Retour sur la diffusion le 4 mai dernier par la chaîne LCP du documentaire « Les nouveaux chiens de garde ».
- Rappelons pour tous ceux qui ne l'ont pas vu, que ce film a connu un énorme succès début 2012 avec plus de 250 000 entrées cinéma, ce qui en a fait le documentaire français le plus vu depuis dix ans. Les médias se sont bien gardés de le faire savoir. Normal : « Les nouveaux chiens de garde » mord cruellement les mollets des médias, de leurs propriétaires (Bouygues, Dassault, Bolloré, Lagardère, Pinault, Arnault, Rothschild, Pigasse, Crédit Mutuel, etc.) et de ceux qui les servent, grands présentateurs vedettes, éditorialistes, experts de tout poil.
- Avec courage, le film "Les nouveaux chiens de garde" s’attaque bille en tête aux médias dominants. Et du courage il en faut. Parce qu’avec ces derniers, un seul faux pas et c’est le reflexe corporatiste du tous contre un qui prend le pas. Il n’y a qu’à voir le générique de fin du documentaire. Celui-ci déroule les critiques parues dans les médias, du livre éponyme de Serge Halimi qui a inspiré le film. Elles ne font pas dans la dentelle : toutes sont à charge. Mais qu’importe puisque c’est justement cette unanimité, cachée sous le dehors d’un soi-disant pluralisme, que le documentaire veut dénoncer.
- Et il y parvient allègrement. Le résultat qui mélange images d’archives et enquêtes récentes est percutant. Le documentaire débute avec ces images d’une émission de 1993 dans laquelle Anne Sinclair et Christine Ockrent rient au souvenir du ministre Alain Peyrefitte qui dans les années 60 s’invitait à la télévision pour décider du contenu des programmes. « C’est antique, c’est soviétique », s’esclaffent-elles. Mais, ironie de l’histoire, c’est le spectateur du film qui rit à présent. Quelle douceur de voir en effet ces deux épouses de ministre se draper dans le manteau de l’indépendance dite « moderne » et de la neutralité. Pire, elles ne se rendent même pas compte que cette prétendue indépendance est justement le résultat de la décision du ministre dont elles se moquent. « L’animateur sera comme un meneur de jeu qui devra s’effacer pour laisser la place soit aux images soit aux meilleurs spécialistes d’une question pour permettre une meilleur objectivité et la dépolitisation », annonçait-ce dernier en 1964. Le film montre que c’est précisément ce vieux rêve de droite qui a été réalisé depuis avec zèle par les chantres de la pseudo objectivité journalistique : faire de la politique sans en avoir l’air.
- Et pas n’importe quelle politique. Car derrière le masque se cache la connivence avec les puissances de l’argent : conférences pour la promotion des groupes privés, payées à prix d’or à des présentateurs télé ; faux experts qui se partagent les plateaux et martèlent sans cesse l’unique et même message libéral ; collusion de tout ce petit monde avec celui de la finance lors des fameux diners du Siècle. Bref avec ce film il n’y pas que le roi qui est mis à nu. Ses serviteurs le sont également. Réjouissant.
Jean-Baptiste Celli