas été un échec total... patronat et gouvernements on réussi pour l'essentiel, a faire passer leurs projets ;
- voient bien que la présence de bastions syndicaux puissants (ex : SNCF, EDF....) n'ont pas empêché les mauvais coups de pleuvoir... y compris pour les salariés de ses entreprises là ;
- sont freinés par le risque de perdre leur emploi en cette période de fort chômage et de développement de la précarité ;
- ont été trahis dans leurs espoirs par les différents gouvernements dits " de gauche " qui ont mené une politique... de droite et en particulier Hollande, et ne se retrouvent plus dans les classification ou qualificatif " de gauche " qui a été dévoyé ;
- sont massivement anesthésiés par le 4iéme pouvoir (celui des médias)[10] au mains de quelques uns[11] qui ne cessent de vomir sur les syndicats qui se battent et la seule force d'opposition réellement puissante (la FI) et en capacité de rassembler ;
- sont empêtrés par les difficultés de vie du quotidien et ne trouvent pas le temps du recul nécessaire à la réflexion et au débat... ou tout simplement n'ont pas les moyens d'agir : bas salaires, précarité ;
- ne participent plus à la vie politique[6] (42% des ouvriers n'ont pas voté aux dernières élections présidentielles[4]), ou votent FN à 37% (26% pour les privés d'emploi)[3], non pas par adhésion à son programme, mais par rejet de ceux qui les ont trahi en se présentant sous étiquette " de gauche " (Sur le phénomène d'abstention, le vote ouvrier lire aussi : Les chiens votent Front National ! Certains chats aussi ! ;
- subissent les divisions artificielles et savamment entretenues entre le monde syndical, associatif et politique sous de fallacieux arguments politiciens voire des certitudes pour ne rien bouger au nom de la Charte d'Amiens[5] ;
- ou se réfugient dans la violence individuelle pour s'attaquer au système (black blocs ou autres)...
en définitive, pour la masse d'entre eux, sont résignés parce-qu'ils ne voient d'issue ou ne croient pas à la possibilité d'en sortir !
Construire une issue, combattre la résignation, ça, c'est notre taf !
Certains d'entre nous se disent révolutionnaires, c'est bien !
Mais être révolutionnaire, ce n'est pas appeler à la grève générale tous les jours quand on sait ce que je viens d'exposer.
Être révolutionnaire c'est « être capable d'entendre pousser l'herbe » ; « la révolution avance sur les pas d'une colombe » : ces pensées, confiées respectivement par Marx et Nietzsche (deux des plus fins observateurs du processus révolutionnaire -, invitent leurs disciples d'aujourd'hui à faire preuve d'une extraordinaire attention à chaque bruissement, à chaque opportunité de composer un peu mieux, un peu plus cette insurrection collective.... [...]
Ou bien c'est nous qui abattrons l'ordre cannibale du monde, ou c'est personne.
Mais si nous ne sommes pas capable en ce moment de le faire tomber par un affrontement généralisé (citoyen, social, associatif) à l’échelle d'un pays, voire planétaire, et bien frappons le de multiples coups jusqu'à le fissurer.... et engouffrons nous dans la fissure !
« Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures », Ernesto Che Guevara.... !
L'espérance prend forme dans l'existence de ces fissures, et surtout dans la perspective de nouvelles fissures.
Chaque lutte, chaque élargissement de la base du rassemblement est une nouvelle fissure dans le système économique et politique en place (la lutte des cheminots, celle héroïque des infirmiers du Rouvray, la mobilisation du 26 Mai..., en sont chacune une, la révolte citoyenne des gilets jaunes en constituant une étape essentielle).... alors multiplions les fissures ! |
Note :
[1] http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2007.04-14.2.pdf
[2] Les salariés dans les entreprises en 2012, selon leur taille
[3] Présidentielle 2017 : ouvriers, chômeurs, jeunes... Qui a voté quoi ?
[4] Front national ou abstention : comment votent les ouvriers
[5] Jean-Luc Mélenchon : de Macron à l'hypocrisie de la Chartre d'Amiens
[6] On rappelle que les classes populaires ont été les plus abstentionnistes à l'élection présidentielle de 2017, comme l'analyse Céline Braconnier dans son article intitulé : "pas de chrysanthèmes pour les variables lourdes de la participation" publié dans la Revue Nationale Française de Science Politique du printemps 2018. Les petites classes moyennes se sont également abstenues, mais un peu moins que les classes populaires. On entendait un éditocrate traiter de façon péjorative les Gilets Jaunes "d'abstentionnistes", sous-entendu des citoyens de seconde zone : qui, n'ayant pas voté, n'ont pas droit au chapitre. Pourtant, ce sont bien ces "abstentionnistes", qui redéfinissent complètement le périmètre du champ politique, réservé jusque là aux seuls professionnels de la politique. Et surtout les thèmes prioritaires comme l'amélioration du pouvoir d'achat, thème tombé depuis longtemps en déshérence par la "gôche", et on parle d'expérience : m'étant faite traiter "d'archéo" et de ringarde", pour se battre et s'être battue constamment sur ce thème. En revanche, on regrettera que les GJ ne parlent pas davantage de la situation des chômeurs et des bénéficiaires de minimas sociaux.
[7] La précarité du travail éloigne les jeunes de l'engagement syndical
[8] sont victimes de discrimination au travail quand ils sont syndiqués (un sur deux)
[9] CFDT, un syndicalisme pour l’ère Macron
[10] L'expression « quatrième pouvoir » désigne la presse et les médias.
[11] un groupe de 10 milliardaires pèse 90% des ventes de quotidiens nationaux vendus, 55% de l’audience des télés, et 40% de celle des radios.
Pour en savoir plus :
- François Ruffin : « L’enjeu est de sortir les gens de la résignation »
- Tisser les luttes par Frédéric Lordon
- Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures
- C'est le peuple que nous voulons rassembler, pas les partis !
- Jean-Luc Mélenchon : « La construction d’un peuple révolutionnaire n’est pas un dîner de gala »
- Le 26 mai, ils ont braqué Paris !
- Serge Halimi : Pas de convergence des luttes sans une perspective politique
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