Le 31 mars, organisons une nouvelle riposte massive !
Une analyse détaillée avant / après pour tout savoir de ce qui a changé et ce qui pose toujours problème, soit 27 bonnes raisons de demander le retrait de ce projet.
Suite à la mobilisation citoyenne et syndicale, le 14 mars le gouvernement a annoncé des changements dans le projet de loi Travail. Après 3 semaines de déni et de tentatives de "pédagogie", le gouvernement reconnait enfin que son projet de loi ne passe pas.
Après des annonces brouillonnes et contradictoires lundi, nous avons enfin , ce qui permet de faire le point dans le détail sur les bougés. Stratégie classique du chiffon rouge : on présente une première copie proprement scandaleuse, puis on retire les dispositions les plus choquantes pour mieux faire passer l’essentiel. Cela permet de faire croire à « des avancées » alors que les régressions pour les droits des salariés figurent toujours dans le texte.
CE QUI CHANGE
1. Le Compte Personnel d’Activité est doté de droits à formation pour les salarié-es les moins qualifié-es, sans que l’on sache comment ce sera financé.
2. L'augmentation du temps de travail des apprentis mineurs est supprimée. Pour qu’ils travaillent plus de 35h, il sera toujours nécessaire, comme aujourd’hui, d’obtenir une autorisation de l’inspecteur du travail.
3. L'article concernant le barème prud'hommal est supprimé. Reste donc le barème indicatif fixé en 2013, qui ne concerne que l’indemnisation en conciliation, si les deux parties l’acceptent, en cas de contestation de la rupture du contrat de travail. Ce barème étant fixé par décret, le gouvernement pourrait donc passer à un barème exprimé en euros et non plus en mois de salaire, comme le laisse supposer le dossier de presse du 14 mars. Il pourrait aussi le rendre « indicatif » pour le bureau de jugement (possibilité déjà incluse dans l’article L.1235-1 mais pas retenue dans l’actuel décret) et ainsi renforcer la pression sur le juge et baisser le niveau du barème.
4. L’employeur ne pourra pas mettre en place de façon unilatérale les forfaits jours dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, il y aura besoin d’un accord d’un-e salarié-e mandaté-e. Reste à savoir si cet accord pourra déroger à l’accord de branche et prévoir par exemple davantage de jours travaillés ou moins de contrôle de la charge de travail.
5. Par accord d'entrprise, on peut augmenter le temps de travail à 46h sur 12 semaines (au lieu de 16 dans la première version). Actuellement, la durée maximum de travail est limitée à 44h sur 12 semaines, sans dépassement possible par accord d’entreprise
6. L'augmentation de la période de référence pour la durée hebdomadaire moyenne du travail de nuit (16 semaines au lieu de 12) est supprimée.
7. Le fractionnement des temps de repos n’est plus prévu par la loi mais, pour les salariés en forfait-jours, il est renvoyé à une concertation avant le 1er octobre 2016. C’est reculer pour mieux sauter, le gouvernement n’y renonce pas !
La période maximale de modulation du temps de travail par décision unilatérale de l’employeur est ramenée de 16 à 9 semaines pour les entreprises de moins de 50 salariés (auparavant, c’était 4 semaines)
9. La modulation du temps de travail sur une durée supérieure à un an (jusqu’à trois ans !) doit être prévue par accord de branche. L’accord doit fixer une durée hebdomadaire maximale dont le dépassement déclenche le paiement d’heures supplémentaire. Cette disposition reste facultative pour les accords portant sur une durée de modulation d’au plus un an.
10. La mise en place d’horaires individualisés doit de nouveau être autorisée par le CE, à défaut par les DP, à défaut par l’inspecteur du travail (retour à la situation actuelle).
11. Congés pour événements de famille : les durées minimales d’ordre public sont rétablies, ce qui n’est pas le cas pour les autres congés.
12. Avant de mettre en œuvre le temps partiel, l’employeur sera toujours obligé d’informer l’inspection du travail
13. Licenciements avant transfert ou reprise d’activité : l’exposé des motifs indique que cela ne pourra concerner que les entreprises de plus de 1000 salariés, cependant, dans la rédaction de la loi, la mesure s’applique toujours à toutes les entreprises.
