«Plus le chômage est élevé, plus le droit de travailler se paie cher», résume la journaliste Valérie Segond[1] dans (publié le 12 octobre aux éditions Stock). Elle nous le fait constater. C'est que certaines situations se sont banalisées: payer sa formation et sa qualification pour voler sous les couleurs de ; payer pour accéder à un stage de reconversion auprès d’une association après un licenciement; payer pour acquérir une franchise et rebondir lorsqu’on est un cadre au chômage.
Mais aussi payer de sa personne en se déqualifiant lorsqu’on est jeune diplômé à des fractions de Smic pour être moins cher que son voisin et espérer pouvoir revendiquer un début d’expérience professionnelle sur son CV. Payer en acceptant aussi des rémunérations qui, dans les services d’aide à la personne, ne couvrent que 70% du travail effectif. Payer aussi, sur son temps, comme cadre en travaillant sans limite dans le système des forfaits jours et en accumulant les heures gratuites jusqu’au burn-out pour atteindre ses objectifs. Ou payer lorsqu’on est auto-entrepreneur et, en faisant l’impasse sur la rentabilité pour obtenir des missions à un coût moins élevé qu’un salarié…
C’est sur la base de tels constats, et en les analysant, que Valérie Segond, dans son livre Va-t-on payer pour travailler?, décrit des réalités qui peuvent être des transgressions au droit du travail, mais pas toujours, loin s’en faut. Et c’est bien le problème.
Voilà un livre salubre que tout le monde devrait lire.
Surtout le premier chapitre, celui sur les pilotes d'avion low cost : ils payent leur formation, leurs heures de vol, leur hôtel, sont auto-entrepreneurs et n'ont donc droit à rien entre deux "missions". Mais Ryanair encaisse. Un cas particulier chez des travailleurs plutôt du haut de l'échelle ? Hélas non, nous dit l'auteure, qui a longuement enquêté.
Et ce qu'elle nous donne à voir n'est pas joli-joli. Des conventions de stage bidon et des pseudo-associations utilisant des contrats d'avenir dans des sociétés commerciales. Des intermittents du spectacle permettant à leur employeur de réduire les coûts salariaux en transférant la note à l'assurance chômage et à la société des auteurs. Des auto-entreprises remplaçant le salariat en assurant plus de flexibilité et moins de charges sociales. Des forfaits jour permettant de faire travailler jusqu'à 60 heures par semaine des personnes payées pour 35 heures, etc.
Certes, l'auteure n'échappe pas toujours au risque de généralisation abusive.
Mais son texte, qui s'appuie sur une documentation solide et des témoignages accablants, convainc le lecteur que, derrière l'économie apparente, il existe une économie réelle bien moins reluisante dans laquelle le maître mot est "exploitation". Elle prospère grâce au chômage de masse et contribue à le maintenir.
Par :
Collection : Hors collection littérature française
EAN : 9782234081765
Disponibilité : chez l'éditeur
Pages : 304
Prix papier TTC : 19 €
Note :
[1] Collaboratrice au journal Le Monde, Valérie Segond, grand reporter et éditorialiste à La Tribune, puis chroniqueuse à France Culture, réalise de grandes enquêtes sur l’économie et le marché du travail.
- «Payer pour travailler», c'est déjà une réalité
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