Retraité d’EDF GDF depuis 15 ans, j’ai fait ma carrière professionnelle à Dijon. Durant 14 ans les adhérents CGT m'ont confié la responsabilité de la région Bourgogne pour EDF GDF, puis j’ai siégé au conseil d’administration de Gaz de France comme administrateur CGT représentant le personnel durant 8 ans, jusqu'à la privatisation en 2004. Voila pourquoi même à la retraite, je suis attentivement les évolutions de mon entreprise.
Politiquement , j’ai milité 23 ans au PCF, membre du secrétariat fédéral de Cote d’or du PCF, plusieurs fois candidat, mais les positionnements de la direction nationale du PCF en 1998/99 favorable à l’ouverture du capital dans les entreprises publiques et le vote à l’AN sur l’ouverture à la concurrence du gaz et de l’électricité mon fait quitter le PCF. Depuis 2016 je suis militant de la France Insoumise.
par Yves Mestas[1] | mis à jour le 11/12/2022
Le nucléaire civil a toujours suscité débat en France depuis la mise en œuvre du programme nucléaire
Il a des avantages et des inconvénients comme tous les moyens de production d’électricité.
La CGT a des positions divergentes sur le sujet. La FNME CGT Energie, défend farouchement la production nucléaire alors que la confédération est beaucoup plus nuancée. Surtout depuis 2020, P Martinez ayant signé avec 18 ONG (dont Greenpeace France, Attac….) un plan de sortie de crise[2] mixant sauvegarde de l’emploi et défense de la planète. Très critiqué par la fédération de l’Energie CGT.
A l’origine, pour justifier la construction du parc nucléaire français en 1973/74, suite au choc pétrolier, était mis en avant les arguments suivant : assurer l’indépendance en électricité du pays pour se substituer aux centrales thermiques (charbon, fioul). Assurer une production d’électricité pour répondre aux besoins à un coût compétitif (sans prendre en compte le démantèlement) et n’émettant pas de gaz à effet de serre. D’autres éléments sont moins évoqués car plus négatifs : l’uranium est importé du Niger et du Kazakhstan[3], l’investissement est très lourd donc l’endettement très important pour l’entreprise et la gestion des déchets que personne ne veut près de son domicile.
Sont venues se greffer, depuis 20 ans, des mesures qui pénalisent l’entreprise EDF.
L’ouverture à la concurrence votée en mars 1999 à l’AN et mise en œuvre progressivement (directive européenne). Depuis 10 ans, l’ARENh sous la pression de Bruxelles, EDF doit vendre à prix coûtant 25% de sa production nucléaire à ses concurrents au prix de 42€ le MWh. Mesure qui vient d’être réajustée par le gouvernement, s’inspirant des négociations du projet « Hercule » entre Le Maire et la commission européenne. Prochainement, EDF sera contrainte de vendre 40% de sa production nucléaire à ses concurrents au prix de 46.20 € le MWh. Tarif très bas vu les prix du marché. Pour mémoire, la commission européenne demandait que le nucléaire soit séparé du groupe EDF et que la totalité de la production nucléaire soit vendue aux concurrents européens. Peut-être un compromis entre la France et Bruxelles ou une étape transitoire ? Un processus de déréglementation auquel le mouvement syndical n’a pas pu s’opposer, quel que soit le gouvernement en place.
Une situation qui prive EDF d’une part importante de sa production nucléaire et contraint l’entreprise, selon les périodes, à acheter de l’électricité sur les marchés européens de l’énergie à des prix exorbitants. La formation des prix des marchés de gros du KWh électricité se fait maintenant sur le cours du marché en fonction du coût de production de la centrale la plus chère (gaz) décidée par Bruxelles en 2016. Conséquences, actuellement 4 réacteurs sont à l’arrêt pour des problèmes de sécurité (Chooz et Civaux) soit 10% de la production nucléaire. EDF doit faire fonctionner ses 2 centrales charbon et importer de l’électricité de Belgique, d’Allemagne et d’Espagne à environ 300€ le MWh (le 22 décembre 2021 près de 400€ le MWh), dans le même temps l’entreprise vend à ses concurrents 25% et demain 40% de sa production nucléaire !
À cela s’ajoute un vieillissement du parc nucléaire français avec régulièrement des incidents et mise en arrêt de tranches.
Les deux tiers des réacteurs auront 40 ans de vie en 2027, soit la durée de vie pour laquelle ils ont été conçus. Le gouvernement et EDF souhaitent prolonger la durée de vie de ces réacteurs avec plus de maintenance de rénovations et le grand carénage, pour un coût estimé à environ 100 milliards d’euros. Autre problème, avec le réchauffement climatique et des étés de sécheresse, les cours d’eau sont bas, ce qui a contraint EDF à des arrêts de tranches.
Autre problème, les déboires de l’EPR de Flamanville. Il nous avait été vendu pour un budget de 3.4 milliards et livré pour fonctionnement en 2012. Suite à une multitude de mal façons et d’incidents, EDF vient d’annoncer un nouveau retard de démarrage pas avant fin 2023 et pour un budget actuel de 12.7 milliards[4], soit un coût multiplié par quatre. La Chine qui a mis ses deux premiers EPR en fonctionnement en 2018 et 2019, actuellement l’un est à l’arrêt pour fuite radioactive. Le sujet fait débat dans la campagne présidentielle avec des programmes de candidats pour la construction de 6/7 EPR de bords politiques très différents et d’autres sont pour une sortie progressive du nucléaire[5]. Quel que soit le président élu le sujet sera d’actualité dans le prochain quinquennat et va accentuer les fractures dans la société française.
Voilà un descriptif qui devrait inciter à la réflexion syndicale
Sécurité avec le vieillissement des centrales, dérèglementation qui pénalise l’entreprise techniquement et financièrement, le consommateur/client ne bénéficie plus du coût compétitif du nucléaire avec ce marché européen de l’énergie et l’ouverture à la concurrence qui devait faire baisser les tarifs, un EPR qui devient un gouffre financier et une production nucléaire financé par EDF qui est de plus en plus au service des concurrents.
Notes :
[1] Retraité, adhérent CGT depuis 1974, Ex-responsable CGT région Bourgogne EDF/GDF, Ex-membre du conseil d’administration de Gaz de France.
[2] Plus Jamais ça : 34 mesures pour un plan de sortie de crise
[3] En 2016, plus des deux tiers de la production mondiale d’uranium provenaient des mines de trois pays dont le Kazakhstan (39,4% de la production mondiale en 2016)
[4] EDF : le coût de Flamanville relevé de 12,4 à 12,7 milliards d'euros
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