Sources : par Jean-Luc Mélenchon
Ceci est un pamphlet.
Mon but est de percer le blindage des béatitudes de tant de commentateurs fascinés par l'Allemagne. Je prends la plume pour alerter : un monstre est né sous yeux, l'enfant de la finance dérégulée et d'un pays qui s'est voué à elle, nécrosé par le vieillissement accéléré de sa population. L'un ne serait rien sans l'autre. Cette alliance est en train de remodeler l'Europe à sa main.
Dès lors, l'Allemagne est, de nouveau, un danger. Le modèle qu'elle impose est, une fois de plus, un recul pour notre civilisation. Ce poison allemand est l'opium des riches. Changer la donne politique et faire changer l'Allemagne sont devenus une seule et même chose. Il faut le faire avant qu'il ne soit trop tard.
Pour en savoir plus sur l'ouvrage
Jean-Luc Mélenchon était ce matin l’invité de J-J. Bourdin sur BFM TV afin de présenter son nouvel ouvrage (dans toutes les bonnes librairies dès demain) : le hareng de Bismarck. A partir de 10’49’’ (!), après les fadaises journalistiques (la famille Le Pen, Hollande...) qui permettent de ne pas laisser l'invité parler de l’essentiel.
Dix ans après la victoire du NON au Traité Constitutionnel Européen (TCE), expression majoritaire du peuple souverain bafoué(e) par les gouvernements successifs, ce livre remet les pendules à l’heure sur la situation ordo libérale actuelle, dont le « modèle » allemand (enfin décrypté tel qu’il est) et son gouvernement sont le moteur.
« Ceux qui ne connaissent pas l’Histoire sont condamnés à la revivre » – L’allemand Karl MARX
Vidéo à retrouver ici :
J.L Mélenchon parle de son livre le hareng de Bismarck chez bourdin 06 mai 2015
« En politique, il faut toujours un ennemi. Dans ce livre, vous en désignez un : les Allemands. Pourquoi eux et non plus les États-Unis ?
Jean-Luc Mélenchon : Vous y allez fort ! Non, ce n’est pas mon état d’esprit. Je ne m’en prends pas à un « génome » allemand qui les pousserait à vouloir toujours dominer. Je ne suis pas en manque d’ennemi. Le mien reste la finance et le productivisme. Mais l‘Allemagne est devenue leur avant-garde. Dès lors non seulement l’Europe n’est plus le grand projet social dont nous rêvions. Mais elle ne garantit plus la paix. Car dans ce concert de nations, l’une d’entre elle, l’Allemagne, prend le pas sur les autres et impose un modèle économique, l’ordolibéralisme. Il sert ses intérêts mais conduit inéluctablement à la catastrophe. Mon livre lance l’alerte. L’Europe va sombrer dans les violences dans les nations comme entre elles. Le supplice de la Grèce le prouve.
Qu’est-ce que l’ordo-libéralisme que vous dénoncez ?
Les Allemands ont inventé cette vieille théorie. Elle professe que la politique est frivole et l’économie sacrée. On sanctuarise donc des règles économiques considérées des lois de la nature. Donc, on les met hors du champ des décisions politiques. En réalité c’est l’emballage d’un égoïsme de classe bien précis. Mme Merkel gouverne un pays en panne démographique. Les retraités toujours plus nombreux forment le gros de ses électeurs ! La retraite par capitalisation des vieillards allemands exige toujours plus de dividendes. Donc moins de salaires et d’investissements. La finance règne. Elle domine le capitalisme allemand grâce à la dérégulation organisée par le PS allemand : un comble !
Dont la règle d’or des déficits ?
Les niveaux des déficits, en effet. Mais aussi la monnaie fétichisée, l’inflation et la dette diabolisés. C’est une vision dogmatique très bornée. Les leaders allemands l’assument sans s’en rendre compte. Ainsi quand l’odieux ministre de l’économie allemande, M. Schaubble, déclare : la France « serait contente que quelqu’un force le Parlement… » il ajoute : « mais c’est difficile, c’est la démocratie ». Cette précision est comme un manifeste de l’ordo-libéralisme : la démocratie est un problème dans la mesure où elle permet au politique de nier le dogme économique sacré. La France, son histoire, sa culture, c’est exactement l’inverse : toutes nos constitutions républicaines se sont mêlées d’économie. Pourquoi devrions-nous renoncer à notre modèle ? A mes yeux il est supérieur au modèle allemand quand il s’agit d’organiser la vie humaine en société ? L’ordo-libéralisme est anti-républicain. Il détruit les liens sociaux et la vie civique.
