Nés au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les comités d’entreprise (CE) ont soufflé, le 22 février, leurs 70 bougies. Ils sont nés dans la foulée du programme du Conseil national de la Résistance, qui prévoyait « la participation des travailleurs à la direction de l’économie». L’ordonnance du 22 février 1945, qui les a créés, limitait néanmoins fortement leur pouvoir. 1946, 1982 : plusieurs lois ont permis un approfondissement de leurs attributions, sans que jamais pourtant les élus salariés ne bénéficient d’un droit de veto.
Aujourd’hui, ces élus qui représentent le personnel doivent affronter de nouveaux enjeux. « Les CE s’étaient construits à l’époque de la grande entreprise intégrée, or maintenant, avec le développement de la soustraitance et de l’intérim, nous sommes face à des entreprises éclatées. La première question que doit se poser un CE est : le périmètre juridique sur lequel j’ai mes attributions est-il pertinent ? » explique Olivier Laviolette, codirecteur du cabinet d’expertise Syndex. « Les comités stratégiques de filière qui ont commencé à se mettre en place sont de ce point de vue intéressants même si les entreprises de rang inférieur n’ont pas vraiment gagné plus de lisibilité », poursuit-il. Autre problème majeur, l’internationalisation des sociétés et la complexité de leurs organisations. Dans beaucoup de multinationales, la politique économique n’est plus décidée dans l’Hexagone. Difficile de résister quand le syndicalisme européen, voire mondial, peine à se mettre en place !
Délais plus courts pour s'opposer à un PSE
« Nous assistons aussi à un éclatement des systèmes productifs : la partie industrielle peut être séparée de la partie commerciale », rappelle Olivier Laviolette. C’est la seconde qui génère des profits, tandis que les coûts reposent sur la première. Il est donc possible de prendre prétexte de ses difficultés pour procéder à des licenciements, voire fermer une unité de production. L’entreprise peut même, en organisant l’insolvabilité d’une filiale, faire prendre en charge par la collectivité les frais de licenciement. « Il faut faire reconnaître le co-emploi, montrer que la société mère s’est tellement ingérée dans les affaires de sa filiale qu’elle doit assumer les conséquences de ses actes », note Rachel Saada, avocate spécialisée en droit du travail.
S’ils peuvent avoir recours à des experts, des avocats, les élus de CE peinent souvent à comprendre les montages astucieux des entreprises. « Celles-ci disposent de staffs entiers d’avocats spécialisés en droit commercial fiscal ... » Dans ce contexte difficile, plusieurs dispositions législatives fragilisent encore les CE. La loi de sécurisation de l’emploi adoptée en juin 2013 raccourcit les délais pour s’opposer à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
« Il n’est plus possible de faire durer les discussions en saisissant le juge. Si aucun accord n’est trouvé entre le CE et l’employeur, celui-ci a même la possibilité de faire homologuer le PSA par la DIRECCTE », détaille l’avocate. Il n’est, en outre, plus possible de contester un PSE devant le tribunal de grande instance, seulement devant le tribunal administratif. « On prive les CE de 30 ans de jurisprudence ! » s’alarme-t-elle.
Incertitudes sur le devenir des CHSCT
La loi Macron prévoit, elle, un allégement du délit d’entrave : en cas de non-respect de ses obligations, un employeur ne pourra plus être condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis. Une décision à la portée symbolique. « Cela insuffle l’idée qu’on peut commettre des infractions, il suffit de payer », s’indigne l’avocate. Reste aussi à connaître les contours de la nouvelle loi sur le dialogue social : les délégations uniques, qui fondent en une seule instance élus du CE et délégués du personnel, actuellement possibles pour les entreprises de 50 à 200 salariés, devraient être étendues aux entreprises de moins de 300 salariés. Des incertitudes pèsent encore sur le devenir des CHSCT, cette instance qui a pris au cours des dix dernières années de plus en plus d’importance. Le MEDEF souhaiterait qu’elle ne soit plus qu’une commission des conseils d’entreprise qui remplaceraient les CE.
« L’enjeu actuel est celui du renouvellement des élus ». La parole à Eric Perron, secrétaire du CE de Vencorex. « Sur la plate-forme chimique de Pont-de-Claix, nous travaillions tous pour Rhône-Poulenc. L’usine comptait 2 500 salariés. Maintenant la plate-forme ne compte plus qu’un peu plus de 700 salariés et l’entreprise a été éclatée en de nombreuses sociétés. Nous avons obtenu qu’un système de conventions se mette en place, et qu’en ce qui concerne les activités sociales et culturelles, il y ait un CE de site. À la CGT, nous avons aussi mis en place un syndicat de site qui rassemble 3 ou 4 salariés de chaque entreprise. L’enjeu auquel nous sommes confrontés actuellement est celui du renouvellement des élus. La moyenne d’âge frôle les 50 ans et nous ne voyons pas de relève. Il faut dire que la discrimination syndicale dont nous avons été victimes à la CGT a de quoi faire hésiter les jeunes à s’engager. »
Dans cette vidéo, le secrétaire général de la CGT explique devant le Club de la Presse d’Europe 1 ce que la CGT entendait porter lors de la rencontre avec Manuel Valls
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