CE QUI POSE ENCORE PROBLÈME
La limitation des droits fondamentaux par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise (principe "Badinter" n°1)
« Des limitations ne peuvent leur être apportées que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.
L'inversion de la hiérarchie des normes
Aujourd'hui
C’est le principe du plus favorable qui prévaut pour l’essentiel avec ce que l’on appelle la hiérarchie des normes : la loi prime sur l’accord de branche qui prime sur l’accord d’entreprise, sauf si l’accord de branche ou d’entreprise sont plus favorables. Ce principe a cependant été entaillé par la loi Fillon de 2008 sur le temps de travail mais prévaut toujours sur l’essentiel des sujets.
Demain
La hiérarchie des normes est inversée, c’est l’accord d’entreprise qui prévaut sur l’accord de brancheou la loi, même quand il est moins favorable. Sur de nombreux sujets, la loi ne fixe plus de normes mais délègue ce soin aux accords d’entreprise. Le nouveau projet de loi étend les possibilités de négociation dans les entreprises où il n’y a pas d’Institutions Représentatives du Personnel à des salarié-es mandaté-es, qui ne bénéficieront pas des droits et protections des élu-es et syndicats, et seront davantage sous pression de l’employeur. L’inversion de la hierarchie des normes est défavorable aux salariés les plus précaires et aux femmes, qui travaillent dans les entreprises sous-traitantes, les PME et TPE, dans lesquelles les organisations syndicales sont moins implantées.
27 droits auxquels le gouvernement Valls vous demande de renoncer :
- Travailler plus pour gagner moins
Aujourd'hui
La durée maximale de travail sur la semaine est de 48 heures et de 44 heures en moyenne sur 12 semaines. Exceptionnellement, elle peut atteindre jusqu’à 60 heures par semaine, toujours avec l’autorisation de l’inspection du travail et après avis des Instances Représentatives du Personnel (IRP). Le dépassement de la durée moyenne (jusqu’à 46 h) nécessite un accord de branche ET un décret.
Demain
La durée maximum hebdomadaire de travail sera aussi toujours de 48 heures par semaine, mais pourra atteindre heures sur 12 semaines par accord d’entreprise. Le gouvernement envisageait aussi de pouvoir monter à 60 heures hebdomadaire pas simple accord d’entreprise, mais la dernière version du texte renvoie le dispositif à une autorisation administrative. Il supprime cependant l’obligation de consultation des IRP. Contrairement à ce qu’il a annoncé le 14/03, le gouvernement ne reste donc pas à « droit constant » sur le temps de travail. Les durées maximum de travail peuvent bien être augmentées.
2. Des heures supplémentaires moins payées (art. 3)
Aujourd'hui
La durée légale est de 35 heures par semaine et les heures supplémentaires sont rémunérées 25 % de plus pour les huit premières heures, 50 % au-delà. Par accord collectif, cependant, cette majoration peut être réduite jusqu’à 10 %, à condition qu’aucun accord de branche ne l’interdise.
La durée légale est toujours fixée à 35 heures. A charge, pour le chef d’entreprise, de fixer, par accord avec les syndicats, le taux de majoration, sans pouvoir descendre, comme aujourd’hui, en-dessous de 10 %. Mais un accord de branche ne pourra plus s’y opposer. A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, la majoration restera à 25 % pour les huit premières heures et 50 % au delà.
Des salaires encore plus faibles
Aujourd'hui
La règle de majoration des heures complémentaires était définie pour les temps partiels dans la loi de la manière suivante:
- 10% dans la limité d’1/10ème des heures contractuelles
- 25% au delà d’1/10ème.
Un accord de branche pouvait déroger à cette règle et majorer l’ensemble des heures complémentaires à 10%. Notons que cette règle était déjà discriminatoire par rapport à ce qui prévaut pour les heures supplémentaires des salariés à temps plein.
Rappelons que les salarié-es à temps partiel sont à 80% des femmes.
Demain
Le projet de loi enfonce pourtant le clou et prévoit désormais que le taux de majoration des heures complémentaires est de 10%.
Des délais de prévenance plus courts
Aujourd'hui
Les délais de prévenance sont de 7 jours sauf s'il y un accord de branche ou d'entreprise, qui ne peut pas fixer une durée inférieure à 3 jours.