Pierre Moscovici estime que vous commettez un contre-sens et affirme que Schauble plaisantait…
La servilité de Pierre Moscovici fait honte!
Pardon mais les Allemands ne nous imposent pas grand-chose. Cela fait neuf ans que nous ne respectons pas la règle des 3% de déficit… Donc, l’ordo-libéralisme, on lui donne tourne le dos allégrement !
Ce que vous dîtes est incroyable : des traités inapplicables doivent-ils être sacralisés ? Les traités sont choses humaines. Il faut discuter de leur contenu par rapport à leur résultat. Nage-t-on dans le bonheur en Europe ? Le chômage et la pauvreté martyrisent des masses humaines considérables. Partout l’extrême-droite monte. L’Allemagne, elle, accumule les excédents commerciaux ? Et qu’en fait-elle ? Elle les place sur les marchés financiers car elle a étouffé en Europe, l’activité économique pour les employer. Ce faisant, l’Allemagne alimente elle-même la bulle financière qui va bientôt produire un nouveau désastre en explosant. Bonjour le modèle !
Pensez-vous réellement que François Hollande puisse vendre aux Allemands le modèle français ?
Non. François Hollande a changé de camp. Il roule pour l’ordo-libéralisme. Les Français ne savaient pas qu’en votant Hollande, ils élisaient Merkel. Il a avoué d’ailleurs : « La France veut être le meilleur élève de la classe européenne ». Pour moi la France n’est l’élève de personne et elle peut apprendre beaucoup aux autres ! Tant qu’à faire, sur bien des sujets, mieux vaut qu’elle soit le maitre !
A vous lire, les Allemands usurpent une réputation de sérieux. C’est gonflé, quand même…
En France nous adorons par modes successives, des « modèles ». On a eu droit aux « dragons asiatiques », puis, aux « tigres européens » tels l’Irlande ou l’Espagne. Des tigres de papier, en vérité, qui se sont effondrés avec l’explosion de la bulle financière en 2008. Et revoilà donc, le « modèle allemand », efficace, discipliné. Une illusion ! L’économie allemande est délabrée. Avec des équipements en ruine, et douze millions de pauvres, avec de moins en moins d’enfants, les jeunes qui quittent le pays, des vieux qu’ils relèguent, et une espérance de vie en recul, qui veut être allemand ?
Mon livre reprend le débat européen. On affichait qu’on ferait l’Europe sans défaire la France. Pour l’instant, on défait la France sans faire l’Europe des êtres humains. L’Allemagne nous domine, nous gronde, nous corrige, nous coupe de nos bases méditerranéennes ! Que reste-t-il ? Juste un grand marché qui nie notre modèle colbertiste qui est notre atout. En France, l’entrepreneur se met à la file du peloton ouvert par l’État. Quand on décide de faire des fusées, c’est l’État qui prend les choses en main. Et aujourd’hui, nous avons 50% du marché mondial… Et je pourrai citer bien d’autres exemples. Il n’y a pas une seule réussite européenne qui ne soit, à l’origine, française. Pas une seule ! L’Allemagne nous plombe !
Vous donnez le sentiment que la France n’a plus rien à faire avec l’Allemagne…
Non, je ne dirai pas les choses comme ça. L’Allemagne est là de toute façon. Mais on ne peut accepter sa domination. Mon livre montre ses abus de pouvoir. Et sa manie d’imposer aux autres ce qu’elle croit bon pour elle. La sortie raisonnable, ce n’est pas de s’affronter avec eux mais de les remettre à leur place. Et de porter sans complexe notre propre message universaliste. Le retraité allemand n’est pas seul au monde : il faut aussi prendre en compte le sort des jeunes français et celui de la planète. L’Europe est la première puissance économique du monde. Cela nous impose des responsabilités. Or, l’ordo-libéralisme allemand ne permet pas de les endosser. Aucune ! »
Pour en savoir plus :
- Cécile Duflot critique violemment le « nationalisme étroit » de Jean-Luc Mélenchon
- Réponse à la tribune critique de Cécile Duflot sur le Hareng de Bismarck
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