Vouloir sortir de l’euro est une idée qui se défend. Mais elle n’est pas une fin en elle-même. Ne nous cachons, pas malgré ses faiblesses – qui seront rappelées plus tard – la monnaie unique possède un avantage : à défaut d’être un instrument de coopération économique, elle rend au moins impossible toute guerre monétaire au sein de la zone.
De plus, il est évident qu’une sortie non réfléchie peut avoir des effets désastreux aux niveaux économique et humain. Pour finir, il est essentiel de noter que nos gouvernements n’ont pas attendu l’euro, ni même le Serpent Monétaire Européen (SME), pour mener des politiques libérales.
En ce sens, nous pouvons affirmer avec qu’il « existe aujourd’hui une sortie de l’euro par la droite et même par l’extrême droite, et une sortie par la gauche [1].
L’objet de cette brève est donc de présenter modestement une alternative réaliste et internationaliste à la monnaie unique permettant une sortie du capitalisme (sans être pour autant suffisante) : la monnaie commune.
par Kévin Victoire le 24 février 2014
La Monnaie unique : concept et faiblesses
La nécessité de créer une union monétaire apparaît dès les années 1970. La fin du système de Bretton Woods[2] en 1971 favorise un retour de l’instabilité monétaire au niveau mondial. Dans une mondialisation sauvage qui se réorganise, les Etats se livrent à des « guerres monétaires » en dévaluant afin de gagner en compétitivité. Une fois généralisé, ce jeu ne fait que des perdants. C’est pourquoi, le né en 1972 afin de limiter les fluctuations entre les monnaies européennes. En 1979, il laisse sa place au , qui s’avère inefficace, les devises européennes sont victimes de spéculations qui les déstabilisent. L’euro est officiellement créé par le de 1992. Il est introduit de manière immatérielle le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2002 de façon matérielle.
Dès le départ, la création de la monnaie unique pose divers problèmes. Le premier bémol à sa mise en œuvre provient de la théorie économique. Dans les années 1960, Robert Mundell, économiste canadien lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 1999, développe la « théorie des zones monétaires optimales ». Cherchant à comprendre sous quelles conditions une union monétaire peut devenir bénéfique, l’économiste met plusieurs critères en avant. Une zone monétaire est optimale si les économies qui la composent sont structurellement proches et qu’elles échangent beaucoup ensemble : le but étant que cycles soient homogènes dans toute la zone et ainsi de permettre une politique monétaire bénéfique à tous les pays ou toutes les régions. Si ces premières conditions ne sont pas respectées, il faut une grande mobilité des facteurs de production (capitaux et travailleurs très élevés), afin d’accommoder les chocs conjoncturels asymétriques. Si nous pouvons noter que ces conditions ne sont pas réunies en Europe, les États-Unis ne respectent pas non plus réellement ces critères – de grandes disparités existent entre les États et bien que supérieure à la zone euro, la mobilité des travailleurs reste insuffisante. Cependant, les États-Unis bénéficient d’une politique budgétaire fédérale permettant de combler ces lacunes. Le budget européen – 6 fois plus faible que le seul budget français – est évidemment insuffisant. Au jour d’aujourd’hui, le fédéralisme ne semble clairement pas une solution raisonnable pour une simple évidence : il n’existe pas de peuple européen[3] sur lequel une vraie démocratie pourrait se fonder[4]. Au moment de la mise en place de la zone euro, toutes ses choses étaient parfaitement sues[5]. Mais bizarrement la théorie économique s’adapte au projet européen dans les années 1990. Une nouvelle approche, dite des « critères endogènes », énonce que l’union monétaire produit d’elle-même les conditions de son optimisation. Si cette théorie a pu sembler se vérifier un moment[6], il est aujourd’hui clair que l’euro est un facteur de divergence, comme l’énonce le « Nobel » [7].
Mais l’euro n’est pas qu’un instrument économiquement défaillant, c’est aussi une arme néolibérale. D’après le président de et ex-ministre chiraquien, Alain Madelin : « Le traité de Maastricht agit comme une assurance-vie contre le retour à l’expérience socialiste pure et dure. » En effet, l’euro peut être vu comme le – ancienne monnaie des Allemands – généralisé à la zone monétaire. Il traduit ainsi du modèle ordolibéral[8] germanique. L’obsession anti-inflationniste de la Banque Centrale Européenne (BCE), quand la plupart des autres grandes banques centrales se préoccupent aussi du plein emploi, en est par exemple le parfait exemple.
Pourquoi une monnaie commune ?
Transformer l’euro actuel en monnaie commune – solution proposée par ou mais aussi et sans oublier et le - peut être une réponse à ces diverses difficultés. Le principe peut sembler complexe à première vue. La monnaie commune est une sorte de SME amélioré. Dans ce système, chaque pays possède sa propre monnaie nationale (des « euros-francs », « euro-lires », …). Celles-ci ne sont pas cotées sur les marchés boursiers et ne sont donc pas soumises aux spéculations des financiers. Elles ne sont pas non plus convertibles directement entre elles mais uniquement au guichet de la BCE avec la monnaie commune (nouvel euro). Cette dernière servirait de moyen de paiement avec les monnaies extérieures à la zone et serait placée sur les marchés financiers. Dans ce contexte, les parités monétaires sont fixes et révisées régulièrement, de telle sorte que les balances courantes[9] sont constamment équilibrées entre les pays européens. Le rôle de la BCE est donc de maintenir les parités. La monnaie commune présente l’avantage de rendre aux États leur liberté en matière de politique monétaire. Il permet aussi d’éviter les pièges des triangles d’incompatibilités de Mundell[10] et de Rodrik[11]. Mais surtout, la monnaie commune met partiellement fin à la guerre économique généralisée à laquelle s’adonnent les pays européens et laisse des marches de manœuvre suffisantes aux États pour mener une politique antilibérale.
La souveraineté économique et monétaire est la condition sine qua non à une réussite du programme économique du Front de gauche – et de tout programme de gauche radicale. La transformation de l’euro de monnaie unique à monnaie commune semble indispensable. De manière concertée, elle minimise les coûts non négligeables de destruction de la devise européenne[12]. Elle permet ensuite de perpétuer une solidarité européenne fragile. Cependant, il est fort probable que tous les États de la zone n’acceptent pas cette proposition – voire la rejettent tous. Dans ce cas, il faudra le courage de sortir unilatéralement de la zone en donnant aux autres économies européennes la possibilité de nous rejoindre, afin de construire autre chose.
Résolution du Parti de Gauche sur l’euro
- Guillaume Etievant - Parti de Gauche : "Soyons prêts à sortir de l'euro....via l’instauration d’une monnaie commune"
Yves Dimicoli PCF : Euro : impasse de la monnaie unique, espace pour une monnaie commune par
- Christian Picquet : "Il faut ouvrir le débat sur l'euro comme monnaie commune"
- Bruno Moschetto : Passer de la monnaie unique à la monnaie commune
- Dominique Garabiol : "La monnaie unique est déjà morte. Vive la monnaie commune!"
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