Demain
Le projet de loi prévoit que les changements d'horaire des salarié-es à temps partiel sont possibles dans un délai de prévenance de 3 jours.
4. La durée des congés légaux renvoyée à la négociation, sauf pour les congés liés à des évènements familiaux (art. 4)
Aujourd'hui
La loi définit la durée minimum des congés légaux. Un accord de branche ou d’entreprise ne peut être que plus favorable que ce minimum
Demain
La durée minimum de ces congés, le nombre de renouvellements, les conditions d’ancienneté pour en bénéficier, les délais de prévenance ne sont plus définis par la loi mais par accord collectif. Par exemple :
- Congé de proche aidant :
Aujourd’hui : durée de 3 mois minimum, renouvelable
Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
- Congé de solidarité familiale : utilisé lorsqu'un proche est en phase avancée ou incurable d'une maladie grave,
Aujourd’hui : 3 mois renouvelable
Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche - Congé pour catastrophe naturelle :
Aujourd’hui : durée de 20 jours
Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche - Congé sabbatique :
Aujourd’hui : Durée minimum de 6 mois et maximum de 11 mois. L’employeur ne peut refuser que si : dans une entreprise de moins de 200 salariés, il démontre que ce congé aura des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise
Demain : cette durée peut être plus faible par accord d’entreprise ou de branche
Les possibilités de refus pour l’employeur sont élargies :
1. Il n’est plus obligé de motiver son refus
2. Le seuil où Il peut invoquer des conséquences sur la bonne marche de l’entreprise est élevé à 300. - Congés payés : l'employeur pourra imposer un changement de date au dernier moment
Aujourd’hui : la loi prévoit que l’employeur doit prendre en compte la situation familiale des salarié-es pour définir les dates de congés payés. 1 mois avant le départ du ou de la salarié-e, l’employeur n’a plus le droit de changer l’ordre et les dates de départ.
Demain : La prise en compte de la situation de famille, ainsi que le délai d'un mois avant le départ en deçà duquel l'employeur ne peut modifier l'ordre et les dates de départ ne sont plus que des dispositions "supplétives". Elles peuvent donc être remises en cause par voie d'accord d’entreprise ou de branche.
5. Le forfait jour étendu (art. 3 et 7)
La France est le seul pays d’Europe a avoir un dispositif de forfaits jours qui permet que le temps de travail ne soit plus défini en heures mais en jours, sans apporter de protections sérieuses contre les durées ou charges de travail excessives. C’est la raison pour laquelle la France a été condamnée à 4 reprises par le Comité Européen des Droits Sociaux, que la Cour de cassation a annulé 11 accords de branches et appelé le législateur à se mettre en conformité avec le droit européen. Les forfaits jours concernent déjà 50% des cadres et 13,5% des salariés et les conduits à travailler 46h30 en moyenne au mépris de leur santé et de leur vie personnelle.
Le dispositif est assoupli et les employeurs sont sécurisés.
- Les entreprises de moins de 50 salariés pourront le mettre en place par simple accord d’un-e salarié-e mandaté-e. Reste à savoir si cet accord pourra déroger à l’accord de branche et prévoir par exemple davantage de jours travaillés ou moins de contrôle de la charge de travail.
- L'obligation de résultat de l'employeur en matière de santé et de sécurité est remise en cause : il ne pourra plus être tenu pour responsable si un-e salarié ne prend pas ses heures de repos ou ses jours de congés. Comme si les cadres travaillaient pendant leurs congés par choix personnel !
6. Le fractionnement des 11 heures de repos quotidien : reculer pour mieux sauter (art. 26)
Aujourd'hui
La loi impose 11 heures de repos consécutives chaque jour.
Demain
« Le projet de loi annonce une concertation avant octobre 2016, qui portera sur le télétravail et sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours ainsi que sur la prise en compte des pratiques liées à l’outil numérique pour mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle, ainsi que l’opportunité et le cas échéant, les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés. »
7. Le temps de travail calculé sur trois ans
Aujourd'hui
Pour neutraliser le paiement des heures supplémentaires sur la semaine (au-delà de 35 heures), les chefs d’entreprise peuvent moduler - et donc calculer - le temps de travail sur une période plus longue. Sur un an avec l’accord des syndicats (les heures sup sont alors payées au-delà de 1 607 par an), sur un mois maxi en l’absence d’accord (heures sup payées au-delà de 151,6 heures par mois).
Demain
Par accord de branche (un accord d’entreprise suffisait avant les annonces de Valls du 14 mars) cette modulation pourra se faire sur une période allant jusqu’à trois ans. En l’absence d’accord, elle ne pourra dépasser un mois comme aujourd’hui, sauf pour les PME qui comptent moins de 50 salariés, qui pourront aller jusqu’à seize semaines, soit quatre mois, sous réserve d’avoir un accord validé par un-e salarié-e mandaté-e.
8. Le temps de travail calculé sur 9 semaines (art. 3)
Aujourd'hui
Dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, l’employeur peut décider de façon unilatérale de moduler le temps de travail sur un mois
Demain
Dans les entreprises de moins de 50 salarié-es, l’employeur pourra décider de façon unilatérale de moduler le temps de travail sur 9 semaines , reportant d’autant le déclenchement d’heures supplémentaires.
9. Les astreintes décomptées du temps de repos (art. 3)
Aujourd'hui
La France a été condamnée par le Comité européen des Droits Sociaux qui impose que les temps d’astreintes s’ajoutent aux temps de repos.
Demain
Au lieu de modifier le code du travail, le projet de loi El Khomri s’assoit sur la réglementation européenne et prévoit que les temps d’astreinte peuvent être décomptés des temps de repos. De plus, avec le projet de loi, les employeurs ne seront plus obligés de prévenir les salariés de leurs astreintes 15 jours à l’avance.
10. La blague : un droit à la déconnexion a minima, reporté au 1er janvier 2018 (art. 25)
Aujourd'hui
75% des salariés se connectent pour travailler en-dehors de leur temps et lieu de travail, 50% des cadres travaillent pendant leurs jours de congés, 30% de déconnectent jamais. L’UGICT-CGT propose depuis 2 ans la mise en place d’un droit à la déconnexion avec des trêves de mails obligatoires pour garantir les temps de repos, des systèmes de report de la charge de travail, et une négociation obligatoire dans l’entreprise sur l’utilisation des outils numériques
Demain
Le droit à la déconnexion fait son entrée à minima. Il est intégré à la négociation sur la qualité de vie au travail (sans obligation de définir des périodes de trêve de mails) et renvoyé pour les entreprises de plus de 300 à des chartes d’entreprises qui sont rédigées par l’employeur sans négociation et n’ont pas de valeur contraignante. Cerise sur le gâteau, ces dispositions pourtant minimalistes ne s’appliquent pas avant… juillet 2017
11. Le référendum pour contourner les syndicats (art. 12)
12. Le groupe pour contourner la négociation d'entreprise, de branche, et d'établissement (art. 14)
13. Les accords d'entreprise auront maintenant une durée de vie de 5 ans maximum (art. 9)
14. En cas de dénonciation d'un accord par l'employeur, il n'y a plus de garantie de maintien des "avantages acquis" jusqu'à ce qu'il y ait un nouvel accord (art. 10)
15. La périodicité des NAO (salaire, égalité professionnelle, qualité de vie au travail...) peut devenir triennale
16. L'employeur peut s'opposer unilatéralement à la publication d'un accord (art. 9)
17. L'employeur peut décider unilatéralement d'organiser les élections par voie électronique
Un licenciement pour motif économique n’est valable qu’en cas de fermeture d’entreprise, de réorganisation nécessaire au maintient de la compétitivité, de mutations technologiques ou de difficultés économiques. Si l’entreprise est incluse dans un groupe, la réalité de ces difficultés est appréciée dans le secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise.
22. Le contrat de professionnalisation ne sera plus forcément qualifiant (art. 33)
23. Suppression de la visite médicale d'embauche obligatoire (art. 44)
24. Changement de mission de la médecine du travail
25. Plein pouvoir aux employeurs pour contester l'avis du médecin du travail
26. Trop perçu : pôle emploi peut prélever directement sur les allocations chômage
27. Non prise en compte des périodes d'emploi déclarées tardivement
- Mon dossier Loi Khomri/Valls
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